CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La question de l’ajustement de l’âge de la retraite à l’évolution démographique n’est qu’un aspect d’une question plus globale, celle de l’allocation du temps de vie entre les trois activités principales que sont la formation, le travail et le loisir. Un scénario normatif simple est celui dans lequel l’allongement de la durée de vie devrait conduire à une dilatation homothétique de ces trois temps de l’existence. Il est trop tôt pour savoir si un tel scénario va réussir à se mettre en place pour le futur. Mais on sait au moins que ce scénario n’est pas celui qui a été observé dans le passé. L’allongement de la durée de vie s’est historiquement accompagné d’une contraction considérable de la part du cycle de vie consacrée au travail, que ce soit par raccourcissement de la durée de la vie active ou par la baisse de sa durée aux âges médians. On sait que le phénomène a été particulièrement marqué dans le cas de la France (Marchand et Thélot [1997] ; Marchand, Minni et Thélot [1999]), mais il s’est observé dans une majorité de pays, au moins jusqu’à une période récente (voir Costa [1999], ou Aguiar et Hurst [2007] pour le cas particulier des États-Unis). Une telle tendance montre qu’il est nécessaire de ne pas se limiter à un déterminisme démographique simple. Les comportements d’activité répondent non seulement aux changements démographiques mais aussi à d’autres facteurs.

2Une première piste peut être d’invoquer le rôle des institutions – fiscalité, gestion des carrières, systèmes de retraite – qui distordraient les choix par rapport à ce qui serait ou aurait été la réponse optimale à la transition démographique. La prise en compte de tels facteurs est notamment indispensable dans une optique de comparaison internationale. De très nombreux travaux se focalisent sur cette question (voir, par exemple, Gruber et Wise [1999] ; Prescott [2004] ; Rogerson et Wallenius [2007]) et il s’agit d’une question importante, mais que nous ne creuserons pas davantage ici. L’idée est plutôt de revenir à des déterminants fondamentaux – la démographie et le contexte économique général – et de se poser la question de la réponse optimale du partage du cycle de vie à l’évolution de ces déterminants fondamentaux.

3Au niveau économique, l’un des déterminants les plus importants est la productivité. Il n’y a qu’avec une technologie stationnaire que peut s’imposer l’idée de statu quo sur le ratio entre durée de vie totale et durée travaillée. Ce statu quo n’a plus les mêmes raisons d’être lorsque le progrès technique permet de maintenir ou d’accroître le niveau de vie avec une part décroissante du temps consacré au travail. Tel a bien été le cas lors de la phase d’expansion du système de retraite qui a débuté au milieu du siècle dernier : le progrès technique a été mis à profit à la fois pour accroître le niveau de vie et pour réduire la part de la durée vécue consacrée au travail.

4Mais le progrès technique peut aussi affecter la durée travaillée par un autre biais. La croissance de la productivité n’est pas exogène, elle requiert de plus forts investissements en formation, et ceci affecte également la part du temps travaillé sur l’existence. D’où l’intérêt de l’approche globale en termes d’arbitrage formation/travail/loisir que l’on a choisi d’adopter ici. Poser le problème en ces termes permet de recouper des thématiques en général disjointes. On peut donner quelques exemples de ces thématiques que cette approche permet d’éclairer.

5La combinaison entre âge de la retraite et formation tout au long de la vie. Un frein souvent mentionné à la remontée de l’âge de la retraite est la question de l’employabilité des seniors, qui fait obstacle à leur maintien en activité. Face à ce problème, on sait qu’une réponse possible est le renforcement de la formation en cours de carrière, qui doit permettre d’éviter cette chute de l’employabilité. L’idée de formation tout au long de la vie apparaît ainsi comme l’une des politiques d’accompagnement de la remontée de l’âge effectif de la retraite et des modèles simples permettent de valider cet a priori (Blanchet [1993 et 2002]). Mais un problème d’arbitrage se pose : jusqu’où faut-il pousser cet effort de formation tout au long de la vie ? N’y a-t-il pas un point à partir duquel l’effort de préservation de l’employabilité finit par être socialement ou individuellement plus coûteux que l’interruption d’activité ? Répondre à cette question suppose bien un modèle dans lequel formation et âge de cessation d’activité sont optimisés conjointement plutôt que séquentiellement.

6Le dosage entre formation initiale et formation en cours de vie active. L’interrogation sur la formation tout au long de la vie en amène immédiatement une autre. Faut-il s’attendre à ce que ce surcroît de formation tout au long de la vie vienne en substitut ou en supplément de l’effort de formation initiale ? Il est fréquent de souligner la faible part que la France accorde à la formation continue. On se dit que le contexte de vieillissement démographique offre une raison supplémentaire de renforcer celle-ci. Pour autant, la formation initiale garde un rôle important. La question du dosage de l’une et de l’autre en réponse aux changements démographiques se pose donc. Là encore, le bon traitement du problème semble bien passer par une analyse globale avec détermination conjointe des efforts souhaitables de formation initiale, de formation permanente et du profil de participation au marché du travail selon l’âge.

