CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Points forts

  • L’essentiel des dispositifs de soutien aux nouveaux entrepreneurs est conçu pour les créateurs. La population des repreneurs ne fait pas l’objet de démarches spécifiques.
  • Les besoins des repreneurs sont de nature variée et peuvent relever de différents registres : conduite, guidage ou escorte.
  • Les pratiques de counselling , de mentorat ou de coaching pourraient aider à accompagner le développement des projets et de l’identité du repreneur.

1 Depuis plus d’une décennie, des efforts structurés sont menés par les pouvoirs politiques ou les entrepreneurs eux-mêmes pour stimuler l’intention entrepreneuriale (création du statut d’auto-entrepreneur, actions en faveur de l’enseignement de l’entrepreneuriat du collège à l’université, etc.). Dans cette perspective, la thématique de l’accompagnement de l’entrepreneur sur le chemin de la réussite est de plus en plus présente. Mais, la plupart des actions, en se voulant génériques, s’avèrent davantage formatées pour le groupe dominant des entrepreneurs, à savoir les créateurs. Or le volume croissant des TPE et PME transmises [1] doit nous pousser à nous interroger sur les mesures et dispositifs existants ou à créer spécifiquement pour l’accompagnement des repreneurs, qu’il s’agisse de repreneurs externes ou de successeurs familiaux.

2 Quelles sont donc les pratiques d’accompagnement offertes aux repreneurs ? Quelles sont leurs caractéristiques et leurs finalités ? Notre article propose de faire le point sur ces outils spécifiques au transfert d’entreprise.

Quel sens attribue-t-on à l’accompagnement ?

3 Derrière le mot « accompagnement » se loge une multitude de pratiques, de postures, de représentations. C’est ce que révèle le travail de Maela Paul [2] qui met en avant trois « registres » fondamentaux de l’accompagnement : conduire, guider et escorter (cf encadré 1). Chaque registre repose alors sur des conceptions spécifiques de la relation accompagnant-accompagné et du processus d’apprentissage. Après avoir présenté ces registres génériques, nous les utilisons pour caractériser les pratiques les plus courantes d’accompagnement. [3]

Les trois registres fondamentaux de l’accompagnement (selon M. Paul, 2004)

« Conduire » caractérise, dans un rapport d’autorité, des relations de type maître (celui qui sait et qui transmet) à élève. Si le but de l’accompagnement est, certes, fixé par l’accompagné, le sens de la relation est unidirectionnel (de l’accompagnateur vers l’accompagné). Ce registre concerne, par exemple, les activités de formation, de transfert de savoir-faire ou de connaissances.
« Guider » suppose un échange bidirectionnel dans le cadre d’une co-construction des savoirs. La relation d’accompagnement passe par un processus autoréflexif visant à aider l’accompagné à forger ses propres solutions en vue d’atteindre les objectifs qu’il se sera fixés. Il doit choisir une orientation dans une dynamique de développement supposant connaissance de soi (capacité à se situer) et projection de soi (orientation).
« Escorter » véhicule l’idée de protection, d’attention portée à autrui (qui serait en difficulté) dans une dynamique de construction ou de rétablissement, où l’accompagnateur est impliqué au côté de l’accompagné (il partage le risque du fait de la mise à disposition de ressources, de garanties). La relation qui les unit est aussi tournée vers l’extérieur de la dyade qu’ils constituent (pour protéger des menaces, mais aussi pour aider à capter des opportunités). Celui qui escorte va protéger, secourir, soutenir, ce qui peut passer par l’accueil ou l’introduction (dans un cercle, etc.).

4 À l’aide de ces trois registres, nous pouvons analyser les caractéristiques de plusieurs pratiques d’accompagnement relativement courantes. Il convient de noter que nous présentons les pratiques telles qu’elles sont théoriquement définies. Toutefois, derrière ces terminologies a priori standards, se révèlent des pratiques parfois plus hétérogènes.

