CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Bien qu’aucune enquête soit actuellement disponible sur le territoire français permettant de connaître avec précision le nombre d’enfants et d’adolescents concernés, la plupart des cliniciens observent, depuis les années 2000 avec une accélération depuis 2010, une augmentation de cette conduite dans leurs consultations, qu’elles soient de pédopsychiatrie, de pédiatrie, voire de médecine générale. La question qui se pose est celle de savoir si l’augmentation tient à un meilleur dépistage de ce symptôme ou à d’autres facteurs comme des évolutions sociétales. En d’autres termes qu’est-ce que la phobie scolaire ? Est-ce un symptôme et si oui de quoi ? ou est-ce une entité et si oui pour quelles raisons augmenterait-elle rapidement depuis ces dernières années ?
Un bref retour sur l’histoire de cette pathologie permettra de poser des jalons utiles pour tenter de répondre à cette interrogation légitime.
La reconnaissance de ce symptôme date du premier tiers du xxe siècle lorsque la quasi-totalité des pays occidentaux ont rendu l’école obligatoire pour tous les enfants, et que cette situation a été effective sur tous les territoires. Dans un premier temps, le refus de se rendre à l’école a été considéré comme un acte de délinquance et le signe d’un environnement défaillant (parents eux-mêmes marginalisés et/ou ne comprenant pas l’intérêt de la scolarisation) (Heuyer, 1914). Dès les années 1930-1940, des psychanalystes ont, eux, isolé de cette cohorte d’enfants qui n’allaient pas à l’école, ceux qui n’en avaient aucun dégoût mais ne pouvaient s’y rendre en raison de troubles anxieux prenant leur origine dans un lien étroitement serré entre la mère et l’enfant (« la névrose mutuelle » décrite par Estes, Haylett et Johnson en 1956)…

Français

L’augmentation au cours de ces dix dernières années du nombre de situations dénommées phobies scolaires interroge sur son étiologie. S’agit-il d’un trouble adaptatif ou d’une entité ?
Longtemps référée à une angoisse de séparation, il est raisonnable de penser que l’évolution sociétale intervient également dans cette conduite compte tenu de la place occupée par l’école aujourd’hui dans nos sociétés hautement technicisées, mais aussi de l’anxiété suscitée par l’évolution extrêmement rapide du monde, en particulier du fait du développement des réseaux sociaux. En partant de l’histoire du concept, l’auteur explique les glissements sémantiques à l’origine d’une médicalisation du trouble alors qu’il ne faut pas méconnaître l’importance des facteurs environnementaux. L’intrication de facteurs individuels et environnementaux (scolaire, familiaux) est souvent la règle. De ce fait, la médicalisation de cette conduite laisse totalement de côté une indispensable réflexion des pouvoirs publics et des adultes en général sur la manière de présenter le monde aux enfants et adolescents.

Nicole Catheline
Pédopsychiatre et présidente du conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant, de l’adolescent et disciplines associées
nicolecatheline@outlook.com
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Mis en ligne sur Cairn.info le 12/02/2020
https://doi.org/10.3917/ep.084.0015
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