1Didier Roche est président de l’Union Professionnelle des Travailleurs Indépendants Handicapés (UPTIH), Handipreneur, co-Fondateur des restaurants dans le noir et des SPA dans le noir.
2Didier Roche est né à Chartres en 1971. Il a perdu la vue suite à un accident à l’âge de six ans. En 1995, âgé de 24 ans, il crée sa première entreprise, Itack, spécialisée dans les biens et services pour aveugles et déficients visuels. Il la revend par la suite pour cofonder une nouvelle entreprise de conseil et devient salarié à mi-temps au sein d’une mutuelle.
3En 2004, Didier Roche cofonde le fonds d’investissement Ethik Investment dont il est le directeur général, et fonde la chaîne de restaurants « Dans le Noir ? »
4Le concept est le suivant : les clients dînent dans l’obscurité, guidés et servis par des aveugles. Ces restaurants ouvrent dans plusieurs villes : Londres, Barcelone, New York ou encore Saint-Pétersbourg. En 2011, Didier Roche crée l’institut d’esthétique et de bien-être Spa dans le noir, où les esthéticiennes sont aveugles et handicapées visuelles. Didier Roche crée l’Union Professionnelle des Travailleurs Indépendants Handicapés (UPTIH) destinée aux 58 000 personnes en France vivant sous ce statut. Il en est l’actuel président.
5L’UPTIH [1] situe son action en amont des structures d’accompagnement existantes et elle est le seul acteur qui s’occupe spécifiquement des porteurs de projets en situation de handicap. L’association accueille les entrepreneurs en herbe, répond à leurs demandes d’informations et propose un accompagnement adapté à leurs besoins spécifiques, notamment liés à leur situation de handicap. Elle les accompagne dans la réalisation de leur Business Plan, en amont de la plupart des structures d’accompagnement, qui interviennent rarement sur la phase allant de l’idée à la structuration du projet. L’association s’adresse à toute personne handicapée souhaitant créer ou ayant créé sa propre activité. Un public non pris en charge actuellement par les dispositifs de droits communs.
6L’UPTIH s’est associé en 2012 avec la chaire « Entrepreneurship & Sustainable Business » de l’ESG Management School. Ce partenariat a permis d’accompagner, sur la base d’un protocole de recherche, quatre handipreneurs. Une expérience qui s’est soldée par la mise en place d’un programme d’accompagnement faisant intervenir quatre catégories d’acteurs : expert de l’accompagnement, professeur-chercheur, étudiant du Master Entrepreneuriat et handipreneur sélectionné par l’UPTIH.
7Cette démarche est riche en enseignements :
- Travail de recherche sur les spécificités du processus d’accompagnement, les motivations et l’intention entrepreneuriale des handipreneurs.
- Réel apprentissage pour les étudiants du Master Entrepreneuriat de l’ESG Management School, tant sur le niveau pratique de la réalisation d’un Business Plan qu’à travers une sensibilisation à la diversité en entrepreneuriat.
- Accompagnement dans la démarche de création d’entreprise par les handipreneurs.
Rencontre avec Didier Roche pour mieux appréhender le phénomène de l’handipreneuriat
8Je vous laisse le soin de vous présenter et d’expliquer comment vous avez eu l’idée de monter une association autour du handicap et de la création de projets entrepreneuriaux ?
9Je suis le président fondateur de l’Union Professionnelle des Travailleurs Indépendants Handicapés, l’UPTIH. Phonétiquement, cela permet d’inscrire l’idée suivante : « Aller Hue Petit Avance ». C’est UPTIH avance !
