CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Aujourd’hui, de plus en plus d’étudiants exercent une activité rémunérée au cours de leurs études supérieures. En France, l’exploitation des enquêtes Emploi réalisées par l’Insee a montré que la proportion d’étudiants salariés était de 12,6 % sur la période allant de 1992 à 2002 (Beffy, Fougère et Maurel [2009]) et de 19,2 % en moyenne entre 2004 et 2006 (Coudin et Tavan [2008]). Aux États-Unis, pays où les décisions d’emploi en cours d’études ont fait l’objet de nombreuses investigations, la proportion d’étudiants ayant travaillé au moins une semaine au cours de l’année universitaire était de 23 % pour ceux inscrits en première année, 45 % en deuxième année, 66 % en troisième année et 75 % en quatrième année sur la période allant de 1997 à 2003 (Lee et Orazem [2010]) [1]. Des coûts d’éducation croissants, une baisse des rendements de l’éducation ou bien encore un environnement économique plus incertain sont des explications possibles et non exclusives de cette importance de l’emploi pendant les études observée au cours des deux dernières décennies.

2Plusieurs travaux ont analysé les conséquences de l’emploi en cours d’année universitaire une fois les études supérieures achevées. Aux États-Unis, Ruhm [1995], [1997] montre que le fait de travailler pendant les études donne lieu à un salaire plus élevé une fois sur le marché du travail, ce qui peut être lié à l’expérience accumulée. Light [2001] note l’existence d’un rendement spécifique des compétences professionnelles qui ont été acquises par l’activité rémunérée en cours d’études. Les rendements de l’éducation sont dès lors surestimés lorsque l’on ne prend pas en compte l’expérience acquise à travers le travail pendant les études. Molitor et Leigh [2005] trouvent également une corrélation positive entre la décision d’emploi pendant les études et les revenus une fois la scolarité achevée, mais les bénéfices de l’emploi étudiant varient fortement suivant le type de cursus. Ces résultats sont toutefois sensibles à la prise en compte de la sélection dans l’emploi comme le soulignent Hotz et al. [2002].

3D’autres travaux se sont intéressés aux conséquences de l’activité rémunérée pendant les études sur la performance scolaire, avec des résultats contrastés. Ehrenberg et Sherman [1987], Warren, LePore et Mare [2000], Rothstein [2007], Sabia [2009] et Lee et Orazem [2010] trouvent que les heures rémunérées durant l’année scolaire ne modifient pas réellement les notes moyennes des étudiants aux États-Unis. Au Royaume-Uni, le fait de travailler à temps partiel pendant les études diminue les résultats aux examens pour les filles alors qu’aucun effet n’est observé pour les garçons (Dustmann et Van Soest [2007]). À l’inverse, Eckstein et Wolpin [1999], Oettinger [1999], Tyler [2003] et DeSimone [2008] montrent que les heures de travail réduisent de manière significative les résultats scolaires des étudiants aux États-Unis après prise en compte de la sélection dans le travail.

4Au-delà de l’évaluation des conséquences du travail pendant les études, il importe de comprendre les mécanismes par l’intermédiaire desquels l’activité rémunérée peut influencer la réussite scolaire. Le fait d’avoir un emploi pendant l’année académique vient en particulier modifier la contrainte de temps des étudiants. Ceux qui font le choix d’avoir un emploi devraient avoir davantage de difficultés à assister aux cours et à trouver du temps libre pour travailler et réviser leurs cours. À ce jour, rares sont les travaux qui se sont penchés sur cet effet du travail rémunéré sur le temps consacré aux études (DeSimone [2006] ; Kalenkoski et Pabilonia [2009], [2012]). Aux États-Unis, l’analyse de carnets journaliers a montré que les étudiants ayant un emploi consacraient moins de temps à leur travail personnel, environ 45 minutes par jour (Kalenkoski et Pabilonia [2012]) [2]. Ce moindre investissement dans les études peut expliquer la moins bonne réussite académique des étudiants en emploi (Stinebrickner et Stinebrickner [2004], [2011] ; Eren et Henderson [2008]).

5Le présent article a pour objectif d’évaluer dans quelle mesure l’activité rémunérée pendant les études supérieures affecte à la fois le temps passé à suivre les cours et le temps de travail personnel. Notre analyse empirique combine cinq enquêtes en coupe réalisées en France entre 1997 et 2010 pour étudier cette relation sur un échantillon de près de 80 000 étudiants inscrits en études supérieures. Les étudiants sélectionnés sont âgés de 18 à 29 ans et suivent des cursus allant de la première à la cinquième année après le Baccalauréat. Contrairement à la situation des États-Unis, très peu de travaux se sont penchés sur les conséquences de l’activité rémunérée pendant les études en France. Wolff [2006] examine le lien entre la décision de travail des jeunes pendant leurs études et les transferts financiers qu’ils reçoivent de leurs parents. D’après Béduwé et Giret [2004], un tiers des étudiants en emploi déclarent que cette activité les a gênés dans leurs études supérieures [3]. Beffy, Fougère et Maurel [2009] et Body, Bonnal et Giret [2014] trouvent que le fait d’avoir une activité professionnelle régulière réduit fortement la probabilité de réussite aux examens en fin d’année universitaire.

6D’un point de vue économétrique, la principale difficulté à résoudre pour l’évaluation porte sur la sélection dans l’emploi en cours d’études. En effet, le temps consacré aux études et le choix d’exercer une activité rémunérée sont des décisions jointes de telle sorte que la participation au marché du travail est selon toute vraisemblance endogène. L’estimation de modèles à effets fixes et le recours à des techniques de variables instrumentales sont les principales stratégies empiriques qui ont été mises en œuvre pour corriger les possibles biais d’endogénéité. En l’absence de données longitudinales, nous faisons le choix d’estimer un modèle de sélection sur inobservables. L’activité rémunérée étant une variable muette, nous estimons un modèle non linéaire récursif d’équations simultanées pour expliquer à la fois les choix d’activité et le temps consacré aux études. Dans un souci de robustesse, nous évaluons aussi l’effet de l’emploi par l’estimation de modèles de sélection sur observables.

7Les résultats obtenus mettent en évidence un effet négatif de l’emploi en cours d’année universitaire à la fois sur l’assistance aux cours et sur le temps de travail personnel, cet effet étant beaucoup plus marqué pour ceux qui ont une activité rémunérée au moins à mi-temps. La suite de cet article est organisée de la façon suivante. La deuxième section décrit les données utilisées pour l’analyse empirique. Les temps consacrés aux études supérieures sont analysés dans la troisième section. La quatrième section présente la spécification économétrique retenue pour évaluer l’effet de l’activité rémunérée. Les différents résultats obtenus sont discutés dans la cinquième section, où nous nous interrogeons également sur la robustesse des résultats. Finalement, la sixième section conclut.

Les données

8Nous étudions l’effet du travail rémunéré sur le temps consacré à la fois à suivre les cours et au travail personnel à partir des enquêtes en coupes répétées Conditions de vie des étudiants (CdV), qui ont été mises en place par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) au cours des vingt dernières années. Cet observatoire, créé en 1989 par le ministre de l’Éducation nationale, a pour mission de « donner une information aussi complète, détaillée et objective que possible sur les conditions de vie des étudiants et sur leur rapport avec le déroulement des études [4] ».

9Les enquêtes CdV, qui sont réalisées tous les trois-quatre ans depuis le milieu des années 1990, concernent la population des étudiants en France quel que soit l’âge de ces derniers. Pour ce travail, nous utilisons les cinq enquêtes CdV réalisées respectivement en 1997, 2000, 2003, 2006 et 2010 [5]. Celles-ci ont toutes été réalisées au printemps. Cette uniformisation est d’importance au regard de la saisonnalité de l’emploi des jeunes en cours ou en fin d’études mise en évidence par Beffy et Coudin [2007]. Les questionnaires ont fait l’objet d’un envoi postal à un échantillon aléatoire des étudiants inscrits dans chaque université jusqu’en 2006, tandis qu’un échantillon aléatoire d’étudiants a été invité par courrier à répondre à un questionnaire par Internet en 2010. Pour les cinq enquêtes, le taux de réponse moyen était de l’ordre de 25 % avec des échantillons comprenant environ 25 000 étudiants par année.

10Ce taux de réponse limité soulève la question de la représentativité des échantillons CdV. Chaque enquête fait l’objet d’un redressement par la direction de l’Évaluation et de la Prospective du ministère de l’Éducation nationale de façon à corriger les biais liés au taux de réponse. Les sept variables suivantes sont retenues pour le redressement : le type d’établissement fréquenté, le lieu géographique, le cursus, la filière, le type de baccalauréat obtenu, l’âge et le sexe. Le redressement s’effectue à l’aide de la macro Calmar de l’Insee en utilisant la méthode du Logit borné et chaque enquête comporte une note méthodologique décrivant les poids obtenus par établissement. En fin de compte, d’après l’OVE, « la taille très importante de l’échantillon, la pondération opérée selon sept variables majeures à partir des bases de données les plus fiables sur la population totale […] permettent d’estimer raisonnablement que l’enquête de l’Observatoire atteint un haut degré de représentativité du champ étudié ».

