CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La santé étant une forme de bien premier (Rawls [1982]), nécessaire à l’exercice des droits et libertés, les questions d’accès et de modes de financement des soins se posent aux sociétés souhaitant garantir ces droits et libertés.

2Or, la croissance des dépenses privées de santé, non seulement dans les systèmes libéraux d’assurance privée comme aux États-Unis, mais aussi dans des systèmes publics à travers la baisse de la couverture par l’assurance obligatoire, nourrit les inégalités d’accès et de financement. En France, différents dispositifs, comme le ticket modérateur, les participations forfaitaires ou l’autorisation des dépassements d’honoraires, ont augmenté les restes à charge publics, payés directement par les ménages ou par les mutuelles privées qu’ils contractent, ce qui peut freiner l’accès aux soins des plus démunis (Perronnin [2016]). Une tout autre source de reste à charge est le développement de pratiques de paiement informel au médecin, comme dans les pays d’ex-URSS, dans de nombreux autres d’Asie ou d’Afrique et même en Grèce (Liaropoulos et al. [2008]). Ils sont généralement analysés comme le seul moyen, dans un système défaillant, d’obtenir un service censé être gratuit (Gaal et McKee [2004]).

3Ces différentes formes de dépenses privées de santé directes et indirectes affectent de deux façons l’équité d’un système. D’une part, si les groupes de population plus démunis ont la même consommation de soins que les autres, les restes à charge peuvent mettre en cause la progressivité du financement des soins (Jusot et al. [2016]). D’autre part, ils peuvent affecter le recours aux soins des populations les moins aisées. Ainsi, dans un article de comparaison des systèmes européens, Or, Jusot et Yilmaz [2009] montrent que les inégalités sociales de recours aux soins sont plus importantes dans les systèmes où la part du reste à charge dans les dépenses totales est plus élevée et où la part des dépenses publiques de santé dans le PIB est plus faible. De même au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays caractérisés par la plus forte iniquité de recours sont ceux dont les systèmes de financement reposent plus largement sur l’assurance privée et les dépenses directes (Devaux [2015]). Les dépenses directes, que ce soit des dépassements d’honoraire non remboursés ou des paiements informels, peuvent entraîner une sélection par l’argent de la patientèle. Cet effet des restes à charge sur le recours est plus important encore dans les pays pauvres (Van Doorslaer et O’Donnell [2008]). Cet article porte sur le Tadjikistan, un pays à faible revenu et dont le taux de reste à charge, 63,1 % des dépenses de santé, est parmi les plus élevés au monde (The World Bank [2015]).

4D’un autre côté, un certain nombre d’observateurs en Europe de l’Est et en Asie centrale, de rapports et d’articles scientifiques (Falkingham [2004] ; Habibov [2011]) mentionnent l’effort fourni par certains médecins pour ajuster leurs tarifs au niveau de vie ou au niveau de besoin des patients que ce soit dans une optique de charité (Ruffin et Leigh [1973]) ou de solvabilisation par subvention croisée (Ensor et Savelyeva [1998]). En outre, certains patients interrogés au Tadjikistan évoquent la marge de manœuvre qui leur est laissée sur le montant de la consultation, du fait du caractère informel de ce paiement qu’ils peuvent ajuster ou non à leur niveau de vie (Pellet [2018]). L’effet de restes à charge informels sur l’équité dans le financement pourrait donc être plus ambigu que l’effet de restes à charge formels, comme les copaiements ou le ticket modérateur.

5Finalement, le système de santé tadjik est-il équitable ? Après avoir explicité les critères d’équité utilisés, cet article mobilise les données du Tajikistan Living Standards Survey pour mesurer l’équité horizontale dans la consommation de soins, l’équité verticale des dépenses de santé observées et enfin celle plus indicative des dépenses de santé corrigées du moindre recours. Cet article contribue, d’une part, à la littérature sur les restes à charge comme facteur d’iniquité et infirme, d’autre part, l’hypothèse de Robin des Bois dans le cas particulier des restes à charge sous forme de paiements informels au médecin.

Reste à charge et équité

6Le niveau d’équité d’un système est généralement mesuré à l’aune de deux critères : un critère d’équité dans la consommation de soins et un critère d’équité dans le financement. Contrairement aux critères d’égalité, au sens d’absence de différence, ils tiennent compte des inégalités de moyens et de besoins (Rochaix et Tubeuf [2009]).

7Le premier principe d’équité horizontale dans la consommation de soins exige que chacun reçoive les soins nécessaires à ses besoins, c’est-à-dire en fonction de son état de santé, et ce indépendamment de sa capacité contributive ou de son lieu d’habitation. Il vise à égaliser la consommation de soins et de médicaments de personnes de statuts sociaux et géographiques différents dès lors qu’ils ont un même état de santé (Wagstaff et Van Doorslaer [2000] ; Jusot et al. [2016] ; Van Doorslaer et Masseria [2014] ; Van Doorslaer et al. [2006] ; Allin, Grignon et Le Grand [2010] ; Allin [2008]).

8Le principe d’équité verticale dans le financement exige que la contribution des ménages augmente avec leur capacité contributive (que ce soit sous forme d’impôts, cotisations, paiements directs des ménages ou primes d’assurance différenciées).

9La contribution peut augmenter avec le revenu moins que proportionnellement, proportionnellement ou plus que proportionnellement. Nous considérons dans cet article que le financement d’un système est équitable dès lors qu’il n’aggrave pas les inégalités de niveau de vie, c’est-à-dire dès lors que le financement est proportionnel au revenu ou plus que proportionnel (progressif) (Szende et Culyer [2006] ; Wagstaff et Van Doorslaer [1997] ; Cissé, Luchini et Moatti [2007] ; Jusot et al. [2016]).

10Les deux aspects de l’équité des systèmes de soins sont rarement étudiés simultanément. Pourtant, il nous semble important de lier ces deux concepts, a fortiori dans des pays pauvres où les dépenses publiques sont généralement faibles, où les restes à charge constituent la majeure partie des dépenses de santé totales et donc un obstacle aux soins (Abu-Zaineh et al. [2009] ; Cissé, Luchini et Moatti [2007]). L’effet des restes à charge en termes d’équité est-il identique lorsque ceux-ci sont principalement informels, comme au Tadjikistan ?

11La prépondérance des paiements informels aux professionnels de santé s’explique par le retrait de l’État, les bas salaires dans la profession et la position de pouvoir du médecin pour extirper une rente (Gaal et McKee [2004] ; Gaal, Evetovits et McKee [2006] ; Ensor [2004]). La question de l’équité rejoint alors celle de la fixation du tarif informel par le médecin. Est-il le même pour tous ou le médecin subventionne-t-il les patients pauvres avec les paiements des plus riches (cross-subsidy, Ensor et Savelyeva [1998]) ? Cette hypothèse de Robin des Bois est très souvent mentionnée dans la littérature sur les paiements informels depuis les années 1990, dans les pays en transition et en développement (Ensor et Savelyeva [1998] ; Habibov [2011] ; Habibov et Cheung [2017] ; Kankeu et Ventelou [2016]).

12Toutefois, sa pertinence fait débat. À partir d’une enquête et de focus groups, Balabanova et McKee [2002] montrent que les plus riches, les plus éduqués et les plus jeunes ont tendance à payer davantage, mais plutôt parce qu’ils souhaitent obtenir des soins de meilleure qualité que parce que le médecin voudrait ainsi subventionner les plus pauvres. C’est pourtant un ressenti qui est rapporté dans des enquêtes qualitatives (Falkingham [2004]) et dans des enquêtes d’opinion. En Bulgarie, ce sont les personnes pauvres, âgées et malades qui refusent la formalisation des paiements au médecin (Delcheva, Balabanova et McKee [1997]). Cela suggère qu’elles ont intérêt à ce que le tarif reste informel car elles pensent pouvoir donner moins au médecin.

13D’autres études affirment au contraire que les paiements informels sont inéquitablement répartis, comme Belli, Gotsadze et Sharhriari [2004] et Gotsadze [2005] sur la Géorgie, Szende et Culyer [2006] sur la Hongrie. Kankeu et Ventelou [2016] estiment que les paiements informels dans trentre-trois pays africains sont régressifs. Dans une étude sur l’appréciation positive ou négative du paiement informel dans six pays, Stepurko et al. [2013] suggèrent que si le médecin discrimine, il se base plutôt sur le besoin et le niveau de consommation que sur le statut social.

