1 Quand on pense à adapter l’école au numérique, c’est aussitôt l’équipement des institutions en technologies qui vient à l’esprit. Bien sûr, il faut l’envisager, mais c’est d’abord aux profonds changements engendrés par le numérique que l’école doit s’adapter, et ceci dès le plus jeune âge. Car l’école se trouve aujourd’hui confrontée à un triple défi. Et pour y répondre, le numérique ne peut pas tout, mais il y a sa place.
L’institution scolaire face à un triple défi
2 Tout d’abord, il est urgent de reconnaître que notre système éducatif a été conçu avec l’ambition d’apprendre aux enfants des connaissances utilisables toute leur vie en privilégiant l’intelligence hypothético-déductive sur toutes les autres. Mais nous savons que les apprentissages devront se faire tout au long de l’existence et qu’ils mettent en œuvre l’ensemble de l’humain, et pas seulement l’intelligence hypothético-déductive qui est encore souvent la seule à être encouragée par l’école. L’enseignement doit inviter les élèves à imaginer leur métier de demain et développer les qualités qui leur seront toujours nécessaires : être autonome et savoir coopérer, être créatif, et être capable de faire des critiques constructives. Car les compétences qui seront de plus en plus demandées dans la vie professionnelle des jeunes adultes ne reposeront plus sur la mémorisation et la répétition : cela, les robots sauront très bien le faire. Il faudra savoir résoudre des problèmes complexes, communiquer, être créatif… Bien sûr, des livres peuvent y inviter, mais on ne peut pas sous-estimer le fait que, pendant la période où le livre régnait sans partage sur la vie culturelle, chaque apprentissage s’accompagnait d’un mode d’emploi qui en précisait rigoureusement les étapes en invitant à en suivre le mot à mot. La culture numérique a rompu avec ces pratiques en valorisant l’essai, le tâtonnement, l’erreur et la découverte, et aussi la confrontation permanente avec d’autres usagers, comme en témoignent les très nombreux forums consacrés aux difficultés rencontrées dans l’utilisation des produits numériques.
3 Le second défi concerne la place des émotions à l’école. Tout ce que nous venons d’évoquer nécessite bienveillance et empathie de la part des enseignants car les émotions jouent un rôle majeur dans les apprentissages. L’élève a besoin d’une relation vivante avec un enseignant qui valorise ses possibilités, et auquel il peut s’identifier dans une relation dynamique et créatrice aux savoirs. Face à ce triple défi, le numérique n’est pas une baguette magique. C’est un outil dont il ne faut pas attendre ce qu’il ne peut pas donner, mais qu’il faut apprendre à utiliser pour ce qu’il peut apporter. Le numérique ne suffira pas à lui seul à changer l’école, mais, en même temps, il y a sa place.
4 Enfin, le numérique bouleverse tous les domaines, avec des conséquences considérables sur l’état d’esprit des élèves. Ces bouleversements contribuent à créer une nouvelle culture que les enfants adoptent très tôt et que l’institution scolaire doit assimiler si elle veut rencontrer leurs préoccupations, en sachant parfois partir d’elle pour amener les élèves aux savoirs académiques. Les différents domaines concernés impliquent la relation aux savoirs, aux apprentissages, à l’identité et aux formes de la sociabilité.
Les conséquences de la nouvelle relation aux savoirs
5 S’agissant de la relation aux savoirs, prendre en compte le changement d’esprit des élèves suppose d’abord d’encourager chez eux le travail collaboratif. En effet, qu’il s’agisse de Wikipédia, des jeux vidéo ou d’Internet en général, les enfants sont introduits de plus en plus tôt à des espaces collaboratifs qui leur semblent une manière ordinaire de gérer leurs diverses tâches et de satisfaire leur curiosité. Dans le même état d’esprit, il est important de faire alterner le travail individuel et le travail en groupe face à un écran, bien que les écrans actuels appartiennent à des ordinateurs appelés « ordinateurs personnels », qui sont à ce titre peu adaptés au travail collectif. Il est pourtant très important d’introduire les écrans comme des lieux d’échanges et de créations en réseaux, dans une logique de communauté et non de compétition. Il serait absurde de vouloir remplacer la relation privilégiée que chaque enfant entretient avec le traditionnel support papier-crayon par une relation au clavier et à l’écran. Quand les écrans sont introduits, ils doivent l’être de façon à favoriser d’abord le travail de plusieurs enfants face à un seul écran, puis le travail de plusieurs enfants placés chacun devant un écran relié à ceux de leurs camarades, et enfin le travail de chacun sur un écran qui lui permette non seulement d’entrer en contact avec ses camarades, mais aussi avec le monde entier grâce à Internet.