11Les questionnaires sont articulés autour de grandes rubriques qui portent notamment sur le déroulement des études, les conditions d’études, le temps libre, le travail rémunéré, le logement, la santé ou bien les ressources et dépenses auxquelles font face les étudiants. Pour chaque étudiant interrogé, l’enquête CdV donne des éléments d’informations sur le sexe, l’âge, le nombre de frères et sœurs, la nationalité, l’année et le type de filière suivie ainsi que l’obtention d’une mention au baccalauréat. Elle inclut également quelques questions sur les parents: statut marital, niveau d’éducation, situation professionnelle et existence de périodes de chômage au cours des cinq dernières années. Les variables précisant les temps consacrés aux études pour lesquelles nous cherchons à évaluer l’impact du travail rémunéré étudiant sont les suivantes :

12– « À combien d’heures d’enseignement (cours, TD, TP) avez-vous effectivement assisté la semaine dernière ? »

13– « En dehors de l’assistance aux cours, TP et TD, combien d’heures de travail personnel pour vos études avez-vous effectué au total la semaine dernière ? »

14En ce qui concerne le travail rémunéré, chaque étudiant déclare s’il est en emploi au cours de l’année universitaire à partir de la question suivante : « Depuis la rentrée, avez-vous eu une ou plusieurs activités rémunérées ? » Dans l’affirmative, une question supplémentaire précise le type d’emploi : baby-sitter, surveillant, animateur, cours particuliers, employé, etc. L’enquête précise également si l’activité est directement en lien avec les études, par exemple interne dans un hôpital, allocataire d’enseignement et de recherche, professeur stagiaire ou bien stagiaire étudiant. Le travail réalisé par l’étudiant pendant les vacances d’été, qui fait l’objet d’une question par ailleurs, est pour sa part exclu. Par définition, celui-ci n’est pas supposé avoir d’incidence directe sur les temps que peuvent consacrer les étudiants à leurs études en cours d’année universitaire. Pour les différentes enquêtes CdV, outre le fait d’avoir une activité rémunérée, on sait également si l’emploi est occupé à mi-temps au moins [6].

15Une fois appariés, les cinq fichiers des enquêtes CdV forment un échantillon qui comprend 138 014 étudiants. L’effectif pondéré est égal à 8 773 026 étudiants pour l’ensemble de la période, chaque enquête contribuant pour environ 1 700 000 étudiants. Tous les âges sont ici représentés puisque 5 % des enquêtés ont 30 ans et plus. Nous retenons les étudiants qui sont âgés de 18 à 29 ans et qui sont inscrits dans des cursus d’études supérieures allant de la première à la cinquième année après le baccalauréat. Ceux qui sont engagés dans des études doctorales sont exclus de l’analyse puisqu’ils sont pour la plupart financés pour mener à bien leur thèse.

16Dans certaines filières, l’activité rémunérée n’apparaît que très peu compatible avec les études du fait de volumes horaires de cours et de travail personnel très exigeants. C’est en particulier le cas des étudiants inscrits dans les classes préparatoires aux grandes écoles, qui sont donc sortis de l’échantillon. Nous faisons en revanche le choix de conserver les étudiants inscrits en IUT et en BTS. Si ces derniers doivent suivre de nombreux cours, la dimension professionnelle de ces études courtes peut favoriser l’exercice d’une activité rémunérée en parallèle. Enfin, nous excluons les étudiants qui ont une activité ayant un lien direct avec leurs études, par exemple en cas de stage rémunéré ou d’alternance. Si l’emploi fait partie intégrante des études, alors il ne sera pas possible de comparer ces étudiants à d’autres enquêtés ayant des caractéristiques similaires puisqu’il manquerait toujours cette composante spécifique aux études.

17L’échantillon retenu comprend finalement 79 936 enquêtés pour un effectif égal à 4 866 473 étudiants après pondération : 19 539 ont été interrogés en 1997, 13 547 en 2000, 14 842 en 2003, 15 367 en 2006 et 16 641 en 2010. Le tableau 1 présente les principales variables explicatives retenues pour l’analyse. La proportion de filles dans l’échantillon est de 55,9 % et l’âge moyen des étudiants est de 20,7 ans. L’échantillon comprend 7,5 % d’étudiants de nationalité étrangère et 36,9 % de boursiers. 36,5 % des étudiants enquêtés sont inscrits en première année après le baccalauréat, 25,9 % en seconde année, 17,3 % en troisième année, 13,7 % en quatrième année et 6,5 % en cinquième année. La proportion d’étudiants ayant une activité rémunérée est de 36,6 % sur l’ensemble de la période (36,8 % sans pondération). Le taux d’emploi a eu globalement tendance à s’accroître au fil des années, passant de 32,6 % en 1997 à 38,3 % en 2010.

Tableau 1

Description de l’échantillon

Tableau 1
Variables Ensemble Activité rémunérée Aucune activité Différence Caractéristiques de l’étudiant Sexe féminin 0,559 0,617 0,525 0,092*** Âge 20,735 21,158 20,491 0,667*** Nationalité étrangère 0,075 0,077 0,074 0,003*** Niveau d’études Bac +1 0,365 0,299 0,404 – 0,105*** Bac +2 0,259 0,270 0,253 0,017*** Bac +3 0,173 0,200 0,157 0,043*** Bac +4 0,137 0,161 0,123 0,038*** Bac +5 0,065 0,070 0,063 0,007*** Filière Santé 0,075 0,047 0,092 – 0,045*** Sciences et technologie 0,211 0,183 0,227 – 0,044*** Droit et économie 0,231 0,244 0,223 0,021*** Sciences humaines et sociales 0,271 0,353 0,223 0,130*** IUT 0,084 0,058 0,100 – 0,042*** BTS 0,128 0,116 0,135 – 0,019*** Mention au bac Passable 0,577 0,600 0,563 0,037*** Assez bien 0,280 0,270 0,286 – 0,016*** Bien 0,111 0,101 0,117 – 0,016*** Très bien 0,032 0,029 0,034 – 0,005*** Boursier 0,369 0,326 0,394 – 0,068*** Temps de trajet domicile-cours (log) 3,131 3,225 3,077 0,148*** Nombre de frères et sœurs 1,804 1,881 1,759 0,122*** Caractéristiques des parents En couple 0,775 0,749 0,789 – 0,040*** Catégorie sociale Profession supérieure 0,392 0,399 0,387 0,012*** Profession intermédiaire, employé 0,349 0,351 0,347 0,004*** Autres professions 0,259 0,249 0,265 – 0,016*** Au chômage plus d’un an sur les cinq dernières années 0,179 0,193 0,171 0,022*** Nombre d’observations 79936 29433 50503

Description de l’échantillon

Note : L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans. Les seuils de significativité pour les tests de différence sont de 1 % (***), 5 % (**) et 10 % (*).
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

Les temps consacrés aux études supérieures

18D’après le tableau 2, les étudiants consacrent en moyenne 21,5 heures par semaine à suivre les cours [7]. Sachant que le temps d’assiduité théorique est de 23,9 heures, cela signifie que les étudiants manquent 2,5 heures de cours par semaine. Le nombre d’heures de cours auxquelles les étudiants assistent est sensiblement plus élevé lorsque ces derniers n’exercent pas d’activité rémunérée (22,6 au lieu de 19,5 heures). La moindre assiduité à suivre les cours des étudiants en emploi s’observe pour chaque année d’enquête, même si l’on note une réduction de l’écart au cours de la période (de – 4,2 heures en 1997 à – 2,6 heures en 2010). Le temps de travail personnel consacré aux études est en moyenne de 15,8 heures par semaine. Le temps consacré aux études diminue de 2,1 heures pour les étudiants qui ont un emploi, avec 14,4 heures de travail personnel au lieu de 16,5 heures. Le différentiel varie entre – 1,5 et – 1,9 heure de 1997 à 2007, mais il apparaît un peu plus élevé en 2010 (– 2,9 heures).

Tableau 2

Temps moyens consacrés aux études en fonction de l’activité rémunérée

Tableau 2
Variables 1997 2000 2003 2007 2010 Ensemble A. Cours suivis Ensemble 21,3 (9,9) 22,7 (8,9) 22,2 (9,7) 22,6 (9,9) 18,9 (9,8) 21,5 (9,8) Activité rémunérée 18,5 (9,9) 20,8 (9,0) 20,2 (9,9) 20,9 (10,2) 17,3 (9,8) 19,5 (9,9) Aucune activité rémunérée 22,7 (9,6) 23,8 (8,6) 23,5 (9,4) 23,5 (9,6) 19,9 (9,7) 22,6 (9,5) Différence – 4,2*** – 3,0*** – 3,2*** – 2,6*** – 2,6*** – 3,2*** B. Travail personnel Ensemble 16,4 (11,4) 15,1 (11,0) 14,5 (11,4) 15,7 (12,6) 16,8 (14,2) 15,8 (12,2) Activité rémunérée 15,1 (10,4) 14,1 (10,3) 13,4 (10,4) 14,5 (11,4) 15,0 (11,6) 14,4 (10,9) Aucune activité rémunérée 17,0 (11,8) 15,6 (11,3) 15,3 (11,9) 16,4 (13,2) 17,9 (15,4) 16,5 (12,8) Différence – 1,9*** – 1,5*** – 1,9*** – 1,9*** – 2,9*** – 2,1***

Temps moyens consacrés aux études en fonction de l’activité rémunérée

Note : L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans. Les écarts types sont reportés entre parenthèses sous les temps moyens. Les seuils de significativité pour les tests de différence de moyenne sont de 1 % (***), 5 % (**) et 10 % (*).
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

19À un niveau plus fin, il existe des différences importantes à la fois dans les temps consacrés aux études et dans l’exercice d’une activité rémunérée suivant le type d’études supérieures. Nous distinguons les six filières ou domaines suivants : santé, sciences et technologie, droit et économie, sciences humaines et sociales, IUT et BTS. Ce sont dans les filières courtes après le baccalauréat que les volumes horaires de cours suivis sont les plus élevés. L’assistance au cours représente 31,5 heures en BTS et 29,4 heures en IUT. À l’inverse, le temps de présence est beaucoup plus faible en sciences humaines et sociales (15,1 heures) et à un degré moindre en droit et économie (19,9 heures). Le volume de travail personnel déclaré par l’étudiant est très largement supérieur en santé (29,5 heures) que dans les autres filières (13,9 heures en sciences et technologie, 16,9 heures en droit et économie, 15,6 heures en sciences humaines et sociales). Le temps de travail personnel est plus faible en IUT (12,2 heures) et BTS (11,0 heures).