10Je viens du monde de l’équitation… On ne se refait pas ! Il se trouve que les lettres du sigle tombaient très bien…
11Comment m’est venue l’idée de créer cette association ? En fait, je monte des entreprises depuis 1994 ou 1995. Et lorsque j’ai commencé à créer ma première entreprise, je me suis heurté a tout un tas de difficultés administratives, de difficultés bancaires, de difficultés de levées de fonds, de difficultés de crédibilité parce que j’étais handicapé, de difficultés auprès des assurances qui acceptaient bien volontiers de me surtaxer de près de 30 %, et qui, gentiment, me retiraient tout un tas de garanties contre des risques qu’ils estimaient susceptibles d’être causées par le fait que j’étais handicapé. Et, à l’époque, étant seul et jeune, je n’avais pas d’autre choix que d’avaler les couleuvres que l’on me proposait, parfois même des baobabs ! C’est assez compliqué de vivre ces choses-là quand on est handicapé et qu’on essaie de s’en sortir. Et donc, un jour, dans une réunion, j’ai directement dit à un assureur : Profitez-en ! Aujourd’hui, je suis seul… demain je serai nombreux !
12Un jour, en 2007, j’ai eu connaissance d’une statistique qui expliquait que l’on estimait à 35 000 le nombre de travailleurs indépendants handicapés. Ce chiffre a gonflé puisque les derniers pointages parlent désormais de 58 000. Ça y est, je suis nombreux !
13Êtes-vous retourné voir l’assureur ?
14Non ! J’en ai changé ! Et, à partir de là, je me suis dit : On est 35 000, donc essayons de nous réunir. J’ai rencontré à l’époque le Secrétaire d’État aux Personnes Handicapées, Patrick Gohet, qui travaillait pour la mise en place de la loi de 2005. J’étais alors plutôt en coulisses, et j’aidais qui sur tel sujet, qui sur autre sujet de la loi. Je lui ai dit : Écoute Patrick, voilà, j’ai cette idée ! Et il m’a répondu : Ton idée est géniale ! Structure-toi, ne monte pas un syndicat en France parce que, en France, le syndicalisme a mauvaise presse. Monte une union professionnelle ! Et c’est de là qu’est parti le projet de vouloir regrouper toutes les personnes aussi farfelues que moi qui voulaient se lancer à leur compte. C’est ainsi que l’Union est née un an après, avec quatre compères qui acceptaient de vivre avec moi cette aventure. C’est donc en 2008 que nous avons créé cette association.
15Vous êtes le fondateur des Restaurants dans le noir et des SPA dans le noir, comment sont nées les idées de ces deux projets ?
16Je suis directeur général associé du groupe Ethik Investment, qui a deux grands volets. Un volet grand public très connu pour ses Restaurants dans le noir de Paris, Londres, Barcelone, New York, Saint-Pétersbourg, et puis le tout dernier Spa dans le noir à Paris, et puis une entreprise qui propose des services à destination des entreprises sur divers volets, comme l’organisation d’événements de sensibilisation au handicap ou l‘accompagnement des entreprises dans la mise en place de leur politique handicap. Ce peut être dans le recrutement, dans la formation, dans l’outplacement, dans la gestion de conflits. On met notamment à disposition des grandes entreprises, à travers ce que j’appelle le partage d’expérience, ce que je fais chez moi. Et les entreprises viennent me chercher pour ça.
17Comment nous est venue l’idée ? Tout simplement ! Il y a un vieux concept marketing, je crois, qui dit que lorsque vous êtes différents et pertinents, vous créez de la valeur. Moi je n’ai rien inventé, ma différence, elle est claire, ma pertinence, c’est à moi de la mettre en place, et ainsi je créerai de la valeur. Donc, ce que l’on croit, c’est que la différence est source de richesse. Qu’elle soit économique ou qu’elle soit humaine, elle est source de richesse. On a réfléchi à des concepts dans des secteurs de consommation tels que la restauration, le bien-être, et d’autres bientôt. Comment peut-on interpeller la personne sur cette conception d‘un marché, en lui proposant de vivre une expérience presque à contrepied de ce qui se fait dans le marché ? Manger sans voir… On sait que les stimuli visuels sont très importants lorsque l’on mange. Alors très bien… on les enlève ! Il se trouve que dans ce registre-là, les personnes les plus compétentes pour œuvrer dans le noir absolu… ce sont les personnes handicapées visuelles ! On a essayé de mettre des personnes voyantes mais, au bout de deux heures ou trois heures, elles veulent de la lumière ; au bout d’une semaine, elles craquent parce que, être tout le temps dans le noir, ça ne fonctionne pas.
