CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1D’après les chiffres de la quatrième Enquête européenne sur les conditions de travail, réalisée en 2005, près d’un quart (23 %) des personnes ayant un emploi dans l’ue-27 ont été absentes de leur travail au moins une fois dans l’année pour des raisons de santé (Parent-Thirion et al. [2007]). Ces absences génèrent des coûts importants pour les systèmes de protection sociale. Ainsi, en 2004, dans les pays de l’ue-15, les dépenses au titre de l’indemnisation des arrêts maladie [2] se sont élevées, au total, à plus de 90 milliards d’euros, ce qui représente 0,9 % du pib de l’Union [3].

2L’objet de cet article est d’analyser, dans une perspective de comparaison européenne, les comportements d’absence des salariés. L’étude, portant sur la quasi-totalité des États membres de l’ue-15, est menée à partir de données longitudinales.

3De nombreux travaux empiriques ont été consacrés à l’absentéisme au travail et à ses déterminants (pour une revue, voir Brown et Sessions [1996]). Pour la plupart, toutefois, il s’agit d’études se limitant à un pays donné. En effet, à notre connaissance, parmi les travaux ayant cherché à modéliser les comportements d’absence à partir de données individuelles, seules cinq études multi-pays peuvent être citées : ce sont celles que l’on doit à Barmby et al. [2002], Bliksvaer et Helliesen [1997], Chaupain-Guillot et Guillot [2009], Frick et Malo [2008] et Leontaridi et Ward [2002]. Aucune de ces études ne s’appuie sur des données longitudinales. Les deux premières utilisent la même source, à savoir la Luxembourg Employment Study. Comme le soulignent Bliksvaer et Helliesen ([1997], p. 5), dans cette base de données constituée à partir des Enquêtes sur les forces de travail, l’information sur les absences n’est pas parfaitement comparable d’un pays à l’autre. En outre, les pays couverts forment un ensemble relativement hétérogène. L’étude de Frick et Malo [2008] et celle de Chaupain-Guillot et Guillot [2009] portent toutes deux sur les absences au travail dans les pays de l’ue-15. Frick et Malo ont exploité les données de l’Enquête européenne sur les conditions de travail de 2000 ; Chaupain-Guillot et Guillot, celles des vagues 3 (1996) et 8 (2001) du Panel européen des ménages. Dans les deux cas, l’attention a été focalisée sur la question de l’impact du régime d’indemnisation des arrêts maladie et de la législation en matière de protection de l’emploi. Exploitant les données de l’International Social Survey Program de 1997, Leontaridi et Ward [2002] ont, quant à eux, centré leur analyse sur le rôle du stress au travail. Seuls Barmby et al. [2002] et Bliksvaer et Helliesen [1997] ont cherché, comme on se le propose ici, à mettre en évidence d’éventuelles différences entre pays quant à l’impact des caractéristiques individuelles sur l’absence.

4Dans la première section de cet article, on présente la source que l’on exploite et on expose quelques résultats descriptifs. Dans la deuxième section, on apporte des précisions sur les modèles de régression utilisés. Les résultats des estimations sont présentés dans la troisième et dernière section.

Les données

La source statistique et le champ de l’étude

5Les données proviennent du Panel européen des ménages (« European Community Household Panel » – echp). Cette enquête à passages répétés fournit des informations transversales et longitudinales comparables sur les conditions de vie des individus et des ménages dans les pays de l’Union européenne. Sous la coordination d’Eurostat, huit vagues annuelles ont été réalisées, de 1994 à 2001. L’enquête de 1994 a été menée dans les douze pays qui composaient alors l’ue (Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni). Lors de cette première vague, ce sont environ 60 000 ménages (128 000 individus âgés de 16 ans et plus) qui ont été interrogés. Le dispositif a ensuite été étendu à l’Autriche (en 1995) et à la Finlande (en 1996). La Suède est le seul pays de l’ue-15 où ce panel n’a pu être mis en place. Dans trois autres États membres, à savoir en Allemagne, au Luxembourg et au Royaume-Uni, la collecte des données a pris fin dès 1996, à l’issue de la troisième vague.