14Dans les études concernant le Tadjikistan, l’hypothèse de Robin des Bois est généralement admise (Falkingham [2004]). Habibov [2011] conclut à la progressivité du système et valide l’hypothèse de Robin des Bois, bien qu’il ne distingue pas dans les dépenses out-of-pocket les paiements informels et qu’il ne tienne pas compte de l’iniquité dans la consommation. Or, cela peut être dû soit à l’ajustement du paiement informel au revenu, soit au moindre recours aux soins des plus pauvres. Schwarz et al. [2013] montrent qu’il y a une discrimination positive des plus pauvres à la marge extensive du paiement informel : le premier quintile verse un paiement informel dans 33 % des cas contre 68 % des cas dans le quintile supérieur.

Données et méthodes

Données tadjikes

15Pour étudier les conséquences des restes à charge des ménages sur l’équité dans l’accès aux soins et dans le financement, nous utilisons les données de la vague 2007 de l’enquête sur le niveau de vie des ménages au Tadjikistan, le Tajikistan Living Standards Survey (TLSS).

16Le Tadjikistan est un petit pays enclavé, montagneux, moins bien doté en ressources naturelles que ses voisins d’Asie centrale. Il était déjà le plus pauvre d’URSS et a, de plus, connu une guerre civile dévastatrice (1992-1997), appauvrissant l’État issu de l’indépendance. Son PIB par tête est d’environ 2 300 dollars et les disparités régionales sont fortes. L’échantillonnage du TLSS a été stratifié à deux degrés, par région et type de zone urbaine ou rurale, rendant les données – 4 860 ménages et 29 798 individus – représentatives à l’échelle nationale. Du fait de la longueur du questionnaire, l’enquête a été réalisée en deux passages, l’un en septembre-octobre 2007 et le second en octobre-novembre 2007. Des questions sur la prescription et le coût des médicaments ont pu être posées à ce moment-là.

17Le système de santé est hérité de l’époque socialiste et, d’après la Constitution, il est toujours officiellement gratuit et universel. Il n’est pas financé par un système d’assurance public ou privé, mais directement par le budget de l’État et des autorités locales, qui repose sur les recettes publiques et fiscales (impôt sur le revenu, TVA, droits d’usage, d’accises et d’extraction).

18Les services de soins sont très largement publics : le secteur privé représente 1,6 % du secteur sanitaire en 2015. La plupart des médecins sont fonctionnaires et reçoivent un salaire de l’État, auquel s’ajoute un paiement informel en argent ou en nature directement donné par les patients. En 2007, d’après Khodjamurodov et Rechel [2010], le salaire mensuel moyen dans le secteur de la santé était d’environ 60 TJS, alors qu’il était d’environ 190 TJS dans les autres secteurs (respectivement 17 USD et 53 USD). La pratique du paiement de gratitude existait à l’époque soviétique, mais elle s’est systématisée, monétarisée, et le montant a augmenté pour compenser les bas salaires du personnel médical (Balabanova et McKee [2002] ; Kornai [2000] ; Falkingham [2004]), constituant un obstacle à l’accès aux soins des plus pauvres.

19Aux paiements informels s’ajoutent les médicaments en ambulatoire, le traitement et le matériel en hospitalisation, et les frais de services de certains actes listés par décret dans certains établissements publics autofinancés. L’amendement de 2003 à la Constitution autorise le principe des copaiements, une participation privée aux frais de santé, première étape d’une tentative de formalisation des paiements informels. Le Basic Benefit Package, un panier de soins gratuits garanti pour certaines populations, est mis en place. Mais cette réforme n’est d’abord instaurée que dans quatre districts tests vers la fin 2007 ; élargie à quatorze districts tests en 2014, elle reste très marginale. Partout ailleurs, les soins sont supposés être gratuits.

20Le reste à charge des ménages se compose donc des paiements informels, des frais officiels (copaiements) et des médicaments non pris en charge par le système public. Il couvre les trois quarts des dépenses de santé totales, malgré la couverture universelle. En 2007, lorsqu’a eu lieu la collecte de ces données, le taux de dépenses out-of-pocket était de 77 % des dépenses totales de santé (Khodjamurodov et Rechel [2010]), ce qui le plaçait en tête du classement mondial. Il se trouvait encore à la 11e place du classement en 2014 avec 61,7 % et à la 16e place en 2015 avec 63,1 % (The World Bank [2015]).

Méthode des courbes et indices de concentration

21Pour mesurer le degré d’inégale répartition de la consommation de soins et des dépenses, nous utilisons la méthode des courbes et indices de concentration (O’Donnell et al. [2008] ; Devaux [2015]). Une courbe de concentration indique la part cumulée de la variable d’intérêt, qui peut être la consommation de soins ou les dépenses de santé, pour chaque percentile de niveau de vie (les individus étant classés par niveau de vie croissant).

22L’indice de concentration est défini comme le double de l’aire comprise entre la courbe de concentration de la variable d’intérêt h et la droite d’égalité, ce qui revient, selon la formule de covariance commode (Kakwani [1980] ; Kakwani, Van Doorslaer et Wagstaff [1997] ; O’Donnell et al. [2008]), à le calculer comme suit :

24avec μh la moyenne de la variable de santé h et r la variable de rang dans la distribution des revenus. Si l’indice de concentration CIh est positif, alors la variable d’intérêt est plus largement concentrée dans le haut de la distribution des revenus. S’il est négatif, les plus pauvres cumulent une part plus grande de cette variable (taux de maladies, taux de recours ou dépenses de santé). Si CIh est nul, alors la variable est également répartie dans la population.

Mesurer l’équité horizontale

25L’objectif de cet article est de mesurer l’équité horizontale dans l’accès aux soins et non l’égalité de l’accès. Pour savoir si, quel que soit le niveau de vie, à besoin équivalent le recours est équivalent, il faut tenir compte des différences de besoins des sous-groupes de la population. La variable de recours aux soins est corrigée à l’aide d’une standardisation indirecte. L’indice de concentration de cette variable standardisée indique alors si l’accès est équitable ou non (Wagstaff et Van Doorslaer [2000] ; O’Donnell et al. [2008] ; Devaux [2015]). La méthode est détaillée en annexe.

26L’objectif est également d’identifier des facteurs d’inégalité d’accès et de mesurer l’indice d’équité horizontale. Nous recourons à une décomposition de l’indice de concentration du recours, à partir de la formule de covariance commode 1 (O’Donnell et al. [2008] ; Huber [2008] ; Abu-Zaineh et al. [2011]). Grâce aux propriétés de la covariance, l’indice de concentration d’une variable peut être décomposé comme la somme pondérée des indices de concentration partiels Ck associés à chacune des variables explicatives xk de la variable de recours h :

28Le poids associé à chaque Ck est le produit du coefficient βk du régresseur xk dans la régression de h et du rapport des moyennes. Il est appelé « élasticité » de h à xk et représente un effet moyen de chaque régresseur (O’Donnell et al. [2008]). La contribution de chaque régresseur aux inégalités est calculée comme le produit de l’élasticité et de Ck. Enfin, equation im3 représente la part de l’indice de concentration qui n’est pas expliquée par le modèle (un indice de concentration du résidu).

29Pour mesurer l’équité horizontale, trois variables d’intérêt sont mobilisées. La consommation de soins est mesurée à partir de deux questions : 1) l’individu a-t-il eu recours à de l’aide médicale ambulatoire au cours des quatre dernières semaines ? et 2) l’individu a-t-il été hospitalisé durant les douze derniers mois [1],[2] ? Le renoncement aux soins est mesuré à partir de la question : « Avez-vous déjà dû reporter ou renoncer à des soins ? », posée uniquement aux ménages déclarant qu’au moins un de leurs membres a eu besoin de soins durant les douze derniers mois. Deux autres variables de renoncement ont été créées : le renoncement total (avoir renoncé et n’avoir aucune dépense de santé) et le renoncement partiel (avoir renoncé, tout en ayant des dépenses). Les besoins de soins sont approximés à partir d’informations sur l’âge, le sexe, la santé subjective (de mauvaise à excellente), le fait de souffrir d’une maladie chronique depuis plus de trois mois ou d’avoir été malade ou blessé dans les quatre dernières semaines précédant le premier entretien, ainsi que le nombre de jours d’incapacité dans chaque cas. Nous disposons également d’information sur l’organe malade et sur le diagnostic médical lorsqu’il a été effectué. Aucune question sur l’état de santé n’a été posée lors du second entretien.

Mesurer l’équité verticale

30Pour savoir si les dépenses directes des ménages en soins augmentent plus que proportionnellement au niveau de vie et accentuent les inégalités, nous calculons l’indice de progressivité de Kakwani (KPI) qui mesure l’équité verticale dans le financement. Le KPI, issu des tax studies, est couramment appliqué aux dépenses de santé (Abu-Zaineh et al. [2008] ; Cissé, Luchini et Moatti [2007]). Il est défini comme deux fois l’aire entre la courbe de concentration des dépenses de santé et la courbe de Lorenz des revenus et se calcule comme la différence entre l’indice de concentration des paiements de santé et l’indice de Gini (KPI = CI −Gini). Pour une meilleure inférence, sa distribution et son intervalle de confiance ont été calculés par bootstrap (Abu-Zaineh et al. [2008]). Une valeur positive du KPI indique la progressivité du système et une valeur négative sa dégressivité.