5 La formation est la pratique sans doute la plus connue. Elle consiste en la diffusion, d’un contenu à un collectif par un individu expert. Elle repose sur la transmission plutôt impersonnelle de savoirs standardisés et permet difficilement de prendre en compte la singularité des situations des apprenants (elle est générique et peu personnalisée). Résolument dans un rapport de « maître/élève », la formation se situe du côté de « conduire ».

6 Le conseil d’expert repose sur la mobilisation d’une personne experte pour analyser une problématique spécifique et complexe, et formuler des recommandations. L’idée est d’introduire l’œil extérieur d’un spécialiste afin d’améliorer le fonctionnement ou la performance d’une organisation. La relation entre l’expert et son client (le conseil d’expert est payant, sinon il s’agit d’un autre registre d’intervention de l’expert, voir ci-après) est asymétrique dans le sens où elle met en scène une personne qui est supposée « savoir » et un client « néophyte ». Par l’expertise qui va être transmise, ce conseil d’expert se situe dans le registre de la « conduite ».

7 Le counselling est une pratique de soutien moral, largement basée sur l’écoute, qui vise à aider une personne face à des problèmes d’orientation, ou d’adaptation. L’empathie de l’accompagnateur est centrale pour assurer le dialogue, pour faciliter le développement individuel, en vue de trouver « un bon chemin » pour s’en sortir ou réussir. La posture est presque du registre patient/thérapeute. Le counselling s’inscrit dans le champ du « guidage » puisque l’accompagnateur est protecteur et permet l’éveil de l’accompagné.

8 Le tutorat s’inscrit à la croisée de deux logiques. La première est d’ordre technique car elle est orientée vers l’acquisition de savoir-faire. La seconde est de l’ordre de la socialisation et de l’intégration dans, et par le travail. Le tuteur doit faciliter l’articulation entre théorie et pratique en proposant un transfert d’expérience et un retour sur l’action du tutoré. Du fait de ses fonctions socialisatrices et pédagogiques, le tutorat se situe aujourd’hui dans le champ de l’« escorte », impliquant protection et surveillance. Il suppose une attitude de « grand frère » dont l’objectif est d’aider son cadet à grandir.

9 Le mentorat fait référence à la figure de Mentor, guide et conseiller de Télémaque, fils d’Ulysse. Le mentor fait bénéficier de l’expérience d’un aîné à un novice, avec lequel il noue une relation, plutôt affective, sur le long terme. Le mentor est chargé de l’introduire ou de l’accueillir dans de nouveaux cercles, de l’orienter dans ses projets, tout en veillant à sa sécurité. Il développe une figure paternaliste qui s’apparente à celle d’un directeur de conscience, d’un maître spirituel ou d’un pédagogue, d’un modèle. En tension entre transmission et protection, le mentorat se place alors à l’articulation de « conduire » et « escorter ».

10 Le coaching est une prise en charge proposant une réponse « à la carte » pour l’accompagnement d’un individu dans son contexte professionnel sur le moyen terme. Grâce à un côte-à-côte bienveillant, le coach apparaît comme un partenaire qui apporte une écoute attentive dans un espace sécurisé. Si certains coachs adoptent des postures directives, la majorité revendique le retrait ou la co-construction pour favoriser l’expression par le client de sa propre solution [4] et ce dans une logique plus partenariale. Compte tenu de son caractère adaptable à la situation et aux exigences du coaché, le coaching n’appartient pas seulement au champ de la conduite, mais offre un accompagnement à plusieurs formes, embrassant les registres du « guidage » et de « l’escorte ».

11 La figure 1 positionne les pratiques courantes d’accompagnement dans leur registre.

Figure 1

Pratiques et registres de l’accompagnement

Figure 1

Pratiques et registres de l’accompagnement

Quels sont les registres de l’accompagnement à la disposition du repreneur d’entreprise ?