7La combinaison entre âge de la retraite et durée travaillée en cours de vie active. Enfin, si l’on revient à l’arbitrage revenu/loisir, une question dérivée est celle de la ventilation de ce temps de loisir entre retraite et loisir en cours de vie active. La réduction du temps travaillé sur cycle de vie qui a accompagné la forte croissance de la productivité du dernier demi-siècle ne s’est pas opérée que par la réduction de la durée de la vie active. Elle s’est aussi faite par une importante réduction de la durée annuelle ou hebdomadaire du travail (Artus, Cahuc et Zylberberg [2007]). Peu de liens sont faits entre les deux modes de réduction de la durée du travail et ces liens méritent d’être creusés. Par exemple, on peut arguer qu’une façon de dénouer la tension entre un progrès technique qui continuerait à pousser la durée travaillée vers le bas et un vieillissement qui pousse à la remontée de l’âge de la retraite est justement de privilégier les baisses de durée travaillée via la réduction de la durée hebdomadaire ou annuelle. On assisterait à une « redilution » d’un cycle de vie active qui aurait eu tendance à devenir excessivement concentré, i.e. une durée hebdomadaire ou annuelle plus courte en contrepartie d’une durée de vie active plus longue. Ce scénario permet de garantir la même durée totale de loisir sur le cycle de vie sans alourdissement des transferts publics allant des actifs vers les retraités. Mais d’autres forces poussent plutôt en faveur du cycle de vie active concentré et à forte intensité : si le progrès technique rend le capital humain plus facilement dépréciable, il est préférable de le rentabiliser fortement sur une période de temps courte. Le double discours des employeurs sur l’âge de la retraite reflète cette contradiction entre l’envie d’augmenter l’âge de la retraite pour en minimiser le coût collectif et la difficulté qu’ils ressentent à conserver en emploi des salariés âgés jugés moins productifs ou moins adaptables que les salariés jeunes. La formation continue apparaît à nouveau comme l’une des façons de lever cette contradiction, mais ceci ramène à la question posée à l’instant. Cette formation est coûteuse et un arbitrage doit donc avoir lieu : il n’est pas évident que le renforcement de l’effort de formation aille jusqu’au point qui conduirait au même décalage de l’âge de sortie d’activité et de l’espérance de vie.

8On le voit, toutes ces questions sont très interdépendantes et c’est bien d’une approche conjointe des durées de formation et de travail et de l’âge de la retraite dont nous avons besoin pour aider à y voir plus clair. Cette approche globale est d’ailleurs de plus en plus mise en avant dans l’analyse des politiques d’emploi et des politiques sociales (Anxo et Boulin [2005] ; Erhel [2007]). Nous allons ici l’aborder à l’aide d’un cadre standard, celui du modèle de cycle de vie avec accumulation de capital humain. Plusieurs travaux ont déjà mobilisé ce modèle avec cet objectif d’analyser la réponse du profil d’activité à l’allongement de la durée de vie (Chang [1991] ; Kalemli-Ozcan et Weil [2002] ; Bloom, Canning et Moore [2007]). Mais ces travaux mettent plutôt l’accent sur les effets joints de la mortalité et de l’état de santé – qui affecte la préférence pour le loisir – et les traitent de manière exogène. La déformation possible du profil de la préférence pour le loisir sera prise en compte dans le présent modèle, mais on y ajoute la modélisation des choix d’accumulation de capital humain. Notre modèle est ainsi dans la lignée de Heckman [1976] mais ce dernier n’abordait pas la question de l’incidence des changements démographiques.

9L’article débutera par un rappel du modèle et la présentation de sa résolution. Puis on en proposera un calibrage reproduisant à peu près les conditions de formation, d’activité et de retraite courantes. Après quoi on examinera un jeu de variantes présentant les variations de ces trois variables en réponse à des chocs types, qu’il s’agisse de chocs démographiques ou non démographiques. On précise dès maintenant que l’approche va rester une approche de statique comparative. On s’intéresse à la comparaison des organisations optimales du cycle de vie dans des sociétés en régime démographique stable et en situation économique globalement stationnaire alors que, dans la réalité, l’évolution des cycles de vie répond à des changements continus des contextes démographiques et économiques. Une telle analyse parvient néanmoins à apporter un certain nombre d’éclairages intéressants.

Le modèle

10La question de la répartition du temps de vie entre formation, travail et loisir peut être traitée dans des cadres très stylisés à quelques tranches d’âge, mais l’idée est ici de l’examiner de façon plus fine et proche des données réelles, ce qui suppose de passer à une analyse où l’âge est traité comme variable continue.

11Dans tout ce qui suit, cet âge sera noté a. On s’intéressera aux profils optimaux de formation, d’activité et de loisir entre un âge d’origine 0 et un âge limite ?. Cet âge d’origine peut en fait correspondre à un âge réel strictement positif. Dans les applications qui suivront, il correspondra à l’âge réel de l’ordre de 15 ans, ce qui revient à ne s’intéresser aux choix de formation qu’au-delà de l’âge de la scolarité obligatoire.

12L’objectif est de modéliser la répartition optimale du temps disponible sur cycle de vie entre les trois activités que sont la formation t(a) (training), le travail productif l(a) (labour) et le repos ou loisir r(a) (rest). À chaque âge, le temps total disponible pour ces trois activités est normalisé à un pour les individus survivants à cet âge, soit

13

equation im1

14Lorsque l’individu travaille, il le fait avec une productivité par unité de temps travaillé égale à f(K(a)) où K (a) est un indicateur de capital humain. On suppose que le capital humain part d’une valeur K(0) = Kinit non nulle, ce qui permet éventuellement à un individu de cet âge de commencer à travailler sans formation supplémentaire. Ce capital s’accroît ensuite lorsque l’individu se forme avec une efficacité de la formation qu’on a choisie de la forme equation im2, cette forme permettant de traduire un rendement décroissant du temps instantané passé à se former : sans ce type d’hypothèse, on déboucherait sur des solutions en coin de type 0/1 avec lesquelles l’individu se forme à plein temps ou pas du tout. Ce type de solution en coin serait certes réaliste au niveau individuel, surtout en France où le cumul emploi-études reste encore minoritaire (Coudin et Tavan [2008]), mais pas pour l’approche en termes d’individu représentatif qui est retenue ici. La recherche de profils de formation réalistes nous a aussi conduit à supposer que le capital humain s’accumule ou se renouvelle par simple effet d’apprentissage par l’expérience, avec un effet qu’on a supposé linéaire, d’où un terme en ?l(a). En sens inverse, le capital humain a un taux de dépréciation naturel dépendant de l’âge ?(a). Au total, la variation du capital humain avec l’âge s’écrit donc :

