Introduction
1Les remises de fonds envoyées par les migrants ont-elles un impact sur la consommation de soins de leur famille, dans leur pays d’origine ? Cette question est importante dans les pays fortement dépendant des migrations – c’est-à-dire où les transferts représentent une part importante des ressources des ménages – et dotés d’un système de santé laissant une partie importante du coût des soins à la charge des patients, les exposant ainsi à un risque de dépenses de santé catastrophiques. Elle est d’autant plus cruciale lorsque le pays connaît une forte émigration, puisque de nombreuses études ont montré que ce sont les personnes en meilleure santé qui sont capables de migrer (Abraido-Lanza et al. [1999] ; Jusot et al. [2009] ; Moullan et Jusot [2014]). En raison de ce biais de sélection, les pays où une forte proportion de la population émigre peuvent avoir un état de santé plus dégradé, justifiant un besoin de soins plus important. Pourtant, peu de travaux se sont intéressés à l’influence des remises de fonds sur la consommation de soins des autres membres du ménage restés au pays.
2Les transferts de fonds des migrants sont-ils utilisés pour satisfaire des besoins de santé et ainsi améliorer l’accès aux soins des ménages bénéficiaires ? Permettent-ils d’accroître l’intensité de la consommation de soins parmi les ménages ayant déjà accès aux soins ? L’effet de ces transferts est-il identique dans l’ensemble de la population ? Par ailleurs, si ces fonds sont envoyés dans le but de couvrir les besoins médicaux, l’existence de dépenses de santé insatisfaites pourrait motiver la décision de migrer et l’envoi d’argent. Pour cette raison, il convient de prendre en compte l’endogénéité potentielle de la réception de remises de fonds.
3Nous nous trouvons ici à l’intersection d’une littérature d’économie du développement sur l’usage des remises de fonds, d’économie des migrations interrogeant leur rôle assurantiel, et d’économie de la santé.
4L’un des débats qui dominent la littérature sur l’usage des remises de fonds est celui voyant s’affronter une vision court-termiste et long-termiste de l’effet des transferts. Les transferts sont-ils utilisés pour améliorer la consommation (improductive et à court terme) ou sont-ils mobilisés pour financer les investissements (productifs et à long terme) ? Les moins pessimistes ont estimé un effet positif des transferts de fonds envoyés par les migrants sur l’achat de biens durables dans différents pays comme le Tadjikistan (Clément [2011]), le Mexique (Taylor et Mora [2006] ; Zarate-Hoyos [2004]) ou l’Albanie (Castaldo, Litchfield et Reilly [2007]). Dans cette littérature sur l’allocation des dépenses, la priorité n’est pas donnée aux dépenses de santé. Et dans les articles consacrés au rôle des remises de fonds en santé et développement, il est plus souvent fait référence à leur impact sur l’état de santé (Hildebrandt et al. [2005] ; Böhme, Persian et Stöhr [2015]) qu’à la consommation de soins.
5Depuis les années 1980, la recherche sur les migrations considère que la décision de migrer est souvent un choix rationnel collectif au sein du ménage (Chort et Senne [2015]) ou bien qu’elle s’inscrit dans un réseau de solidarités informelles (Lautier [2004]), ayant pour but de faire face aux risques financiers dans des situations de vulnérabilité ou d’incertitude. Les remises de fonds envoyées par les migrants depuis l’étranger peuvent ainsi être interprétées comme une diversification des sources de revenus. De nombreux articles (Lucas et Stark [1985] ; Stark et Lucas [1988] ; Shaw [1988] ; Stark [1995]) se sont intéressés aux aspects assurantiels de la migration, expliquant la décision de migrer comme moyen de diversifier le portefeuille (Azam et Gubert [2002]). Les ménages, adverses aux risques et vivant dans un pays sans assurance, se prémuniront du risque en allouant leurs membres dans des régions qui ne sont pas exposées aux mêmes chocs naturels ou économiques.
6La migration peut ainsi être une réponse au risque financier induit par la maladie et les problèmes de santé et, plus précisément, au risque de dépenses catastrophiques ou de dégradation de l’état de santé en cas de non couverture des besoins de soins. La réception de remises de fonds pourrait donc être endogène aux besoins et à la consommation de soins. Bien qu’il y ait peu de données probantes sur le fait que des ménages s’assureraient contre un risque de santé en envoyant des migrants à l’étranger, quelques études ont montré le rôle positif des transferts de fonds sur la santé compte tenu de l’endogénéité potentielle de la réception de remises (Amuedo-Dorantes et Pozo [2011]). En Colombie, il a été constaté que la migration pouvait être utilisée comme substitut à l’endettement de ménages non couverts par une assurance et confrontés à des chocs de santé (Ambrosius et Cuecuecha [2013]).
7Enfin, au-delà de poser la question de l’effet des remises sur l’accès aux soins comme le font quelques études (Amuedo-Dorantes, Sainz et Pozo [2007]), il est intéressant de poser celles de l’hétérogénéité de cet effet au sein de la population et de ses conséquences en termes d’équité, rarement abordées. Chauvet et al. [2015] ont montré que les remises de fonds, comme l’aide au développement, contribuent à réduire la mortalité infantile mais ont un effet plus marqué chez les plus riches, ce qui en fait une source d’augmentation des inégalités sociales de santé, alors que l’aide au développement a un effet homogène dans la population. Mais à notre connaissance cette question est assez rarement soulevée. En ce qui concerne le Tadjikistan, Clément [2011] ne mentionne que l’effet des transferts de fonds sur les dépenses des différents quintiles de revenus et Habibov [2011] analyse l’impact des dépenses directes sur l’égalité d’accès et de financement, mais ne mentionne pas le rôle des migrations.
8Cet article propose d’étudier l’effet des remises de fonds des migrants sur la consommation de soins des autres membres de leur famille, dans le cas du Tadjikistan. Il contribue de plusieurs façons à la littérature existante. L’effet de la réception de transferts de fonds sur la consommation de soins est étudié à l’aide d’un modèle en deux parties plutôt qu’à l’aide d’une régression linéaire ou d’un Tobit. Cela permet de distinguer l’effet à la marge extensive, approchant l’effet sur l’accès aux soins, de l’effet à la marge intensive, approchant l’effet sur la couverture des besoins de soins plus importants. Deuxièmement, il étudie et traite l’endogénéité potentielle des transferts envoyés par les migrants, qui est plus souvent supposée qu’analysée dans la littérature, en utilisant un instrument original fondé sur la densité locale de migrants. Enfin, nous étudions l’effet des transferts en différents points de la distribution des dépenses de santé et les conséquences en termes d’équité horizontale d’accès aux soins, ce qui est rarement étudié et moins encore dans les articles consacrés au Tadjikistan.
Contexte tadjik et données
Contexte
9Cet article propose d’étudier l’effet des remises de fonds sur la consommation de soins au Tadjikistan, où le niveau de vie de nombreux ménages dépend du soutien d’un migrant à l’étranger et où la part des dépenses directes des ménages dans les dépenses de santé totales est très élevée (74 % en 2010, d’après Khodjamurodov et al. [2016]).
10Après l’effondrement de l’Union soviétique, le Tadjikistan a surmonté cinq années de guerre civile suivies d’une crise économique. Une première vague de réfugiés est arrivée en Russie pendant et après la guerre. Une deuxième vague migratoire commence dans les années 2000 et s’intensifie après 2006. Elle se compose de travailleurs migrants, la plupart d’entre eux séjournant temporairement ou faisant des allers-retours saisonniers en Russie. Les transferts de fonds représentaient 45 % du PIB tadjik en 2007 (Danzer et Ivaschenko [2010]), 49,6 % en 2008 (Clément [2011]), 41,7 % en 2014 (Ratha, Eigen-Zucchi et Plaza [2016]).
11Au cours de la même période, les dépenses de santé privées ont augmenté de façon spectaculaire, dépassant 80 % des dépenses totales de santé en 2005, à mesure que la part des dépenses publiques diminuait. Le système de santé tadjik, hérité du système soviétique, se caractérise par un niveau élevé de dépenses laissées à la charge des patients, alors que le système est toujours censé être universel et gratuit selon la Constitution, à quelques exceptions près. En effet, les paiements informels au médecin, en consultation ou après une hospitalisation, sont très répandus, et les médicaments et le matériel utilisés sont généralement facturés. Les dépenses publiques de santé au Tadjikistan sont les plus faibles d’Asie centrale. En 2007, elles représentaient 4,3 % des dépenses publiques (6,8 % en 2012, d’après l’Organisation mondiale de la santé), contre 11 % en moyenne en Asie centrale, et 1,7 % du PIB (Khodjamurodov et Rechel [2010]). En raison du manque de financement public, le recours aux soins est très coûteux, engendrant un certain nombre de renoncements aux soins (Khodjamurodov et al. [2016] ; Pellet [2018a]).
12À notre connaissance, deux études récentes examinent la relation entre santé et migration au Tadjikistan. Clément [2011] montre l’impact des envois de fonds sur l’allocation des dépenses, y compris les dépenses de santé, en comparant deux groupes comparables de ménages, l’un bénéficiant de remises de fonds et l’autre n’en bénéficiant pas, appariés à l’aide d’un score de propension. Cependant, cette méthode ne permet pas de traiter le biais potentiel d’endogénéité de la réception de transferts de fonds lié aux caractéristiques inobservées influençant à la fois la réception des remises de fonds et les dépenses médicales, et en particulier l’ensemble des besoins de soins des ménages recevant des transferts.
13À l’aide d’une instrumentation, Kan [2016] montre que le montant de remises de fonds a un impact positif et significatif sur la plupart des outcomes de santé (jour d’incapacité, état de santé perçu, dépenses), bien que l’impact soit faible en intensité. Cette étude ne permet pas de savoir si les transferts permettent véritablement d’améliorer l’accès aux soins et la couverture des besoins de soins, dans la mesure où l’effet sur les dépenses est estimé sans contrôler par le besoin de soins, c’est-à-dire par l’état de santé.
Données
14Cet article utilise les données de la vague 2007 du Tadjikistan Living Standard Survey, enquête menée par le Département de statistiques d’État et supervisée par la Banque mondiale. Il s’agit d’une enquête représentative à l’échelle nationale avec un échantillonnage stratifié à deux degrés, au niveau des zones urbaines et rurales de chaque région, et au niveau communautaire [1]. Lors de la première étape, une sélection aléatoire de 270 unités primaires d’échantillonnage, des grappes, a été effectuée au niveau communautaire. Au sein des 270 grappes retenues, 18 ménages ont été sélectionnés aléatoirement. L’échantillon est assez important, avec 4 860 ménages et 29 798 individus en tout.
15Les données se composent de 15 modules thématiques, comprenant un module migration, un module santé (état de santé, recours aux soins, dépenses de santé, etc.) et les caractéristiques démographiques et socio-économiques des ménages et des individus (éducation, travail, etc.). Un second passage a eu lieu deux mois plus tard comprenant des questions relatives aux dépenses en médicaments, un poste important des dépenses de santé. Nous utilisons donc cette vague pour calculer plus précisément les dépenses de santé des ménages, mais cela fait perdre une centaine de ménages qui n’ont pas été retrouvés et réenquêtés. Nous supposons que les principales caractéristiques socio-économiques n’ont pas changé pendant la période intermédiaire. Une autre vague de données a été collectée en 2009, 1 500 ménages de 2007 ont fait l’objet d’une nouvelle enquête, composant un panel pour la période 2007-2009. Cependant, les questions sur l’état de santé n’ont pas été posées, ce qui rend impossible l’analyse de l’accès à des soins adéquats, c’est-à-dire l’analyse de la consommation de soins à besoin de soins donné.
Variables d’intérêt
16L’enquête collecte, tout d’abord, des informations sur l’ensemble des dépenses engagées par le ménage au cours du dernier mois pour les soins ambulatoires, incluant les dépenses de médicaments prescrits et non prescrits, les paiements formels et informels faits aux professionnels de santé et les frais de transport. Elle renseigne par ailleurs l’ensemble des dépenses hospitalières engagées lors du dernier séjour à l’hôpital au cours des douze derniers mois, incluant les dépenses relatives aux traitements reçus, les paiements formels et informels aux médecins, les dépenses alimentaires et les autres frais directs liés à l’hospitalisation. Les frais de transport jusqu’à l’hôpital ne sont en revanche pas déclarés, ce qui conduit à une sous-estimation des dépenses hospitalières.