31Notons que le KPI permet de savoir si le financement des soins est moins que proportionnel, proportionnel ou plus que proportionnel au niveau de vie, mais pas d’expliquer pourquoi les dépenses sont réparties de cette façon. Or, un système à fort reste à charge peut paraître progressif en raison de la moindre consommation de soins des moins aisés. Un KPI calculé à partir des dépenses observées, dans un système où l’équité horizontale n’est pas atteinte, ne peut rendre compte du niveau réel de progressivité.

32Pour cela, nous créons un premier contrefactuel qui mesure quelle serait la concentration des dépenses selon le niveau de vie si, pour un même besoin, tous les individus avaient le même accès aux soins et la même consommation quel que soit leur niveau de vie. Nous simulons les dépenses qu’auraient les individus appartenant aux quintiles Q1 à Q4 s’ils avaient la même capacité à payer que ceux du quintile le plus élevé (Q5) en adéquation avec leurs besoins.

33Nous nous inspirons des modèles d’estimation en deux parties (Leung et Yu [1996]) et procédons en deux étapes. Tout d’abord la probabilité de consommation d’un individu, h* est estimée et prédite à l’aide d’une régression logistique du recours. Nous corrigeons la probabilité prédite h* des individus des quintiles Q1 à Q4 en utilisant le coefficient estimé pour le quintile au niveau de vie le plus élevé Q5 ce qui nous donne hsim. Dans une deuxième étape, les dépenses de santé sont régressées sur les quintiles de niveau de vie dans le sous- échantillon des consommateurs, avec les mêmes variables de contrôle (les besoins représentés par X et les autres caractéristiques socio-économiques représentées par Z), puis prédites :

35Les dépenses simulées pour un individu du quatrième quintile sont par exemple :

37Enfin, les dépenses de santé contrefactuelles sont le produit de la probabilité de consommation et des dépenses simulées : hsim × ysim.

38Le système peut aussi paraître artificiellement plus ou moins progressif en raison de l’inégale répartition des besoins entre populations riches et pauvres. Il pourrait paraître progressif parce que les plus riches déclarent davantage leurs problèmes de santé (biais de diagnostic). Il pourrait paraître régressif si les problèmes de santé sont plus nombreux chez les plus pauvres. Quelle serait alors la concentration des dépenses si tous les individus avaient le même besoin de soins quel que soit leur niveau de vie ? Nous créons un second contrefactuel de dépenses en égalisant cette fois les besoins, par la même méthode d’estimation et de simulation en deux étapes et nous regardons si, lorsque les besoins sont homogènes, les dépenses sont plus ou moins équitablement réparties.

39Enfin, pour tester plus précisément l’hypothèse de Robin des Bois et le rôle des paiements informels dans le niveau de progressivité du système, nous distinguons les dépenses formelles et informelles. Si, à besoin donné, les paiements informels demandés augmentent plus que proportionnellement au revenu, ou du moins plus que proportionnellement aux dépenses formelles, ce sont probablement les médecins qui ajustent leur tarif en faveur des plus pauvres.

40Pour mesurer l’équité verticale cette étude se base sur différentes variables de dépenses. Les dépenses de santé ambulatoires sont collectées au niveau individuel pour les quatre dernières semaines et se composent du coût du transport à chaque consultation, des frais de services (paiements informels au médecin et facture des tests) et des dépenses en médicaments. Nous disposons d’informations sur les dépenses de transport et de frais de services au premier et au second entretien ; et sur les dépenses en médicaments, au second entretien uniquement [3]. Les paiements informels ne sont pas directement demandés en ambulatoire, mais nous pouvons les approximer par les frais de services, puisqu’en 2007, l’accès aux services ambulatoires est gratuit d’après la Constitution, à l’exception de certains tests en laboratoire dans certains districts [4]. Les dépenses hospitalières sont collectées au niveau individuel pour le dernier séjour au cours des douze derniers mois. Les dépenses notées « formelles » par la suite comprennent les copaiements, les tests de laboratoire, le traitement. Les dépenses « informelles » comprennent les paiements au médecin et celui aux autres membres du personnel hospitalier. D’autres coûts s’ajoutent (alimentation, draps, etc.). Du fait des valeurs aberrantes dans le nombre de séjours, il est risqué de calculer une moyenne mensuelle des dépenses hospitalières en tenant compte du nombre d’hospitalisations dans l’année rapporté au mois. Nous comparons donc les dépenses lors du dernier séjour, en supposant que l’ampleur des frais – de traitement, de nourriture qui dépendent directement de la durée du séjour, et de remerciements au médecin – permet de capter une variation de consommation reflétant le niveau de gravité de la maladie [5].

Mesurer le niveau de vie

41Le choix de l’indice de niveau de vie utilisé comme variable de rang dans les analyses d’équité, n’est pas anodin et peut influencer les résultats, comme le montrent de nombreuses recherches depuis les années 2000. Les inégalités de recours peuvent être plus importantes lorsqu’on les mesure par rapport au patrimoine que par rapport à la consommation (Lindelow [2006]). Les agrégats de consommation sont plus pertinents que le revenu pour étudier le niveau de vie dans des pays où l’information est incomplète parce qu’une grande part des revenus est informelle (Deaton et Zaidi [2002] ; Falkingham et Namazie [2002]), ce qui est le cas au Tadjikistan.

42L’indice de patrimoine, obtenu par analyse en composante principale, est recommandé par rapport à l’agrégat de consommation afin d’éviter certains biais des données de dépenses, sauf si l’étude porte sur les inégalités de consommation (McKenzie [2005] ; Foreit et Schreiner [2001]). Malgré leurs limites, les indices de dépenses sont à privilégier si le but est de classer les individus selon leur niveau de vie (Falkingham et Namazie [2002]). L’indice de patrimoine, moins fluctuant que la consommation, est recommandé pour contrôler par le revenu permanent, notamment dans les études longitudinales (Filmer et Pritchett [2001] ; Bollen, Glanville et Stecklov [2002]). Enfin, le choix entre les deux indices n’a d’importance que si la différence de rang des ménages, entre leur rang dans la distribution de l’indice de consommation et celui dans l’indice de patrimoine, est corrélée à la santé (Wagstaff et Watanabe [2003]). Dans notre cas, elle n’est pas corrélée avec la variable de recours standardisée, mais elle l’est avec les dépenses de santé.

43Par ailleurs, lorsqu’on étudie l’équité dans le financement, si les ménages sont classés selon l’indice de patrimoine basé sur leurs possessions, le niveau de vie de ceux qui consomment beaucoup de soins et arbitrent donc en faveur de la santé au détriment d’autres postes est sous-estimé [6]. Deaton et Zaidi [2002] recommandent à ce titre d’inclure les dépenses de santé dans l’indice lorsque l’élasticité des dépenses de santé par rapport à l’agrégat de consommations courantes est élevée, ce qui est le cas dans notre échantillon (1,57>1).

44Cet article utilise un indice de consommation totale tenant compte des dépenses de santé comme Habibov [2009], [2011], mais tenant compte également de la valeur d’usage des biens durables, ce qui compense la volatilité de la consommation courante, ainsi que de l’équivalent loyer et des variations spatiales de prix, ce qui évite l’écueil de la sous-estimation de l’écart entre les zones rurales et urbaines :

46avec equation im7 la valeur d’usage du bien durable b et equation im8 l’indicatrice de possession de ce bien par le ménage i ; equation im9 est la valeur locative potentielle, ou l’équivalent loyer, du logement de i ; Ni est le nombre de membres dans le ménage i et IndicePaaschei est un indice de prix locaux tenant compte des consommations du ménage (Deaton et Zaidi [2002] ; Lindelow [2006]).

47Nous disposons d’informations détaillées sur les dépenses courantes d’alimentation et autres (entretien, cosmétique) durant les sept derniers jours, sur les achats de linge durant les six derniers mois, sur les dépenses exceptionnelles durant les douze derniers mois (cérémonie, voyage) et sur les dépenses mensuelles moyennes d’éducation. Les ménages ont aussi été interrogés sur leurs biens d’équipement (électroménager, véhicule) – le nombre détenu, l’année d’achat, le prix de revente actuel – et sur les caractéristiques de leur logement et le loyer qu’ils pourraient recevoir s’ils le louaient. Le mode d’estimation de l’équivalent loyer equation im10 et de la valeur d’usage equation im11 des autres biens durables est détaillé dans les annexes I et II, et le résultat de la régression dans le tableau A1 (annexe III).