18Lorsqu’on crée une alerte au feu fictive pour faire des simulations d’évacuation, les personnes voyantes sont en panique totale, complètement perdues. À l’inverse, sur des postes en cuisine, il n’y a pas de non voyants, ce n’est pas rentable, je ne vais pas en prendre. Ma démarche elle est là. Elle est de montrer qu’un business peut exister en reposant à plus de 50 % sur des personnes différentes, pourvu qu’il soit bien pensé, bien conçu. La différence, c’est source de richesses, c’est un apport qualitatif dans l’emploi parce que, encore une fois, on met en place des compétences de compensation pour le handicap.
19Aujourd’hui, le problème que l’on rencontre, c’est d’avoir des mauvais managers qui ont peur de la diversité et qui passent à côté d’un truc exceptionnel : la chance de pouvoir surfer sur cette diversité et d’utiliser les compétences des personnes différentes pour en faire des forces, pour créer une stratégie de groupe, et pour atteindre des objectifs. Ne nous trompons pas de discours…
20Lorsque j’interviens devant des assemblées de managers, je tiens ce discours-là en disant : Messieurs, vous êtes mauvais ! Gare à vous si vous ne tenez pas compte de la diversité dans votre stratégie de développement. D’autres le feront, vos concurrents le feront et, à terme, c’est la mort assurée de votre structure ! Ils me demandent : Comment ? Alors j’entre dans les explications des dispositifs qui existent pour recruter des personnes issues de la diversité.
21Typiquement, une personne handicapée va imaginer des produits intelligents pour les personnes handicapées, un accueil intelligent pour les personnes handicapées. Ensuite, lorsqu’on est dans une entreprise, il faut éviter la ghettoïsation de son personnel.
22Quand j’ai commencé dans l’emploi, j’étais le seul handicapé. Et j’avais peur. Alors j’ai cherché les miens, j’ai cherché à me rapprocher de ceux qui me sont proches, c’est-à-dire de personnes handicapées. Aujourd’hui, fort d’être le patron de structures, je n’ai plus peur parce que j’ai envisagé la diversité comme une norme. Donc je n’ai plus peur. Au contraire, je le revendique presque comme une force. Et une personne qui est différente a toute sa place chez moi, puisque j’en ai compris toute la pertinence dans mon dispositif. Alors, si vous êtes dans une entreprise et si vous avez l’ignorance de cette diversité, les homosexuels vont se recruter entre eux, les aveugles vont se recruter entre eux, les femmes vont se recruter entre elles, et vous aller créer comme ça des sortes d’îlots qui risquent de lutter contre les autres plutôt que de marcher la main dans la main vers une stratégie d’avenir pour le groupe. Voilà les deux grandes thématiques que je défends. À partir de là, le groupe travaille sur la performance au travers de la différence. Ce peut être les restaurants dans le noir. Mais nous verrons ensuite avec d’autres projets, qui sont dans les tuyaux et qui n’ont rien à voir avec le handicap visuel. Car dès lors que la personne m’apporte une performance par sa différence, je prends. Si c’est du business à destination du grand public, ça ne pose aucun problème.
23Pouvez-vous revenir sur votre première expérience entrepreneuriale ?
24Lorsque j’ai monté ma première société dans les années 1994/1995, la motivation que j’ai eue était en lien avec le leader dans l’âme que j’étais depuis tout petit. À partir de là, c’était naturel pour moi de continuer sur ce que j’avais vécu, d’organiser des choses pour les copains, de diriger un peu le groupe et ainsi de suite. Lorsque j’ai fini mes études d’informatique, j’ai envoyé, comme tous les étudiants, des CV à tout le monde. À toutes les boîtes. Enfin… à quelques boîtes. Car je vais vous faire un aveu, je priais secrètement le bon Dieu qu’aucune boîte ne me réponde favorablement. Eh bien Dieu existe ! Parce qu’aucune boîte ne m’a répondu ! Et donc il m’a exaucé. C’est une preuve au-delà de la philosophie !