6Le questionnaire individuel de l’echp présente l’intérêt de renseigner sur les absences au travail. Une des questions posées chaque année aux actifs occupés permet, en effet, de savoir si ceux-ci ont été absents au cours des quatre semaines de travail précédant l’enquête, et pendant combien de jours. Cette question a été formulée de la manière suivante : « Please think of the last four working weeks, not counting holiday weeks. How many days were you absent from work because of illness or other reasons ? » Aucune distinction ne peut donc être introduite entre les absences pour maladie et celles motivées par d’autres raisons personnelles.

7La présente étude porte sur quatorze pays (ue-15 hors Suède). Le champ retenu est relativement large : on s’intéresse aux salariés âgés de 17 à 64 ans dont la durée hebdomadaire de travail est d’au moins quinze heures [4], qu’ils soient employés dans le secteur privé ou dans le public.

Éléments descriptifs

8La proportion de salariés absents au moins un jour au cours des quatre dernières semaines, pour raisons de santé ou non, varie sensiblement selon les pays. Si l’on prend l’exemple de l’année 1996, la vague 3 de l’echp étant la seule des huit enquêtes successives à renseigner sur les absences dans l’ensemble des pays de l’ue-15 (à l’exception de la Suède), cette proportion s’échelonne de 5,5 % en Grèce à plus de 20 % dans les deux États de l’Europe du Nord (Danemark et Finlande). Au cours de la période 1994-2001, le taux d’absence des salariés français est resté à peu près stable : à chacune des enquêtes, ce sont environ 10 % d’entre eux qui ont déclaré s’être arrêtés. Tout au long de cette période, les absences au travail, telles qu’elles sont enregistrées dans l’echp, ont été moins fréquentes en France que dans la plupart des autres pays étudiés.

9Quelle que soit l’année considérée, on constate que, dans la majorité des pays, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à s’être absentées. Dans le cas de la France, comme pour sept autres pays (Belgique, Danemark, Irlande, Italie, Pays-Bas, Finlande et Royaume-Uni), les données des vagues successives de l’echp font toutes apparaître des taux d’absence significativement différents pour les hommes et les femmes. Les taux d’absence féminins observés certaines années au Danemark et en Finlande sont particulièrement élevés : ainsi, en 2001, lors de la dernière vague, un tiers des Danoises et plus d’un quart des Finlandaises étaient concernées.
D’après les chiffres de la vague 3, dans l’ensemble de l’ue-15 (hors Suède), les salariés ayant été amenés à s’arrêter au cours des quatre dernières semaines, pour raisons de santé ou non, ont été absents en moyenne 7, 8 jours (la moitié d’entre eux ayant déclaré plus de trois jours d’absence). Les écarts entre pays sont cependant assez marqués. On remarque que si les travailleurs danois, finlandais et néerlandais sont proportionnellement plus nombreux à avoir interrompu leur activité, ils se sont absentés, en moyenne, moins longtemps que les salariés des pays de l’Europe du Sud. Dans l’enquête de 1996, le nombre moyen de jours d’absence observé en France est très proche de la moyenne européenne. Pour les années 1998 à 2001, le constat est tout autre. En effet, à l’inverse de ce que l’on a pu noter pour le taux d’absence, la France est l’un des pays de l’ue-15 où, durant ces années, les durées d’absence ont été, en moyenne, les plus longues.

Les modèles micro-économétriques utilisés

10Pour tenter de mettre en évidence les déterminants individuels des absences au travail dans chacun des quatorze pays étudiés, on a procédé à l’estimation de modèles sur données de panel. Ce sont deux modèles à variable dépendante qualitative qui ont été utilisés : un modèle Probit à effets aléatoires et un modèle Logit à effets fixes (sur ces modèles, voir, par exemple, Greene [2003], p. 689-700). Afin de déterminer si les effets de certains facteurs varient selon le sexe, ces modèles ont été estimés séparément pour les hommes et pour les femmes.