6 La classe inversée est une autre façon de familiariser les enfants avec le débat et la controverse qui dominent aujourd’hui la construction des savoirs. Le tutorat, qui permet aux enfants qui ont compris certains exercices de s’approprier cette connaissance en l’expliquant à d’autres, est également une forme de travail adaptée à la culture des écrans : la preuve en est que dans les jeux vidéo, il joue une place essentielle. Là encore, rien n’a jamais empêché les enseignants de l’utiliser, bien avant l’apparition du numérique, et les personnalités innovantes, comme Célestin Freinet et Maria Montessori, l’ont prôné. Mais pourquoi a-t-il eu si peu de succès en dehors de ces établissements innovants ? À notre avis, à cause du modèle d’un enseignant magistral, inspiré de la culture du livre.
7 Enfin, le fait que les machines seront de plus en plus des compagnons de l’homme doit inciter à la mise en place d’une formation précoce au langage de la programmation. Il serait en effet catastrophique que les nouvelles générations soient invitées à utiliser des logiciels et des robots dont elles ne comprendraient pas le fonctionnement. Les logiciels proposent en effet toujours des choix limités et ces limites sont celles de l’idéologie de leurs concepteurs. Il serait catastrophique que les utilisateurs n’aient pas les moyens de les faire évoluer. Il s’agit d’un enjeu citoyen.
Les conséquences de la nouvelle relation aux apprentissages
8 Prendre en compte la nouvelle relation aux apprentissages, c’est bien entendu utiliser des supports visuels pour favoriser la compréhension et la mémorisation, mais on ne peut réduire les bouleversements en cours à la seule introduction d’écrans dans les salles de classe. Il est important également de favoriser l’alternance, c’est-à-dire le passage des informations organisées selon un modèle spatial aux informations organisées selon un modèle narratif, en encourageant les enfants à raconter leurs expériences d’écrans. Un autre moyen est d’encourager les élèves à fabriquer des objets multimédias associant des textes, des images fixes ou animées, et un choix judicieux de caractères d’imprimerie. L’utilisation scolaire des outils dont les enfants disposent eux-mêmes, à commencer par leur téléphone mobile, est enfin un moyen de mobiliser leur intérêt. Beaucoup préfèrent utiliser cet outil personnalisé qu’ils ont à leur disposition plutôt que les outils proposés par l’école, et qui vont se révéler d’ailleurs très vite démodés. La disparité sociale qui fait que les téléphones dont ils disposent ne sont pas équivalents n’est pas un obstacle dans la mesure où les activités demandées sont possibles sur tous les modèles, et aussi dans la mesure où il peut être demandé à plusieurs élèves de travailler ensemble sur un même support.
9 L’éducation aux médias et à l’information (emi) proposée dans les nouveaux programmes est en phase avec cet objectif. La symbolisation du monde passe par les images autant que par le langage, oral et écrit [1]. Mais, en même temps, les enfants utilisent souvent mal les écrans. Pour bien les utiliser, il faut avoir construit des repères narratifs, qui sont justement ceux de la culture langagière, orale et écrite. On peut y aider les élèves en leur faisant raconter ce qu’ils ont vu à la télévision ou dans leurs jeux vidéo. Ils passent ainsi de l’intelligence visuo-spatiale qui est mobilisée quand on regarde un écran à l’intelligence narrative qui est mobilisée lorsque nous racontons une histoire.