20Les exigences en termes de volume horaire des formations ne semblent pas sans incidence sur la possibilité qu’ont les étudiants d’exercer un travail pendant l’année universitaire, comme le montre la figure 1. La proportion d’étudiants ayant une activité rémunérée est ainsi plus faible parmi ceux qui sont inscrits en santé (22,8 %). Le volume de travail nécessaire pour réussir dans ce cursus ne permet que difficilement de concilier études et activité rémunérée. Les enquêtés engagés dans les filières courtes sont aussi moins nombreux à déclarer une activité (25,1 % en IUT et 33,1 % en BTS). Pour les autres filières, c’est en sciences humaines et sociales (47,7 %) et en droit et économie (38,6 %) que l’on trouve la proportion la plus élevée d’étudiants déclarant une activité rémunérée. Parmi ceux qui déclarent une activité, la proportion d’étudiants ayant un emploi au moins à mi-temps est également plus élevée en sciences humaines et sociales (31,7 %) et en droit et économie (25,7 %) que dans les filières courtes (15,4 % en IUT et 14,6 % en BTS).

Figure 1

Activité rémunérée étudiante, par filière

Figure 1

Activité rémunérée étudiante, par filière

Note : Les proportions d’étudiants sans aucune activité rémunérée, travaillant moins d’un mi-temps et ayant un emploi au moins à mi-temps sont calculées pour l’échantillon restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans.
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

21La figure 2 compare les temps consacrés à suivre les cours et au travail personnel en fonction de l’activité rémunérée pour les différentes filières. Pour la totalité des parcours examinés, le fait d’avoir un emploi en parallèle vient réduire le temps consacré aux études. Un étudiant ayant une activité rémunérée assiste en moyenne à 2,4 heures de cours en moins par semaine lorsqu’il est inscrit en sciences et technologie et 2,1 heures en moins en droit et économie. Le différentiel est un peu plus faible pour les filières de type IUT ou BTS, de l’ordre d’une heure. Le temps personnel est aussi moins important lorsque l’étudiant déclare une activité rémunérée, en particulier en santé (– 8,8 heures). Cet écart est compris entre – 1,4 et – 1,8 heure en sciences et technologie, en droit et économie et en sciences humaines et sociales, tandis qu’il n’excède pas une heure pour les étudiants inscrits en BTS et en IUT.

Figure 2

Activité rémunérée et temps consacré aux études par filière

Figure 2

Activité rémunérée et temps consacré aux études par filière

Note : Le différentiel lié à l’absence d’activité rémunérée indique le temps supplémentaire consacré par un étudiant qui n’a pas d’emploi à ses études par rapport à un étudiant ayant une activité rémunérée. L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans.
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

22À ce stade, ces résultats descriptifs suggèrent que le fait d’avoir un travail pendant l’année universitaire se fait au détriment du temps consacré aux études, à la fois à suivre les cours et au niveau du travail personnel. Toutefois, ils ignorent la sélection vraisemblable des étudiants qui décident d’exercer une activité rémunérée au cours de l’année universitaire. Le tableau 1 met clairement en évidence l’existence de différences entre les caractéristiques des étudiants suivant qu’ils aient un emploi ou non. D’après les enquêtes CdV, les étudiants en emploi sont davantage des filles, ils sont plus âgés en moyenne et sont davantage avancés dans leur cursus. L’exercice d’une activité rémunérée apparaît beaucoup plus fréquent pour les filières sciences humaines et sociales et dans une moindre mesure droit et économie. Une analyse économétrique prenant en compte la sélection endogène des étudiants est dès lors nécessaire pour évaluer l’effet de l’activité rémunérée sur le temps consacré aux études.

Spécification économétrique

23Nous considérons un modèle d’équations simultanées récursif prenant en compte l’endogénéité de la participation au marché du travail pour mesurer l’impact du travail rémunéré sur le temps passé en cours et en travail personnel. Pour la présentation, nous nous intéressons uniquement au choix d’exercer une activité rémunérée.

24Soit W une variable indiquant la participation au marché du travail d’un étudiant, telle que W = 1 lorsque celui-ci exerce une activité rémunérée et W = 0 dans le cas contraire. Soit W* la variable latente mesurant la propension pour un étudiant donné à avoir un travail rémunéré au cours des études. Cette variable est retenue sous la forme linéaire W* = ZβW + εW, où Z est un vecteur de caractéristiques qui influencent la décision de travailler, βW mesure l’effet de ces variables sur W* et εW est un terme d’erreur résiduel. Par définition, la variable latente W* est inobservée. La correspondance entre W* et W est telle que W = 1 lorsque W* > 0 et W = 0 dans le cas contraire. Notant Tc et Tp les temps passés respectivement à suivre les cours et en travail personnel, les temps consacrés aux études et la décision d’avoir un emploi sont estimés de façon jointe telle que :

25

equation im5

26où X est un vecteur de caractéristiques individuelles que l’on suppose identiques pour les variables dépendantes Tc et Tp, βc et βp sont des vecteurs de coefficients à estimer, δc et δp mesurent l’effet du travail rémunéré W, et εc et εp sont des perturbations aléatoires. Les paramètres d’intérêt pour notre étude sont les coefficients δc et δp qui indiquent l’effet de W respectivement sur Tc et Tp[8].

27La spécification 1 définit un modèle d’équations simultanées récursif comprenant une équation de type Probit expliquant la probabilité d’avoir une activité rémunérée et deux équations linéaires pour les temps consacrés à suivre les cours et au travail personnel. Les paramètres du modèle sont estimés par la méthode de maximum de vraisemblance. Ce sont les hypothèses retenues sur la distribution des trois termes d’erreur (εc, εp, εW) qui permettent de tenir compte de la possible endogénéité de la décision d’activité pendant les études. Nous supposons ici que (εc, εp, εW) suit une loi normale trivariée telle que :

28

equation im6

29où ρcp, ρcW et ρpW sont les coefficients de corrélation respectivement entre lnTc et lnTp, entre lnTc et W et entre lnTp et W. Dans la mesure où les temps consacrés aux études sont susceptibles d’être influencés par des facteurs inobservables similaires (par exemple la motivation des étudiants), on s’attend à ce que la corrélation ρcp soit positive. Ce modèle récursif comprend pour cas particulier le scénario où le choix d’une activité rémunérée est exogène. Les valeurs des coefficients de corrélation sont alors telles que ρcW = 0 et ρpW = 0. Ce cas revient à estimer séparément un modèle Probit univarié pour la décision de travailler et un modèle de type SUR pour les temps consacrés aux études (Zellner [1963]). À l’inverse, si le choix d’exercer une activité rémunérée est endogène, alors les hypothèses nulles H0 : ρcW = 0 et H0 : ρpW = 0 vont être rejetées.

30Dans la spécification récursive 1, il existe une dépendance entre les différents éléments inobservés ε qui affectent à la fois les temps consacrés aux études et la propension à exercer une activité rémunérée. Il s’agit donc d’un modèle de sélection sur inobservables pour lequel l’estimation par la méthode du maximum de vraisemblance nécessite de spécifier une loi jointe (ici normale) pour les termes d’erreur ε. La question centrale est alors celle de l’identification des paramètres d’intérêt δc et δp. Une condition d’exclusion est nécessaire pour éviter une identification faible reposant sur la seule forme fonctionnelle (non linéaire) du modèle récursif. En pratique, celle-ci revient à introduire dans le vecteur Z au moins une variable exogène qui ne soit pas prise en compte dans le vecteur X. La difficulté consiste ici à trouver une variable qui soit fortement corrélée avec l’exercice d’une activité rémunérée, mais qui n’ait aucun impact sur les temps consacrés aux études.

31La plupart des travaux réalisés à ce jour ont retenu pour instrument le taux de chômage local (Hotz et al. [2002] ; Wolff [2006] ; Rothstein [2007] ; Kalenkoski et Pabilonia [2009], [2010], [2012]). D’un côté, les conditions locales d’emploi doivent avoir une incidence forte sur la probabilité pour un étudiant de trouver une activité rémunérée. Il devrait être beaucoup plus difficile de parvenir à décrocher un emploi dans une situation où le marché du travail est fortement dégradé. De l’autre, le taux de chômage ne devrait pas avoir d’effet direct sur le temps passé à suivre les cours ou bien à réviser chez soi. Cet instrument soulève toutefois quelques difficultés potentielles. Il est par exemple possible que les étudiants pour lesquels l’activité rémunérée est nécessaire sur le plan financier soient prêts à travailler dans des départements voisins si les coûts liés à la mobilité sont faibles. Le choix du lieu d’études peut par ailleurs être endogène si les étudiants décident de suivre leurs études dans des zones dynamiques offrant davantage d’opportunités pour trouver une activité rémunérée.

32Dans leur étude sur données françaises, Beffy, Fougère et Maurel [2009] retiennent pour instruments le taux de chômage départemental des 15-24 ans peu ou pas qualifiés, la catégorie socioprofessionnelle du père et une variable croisée entre le taux de chômage et la catégorie sociale [9]. La position sociale du père n’est pas un instrument évident a priori. Comme le soulignent Beffy, Fougère et Maurel ([2009], p. 34), « on pourrait toutefois penser que la CSP du père a aussi un effet direct sur la réussite scolaire, ce qui invaliderait son exclusion de l’équation de réussite ». En pratique, les données des enquêtes sur l’emploi pour la période 1992 à 2002 utilisées par les auteurs révèlent une absence d’effet de la catégorie sociale du père sur la réussite. Body, Bonnal et Giret [2014] font le choix d’exclure de l’équation de réussite des variables supplémentaires telles que la réception d’une bourse, l’absence d’un soutien financier de la famille ou bien le mode de résidence. Ces différentes variables sont a priori corrélées avec le revenu des parents qui n’est pas contrôlé par ailleurs, et il est difficile sur le plan théorique de ne pas affirmer qu’elles peuvent jouer sur la réussite des étudiants [10].

33Au cours de nos investigations sur les données, nous avons expérimenté un grand nombre d’instruments possibles, en particulier le taux de chômage local des 15-24 ans, la catégorie sociale du parent de référence ou bien encore le fait d’être boursier. La principale difficulté à laquelle nous avons fait face est que ces différentes variables ne vérifient pas les propriétés attendues d’un instrument, à savoir l’absence d’une corrélation entre l’instrument et les variables de temps d’études à expliquer. Par exemple, si le taux de chômage local n’a pas d’incidence sur le nombre d’heures de cours suivies, il est corrélé négativement avec le temps de travail personnel. Le fait d’être boursier est, lui, corrélé positivement avec les deux temps d’études. Ces derniers dépendent également de la situation socio- économique des parents (que ce soit la catégorie sociale ou bien le chômage de plus d’un an sur les cinq dernières années) à caractéristiques des étudiants données.