25Vous comprenez bien que je fais de l’humour, à travers ce propos ! Donc, n’ayant aucune réponse de la part d’aucune entreprise, je me suis senti légitime dans le fait d’y aller, de monter ma propre boîte. C’était une motivation supplémentaire. Voilà les deux motivations qui sont à la base de mon choix pour l’entrepreneuriat et pour vivre des rêves.
26Cela m’est plus facile aujourd’hui de faire vivre mes rêves qu’il y a 20 ans. Mais voilà… Moi, ce qui me motive au quotidien, avec un objectif qui me poursuit tout le temps, c’est que, quand je monte un projet, je réfléchis à comment en sortir. La finalité étant que, plus vite j’en sortirai, plus vite je pourrai en faire naître un autre. C’est sûrement pour cette raison que je donne l’impression d’être un boulimique de travail. Non, pour moi, l’art de faire plein de choses, c’est de ne pas les faire. Et quand je dis ne pas les faire, ça veut dire qu’il faut imaginer intelligemment le management.
27Un management intelligent pour que vous puissiez transférer votre savoir-faire, ainsi que tout ce que vous avez acquis comme expérience, à des gens plus jeunes pour qu’ils puissent les porter à votre place. Bien sûr, vous restez présents à leurs côtés pour piloter, avec quelques outils de management pour vérifier que tout va bien. Lorsque les petits clignotants sont au rouge, il faut s’inquiéter de manière urgente ; lorsqu’ils sont à l’orange, il faut se demander ce qui se passe ; et lorsqu’ils sont au vert, il faut se dire : Mince ! Il n’y a pas de problème, c’est louche ! Voilà ma manière de vivre mes projets et de vivre au quotidien. En tant que personne handicapée, je souhaite que mes proches, mes parents, la femme qui partage ma vie et qui a donné naissance à de jolis enfants paraît-il, et donc ces enfants aussi, puissent se sentir fiers de moi. Et la fierté que porte cet environnement est très importante pour moi. C’est peut-être un moteur au quotidien qui fait que j’ai envie d’en faire plus.
28Mon fils est venu me voir, il y a trois semaines, en me disant : Tu sais Papa, mes copains m’ont pris à part, on discutait un peu de nos parents, et ils m’ont dit : Il est ouf ton père ! Ton père il est ouf ! Il fait des trucs que même nos parents ne font pas ! Et là, mon ego en a pris un bon coup, dans le bon sens du terme. Je crois que, intervenir auprès de la jeunesse, c’est préparer le monde de demain. Voilà aussi tout ce qui me motive au quotidien.
29Quels sont les freins que vous rencontrez ou que vous avez pu rencontrer dans votre parcours de création d’entreprise ?
30Les freins que j’ai pu rencontrer dans le monde de l’entrepreneuriat, de l’entreprise ou autre, c’est le fait que les autres savaient que ce n’était pas possible. Et ça c’est super chiant. Parce qu’ils se disent : Handicapés = pas possible. J’ai dû lutter contre ça. J’aime à reprendre une phrase de Pagnol qui a bercé toute mon enfance, mon adolescence, ma vie de jeune adulte et puis ma vie d’adulte un peu moins jeune aujourd’hui, mais ma vie d’entrepreneur motivé… Pagnol disait : Ils savaient tous que c’était impossible ; un imbécile est venu qui ne le savait pas, alors il l’a fait. Et donc j’ai dû me lever, tous les matins, en me disant : n’oublie pas d’être l’imbécile dont Pagnol parle ! Pour empêcher ceux qui savent, pour les empêcher de t’empêcher de faire ! Donc voilà, tout un tas de secteurs, les banquiers, les assurances, les clients, c’est valable dans tous les domaines.
31Mes parents me disaient : Mais enfin Didier ! Tu ne vois pas ! Comment tu vas pouvoir faire ? Paix à l’âme de mon papa, c’était quelqu’un. Je suis fils d’ouvrier. Pour lui, ce n’était pas possible. Voilà. J’ai dû lutter tout le temps contre cela, mais ça a forgé mon caractère !