11Le modèle Probit à effets aléatoires peut s’écrire sous la forme :

12

equation im1

13equation im2 est une variable latente (non observable), pouvant représenter ici la propension à s’absenter, Yit est la variable dépendante (observée), prenant la valeur 1 lorsque l’individu i a été au moins un jour absent au cours des quatre semaines précédant l’enquête de l’année t (0 dans le cas contraire), Xit désigne un ensemble de variables explicatives, ? est le vecteur des paramètres associés à ces variables et ?it, un terme d’erreur.

14On pose :

15

equation im3

16ui est l’effet individuel aléatoire, constant au cours du temps.

17Ce modèle repose sur une hypothèse (forte) de non-corrélation entre les effets individuels ui et les caractéristiques observées Xit. Le recours à un modèle Logit à effets fixes permet de lever cette hypothèse. La probabilité d’absence au travail, dans un tel modèle, est spécifiée comme suit :

18

equation im4

19où ?i est une constante propre à chaque individu.

20Les variables prises en compte dans l’analyse sont les suivantes : l’âge, l’indice de masse corporelle (imc), l’existence d’une maladie chronique ou d’un handicap, le fait de fumer ou d’avoir fumé [5], la présence d’enfants, l’âge du plus jeune enfant, l’état matrimonial, le revenu du ménage (hors gains d’activité de l’individu), le salaire horaire, le secteur d’activité, le caractère public ou privé de l’établissement, le fait de travailler à temps partiel ou non, le type de contrat de travail, l’ancienneté, l’exercice éventuel de responsabilités d’encadrement, la taille de l’établissement, le degré de satisfaction au travail, le fait d’être membre d’une association ou non, et le fait de s’occuper ou non (à titre bénévole) d’une personne malade, handicapée ou âgée [6].
Le degré de satisfaction au travail est une variable potentiellement endogène. Le jugement porté sur l’emploi occupé peut en effet dépendre de caractéristiques inobservées qui influent également sur le comportement d’absence. En outre, l’hypothèse d’une causalité réciproque pourrait être envisagée ici, le fait d’avoir été amené à s’absenter pouvant rejaillir négativement sur la satisfaction (à l’égard des conditions de travail, des horaires, etc.). Afin de tenir compte de la possible endogénéité de cette variable, on a estimé un troisième modèle (pour chaque pays et, là encore, séparément pour les hommes et les femmes), à savoir un modèle Probit bivarié, permettant d’expliquer simultanément le fait d’être insatisfait de son emploi et l’absence au travail.

Les résultats des estimations

21Si l’on s’intéresse tout d’abord aux résultats des modèles Probit à effets aléatoires, on constate, comme on pouvait s’y attendre, que l’état de santé a un rôle déterminant. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les salariés souffrant d’une maladie chronique ou d’un handicap ont une plus forte probabilité d’avoir été au moins un jour absents au cours des quatre dernières semaines. Comme le montre le tableau 1 [7], cet effet s’observe dans l’ensemble des pays, hormis en Grèce, et ce, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Autre caractéristique généralement associée à une probabilité d’absence plus élevée, du moins pour les femmes : le fait d’avoir un (ou plusieurs) enfant(s) de moins de 3 ans. Les deux seuls pays faisant exception sont l’Autriche et la Grèce : en Autriche, de manière assez surprenante, ce facteur semble jouer dans l’autre sens ; en Grèce, là encore, aucun effet n’est observé. Cette plus forte probabilité d’absence des mères de jeunes enfants s’explique sans doute, au moins en partie, par leurs difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle. À l’inverse, à part dans quelques pays (Grèce et Finlande, dans le cas des hommes ; Grèce et Luxembourg, chez les femmes), c’est un lien négatif qui est mis en évidence entre satisfaction au travail et absence.