10 Mais il est tout aussi important d’apprendre l’inverse aux enfants : passer du narratif au visuel et développer les intelligences multiples. C’était d’ailleurs ce que je voulais montrer en passant ma thèse de médecine sous la forme d’une bande dessinée en 1975. Pour cela, invitons les élèves à fabriquer des documents multimédias dès le cycle 2. De nombreux outils de création sont disponibles, à commencer par ceux qui sont proposés par Office, comme PowerPoint ou Publisher, mais il existe aussi Scratch, Photoshop, etc. Encourageons chez eux la fabrication collaborative d’objets multimédias associant textes, images fixes ou animées, mise en page, etc. Ils en tireront à la fois du plaisir, de l’efficacité et un goût pour le travail partagé. L’avenir appartient en effet à ceux qui seront à leur aise à la fois avec la pensée visuo-spatiale et rapide des écrans et la pensée linéaire et narrative du livre, et qui sauront alterner l’immersion et la prise de recul. Et pour valoriser leurs productions, pourquoi ne pas les associer à la fabrication du site Internet de leur établissement?
11 Les structures éducatives doivent, en lien avec les collectivités publiques, valoriser les productions d’images des jeunes et faciliter les échanges autour d’elles. Les productions numériques des élèves doivent être valorisées à l’occasion de festivals annuels que les institutions scolaires peuvent organiser, à commencer évidemment par les productions dans lesquelles ils parlent de leur école. Les jeunes peuvent notamment participer à la construction du site Internet de leur établissement. Pourquoi le Ministère de l’Éducation ne lancerait-il pas le slogan : « Une école, un site web, des jeunes pour l’alimenter » ?
Les conséquences de la nouvelle relation à l’identité
12 La nouvelle relation à l’identité doit amener à encourager, le plus tôt possible, les débats entre deux élèves qui défendent chacun un point de vue différent. Pour les enfants des maternelles, le Jeu des trois figures [2] va dans ce sens. Cette activité est ainsi appelée par allusion aux trois personnages présents dans la plupart des histoires regardées et racontées par les enfants : celle de l’agresseur, celle de la victime et celle du tiers, que celui-ci soit témoin, sauveteur ou redresseur de torts. Une fois par semaine, pendant cinquante minutes, les enfants inventent ensemble, en étant aidés par leur enseignant, une petite histoire à partir des images qu’ils ont vues. Ensuite, ceux qui sont volontaires pour participer doivent obligatoirement interpréter alternativement tous les rôles.
13 Enfin, après l’adolescence, il peut être intéressant d’introduire ce qu’Aristote appelait des dissoi logoï pendant lesquels une même personne s’applique à défendre alternativement deux points de vue contradictoires. L’idée n’est pas d’apprendre à mieux savoir manipuler son adversaire, même si c’est un usage possible, mais d’apprendre à considérer les arguments comme des objets théoriques que l’on peut mettre au service d’une démonstration ou d’une autre. Tout tient à la logique qui permet d’enchaîner les arguments.
14 Cette éducation portera aussi sur les devoirs et les droits sur Internet, notamment le droit à l’intimité, le droit à l’image, et les trois règles de base qui régissent Internet : tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce qu’on y met y restera éternellement, et tout ce qu’on y trouve est sujet à caution et ne doit pas être cru avant d’avoir été confronté à d’autres sources.
Les conséquences de la nouvelle relation aux liens et à la sociabilité
15 Il est essentiel d’expliquer, dès 7 ans, les modèles économiques et marketing d’Internet : jeux vidéo, Facebook, Google, Skype, Youtube, etc. Car il y aurait un grand risque à leur laisser croire que les services – bien réels – qu’ils nous rendent sont sans contrepartie, autant dire « gratuits ». Trop d’adolescents ignorent les répercussions possibles de la mise en ligne de photographies, lors de la recherche ultérieure d’un travail. Une éducation aux médias est donc indispensable. Elle doit montrer que le risque dans l’utilisation de l’Internet ne vient pas seulement, tant s’en faut, de ce que la personne révèle d’elle-même. En effet, les médias numériques collectent et exploitent également les traces que nous laissons à notre insu ou qui sont mises à disposition par des tiers. Une éducation doit les sensibiliser au fait qu’Internet est aussi un gigantesque marché dans lequel les jeunes représentent, en tant qu’utilisateurs, une source de revenus dont on cherche à tirer parti par des moyens parfois douteux.