12 Les rares recherches menées sur l’accompagnement des repreneurs montrent que peu de dispositifs d’accompagnement spécifiques existent [5]. Deux ont pourtant été identifiés : le premier, d’ordre législatif, est porté par le cédant qui accompagne le repreneur, alors que le second, relevant de l’action de la fédération européenne des CCI (instance de coordination), est proposé par des experts à la disposition des repreneurs pour combler leurs lacunes en termes de compétences en gestion (les compétences techniques ne sont pas traitées dans ce tutorat). Si ces deux pratiques ont été dénommées « tutorat » par les organismes dont elles émanent, leur analyse montre qu’elles ne revêtent pas le sens du tutorat tel qu’on l’a précédemment défini. Au-delà de ces pratiques spécifiques, il convient toutefois de souligner que d’autres outils – non spécifiques – sont à disposition du repreneur ou de l’aspirant repreneur. Ainsi, par exemple, le CRA (club des Cédants et Repreneurs d’Affaires) propose une formation et des conseils d’experts pour aider à la préparation de la reprise (étude des dossiers d’entreprise). Le registre se situe dans la conduite, même si par les discussions entre les différents aspirants repreneurs, il existe une sorte de tutorat collectif spontané (davantage dans le registre de l’escorte). Par ailleurs, des repreneurs peuvent intégrer le Réseau Entreprendre [6]. Les bénéficiaires du financement reçoivent dans ce cas un accompagnement par un parrain. Le rôle de ce dernier se situe entre la conduite et l’escorte dans la mesure où il devient un référent pour le repreneur et un expert sur lequel s’appuyer. Ce même réseau apporte également un soutien solidaire entre les chefs d’entreprise, qui n’apparaît pas en tant que pratique spécifique d’accompagnement mais qui se rapproche du registre du guidage, chacun émettant un avis sur le quotidien du repreneur.

13 1. Le « tutorat du repreneur par le cédant » (article L129-1 du code de commerce de 2005, modernisé en 2008) semble relever de la conduite et de l’escorte. En effet, si le cédant se place dans le cadre strict de la loi, c’est-à-dire lorsqu’il « vise à assurer la transmission au cessionnaire de [son] expérience professionnelle acquise en tant que chef de l’entreprise cédée » – Décret n° 2007-478), son rôle est de réaliser le transfert de son savoir-faire et de ses connaissances ; il est alors dans une posture de conduite. Ensuite, quand le cédant facilite l’intégration du repreneur auprès des différentes parties prenantes (salariés, clients, banquier, etc.) pour qu’il y soit reconnu et accepté, cet accompagnement est du registre de l’escorte. L’expérience montre que ce type d’accompagnement est difficile à assumer pour le cédant – voire parfois contre-productif, car le cédant a du mal à se détacher de l’entreprise et à passer réellement la main. On voit que dans ce dispositif, le registre du « guidage » et son implicite dimension bidirectionnelle entre le cédant et le repreneur n’est pas présent. Le cédant n’intervient pas sur la destinée que se choisit le repreneur, il exerce plutôt un droit de réserve sur l’orientation à donner, donc il ne guide pas. Les intrusions du cédant en matière de stratégie sont le plus souvent mal perçues, chaque partie ayant du mal à trouver sa place et à assumer son changement de rôle.

14 2. Le second « tutorat », celui des CCI [7], a été pensé et utilisé comme un support technique, sous forme d’accès gratuit et ciblé à une formation ou une expertise fonctionnelle. Il consistait à fournir aux repreneurs (de moins d’un an et de moins de 50 salariés), dans 13 pays européens, un accompagnement « sur-mesure » de dix jours, pour les aider à réussir leur reprise. Dans l’esprit, le tutorat est avant tout pédagogique et se place dans le registre de la « conduite ». En ce sens, il s’est avéré efficace pour la résolution, par un expert externe, de problèmes aisément identifiables (dans le cadre d’un transfert de connaissances et/ou de savoir-faire). Cependant, certains experts sont sortis de leur rôle de formateur pour « guider » les repreneurs dans leur(s) propre(s) processus de décision soit en proposant des options nouvelles [« Le tutorat m’a obligé à réfléchir sur des actions à mener et m’a obligé à déléguer »], soit en ratifiant des propositions du repreneur [« C’est le tuteur qui a suggéré de proposer des formules plutôt qu’une offre découpée (…) on y avait déjà pensé mais là ça permet de se rassurer, on se sent dans le vrai. »].