15

equation im3

16Notre propos est d’examiner le profil des trois variables t, l et r permettant d’optimiser une fonction d’utilité sur cycle de vie qui s’écrira :

17

equation im4

18Cette fonction dépend du niveau de consommation par âge c(a) et du temps de loisir. S’être limité à la formulation logarithmique pour la prise en compte du loisir est le prix à payer pour faciliter la solution analytique du problème d’optimisation.

19Le paramètre ? est un taux de préférence pour le présent. On note la présence d’un coefficient c0 qu’on interprétera comme une norme de consommation de référence. On note aussi que la préférence pour le loisir est susceptible de varier avec l’âge.

20Le coefficient ? peut avoir pour sa part deux interprétations :

  • Si on considère que ce qu’on optimise est l’utilité d’un individu représentatif sur le cycle de vie, ? est un coefficient de dépréciation du futur. L’opportunité de le supposer différent de zéro se discute. Le fait qu’un individu exprime une préférence pour le présent ex ante n’implique pas forcément qu’il faille moins pondérer sa consommation aux âges élevés lorsqu’on s’intéresse plutôt à sa satisfaction globale ex post.
  • Si on considère au contraire que ce qu’on maximise est une fonction d’utilité sociale instantanée combinant les niveaux de bien-être courant des différentes tranches d’âge, alors on sait que cette fonction d’utilité doit pondérer chaque groupe d’âge par sa taille, faute de quoi elle débouche sur la conclusion a prioripeu défendable qu’il faut favoriser les classes les moins nombreuses. Or, dans une population stable de fonction de survie s(a) et croissant au taux n, l’effectif d’âge a est proportionnel à enas(a). Dans ce cas, il est logique de poser ? = n dans la fonction d’utilité (1).
Dans la suite, on privilégiera le second point de vue, mais on gardera le terme ? dans la fonction (1) de sorte à travailler avec le maximum de généralité.

21Un dernier élément à prendre en compte est une contrainte budgétaire. Là encore, deux approches sont possibles selon que l’on s’intéresse à une approche de type cycle de vie individuel ou à une approche d’optimisation collective transversale.

22Dans le deuxième cas, la contrainte transversale est une contrainte d’égalité entre consommation totale courante et production totale courante. Avec une structure par âge en enas(a). elle s’écrira :

23

equation im5

24C’est la même contrainte qui vaudra si on se place dans le cadre d’un cycle de vie individuel où l’individu lisserait sa consommation grâce à un système de transferts sociaux de rendement interne n. En l’absence de progrès technique, ce qui est le cas dans le contexte de statique comparative où nous travaillons, ce rendement interne est effectivement celui que peut garantir un système de transferts fonctionnant en répartition.

25Mais on pourrait aussi s’intéresser au résultat de l’optimisation dans un contexte où les individus lisseraient leur consommation en recourant à des marchés financiers offrant un rendement ? ? n. La contrainte s’écrit alors :

26

equation im6

27Pour rester le plus général possible, c’est sous cette forme qu’on écrira cette contrainte dans la suite, le cas ? = n en constituant un cas particulier.

28Pour pouvoir écrire ce problème d’optimisation sous forme standard, il faut associer à cette contrainte une variable d’état additionnelle qui est le solde production/consommation cumulé jusqu’à l’âge courant a, soit :

29

equation im7

30Avec ces éléments, le problème se réécrit finalement sous la forme canonique d’un problème d’optimisation en c(a), l(a), r(a) et t(a) de:

31

equation im8

32avec les deux variables d’état K(a) et J(a) dont les équations d’évolutions sont :

33

equation im9

34et les contraintes :

35

equation im10

36

equation im11

Résolution

37Pour la résolution de ce programme d’optimisation, on note pJ(a) et pK(a) les covariables associées aux équations d’évolution (3) et (4), ?(a) le multiplicateur de Lagrange associé à la contrainte (9) et ?l, ?r et ?t les multiplicateurs associés aux contraintes (10) de non-négativité.

38On en déduit la valeur du Hamiltonien :

39

equation im12

40Les équations d’évolution des deux covariables sont donc respectivement :

41

equation im13

42dont on tire immédiatement pJ(a) = pJ constante et

43

equation im14

44On a par ailleurs les conditions d’extrémalité de H à l’âge a :

45

equation im15

46et enfin les contraintes de bornes :

47

equation im16

48De l’équation (12), on tire directement l’expression de la consommation instantanée :

49

equation im17

50Pour ce qui concerne t(a), l(a) et r(a), il faut distinguer les différents cas de saturation des contraintes. On peut d’entrée de jeu considérer que la contrainte d’utilisation totale du temps sera saturée, d’où une valeur positive de ? qui est à calculer. Par ailleurs, au vu de la fonction d’utilité, on peut éliminer d’entrée de jeu les cas où la durée instantanée du loisir serait nulle, d’où r(a) > 0 et ?r(a) = 0. Il y a de ce fait quatre cas à analyser : celui où il n’y a ni travail, ni formation (a priori la période de retraite), celui où il y a loisir et formation mais pas de travail, celui où il y a loisir et travail sans formation, et enfin la solution intérieure où coexistent les trois types d’activité.