34Au regard des variables disponibles dans l’enquête, nous retenons pour instrument le nombre de frères et sœurs de l’étudiant qui sont actuellement au chômage. Compte tenu de la proximité des âges entre collatéraux et des similitudes attendues dans leurs parcours scolaires, cette variable est censée refléter les éventuelles difficultés d’insertion sur le marché du travail [11]. On s’attend à ce que la probabilité d’emploi d’un étudiant soit d’autant plus faible que ses frères et sœurs ont eux-mêmes des difficultés à s’insérer sur le marché du travail. Par définition, l’instrument que nous choisissons combine à la fois des dimensions d’employabilité et de taille de famille. Or, le nombre de frères et sœurs est lui-même susceptible d’influencer les trajectoires scolaires par le biais de l’arbitrage qualité-quantité évoqué à l’origine par Becker et Lewis [1973]. Afin que l’instrument soit uniquement corrélé avec l’emploi, nous introduisons par ailleurs le nombre de frères et sœurs comme variable de contrôle. Sur le plan empirique, les données conduisent à l’acceptation de l’hypothèse d’absence d’effet du nombre de collatéraux au chômage à la fois pour les heures de cours et le travail personnel (au seuil de 5 %).

35Le fait de trouver des instruments pertinents donnant lieu à des variations exogènes dans l’activité rémunérée étudiante est une difficulté récurrente dans la littérature (Stinebrickner et Stinebrickner [2003]). À partir de données longitudinales américaines, Busha et al. [2012] ont recours à des techniques d’appariement pour estimer l’effet causal de l’emploi sur la réussite scolaire. La prise en compte de la sélection sur observables est réalisée par l’estimation d’un score de propension expliquant la probabilité d’avoir un emploi pendant les études, tandis qu’un estimateur de différence de différences conditionnelle permet de prendre en compte la sélection sur inobservables. Une telle stratégie ne peut cependant être mise en place dans notre contexte, car les données des enquêtes CdV sont transversales et non longitudinales. Dans un souci de robustesse, les différents résultats obtenus par le modèle récursif de sélection sur inobservables seront comparés avec des méthodes d’appariement permettant de prendre en compte uniquement la sélection sur observables.

Résultats économétriques

Évaluation de l’impact de l’activité rémunérée

36Les résultats obtenus pour le modèle récursif sont présentés dans le tableau 3. Ils permettent tout d’abord de préciser les caractéristiques des étudiants en emploi pendant leurs études. La probabilité estimée d’exercer une activité rémunérée, qui est égale à 36,0 % pour un étudiant ayant les caractéristiques moyennes de l’échantillon, augmente de 7,2 points pour les filles. Body, Bonnal et Giret [2014] mettent en évidence un effet de genre similaire à partir d’un échantillon d’étudiants inscrits à l’Université de Poitiers. Cet écart n’est en tout cas pas imputable à un moindre soutien parental (Wolff [2012]). Une explication réside dans le nombre élevé d’emplois dans le secteur des services mis à disposition des étudiants, emplois pour lesquels les femmes sont surreprésentées. La participation au marché du travail est positivement corrélée avec l’âge tandis qu’elle diminue pour les étudiants de nationalité étrangère (– 9,2 points). Les raisons de cette corrélation négative peuvent être multiples. Par exemple, les étudiants étrangers qui sont venus en France pour leurs études supérieures peuvent avoir fait le choix de se consacrer uniquement à l’obtention du diplôme préparé ou bien peuvent ne pas avoir le droit de travailler légalement en l’absence de visa de travail [12].

Tableau 3

Estimation jointe des temps consacrés aux études et de l’activité rémunérée

Tableau 3
Variables Cours suivis Travail personnel Activité rémunérée Coefficient Écart type Coefficient Écart type Coefficient Écart type Caractéristiques de l’étudiant Activité rémunérée endogène – 0,143*** (0,014) – 0,007 (0,019) Sexe féminin 0,027*** (0,004) 0,248*** (0,006) 0,202*** (0,010) Âge – 0,031*** (0,001) 0,005** (0,002) 0,076*** (0,003) Nationalité étrangère 0,027*** (0,010) 0,036** (0,016) – 0,261*** (0,025) Niveau d’études Bac +1 Ref Ref Ref Bac +2 0,064*** (0,004) 0,019*** (0,007) 0,147*** (0,013) Bac +3 0,095*** (0,006) – 0,002 (0,009) 0,127*** (0,016) Bac +4 – 0,041*** (0,008) 0,138*** (0,012) 0,058*** (0,019) Bac +5 – 0,016 (0,012) 0,181*** (0,017) – 0,155*** (0,026) Filière Santé – 0,565*** (0,009) 0,830*** (0,015) – 0,369*** (0,026) Sciences et technologie – 0,319*** (0,006) 0,155*** (0,012) – 0,115*** (0,021) Droit et économie – 0,457*** (0,006) 0,350*** (0,011) 0,008 (0,020) Sciences humaines et sociales – 0,718*** (0,006) 0,194*** (0,011) 0,211*** (0,020) IUT – 0,095*** (0,006) 0,128*** (0,012) – 0,206*** (0,023) BTS Ref Ref Ref Mention au bac Passable Ref Ref Ref Assez bien 0,033*** (0,004) 0,043*** (0,006) – 0,036*** (0,011) Bien 0,051*** (0,006) 0,116*** (0,009) – 0,075*** (0,016) Très bien 0,054*** (0,012) 0,233*** (0,018) – 0,105*** (0,032) Boursier 0,015*** (0,004) 0,019*** (0,007) – 0,258*** (0,011) Temps de trajet domicile-cours (log) – 0,015*** (0,002) – 0,009** (0,004) 0,116*** (0,006) Nombre de frères et sœurs – 0,002 (0,001) – 0,010*** (0,002) 0,057*** (0,004) Caractéristiques des parents En couple 0,030*** (0,004) 0,060*** (0,007) – 0,123*** (0,012) Catégorie sociale Profession supérieure – 0,007 (0,005) – 0,005 (0,007) 0,009 (0,013) Profession intermédiaire, employé 0,008* (0,004) – 0,013* (0,007) 0,029** (0,013) Autres professions Ref Ref Ref
Tableau 3
Variables Cours suivis Travail personnel Activité rémunérée Coefficient Écart type Coefficient Écart type Coefficient Écart type Au chômage plus d’un an sur les cinq dernières années – 0,015*** (0,005) 0,002 (0,008) 0,091*** (0,013) Taux de chômage local des 15-24 ans (log) – 0,000 (0,008) – 0,039*** (0,013) – 0,364*** (0,022) Nombre de frères et sœurs au chômage – 0,058*** (0,014) Année d’enquête 1997 Ref Ref Ref 2000 0,100*** (0,005) – 0,098*** (0,009) 0,105*** (0,016) 2003 0,040*** (0,006) – 0,172*** (0,010) 0,105*** (0,017) 2007 0,087*** (0,005) – 0,186*** (0,009) 0,108*** (0,015) 2010 – 0,137*** (0,006) – 0,132*** (0,009) 0,208*** (0,015) Constante 4,040*** (0,038) 2,224*** (0,061) – 1,342*** (0,103) Corrélation ρ Cours suivis 1 – 0,126*** (0,007) 0,052*** (0,009) Travail personnel 1 – – 0,102*** (0,028) Activité rémunérée 1 – Nombre d’observations 79936 Log vraisemblance – 193817,5

Estimation jointe des temps consacrés aux études et de l’activité rémunérée

Note : Les estimateurs sont obtenus par un modèle trivarié récursif expliquant de façon jointe les heures de cours suivies, le temps de travail personnel et la probabilité d’avoir une activité rémunérée. L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans. Les écarts types sont corrigés de l’hétéroscédasticité et les seuils de significativité sont de 1 % (***), 5 % (**) et 10 % (*).
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

37La probabilité d’avoir une activité rémunérée varie suivant la progression dans le cursus académique. Par rapport aux étudiants inscrits en première année, cette probabilité est d’environ 5 points plus élevée pour ceux inscrits en seconde et troisième années. À l’inverse, elle est moins élevée (– 5,5 points) en cinquième année. Une explication possible vient de ce qu’en dernière année de master, de nombreuses formations comportent des stages obligatoires de longue durée qui sont intégrés aux études. Les écarts entre les différentes filières sont également importants. Par rapport aux étudiants en BTS, seuls ceux inscrits en sciences humaines et sociales ont une probabilité plus élevée d’avoir un emploi (+ 7,5 points). À l’inverse, ce sont les étudiants qui sont inscrits en santé qui ont la probabilité la plus faible de travailler (– 13,1 points). Il existe également une corrélation négative entre le fait d’avoir un emploi et la mention reçue au baccalauréat ainsi que la réception d’une bourse. À l’inverse, la corrélation est positive pour le temps de trajet du domicile au lieu d’études et le nombre de frères et sœurs.

38Les caractéristiques parentales ont également une influence significative sur la décision d’emploi. La probabilité d’avoir une activité rémunérée est sensiblement plus faible (– 4,4 points) lorsque les parents de l’étudiant vivent en couple. À l’inverse, cette probabilité est plus élevée lorsque le parent de référence occupe une profession intermédiaire ou est employé et lorsque les parents ont connu au moins un épisode de chômage sur les cinq dernières années (+ 3,2 points). Dans ce cas, il est possible que les étudiants disposent de moins de ressources à consacrer à leurs études du fait de transferts parentaux plus faibles, sachant que les revenus des parents et les transferts financiers versés par ces derniers à leurs enfants pour leurs études supérieures ne sont pas pris en compte dans la régression [13]. Conformément aux attentes, les conditions locales sur le marché du travail ont une incidence forte sur l’accès à l’emploi. Le taux de chômage local des jeunes âgés de 15 à 24 ans est corrélé négativement avec la probabilité de travailler : il est plus difficile pour un étudiant de trouver un travail à côté des études lorsque le marché du travail local est dégradé.