15 Ce guidage, apparu spontanément, a été reçu positivement dans la mesure où il rompt l’isolement du dirigeant repreneur. Il renforce sa confiance dans la prise de décision. Il l’oblige à formaliser les options envisagées. Les démarches de parrainage proposées par certains réseaux de dirigeants (le Réseau Entreprendre, par exemple) insistent sur cet échange, même si leur démarche n’est pas spécifique aux repreneurs.

16 Pour autant, d’autres repreneurs bénéficiaires de ce « tutorat », sans vision claire ou avec une vision faussée de leur projet de reprise n’ont pas perçu le besoin d’être guidés [« Je n’avais pas réellement de besoins par rapport à ce qui m’était proposé puisque je continuais l’activité de la cédante »]. D’autres ont avoué avoir éprouvé des difficultés à exprimer leurs besoins du fait de l’enchevêtrement de microdécisions à démêler et donc n’étaient pas en capacité de demander un « guidage ». D’autres encore ont constaté le besoin de guidage sans le trouver auprès de leur interlocuteur. Le guidage semble donc se présenter comme un registre utile, à condition de le rendre visible et accessible et de mettre en place une démarche adaptée d’accompagnement. Celle-ci demande du temps et pourrait passer par l’écoute, préalable à la formulation d’un diagnostic, qui permet de proposer des solutions.

Renforcer le guidage au travers du counselling, du mentorat et du coaching

17 Il semble que les dispositifs actuels destinés aux repreneurs, faisant la part belle au transfert de connaissance et relevant en cela de la conduite, soient d’une part davantage centrés sur le cédant (qui a à transmettre un savoir) que sur le repreneur (qui pourrait puiser dans ses propres ressources). D’autre part, les deux tutorats se concentrent sur la phase d’immédiate entrée dans l’entreprise, davantage que sur le moyen terme. Ils apparaissent donc d’application restreinte et font l’impasse sur d’autres besoins du repreneur, appelant alors d’autres registres de l’accompagnement. Si l’absence de la dimension « guidage » peut s’expliquer par une vision très claire de la stratégie du repreneur qui n’appelle pas un besoin spécifique, nos observations montrent qu’elle relève parfois d’une absence d’initiative par rapport à la stratégie initiée par le cédant. Alors que cette façon de procéder semble viable en situation de grande stabilité, elle s’avère risquée en cas de changement dans les conditions d’exercices de l’entreprise (départ d’un salarié important, perte d’un client, etc.).

18 C’est aussi sous-estimer que les besoins d’accompagnement du repreneur sont variés (connaissances, aide à la prise de décision, échanges, etc.) et évolutifs au cours du processus repreneurial. Aussi, les différents registres de l’accompagnement peuvent s’avérer pertinents, et ce, bien au-delà du transfert de savoir-faire envisagé par les « tutorats » présentés précédemment. Le registre de « guidage » dans l’accompagnement du repreneur, en complément de la « conduite » et/ou de « l’escorte » est important. D’après notre grille de lecture (Cf. figure 1), le registre de guidage est présent dans les pratiques de counselling, mentorat et coaching. « Un accompagnement plus long serait bien pour être plus en confiance, pour pouvoir gérer des problèmes moins urgents », telle est la demande d’un repreneur bénéficiaire du tutorat CCI. Dans quelle mesure les trois pratiques associées au guidage seraient-elles utiles au repreneur ?

19 Lors du processus d’entrée, le repreneur externe doit se démarquer du cédant, tout en ne déstabilisant pas trop l’organisation [8] ; il navigue donc entre continuité et changement. Par ailleurs, cette étape est marquée par un cheminement personnel fort du repreneur : changement de statut personnel, changements pour l’organisation. Le counsellor, par sa posture empathique au plus près des besoins personnels du client, peut faciliter une décision, ainsi éclairée par l’écoute et le dialogue. Le counselling prend également sens lors de l’étape de consolidation du projet de reprise en ce qu’il permet d’asseoir de manière souple les décisions prises. Il représente un interlocuteur répondant au besoin de soutien dans les prises de décision. Dans le cadre des successions familiales, le counsellor, s’il est spécialiste de l’entreprise familiale est un bon interlocuteur pour démêler les questions familiales des problématiques relatives à l’entreprise.