16 Enfin, prendre en compte les nouvelles formes de sociabilité, c’est encourager non seulement les débats et les controverses entre deux élèves qui défendent leur point de vue personnel, mais aussi entre deux élèves qui défendent le point de vue de leur groupe. Des groupes peuvent réfléchir et discuter séparément sur un problème, et débattre ensuite par « champion » interposé. L’enfant ne défend pas ainsi seulement son point de vue personnel, mais celui de son groupe, avec l’obligation de revenir éventuellement vers celui-ci pour enrichir son point de vue. Le débat n’est plus un débat entre deux personnes, mais entre deux groupes portés chacun par un débatteur plus compétent ou plus désireux d’intervenir que les autres. Il n’est évidemment pas question de remplacer les débats entre personnes par des débats entre « champions » défendant les couleurs de leur groupe, mais de faire alterner les deux. Enfin, du point de vue de la construction des nouveaux liens aussi, il est important de valoriser les productions numériques des jeunes.
Dispositif d’enseignement et processus de formation
17 De la même façon que la culture numérique oblige à repenser les manières de faire travailler les élèves, la variété des outils que les élèves ont maintenant à leur disposition oblige à repenser la spécificité de chacun. Ce serait en effet une erreur grave que de vouloir utiliser les écrans pour apprendre mieux ou plus vite ce que les livres ont toujours permis d’apprendre. D’autant plus que si le numérique peut apporter beaucoup, on s’y perd facilement si on n’a pas développé des qualités traditionnelles associées à la culture du livre comme la compétence narrative et la capacité d’autorégulation. C’est en prenant en compte ce que le numérique apporte de spécifique qu’il devient possible de fonder une complémentarité de la culture du livre et de celle des écrans. Les outils numériques ont un inconvénient majeur : ils ne permettent pas de construire les possibilités narratives, En revanche, ils ont deux atouts importants. Tout d’abord, ils peuvent s’adapter à chaque élève, et cela permet d’intégrer des enfants handicapés dans le circuit normal et de favoriser l’autoévaluation. L’autre avantage est qu’ils favorisent les deux composantes de la motivation intrinsèque : la sécurisation et l’innovation. Mais à condition de ne pas confondre dispositif d’enseignement et processus d’apprentissage. Dans un dispositif d’enseignement, l’élève est invité à augmenter ses connaissances et ses performances. Dans un processus de formation, il est invité à s’identifier à l’enseignant, à sa curiosité et à sa créativité. Grâce aux technologies numériques, l’élève peut travailler à son rythme, aux moments où il le souhaite, en trouvant dans chaque discipline un niveau de difficultés adapté à ses compétences. En outre, s’il le désire, il peut s’appuyer sur un tuteur virtuel qu’il peut à tout moment convoquer et consulter. Les espaces numériques favorisent aussi ce qu’on appelle la motivation d’innovation (chacun prend d’autant plus de plaisir à une tâche qu’il y construit son propre parcours personnel) et la motivation de sécurisation : les logiciels ne jugent pas et ne condamnent pas, et permettent à l’apprenant de se constituer une véritable « feuille de route » dont il peut visualiser les étapes à chaque moment, et pas seulement dans le domaine des connaissances acquises. Cette consultation est en effet possible pour toutes les opérations correspondant à la construction et à l’exécution d’un programme : les connaissances existantes au départ, les progrès dans l’acquisition de compétences nouvelles, la diversité des stratégies utilisées pour résoudre les difficultés, et enfin l’importance du recours aux pairs et aux bases de données pour y parvenir. C’est notamment le projet de ce qu’on appelle les Serious Games.
18 Mais, en même temps, l’élève a besoin d’une relation vivante avec un enseignant qui valorise ses possibilités, et auquel il peut s’identifier dans une relation dynamique et créatrice aux savoirs. Parce que les émotions et l’accompagnement bienveillant sont au cœur des apprentissages, l’école ne doit pas « s’adapter » au numérique, elle doit s’augmenter avec le numérique.
Former des encadrants qui proposent et guident sans imposer
19 Nous voyons que la technologie ne suffira pas à changer l’école, mais qu’en même temps, dans ce changement, le numérique a sa place. Il ne peut pas à lui seul résoudre la crise que vit l’Éducation nationale depuis plusieurs années, mais il n’est pas non plus le « cache-misère » que brocardent certains. Ne confondons pas mauvais usages du numérique et possibilités du numérique, et n’abandonnons pas les secondes sous prétexte de nous débarrasser des premiers. Le numérique est un outil, pas une baguette magique. Bien utilisé, il permet d’intégrer des enfants handicapés dans le circuit normal, de remotiver certains élèves, de développer la motivation intrinsèque, d’effectuer des retours d’expériences qui confortent la motivation initiale, et de favoriser l’autoévaluation. N’attendons pas de la technologie plus que ce qu’elle peut donner, mais explorons tout ce qu’elle peut apporter. La culture du livre et celle des écrans sont chacune des sources possibles d’apprentissage et de développement. Et l’encouragement des bonnes pratiques – et notamment des pratiques partagées et/ou créatrices – est la meilleure façon de s’opposer aux pratiques problématiques. Il s’agit donc moins d’interdire l’attachement nouveau et irrépressible aux écrans que de l’utiliser pour un usage intelligent et éducatif.