48L’indice de Paasche est calculé pour chaque ménage comme l’inverse de la somme des indices de prix (moyenne nationale / médiane locale) de chaque bien b pondérée par la part du bien b dans la consommation du ménage i, selon la méthode de Deaton et Zaidi [2002]. Il permet de corriger la mesure de niveau de vie à la baisse, pour des prix localement plus élevés. Pour la formule détaillée, voir Deaton et Zaidi ([2002], p. 9).

49La plupart des auteurs préconisent d’utiliser plutôt la mesure de consommation per capita, lorsque les dépenses en logement sont faibles et que la nourriture tient une grande part dans le budget, ou alors d’intégrer de faibles économies d’échelle en mettant un exposant 0,75 à Ni (Montgomery et al. [2000] ; Ravallion [1992]). Cet article utilise la mesure per capita, l’introduction de faibles économies d’échelle laissant les résultats inchangés.

Résultats : l’équité horizontale en accès

Standardisation

50Le recours aux soins observé par quintile de niveau de vie est donné dans le tableau 1, colonne 1 pour les visites en ambulatoire et colonne 2 pour les hospitalisations. Il existe un fort gradient social dans le recours à l’offre médicale des deux types. Les ménages du plus bas quintile de niveau de vie n’ont eu recours à l’ambulatoire que dans 7,9 % des cas durant les quatre semaines précédant l’enquête, contre 12 % des cas parmi les ménages les plus aisés. De même, 3,5 % des ménages les plus pauvres ont été hospitalisés au moins une fois durant les douze derniers mois, tandis que 6,7 % des plus aisés l’ont été au moins une fois.

Tableau 1

Consommation de soins par quintile de niveau de vie

(1)(2)(3)(4)
Quintile de niveau de vieRecours à l’ambulatoire (obs.)Hospitalisation (obs.)Recours à l’ambulatoire (stand.)Hospitalisation (stand.)
Q17,9 %3,5 %8,3 %3,9 %
Q29,4 %***4,1 %9,5 %**4,2 %
Q39,6 %***5,0 %***9,9 %***5,2 %***
Q410,4 %***5,4 %***10,3 %***5,3 %***
Q512,0 %***6,7 %***11,4 %***6,2 %***

Consommation de soins par quintile de niveau de vie

Note : Pour le test de significativité des différences de moyennes, le quintile Q1 est pris comme référence (* p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01).

51Cependant, les besoins de soins déclarés ne sont pas également répartis dans la population, comme le montre le tableau 2. Il y a des différences entre quintiles de niveau de vie : les plus riches déclarent plus de besoins de soins. Les individus du cinquième quintile déclarent plus souvent que ceux du premier avoir une maladie chronique (10,5 % contre 7,1 %) et avoir été malades ou blessés récemment (6 % contre 4,9 %), ce qui peut aussi être dû à un biais de déclaration du fait d’un recours aux soins inégal et donc de diagnostics moins fréquents chez les plus pauvres. En revanche, il ne semble pas y avoir de gradient social net en termes de gravité (nombre de jours d’incapacité) parmi ceux qui déclarent une maladie. En termes de santé perçue, les individus appartenant au cinquième quintile déclarent nettement plus souvent être en excellente santé que les plus pauvres (12,9 % contre 8,6 %), mais aussi un peu plus souvent être en très mauvaise santé. Ainsi, les différentes variables de besoin de soins peuvent influencer à la hausse ou à la baisse le gradient social du recours.

Tableau 2

Les besoins de soins par quintile de niveau de vie

Quintile de niveau de vieQ1Q2Q3Q4Q5
Avoir une maladie chronique (plus de 3 mois)7,1 %7,1 %7,0 %9,1 %***10,5 %***
Avoir été malade/blessé (dernier mois)4,9 %5,8 %**5,5 %5,6 %*6,0 %**
Limitation fonctionnelle due à mal. chronique (nbre de jours)5,14,95,7*4,65,8
Limitation fonctionnelle suite à blessure (nbre de jours)5,34,74,65,25,1
Excellente santé perçue8,6 %10,1 %***9,9 %**9,6 %*12,9 %***
Bonne santé perçue77,6 %75,4 %***76,5 %77,0 %74,4 %***
Santé perçue moyenne12,4 %13,1 %12,3 %11,5 %10,8 %***
Mauvaise/très mauvaise santé perçue1,4 %1,5 %1,3 %1,9 %**1,9 %**
Part de femme52,1 %51,9 %51,4 %50,4 %*51,4
Âge moyen23,824,324,8***25,7***27,3***
Effectifs5 4365 7375 9736 0606 200

Les besoins de soins par quintile de niveau de vie

Note : Pour le test de significativité des différences de moyennes, le quintile Q1 est pris comme référence (* p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01).

52C’est pourquoi une standardisation est nécessaire. D’après l’estimation du recours (tableau 3), être une femme adulte a tendance à augmenter le recours aux soins, aussi bien en consultation ambulatoire qu’en hospitalisation, ce qui s’explique en grande partie par la santé maternelle. En revanche, le recours à l’ambulatoire est plus important chez les garçons en bas âge, du fait du suivi pédiatrique important (vaccinations obligatoires).

Tableau 3

Estimation de l’effet des variables de besoins sur le recours

Variables(1)
Recours à l’ambulatoire
(2)
Recours à l’hospitalier
Sexe et âge
Homme < 14 ansRéf.Réf.
Homme 14-18 ans– 0,04***
(0,01)
0,00
(0,01)
Homme 18-25 ans– 0,03***
(0,01)
0,01*
(0,01)
Homme 25-35 ans– 0,05***
(0,00)
0,00
(0,01)
Homme 35-50 ans– 0,03***
(0,01)
0,01
(0,01)
Homme > 50 ans– 0,01
(0,01)
0,03***
(0,01)
Femme < 14 ans– 0,01
(0,01)
– 0,00
(0,00)
Femme 14-18 ans– 0,03***
(0,01)
0,00
(0,01)
Femme 18-25 ans– 0,01
(0,01)
0,05***
(0,01)
Femme 25-35 ans0,01
(0,01)
0,07***
(0,01)
Femme 35-50 ans0,02**
(0,01)
0,05***
(0,01)
Femme > 50 ans0,01*
(0,01)
0,04***
(0,01)
Santé perçue
Excellente santé perçueRéf.Réf.
Bonne santé perçue0,01
(0,01)
– 0,00
(0,00)
Santé moyenne0,06***
(0,01)
0,01*
(0,01)
Mauvaise santé0,13***
(0,03)
0,03**
(0,01)
Très mauvaise santé0,20**
(0,09)
0,01
(0,03)
Maladie ou blessure
Ne pas avoir de maladie chronique ni de blessureRéf.Réf.
Avoir une maladie chronique :
et moins de 2 jours d’incapacité0,10***
(0,01)
0,09***
(0,01)
et entre 2 et 4 jours d’incapacité0,21***
(0,02)
0,13***
(0,02)
et entre 5 et 8 jours d’incapacité0,29***
(0,04)
0,24***
(0,03)
et plus d’une semaine d’incapacité0,27***
(0,03)
0,21***
(0,03)
Avoir été malade ou blessé :
et moins de 2 jours d’incapacité0,30***
(0,03)
0,05***
(0,01)
et entre 2 et 4 jours d’incapacité0,24***
(0,02)
0,03***
(0,01)
et entre 5 et 8 jours d’incapacité0,29***
(0,03)
0,06***
(0,01)
et plus d’une semaine d’incapacité0,48***
(0,04)
0,09***
(0,02)
Observations29,40629,406
Pseudo R20,180,13

Estimation de l’effet des variables de besoins sur le recours

Note : Estimations par modèle Probit. Les coefficients reportés sont les effets marginaux. Les erreurs types estimées sont robustes à l’hétéroscédasticité (* p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01).

53Se déclarer en mauvaise santé est aussi un important facteur de recours, ce qui montre que cette variable est un bon proxy de l’état de santé, tout comme les variables plus objectives, comme avoir une maladie chronique ou avoir été malade ou blessé le mois précédent et déclarer des jours de limitation fonctionnelle. D’après le tableau 3, les besoins expliquent environ 13 % et 18 % de la variabilité du recours (Pseudo R2). La valeur de la probabilité de recours prédite par le modèle, indique ce que devrait être la répartition du taux de recours s’il ne dépendait que des besoins. Et comme le montre le tableau 1, colonnes 3 et 4, le gradient social du recours standardisé est un peu moins marqué que celui du recours observé, car la plupart des variables de besoins sont plus concentrées dans les quintiles supérieurs.