17Ces informations permettent alors de retenir trois variables d’intérêt : les dépenses de santé totales mensuelles, les dépenses ambulatoires du dernier mois et la moyenne par mois des dépenses hospitalières de l’année (c’est-à-dire les dépenses du dernier séjour multipliées par le nombre annuel d’hospitalisations, le tout divisé par douze). La première correspond à la somme des deux autres.
18Plus de la moitié des ménages n’ont pas de dépenses : 58,4 % des ménages n’ont aucune dépense, 73,6 % n’ont aucune dépense hospitalière et 54,4 % n’ont aucune dépense ambulatoire. Les dépenses ambulatoires concernent plus de monde, non seulement parce que les consultations sont plus courantes que les hospitalisations, mais parce qu’elles contiennent aussi l’automédication. Parmi les consommateurs de soins de santé, la variance de leurs dépenses est extrêmement élevée, du fait de quelques valeurs aberrantes de l’ordre de milliers de somonis [2] pour plusieurs opérations au cours de l’année. Nous avons choisi de conserver les valeurs aberrantes parce que, dans ce système, les dépenses de santé peuvent être catastrophiques en raison des paiements informels et formels (matériel, médicaments). En outre, les personnes qui peuvent se permettre ces traitements sont significativement plus riches que les autres et donc peuvent procéder à des paiements élevés. Néanmoins, nous utilisons le logarithme des dépenses de santé pour corriger cette grande variabilité (cf. tableau 1).
Part des dépenses de santé dans la consommation
Moyenne (TJS) | Médiane (TJS) | |
---|---|---|
Dépenses de santé totales | 239,58 | 51,33 |
Dépenses de santé totales p.c. | 37,86 | 8,33 |
Agrégat de consommations totales | 1 299,62 | 1 013,46 |
Agrégat de consommations totales p.c. | 219,21 | 157,78 |
Agrégat de consommations courantes | 1 060,04 | 892,55 |
Agrégat de consommations courantes p.c. | 183,43 | 138,16 |
Ratio dépenses de santé / conso. totale | 0,18 | 0,05 |
Ratio dépenses de santé p.c. / conso. totale p.c. | 0,17 | 0,05 |
Ratio dépenses de santé / conso. courante | 0,23 | 0,06 |
Ratio dépenses de santé p.c. / conso. courante p.c. | 0,21 | 0,06 |
Effectifs | 2 659 |
Part des dépenses de santé dans la consommation
19Quant aux questions relatives à la migration, certaines concernent le membre du ménage actuellement à l’étranger, pour la plupart en Russie (96 %), d’autres concernent les anciens migrants de retour dans leur ménage au cours des trois dernières années. Nous considérons, dans l’analyse de la réception de remises de fonds, les ménages ayant un soutien financier à l’étranger, c’est-à-dire les ménages ayant actuellement au moins l’un de leurs membres en migration. Ils représentent 14,2 % des ménages. Cependant, parmi les ménages d’anciens migrants, ceux ayant au moins un de leurs membres rentré récemment, c’est-à-dire entre 2006 (inclus) et 2007 (inclus), ont aussi un profil intéressant (cf. tableau 5). En effet, les remises de fonds des migrants peuvent être aussi bien envoyées par les migrants pendant leur séjour à l’étranger que rapportées par les migrants lors de leur retour. De plus, cette catégorie peut par exemple contenir les migrants saisonniers rentrés à l’automne après quelques mois passés sur un chantier. Ils représentent 17,4 % des ménages. En considérant les deux catégories, ce sont plus de 28 % des ménages interrogés qui sont concernés par la migration récente ou actuelle d’au moins l’un de leurs membres (1 231 sur 4 705).
20Les questions sur les remises de fonds sont posées aux ménages ayant actuellement au moins un de leurs membres à l’étranger pour chacun d’entre eux de la façon suivante : « Est-ce que [le membre à l’étranger] a versé quelque chose à ce ménage, en espèces, n’importe quand au cours des douze derniers mois ? Quel montant a-t-il envoyé en espèces au cours des douze derniers mois ? » La grande majorité des migrants actuels envoient des fonds à leurs proches, puisque parmi les ménages ayant au moins un membre à l’étranger 87,2 %, soit 637 ménages, déclarent recevoir des transferts.
21Sur la base de ces informations, nous retenons dans l’analyse une variable binaire indiquant le fait de recevoir des transferts (RR) de la part d’au moins l’un des membres du ménage actuellement à l’étranger. Nous préférons utiliser une variable binaire plutôt que le montant déclaré des transferts reçus, en raison du potentiel biais de déclaration affectant les montants reçus. En effet, les ménages peuvent surestimer les montants des remises de fonds reçus du fait de la honte d’en recevoir trop peu, et les montants peuvent par ailleurs être l’objet d’erreurs de mesure. De plus, l’instrument retenu dans l’analyse pour traiter la potentielle endogénéité des transferts reçus est suffisamment corrélé à la probabilité d’en recevoir, mais il est insuffisamment corrélé au montant de ces envois.
22En revanche, ni les transferts envoyés pendant la migration ni les éventuelles sommes rapportées par les migrants récemment rentrés ne sont renseignés dans l’enquête. Cela ne pose pas de problème pour estimer les dépenses ambulatoires du dernier mois, puisqu’il est assez clair qu’ils n’ont rien reçu dans le dernier mois. Mais cela peut conduire à une mauvaise estimation de l’effet des transferts sur les dépenses hospitalières qui sont demandées pour le dernier séjour à l’hôpital au cours des douze derniers mois, sans précision de la date d’hospitalisation. C’est pourquoi nous observons séparément les caractéristiques moyennes de ces ménages de migrants récemment rentrés (cf. tableau 5). Puis dans les estimations nous les comptons comme non bénéficiaires de transferts (NRH) lorsque nous estimons les dépenses de santé, sauf pour les dépenses hospitalières, où nous les excluons alors de l’échantillon afin de ne pas les compter à tort comme non bénéficiaires et ne pas fausser les estimations [3].
23Afin d’étudier l’effet des transferts de fonds sur la consommation de soins en adéquation avec les besoins, il est aussi nécessaire de contrôler par le besoin de soins du ménage. Le besoin de soins est alors approché à l’aide de plusieurs variables : la structure par âge et sexe du ménage et le fait qu’au moins l’un des membres du ménage souffre de maladies chroniques, et qu’il ait été affecté récemment par une maladie non chronique ou une blessure. L’enquête recueille en effet les réponses de tous les membres du ménage aux questions suivantes : « Est-ce que X souffre d’une maladie chronique ou d’un handicap qui dure depuis plus de 3 mois ? » et « Au cours des 4 dernières semaines, X a-t-il eu une maladie soudaine ou une blessure (comme une grippe, une diarrhée, une fracture, etc.) ? »
24Enfin, pour étudier l’effet des transferts de fonds sur le recours aux soins, il est nécessaire de contrôler par le niveau de vie des ménages. Mesurer le niveau de vie des ménages n’est pas évident dans un pays où les revenus sont majoritairement issus du secteur informel et sont très volatiles. Nous mobilisons pour cela un indicateur de richesse basé sur le patrimoine des ménages (actifs agricoles, financiers, fonciers et autres biens durables) obtenu par analyse en composantes principales. En guise de test de robustesse, nous avons répété les estimations avec un indicateur de dépenses agrégées construit comme la somme de toutes les dépenses courantes (nourriture, éducation, santé), de la valeur monétaire estimée de l’autoconsommation et d’un loyer équivalent [4] pour les ménages propriétaires (cf. tableau A1 en annexe).
Méthodologie
Hypothèses
25En assouplissant la contrainte budgétaire, il est probable que les transferts de fonds facilitent la couverture des besoins de soins, compte tenu notamment de l’importance du montant des soins laissés à la charge des patients. La littérature existante a pu étudier l’effet des transferts sur les dépenses de santé, mais sans prendre en compte le besoin de soins dans l’analyse. De même, elle s’est assez peu intéressée à l’hétérogénéité de l’effet sur différents groupes de population, qu’ils diffèrent par leur statut socio-économique ou par leur niveau de consommation de soins. C’est pourquoi nous étudions les effets à la marge extensive des transferts (peuvent-ils permettre un accès aux soins aux ménages ne bénéficiant précédemment d’aucun soin, à besoin de soins donné ?), à la marge intensive (peuvent-ils augmenter la consommation des ménages qui consomment déjà des soins mais ont de nouveaux besoins à satisfaire ou souhaitent des soins de meilleure qualité ?) et à différents quantiles (l’effet est-il homogène quel que soit le niveau conditionnel des dépenses ?).
26Si les transferts de fonds peuvent être une réponse à la détérioration de la santé d’un parent, le modèle risque alors de souffrir d’un biais d’endogénéité. De même, si les risques de santé encouragent les ménages à envoyer un membre à l’étranger ou si des caractéristiques inobservées influencent la réception de remises et la consommation de soins, alors l’estimation souffrira d’un biais. Les résultats d’une enquête qualitative que nous avons menée à Douchanbé – composée de 40 entretiens avec des patients, des médecins et des membres d’ONG liées à la santé, et d’observations dans des infrastructures (Pellet [2018b]) – suggère que le soutien d’un migrant à l’étranger est souvent nécessaire pour payer les dépenses de santé et que la décision de migrer est parfois due à la nécessité d’utiliser les services de santé. Bien que l’endogénéité des transferts reçus soit souvent mentionnée et traitée dans les articles sur les envois de fonds et la santé, les mécanismes sont rarement discutés.
27L’endogénéité peut avoir deux sources : la causalité inverse et l’omission de variables entraînant la corrélation des erreurs. Les risques de causalité inverse (ou simultanéité) dans le cas qui nous occupe se situent à un niveau individuel (ménage) et peuvent entraîner un biais positif ou négatif. Positif, si, par exemple, l’anticipation de dépenses de santé motive la migration d’un membre (rôle assurantiel de la migration, Stark et Lucas [1988]) et la réception de remises, ou si c’est le départ en migration d’un proche qui entraîne la détérioration de la santé (en raison de l’isolement induit et du surplus de travail que cela donne au ménage) et la consommation accrue de soins. Le biais est négatif si, au contraire, les membres du ménage effectuent un arbitrage qui les amène à renoncer aux soins dans le but de payer la migration et de recevoir ensuite des remises, ou si la migration est un abandon et ne s’accompagne pas de transferts tout en aggravant l’état de santé des membres abandonnés (ou « left behind », Falkingham et al. [2009]).
28L’endogénéité peut aussi provenir de l’existence de caractéristiques inobservées, influençant à la fois les dépenses de santé et la réception de remises, qui peuvent se situer à un niveau ménage ou à un niveau local et entraîner un biais positif ou négatif. Au niveau individuel, le biais est positif si, par exemple, des besoins de soins inobservés pour lesquels on ne parvient pas à contrôler expliquent à la fois le soutien d’un migrant à l’étranger et la consommation de soins. Il peut être négatif si les membres du ménage partagent la bonne santé du migrant (« healthy migrant effect ») qui leur envoie de l’argent.
29Enfin, il peut s’agir de caractéristiques non observées des districts où ils vivent (infrastructures, choc environnemental, normes sociales). Par exemple, la densité d’offre n’est pas observable. Or elle peut affecter les tarifs informels locaux. De même la nécessité d’acheter le matériel ou non dépend de l’approvisionnement des infrastructures et peut donc varier. Le montant de la rémunération informelle pour inciter les médecins à rester dans la région varie lui aussi probablement d’un district à l’autre. Si les communes où les infrastructures sont inexistantes ou particulièrement peu dotées n’offrent justement pas d’opportunités d’emploi et sont donc des zones d’émigration, alors les envois de fonds des migrants seront négativement ou positivement corrélées aux dépenses de santé. Elles seront positivement corrélées si les ménages recevant des remises compensent les manques en dépensant plus d’argent en matériels et en récompenses informelles. Elles seront négativement corrélées si la déliquescence de l’offre médicale entraîne une sous-utilisation des infrastructures locales, y compris parmi ceux qui bénéficient de transferts. Ces hypothèses sont résumées dans le tableau 2.
Récapitulatif des hypothèses
Source d’endogénéité : | Biais de causalité inverse | Biais de variables omises | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Niveau : | Individuel (ménage) | Individuel (ménage) | Collectif (communauté, district) | |||
Sens du biais : | + | – | + | – | + | – |
Exemples : | Anticipations des dépenses Détérioration de l’état de santé | Arbitrage en faveur du renoncement Abandon | Besoins de soins inobservés | Patrimoine génétique solide | Désaffection de l’offre médicale | Isolement, manque d’opportunité |