32Pensez-vous que vous auriez eu besoin d’un accompagnement en particulier pour monter votre première entreprise ? Puis votre deuxième ? Ou bien pensez-vous que cela dépend des profils d’handipreneurs ?
33J’ai eu la chance de rencontrer un type qui s’appelle Lionel Perrin, et qui est assez proche de l’UPTIH. Il est devenu mon gestionnaire, mon conseiller de tous les jours. On ne se réalise pas seul. L’importance du réseau est aussi à mon sens fondamental. J’ai au début voulu tout faire tout seul au prétexte de ne pas payer un service que je pouvais faire. Quand je produisais ce dit service eh bien je ne vendais pas. Ainsi j’étais comptable, homme de ménage, secrétaire, formateur, vendeur, acheteur… Lionel m’a dit, en me voyant fonctionner : « Didier, faits ce pour quoi tu es bon et laisse aux autres le soin de faire ce qui ne produit pas de valeur directe et tu verras alors que tu gagneras de l’argent… » J’ai réfléchi, et depuis je ne fais plus le ménage, ni la compta … Je fais ce que j’aime et ce pourquoi je suis bon et effectivement, je gagne bien mieux ma vie, mes entreprises affichent de la rentabilité de telle sorte que je peux réinvestir.
34Ensuite un ami m’a dit : « Tu sais Didier, c’est mieux d’avoir X % de quelque chose plutôt que 100 % de rien. » J’ai trouvé ça ultra pertinent et je me suis orienté vers la recherche d’associés. Outre l’augmentation de moyens ce sont les regards croisés et le soutien au quotidien que j’ai trouvés dans le fait de ne plus avancer seul.
35En matière d’accompagnement, il est important de se faire aider lors de la mise en place d’un projet entrepreneurial, vous avez donc fondé l’UPTIH [2] pour aider les handipreneurs. Que propose concrètement cette association aux personnes qui souhaitent entreprendre ?
36L’UPTIH propose diverses activités, diverses actions. Nous remplissons plusieurs rôles. Certains de nos rôles sont petits dans la mesure où ils sont moins intéressants, en termes de services, pour nos adhérents. Le premier rôle, c’est le rôle de lobbying sur les textes, pour qu’ils soient plus favorables à la création d‘entreprise par les personnes indépendantes handicapées.
37Le second rôle, c’est de constituer un réseau d’entraide, pouvant peser sur des structures qui fournissent soit des produits, soit des services, et ainsi obtenir des réductions. L’idée n’est pas de se constituer un Comité d’Entreprise qui ne dit pas son nom, mais bien de proposer des avantages économiques, par exemple des réductions de cinéma, des réductions de théâtre, des réductions sur des achats de produits électroménager et ainsi de suite, la liste est longue ! Et enfin, le gros de notre activité actuelle consiste à proposer un suivi, une aide, une assistance dans le développement de projets. Le projet peut être de créer son entreprise, mais aussi, pour une personne qui est déjà installée, de l’aider à se développer ou de l’accompagner dans le renforcement d’une partie de son projet. Cet accompagnement se fait sous la forme d’un trinôme essentiellement : un binôme composé d’un tuteur bénévole et, bien sûr, de la personne handicapée, porteur du projet en question ; le troisième membre du trinôme est un mentor qui sera consulté deux à trois fois pendant la durée de l’accompagnement, pour qu’il puisse donner son avis.