Mesure de la concentration du recours

54Après avoir corrigé des besoins la variable de recours aux soins, il est possible d’estimer sa concentration au sein de la population à l’aide des courbes de concentration. La comparaison entre les courbes de concentration du recours standardisé et non standardisé, montre que la standardisation réduit les différences entre quintiles, puisque les plus riches déclarent un peu plus de besoins de santé, mais ces différences restent significatives. Cela peut venir d’un biais de diagnostic déjà évoqué – leurs maladies sont plus souvent détectées – ou d’un biais de sélection. Si les maladies des plus pauvres sont moins souvent détectées, ils en meurent aussi plus souvent et donc le nombre d’individus pauvres et malades dans l’échantillon est plus faible.

55En présence d’équité horizontale d’accès aux soins, la courbe de recours standardisé devrait être confondue avec la droite d’égalité. Or, sur le graphique 1, elle reste au-dessous de la droite d’égalité, ce qui signifie qu’à besoin de soins équivalent le recours aux soins reste plus concentré parmi les quintiles supérieurs. Cette iniquité de recours est particulièrement marquée à l’hôpital. Les indices de concentration du recours observé sont respectivement de 0,08 pour le recours à l’ambulatoire et de 0,12 pour les hospitalisations et les indices du recours standardisé sont respectivement de 0,06 et 0,08 (cf. tableau 4). La différence de besoins déclarés n’explique pas entièrement la différence de consommation de soins : il y a une iniquité horizontale de recours.

Graphique 1

Courbes de concentration des recours

Graphique 1

Courbes de concentration des recours

Tableau 4

Indices de concentration du recours aux soins

CI recours ambulatoireCI hospitalier
Non standardisé0,080,12
(écart type)(0,01)(0,01)
Prédit par les besoins seuls0,020,04
(écart type)(0,00)(0,00)
Standardisé0,060,08
(écart type)(0,01)(0,01)

Indices de concentration du recours aux soins

Explication de l’iniquité horizontale : décomposition de l’indice de recours

56Nous décomposons ci-dessous l’indice de concentration du recours afin d’expliquer le moindre recours des plus pauvres. La décomposition corrobore le résultat des courbes de concentration selon lequel une iniquité horizontale d’accès existe, et précise le rôle de chaque facteur d’inégalité (cf. tableau 5). Le niveau de vie est le facteur principal d’inégalités avec une contribution de 82 % aux inégalités de recours en ambulatoire et de 36 % en hospitalier, tandis que les autres facteurs contribuent à moins de 15 %. Cela s’explique par l’élasticité positive élevée du recours aux soins par rapport au niveau de vie, conjuguée à l’inégale répartition du niveau de vie (équation 2). Sa contribution à l’iniquité en hospitalier est inférieure à sa contribution en ambulatoire, mais il faut tenir compte du fait que la part d’inégalités expliquée par le modèle de recours hospitalier est elle aussi inférieure (respectivement 42 % et 98 %). Le recours à l’hospitalier est plus difficile à estimer en raison de la plus forte hétérogénéité inobservée et du nombre moindre d’observations.

57D’après le tableau 5, les facteurs de besoins (maladie chronique, blessure, santé perçue) expliquent une part significative de l’inégale répartition du recours aux soins ambulatoires et hospitaliers en faveur des ménages plus aisés, puisqu’ils favorisent le recours aux soins (cf. tableau 3), et qu’ils sont pour la plupart plus concentrés parmi les riches.

Tableau 5

Décomposition de l’iniquité de recours

Tableau 5
Recours ambulatoire Hospitalisation Facteurs CI Contribution (absolue) Contribution (relative au CI observé) CI Contribution (absolue) Contribution (relative au CI observé) Besoins Femme – 0,00 0,00 – 1 % – 0,00 0,00 0 % Âge 0,03 – 0,01 – 14 % 0,03 0,01 7 % Avoir une santé perçue moyenne – 0,03 – 0,00 – 2 % – 0,03 – 0,00 0 % Avoir une mauvaise santé perçue 0,07 0,00 2 % 0,07 0,00 1 % (Réf. = Très/bonne santé perçue) Avoir une maladie chronique 0,09 0,01 9 % 0,09 0,01 6 % Plus d’un jour d’incapacité 0,10 0,00 4 % 0,10 0,00 1 % Avoir été malade ou blessé 0,03 0,00 7 % 0,03 0,00 1 % Autres facteurs de besoins 0,01 12 % – 0,01 – 4 % Sous-total 0,01 0,01 Caractéristiques indiv./ménage Niveau de vie (log) 0,06 0,07 82 % 0,06 0,05 36 % Éduc. sup 0,32 – 0,00 – 3 % 0,32 0,00 2 % Éduc. second. 0,04 0,00 0 % 0,04 0,00 4 % Éduc. prim. – 0,03 0,00 2 % – 0,03 – 0,00 0 % (Réf. = pas de diplôme) Autres caractéristiques ménage 0,01 8 % – 0,01 – 9 % Sous-total 0,08 0,04 Caractéristiques locales Présence d’une polyclinique – 0,01 0,00 – 1 % – 0,01 0,00 0 % Présence d’un feldsher – 0,05 – 0,00 – 4 % – 0,05 – 0,00 0 % Présence d’une pharmacie 0,04 0,00 1 % 0,04 0,00 0 % Urbain 0,18 0,00 6 % 0,18 0,00 1 % Autres caractéristiques loc. – 0,01 – 10 % – 0,01 – 4 % Sous-total – 0,01 – 0,00 Total (CI modélisé) 0,08 98 % 0,05 42 % CI observé 0,08 0,12 Résidu 0,00 2 % 0,07 58 % Indice d’iniquité horizontale 0,07 0,11

Décomposition de l’iniquité de recours

58L’éducation supérieure contribue à l’iniquité dans le recours à l’hospitalier. Elle est inégalement répartie, plus fortement concentrée parmi les plus riches avec un indice de concentration de 0,32. Or, c’est un facteur positif de recours à l’hospitalier. Elle accroît donc l’inégale répartition des hospitalisations (+ 2 %). En revanche, en ambulatoire, elle contribue négativement à l’indice de concentration (– 3 %), car c’est un facteur négatif du recours à l’ambulatoire.

59On note enfin la faible contribution globale des variables d’offre locale, malgré leur inégale répartition. Néanmoins, la présence de polyclinique et d’un feldsher – un professionnel de santé entre médecin et infirmier, également appelé assistant du médecin – dans la communauté permet de baisser les inégalités d’accès aux soins ambulatoires, de respectivement – 1 % et – 4 %. L’existence d’une offre médicale de proximité facilite le recours aux soins, or cette offre se situe plutôt dans les communautés rurales, tandis que les hôpitaux sont plus concentrés dans les centres urbains, qui sont plus favorisés.

Résultats : l’équité verticale en financement

Mesure de l’équité verticale observée

60En ce qui concerne les dépenses ambulatoires, d’après le graphique 2, les courbes de concentration se situent toutes au-dessous de la droite d’égalité, ce qui signifie qu’en termes absolus les ménages aisés contribuent plus que les ménages pauvres aux dépenses totales de santé, comme le note Habibov [2011]. Tous les indices de concentration sont significativement positifs (cf. tableau 6). Mais pour mesurer la progressivité du système, il faut comparer les courbes de concentration des dépenses de santé à la courbe de Lorenz des niveaux de vie.

Graphique 2

Courbes de concentration des dépenses de santé

Graphique 2

Courbes de concentration des dépenses de santé

Tableau 6

Indices de concentration et KPI obtenus à partir des dépenses observées

VariablesCIKPI
[Int. de conf.][Int. de conf.]
Dépenses ambulatoires
Total dernier mois0,30***– 0,06
[0,22 ; 0,39][– 0,13 ; 0,01]
Frais de service0,31***– 0,04
[0,19 ; 0,45][– 0,10 ; 0,02]
Médicaments0,34***– 0,01
[0,24 ; 0,44][– 0,06 ; 0,04]
Coût de transport (moyen)0,26***– 0,11**
[0,10 ; 0,42][– 0,17 ; – 0,04]
Dépenses hospitalières
Total dernier séjour0,22***– 0,12***
[0,15 ; 0,29][– 0,23 ; – 0,08]
Paiements informels0,20***– 0,15***
[0,11 ; 0,29][0,03 ; 0,17]
Frais officiels0,24***– 0,10***
[0,17; 0,32][– 0,15 ; – 0,04]
Traitement0,24***– 0,12***
[0,14 ; 0,33][– 0,18 ; – 0,05]
Autres coûts0,20***– 0,14 ***
[0,13 ; 0,27][– 0,20 ; – 0,08]

Indices de concentration et KPI obtenus à partir des dépenses observées

61La courbe de concentration des dépenses de médicaments et celle des paiements directs au médecin sont à peu près confondues avec la courbe de Lorenz des niveaux de vie. Les KPI ne sont pas significativement différents de zéro (tableau 6). Les contributions à ces postes augmentent à peu près proportionnellement au revenu. Donc les paiements informels sont en absolu plus importants pour les riches que pour les pauvres, mais en termes relatifs, ils n’augmentent ni ne réduisent les inégalités. D’après le critère d’équité verticale retenu, nous considérons que le système de financement en ambulatoire est équitable mais non progressif. Pour vérifier si cela est dû à une différenciation des tarifs informels par les médecins ou à un ajustement de la consommation de soins par les patients, nous simulons les dépenses contrefactuelles (cf. ci-dessous).

