1Si l’on se place du côté du cédant, transmettre une entreprise est une décision stratégique à prendre en temps utile, à préparer et anticiper. Quand et comment s’y préparer ? Quel interlocuteur privilégier ? Où obtenir de l’information pertinente ? Comment se désengager ? Reprendre une entreprise, du point de vue de l’acquéreur cette fois, est un chemin de longue haleine, parfois semé d’embûches qu’il est également nécessaire de préparer. Comment se comporter une fois à la tête de l’entreprise reprise ? Comment assurer la transition avec l’ancien dirigeant ? Comment mobiliser les ressources de l’entreprise acquise ?
2Lorsqu’une entreprise change de direction, elle est fragilisée et mise à l’épreuve. Les parties prenantes changent d’interlocuteur. Que l’organisation soit familiale ou non, la transition est rarement simple. L’objectif recherché reste la continuité de l’entreprise transmise. Mais que signifie cette continuité ? De quoi ? Pour qui ? Plusieurs questions se posent : toutes les entreprises à vendre sont-elles bonnes à reprendre ? Comment définir un nouveau projet à partir de l’entreprise reprise ? Comment fédérer les salariés autour de ce projet ? La reprise d’entreprise est-elle comparable à la création en termes de mode d’accès à l’entrepreneuriat ? L’environnement de la reprise est-il similaire dans tous les pays industrialisés ? Est-il possible de reprendre à plusieurs ? Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer pour favoriser le processus ? Si oui, lequel ?
3Les contributions de ce numéro ont élargi ces questions de recherche. À travers des illustrations fondées sur des situations réelles, elles prouvent que cette thématique est d’actualité et source d’inspiration pour des chercheurs couvrant différents horizons.
4Ainsi, sans chercher une comparaison internationale, deux articles sont consacrés à la transmission-reprise d’entreprise au Japon et en Allemagne. Dans ces deux pays, la problématique consiste à assurer la continuité des entreprises familiales au travers de reprises externes. Yoshiaki Murakami, Katzuyuki Kaméi et Bérangère Deschamps dressent le portrait des entreprises japonaises à transmettre et du contexte juridique assez défavorable pour le repreneur externe. Suzanne Durst et Laura Sabbado s’intéressent à l’étape, qu’elles considèrent comme cruciale, de la préparation de la transmission-reprise en Allemagne. Elles s’intéressent notamment au profil du repreneur non familial allemand et à son appréciation de la cible.
5Quel que soit le pays, le volet affectif de la transmission-reprise est un point fondamental à intégrer. Aussi Sonia Boussaguet insiste-t-elle sur les aspects psychologiques pouvant affecter aussi bien le cédant que le repreneur. Rien n’est acquis, chaque transmission-reprise est une histoire de vie, appréhendée psychologiquement avec le bagage propre à chacun des acteurs. Etienne St Jean suggère, de son côté, que le mentorat peut représenter une source de soutien, voire d’épanouissement pour le repreneur, comme pour le cédant, pour braver ces difficultés psychologiques. Le troisième acteur susceptible de pâtir de la transmission-reprise est représenté par les salariés. Lynda Saoudi considère que l’identification du noyau dur humain de l’entreprise reprise est un facteur clé de la réussite de la transmission-reprise dans la mesure où le repreneur est capable de le maintenir et de le motiver.
6Il n’existe pas deux cas identiques de transmission reprise. Cette variété s’explique par les différentes possibilités de transmission-reprise. Julien De Freyman et Kathia Richomme-Huet proposent une lecture des modes de transmission-reprises au travers de ce qu’ils nomment le phénomène successoral. À partir d’un cas illustratif, ils retracent la direction d’une entreprise depuis sa création jusqu’à la décision du cédant sur le mode de transmission, en expliquant comment il prépare cette transmission-reprise, notamment vis-à-vis des salariés.
7Cette variété s’explique également par la diversité des profils de cédants ou de repreneurs. Katia Richomme-Huet et Aude d’Andria proposent, par exemple, un regard original sur les femmes repreneures. Elles soulignent les difficultés éprouvées par celles-ci pour apparaître légitimes en tant que dirigeante d’entreprise. Elles exposent trois modalités de transmission-reprise assurées par des femmes (la succession, le rachat de l’entreprise par les salaries –RES- et le rachat externe) et proposent des pistes destinées à encourager les femmes à se lancer dans cette modalité entrepreneuriale. Bérangère Deschamps et Luis Cisneros abordent, de leur côté, la problématique de la transmission-reprise familiale par le biais des équipes de successeurs au sein d’une même fratrie. Ils suggèrent, notamment, dans les cas de codirection, un mode d’organisation et surtout de communication entre les acteurs. Il en va du succès de la transmission-reprise. Dans les facteurs de réussite des transmission-reprises, quel que soit le mode envisagé, Sébastien Geindre propose de s’arrêter sur la problématique du transfert du réseau du cédant vers le repreneur.
8Diverses problématiques se rapportent à la transmission-reprise des PME. Divers acteurs sont concernés en dehors du trio composé par le cédant, le repreneur et les salariés. L’association européenne Transéo s’est donnée comme mission de fédérer et de coordonner les différents interlocuteurs sur cette thématique. Une interview de son Président, Jean-Pierre Di Bartolomeo, est proposée dans ce numéro spécial, ainsi qu’une chronique de livre proposant un regard croisé entre l’Amérique du Nord et l’Europe.