38Le mentor est très souvent un travailleur indépendant handicapé installé depuis plusieurs années, qui va pouvoir éventuellement se faire l’avocat du diable et repousser la personne handicapée dans ses retranchements afin de valider la faisabilité de son idée. Voilà ce que propose l’UPTIH aujourd’hui ! Parmi les services que nous offrons, il y a également des moments d’échange autour de thématiques particulières : c’est ce qu’on appelle Les UPTIH Déj’ ou Les UPTIH Verre ! L’idée étant que, soit on travaille sur le projet d’une personne handicapée qui vient l’exposer, auquel cas l’assemblée réfléchit et lui propose des solutions ou du réseautage, soit on aborde une thématique professionnelle qui peut intéresser l’ensemble des personnes de l’UPTIH, et parfois plus largement ! Par exemple : Je veux m’installer dans ce secteur-là, qu’est-ce que ça recouvre comme réalité ? Alors un spécialiste du secteur vient exposer son point de vue sur le sujet. Le spécialiste en question peut être un professionnel ou un cabinet de conseil. Ils proposent un accompagnement à l’ensemble des adhérents, pour les conseiller sur les modalités d’obtention des subventions qui existent pour compenser son handicap lorsqu’on est travailleur indépendant.
39L’accompagnement des handipreneurs est une cause que vous défendez ardemment, d’où un partenariat UPTIH / ESG Management School [3]. Quelle est la portée de cette association ?
40Les accompagnements que l’on a pu avoir dans la première phase de notre partenariat avec l’ESGMS ont eu plusieurs intérêts. Tout d’abord, accompagner les gens sur leur projet. Ensuite, nous permettre d’être vigilant sur la maturité de certains, et de porter un regard assez critique, utile et constructif dans l’avancement de notre démarche UPTIH. Les bénévoles n’ont pas toujours la structuration d’une école ou l’habitude du management, alors qu’il faut porter la personne contre vents et marées dans l’accompagnement de son entreprise.
41Grâce à notre partenariat, nous avons pu penser différemment Le Manuel du parfait binôme que nous sommes en train de bâtir. Nous avons pu notamment réfléchir, grâce à des outils adéquats, à notre motivation initiale pour ancrer ce projet dans ses rails. L’ESGMS a été un élément très important, parmi d’autres, sur ce questionnement. Nous avons désormais quelques partenariats à notre actif. L’idée est de les développer davantage, au fur et à mesure de la route que nous allons parcourir ensemble.
42C’est ainsi que nous pourrons renforcer cette recherche autour de l’accompagnement, toute la réalité qu’il recouvre. Avoir ainsi des professionnels du marketing et du management à nos côtés, des chaires qui s’inscrivent dans l’entrepreneuriat social, c’est un vrai plus. C’est même une nécessité pour nous permettre d’avancer et d’évoluer dans l’avenir.
43Que pensez-vous du projet « The Handipreneur Project [4] développé conjointement par l’UPTIH et l’ESG Management School ?
44Le Handipreneur Project envisagé avec l’ESGMS et l’UPTIH a pour vocation de mener une étude qui va nous permettre de capitaliser sur les interviews et la documentation, pour parfaire et affiner les accompagnements que l’on envisage, notamment avec l’école, pour garantir la réussite de la mise à jour d’un projet et surtout sa pérennité. Ce que je tiens à dire aux gens que l’on accompagne : le plus dur ce n’est pas de mettre au monde, mais bien de faire vivre. Voilà l’intérêt fondamental que l’UPTIH nourrit au sein de son programme d’accompagnement. Le réseau de l’ESGMS Management School apporte non seulement une visibilité, mais aussi la possibilité pour le donateur de pousser plus loin ce geste généreux et de peut-être d’embarquer lui-même dans l’aventure assez extraordinaire de nos projets.
45C’est l’occasion, pour les donateurs, de devenir eux-mêmes des tuteurs et de partager, pourquoi pas le temps d’un projet, la rencontre de personnes différentes avec tout ce que ça comporte d’échanges. En effet, on imagine très souvent l’aide dans un sens unique. En fait, on se rend compte que le bénévole en retire aussi énormément de choses.
46D’après vous, comment la recherche permet-elle d’alimenter la cause des handipreneurs et de l’UPTIH ?