39Les résultats des estimations montrent que les facteurs explicatifs retenus n’influencent pas toujours de la même façon l’assistance aux cours et le travail personnel. Les caractéristiques individuelles inobservées jouent en revanche dans le même sens sur les deux variables dépendantes puisque le coefficient de corrélation ρcp est positif et égal à 0,126. Les enquêtes CdV mettent en évidence une plus grande assiduité des filles toutes choses égales par ailleurs. Si les écarts sont très limités pour le temps moyen passé à suivre les cours (+ 1,6 % pour les filles), le différentiel est de 28,1 % pour le temps personnel. Cet investissement beaucoup plus marqué dans le travail à la maison peut être un des facteurs explicatifs de la meilleure réussite des filles dans les études supérieures. Les étudiants d’origine étrangère déclarent également une assistance aux cours et un temps de travail personnel un peu plus élevés (de l’ordre de 3 %).

40À la fois le niveau d’études et la filière suivie influencent très fortement le temps consacré aux études. Par rapport aux étudiants inscrits en première année après le bac, le nombre d’heures de cours suivies augmente pour ceux inscrits en deuxième année (+ 6,6 %) et en troisième année (+ 10,0 %). Une explication possible fait référence à la sélection des étudiants au cours de leur scolarité. Ceux qui ont réussi à valider leurs examens en première année sont certainement ceux qui ont été les plus assidus lors de leur première année d’étude supérieure. Dans le même temps, les horaires de cours théoriques vont varier suivant les diplômes suivis. À l’inverse, le temps de présence en cours tend à diminuer pour les étudiants inscrits en quatrième année tandis que le coefficient n’est pas significatif pour la cinquième année. Si le temps personnel consacré varie peu sur les trois premières années, il est beaucoup plus important pour des étudiants sur des diplômes de type master (+ 14,8 % en quatrième année, + 19,8 % en cinquième année). Le temps passé à suivre des cours est sensiblement plus faible en sciences humaines et sociales, en santé et en droit et économie, tandis que le travail personnel est beaucoup plus élevé pour les étudiants inscrits en santé.

41L’obtention d’une mention au baccalauréat est corrélée positivement à la fois avec le nombre d’heures de cours suivies et avec le temps personnel. Dans ce dernier cas, l’effet marginal est particulièrement élevé pour la mention bien (+ 12,3 %) et plus encore la mention très bien (+ 26,2 %). Il est vraisemblable que les étudiants concernés ont dû travailler beaucoup en terminale pour obtenir de telles mentions et qu’ils conservent un tel niveau d’engagement dans leurs études supérieures. Le fait d’être boursier a un effet positif sur les temps d’études, mais celui-ci reste de faible ampleur, tandis qu’un temps de trajet important entre le domicile et le lieu d’études a l’effet inverse. Les caractéristiques des parents sont dans une certaine mesure corrélées avec les temps consacrés aux études supérieures. Le nombre d’heures de cours suivies augmente lorsque les parents de l’enquêté vivent en couple et lorsque les parents n’ont pas connu d’épisode de chômage de plus d’un an au cours des cinq dernières années. Le travail personnel est aussi plus élevé lorsque les parents vivent en couple, mais il diminue pour les professions intermédiaires et employés (au seuil de 10 %) et lorsque le taux de chômage local des jeunes est élevé [14].

42Les coefficients d’intérêt pour l’évaluation sont δc et δp, qui indiquent l’effet de l’activité rémunérée et les temps consacrés aux études. D’après les enquêtes CdV, le fait d’avoir une activité rémunérée s’accompagne d’une baisse du nombre d’heures de cours suivies de 13,3 % [15]. Le coefficient de corrélation ρcW est positif et significatif (ρcW = 0,052). Le résultat est différent pour le temps personnel. Le coefficient de corrélation est négatif (ρpW = 0,102) et le fait d’avoir un emploi n’a pas d’influence significative sur le travail personnel avec un coefficient δp très proche de 0. Il est intéressant de comparer ces résultats par rapport à ceux obtenus sous l’hypothèse d’exogénéité. Dans ce scénario, l’activité rémunérée est associée à une baisse de 9,8 % pour les heures de cours suivies et de 12,6 % pour le travail personnel. C’est donc exclusivement pour ce dernier temps que le modèle de sélection sur inobservables donne lieu à un effet causal non significatif de l’emploi [16].

Robustesse des estimations

43Dans ce type de modèles récursifs non linéaires, les conditions d’exclusion retenues peuvent jouer un rôle important sur les coefficients obtenus pour la variable endogène. Il est dès lors intéressant de regarder dans quelle mesure les facteurs inobservables expliquant la sélection dans l’emploi étudiant sont susceptibles de modifier nos résultats.

44À cet effet, nous partons de l’estimateur naïf obtenu sous l’hypothèse d’exogénéité de l’emploi et mesurons dans quelle mesure l’intensité de la corrélation entre la variable endogène et les inobservables peut conduire à ne pas rejeter l’hypothèse nulle pour les coefficients δc et δp. Dans le cadre d’un modèle linéaire, Krauth [2016] s’appuie sur des restrictions de corrélation relative pour obtenir un intervalle mesurant l’effet d’une variable de traitement (au lieu d’une estimation ponctuelle), les corrélations en question portant sur le traitement et soit les inobservables, soit les observables. Pour le modèle linéaire lnT = Xβ + δW + ε, le ratio cov(lnT, W)/V(W) peut alors s’écrire :

45

equation im9

46avec λ ≡ cor(ε, W)/cor(Xβ, W). Les second et troisième termes à droite de l’égalité 3 indiquent respectivement les biais résultant de l’omission du rôle joué par les facteurs observables X et par les facteurs inobservables ε. Le paramètre λ, qui correspond au ratio de la corrélation entre l’activité rémunérée et les inobservables sur la corrélation entre l’activité rémunérée et les observables, joue un rôle crucial. Lorsque λ = 0, il n’y a aucune variable omise dans la régression linéaire estimée par les MCO une fois que les facteurs observables X sont pris en compte. Maintenant, dans le cas général, le paramètre λ peut être positif ou négatif. Lorsque λ > 0, les corrélations cor(ε, W) et cor(Xβ, W) sont de même signe et la non-prise en compte des facteurs inobservables vient biaiser l’effet de W sur lnT [17].

47Krauth [2016] montre alors comment obtenir des bornes mesurant l’impact de la variable W en fonction des valeurs de λ. Pour les cours suivis, la corrélation relative cor(ε, W)/cor(Xβ, W) qui annule l’effet négatif de l’activité rémunérée est égale à 0,496. Si par exemple la corrélation entre l’activité rémunérée et les inobservables était de 25 % supérieure à celle entre l’activité rémunérée et les observables, alors l’effet de l’emploi sur les heures de cours suivies serait toujours négatif mais beaucoup plus faible, égal à – 4,7 % au lieu de – 9,8 % sous l’hypothèse d’exogénéité. Pour le temps de travail personnel, les résultats sont un peu différents puisque l’effet causal reste toujours négatif pour des valeurs positives du paramètre λ. L’effet de l’emploi est par exemple de – 16,2 % lorsque la corrélation entre l’activité rémunérée et les inobservables est de 25 % supérieure à celle entre l’activité rémunérée et les observables au lieu de – 12,6 % sous l’hypothèse d’exogénéité.

48Des estimateurs alternatifs ont été proposés dans la littérature pour évaluer un effet de traitement en l’absence de condition d’exclusion (Millimet et Tchernis [2013]). Soit X le vecteur des facteurs observables expliquant la variable dépendante lnT, W est la variable de traitement qui correspond ici au choix d’activité rémunérée, et equation im10 est le score de propension estimé (Rosenbaum et Rubin [1983]). L’estimateur IPW (inverse probability weighted) proposé par Hirano et Imbens ([2001], p. 264-266) pour évaluer l’effet moyen du traitement sur les traités s’écrit :

49

equation im11

50Cet estimateur, qui fait intervenir des pondérations dépendant du score de propension estimé, apparaît préférable à d’autres estimateurs d’appariement (Busso, DiNardo et McCrary [2014]). Il est sans biais lorsque l’hypothèse d’indépendance conditionnelle est vérifiée, mais est biaisé dans le cas contraire.

51Millimet et Tchernis [2013] proposent alors un estimateur τMB (minimum-biased) qui a pour objectif de rendre le biais B minimal. En pratique, cela consiste à estimer le terme donné par l’équation 4 uniquement au voisinage des valeurs du score de propension p* qui minimise le biais B associé à l’estimateur τIPW. Dans la formule 4, les sommes ne sont alors plus effectuées sur l’ensemble des N observations, mais sur le sous-ensemble Ω des observations au voisinage de cette valeur critique du score de propension. Pour l’effet de traitement sur les traités, le biais est minimum pour p* = 0,5 (Black et Smith [2004]). Il faut alors choisir une proportion θ telle que θ % des observations à la fois du groupe traité (W = 1) et du groupe de contrôle (W = 0) appartiennent à l’intervalle centré autour de p*.

52Le tableau 4 présente les résultats obtenus pour les estimateurs τIPW et τMB en l’absence de condition d’exclusion. À la fois les heures de cours suivies et le temps personnel diminuent lorsque les étudiants ont une activité rémunérée. L’assistance au cours diminue de 10,8 % avec l’estimateur τIPW et de 13,1 % avec l’estimateur τMB pour θ = 0,05. La valeur de ce paramètre θ a d’ailleurs peu d’incidence sur τMB puisque l’effet moyen de traitement sur les traités est de – 12,6 % pour θ = 0,1 et – 13,4 % pour θ = 0,25. Le nombre d’heures consacrées au travail personnel diminue de – 12,8 % avec l’estimateur τIPW et de – 14,3 % avec l’estimateur τMB pour θ = 0,05, ce qui est assez proche de l’effet moyen de traitement obtenu sous l’hypothèse d’exogénéité (– 12,6 points). Ces résultats mettent en évidence une difficile conciliation de l’emploi et du temps consacré aux études, mais montrent que le cadre d’estimation retenu n’est pas sans incidence sur les conclusions, du moins pour le travail personnel, pour lequel l’effet de l’emploi pendant les études ne sortait pas de façon significative avec le modèle de sélection sur inobservables.