62La courbe de coût de transport se situe, quant à elle, au-dessus de la courbe de Lorenz de niveau de vie. Cela signifie que les ménages pauvres dépensent plus – en proportion de leurs moyens – que les plus riches pour se rendre dans les infrastructures médicales, probablement parce qu’ils habitent plus loin de l’offre médicale.

63En ce qui concerne les soins hospitaliers, les courbes de concentration de tous les types de dépenses hospitalières du dernier séjour se trouvent au-dessous de la droite d’égalité, indiquant une contribution plus forte des ménages aisés en absolu (les CI sont significativement positifs). Mais elles se trouvent toutes au-dessus de la courbe de niveau de vie (les KPI sont significativement négatifs). Les dépenses sont donc toutes régressives, y compris les paiements informels aux soignants. Les 50 % les plus pauvres concentrent 21 % des richesses, mais 27 % des paiements informels aux soignants. Les 20 % les plus pauvres concentrent 4,6 % des richesses mais 8,5 % des paiements informels. Ceux-ci n’augmentent pas plus que proportionnellement au revenu, donc ils creusent les inégalités. D’après le critère d’équité verticale, les frais d’entrée officiels, comme les paiements informels, sont régressifs.

Renoncement aux soins

64Que ce soit en consultation ambulatoire ou en cas d’hospitalisation, les paiements informels ne rendent pas le financement des soins progressif, contrairement à ce que suggère l’hypothèse de Robin des Bois (Habibov [2011]). Ils augmentent néanmoins avec le revenu, il s’agit donc de vérifier si cette augmentation – moins que proportionnelle – est due à une moindre consommation des plus modestes ou à un ajustement des tarifs. Le tableau 7 indique un moindre recours aux soins des ménages modestes. Le renoncement partiel (moindre recours) et le renoncement total (non-recours) ne sont pas également répartis : ils sont plus concentrés dans les quintiles pauvres et dans les zones rurales. Plus d’un tiers des ménages déclarent avoir déjà renoncé ou reporté des soins en cas de besoin au Tadjikistan, et plus de la moitié des ménages les plus démunis. Le renoncement total, mesuré à partir de la déclaration de renoncement à des soins et de l’absence de dépenses de santé malgré des besoins de soins déclarés, est particulièrement inégalement réparti. Le taux est trois fois plus élevé chez les 20 % les plus pauvres que chez les 20 % les plus riches. Les quintiles inférieurs sont aussi plus nombreux à déclarer avoir renoncé ou retardé des soins pour des raisons financières.

Tableau 7

Proportion de renoncement et non-recours par catégorie socio-économique

RenoncementRenoncement totalRenoncement partiel
Pourcentages moyens36,4 %11,1 %25,3 %
Par quintile d’indice de niveau de vie
Q150,5 %18,8 %31,6 %
Q243,5 %12,1 %31,4 %
Q336,0 %11,4 %24,6 %
Q438,7 %10,4 %28,3 %
Q527,9 %6,9 %20,9 %
Par région
Douchanbé33,0 %11,8 %21,2 %
Sogd34,5 %5,8 %28,6 %
Khatlon44,3 %16,7 %27,6 %
RRP39,9 %12,5 %27,4 %
GBAO24,9 %5,9 %19,1 %
Par sexe du chef de ménage
Homme37,9 %10,9 %27,0 %
Femme39,6 %13,8 %25,8 %
Par type d’offre médicale
Ø38,1 %13,5%24,6 %
Pharmacie, feldsher32,7 %12,5%20,1 %
Dentiste, consultation femme/enfant41,6 %11,6%30,0 %
Polyclinique, etc.40,0 %13,4%26,6 %
Hôpital, etc.36,9 %9,1%27,8 %
Effectifs971296675
Effectif total2 669

Proportion de renoncement et non-recours par catégorie socio-économique

65Pour mesurer l’équité verticale dans le financement de la santé au Tadjikistan, il faut donc prendre en compte le non-recours et le moindre recours mis en évidence par l’indice d’iniquité et par ces taux de renoncement inégaux.

Dépenses contrefactuelles corrigées du non-recours

66Cette première simulation de dépenses contrefactuelles permet de voir le lien entre l’équité dans le financement des soins et l’équité dans la consommation. Elle permet de tester si le fait que les dépenses augmentent avec le revenu vient d’un moindre recours (un ajustement de la consommation par les patients eux-mêmes) ou non. Pour cela nous simulons les dépenses que devraient avoir les ménages des différents quintiles en fonction de leur besoin et un certain nombre d’autres caractéristiques, en égalisant l’effet du quintile d’appartenance sur la probabilité de recours et sur le niveau de consommation conditionnelle. Nous faisons comme si tous les individus appartenaient au cinquième quintile et avaient donc la même consommation que ceux qui ont les mêmes besoins qu’eux parmi les plus aisés, en supposant qu’ils auraient alors une consommation de soins plus adéquate à leur besoin (nous faisons l’hypothèse qu’il n’y a pas de surconsommation).

67Sur le graphique 3, la courbe de concentration des dépenses ambulatoires contrefactuelles 1 est beaucoup plus proche de la droite d’égalité et domine la courbe des dépenses observées. Cela suggère que la demande est élastique au revenu et donc que la majeure partie de la concentration des dépenses observées, plus fortement concentrée dans le haut de la distribution, n’est pas due à une différence de besoin, mais à un effet du niveau de vie. Avec la même capacité à payer que le plus haut quintile, les autres quintiles dépenseraient autant en soins. Cela corrobore les résultats obtenus par la décomposition de l’indice d’iniquité dans la consommation et les statistiques de renoncement aux soins.

Graphique 3

Courbes de concentration des dépenses contrefactuelles ambulatoires

Graphique 3

Courbes de concentration des dépenses contrefactuelles ambulatoires

68De même pour l’hospitalier, la courbe de dépenses contrefactuelles 1 est au-dessus de celle des valeurs observées, sur le graphique 4, ce qui suggère que la majeure partie de l’inégale répartition des dépenses est due à une moindre consommation des plus pauvres, ou à une consommation supérieure des plus riches, c’est-à-dire à un effet revenu. Les patients ajustent leur consommation à leur revenu. L’inégale répartition est aussi due, dans une moindre mesure, à une différence de besoins. Mais s’il existe un biais de diagnostic, les besoins des populations modestes peuvent avoir été sous-estimés.

Graphique 4

Courbes de concentration des dépenses contrefactuelles hospitalières

Graphique 4

Courbes de concentration des dépenses contrefactuelles hospitalières

69De façon plus détaillée, d’après le tableau 8, l’indice de concentration des dépenses ambulatoires totales n’est pas différent de zéro, et les paiements informels en ambulatoire (composante principale des frais de services) restent plus concentrés dans le haut de la distribution. Les paiements informels en hospitalier sont eux aussi plus concentrés dans le haut de la distribution avec un indice de concentration significativement positif. Après avoir corrigé du non-recours, qui explique la plus grande part de la concentration des dépenses, il reste une part résiduelle qui peut être due à une légère différence de tarifs payés par les patients de différents statuts. Cependant, c’est très éloigné du système équitable d’ajustement progressif du tarif informel au revenu, mentionné dans la littérature.