51Dans le premier cas, on a simplement r(a) = 1 et l(a) = t(a) = 0. Examinons les trois autres cas.

Cas où l(a) = 0, r(a) et t(a) différents de zéro

52On a dans ce cas ?r(a) = ?t(a) = 0 et on peut éliminer ?(a) entre les équations (13) et (14) pour en tirer la valeur de r(a). On obtient une équation du second degré en r(a) :

53

equation im18

54Dont la solution est :

55

equation im19

56dont on déduit t(a) = 1 – r(a).

Cas où t(a) = 0, r(a) et l(a) différents de zéro

57On a dans ce cas ?r(a) = ?l(a) = 0 et c’est entre les équations (12) et (13) qu’on peut éliminer ?(a). Il vient :

equation im20
dont on tire l(a) = 1 – r(a).

Cas d’une solution intérieure

58Dans ce cas, les trois coefficients ? sont nuls. L’élimination de ?(a) entre (12) et (13) redonne l’équation (16) pour le calcul de r(a). Par ailleurs, (14) donne :

59

equation im21

60d’où, en remplaçant ?(a) par sa valeur tirée de (12) :

61

equation im22

62dont on tire au final l(a) = 1 – r(a) – t(a).

63À partir de ces différents éléments, la résolution pratique du problème d’optimisation se fait de la manière suivante : on part d’un jeu de valeurs initiales pJ et pK (0) et on résout le programme d’optimisation âge par âge en recherchant à chaque âge le type de solution t(a), l(a) et r(a) qui maximise la valeur courante du hamiltonien et en faisant pK(a), K(a) et J(a) selon les équations (11), (3) et (4). Ceci conduit à des valeurs finales pK(?) et J(?) en général différentes de zéro. On modifie alors les valeurs pJ et pK (0) de façon à se rapprocher descibles pK(?) = 0 et J(?) = 0. Le processus est itéré jusqu’à satisfaction de ces deux cibles.

Faits stylisés et calibrage du modèle

Faits stylisés : la concentration du cycle de la vie active

64Avant de présenter les résultats de ce modèle, on va tout d’abord présenter les données sur lesquelles il a été calibré. Le calibrage pose divers problèmes.

65Un premier problème est que le modèle présenté ci-dessus est un modèle de statique comparative calculant des profils optimaux de formation et d’activité pour une configuration démo-économique totalement stabilisée. Dans la pratique, les cycles de vie effectivement observés découlent plutôt d’un ajustement permanent à des conditions démographiques et technologiques en évolution constante. Il aurait été très difficile de proposer un modèle d’optimisation intégrant cette dynamique. Faute de mieux, le modèle va être confronté à des données transversales supposées approximer ce que serait un régime permanent associé à ces conditions démographiques et économiques du moment.

66Une fois ce choix fait, le problème est de déterminer sur quelles variables transversales on va se caler. A priori, le paramétrage du modèle peut être choisi pour rendre compte au mieux de l’ensemble des profils empiriques par âge qu’il prédit, c’est-à-dire non seulement les profils par âge de t(a), l(a) et r(a) mais aussi le profil de la productivité par âge f(K(a)).

67Dans la pratique, il est difficile de trouver des données de formation continue sur lesquelles se caler. La définition même de ce qu’on entend par formation continue est problématique, puisque ce concept mélange formations de type formel et informel, reçues sur le milieu de travail ou hors de ce milieu de travail, généralistes ou spécifiquement dédiées à l’activité actuellement exercée. On a donc renoncé à se caler sur de telles données. Le calibrage a essentiellement consisté à essayer de reproduire l’âge de début d’activité, i.e. l’âge auquel l(a) commence à devenir positif et le profil subséquent de l(a). On a aussi contrôlé que ce calibrage donnait un profil admissible pour la productivité par âge.

68Même en se centrant de la sorte sur les seuls profils d’activité, un dernier problème subsiste. Il concerne le traitement de l’activité féminine. L’étude de l’activité féminine est affectée par l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail : le profil d’activité au cours du cycle de vie, initialement fortement perturbé aux âges moyens, tend progressivement à devenir plus régulier après guerre, pour se rapprocher de celui des hommes. Ceci se traduit notamment par l’observation d’une durée effective [2] de la vie active féminine croissante à partir des générations des années 1940, quand celle des hommes reste relativement stable (Marchand, Minni et Thélot [1999]). Ce phénomène relève à l’évidence de déterminants qui ne sont pas pris en compte dans notre modèle. De ce fait, nous avons délibérément choisi de nous concentrer sur la seule population active masculine.

69Si l’on s’en tient à ces profils d’activité masculine, les graphiques 1 et 2 montrent bien les deux canaux par lesquels s’est opérée la réduction du temps travaillé sur le cycle de vie. Le graphique 1 montre comment la durée de la vie active a été raccourcie à ses deux extrémités [3] : début d’activité plus tardif au profit d’un allongement sensible de la durée de la formation initiale et départ en retraite plus précoce. Cette tendance s’est opérée suivant deux mouvements successifs. Dans un premier temps (pour les générations antérieures à 1930), c’est l’allongement de la part de la retraite qui est responsable de la réduction de celle de la vie active. Puis celle-ci diminue encore sous l’effet d’une augmentation du temps passé en formation initiale, à partir des générations nées dans les années 1940. Le graphique 2 montre comment ce mouvement a été amplifié par la baisse simultanée et régulière du nombre annuel d’heures travaillées [4].