22Ces trois facteurs sont les seuls à avoir un impact significatif, et de même signe, dans la quasi-totalité des États de l’ue-15. On peut toutefois noter que plusieurs autres caractéristiques ont des effets comparables dans sept ou huit des quatorze pays étudiés : chez les hommes, le niveau de rémunération et la taille de l’établissement ; dans le cas des femmes, le fait de travailler dans le secteur tertiaire public, l’exercice d’une activité à temps partiel et le niveau de ressources du ménage (tableau 1). S’agissant des quatre premières variables, les résultats vont plutôt dans le sens attendu. Dans huit pays (dont la France), toutes choses égales par ailleurs, les hommes les mieux rémunérés ont moins tendance à s’absenter que ceux dont le salaire horaire se situe dans le bas de la distribution (premier quartile). Le fait de travailler dans un établissement d’au moins 500 salariés est, à l’inverse, associé à une plus forte probabilité d’absence, un résultat qui rejoint les conclusions de plusieurs études existantes (dont celle de Frick et Malo [2008]). Dans le cas des femmes, cette analyse montre qu’en France et dans six autres États de l’ue, les salariées du secteur tertiaire public sont plus susceptibles d’avoir été au moins un jour absentes, au cours des quatre dernières semaines, que leurs homologues du privé (ce qui pourrait tenir en partie aux conditions d’indemnisation des arrêts maladie, généralement plus favorables dans le secteur public). Quant à la probabilité d’absence des femmes qui travaillent à temps partiel (i.e. moins de trente heures par semaine), elle est significativement plus faible dans la moitié des pays (cette situation pouvant faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle). La cinquième variable, à savoir le niveau de ressources du foyer, joue également négativement (dans sept des quatorze pays étudiés), les absences au travail étant moins probables pour les femmes en couple appartenant aux ménages les plus aisés. Ce constat est plus inattendu, du moins si l’on se réfère au modèle standard d’arbitrage travail-loisir.
Lorsqu’on examine les résultats des modèles Logit à effets fixes (cf. Chaupain-Guillot et Guillot [2010]), on s’aperçoit qu’en règle générale, les effets des variables explicatives se sont moins souvent révélés significatifs dans ces régressions, sans doute parce que celles-ci s’appuient sur des échantillons de plus petite taille que ceux utilisés pour l’estimation des modèles Probit[8]. Le type de contrat de travail (cdd plutôt que cdi) et le fait d’avoir moins de deux ans d’ancienneté (lorsque l’emploi occupé est un cdi) sont les deux seuls facteurs dont l’impact ressort plus clairement, et uniquement chez les femmes (ces facteurs jouant négativement dans huit et dix pays respectivement).

Tableau 1

Impact de différents facteurs sur la probabilité d’absence au travail (modèles Probit à effets aléatoires)