Récapitulatif des hypothèses
Stratégie empirique
Modèle en deux parties
30Afin de mesurer la corrélation entre la consommation de soins et la réception des transferts de fonds, nous utilisons de manière usuelle un modèle en deux parties, ou Two-Part Model (TPM) (Jones [2000], p. 285). Cette méthode permet ainsi de tenir compte de l’asymétrie de distribution des dépenses de santé. En effet, étant donné que de nombreuses personnes sont en bonne santé ou ne peuvent pas payer le prix des soins, les données sont censurées en zéro et on observe des dépenses de santé très élevées induisant une longue queue de distribution à droite. Nous devons estimer séparément la probabilité d’avoir des dépenses de santé positives – quel que soit le montant – en fonction de différents facteurs, puis l’élasticité des dépenses de santé aux transferts de fonds. Cette méthode permet ainsi de tenir compte des spécificités des déterminants de l’accès minimal aux soins, et des déterminants du niveau de la couverture des besoins de soins parmi les consommants. De manière habituelle, nous ne retenons pas un modèle Tobit ou un modèle de sélection (Heckman [1979]) qui supposerait que les effets aux marges extensive et intensive sont générés par le même processus. L’utilisation d’un modèle en deux parties, avec deux équations distinctes, permet au contraire de supposer que le recours ou non aux soins et l’intensité de la consommation sont deux décisions qui ne sont pas forcément expliquées de la même façon, la première relevant davantage des ménages et la seconde des prescriptions des professionnels de santé par exemple. Le risque d’hétéroscédasticité dû au modèle est pris en compte dans le calcul des variances des erreurs types corrigées (grâce à la matrice de White) et l’hétéroscédasticité due à la corrélation intragroupe de l’échantillonnage par grappe est en outre contrôlée par l’introduction de clusters.
31La première étape consiste donc à estimer, à l’aide d’un modèle de probabilité linéaire [5], les déterminants de la propension à avoir des dépenses de santé positives (respectivement pour les dépenses ambulatoires mensuelles, les dépenses hospitalières moyennes mensuelles et les dépenses totales mensuelles) comme suit :

