1Le développement des incubateurs en France a connu plusieurs étapes. L’année 1999 a notamment marqué un tournant avec la loi du 12 juillet sur l’innovation et la recherche et le développement d’incubateurs régionaux qu’elle a permis. Depuis le début des années 2000, un autre phénomène s’est amplifié : le développement d’accélérateurs et d’incubateurs dans les établissements d’enseignement supérieur. En outre, ces dernières années, les pouvoirs publics affichent une volonté claire de promouvoir l’entrepreneuriat étudiant et ces incubateurs sont mis au service de cette volonté publique. Ces développements impliquent de nouveaux défis que notre dossier vise à décrypter.
2Les articles présentés ici s’intéressent tout d’abord aux premières étapes suivies par un porteur de projet étudiant. Christophe Leyronas et Stéphanie Loup se concentrent ainsi sur la phase qui précède l’entrée en incubation des porteurs de projets étudiants. Ils mettent l’accent sur le fait que l’accompagnement prodigué durant cette étape dite de « pré-incubation », qui s’intéresse à la faisabilité d’un projet et vise à préparer une première ébauche de modèle économique, permet aux intéressés de développer certaines compétences entrepreneuriales. Ces compétences pourront ensuite être déployées pour la mise en place du projet ou mobilisées au sein d’entreprises existantes. Servane Delanoë-Gueguen présente ensuite les spécificités des incubateurs étudiants. En se basant sur des besoins identifiés pour les porteurs de projets en général, elle montre en quoi les incubateurs des business schools permettent de répondre aux spécificités de l’entrepreneuriat étudiant, caractérisé par le handicap de la nouveauté et le manque de capital humain et social des jeunes. Elle illustre ainsi les spécificités de ces incubateurs dont le nombre s’est fortement accru ces dernières années. Enfin, Jacques Arlotto, Jean-Claude Pacitto et Joël Saingré montrent comment, lors de leur développement récent, des incubateurs de l’enseignement supérieur ont fait le choix de collaborer au travers d’un réseau. Ils reviennent pour nous sur le développement du réseau IES!, les motivations qui ont présidé à sa fondation et ses premières réalisations.
3Retis, l’un des acteurs majeurs du paysage entrepreneurial, est représenté ici en la personne de son président, Patrick Valverde. Dans un entretien réalisé par Wadid Lamine, il ouvre les portes du premier réseau français de structures d’accompagnement à la création d’entreprise, pièce maîtresse dans la dynamique de développement territorial. Dans une approche chronologique, le président de Retis présente l’évolution historique de ce réseau, depuis l’initiative France Technopole, il y a maintenant trente ans, jusqu’à aujourd’hui. Cet entretien illustre les différentes étapes, transformations, interactions et défis par lesquels est passé le réseau pour arriver à son organisation actuelle composée de trois collèges : les technopoles, les incubateurs et les CEEI. Il met en avant les principales réalisations des membres de ce réseau, notamment en termes de contribution au développement de l’innovation et de l’entrepreneuriat sur les territoires. Cependant, Retis se trouve aujourd‘hui confronté à des nouveaux défis, notamment à la raréfaction des ressources, aux évolutions technologiques et aux nouvelles décisions politiques. Face à ces enjeux, une des solutions envisageables serait de moderniser le modèle d’affaires du réseau et d’adapter l’offre de ses membres à la nouvelle demande. Par exemple, Patrick Valverde propose de développer davantage des structures de type « accélérateur », un format qui ne cesse de se développer aux États-Unis depuis 2005 et qui commence à susciter l’intérêt des pouvoirs publics en Europe.
4C’est l’idée que défend Jean-Jacques Degroof dans le résumé qu’il a réalisé de l’article de Bill Aulet, de la MIT Sloan School of Management. Bill Aulet part du constat que, ces dernières années, l’intérêt pour les incubateurs et les accélérateurs s’est accru. On utilise souvent ces termes de manière interchangeable, mais il rappelle avec raison qu’il s’agit de deux modèles fort contrastés. Dans son article, Bill Aulet mène une étude comparative entre un groupe d’étudiants accompagnés par une structure de type « accélérateur » et un autre groupe accompagné par un incubateur. En se basant sur les résultats de cette étude, l’auteur suggère que des programmes et des structures d’accompagnement de type « accélérateur » doivent être conçus pour éviter la stagnation et créer un impact maximum sur la croissance des projets entrepreneuriaux.
5Le dossier se termine par une recension de l’ouvrage intitulé « Science and Technology Based Regional Entrepreneurship : Global Experience in Policy and Program », dont l’auteur, Sarfraz Mian, offre au lecteur une panoplie de dispositifs d’incubation à travers le monde. L’ouvrage présente un éventail de pays en se focalisant sur des études de cas qui couvrent toutes les zones géographiques à travers le monde. Les pays représentés ont été sélectionnés sur la base des évolutions historiques de leur engagement dans le développement des structures d’accompagnement à la création d’entreprise technologique. Il s’agit d’un document descriptif qui laisse la liberté au lecteur d’opérer des comparaisons et de se forger son propre jugement. Chaque chapitre met en avant les leçons tirées du cas étudié et des implications managériales et politiques. En adoptant une approche globale, l’auteur a réussi à présenter une description assez large des stratégies employées dans chaque pays afin de développer les activités entrepreneuriales. Il propose une bonne vitrine aux chercheurs et aux praticiens qui souhaitent avoir une idée rapide et concise sur les dispositifs d’incubation à travers le monde. Une des contributions clés de cet ouvrage consiste à montrer qu’il n’existe pas d’approche idéale pour instaurer des dispositifs d’incubation efficaces, mais il met à la disposition des décideurs politiques et des praticiens une collection des meilleures pratiques dans le monde.
6Ce numéro est complété par une interview d’Anne Chaillot par Jérémie Renouf sur la stratégie et les pratiques d’essaimage à EDF et un article de Maud Grégoire et Guillaume Delalieux qui montre les difficultés d’une reprise d’entreprise sous forme coopérative après un dépôt de bilan.
7Nous souhaitons dédier ce numéro à la mémoire de Jacques Arlotto. L’article présenté dans ce numéro, qu’il avait co-écrit avec ses collègues et amis Jean-Claude Pacitto et Joël Saingré, présente un projet qui lui tenait à cœur et dont il avait été un des membres fondateurs : le réseau des incubateurs de l’enseignement supérieur. Jacques nous a quittés le 8 avril 2015. Ceux qui l’ont côtoyé mettent tous en avant sa gentillesse et sa passion pour l’entrepreneuriat. Nous tenions à lui rendre hommage.