47La recherche, telle que nous la poursuivons au travers de ce projet, est nécessaire dans la mesure où, jusqu’à présent au sein de l’UPTIH, on a plutôt fonctionné de manière empirique. On a acquis tout un capital documentaire, un capital d’expérience, un capital relationnel. À un moment, nous devons coucher tout cela sur le papier, pour structurer et modéliser, pour mettre en place des outils et des actions sûrement correctrices au regard de l’empirisme que l’on a pu mettre en place. La recherche apporte cette fenêtre vers des procédures plus factuelles, et nous permet d’identifier, puis de dupliquer, les bonnes pratiques au nouveau porteur de projet. Nous leur permettons de bénéficier de véritables outils d ‘accompagnement.
48Quel message souhaitez-vous transmettre aux personnes qui vont éventuellement faire des promesses de don pour The Handipreneur Project [5], via cette collaboration entre l’UPTIH et l’ESGMS ?
49On a créé l’Union Professionnelle des Travailleurs Indépendants Handicapés parce que, dans notre société, la diversité de quelque nature qu’elle soit, ici le handicap, est quelque chose qui vous contraint à lutter au quotidien pour pouvoir exister.
50Ce que je veux dire, c’est : Regroupons-nous pour que, un jour, la diversité devienne la norme et qu’on n’ait plus à monter des programmes, des associations, etc. ; pour que des gens, simplement différents, soient reconnus pour leurs extraordinaires compétences. Lorsque l’on est différent, on doit inévitablement pour exister créer des compétences de compensation. Faisons en sorte qu’un jour cela ne soit plus nécessaire et, ma foi, si ce jour-là je dois fermer l’UPTIH, j’en serai bien heureux !
Notes
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[1]
L’UPTIH se donne pour mission d’accompagner et de représenter les personnes handicapées ayant une activité professionnelle indépendante ou en cours de création. Créée en 2008, l’association se développe autour de trois axes : l’accompagnement personnalisé à la création ou au développement d’une activité indépendante ; le rassemblement en réseau des TIH, dans un but d’entraide et de représentation commune ; enfin la sensibilisation du grand public et la valorisation du handicap comme une source de richesse.
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[2]
L’Handipreneur sollicite l’association pour monter son projet et obtenir un accompagnement. Après un entretien, une fiche mission est réalisée par l’UPTIH afin de définir ses besoins et attentes par rapport à son projet. Cette fiche mission est envoyée aux bénévoles inscrits à l’UPTIH. L’UPTIH met en place des groupes de travail constitués d’un porteur de projet et d’un ou plusieurs bénévoles.
L’accompagnement UPTIH se fait au cas par cas : il diffère selon l’état d’avancement du projet et les besoins de son porteur (démarches administratives, étude de marché, renseignements juridiques, communication…). Toutes les étapes du Business Plan peuvent être concernées. L’accompagnement peut être d’ordre méthodologique, technique et / ou humain. Ces éléments sont mentionnés dans la convention qui est signée entre le porteur de projet et son tuteur bénévole. Une fiche de suivi est établie après chacune de leur rencontre afin de mieux suivre l’évolution du projet. L’UPTIH veille à ce que le tutorat reste cadré, tout en respectant la liberté du porteur de projet, qui en est le moteur. Les groupes de travail mis en place sont dans une logique de collaboration et d’échange. Les tuteurs bénévoles apportent leur regard extérieur et leur aide pendant une durée déterminée, indiquée dans la convention de tutorat. -
[3]
Cette action permettrait à l’ESG Management School, au travers de sa chaire Entrepreneurship & Sustainable Business : de proposer un livre blanc de l’accompagnement des handipreneurs, de proposer des articles scientifiques sur les handipreneurs et l’handipreneurship, d’accompagner des handipreneurs, d’offrir un apport pédagogique et de sensibiliser les étudiants du Master Entrepreneuriat, enfin de promouvoir l’handipreneurship via le partenariat ESG MS et UPTIH.
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[4]
The Handipreneur Project s’inscrit dans la continuité de cette expérience en proposant de mettre en ligne, sur la plateforme de crowdfunding Ulule, partenaire de l’ESG Management School, le programme de recherche et accompagnement des handipreneurs.
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[5]
http://www.the-handipreneur-project.org/
https://www.facebook.com/thehandipreneurproject