33où Y* est une variable latente représentant la propension à avoir une dépense de santé, X1 ses déterminants, y compris la réception de remises de fonds (RR), et γ est le vecteur de coefficients correspondants. ε1 est un terme d’erreur auquel on suppose une distribution normale standard. P = 1 indique que Y > 0, tandis que P = 0 est équivalent à Y = 0, avec Y les dépenses de santé observées.
34La deuxième étape consiste à estimer pour les consommateurs les déterminants du logarithme des dépenses de santé (respectivement pour les dépenses ambulatoires avec ou sans coûts de transport, les dépenses hospitalières et les dépenses totales mensuelles) à l’aide d’un modèle de régression linéaire (MCO). Les paramètres β représentent alors l’effet des variables explicatives sur la valeur espérée des dépenses de santé, conditionnellement au fait d’avoir recouru et payé pour des services médicaux (P = 1), c’est-à-dire E[Y | Y* > 0] :

36où X2 représente les déterminants de la variable dépendante Y, y compris RR, et ε2 est le terme d’erreur associé.
Instrumentation
37Afin de prendre en compte la potentielle endogénéité des transferts reçus par les ménages, nous procédons à une estimation en deux étapes avec une variable instrumentale. Nous utilisons comme instrument le réseau potentiel de migrants localement disponible, mesuré par la proportion de ménages ayant un migrant (ou plus) dans le voisinage d’un ménage. Ce réseau est susceptible d’influencer fortement les migrations actuelles et la réception des transferts de fonds, mais n’a pas d’effet direct sur les dépenses de santé.
38En effet, le réseau dont bénéficie le migrant réduit les coûts de transaction et augmente les chances de trouver un emploi à l’étranger. Il augmente l’avantage net de la migration, en particulier lorsque le pays de destination est le même dans le réseau. Nous utilisons alors comme stratégie d’identification, deux spécificités de la migration tadjike. D’une part, celle-ci est presque entièrement orientée vers la Russie. Ainsi, 96 % des membres actuellement à l’étranger des ménages de notre échantillon ont migré en Russie. La seconde spécificité est que la migration reproduit en Russie la structure locale des communautés (Olimova et Bosc [2003]). En effet, les « brigades » de travailleurs tadjiks migrant en Russie, généralement dans le secteur de la construction, sont composées principalement de personnes appartenant à la même communauté (« avlod ») et bien souvent la transposition des relations verticales et horizontales de l’avlod structure la communauté des migrants à l’étranger.
39La densité de migrants au niveau communautaire a été utilisée pour instrumenter les remises de fonds dans la littérature (Lokshin et Glinskaya [2009] ; Kan [2016] ; Böhme, Persian et Stöhr [2015]). Kan [2016] utilise ainsi la densité des ménages de migrants tadjiks au niveau communautaire (sa variable varie donc au niveau des 270 grappes) et Lokshin et Glinskaya [2009] utilisent la densité retardée de migrants népalais au niveau local. Cependant, ces stratégies d’instrumentation conduisent à une perte de variabilité individuelle de l’instrument (sa valeur est commune aux ménages d’un même cluster). Böhme, Persian et Stöhr [2015] utilisent la variabilité des pays de destination des migrants moldaves en interagissant la densité locale de migrants au sein du village avec le taux de croissance de ce pays. Mais nous ne pouvions en faire autant : ils disposent de plusieurs vagues de données (donc d’une série temporelle du taux de croissance) et des différences de destination.
40Afin de réintroduire une certaine variabilité individuelle, nous avons construit une variable instrumentale quasi aléatoire basée sur la probabilité qu’un ménage ait, parmi ses voisins, un ménage avec un migrant actuellement à l’étranger. Dans chaque grappe, il y a 18 ménages. Ces 18 ménages habitent dans une même communauté (djamoat), ils sont donc plus ou moins voisins. Pour chaque ménage, nous avons successivement sélectionné aléatoirement 5, 8 ou 11 ménages (parmi 17) et rapportons la proportion de ménages ayant un proche en migration parmi eux (l’instrument varie donc au niveau des ménages). Le seuil le plus élevé est de 11, chaque ménage ayant environ 66 % de chances d’être sélectionné. La probabilité de tirage la plus faible est de 33 %. Le seuil médian correspond à une probabilité de tirage de 50 %.
41Nous n’indiquons dans le tableau 6 que les résultats obtenus avec l’instrument « Proportion de migrants parmi les 11 ménages voisins », c’est-à-dire le seuil le plus élevé, car les probabilités de tirage plus faibles affaiblissent notre instrument. Les résultats du seuil de 50 % sont présentés dans le tableau A1 en annexe.
42Nous avons aussi construit les trois mêmes instruments, mais en nous basant uniquement sur les ménages ayant un migrant parti avant 2006. Les trois instruments sont moins corrélés au régresseur endogène, seul le seuil le plus élevé n’est pas un instrument faible (seuil 11, soit 66 %). Néanmoins, les résultats sont comparables en instrumentant avec la densité de voisins migrants avant 2006 (66 %) (disponibles sur demande).
43Notons que tous les instruments « Proportion de voisins migrants » prédisent très bien la densité locale des ménages de migrants. Les différences entre tous les instruments potentiels sont reportées dans le tableau 3, et les estimations de la première étape pour les trois instruments « Proportion de voisins migrants 2007 » dans le tableau 4. Les trois instruments influencent fortement la probabilité de recevoir des transferts de fonds, confirmant le résultat canonique selon lequel le réseau réduit les coûts de transaction et facilite la migration de nouveaux migrants (tableau 4). Les autres variables augmentant les chances de recevoir des remises sont l’indice de niveau de vie, le niveau d’éducation du chef de ménage, la part des femmes. Les variables diminuant les chances sont la présence d’un actif occupé et la part de personnes âgées. On remarque que les besoins de soins n’ont pas d’effet significatif sur la réception de remises. Quant aux caractéristiques locales, elles influencent significativement les transferts.
Comparaison des VI potentielles
Moyenne | Écart type | Min | Max | Corr. avec RR | Obs/clusters | F-stat (TPM) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
VI potentielles | |||||||
Densité loc. mng avec migrant absent | 0,31 | 0,19 | 0 | 0,78 | 0,27 | 270 | 176 |
Proportion voisins avec migrant (33 %) | 0,16 | 0,20 | 0 | 1 | 0,18 | 4 705 | 7,5 |
Proportion voisins avec migrant (50 %) | 0,16 | 0,17 | 0 | 1 | 0,22 | 4 705 | 15,5 |
Proportion voisins avec migrant (66 %) | 0,16 | 0,16 | 0 | 0,91 | 0,24 | 4 705 | 20,5 |
Voisins avec migrant avant 2006 (33 %) | 0,07 | 0,14 | 0 | 1 | 0,14 | 4 705 | 2,6 |
Voisins avec migrant avant 2006 (50 %) | 0,07 | 0,12 | 0 | 0,75 | 0,15 | 4 705 | 1,2 |
Voisins avec migrant avant 2006 (66 %) | 0,08 | 0,11 | 0 | 0,64 | 0,18 | 4 705 | 5,2 |
Variables de référence | |||||||
Mng avec migrant absent | 0,16 | 0,36 | 0 | 1 | 0,92 | 4 705 | |
Mng avec migrant parti avant 2006 | 0,08 | 0,26 | 0 | 1 | 0,61 | 4 705 |
Comparaison des VI potentielles
Déterminants de la réception de remises : équation de première étape
Recevoir remises (dydx) | Recevoir remises (dydx) | Recevoir remises (dydx) | |
---|---|---|---|
Proportion voisins mig. (33 %) | 0,17*** (0,03) | ||
Proportion voisins mig. (50 %) | 0,25*** (0,03) | ||
Proportion voisins mig. (66 %) | 0,31*** (0,03) | ||
Indice richesse Q2 | 0,03* (0,02) | 0,04** (0,02) | 0,03** (0,02) |
Indice richesse Q3 | 0,05** (0,02) | 0,05*** (0,02) | 0,05*** (0,02) |
Indice richesse Q4 | 0,06*** (0,02) | 0,06*** (0,02) | 0,06*** (0,02) |
Indice richesse Q5 | 0,07*** (0,03) | 0,08*** (0,03) | 0,08*** (0,03) |
Au moins une mal. non chron. | – 0,01 (0,01) | – 0,00 (0,01) | – 0,00 (0,01) |
Au moins une mal. chron. | 0,01 (0,01) | 0,01 (0,01) | 0,01 (0,01) |
Taille ménage | 0,00 (0,00) | – 0,00 (0,00) | – 0,00 (0,00) |
Chef de mng = homme | – 0,11*** (0,02) | – 0,11*** (0,02) | – 0,10*** (0,02) |
Part d’actifs | – 0,09*** (0,03) | – 0,08*** (0,03) | – 0,09*** (0,03) |
Part de femmes | 0,08*** (0,03) | 0,07*** (0,02) | 0,07*** (0,02) |
Part d’enfants < 6 ans | 0,01 (0,03) | 0,00 (0,03) | 0,00 (0,03) |
Part de + 65 ans | – 0,14*** (0,04) | – 0,14*** (0,04) | – 0,14*** (0,04) |
Éduc. primaire/basiq. | 0,08** (0,04) | 0,08** (0,04) | 0,08** (0,04) |
Éduc secondaire | 0,05* (0,03) | 0,05* (0,03) | 0,05* (0,03) |
Éduc. sup. | 0,03 (0,04) | 0,03 (0,04) | 0,03 (0,04) |
Tadjik | 0,01 (0,01) | 0,01 (0,01) | 0,01 (0,01) |
Altitude (100 m) | 0,00** (0,00) | 0,00** (0,00) | 0,00** (0,00) |
Région Gorno-Badakhshan | 0,10** (0,05) | 0,10** (0,04) | 0,09** (0,04) |
Districts de subordination rép. | 0,11*** (0,04) | 0,10*** (0,03) | 0,10*** (0,03) |
Région Khatlon | 0,09*** (0,03) | 0,09*** (0,03) | 0,09*** (0,03) |
Région Sogd | 0,11*** (0,04) | 0,11*** (0,03) | 0,10*** (0,03) |
Syst. central. eau | – 0,03** (0,01) | – 0,02* (0,01) | – 0,02* (0,01) |
Présence polyclinique | – 0,04*** (0,01) | – 0,03*** (0,01) | – 0,03*** (0,01) |
Observations | 4,705 | 4,705 | 4,705 |
Déterminants de la réception de remises : équation de première étape
Note : Les autres contrôles au niveau communautaire : type d’habitat, système d’égout, disponibilité des médicaments, présence d’hôpitaux, feldsher, pharmacie. * p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,10.Régression quantile
44Enfin, on peut se demander si les transferts de fonds sont mobilisés de la même manière lorsqu’il y a une forte utilisation des services médicaux et lorsque leur consommation est faible. Nous faisons alors appel à la méthodologie de la régression quantile. Cela estime comment varient les quantiles de la fonction de répartition des dépenses de santé conditionnellement aux caractéristiques observables (F[Y | X]) lorsque celles-ci (X) varient. L’hypothèse sous-jacente est :