20 Le mentor, du fait de son expérience va souvent être rassurant. Il incarne une certaine forme de connaissances et d’expertises qui sont très utiles à la fois dans la phase de reprise (recherche et évaluation de la cible), mais aussi dans la phase d’entrée dans l’entreprise achetée, pour étudier les perspectives de développement de la reprise. Ce guide permet d’éclairer des prises de décisions ou des actions urgentes à mener. Dans l’entreprise familiale, c’est souvent le prédécesseur (le père dans la plupart des cas) qui joue ce rôle auprès de ses enfants successeurs [9]?

21 Le coach est, en tant que tiers, celui qui va faciliter la différenciation entre les désirs personnels et les conditions concrètes d’inscription de l’action dans la réalité. Ainsi le coach favorise-t-il la formulation par le coaché d’alternatives dans un processus de prise de distance par rapport au projet. Il favorise la prise de hauteur du repreneur et doit l’inciter à ne pas se faire accaparer par les exigences opérationnelles de son organisation. Aux compétences techniques traditionnellement transmises dans le cadre classique des formations, les entrepreneurs doivent ajouter la possession de qualités humaines, relationnelles et stratégiques. L’accompagnement peut toucher le savoir-être entrepreneurial. Le coaching entrepreneurial semble prometteur dans ce cadre [10], même si son acceptation n’est pas exempte de difficultés [11]. Dans le cas de succession familiale, le coach peut aider le(s) nouveau(x) dirigeant(s) à prendre sa place et trouver sa légitimité face au prédécesseur.

Réévaluer les registres de l’accompagnement

22 L’analyse de la logique de l’accompagnement met en avant trois éléments clés : (1) l’accompagné (dont les besoins liés à son histoire, sa formation et son expérience, sont à la fois variables d’un cas à l’autre mais de spectre large), (2) la problématique de la reprise (liée aux caractéristiques de l’entreprise, de son environnement et des phases du processus de reprise) et (3) l’accompagnateur (dont le rôle varie selon les registres d’intervention entre guidage, conduite, escorte). Dans chacun des trois registres que nous avons étudiés, ces éléments s’articulent de manière spécifique.

23 Ainsi, dans la conduite, le repreneur est face à un manque (un déficit de connaissance, un manque de savoir-faire, une absence d’expertise), l’accompagnateur « idéal » doit alors avoir la capacité de le combler. Dans une logique d’escorte, l’accompagnateur doit agir comme un intermédiaire entre le repreneur et une autre partie prenante (des clients, un réseau externe, les salariés, etc.). Dans ces deux cas, l’accompagnateur jouit d’une position dominante (de formateur, de protecteur, d’initié). Il renforce des ressources, développe des compétences, mais ne bouscule pas le repreneur dans ses certitudes. Dans le guidage, l’accompagnateur agit entre le repreneur et son projet, la reprise de l’entreprise. Il se doit d’être neutre par rapport aux différents intérêts en place et cherche à provoquer une réévaluation permanente de la position du repreneur dans son processus de décision. Il cherche à renforcer la position du repreneur, notamment dans sa capacité à formuler ses intentions stratégiques et produire une vision pour l’entreprise reprise.

24 Alors que les dispositifs existants du repreneur semblent centrés sur le registre de la conduite, nos analyses soulignent la dimension fondamentale du guidage dans l’accompagnement du repreneur d’entreprise (interne ou externe). Le registre du guidage permet en effet de sortir d’une vision court-termiste centrée sur la transmission du cédant pour se focaliser sur la palette variée des besoins du repreneur, perçu comme doté de ressources potentielles (et non comme celui qui doit seulement recevoir). Une réévaluation des registres de l’accompagnement des repreneurs serait de nature à enrichir les pratiques et, in fine, à améliorer les processus repreneuriaux. Les pratiques de counselling, mentorat ou de coaching, pourraient aider à accompagner le développement des projets et de l’identité du repreneur. En effet, d’une part, ces pratiques favorisent le décentrage et la prise de recul favorables à des prises de décisions « éclairées », et le détournent du quotidien de son entreprise. D’autre part, la présence d’un accompagnateur neutre (ni cédant, ni prestataire potentiel) à la relation entre le repreneur et son entreprise renforce la confiance que le dirigeant va avoir dans la prise de ses propres décisions.