Graphique 1

Taux d’activité masculine par âge (approche transversale), en %

Graphique 1

Taux d’activité masculine par âge (approche transversale), en %

Source : insee (recensement, enquête Emploi).
Graphique 2

Volume annuel d’heures travaillées par salarié

Graphique 2

Volume annuel d’heures travaillées par salarié

Source : insee (recensement, enquête Emploi).

70Pour le calibrage, il faut traduire ces données en termes de pourcentages l(a) du temps consacré au travail sur chaque année du cycle de vie. On aurait pu le faire en rapportant le volume d’heures travaillées dans l’année au nombre total d’heures disponibles, soit 365 × 24 = 8 760 heures. On a toutefois considéré qu’une partie de ce nombre total d’heures disponibles est affecté de manière incompressible à d’autres fonctions, notamment pour les repas et le sommeil. Le volume annuel d’heures travaillées relevé par les statistiques ci-dessus ne devra donc pas être rapporté au nombre total d’heures disponibles, mais plutôt à un volume d’heures disponibles « pour le travail ».

71Afin de proposer une illustration chiffrée de l’évolution de notre variable de part de temps consacrée au travail, nous avons donc procédé en trois temps.

  • Nous avons d’abord retenu pour hypothèse conventionnelle que le temps quotidien disponible pour travailler est de 12 heures, ce qui conduit à un volume d’heures disponibles pour le travail de 365 × 12 = 4 380 heures.
  • C’est à ce volume d’heures que nous rapportons les données de volume annuel d’heures travaillées par salarié du graphique 2.
  • Le ratio obtenu est enfin utilisé pour pondérer les taux d’activité par âge du graphique 1, pour chacune des années d’observation. Logiquement, les courbes de taux d’activité par âge sont alors ramenées vers le bas, avec un coefficient réducteur qui s’accentue année après année du fait de la baisse de la durée du travail.
Le graphique 3 donne les profils l(a) qui résultent de ce calcul pour trois dates, 1910, 1950 et 2005, donnant une illustration frappante du double phénomène d’abaissement et de concentration du profil de temps travaillé sur cycle de vie.

Graphique 3

Évolution tendancielle du temps travaillé

Graphique 3

Évolution tendancielle du temps travaillé

Source : insee (recensement, enquête Emploi).

Un calibrage rendant compte de la situation actuelle du cycle de vie

72C’est sur le profil de la plus récente de ces périodes qu’est effectué le calibrage de référence du modèle. Pour ce calibrage, on part d’une distribution des survies par âge qui est la fonction de survie transversale de la période 2003-2005 (Beaumel et al. [2006]), avec un taux de croissance démographique nul. On cherche les profils t(a), l(a) et r(a) qui maximiseraient l’utilité instantanée transversale dans un régime démographique permanent correspondant à ce taux de croissance et à cette fonction de survie : comme on l’a indiqué, ceci suppose de prendre ? = ? = 0 dans la fonction objectif à maximiser. On s’est par ailleurs fixé la contrainte de taux de préférence pour le loisir ?(a) et ?(a) croissant exponentiellement avec l’âge. Leurs profils sont donc caractérisés par des niveaux initiaux ?(0) et ?(0) et les taux de croissance d? / ?d? /?. L’ensemble des paramètres a été obtenu par tâtonnement, et les valeurs de ces paramètres sont reportées en première colonne du tableau 1.

Tableau 1

Paramètres et résultats du modèle de référence et des variantes à démographie inchangée

Tableau 1
Référence Productivité ++ Dépré KH ++ Effic. Formation ++ Norme conso ++ Préférence loisir ++ Paramètres Hypothèse mortalité 2003-2005 Taux de croissance démographique ? 0 Taux d’actualisation ? 0 Norme de consommation c0 1 2 Préférence pour le loisir ?(0) 4 d?(a)/? 0,01 0,02 Dépréciation capital humain ?(0) 0.01 d?(a), ? 0.02 0,04 Capital humain initial K(0) 3 Efficacité capital humain k 1 2 Efficacité formation ? 1,2 2 Efficacité formation par l’expérience ? 0,5 Résultats (en nombre d’ années de tempps non contraint) Niveau Écarts à la différence Formation 4,5 – 0,5 – 0,4 0,6 0,9 - 0,5 Travail 13,0 – 1,7 0,3 – 2,1 3,0 – 1,0 Loisir ou inactivité 44,9 2,2 0,1 1,5 –3,9 1,6

Paramètres et résultats du modèle de référence et des variantes à démographie inchangée

73La graphique 4 donne les profils obtenus pour t(a), l(a) et r(a), le profil atteint pour l(a) ayant été également reporté sur le graphique 3 pour illustrer la qualité de l’ajustement au profil effectif. Les trois dernières lignes du tableau 1 donnent les totaux correspondant pour ces trois séries sur l’ensemble du cycle de vie : on obtient un temps moyen passé en formation au-delà de 15 ans représentant environ 4,5 années de temps non contraint, une durée de travail représentant 13 années de temps non contraint et enfin une durée de loisir, ou plus exactement d’activité non marchande, représentant 44,9 années de temps non contraint. La somme correspond à une espérance de vie à 15 ans de 62,4 ans.