46c’est-à-dire que les quantiles de la fonction de répartition conditionnelle ont une forme linéaire et, quel que soit τ, il existe un vecteur de p coefficients βτ correspondant à p différentes variables explicatives. Cette méthode autorise les coefficients à différer d’un quantile à l’autre.
47Ainsi, si l’effet est plus important dans les quantiles supérieurs, cela signifie que les transferts de fonds sont particulièrement utilisés en cas de dépenses élevées, et notamment en cas de besoin de soins inobservés particulièrement importants. Par exemple, face à des dépenses catastrophiques, les ménages seront davantage susceptibles de faire appel aux transferts d’un proche en migration que dans le cas d’une faible consommation de soins auxquels ils parviennent encore à faire face. Cela signifie également que parmi les grands consommateurs, à besoins de soins équivalents, ceux qui reçoivent des transferts de fonds auront accès à une plus grande consommation de soins, de sorte que les transferts de fonds pourraient créer des inégalités de recours aux soins. Si, dans le cas contraire, les transferts de fonds ont un effet plus marqué dans les quantiles inférieurs, ils aident peut-être davantage les ménages vulnérables à accéder aux soins, palliant ainsi à un renoncement partiel aux soins et permettant peut-être de réduire les inégalités d’accès aux soins.
Résultats
Statistiques descriptives
48Le tableau 5 présente les principales caractéristiques de chaque type de ménage : les ménages bénéficiaires de remises de fonds (RRH), les ménages non bénéficiaires (NRH), qu’ils aient ou non un membre actuellement en migration [6], et les ménages ayant un membre rentré de migration au cours des douze derniers mois.
49Si l’on compare tout d’abord les ménages bénéficiaires (RRH) et non bénéficiaires (NRH) de remises de fonds, il apparaît que, en moyenne, la consommation de soins des RRH n’est pas significativement différente de celle des NRH. Les RRH ont un peu plus souvent au moins un de leurs membres souffrant d’une maladie chronique, mais leur besoin de soins ne semble pas significativement différent. En revanche, les RRH ont des caractéristiques sociodémographiques légèrement différentes des NRH. La proportion de femmes dans le ménage est plus élevée que celle des NRH, tout comme la proportion de personnes âgées. Les chefs des ménages bénéficiaires de transferts de fonds sont plus souvent susceptibles d’être des femmes et ils sont en moyenne de deux ans plus âgés que ceux des NRH. Cela peut être lié au fait qu’en cas d’absence ou de décès du père, le fils est envoyé à l’étranger et le chef de ménage devient alors la mère. C’est ce que Clément [2011] qualifie de plus grande dépendance des RRH : la proportion de personnes dépendantes est plus élevée.
50Du point de vue économique, les RRH ne sont pas significativement moins riches en moyenne que les NRH si l’on compare le niveau de vie du ménage. Cependant, ils ont un patrimoine moins élevé puisque 14 % d’entre eux appartiennent au dernier quintile de patrimoine, contre 21 % des NRH. Ils ont plus souvent que les NRH bénéficié seulement d’un enseignement primaire et sont moins nombreux à être diplômés du supérieur. Ils ont également une proportion plus faible de leurs membres qui sont actifs occupés (25 % contre 30 %), ce qui s’explique par le fait que la migration est un substitut à l’emploi local informel (Abdulloev, Gang et Landon-Lane [2012]) et agricole (Atamanov et Van den Berg [2011]).
51Les caractéristiques communautaires géographiques dans lesquelles vivent les différents types de ménages sont également très différentes : 82 % des RRH vivent dans les zones rurales contre 66 % des NRH. Ils vivent en moyenne à des altitudes plus élevées, venant de régions plus montagneuses (le Pamir en GBAO, les montagnes de Fann dans la province de Sogd, etc.). Ils viennent donc de régions où les opportunités d’emploi sont moins nombreuses. Ils sont moins souvent raccordés à un réseau d’approvisionnement en eau centralisé ou à un système d’égouts. Ils bénéficient moins souvent de la présence d’une pharmacie approvisionnée en médicaments, d’un hôpital, d’une polyclinique ou d’un centre de soins infirmiers.
52En ce qui concerne les ménages ayant un membre rentré de migration au cours des douze derniers mois (tableau 5, 5e col.), leur profil est différent de celui des ménages avec un migrant actuellement à l’étranger (RRH). Ils ont des besoins de soins un peu plus importants du fait de problèmes de santé non chroniques et déclarent plus souvent consommer des soins, même s’ils dépensent moins en moyenne pour leurs soins. Les chefs de ménage sont un peu plus jeunes en moyenne et sont plus souvent des hommes ; la proportion de femmes et de personnes âgées est moindre. Par ailleurs, ils sont comparables aux RRH en termes d’indice de consommation totale par tête, mais ils sont mieux dotés que les RRH et moins que les NRH en patrimoine. Ils sont plus souvent diplômés du secondaire et du supérieur que les RRH, mais moins que les NRH. Les caractéristiques locales de leur zone d’habitat se rapprochent plutôt de celles des NRH (urbains à 27 %) ; ils ont un meilleur accès aux soins et aux autres équipements que les RRH [7].
Statistiques descriptives des ménages bénéficiaires ou non de transferts