Notes

  • [1]
    KPMG, (2008), « La transmission des entreprises industrielles, un enjeu plus fort en France qu’en Europe », Étude pour le ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi (MEIE).
  • [2]
    Paul, M, (2003), « Ce qu’accompagner veut dire », Revue scientifique Carriérologie, vol. 9, n° 1, pp. 121-144.
  • [3]
    Le compagnonnage, le sponsoring (plus collectif/organisationnel) et le parrainage sont écartés de cette réflexion.
  • [4]
    Fatien Diochon, P, et Nizet, J, (2012) Le coaching dans les organisations, La Découverte. En ligne
  • [5]
    Deschamps, B, Geindre, S, Picard, C, Thevenard-Puthod, C, (2008), « L’accompagnement post-reprise : présentation et premières analyses d’un tutorat en test en Europe », 11ème journée de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Reims Management School, Reims, 20 novembre, 16 p.
    Deschamps, B, Paturel, R, (2009), Reprendre une entreprise, de l’intention à l’intégration, Dunod, collection Entrepreneurs, Paris, 3e édition, 216 p.
  • [6]
  • [7]
    Le test de ce dispositif s’est terminé en 2009 et à l’heure actuelle, il ne semble pas que cette mesure soit poursuivie ou généralisée.
  • [8]
    Boussaguet, S, (2005), L’entrée dans l’entreprise du repreneur : un processus de socialisation repreneuriale, Thèse de Doctorat : Sciences de Gestion, Faculté d’Administration et Gestion, Université Montpellier I, 13 décembre 2005, 449 p.
  • [9]
    Cadieux, L. (2005), « La succession dans les PME familiales : proposition d’un modèle de réussite du processus de désengagement du prédécesseur », Revue internationale PME, vol. 18, n° 3-4, p. 31-49.
  • [10]
    Couteret, P, Audet, J, (2008), « Le coaching comme mode d’ accompagnement de l’ entrepreneur », Revue Internationale de psychosociologie, numéro 27, pp. 141-160.
  • [11]
    Cloet, H, VERNAZOBRES, P, (2012), « La place du coaching dans l’accompagnement de l’entrepreneuriat : l’évolution des idées et des pratiques en France, sa traduction dans les faits en Languedoc-Roussillon », Management & Avenir, numéro 3, volume 53, pp. 121-141.
Français

La reprise d’entreprise est une pratique entrepreneuriale spécifique bénéficiant pourtant de peu de dispositifs d’accompagnement propres. Notre analyse de deux dispositifs existants met en avant leur caractère directif et court termiste, ce qui s’avère limitant dans un environnement complexe et évolutif. C’est pourquoi nous montrons les apports potentiels de pratiques moins portées sur la transmission de savoir ou d’expertise que sur la stimulation de la réflexion : comme le counselling, le mentorat et le coaching.

Sébastien Geindre
Sébastien Geindre est Maître de conférences en management stratégique à l’IAE de Grenoble et Chercheur au CERAG. Ses travaux portent principalement sur les réseaux
Bérangère Deschamps
Bérangère Deschamps est Maïtre de conférences à l’IAE de Grenoble et chercheure au CERAG. Elle est responsable du Master Entrepreneuriat de l’IAE de Grenoble. Ses recherches portent sur le processus repreneurial et la succession familiale à plusieurs.
Pauline Fatien-Diochon
Pauline Fatien Diochon est enseignant-chercheur en management (Menlo College, USA et IAE Lyon, France). Ses travaux explorent le rôle du coaching dans les organisations au travers de thématiques comme le pouvoir, l’éthique, les discours critiques, la réflexivité, l’interculturel.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/08/2014
https://doi.org/10.3917/entin.021.0038
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