Graphique 4

Calibrage de référence : répartition du temps disponible au cours du cycle de vie

Graphique 4

Calibrage de référence : répartition du temps disponible au cours du cycle de vie

74On notera la décroissance rapide de la part du temps dédié à la formation. Elle devient quasiment nulle sur toute la deuxième moitié de la vie active, en même temps que le temps travaillé se réduit progressivement. Il est normal que l’investissement en capital humain se réduise au fur et à mesure que se rapproche la fin de la vie active. Mais on note que, dans ce modèle, cet horizon de fin de vie active n’est pas une contrainte donnée a priori. Il découle de l’optimisation jointe du profil de formation et d’activité par âge. Ces profils obtenus pour t(a) et l(a) restent évidemment différents des profils vrais. Le profil de l(a) en particulier présente un dos d’âne plus marqué que le profil vrai. Il l’approche cependant d’une manière qui est déjà assez satisfaisante si l’on tient compte de la parcimonie du modèle.

75Pour achever de valider ce calibrage, le graphique 5 donne le profil qui en résulte pour la productivité par âge, égale à ? · K(a). Ce profil est légèrement plus pentu que les estimations empiriques dont on dispose (Aubert et Crépon [2004]) mais néanmoins réaliste. On notera à cet égard que les profils empiriques mélangent cet effet d’âge et un effet de génération plutôt négatif, alors que le profil présenté ici est le profil transversal qu’on observerait dans un monde totalement stationnaire, et il correspond donc à un effet d’âge pur. On relèvera que ce profil ne redécroît que modérément en fin de carrière. Même en l’absence de nouvel effort de formation, le capital humain continue de se maintenir grâce à l’effet de formation par l’expérience. Il n’y a que lorsque l’activité chute à son tour fortement que cet effet s’atténue et cesse de pouvoir contrer une dépréciation de ce capital humain qu’on a supposé s’accélérer avec l’âge.

Graphique 5

Calibrage de référence : productivité par âge

Graphique 5

Calibrage de référence : productivité par âge

Variantes et tests de sensibilité

Variantes relatives à la technologie et aux préférences

76Malgré son caractère imparfait, ce calibrage fournit une base acceptable pour la construction de variantes ou tests de sensibilité. On va s’intéresser dans un premier temps à la façon dont la trajectoire optimale réagit à des modifications des paramètres non démographiques, qu’il s’agisse des paramètres technologiques ou de préférence. Ces variantes sont explicitées sur les colonnes 3 à 8 du tableau 1. Il y a deux groupes de variantes. On a d’abord trois variantes « technologiques » qui portent sur :

  • la productivité du capital humain, dont on suppose un doublement ;
  • le rythme de dépréciation du capital humain : on suppose là encore inchangée sa valeur à l’âge 0, mais on en double le taux de croissance avec l’âge. Il passe de 2 à 4 % par an. Avec un tel taux, le capital humain est supposé perdre naturellement 5 % de sa valeur entre les âges de 59 et 60 ans, contre 3 % dans le scénario de base ;
  • et enfin l’efficacité de la formation, c’est-à-dire le degré auquel celle-ci permet d’accroître le capital humain.
Deux autres variantes concernent les préférences. Elles portent respectivement sur :
  • la norme de consommation minimale c0 figurant dans la fonction d’utilité ;
  • la préférence pour le loisir : on suppose sa valeur inchangée à l’âge 0, mais on suppose qu’elle croît avec l’âge à un rythme deux fois plus rapide que dans le scénario de référence.
Les graphiques 6a et b donnent les résultats des variantes « technologiques » pour les deux variables t(a) et l(a), exprimés en écart par rapport au profil issu du calibrage de référence. Il y a intensification de l’activité considérée à tous les âges si la courbe est systématiquement positive, réduction dans le cas contraire. Un décalage vers des âges plus élevés se traduit par une courbe négative puis positive, un calendrier plus précoce se traduit à l’inverse par un profil d’abord positif puis négatif. Les graphiques 7a et 7b donnent les mêmes profils pour les deux variantes de préférence.

77Les résultats peuvent s’interpréter facilement. S’agissant des chocs technologiques, la hausse de la productivité générale (scénario « productivité ++ ») se traduit bien par une baisse de l’effort de travail à tous les âges, mais plus marquée aux âges élevés : la réduction de la durée travaillée passe à la fois par le biais du raccourcissement de la vie active et par une moindre durée du travail durant la période d’activité. Au total, la baisse de la durée travaillée est de – 1,7 année rapportée à un niveau de référence de 13 années, soit une baisse de largement plus que 10 %. La croissance du volume de loisir est encore plus importante, de 2,2 ans, car ce scénario de hausse exogène de la productivité autorise aussi une baisse de l’investissement général en capital humain et donc de la durée totale passée en formation.

78Il n’en va pas de même si les progrès de productivité passent par une amélioration du rendement de la formation (scénario « efficacité formation ++ ») : on assiste bien là encore à une baisse de la durée travaillée, encore plus forte que dans le premier scénario (– 2,1 ans) mais qui s’accompagne cette fois d’une hausse du temps consacré à la formation (+ 0,6 ans). La hausse de productivité qui en découle continue toujours de profiter au temps de loisir dont la durée s’accroît de 1,5 ans. On note cependant que, cette fois, la hausse du temps de loisir intervient essentiellement en cours de vie active et même plutôt sur la première moitié de cette vie active.