Tableau 4

Effet marginal de l’activité rémunérée (en %) : modèles de sélection sur observables

Tableau 4
Variables 1997 2000 2003 2007 2010 Ensemble A. Cours suivis ATT τOLS – 10,8 – 7,2 – 11,0 – 8,0 – 11,4 – 9,8 ATT τIPW – 11,9 – 8,2 – 11,6 – 9,1 – 12,7 – 10,8 ATT τMB ; θ = 0,05 – 15,4 – 5,6 – 15,0 – 14,5 – 14,9 – 13,1 ATT τMB ; θ = 0,10 – 15,6 – 7,2 – 14,8 – 14,1 – 16,1 – 12,6 ATT τMB ; θ = 0,25 – 14,0 – 7,6 – 14,9 – 12,0 – 13,7 – 13,4 ATT équilibrage entropique – 11,5 – 7,8 – 11,5 – 8,9 – 12,4 – 10,6 B. Travail personnel ATT τOLS – 13,4 – 12,2 – 14,3 – 11,4 – 10,9 – 12,6 ATT τIPW – 14,3 – 12,3 – 14,7 – 11,4 – 10,5 – 12,8 ATT τMB ; θ = 0,05 – 15,6 – 14,0 – 13,4 – 14,1 – 10,9 – 14,3 ATT τMB ; θ = 0,10 – 14,8 – 11,8 – 12,7 – 10,8 – 8,6 – 13,3 ATT τMB ; θ = 0,25 – 15,1 – 9,9 – 16,5 – 11,0 – 8,4 – 12,2 ATT équilibrage entropique – 14,3 – 12,3 – 14,6 – 12,0 – 10,7 – 12,8

Effet marginal de l’activité rémunérée (en %) : modèles de sélection sur observables

Note : Les coefficients estimés correspondent à l’effet moyen de traitement sur les traités (ATT) pour différents estimateurs (moindres carrés ordinaires pour τOLS, appariement avec pondération des estimations par l’inverse du score de propension pour τIPW, τMB ; θ = 0,05, τMB ; θ = 0,10 et τMB ; θ = 0,25, appariement par équilibrage entropique). Les variables explicatives retenues sont celles présentées dans le tableau 3. L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans.
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

53Hainmueller [2012] a récemment proposé une technique d’appariement alternative non paramétrique fondée sur l’entropie. Celle-ci consiste à générer un ensemble de poids pour les différentes observations de telle sorte que les moments des variables explicatives sélectionnées soient identiques pour les groupes traités et non traités après pondération. Cette approche très flexible correspond de nouveau à un modèle de sélection sur observables puisque les poids calculés sont conditionnels aux différentes variables de contrôles retenues (ainsi qu’au nombre de moments choisis, qui sont ici la moyenne et la variance pour chaque variable) pour l’équilibrage des données. Sur la base des facteurs explicatifs retenus dans le tableau 3, l’effet moyen de traitement sur les traités obtenu par entropie est très proche de celui obtenu par les autres techniques d’appariement. D’après le tableau 4, l’effet négatif de l’activité rémunérée est égal à – 10,6 % pour les cours suivis et à – 12,8 % pour le travail personnel.

54Un autre élément de réflexion concerne la possible hétérogénéité de l’effet de l’activité rémunérée sur les temps consacrés aux études. Il est ainsi tout à fait possible que l’impact du travail rémunéré diffère, que ce soit au cours de la période retenue, entre cursus pour lesquels le travail attendu des étudiants n’est pas de la même intensité, ou bien encore en fonction du milieu d’origine des parents [18]. En ce qui concerne les effets temporels, le tableau 4 révèle une certaine stabilité de l’effet négatif observé pour l’activité rémunérée, que ce soit pour les cours suivis ou bien pour le travail personnel. Lorsqu’ils ont un emploi, les étudiants suivent en moyenne entre 7,2 % (en 2000) et 11,4 % (en 2010) d’heures de cours en moins sous l’hypothèse d’exogénéité. Avec l’estimateur τIPW, l’effet négatif est un peu plus élevé (en valeur absolue) et varie de – 8,2 % en 2000 à – 12,7 % en 2010. Les résultats sont très similaires pour le travail personnel, que ce soit sous l’hypothèse d’exogénéité ou avec les estimateurs par appariement. L’estimateur τIPW varie par exemple entre – 10,5 % en 2010 et – 14,7 % en 2003.

55La figure 3 précise l’effet marginal de l’emploi obtenu à l’aide de l’estimateur τIPW à la fois sur les cours suivis et le travail personnel pour les sept filières retenues. Tout d’abord, quelle que soit la filière retenue, l’effet de l’emploi sur les temps consacrés aux études est toujours négatif. Ensuite, avoir une activité rémunérée a un effet plus limité sur l’assistance aux cours pour les étudiants inscrits en IUT ou en BTS (– 3,7 % et – 2,4 % respectivement) que dans les autres filières universitaires (au moins – 10 %). Le volume horaire des formations supérieures courtes est sensiblement plus élevé et l’assiduité des étudiants aux cours y est davantage surveillée. Enfin, l’effet négatif de l’emploi sur le travail personnel se caractérise par davantage de variations entre filières. L’effet est de nouveau plus faible pour les étudiants en IUT et en BTS (– 5,5 % et – 7,8 %) tandis qu’il est le plus important en santé (– 17,4 %) et dans une moindre mesure en sciences humaines et sociales (– 14,5 %).

Figure 3

Effet marginal de l’activité rémunérée sur les temps consacrés aux études par filière

Figure 3

Effet marginal de l’activité rémunérée sur les temps consacrés aux études par filière

Note : Les effets marginaux correspondent à l’effet moyen de traitement sur les traités calculé à partir de l’estimateur τIPW. Les variables explicatives retenues sont celles présentées dans le tableau 3. L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans.
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

56Au regard des différences dans l’activité rémunérée entre les filles et les garçons, nous avons également calculé les effets de traitement sur les traités suivant le genre. Pour l’ensemble des filières, l’effet négatif de l’emploi sur les heures de cours est assez similaire pour les garçons et pour les filles (– 10,4 % et – 11,0 % respectivement). Il est en revanche plus marqué pour les filles (– 13,7 %) que pour les garçons (– 10,4 %) en ce qui concerne le travail personnel. Il existe par ailleurs des écarts assez prononcés entre les filières, comme le montre la figure 3 [19]. L’effet négatif de l’emploi sur le travail personnel est notamment beaucoup plus élevé pour les filles que pour les garçons en BTS et en santé. La figure 3 précise enfin les effets suivant l’origine sociale des parents, avec une distinction entre les professions supérieures et les autres professions. Pour l’ensemble des étudiants, les effets de l’activité rémunérée apparaissent un peu plus négatifs pour les étudiants dont les parents ont une profession supérieure, mais le différentiel reste faible (de l’ordre de 1 % pour le travail personnel).

L’effet du temps consacré à l’emploi

57Nous avons à ce stade évalué l’effet de l’activité rémunérée sur les temps consacrés aux études en distinguant uniquement ceux qui ont un emploi de ceux qui n’en ont pas. Cette étude à la marge extensive peut toutefois masquer de fortes disparités dans les contraintes auxquelles font face les étudiants. Sur des données françaises, Beffy, Fougère et Maurel [2009] ont par exemple montré que le travail salarié en cours d’études avait un effet beaucoup plus négatif sur la probabilité de réussite en fin d’année pour les étudiants déclarant une activité rémunérée supérieure à 16 heures par semaine par rapport à ceux pour lesquels l’activité n’excédait pas 16 heures. Nous essayons à présent d’intégrer l’intensité du temps consacré à l’emploi dans notre analyse.

58Dans les cinq enquêtes CdV retenues, il est possible de séparer les étudiants suivant qu’ils exercent une activité au moins à mi-temps ou non [20]. On s’attend à ce que les enquêtés ayant un emploi à mi-temps ou plus soient moins facilement en mesure de pouvoir consacrer du temps à leurs études supérieures. Par rapport aux étudiants qui n’ont aucune activité rémunérée, ceux qui ont un emploi représentant moins d’un mi-temps assistent à 2,0 heures de cours en moins et ceux qui ont un emploi à au moins mi-temps à 6,8 heures de cours en moins. Pour le travail personnel, les différentiels sont respectivement de 2 heures pour une activité inférieure à un mi-temps par rapport à l’absence d’emploi et de 2,5 heures pour un emploi à au moins mi-temps. Le fait que le temps consacré à l’emploi ait un effet moins négatif sur le travail personnel que sur les cours suivis peut s’expliquer par les facilités plus importantes que vont avoir les étudiants pour gérer eux-mêmes le temps qu’ils souhaitent consacrer à leurs cours.

59Afin de tenir compte de l’endogénéité de l’intensité dans l’emploi, nous estimons désormais un modèle d’équations simultanées récursif qui comprend, outre les deux équations linéaires de temps d’études, une équation de type Probit ordonné pour expliquer l’activité rémunérée. La variable ordonnée comprend trois modalités : aucun travail, inférieur à un mi-temps, au moins un mi-temps. Par rapport au modèle 1, l’équation relative à l’activité rémunérée peut s’écrire W* = ZβW + εW avec W = 0 si W* ≤ μ1 (absence d’emploi), W = 1 si μ1 < W* ≤ μ2 (moins d’un mi-temps) et W = 2 si W* > μ2 (au moins à mi-temps), μ1 et μ2 étant deux seuils estimés de manière jointe avec les autres coefficients de la régression ordonnée. Les équations qui expliquent les temps d’études comprennent désormais deux indicatrices mesurant l’intensité du temps qui est consacré à l’activité rémunérée. Pour l’identification du modèle récursif, le nombre de frères et sœurs au chômage de l’étudiant est de nouveau exclu des équations relatives aux temps d’études.