Tableau 1
Pays Hommes Femmes Maladie chronique ou handicap Salaire horaire : 4e quartile Établissement de 500 salariés ou plus Degré de satisfaction au travail Maladie chronique ou handicap Enfant de moins de 3 ans En couple/revenu du ménage : 4e quartile Secteur tertiaire public Temps partiel Degré de satisfaction au travail Belgique 0,052** – 0,001** 0,021** – 0,019** 0,064** 0,110** – 0,017** – 0,011** – 0,002** – 0,016** Danemark 0,058** 0,004** 0,036** – 0,024** 0,040** 0,168** 0,004** 0,085** – 0,077** – 0,044** Allemagne 0,081** – 0,009** 0,023** – 0,023** 0,089** 0,107** – 0,014** 0,067** 0,007** – 0,019** Grèce – 0,001** – 0,003** 0,042** – 0,006** – 0,012** 0,004** – 0,027** 0,019** – 0,015** 0,003** Espagne 0,068** – 0,017** 0,012** – 0,010** 0,060** 0,059** – 0,040** 0,042** – 0,023** – 0,011** France 0,053** – 0,020** 0,016** – 0,010** 0,066** 0,085** – 0,040** 0,030** – 0,006** – 0,018** Irlande 0,036** – 0,023** 0,003** – 0,009** 0,052** 0,068** – 0,005** 0,058** – 0,011** – 0,017** Italie 0,063** – 0,020** 0,024** – 0,004** 0,036** 0,101** – 0,022** 0,020** – 0,019** – 0,013** Luxembourg 0,075** – 0,077** – 0,065** – 0,014** 0,089** 0,081** – 0,034** 0,024** – 0,044** – 0,016** Pays-Bas 0,050** – 0,007** 0,003** – 0,026** 0,071** 0,086** – 0,041** – 0,001** – 0,047** – 0,033** Autriche 0,041** – 0,020** 0,017** – 0,024** 0,045** – 0,070** – 0,026** 0,015** – 0,012** – 0,023** Portugal 0,049** – 0,037** 0,003** – 0,010** 0,066** 0,090** – 0,019** 0,014** – 0,033** – 0,021** Finlande 0,036** – 0,007** 0,007** – 0,007** 0,063** 0,283** 0,001** 0,030** – 0,034** – 0,015** Royaume-Uni 0,044** – 0,032** 0,004** – 0,019** 0,066** 0,170** – 0,026** – 0,001** – 0,041** – 0,021** Lecture : effets marginaux aux valeurs moyennes des variables explicatives. ** : significatif au seuil de 5 % ; * : significatif au seuil de 10 %. Source : echp udb – version de décembre 2003, vagues 1 à 8 (1994-2001), Eurostat (calculs des auteurs).

Impact de différents facteurs sur la probabilité d’absence au travail (modèles Probit à effets aléatoires)

23L’analyse menée à l’aide de ces modèles Logit confirme l’existence d’un lien négatif entre satisfaction au travail et absence, mais dans un nombre plus limité de pays (neuf ou sept, selon que l’on considère le cas des hommes ou celui des femmes). Qu’en est-il lorsqu’on tient compte du caractère potentiellement endogène de cette variable ? Chez les hommes, d’après les résultats des modèles Probit bivariés (cf. Chaupain-Guillot et Guillot [2010]), l’impact de l’insatisfaction au travail sur la probabilité d’absence n’apparaît significatif que dans trois États : au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Il n’en va pas de même chez les femmes. En effet, pour ces dernières, c’est dans la majorité des pays que l’on retrouve un effet significatif (Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Autriche, Finlande et Royaume-Uni). En raison de la faible qualité des instruments retenus pour identifier l’effet de l’insatisfaction, les résultats de ces modèles Probit bivariés doivent cependant être interprétés avec prudence.

Conclusion

24L’image qui ressort de cette étude portant sur les déterminants individuels des absences au travail est celle d’une assez grande hétérogénéité des comportements au sein de l’ue. Les différences que l’on observe dans l’impact de certaines variables pourraient être liées, au moins en partie, aux disparités institutionnelles. Bien évidemment, on songe, avant tout, aux caractéristiques du régime d’indemnisation des arrêts maladie (lesquelles varient sensiblement selon les pays). Ainsi, on constate que dans les pays où le salaire a un effet significatif (négatif) sur la probabilité d’absence des hommes (d’après les résultats des modèles Probit à effets aléatoires), le degré de générosité de l’indemnisation des arrêts de travail pour maladie est, dans l’ensemble, plus faible que dans le reste de l’ue-15. En effet, parmi ces huit pays (Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Autriche, Portugal et Royaume-Uni), l’indice de générosité proposé par Frick et Malo [2008] s’élève à 2,0 en moyenne, contre 2,4 parmi les autres États membres. Il convient notamment de souligner que dans sept de ces huit pays (seul le Luxembourg fait exception), les indemnités de maladie ne sont versées qu’après un délai de carence de trois jours, alors que dans quatre des six autres pays (Danemark, Allemagne, Pays-Bas et Finlande) [9], les salariés sont indemnisés dès le premier jour d’arrêt de travail. Le fait que le niveau de rémunération n’ait pas d’impact significatif dans ces quatre derniers pays, où les absences sont donc moins coûteuses pour les salariés, est un résultat auquel, somme toute, on pouvait s’attendre.