Tableau 8

Dééppenses contrefactuelles

CIKPI
[Int. de conf.][Int. de conf.]
Premier contrefactuel : àà capacitéé àà payer ééqquivalente
AMBULATOIRE
Déépp. ambul. totales0,01–– 0,34
[–– 0,00 ; 0,03][–– 0,36 ; –– 0,32]
Frais de service (PI)0,02–– 0,33
[0,01 ; 0,04][–– 0,36 ; –– 0,31]
HOSPITALIER
Déépp. hosp. totales0,04–– 0,32
[0,02 ; 0,06][–– 0,34 ; –– 0,30]
Paiements directs (PI)0,04–– 0,32
[0,02 ; 0,05][–– 0,34 ; –– 0,30]
Second contrefactuel : àà besoin ééqquivalent
AMBULATOIRE
Déépp. ambul. totales0,01–– 0,26
[0,01 ; 0,01][–– 0,28 ; –– 0,23]
Frais de service (PI)0,05–– 0,30
[0,05 ; 0,06][–– 0,32 ; –– 0,28]
HOSPITALIER
Déépp. hosp. totales0,08–– 0,27
[0,08 ; 0,09][–– 0,29 ; –– 0,25]
Paiements directs (PI)0,09–– 0,27
[0,08; 0,09][–– 0,30 ; –– 0,24]

Dééppenses contrefactuelles

70Enfin, les KPI de dépenses contrefactuelles indiquent ce que seraient les inégalités de niveau de vie hypothétiques après consommation et contribution au système de tous ceux qui ont eu besoin de soins, indépendamment de leur revenu. Le système serait alors extrêmement régressif (le KPI est égal à l’opposé du Gini). Le financement de la santé augmenterait fortement les inégalités si on obligeait (par exemple pour des raisons sanitaires) les ménages les plus modestes à consommer autant que les plus aisés en cas de besoin. Sans système de redistribution, rechercher l’équité horizontale dans la consommation de soins aboutirait au creusement extrême des inégalités de niveau de vie.

Dépenses contrefactuelles à besoin équivalent : les médecins différencient-ils entre riches et pauvres ?

71La deuxième simulation permet de contrôler pour les différences de besoins et de faire le lien entre l’équité verticale et l’éventuelle progressivité des paiements informels. La courbe de concentration des dépenses contrefactuelles 2 supposant que tous les individus ont les mêmes facteurs de besoin domine nettement celle des valeurs observées, aussi bien pour l’ambulatoire que pour l’hospitalier (graphiques 3 et 4). Donc une partie de l’inégale répartition de la consommation vient des différences de besoin, comme le montrait également la décomposition de l’indice. Elle se situe au-dessous de la droite d’égalité, ce qui suggère qu’à besoin comparable les patients pauvres paient moins en absolu que les plus riches. Cependant, elle se situe au-dessus de la courbe de Lorenz de niveau de vie, ce qui suggère que les patients pauvres paient plus en proportion de leur capacité contributive, même en contrôlant pour les besoins. D’après le tableau 8, les KPI sont tous significativement négatifs, ce qui confirme l’absence d’équité verticale dans le financement aussi bien en ambulatoire qu’en hospitalier. Le système est bien régressif.

72De plus, la composante informelle des dépenses ambulatoires présente un KPI de – 0,30, plus élevé en valeur absolue que celui de l’ensemble des dépenses ambulatoires (– 0,26). Les paiements informels sont la composante la plus régressive des dépenses ambulatoires, ce qui réfute l’hypothèse de Robin des Bois. En hospitalier, les paiements informels ne sont pas plus régressifs que les dépenses hospitalières en général, mais sont bien significativement régressifs aussi. Les KPI sont tous deux de – 0,27.

73Pour conclure, d’après cette simulation, à besoin de soins équivalent, les paiements informels versés par les patients ne sont ni proportionnels à leur revenu, ni moins que proportionnels à leur revenu, ils ne sont donc ni équitables ni progressifs. On en déduit que les médecins ne différencient pas leur tarif informel en fonction du niveau de vie des patients, ou qu’éventuellement, s’ils le font, c’est selon une évaluation subjective erronée de leur niveau de vie.

Discussion et conclusion

74Cet article contribue à la littérature sur l’équité des systèmes de santé à fortes dépenses privées et à celle sur les paiements informels, de plusieurs façons : en mesurant conjointement l’équité horizontale et verticale à partir des critères d’équité et grâce à une méthode de simulation, en construisant un indice de niveau de vie plus adéquat et en distinguant les dépenses informelles au sein des dépenses de santé.

75L’étude conjointe de l’équité en financement et en consommation rendue possible par les simulations est une contribution originale à la littérature. Comme tout modèle de simulation, elles comportent certaines limites. La première simulation repose sur l’hypothèse selon laquelle les ménages du cinquième quintile, parce qu’ils ont les moyens financiers, consomment des soins en adéquation avec leurs besoins, c’est-à-dire qu’en moyenne ils ne surconsomment pas. Cette hypothèse, forte dans un contexte occidental, est assez raisonnable dans le contexte tadjik où les ménages appartenant au cinquième quintile sont loin d’être très riches et où la demande est de toute façon contrainte par une offre pharmaceutique et technologique relativement limitée. La seconde simulation est un peu plus approximative car il est plus difficile de mesurer précisément les besoins de soins que le niveau de vie. Nous avons donc dû choisir les facteurs les plus significatifs, comme le fait d’avoir été empêché dans ses activités quotidiennes, pour reconstruire des dépenses de santé à besoin approximativement équivalent.

76La conclusion générale de cet article est que les dépenses directes des ménages augmentent les inégalités d’accès et que les paiements informels n’ont pas pour effet de diminuer les inégalités de financement en vertu d’une hypothétique bienveillance des médecins. Le manque chronique de budget du secteur sanitaire, depuis l’indépendance et la guerre civile, et l’indigence des salaires des médecins qui en découle, interdisent l’universalité et l’accès gratuit aux services en produisant un renoncement aux soins, y compris dans des classes intermédiaires de revenu.

77Depuis 2007, la situation s’est améliorée, avec notamment plusieurs augmentations consécutives du salaire officiel des médecins. En 2015, l’out-of-pocket a diminué en proportion, il représente 63,1 % des dépenses totales, mais a augmenté en montant, puisque les dépenses totales ont crû sur la période. Les résultats de cet article sur l’impact des dépenses formelles et informelles en termes d’équité restent d’actualité. L’implémentation de la Stratégie nationale pour la santé 2010-2020 se fait lentement. Le Basic Benefit Package complète la formalisation des tarifs (copaiements) en garantissant aux populations vulnérables ciblées un accès gratuit à un panier de soins de base. Il a été mis en place dans 14 districts (sur 65) entre 2007 et 2015 et se trouve encore à l’état de réforme pilote (Khodjamurodov et al. [2016]). L’assurance santé obligatoire a été évoquée, mais le rapport mandaté a conclu à l’inexistence des prérequis pour la mettre en place (O’Dougherty et Kutanov [2013]).

78La voie de la formalisation des tarifs – que semble prendre le gouvernement avec la réforme pilote – devrait être favorable aux plus démunis, à condition que le Basic Benefit Package soit effectivement appliqué, c’est-à-dire à condition que les médecins ne demandent plus (ou que les patients ne donnent plus) de paiements informels en supplément. La formalisation des tarifs aurait peut-être l’avantage de rétablir la confiance envers le personnel médical, aujourd’hui compromise.

79En outre, pour éviter les effets de seuils et le renoncement aux soins par des ménages de catégories intermédiaires ne pouvant bénéficier du BBP, il serait préférable d’instaurer également des mécanismes d’assurance ou de solidarité. À ce propos, notre modèle de simulation pourrait être mis à profit pour tester l’effet de ces différents choix de réforme possibles, dans le cadre d’une recherche future.

80Enfin, la question de l’offre de soins et de son inaccessibilité dans certaines régions rurales joue un rôle très important dans le recours aux soins. Les inégalités sociales d’accès sont en grande partie doublées d’inégalités spatiales. Ainsi l’accès aux soins croise d’autres grands chantiers de politiques publiques nécessaires, comme celui de l’amélioration des infrastructures et notamment celles des transports.

81Le cas étudié est un cas extrême aussi bien dans le niveau de reste à charge, puisque celui-ci couvrait les trois quarts des dépenses, que dans le niveau d’informalité de l’économie. Cependant, étudier les conséquences de ces paiements sur l’équité du système peut éclairer la situation d’autres pays, y compris des pays de l’OCDE où se développent des restes à charge. Par exemple, les restes à charge atteignent 28 % au Portugal et 35 % en Grèce (World Bank [2015]), où les paiements informels au médecin constituent un des problèmes majeurs du système de santé (Liaropoulos et al. [2008]).

Je remercie Florence Jusot pour ses conseils, ses relectures et ses précieux commentaires. Je remercie également l’université Paris-Dauphine, le Laboratoire d’économie de Dauphine et l’équipe du LEGOS qui m’accueillaient lors de la rédaction de cet article, pour l’environnement propice à la recherche qu’ils constituent et pour leur aide matérielle. Enfin, je remercie les discutants et les rapporteurs qui ont contribué à améliorer cet article.
Annexes

I – Méthode de standardisation indirecte

82La standardisation indirecte corrige le niveau observé de recours aux soins par quintile de niveau de vie. Cette méthode autorise des structures démographiques différentes et donc des besoins de soins différents entre quintiles, mais implique un même effet moyen de ces variables démographiques sur la consommation de soins, pour l’ensemble de la population, d’après O’Donnell et al. ([2008], p. 178). La variable de recours standardisée h*s est calculée ainsi :

84h est le recours observé, hx est le recours prédit en fonction des besoins et equation im18 la moyenne des hx. Comme la variable de recours est binaire, la prédiction de hx requiert un modèle Probit.