60Les résultats de ce modèle de sélection sur inobservables sont présentés dans le tableau 5. D’un côté, les coefficients obtenus pour les deux modalités de l’emploi sont négatifs à la fois pour les cours suivis et pour le travail personnel. Les effets sont significatifs à l’exception de l’exercice d’un emploi représentant moins d’un mi-temps pour le travail personnel. De l’autre, la mise en œuvre de tests de Wald conduit au rejet de l’hypothèse selon laquelle les coefficients associés au fait de travailler moins d’un mi-temps et au moins à mi-temps ne sont pas différents l’un de l’autre. Par exemple, une activité rémunérée inférieure à un mi-temps diminue le nombre d’heures de cours suivies de 8,5 %, alors que la baisse est trois fois supérieure pour ceux qui sont employés à mi-temps et plus (– 25,4 %). Pour le temps de travail personnel, les étudiants consacrent 5,8 % de temps en moins lorsqu’ils ont un emploi au moins à mi-temps au lieu de 2,4 % lorsqu’il s’agit d’une activité représentant moins d’un mi-temps.

Tableau 5

Estimation jointe des temps consacrés aux études et de l’intensité de l’activité rémunérée

Tableau 5
Variables Cours suivis Travail personnel Activité rémunérée Coefficient Écart type Coefficient Écart type Coefficient Écart type Caractéristiques de l’étudiant Activité rémunérée endogène – 0,143*** (0,014) – 0,007 (0,019) Aucune Ref Ref Moins d’un mi-temps – 0,089*** (0,007) – 0,024 (0,016) Au moins à mi-temps – 0,293*** (0,013) – 0,060** (0,027) Sexe féminin 0,024*** (0,004) 0,249*** (0,006) 0,162*** (0,010) Âge – 0,026*** (0,001) 0,006*** (0,002) 0,106*** (0,003) Nationalité étrangère 0,030*** (0,010) 0,034** (0,016) – 0,216*** (0,025) Niveau d’études Bac +1 Ref Ref Ref Bac +2 0,059*** (0,004) 0,020*** (0,007) 0,111*** (0,012) Bac +3 0,087*** (0,006) – 0,002 (0,009) 0,071*** (0,015) Bac +4 – 0,050*** (0,008) 0,137*** (0,012) – 0,005 (0,019) Bac +5 – 0,029** (0,012) 0,177*** (0,017) – 0,228*** (0,025) Filière Santé – 0,563*** (0,009) 0,827*** (0,015) – 0,347*** (0,025) Sciences et technologie – 0,317*** (0,006) 0,154*** (0,012) – 0,099*** (0,019) Droit et économie – 0,453*** (0,006) 0,351*** (0,011) 0,035* (0,019) Sciences humaines et sociales – 0,709*** (0,005) 0,198*** (0,011) 0,256*** (0,018) IUT – 0,092*** (0,006) 0,127*** (0,012) – 0,179*** (0,022) BTS Ref Ref Ref Mention au bac Passable Ref Ref Ref Assez bien 0,031*** (0,004) 0,042*** (0,006) – 0,048*** (0,010) Bien 0,049*** (0,006) 0,115*** (0,009) – 0,095*** (0,015) Très bien 0,053*** (0,012) 0,232*** (0,018) – 0,103*** (0,030) Boursier 0,011*** (0,004) 0,016** (0,007) – 0,264*** (0,010) Temps de trajet domicile-cours (log) – 0,015*** (0,002) – 0,008** (0,004) 0,109*** (0,006) Nombre de frères et sœurs – 0,001 (0,001) – 0,009*** (0,002) 0,053*** (0,004) Caractéristiques des parents En couple 0,027*** (0,004) 0,058*** (0,007) – 0,134*** (0,011)
Tableau 5
Variables Cours suivis Travail personnel Activité rémunérée Coefficient Écart type Coefficient Écart type Coefficient Écart type Catégorie sociale Profession supérieure – 0,012** (0,005) – 0,005 (0,007) – 0,026** (0,012) Profession intermédiaire, employé 0,006 (0,004) – 0,013* (0,007) 0,010 (0,012) Autres professions Ref Ref Ref Au chômage plus d’un an sur les cinq dernières années – 0,013*** (0,005) 0,003 (0,008) 0,100*** (0,012) Taux de chômage local des 15-24 ans (log) 0,002 (0,007) – 0,042*** (0,013) – 0,323*** (0,021) Nombre de frères et sœurs au chômage – 0,045*** (0,013) Année d’enquête 1997 Ref Ref Ref 2000 0,098*** (0,005) – 0,098*** (0,009) 0,080*** (0,015) 2003 0,042*** (0,006) – 0,171*** (0,010) 0,117*** (0,016) 2007 0,089*** (0,005) – 0,185*** (0,009) 0,119*** (0,014) 2010 – 0,130*** (0,006) – 0,129*** (0,009) 0,251*** (0,014) Constante 3,936*** (0,038) 2,206*** (0,061) Seuil μ1 2,008*** (0,099) Seuil μ2 3,153*** (0,010) Corrélation ρ Cours suivis 1 – 0,125*** (0,005) 0,035*** (0,009) Travail personnel 1 – – 0,083*** (0,012) Activité rémunérée 1 – Nombre d’observations 79936 Log vraisemblance – 208120,8

Estimation jointe des temps consacrés aux études et de l’intensité de l’activité rémunérée

Note : Les estimateurs sont obtenus par un modèle trivarié récursif expliquant de façon jointe les heures de cours suivies, le temps de travail personnel et l’intensité dans l’activité rémunérée qui est une variable ordonnée suivant trois modalités (aucun emploi, moins d’un mi-temps, au moins à mi-temps). L’échantillon est restreint aux étudiants âgés de 18 à 29 ans. Les écarts types sont corrigés de l’hétéroscédasticité et les seuils de significativité sont de 1 % (***), 5 % (**) et 10 % (*).
Source : Enquêtes CdV 1997-2000-2003-2006-2010.

Conclusion

61L’objet de cette contribution était de mieux comprendre pourquoi les étudiants qui décident d’avoir une activité rémunérée pendant leurs études réussissent relativement moins bien aux examens (Beffy, Fougère et Maurel [2009] ; Body, Bonnal et Giret [2014]). Le mécanisme causal mis en avant est que le temps passé sur le marché du travail vient réduire le temps qu’il est possible de consacrer aux études supérieures, que ce soit pour assister aux cours et travaux dirigés ou pour travailler chez soi afin de comprendre et réviser les cours. Cet effet négatif devrait par ailleurs être d’autant plus marqué pour les étudiants exerçant une activité rémunérée au moins à mi-temps.

62Pour évaluer les conséquences de l’emploi des étudiants, nous avons utilisé les enquêtes CdV sur la période allant de 1997 à 2010 avec un échantillon comprenant près de 80 000 observations. Sur le plan méthodologique, la principale difficulté à prendre en compte est celle de la sélection des étudiants qui font le choix de s’engager dans une activité rémunérée tout en suivant des études supérieures. Nous avons fait le choix de nous tourner vers l’estimation d’un modèle de sélection sur inobservables. Le modèle d’équations simultanées récursif qui est estimé comprend trois équations respectivement pour les heures de cours suivies, le temps de travail personnel et la décision d’emploi. Face aux difficultés à trouver un instrument donnant lieu réellement à des variations exogènes dans l’emploi (une difficulté qui apparaît récurrente dans la littérature sur le sujet), des tests de robustesse ont été mis en œuvre à partir de modèles de sélections sur observables.

63Les principaux résultats mis en évidence sont les suivants. D’un point de vue descriptif, il existe des différences significatives dans les temps consacrés aux études suivant la participation au marché du travail des étudiants. Ceux qui exercent une activité rémunérée passent moins de temps à la fois à suivre les cours (– 3,2 heures par semaine en moyenne) et en travail personnel (– 2,1 heures). Les caractéristiques des étudiants influencent largement la décision d’avoir un emploi rémunéré pendant les études. Les garçons et les étudiants étrangers participent moins souvent au marché du travail, il existe des écarts importants entre filières avec une décision d’emploi plus fréquente en sciences humaines et sociales, et l’accès à l’emploi est plus difficile lorsque le taux de chômage local des jeunes est élevé.

64Une fois prise en compte cette endogénéité, les résultats d’un modèle de sélection sur inobservables révèlent que l’activité rémunérée diminue de 13,3 % les heures de cours suivies, alors que l’effet n’est pas significatif pour le travail personnel. D’après les estimations de modèles de sélection sur observables, l’effet négatif de l’emploi pendant les études varie entre – 10,6 % et – 13,4 % pour les heures de cours suivies et entre – 12,8 % et – 14,3 % pour le travail personnel. La possibilité d’effets hétérogènes est également analysée dans de multiples dimensions, que ce soit pour les différentes années d’enquête, la filière universitaire choisie, le genre de l’étudiant ou encore le milieu social d’origine. Les résultats obtenus suggèrent une certaine stabilité dans le temps pour l’effet négatif de l’emploi rémunéré qui apparaît plus important en santé et dans une moindre mesure en sciences humaines et sociales pour le travail personnel. Enfin, les conséquences de l’emploi sur les temps consacrés aux études sont d’autant plus préjudiciables que les étudiants déclarent avoir un emploi au moins à mi-temps.

65Ces résultats obtenus à partir des enquêtes CdV apparaissent tout à fait cohérents avec les conséquences attendues du travail rémunéré et vont dans le sens des effets mis en évidence pour les États-Unis par DeSimone [2006] et Kalenkoski et Pabilonia [2009], [2012]. Les contraintes horaires imposées par l’emploi, qui vont être d’autant plus fortes que les étudiants travaillent à mi-temps ou davantage, sont autant d’obstacles pour pouvoir assister régulièrement aux cours et ne permettent pas non plus de dégager le temps nécessaire pour travailler les cours chez soi, même si l’étudiant dispose de davantage de latitude pour l’organisation de son temps personnel [21]. Cette difficulté à consacrer le temps nécessaire aux études supérieures en cas d’emploi est à même d’expliquer les effets négatifs très significatifs sur la réussite au diplôme mis en évidence en France par Beffy, Fougère et Maurel [2009], pour lesquels la probabilité pour les étudiants salariés de réussir leur année serait de plus de 40 points supérieure s’ils ne travaillaient pas.