20 Cela nécessite une mobilisation de l’ensemble des acteurs de l’éducation. Le système éducatif français ne changera pas par le sommet, mais par la base. Le problème est que beaucoup d’enseignants craignent, en travaillant autrement, de perdre le contrôle sur leurs élèves et de susciter la suspicion de leurs collègues. C’est pourquoi l’introduction du changement ne peut se faire que si c’est un projet d’établissement incluant l’existence de personnes-ressources. L’urgence est de former des encadrants qui proposent et guident, mais n’imposent pas, et qui libèrent les possibilités d’initiative des enseignants. Pourquoi pas les inspecteurs d’académie volontaires pour mener ce travail ? À condition, bien entendu, de les libérer de la tâche qui consiste à les envoyer « noter » des enseignants avec pour seul effet d’augmenter le stress et l’infantilisation de ceux-ci. Ils pourraient devenir alors des « Inspecteurs-ressources », une façon à la fois de rappeler leur histoire, et de les tourner résolument vers l’avenir.
En conclusion
21 Les ordinateurs seront probablement bientôt plus rapides que l’intelligence humaine pour faire des calculs et résoudre des problèmes basiques. L’être humain devra donc se consacrer à d’autres tâches. C’est une excellente raison pour encourager le travail en équipe, le sens de la construction narrative et la résolution des problèmes complexes plutôt que la mémorisation. Non seulement ces compétences seront les plus utiles, demain, à la réussite des jeunes, mais elles vont dans le sens de servir la citoyenneté.
22 La famille et l’école ont chacune leur rôle à jouer dans ce projet. Du côté des parents, il est essentiel d’introduire les écrans au bon moment et de la bonne façon, c’est-à-dire en encourageant les pratiques créatrices et socialisantes. C’est le but des repères « 3-6-9-12 ». Les parents doivent en effet, à tout âge, limiter le temps des écrans, veiller à la qualité des programmes, inviter l’enfant à parler de ce qu’il a vu ou fait sur les écrans, et surtout encourager les pratiques de création.
23 L’école, quant à elle, doit inviter les enfants à parler des images qu’ils ont vues dès la maternelle – notamment en s’appuyant sur le Jeu des trois figures – et éduquer à l’Internet dès le primaire [3], en expliquant notamment le droit à l’intimité, le droit à l’image et les modèles économiques des entreprises du Net. Mais elle doit, surtout, s’adapter aux nouvelles façons de penser, de sentir et d’interagir des nouvelles générations en créant, pour les élèves et avec eux, de nouvelles occasions d’apprendre. Cela passe notamment par le développement d’exercices encourageant le passage de l’intelligence visuo-spatiale à l’intelligence narrative, par la mise en place de débats et de controverses, notamment en situation de classes inversées, et par l’utilisation des outils numériques que les enfants possèdent. Ce n’est pas seulement nécessaire pour permettre aux élèves de retrouver le goût de l’école. C’est aussi la condition indispensable à la formation d’une citoyenneté active qui utilise le numérique dans le projet de connaître et de comprendre l’autre dans sa différence, et qui garantisse un fonctionnement démocratique durable de la société.
Notes
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[1]
J’ai avancé cette idée dès 1985 dans Tintin chez le psychanalyste, et je n’ai jamais cessé de la défendre depuis. C’est le fondement des repères 3-6-9-12 (voir www. 3-6-9-12.com.)
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[2]
Sa mise en place se situe dans le cadre des préconisations de lutte contre les violences à l’école développées par le Ministère de l’Éducation nationale (fr).
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[3]
C’est le but du livret pédagogique Les écrans, le cerveau… et l’enfant proposé par La main à la pâte à destination des enseignants du cp au cm2.