86avec la variable latente h*x = Xʹβ + ε et X le vecteur de variables sociodémographiques de standardisation, soit les proxies de besoin (âge, sexe, être atteint de maladie chronique, avoir été malade ou blessé, nombre de jours de limitation fonctionnelle). Une fois hx prédite, nous calculons sa moyenne et en déduisons le recours standardisé h*s à partir de l’équation A1.

II – Méthode d’estimation des valeurs d’usage

87L’équivalent loyer imputé equation im20 est plus pertinent que les dépenses directes de logement : en coupe transversale certains ménages viennent d’acheter une maison, d’autres l’ont eue en héritage ou sont en train de la construire. Il s’obtient par régression linéaire du loyer potentiel que les ménages déclarent pouvoir facturer s’ils louent leur maison, sur les caractéristiques des ménages et de leur logement :

89où Li est l’équivalent loyer déclaré par le ménage i, Xi un vecteur de caractéristiques du ménage i et de son logement : région, type de logement, matériaux du sol, présence d’un système de chauffage, d’une salle de bain, terrasse, ascenseur, garage, indicatrice de la proximité de l’école, variable catégorielle de la densité de population et de l’éducation du chef de ménage. Nous procédons à cette estimation sur le groupe de ménages pour lequel l’enquêteur répond que l’équivalent loyer semble exact, ce qui réduit le sous-échantillon à 20 % de l’échantillon initial et la représentativité des zones rurales [7], mais fournit une meilleure estimation (R2 supérieur à 30 % au lieu de moins de 10 %). Puis, nous prédisons equation im22 et l’imputons aux autres ménages.

90La valeur d’usage equation im23 des autres bien durables tenant compte de leur dépréciation est estimée à partir des déclarations sur l’année d’achat et le prix qu’ils pourraient en demander s’ils le vendaient au moment de l’enquête (Deaton et Zaidi [2002]) :

92où α estimé par régression de Pb (le prix actuel du bien b) sur Tb (l’âge du bien) est une estimation de la diminution moyenne de la valeur avec le temps (la différence entre le taux de dépréciation et le taux d’inflation, δ −π). Nous approximons la valeur d’usage equation im25 par le produit α × Pb Notons que la méthode concurrente de la valeur ajustée à la durée de vie, à partir d’une estimation de durée de vie moyenne (Deaton et Zaidi [2002]), donne des valeurs d’indice de niveau de vie plus élevées mais conserve globalement le classement et aboutit à des résultats très comparables.

III – Résultats de l’estimation de l’équivalent loyer

Tableau A1

Régression de l’équivalent loyer déclaré par les ménages

Y = Montant de l’équivalent loyer
CaractéristiquesCoefficientÉcart type
Chauffage1,65(29,12)
SDB séparée24,47(17,14)
Terrasse14,24(16,14)
Ascenseur51,17(31,63)
Garage57,88**(25,56)
Appartement (Maison = Réf.)8,71(34,95)
Date de construction :
Construit avant 1945222,39***(41,29)
Construit 1945-1960– 22,03(24,36)
Construit 1961-1980Réf.
Construit 1981-199025,79(17,14)
Construit après 199055,88**(21,64)
Matériau principal :
Brique4,59(27,90)
Abode– 5,10(24,17)
Pierre22,73(38,04)
Terre cuite– 40,18*(24,23)
Bois– 81,06(100,46)
TorchisRéf.
Matériau du toit :
Toit torchis– 93,41***(27,77)
Toit métal bitum26,46(23,56)
Toit tuilesRéf.
Matériau du sol :
Sol argile14,71(20,25)
Sol lino34,14(30,50)
Sol bitum– 13,50(36,50)
Sol parquetRéf.
Caractéristiques locales :
Proximité d’une école– 12,69(15,80)
Densité moyenne de population36,85*(19,64)
Densité forte de population50,54**(22,17)
Densité faibleRéf.
Dushanbe194,34***(33,40)
RRS– 10,65(21,26)
Khatlon88,75***(29,11)
GBAO173,78***(41,00)
SogdRéf.
Urbain21,37(20,79)
Educ sup (chef de ménage)71,74***(18,44)
Constante1,01(33,05)
Observations830
R20,31

Régression de l’équivalent loyer déclaré par les ménages

Notes

  • [1]
    Bien qu’elles soient suivies de questions sur le nombre de consultations ou d’hospitalisations, nous mesurons la consommation à partir des indicateurs binaires. La principale raison est l’importance des valeurs aberrantes quant au nombre d’hospitalisations. On observe des pics de réponses à 7, 15, 30 et même 90, ce qui semble correspondre au nombre de nuitées passées à l’hôpital et non au nombre de séjours d’hospitalisation. Les valeurs ne sont pas toutes exprimées dans la même unité à cause d’une ambiguïté dans le questionnaire.
  • [2]
    Les ménages ont été enquêtés en septembre et en octobre. Leurs besoins de soins ne sont demandés qu’au cours du mois précédant le premier entretien. Mais la question sur le recours est posée au premier et au deuxième entretien. Comme les deux passages sont proches, et pour être cohérent avec la variable de dépenses (ci-dessous), nous avons créé une proxy du recours moyen mensuel sur les deux passages d’enquête. Il vaut 1 lorsque la personne déclare au moins un recours uniquement à un des entretiens, il vaut (1 + 1) / 2 lorsqu’elle déclare au moins un recours au premier et second entretien. Il vaut 0 si elle n’en déclare ni au premier passage ni au second.
  • [3]
    Les ménages sont enquêtés en septembre puis en octobre, en octobre puis en novembre ou deux fois en octobre. Ils peuvent avoir déclaré deux fois les mêmes dépenses, du fait du délai de quatre semaines de la question. Il fallait donc arbitrer entre perdre de l’information en ne choisissant qu’une seule période, ou risquer de compter deux fois certaines dépenses. La majorité des ménages déclarent un recours et des dépenses uniquement lors de l’un des deux entretiens (1 107 au premier et 1 380 au second). Pour ceux-là, nous prenons les dépenses du mois précédant l’entretien dans lequel ils déclarent des soins. Pour les 315 individus qui en déclarent lors de chaque entretien, nous avons construit une proxy des dépenses mensuelles moyennes sur les deux ou trois derniers mois.
  • [4]
    La question « How much did you pay for these services including payments for laboratory tests and all consultations, excluding medicine ? », est suivie de « Were any of these payments made according to posted lists of Government approved prices or co-payments ? ». Mais celle-ci est mal renseignée, car même dans les districts concernés peu de gens connaissent l’existence de ces copaiements.
  • [5]
    Cela sous-estime les différences de consommation si certains sont allés plusieurs fois à l’hôpital dans l’année. Toutefois, 56 % n’y sont allés qu’une fois et 70 % y sont allés moins de trois fois. Par ailleurs, le coût de transport n’a pas été demandé pour une hospitalisation, ce qui en sous-estime le coût total.
  • [6]
    Mais lorsque les dépenses de santé sont catastrophiques et que les ménages recourent à l’endettement ou la vente d’actifs, compter les dépenses de santé dans l’indice peut surestimer leur niveau de vie. Certains auteurs considèrent que la capacité d’endettement est elle-même un indicateur de solvabilité, de revenus futurs et donc reste corrélée au niveau de vie.
  • [7]
    Il y a un peu plus d’urbains que de ruraux parmi les estimations correctes. Le risque est donc de surestimer le revenu des ménages ruraux auxquels nous avons imputé l’équivalent loyer, ce qui pourrait entraîner une sous-estimation des inégalités de revenu.
Français

Cet article vise à mesurer les inégalités d’accès et de financement d’un système de santé à fort reste à charge. Malgré l’universalité de son système, le Tadjikistan affiche des taux de reste à charge parmi les plus hauts du monde, de 60 % à 80 % des dépenses ces dix dernières années. À partir des données issues du Tajikistan Living Standards Survey 2007 et de la méthodologie des indices de concentration, nous suggérons que l’accès aux soins n’est pas équitablement réparti dans la population et que les dépenses de santé sont régressives. Les paiements informels reconstruits après contrôle des différences de besoin sont eux aussi régressifs, ce qui invalide l’hypothèse selon laquelle les médecins redistribuent.

  • indice d’équité
  • consommation de soins
  • financement de la santé
  • décomposition d’indice
  • informalité
  • microsimulation

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Sandra Pellet
LESC-CNRS, Université Paris Nanterre. Correspondance : LESC, 21 allée de l’Université, 92023 Nanterre, France.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/09/2020
https://doi.org/10.3917/reco.pr2.0152
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