Statistiques descriptives des ménages bénéficiaires ou non de transferts
L’impact des remises sur la propension à consommer des soins
53Le tableau 6 (col. 1, 2 et 3) présente les résultats de la première partie du modèle en deux parties, c’est-à-dire l’estimation par MPL de l’effet des transferts de fonds sur la dépense de soins à la marge extensive, avec et sans instrumentation, en contrôlant pour les besoins de soins et autres caractéristiques observables. D’après le test d’endogénéité dans les colonnes 2 et 3, la réception de remises de fonds est un régresseur endogène et nécessite une instrumentation (l’hypothèse d’exogénéité est rejetée selon le test d’Hausman, avec une p-value égale à 0,01). Le modèle est juste identifié ; l’instrument est pertinent et non faible (la F statistique de Kleibergen-Paap rk Wald atteint 67).
L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins
Prob. d’avoir des dépenses de santé (Marge extensive) | Montant conditionnel des dépenses de santé (Marge intensive) (log) | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
(1) | (2) | (3) | (4) | (5) | (6) | |
MPL | VI | VI | MCO | VI | VI | |
Recevoir remises 0/1 | – 0.01 (0,02) | 0,35** (0,16) | 0,35 (0,34) | 0,27*** (0,09) | 1,13 (0,84) | 1,50 (1,24) |
Indice de richesse Q2 | 0,00 (0,02) | – 0,01 (0,02) | – 0,01 (0,03) | 0,06 (0,11) | 0,02 (0,11) | – 0,10 (0,11) |
Indice de richesse Q3 | 0,02 (0,02) | – 0,00 (0,02) | 0,00 (0,03) | 0,22* (0,12) | 0,19 (0,13) | 0,03 (0,12) |
Indice de richesse Q4 | – 0,01 (0,03) | – 0,03 (0,03) | – 0,03 (0,03) | 0,29** (0,13) | 0,25** (0,13) | 0,05 (0,12) |
Indice de richesse Q5 | 0,06* (0,03) | 0,03 (0,04) | 0,02 (0,04) | 0,30* (0,15) | 0,25 (0,16) | 0,06 (0,15) |
Au moins une maladie non chron. | 0,10*** (0,02) | 0,10*** (0,02) | 0,12*** (0,02) | 0,23*** (0,07) | 0,23*** (0,07) | 0,15** (0,07) |
Au moins une maladie chron. | 0,20*** (0,01) | 0,19*** (0,02) | 0,20*** (0,02) | 0,54*** (0,07) | 0,53*** (0,07) | 0,51*** (0,07) |
Taille ménage | 0,02*** (0,00) | 0,02*** (0,00) | 0,02*** (0,00) | 0,06*** (0,01) | 0,06*** (0,01) | 0,08*** (0,01) |
Chef de mng = homme | 0,01 (0,02) | 0,05* (0,03) | 0,05 (0,04) | 0,08 (0,08) | 0,15 (0,10) | 0,20 (0,12) |
Part d’actifs | – 0,08** (0,04) | – 0,05 (0,04) | – 0,06 (0,05) | 0,00 (0,18) | 0,11 (0,21) | 0,21 (0,23) |
Part de femmes | 0,00 (0,04) | – 0,02 (0,05) | – 0,01 (0,05) | – 0,02 (0,19) | – 0,10 (0,21) | – 0,20 |
(0,21) | ||||||
Part d’enfants < 6 ans | 0,11** (0,05) | 0,11** (0,05) | 0,09* (0,05) | – 0,22 (0,23) | – 0,26 (0,23) | – 0,29 (0,24) |
Part de + 65 ans | – 0,06 (0,05) | – 0,01 (0,05) | 0,01 (0,07) | 0,13 (0,25) | 0,25 (0,28) | 0,45 (0,30) |
Éduc. primaire/basiq. | 0,10*** (0,04) | 0,08* (0,04) | 0,08* (0,05) | 0,05 (0,16) | – 0,03 (0,17) | – 0,02 (0,21) |
Éduc secondaire | 0,09** (0,04) | 0,07* (0,04) | 0,07 (0,04) | – 0,06 (0,16) | – 0,11 (0,16) | – 0,05 (0,19) |
Éduc. sup. | 0,08** (0,04) | 0,07* (0,04) | 0,08* (0,04) | 0,04 (0,18) | – 0,00 (0,18) | 0,08 (0,20) |
Tadjik | – 0,00 (0,02) | – 0,01 (0,02) | 0,02 (0,02) | 0,23** (0,11) | 0,23** (0,11) | 0,17* (0,10) |
Constant | 0,20** (0,08) | 0,20** (0,08) | (0,31) | 2,94*** (0,31) | 3,00*** | |
Observations | 4,705 | 4,705 | 4,705 | 2,657 | 2,657 | 2,657 |
Caractéristiques locales | OUI | OUI | NON | OUI | OUI | NON |
Indicatrices de district | NON | NON | OUI | NON | NON | OUI |
R2 | 0,099 | 0,076 | ||||
F-stat | 63,2 | 11,18 | 38,66 | 11,66 | ||
p-value Test d’endog. | 0,01 | 0,19 | 0,28 | 0,29 |
L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins
Note : Les autres contrôles au niveau communautaire et régional : altitude, système centralisé d’approvisionnement en eau, système d’égout, disponibilité des médicaments, présence d’hôpitaux, polyclinique, feldsher, pharmacie, indicatrices de région et type d’habitat. * p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.54Les principaux déterminants de la décision de consommer ou non sont l’état de santé (présence de maladies non chroniques ou de blessures, et de maladies chroniques) et des caractéristiques socio-économiques comme les quintiles de richesse, la taille du ménage, la situation sur le marché du travail, le niveau de diplôme du chef de ménage et certaines variables géographiques. Par exemple, les ménages des régions isolées – l’isolement est approché par l’altitude – sont moins susceptibles d’avoir accès aux services médicaux.
55Lorsqu’on ne tient pas compte d’une éventuelle endogénéité (col. 1), recevoir des transferts de fonds n’affecte pas significativement la probabilité d’utiliser les services de soins. Mais lorsque la réception de transferts de fonds est instrumentée, elle augmente de façon significative la propension à consommer des soins. Le coefficient de la variable RR est positif (0,36) et significatif à 5 % (col. 2). En MCO, nous sous-estimons le coefficient.
56Cela signifie qu’il y a un biais d’endogénéité négatif, ce qui exclut les hypothèses de biais positif, qu’il soit dû à une simultanéité de la décision de migration et de la consommation des soins ou à des caractéristiques individuelles ou locales omises comme les besoins inobservés ou la désaffection de l’offre médicale (tableau 2).
57Afin de comprendre s’il s’agit plutôt de causalité inverse, de variables individuelles omises ou d’hétérogénéité locale, on ajoute des indicatrices de district dans la colonne 3, pour contrôler les caractéristiques non observables via des effets fixes locaux. Le régresseur n’est alors plus aussi certainement endogène et les transferts n’ont plus d’effet significatif. Par conséquent, le biais négatif apparu en colonne 2 est principalement dû aux disparités territoriales qui influencent le recours aux soins et les remises de fonds en sens inverse. Cela exclut les hypothèses de biais négatif dû à de la causalité inverse ou à des caractéristiques individuelles inobservées telles que le patrimoine génétique.
58L’endogénéité serait donc due à de l’hétérogénéité locale, des disparités territoriales pour lesquelles on ne parvient pas à contrôler sans recours aux effets fixes. Les variables omises sont soit corrélées positivement à la probabilité de recevoir des remises et négativement à la consommation de soins, soit négativement aux remises et positivement aux dépenses de santé. Dans le premier cas, il pourrait s’agir de caractéristiques locales telles que l’isolement et le manque de transport, le manque d’opportunités d’emploi, qui accroissent la diversification des sources de revenu, par le biais de la migration, mais diminuent la probabilité de recourir aux infrastructures médicales augmentant le renoncement aux soins. Autrement, dans le second cas, on peut avoir omis des caractéristiques locales comme la présence inobservée d’opportunités de travail dans des fermes, des usines ou des mines qui diminuent la probabilité de migrer (Abdulloev, Gang et Landon-Lane [2011] et Behzadi [2015]) tout en détériorant l’état de santé et en augmentant les chances de recours aux soins.
59La distinction entre les deux interprétations peut être plus claire lorsque l’on distingue le recours à l’ambulatoire et le recours à l’hospitalier. En effet, la première interprétation pourrait davantage s’appliquer aux dépenses hospitalières, puisque les infrastructures hospitalières ne sont pas disponibles partout et sont souvent concentrées dans les petites et grandes villes. La seconde interprétation pourrait davantage s’appliquer aux dépenses ambulatoires et en particulier au recours aux maisons de santé et polycliniques qui sont présentes partout sur le territoire.
60Afin d’explorer ces deux hypothèses, nous utilisons les deux mêmes modèles (TPM et IV) sur les dépenses ambulatoires et hospitalières séparément. Seul l’effet des remises sur l’ambulatoire est significatif et robuste à l’instrumentation (tableau A2 en annexe). L’effet des transferts sur le recours aux soins hospitaliers n’est en revanche pas significatif ni avant ni après instrumentation, néanmoins, les transferts ne semblent dans ce cas pas être endogènes (cf. tableau A3 en annexe).
61On en conclut qu’après instrumentation les transferts augmentent la consommation de soins ambulatoires seulement, bien qu’il y ait de l’hétérogénéité locale qui fait que les ménages de certains districts ont à la fois une plus grande consommation de soins et reçoivent moins de remises de fonds. Si les transferts de fonds améliorent l’accès à l’ambulatoire (à une maison rurale de santé, à une polyclinique locale), ils ne résolvent pas les problèmes de manque de transport et d’ambulance, de routes inutilisables qui compliquent l’accès à l’hospitalier.
L’impact des remises sur l’intensité de la consommation de soins
62Les résultats de l’estimation du montant des dépenses parmi les consommateurs sont présentés dans les colonnes 4 à 6. Il apparaît que bénéficier de transferts augmente significativement (à 10 %) de 27 % les dépenses de santé conditionnellement au fait d’avoir eu recours aux soins, toutes choses égales par ailleurs [8]. Parmi les ménages qui ont besoin de soins et ont déjà accès aux services, recevoir des remises de fonds est bien un facteur discriminant de l’intensité des soins reçus.
63Après avoir pris en compte l’endogénéité potentielle des transferts de fonds reçus (estimation 2SLS du tableau 6, col. 5 et 6), les transferts de fonds n’affectent plus significativement le niveau des dépenses parmi les consommateurs de soins. Cela suggère l’existence d’un biais positif. Cependant, selon le test d’Hausman, l’hypothèse d’exogénéité (H0) ne peut pas être rejetée ; les estimations par MCO seraient donc plus pertinentes, car moins biaisées et plus efficaces.
64Cela signifie que le biais négatif affectant l’effet des transferts sur le recours ou non aux soins observé dans les colonnes 1 et 2 disparaît lorsqu’on estime l’effet des transferts sur le niveau des dépenses parmi les consommateurs, dans les colonnes 4 et 5. Cela est probablement dû au fait que les variables structurelles omises mentionnées (caractéristiques de l’offre, distance de transport, isolement) n’affectent pas la deuxième variable dépendante – la dépense conditionnelle – puisque les consommateurs ont déjà franchi les premières barrières (cf. section « Discussion »).
65Les dépenses de santé conditionnelles sont essentiellement expliquées par le niveau de vie et les besoins de soins. La taille du ménage influence aussi l’intensité de la consommation puisqu’on regarde les dépenses totales du ménage et non les dépenses par tête.
66En guise de tests de robustesse, et comme cela est recommandé dans Angrist et Krueger [2001], Lewbel, Dong et Yang [2012] et Caroli et Godard [2016], nous avons estimé l’effet des remises sur la consommation de soins à l’aide d’un Probit bivarié (cf. tableau A4 en annexe). Les résultats obtenus corroborent ceux obtenus à la marge extensive du TPM. Le paramètre ρ du Probit bivarié est significativement inférieur à zéro (corrélation négative entre l’équation de réception de remises et l’équation de propension à consommer), mais après avoir ajouté les indicatrices de district, ρ n’est plus significativement différent de zéro, les erreurs ne sont pas corrélées. Cela confirme l’existence d’une endogénéité locale. Nous avons aussi estimé l’effet des transferts de fonds sur les dépenses de santé censurées en zéro au moyen d’un modèle Tobit et d’un modèle Tobit avec instrument (cf. tableau A5 en annexe). Sans instrumenter, les transferts n’ont pas d’effet significatif, mais après instrumentation, ils augmentent les dépenses de santé. On voit que ces résultats sont similaires à ceux obtenus à la marge extensive du TPM plutôt qu’à ceux obtenus à la marge intensive, en raison du grand nombre de valeurs nulles.
L’effet hétérogène des transferts de fonds
67Les analyses précédentes montrent que si les transferts ne permettent pas de garantir à tous l’accès aux soins, ils permettent aux ménages qui ont déjà un accès aux soins de consommer plus de soins. On peut alors se demander si l’élasticité des dépenses de santé aux transferts est la même selon le niveau de la consommation de soins. Même parmi ceux qui consomment, il est fort peu probable que l’effet moyen des transferts, estimé à la marge intensive des dépenses de santé, soit le même pour l’ensemble de la distribution conditionnelle. C’est pourquoi il est maintenant estimé à l’aide d’une régression quantile.
68Parmi ceux qui reçoivent des remises de fonds, l’usage peut différer. Selon Clément [2011], parmi les ménages pauvres, les transferts domestiques et internationaux sont en priorité affectés à la consommation de biens de subsistance et ce n’est qu’après avoir répondu à ces besoins qu’ils peuvent être utilisés pour améliorer la santé.
69Enfin, la richesse est un facteur (positif) important de réception de transferts de fonds et un facteur (positif) important des dépenses de santé, comme on peut le voir dans les tableaux 4 et 6. Parmi les ménages qui auraient besoin de l’aide d’un migrant, ceux qui peuvent envoyer l’un de leurs membres à l’étranger ne sont pas les moins bien dotés. Étant donné que les transferts ne sont pas également répartis dans la population, quelles sont leurs conséquences sur les inégalités d’accès aux soins ?
Comparaison des quartiles de dépenses entre NRH et RRH
70Les différences de dépenses de santé conditionnelles moyennes entre ménages recevant des transferts et ceux n’en recevant pas selon le quartile de dépenses conditionnelles sont présentées dans les figures 1 et 2. Les frais d’hospitalisation et les frais ambulatoires sont présentés ici séparément ; leurs profils sont particulièrement différents.
Comparaison de la consommation des NRH et RRH par quartile de dépenses ambulatoires