Graphique 6a

Effets des chocs technologiques sur le temps consacré au travail

Graphique 6a

Effets des chocs technologiques sur le temps consacré au travail

Graphique 6b

Effets des chocs technologiques sur le temps consacré à la formation

Graphique 6b

Effets des chocs technologiques sur le temps consacré à la formation

79Le scénario dans lequel la dépréciation du capital humain s’accroît plus vite avec l’âge confirme et nuance à la fois bien les intuitions qu’on pouvait avoir à ce sujet (scénario « Dépré ++ »). Le fait que ce capital humain se déprécie plus rapidement conduit à en renforcer l’accumulation initiale, puis à tenter de l’exploiter le plus rapidement possible. Il y a donc forte intensification de l’activité en début de cycle de vie, et réduction symétrique de cette activité à partir de 50 ans. Ceci est conforme aux attentes. En revanche, la spécification retenue montre qu’il ne va pas de soi qu’il faille répondre à cette dépréciation accélérée par l’intensification de la formation continue : dans le scénario retenu, la priorité est à la valorisation de ce capital humain avant qu’il ne perde sa valeur productive, plutôt qu’à l’accroissement de son rythme d’accumulation. Il n’en irait pas forcément de même si on avait supposé une accélération de la dépréciation dès les premiers âges. Dans ce cas, la stratégie consistant à substituer de la formation continue à la formation initiale retrouverait certainement sa valeur.

Graphique 7a

Effets des chocs de préférence sur le temps consacré au travail

Graphique 7a

Effets des chocs de préférence sur le temps consacré au travail

Graphique 7b

Effets des chocs de préférences sur le temps consacré à la formation

Graphique 7b

Effets des chocs de préférences sur le temps consacré à la formation

80Si on s’intéresse aux chocs sur les préférences, on constate tout d’abord que le choc positif sur la norme de consommation minimale c0 a un effet exactement symétrique du choc exogène sur la productivité du capital ?. En fait, les deux paramètres jouent des rôles exactement symétriques dans le calcul : les arbitrages avec une productivité inchangée et une norme de consommation doublée sont équivalents à ceux qu’on aurait sans changement des normes de consommation et division par deux de la productivité. On a donc hausse de l’activité à tous les âges (mais surtout aux âges élevés), hausse de l’effort de formation initiale et de la formation continue en première moitié de vie active. Au total, le temps consacré au loisir est en forte baisse, de 3,9 années.

81Le scénario de plus forte préférence pour le loisir est pour sa part un scénario où cette préférence part du même niveau à l’âge initial mais croît deux fois plus vite avec l’âge. Il conduit à déformer les profils d’activité et de formation dans un sens comparable au scénario d’accélération de la dépréciation du capital humain. En fait, on peut voir ces deux scénarios comme deux façons d’utiliser le modèle pour traduire la même idée générale d’usure croissante avec l’âge, celle-ci pouvant se traduire par une moindre efficacité productive ou une pénibilité croissante du travail. Dans les deux cas, il y a intensification de l’activité en début de carrière et réduction de l’activité en fin de carrière. Le fait que le capital humain soit valorisé en moyenne plus précocement incite également à renforcer l’effort de formation initiale. En revanche, la formation en cours de vie active voir son niveau baisser. Le bilan global sur la durée travaillée est néanmoins différent entre les deux scénarios. Dans le cas de la dépréciation accélérée, la hausse de l’effort en début de carrière et la baisse de l’effort en fin de carrière se compensaient à peu près et la durée totale travaillée était quasiment stable, avec une hausse de 0,3 année. Le scénario de préférence pour le loisir plus rapidement croissante avec l’âge est en revanche un scénario où la préférence pour le loisir est plus élevée en moyenne sur l’ensemble des âges, puisque la valeur initial est inchangée. Il est donc normal de trouver un effet assez négatif sur la durée totale travaillée et positif sur la durée de loisir, de – 1 an et + 1,6 ans respectivement : la chute de l’activité à l’approche de la retraite l’emporte cette fois largement sur la hausse de l’activité en début de carrière, cette dernière se faisant d’ailleurs en bonne partie par ponction sur le temps consacré à la formation.

Variantes démographiques pures

82Nous passons dans un deuxième temps à des variantes qui ne concernent que la démographie. Il s’agit d’analyser les conséquences pures du vieillissement démographique sur l’organisation du cycle de vie, en se situant dans un premier temps à conditions technologiques et à préférences inchangées.

83On va chercher à distinguer l’incidence des deux formes de vieillissement : un vieillissement par le haut dû à l’allongement de la durée de vie, et un vieillissement par le bas dû au ralentissement de la croissance démographique, ou plus exactement ici à la contraction de la population, puisque le scénario de référence est déjà un scénario à croissance démographique nulle.

84Les deux premiers scénarios permettent de mesurer la sensibilité des profils t(a), l(a) et r(a) aux variations de l’espérance de vie, avec deux simulations dits « EV basse » et « vieillissement par le haut » consistant respectivement à revenir à la mortalité transversale de 1950 ou à se projeter vers la structure stationnaire associée à la mortalité prévue pour 2050, ces deux tables étant issues de Meslé et Vallin [2001].

85Le scénario de vieillissement par le bas se fait avec une mortalité inchangée et un taux de croissance démographique de – 0,5 % par an : ceci correspond à peu près au taux de décroissance démographique qui, en l’absence de migration, découlerait d’une fécondité de 1,8 plutôt que de 2,1 enfants par femme. On simule ce scénario en posant ? = – 0,005, dans l’équation (4) et ? = – 0,005 dans l’intégrale à maximiser (2). Comme on l’a indiqué plus haut, garder ? = 0 dans cette équation reviendrait en effet à surpondérer les jeunes par rapport à leur poids effectif dans la population et distordrait le choix social en leur faveur. Si notre objectif reste un objectif d’optimum social transversal, garder systématiquement ? et ? tous deux égaux au taux de croissance démographique est bien la règle de décision la plus normale.

86Les hypothèses et les résultats de ces trois scénarios sont présentés sur le tableau 2 et les graphiques 8a et 8b.