66Pour finir, il convient d’évoquer les limites de cette étude empirique. Si les enquêtes CdV permettent d’obtenir des résultats sur la base d’un large échantillon représentatif (après pondération) de la population étudiante en France, il s’agit toutefois d’enquêtes en coupe. Il n’est dès lors pas possible d’évaluer par un suivi dans le temps des étudiants interrogés quelles sont les conséquences de l’activité rémunérée sur leur réussite aux examens en fin d’année, les enquêtes étant réalisées en cours d’année universitaire. Il serait à cet effet intéressant de disposer de données longitudinales pour suivre les étudiants au cours de leurs études supérieures et ainsi savoir si le temps moins important à suivre les études est bien le mécanisme causal expliquant la plus faible réussite de ceux qui déclarent avoir un emploi. Du point de vue économétrique, la principale conséquence de l’absence de données longitudinales est qu’il n’est pas possible de prendre en compte l’hétérogénéité inobservée au niveau individuel qui est susceptible d’influencer à la fois les choix d’activité rémunérée et les temps consacrés aux études.

67Une autre limite qu’il convient d’évoquer porte sur la trajectoire universitaire qui est ici supposée exogène. Il est ainsi tout à fait possible que certains étudiants choisissent délibérément des filières universitaires avec un volume horaire de cours moins important pour être en mesure de prendre part à une activité rémunérée en parallèle [22]. Par ailleurs, aussi bien le type de filière choisie que la durée des études ont toutes les chances d’être corrélées avec les caractéristiques socioéconomiques des parents. Dans le même temps, il se peut que l’activité rémunérée exercée pendant les études soit utile pour trouver un emploi plus facilement une fois le cursus académique complété, même si cela dépend très vraisemblablement des types d’emplois occupés pendant les études. Dans une perspective dynamique, une évaluation exhaustive des différents impacts à court et à moyen terme de l’emploi étudiant reste à mener en France.

Je tiens à remercier deux rapporteurs anonymes de la revue ainsi que les participants à la journée scientifique « Transition vers l’âge adulte » organisée à l’INED en mai 2015 pour l’ensemble de leurs commentaires et suggestions qui m’ont été des plus utiles pour la révision de ce texte.

Notes

  • [*]
    LEMNA, Université de Nantes, et INED. Correspondance : LEMNA, BP 52231, Chemin de la Censive du Tertre, 44322 Nantes Cedex, France. Courriel : francois.wolff@univ-nantes.fr
  • [1]
    Aux États-Unis, les taux d’emploi des étudiants sont restés assez stables de 1970 à 2009, mais les heures hebdomadaires moyennes de travail ont fortement augmenté (Scott-Clayton [2012]).
  • [2]
    L’activité rémunérée pendant les études affecte également le temps consacré aux autres activités (DeSimone [2006] ; Kalenkoski et Pabilonia [2012]). Par exemple, le fait d’avoir un emploi augmente le temps de sommeil les jours de cours tandis que l’effet inverse est observé pour les jours sans cours.
  • [3]
    Dans le même temps, la majorité des étudiants en emploi pensent que cette expérience leur a apporté des compétences et a eu des effets positifs sur leurs réseaux professionnels.
  • [4]
    Le lien http://www.ove-national.education.fr/ précise la mission de l’Observatoire national de la vie étudiante.
  • [5]
    Les enquêtes Conditions de vie des étudiants (OVE [producteur], ADISP-CMH [diffuseur]) sont accessibles via le site Quetelet : http://www.reseau-quetelet.cnrs.fr/spip/.
  • [6]
    Uniquement pour l’année 2010, l’enquête CdV précise par ailleurs le nombre d’heures de travail rémunéré qui ont été effectuées au cours du mois dernier.
  • [7]
    Ce nombre est un peu plus élevé pour les garçons (22,6 heures) que pour les filles (20,6 heures), ce qui s’explique par des différences dans les filières suivies. Il y a notamment davantage de filles en sciences humaines et sociales que de garçons, sachant que le volume horaire de cours dans cette filière est moins important.
  • [8]
    Dans la mesure où les variables dépendantes sont exprimées sous forme logarithmique, l’effet marginal de la variable muette W sur le temps Tk (avec k = c, p) est donné par exp (δk) – 1.
  • [9]
    La variable croisant les conditions locales d’emploi et la catégorie sociale s’explique par le fait que les étudiants dont les parents ont une profession supérieure peuvent être moins pénalisés dans l’accès à l’emploi lorsque le marché du travail est dégradé (Kramarz et Skans [2014]).
  • [10]
    Par exemple, les étudiants boursiers peuvent être plus assidus aux cours, ceux qui reçoivent de l’argent de leurs parents peuvent avoir accès à des cours privés, et ceux qui ont un logement indépendant peuvent disposer de meilleures conditions pour réviser et travailler leurs cours.
  • [11]
    Picard et Wolff [2014] montrent qu’en France près des deux tiers des écarts scolaires entre les frères et sœurs correspondent à des différences entre les familles. Les écarts intrafamiliaux sont plus faibles et difficilement explicables par des variables telles que le sexe, la cohorte de naissance ou le rang dans la fratrie.
  • [12]
    Ces étudiants sont eux-mêmes sélectionnés puisqu’il leur a fallu disposer des ressources financières nécessaires pour venir étudier en France.
  • [13]
    Les transferts parentaux sont en effet endogènes et susceptibles de modifier les choix d’offre de travail des jeunes (Wolff [2006] ; Kalenkoski and Pabilonia [2010] ; Bachmann et Boes [2014]).
  • [14]
    Cette corrélation, qui est significative au seuil de 1 %, n’est pas forcément facile à expliquer. Il se peut que les étudiants les plus motivés et qui consacrent le plus de temps à leurs études privilégient des lieux où les perspectives d’emploi sont les plus intéressantes (et donc le taux de chômage local faible).
  • [15]
    Le modèle récursif a également été estimé en prenant en compte le nombre d’heures de cours auxquelles les étudiants n’ont pas assisté, définies comme le différentiel entre les heures de cours théoriques et les heures effectivement suivies. L’activité rémunérée vient augmenter ce nombre d’heures de cours manquées de 7,7 % lorsque l’endogénéité de l’emploi est prise en compte.
  • [16]
    En l’absence de condition d’exclusion (identification faible), l’effet de l’activité rémunérée sur le travail personnel est quasiment nul et non significatif. L’effet est en revanche négatif et significatif (– 14,1 %) pour les heures de cours suivies.
  • [17]
    Dans le cas λ = 1 mis en avant par Altonji, Elder et Taber [2005], les corrélations cor(ε, W) et cor(Xβ, W) sont identiques. Il s’agit d’un scénario où les variables de contrôle X sont choisies de façon aléatoire parmi l’ensemble des facteurs explicatifs susceptibles d’influencer la variable dépendante.
  • [18]
    Le milieu d’origine des parents peut d’ailleurs lui-même avoir une incidence sur le choix des filières suivies ainsi que sur la durée des études, les étudiants complétant des études d’autant plus longues que leurs parents sont eux-mêmes diplômés du supérieur.
  • [19]
    Pour le travail personnel, l’effet négatif de l’emploi est toujours plus important (en valeur absolue) pour les filles que pour les garçons, sauf pour les étudiants en droit et économie.
  • [20]
    Dans les enquêtes réalisées entre 1997 et 2006, la question posée distinguait les quatre catégories suivantes : à temps plein, au moins à mi-temps, régulièrement mais moins longtemps, occasionnellement. En 2010, la troisième modalité a été transformée en moins d’un mi-temps.
  • [21]
    Les enquêtes CdV incluent quelques éléments sur l’organisation du travail étudiant. Pour l’année 2010, les étudiants qui ont un emploi sont plus nombreux à se déclarer souvent débordés (30,2 % contre 28,7 %). Ils déclarent aussi moins fréquemment travailler régulièrement en groupe (12,4 % au lieu de 13,4 %), tandis qu’il n’existe pas de relation claire entre l’emploi et la fréquentation de la bibliothèque universitaire. Les enquêtes CdV ne permettent toutefois pas de savoir dans quelle mesure ces éléments ont une influence ou non sur la réussite scolaire.
  • [22]
    L’impossibilité de concilier des études supérieures et un emploi peut aussi être un facteur d’échec qui conduit les étudiants à mettre un terme à leurs études.
Français

Cet article étudie un mécanisme causal par l’intermédiaire duquel le travail d’un étudiant peut influencer la réussite aux examens. Les étudiants qui ont une activité rémunérée vont a priori faire face à des difficultés accrues pour assister aux cours et pour leur travail personnel. L’analyse empirique, qui s’appuie sur cinq enquêtes transversales réalisées en France de 1997 à 2010, examine la décision conjointe de travail et des temps consacrés aux études pour près de 80 000 étudiants inscrits de la première à la cinquième année après le baccalauréat. Nous nous tournons vers l’estimation de modèles de sélection sur inobservables et sur observables pour tenir compte de l’endogénéité de l’activité rémunérée. Nous trouvons que les étudiants ayant un emploi rémunéré consacrent moins de temps à la fois à assister aux cours et en travail personnel. L’impact négatif sur les temps d’études apparaît beaucoup plus élevé pour ceux qui ont une activité rémunérée au moins à mi-temps.

Références bibliographiques

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François-Charles Wolff [*]
  • [*]
    LEMNA, Université de Nantes, et INED. Correspondance : LEMNA, BP 52231, Chemin de la Censive du Tertre, 44322 Nantes Cedex, France. Courriel : francois.wolff@univ-nantes.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/11/2017
https://doi.org/10.3917/reco.pr2.0104
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