Comparaison de la consommation des NRH et RRH par quartile de dépenses ambulatoires
Comparaison de la consommation des NRH et RRH par quartile de dépenses hospitalières

Comparaison de la consommation des NRH et RRH par quartile de dépenses hospitalières
71En ce qui concerne les dépenses ambulatoires, la différence de dépenses de santé entre NRH et RRH est pratiquement nulle pour tous les quantiles inférieurs. Seuls les ménages dont les dépenses de santé sont supérieures ou égales au troisième quartile présentent un écart de dépenses important selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds (les RRH ont dépensé 414 TJS en moyenne durant le dernier mois contre 313 TJS). Cependant, nous ne raisonnons pas toutes choses égales par ailleurs sur ces figures, donc une régression quantile doit être effectuée pour voir si ce résultat est confirmé. Les ménages de migrants récents, ceux qui ne reçoivent pas d’argent mais qui en ont probablement reçu récemment, ont un profil plutôt similaire à celui des NRH, ce qui suggère que c’est la réception présente de remises de fonds qui soutiendrait la consommation courante de soins ambulatoires.
72En ce qui concerne les dépenses hospitalières, l’écart entre NRH et RRH n’est important que pour les ménages avec des dépenses supérieures ou égales au troisième quartile : les NRH ont alors des dépenses moyennes plus élevées (1 756 TJS contre 1 234 TJS). Il est à noter que les ménages avec des migrants récemment rentrés de l’étranger ont un montant de dépenses faible qui est cette fois-ci plus proche de celui des RRH.
73En raison de ces différences, les dépenses des consultations ambulatoires et les dépenses hospitalières sont également régressées séparément, en comptant les ménages de migrants récents en NRH (pour l’ambulatoire) et en les excluant (pour l’hospitalier) [9].
Régression quantile
74Il ressort des figures 1 et 2 que l’hypothèse d’invariance des rangs est vérifiée : même lorsqu’ils reçoivent des transferts de fonds (RR = 1), un ménage à la médiane a des dépenses de santé plus élevées que celles d’un ménage en dessous de la médiane et plus faibles que celles d’un ménage au-dessus de la médiane. Nous pourrons donc interpréter le résultat à la médiane de la régression quantile comme l’effet marginal ceteris paribus du passage de l’absence de remises de fonds (RR = 0) à la réception de remises de fonds (RR = 1) sur le niveau des dépenses de santé pour les ménages dont les caractéristiques inobservées (facteurs de la consommation de soins) les placent au niveau médian des dépenses de santé (c’est-à-dire dY / dRR des ménages, sachant que Y ≥ p50) (D’Haultfœuille et Givord [2013]).
75Le tableau 7 présente les résultats de l’estimation de l’impact des transferts de fonds sur les différents quartiles des dépenses ambulatoires (premier quartile, médiane et troisième quartile) toutes choses égales par ailleurs. À la section « Résultats », nous avons vu que contrôler pour l’hétérogénéité locale, en ajoutant les indicatrices de district, limite les risques de biais d’endogénéité (principalement dus aux disparités locales), c’est pourquoi nous comparons les résultats sans le contrôle des effets fixes locaux (col. 1 à 3) et avec (col. 4 à 6). Comme on peut le constater, malgré tout, l’observation faite sur les graphiques est maintenue. Le fait de recevoir des transferts de fonds n’augmente de manière significative que la consommation de soins dans les ménages dont les dépenses dépassent la médiane et plus encore le troisième quartile. Pour ces derniers, recevoir des remises augmente les dépenses mensuelles moyennes de 26,3 TJS, ce qui porte leurs dépenses mensuelles moyennes à 339,3 (313 + 26,3), une augmentation de plus de 8 %.
L’effet de recevoir des remises à différents quartiles de dépenses ambulatoires


L’effet de recevoir des remises à différents quartiles de dépenses ambulatoires
* p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.76Cela confirme le résultat relatif à l’effet des transferts sur la consommation de soins à la marge intensive (section « Résultats »). Les transferts de fonds augmentent la consommation de soins, mais l’effet n’est pas linéaire, il ne concerne que les très grands consommateurs de soins, c’est-à-dire ceux qui parviennent déjà à consommer beaucoup. Or, si des ménages moins aisés renoncent à des soins pour des raisons financières, et sont donc moins gros consommateurs, ils sont moins concernés par l’effet des transferts. En d’autres termes, à niveau de besoins équivalents, non seulement les plus pauvres consomment moins, mais l’effet compensatoire des transferts de fonds sera moins important pour eux que dans les quintiles supérieurs. Même s’ils réussissent à envoyer quelqu’un à l’étranger, les remises de fonds seront prioritairement orientées vers d’autres postes de dépenses. Les transferts ont donc tendance à creuser les inégalités de consommation de soins ambulatoires.
77Le tableau 8 présente les résultats de l’estimation de l’impact des transferts de fonds sur les différents quartiles de dépenses hospitalières, avec et sans indicatrices de district. Quels que soient la spécification et le quartile, les transferts de fonds n’ont pas d’impact sur les dépenses hospitalières, après avoir tenu compte d’un certain nombre de caractéristiques observables et de l’hétérogénéité locale. Cela confirme le résultat relatif à l’effet des transferts sur la consommation de soins hospitaliers à la marge intensive. Les transferts de fonds n’influencent que le niveau des dépenses ambulatoires, probablement parce qu’elles sont les plus prévisibles et les plus régulières, dans le cas notamment de maladie chronique de l’un des membres du ménage. Les frais d’hospitalisation sont au contraire plus exceptionnels. Lorsqu’on réintroduit les ménages de migrants récents dans l’échantillon, qu’on les compte comme bénéficiaires de transferts ou non bénéficiaires, les coefficients de la réception de remises restent non significatifs.
L’effet de recevoir des remises à différents quartiles de dépenses hospitalières