25Cette analyse présente un certain nombre de limites. Ainsi, on rappellera que la source utilisée ici n’a pas permis de faire la distinction entre les absences liées à la maladie et celles motivées par d’autres raisons. Une étude centrée sur les seuls arrêts maladie mettrait peut-être en évidence des comportements beaucoup plus homogènes d’un pays à l’autre. Autre limite importante : le fait que le taux d’indemnisation des arrêts maladie n’ait pu être explicitement introduit. Enfin, en cherchant à tenir compte de l’éventuelle endogénéité du degré de satisfaction dans l’emploi, on a obtenu des résultats souvent peu concluants. Cette dernière question mériterait sans doute d’être approfondie.

Notes

  • [*]
    Les auteurs remercient les participants à la session « Emploi » du 59e congrès de l’afse, notamment Claire Marbot, pour leurs remarques et suggestions.
  • [2]
    Incluant les salaires maintenus en cas de maladie.
  • [3]
    Estimation à partir des statistiques sociales européennes (Eurostat [2008]).
  • [4]
    Cette restriction est imposée par les données, l’information sur les absences des actifs travaillant moins de quinze heures par semaine n’étant pas disponible dans le fichier fourni par Eurostat.
  • [5]
    Pour cinq pays (Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni), l’imc et le fait de fumer n’ont pu être introduits, ces informations n’étant pas disponibles.
  • [6]
    En introduisant ces deux dernières variables, ainsi que celles relatives à la situation familiale, c’est le rôle éventuel des contraintes de conciliation entre temps professionnel et temps « hors travail » que l’on a cherché à mettre en évidence.
  • [7]
    On y présente les effets marginaux des variables qui se sont révélées significatives dans au moins la moitié de ces régressions. Pour les résultats complets des estimations, voir Chaupain-Guillot et Guillot [2010].
  • [8]
    Ces régressions logistiques ont été estimées par la méthode du maximum de vraisemblance conditionnel, une méthode qui oblige à écarter de l’analyse tous les individus pour lesquels la variable dépendante est toujours égale à 0 ou toujours égale à 1.
  • [9]
    En Finlande, s’il existe un délai de carence de neuf jours pour les indemnités versées par le système de protection sociale, ce délai est sans incidence pour le salarié puisque, durant cette période, celui-ci bénéficie du maintien intégral de son salaire.
Français

Résumé

À partir des données de l’European Community Household Panel (echp), on s’intéresse aux déterminants individuels des absences au travail dans les pays européens. L’étude porte sur l’ensemble des États membres de l’ue-15, à l’exception de la Suède. Les comportements d’absence des salariés, dans chacun de ces pays, sont analysés à l’aide de régressions sur données de panel. Les résultats des estimations montrent que les facteurs jouant sur la probabilité d’absence sont loin d’être identiques d’un pays à l’autre. L’état de santé, le degré de satisfaction au travail et, chez les femmes, la présence d’un jeune enfant sont, en effet, les seules variables qui ont un impact significatif, et de même signe, dans la quasi-totalité des pays étudiés.

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Sabine Chaupain-Guillot
Beta, cnrs, Université de Strasbourg et Université Nancy 2. Correspondance : 13, place Carnot, C.O. n? 70026, 54035 Nancy Cedex
Olivier Guillot
Beta, cnrs, Université de Strasbourg et Université Nancy 2. Correspondance : 13, place Carnot, C.O. n? 70026, 54035 Nancy Cedex
Courriels : Olivier.Guillot@univ-nancy2.fr (auteur correspondant).
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/05/2011
https://doi.org/10.3917/reco.623.0419
Pour citer cet article
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