L’effet de recevoir des remises à différents quartiles de dépenses hospitalières
* p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.Discussion et conclusion
Discussion sur les implications en matière d’équité
78Si l’effet des remises de fonds creuse les écarts de consommation, quels sont leurs effets en termes d’équité dans la consommation de soins ? Le premier principe d’équité horizontale dans la consommation exige que des individus ayant les mêmes besoins de santé consomment autant, quelle que soit leur situation économique, géographique, etc. Le second principe d’équité verticale dans la consommation exige que des individus avec un besoin plus important consomment plus de soins, quels que soient leur niveau de revenu ou leur situation géographique (O’Donnell et al. [2008], p. 177). L’interprétation que l’on peut avoir des résultats précédents en termes d’équité dépend alors des hypothèses formulées sur les variables inobservées expliquant que certains ménages consomment plus que les autres à caractéristiques observables données.
79Si l’on suppose que l’on ne parvient pas à contrôler parfaitement pour le revenu avec l’indice de richesse, alors il est possible que les plus petits consommateurs soient des ménages plus pauvres n’ayant pas les moyens d’avoir la même consommation que des ménages plus aisés, à besoin de soins donné. Sous cette hypothèse, les différences de consommation de soins à besoin de soins donné doivent être interprétées comme des iniquités horizontales dans la consommation de soins. Ces iniquités seraient alors aggravées par la réception de remises de fonds, puisque celle-ci augmente la consommation des plus gros consommateurs seulement, à besoin de soins donné.
80En revanche, si on suppose qu’il y a des besoins de santé inobservés – ce qui est fortement probable étant donné le peu de variables à disposition pour contrôler de l’état de santé –, être parmi les plus grands consommateurs de soins s’expliquerait par des besoins inobservés plus importants. Sous cette hypothèse, les différences de niveau de consommation de soins conditionnelle sont alors la preuve de l’équité verticale du système. L’effet positif des remises de fonds sur la consommation des plus gros consommateurs pourrait alors correspondre à de l’équité verticale dans la consommation de soins.
Discussion sur le biais
81L’un des apports de cette recherche est de traiter et de discuter la possible endogénéité de la réception des transferts de fonds, plus supposée que démontrée dans la plupart des articles précédents. Il ressort des résultats du TPM et du Probit bivarié que, si l’endogénéité est présente, elle est davantage liée à la difficulté à contrôler l’importante disparité spatiale, plutôt qu’à des caractéristiques inobservables propres au ménage ou à une simultanéité de ses décisions. Cette endogénéité probablement liée aux opportunités locales d’emploi et de soins est à l’origine d’un biais négatif lorsqu’elle n’est pas prise en compte. Les résultats des tests montrent qu’une fois les indicatrices de district introduites, il n’y a plus d’évidence d’endogénéité.
82On ne peut cependant pas exclure l’éventualité d’un biais individuel positif de faible ampleur, lié à une causalité inverse ou à l’omission de variables individuelles corrélées positivement à X et à Y, mais qui serait surcompensé par un biais négatif plus fort lié à des variables omises locales, en l’absence de contrôle des effets fixes locaux. Dans ce cas, l’introduction des indicatrices de district diminue le biais négatif, ce qui, ajouté au biais positif, fait une somme nulle. Cela pourrait alors expliquer l’absence de biais dans les estimations avec les indicatrices de district.
Conclusion
83L’objectif de cet article était de voir dans quelle mesure les remises de fonds envoyées par les migrants ont un impact sur la consommation de soins de leur famille dans leur pays d’origine, dans le cas du Tadjikistan. Les résultats montrent que les transferts, après contrôle de l’hétérogénéité locale, n’ont pas d’effet sur l’accès ou non aux soins, mais ont un effet sur le niveau de dépenses des ménages recourant aux soins, en particulier parmi les ménages consommant le plus. Par ailleurs, les transferts semblent avoir des effets plus importants sur la consommation de soins ambulatoires qu’hospitaliers. Ces résultats suggèrent que les transferts de fonds ne sont pas suffisants pour surmonter tous les autres obstacles – souvent géographiques – entravant la consommation de soins de santé, mais qu’ils aident cependant les consommateurs à consommer plus. Les transferts de fonds semblent ainsi être une source d’iniquités dans l’accès aux soins, en permettant à certains d’avoir un recours aux soins plus élevé à besoins de soins comparables.
84Il peut paraître étonnant que les transferts de fonds ne permettent pas d’avoir des consommations de soins hospitaliers plus élevées. Cela peut sans doute s’expliquer par le caractère moins prévisible de certaines dépenses hospitalières, notamment lorsqu’elles sont liées à un accident ou à une urgence sanitaire soudaine. Les transferts de fonds semblent apporter en fait un soutien limité mais régulier, notamment dans le cas de maladies chroniques ou d’une mauvaise santé durable, mais ne constituent pas une réponse à un choc sanitaire.
85Enfin, nous avons étudié l’hétérogénéité de l’effet des transferts de fonds ou non, en considérant le groupe des ménages bénéficiaires de transferts comme homogène. Pour prolonger la discussion, il serait intéressant d’étudier l’hétérogénéité du groupe des RRH. En effet, si environ 30 % des migrants représentent 50 % du PIB, leurs contributions sont très différentes. D’autres recherches pourraient être menées sur l’effet du montant de remises (en variable continue), à condition de trouver un instrument qui prédise mieux le montant des remises que celui que nous utilisons pour la réception de remises.
I – Distribution des variables d’intérêt
Distribution des dépenses de santé par composante (A. et H.)

Distribution des dépenses de santé par composante (A. et H.)
Distribution des remises de fonds

Distribution des remises de fonds
II – Test de sensibilité : estimation avec la VI au seuil de 50 % et l’indice de consommation totale
L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins


L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins
Note : Autres contrôles communautaire et régional : altitude, système centralisé d’approvisionnement en eau, système d’égout, disponibilité des médicaments, présence d’hôpitaux, polyclinique, feldsher, pharmacie, indicatrices de région et type d’habitat. * p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,1.III – Estimation séparée des dépenses ambulatoires et hospitalières
L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins ambulatoires


L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins ambulatoires
* p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,1.L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins hospitaliers


L’effet de recevoir des remises sur la consommation de soins hospitaliers
* p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,1.IV – Test de robustesse avec l’estimation du Probit bivarié
Estimation jointe de la probabilité de recours à l’ambulatoire et de RR


Estimation jointe de la probabilité de recours à l’ambulatoire et de RR
* p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,1.V – Test de robustesse avec Tobit et IVTobit
86En guise de test de robustesse, nous avons estimé l’effet de la réception des transferts de fonds sur les dépenses de santé en prenant en compte la nature tronquée des données de dépenses de santé en zéro avec un modèle Tobit, et en tenant compte également de l’endogénéité avec un IVTobit (en utilisant les mêmes instruments que dans la section « Résultats »). Dans le tableau A5, nous trouvons des résultats similaires : dans la colonne 1, le coefficient n’est pas significatif, confirmant le résultat du modèle en deux parties (c’est-à-dire que les non-consommateurs sont si nombreux qu’ils orientent les résultats) mais significatif via un IVTobit (col. 2).
Tobit et IVTobit
TOBIT | IVTOBIT | |
---|---|---|
Dép. santé totales (log) tronquée en 0 | Dép. santé totales (log) tronquée en 0 | |
Recevoir remises | 0,13 (0,16) | 1,72 (0,86)** |
Q2 | 0,16 (0,17) | 0,1 (0,19) |
Q3 | 0,50 (0,19)*** | 0,39 (0,18)** |
Q4 | 0,21 (– 0,2) | 0,1 (0,18) |
Q5 | 0,59 (0,21)*** | 0,47 (0,22**) |
Maladie non chro. | 0,93 (0,13)*** | 0,94 (0,14)*** |
Maladie chro. | 0,88 (0,07)*** | 0,87 (0,10)*** |
Taille mng | 0,23 (0,07)*** | 0,24 (0,04)*** |
Au moins un actif | – 0,36 (0,19)** | – 0,16 (0,22) |
Urbain | – 0,32 (0,22) | – 0,21 (0,25) |
Nb. de femmes | 0,06 (0,25) | 0,01 (0,06) |
Nb. d’enfants | – 0,02 (0,05) | – 0,02 (0,05) |
Éduc. prim. | 0,83 (0,31)*** | 0,78 (0,31)** |
Éduc. second. | 0,66 (0,29)** | 0,66 (0,26)** |
Éduc. sup. | 0,76 (0,30)** | 0,8 (0,28)*** |
Tadjik | 0,15 (0,19) | 0,12 (0,18) |
Altitude (100 m) | – 0,08 (0,02)*** | – 0,08 (0,02)*** |
Gorno-Badakhshan | 1,47 (0,46)*** | 1,45 (0,66)** |
Districts de subordination rép. | 0,8 (0,32)** | 0,81 (0,48)* |
Khatlon | 0,12 (0,34) | 0,12 (0,55) |
Sogd | 1,05 (0,29)*** | 1,01 (0,47)** |
Système d’eau centr. | 0,12 (0,19) | 0,11 (0,22) |
Système d’égout | 0,56 (0,26)** | 0,62 (0,30)** |
Médicament dispo. | – 0,03 (0,16) | – 0,04 (0,18) |
Présence de polyclinique | – 0,26 (0,17) | – 0,26 (0,18) |
Constante | – 1,79 (– 0,56)** | – 1,98 (0,62)** |
N | 4 705 | 4 651 |
Wald test (/alpha = 0) : chi2(1) = | 3,89 Prob > chi2 = 0,04 |
Tobit et IVTobit
* p < 0,01 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,1.Notes
-
[1]
L’échantillon est stratifié sur cinq régions (les trois régions – ou oblasts en russe –, Douchanbé, districts de subordination républicaine ou DRS) et deux types de zones (urbaines, rurales), ce qui signifie qu’il y a neuf strates, puisque la capitale Douchanbé n’est qu’une zone urbaine.
-
[2]
En 2007, 1 USD vaut environ 3,75 TJS.
-
[3]
Nos résultats ne changent en fait pas significativement lorsqu’on les réintroduit dans l’analyse comme bénéficiaires.
-
[4]
L’estimation du loyer équivalent utilise toutes les caractéristiques observables du logement : type d’habitation, nombre de pièces, matériaux (sol, murs, toiture…), présence d’ascenseur, baignoire, garage, terrasse et caractéristiques locales (nombre d’habitants, d’écoles…). Nous l’avons estimé sur le groupe de ménages pour lequel l’enquêteur rapporte que « le loyer équivalent semble exact », ce qui fournit une estimation de meilleure qualité (le R2 est supérieur à 30 %). Nous l’avons ensuite imputé aux autres ménages propriétaires fonciers. Voir Pellet [2018a].
-
[5]
L’estimation à l’aide d’un modèle Probit donne des résultats très similaires.
-
[6]
Parmi eux, 2,7 % ont un membre à l’étranger mais déclarent ne pas recevoir d’argent.
-
[7]
Si l’on compare les ménages d’anciens migrants rentrés moins récemment, les profils se rapprochent encore plus des NRH. Cela peut s’expliquer par la théorie selon laquelle les premières vagues de migrants sont composées d’individus mieux dotés que les vagues suivantes, qui pourront ensuite bénéficier du réseau et ainsi réduire le coût de leur migration. Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’ils ont émigré pendant plusieurs années et qu’ils ont accumulé un capital avant de rentrer avec chez eux, comme c’est souvent le cas.
-
[8]
L’effet des remises est moins marqué lorsque nous utilisons l’indice de consommation totale, 16 %, parce que celui-ci est plus fortement corrélé aux dépenses de santé que l’indice de patrimoine et en explique une plus grande part de variabilité (cf. tableau A1 en annexe).
-
[9]
On teste les résultats en les comptant comme bénéficiaires de transferts.