Tableau 2

Paramètres et résultats des variantes démographiques

Tableau 2
Référence EV basse Vieillissement par le haut Vieillissement par le bas Paramètres Hypothèse de mortalité 2003-2005 1950 2050 2003-2005 Taux de croissance démographique ? 0 0 0 – 0,005 Taux d’actualisation ? 0 0 0 – 0,005 Résultats (en nombre d’années de temps non contraint) Niveau Écarts à la différence Formation 4,5 – 0,5 0,4 0,4 Travail 13,0 – 1,4 1,4 0,1 Loisir ou inactivité 44,9 – 6,6 6,8 – 0,5

Paramètres et résultats des variantes démographiques

87Les effets des deux variantes de mortalité sont naturellement symétriques, les gains d’espérance de vie anticipés entre 2003 et 2050 étant à peu près équivalents à ceux enregistrés entre 1950 et 2003. Une durée de vie plus longue (respectivement plus courte) conduit à davantage (respectivement moins) de formation et d’activité à tous les âges. Ces mouvements ne se font pas par ponction (resp reversement) sur la période de loisir. En fait, les durées passées dans les trois états évoluent dans le même sens que la durée de vie totale.

88On relève cependant que la répartition des gains ou pertes n’est pas homothétique entre ces trois états. Pour un gain total sur la durée de vie de 13 %, on a environ 10 % d’augmentation de la durée passée en formation ou en activité, et plutôt 15 % d’augmentation de la durée de vie passée en inactivité. On ne tombe donc pas sur une situation où l’élévation de la durée de vie se traduirait par une dilatation homothétique de tous les âges de la vie. Le même phénomène était observé par Chang [1991], Kalemli-Ozcan et Weil [2002] et Bloom, Canning et Moore [2007]. La raison principale est que le scénario considéré ne suppose pas que l’allongement de la durée de vie se traduit par un décalage parallèle du processus de dépréciation du capital humain ou du processus de croissance de la préférence pour le loisir (ou de la pénibilité du travail). Ceci limite le degré auquel il est souhaitable d’ajuster durées de la formation et de travail. Nous reviendrons sur ce point avec notre tout dernier scénario.

Graphique 8a

Effets purs de la structure démographique sur le temps consacré au travail

Graphique 8a

Effets purs de la structure démographique sur le temps consacré au travail

Graphique 8b

Effets purs de la structure démographique sur le temps consacré à la formation

Graphique 8b

Effets purs de la structure démographique sur le temps consacré à la formation

89Le scénario de décroissance de la population conduit essentiellement à une intensification de l’effort de formation initiale assez marquée : la raison en est que la réduction de l’effectif relatif des tranches d’âge jeunes rend plus faible le manque à gagner qu’induit cette formation en termes de production. En revanche, les effets sur le volume de travail sont extrêmement limités et se limitent à une légère torsion au profit des âges jeunes.

Scénarios mixtes

90Ces scénarios démographiques purs ne sont que des cas d’école : historiquement, les modifications de structure démographique sont toujours allées de pair avec des modifications importantes des paramètres économiques, d’où l’intérêt de se pencher sur des scénarios mêlant variations des deux types de paramètre. Ceci serait notamment indispensable en rétrospectif : la comparaison des profils d’activité de 1950 et 2003 qui était reproduite sur le graphique 3 montre que leur évolution s’est faite exactement à rebours de ce que suggère la comparaison des scénarios « ev basse » et « référence ». La raison en est que le vieillissement qui est intervenu entre-temps s’est accompagné d’une évolution considérable de la productivité. Il suffit de se reporter au scénario « productivité ++ » pour voir que l’effet favorable au loisir des gains de productivité a très facilement pu l’emporter sur l’effet de l’allongement de la durée de vie, surtout si cette amélioration de la productivité a eu pour corollaire une obsolescence plus rapide du capital humain.

91Nous n’allons pas ici essayer de calibrer plus en détail la combinaison de facteurs démo-économiques qui a pu expliquer les évolutions passées des profils d’activité. En revanche, nous allons utiliser notre modèle pour examiner quelques scénarios prospectifs possibles. Trois scénarios sont proposés. Tous négligent le vieillissement futur « par le bas », qui n’est pas prédominant dans le cas français. Du point de vue démographique, ils se contentent donc de faire passer de la mortalité de 2003 à celle de 2050. Tous ces scénarios combinent par ailleurs cette baisse de mortalité avec une hypothèse de doublement de la productivité. Cette hypothèse correspond à peu près à celle des projections usuelles de retraite (cor [2007]). Mais trois scénarios sont distingués :

  • un scénario dans lequel n’intervient aucun autre changement de paramètre ;
  • un scénario dans lequel on suppose que la hausse de la productivité s’accompagne d’un déplacement parallèle de la norme de consommation minimale, i.e. un doublement du paramètre c0 ;
  • un scénario dans lequel le doublement parallèle de ? et de c0 s’accompagne d’un décalage de calendrier à la fois pour la préférence pour le loisir ?(a) et pour le processus de dépréciation du capital humain. Dans la mesure où la hausse de l’espérance de vie à 15 ans est d’environ 1/3, ceci est fait en baissant de 25 % le rythme de progression de ?(a) avec l’âge et en baissant de 25 % le niveau de la fonction ?(a), i.e. en baissant de 25 % le taux de dépréciation initial ?0.
Ces hypothèses et les résultats agrégés correspondants sont donnés sur le tableau 3. Les profils par âge de l(a) et t(a) sont donnés sur les graphiques 9a et 9b.

Tableau 3

Paramètres et résultats des variantes mixtes

Tableau 3
Référence Survie 2050, productivité ++ Survie 2050, productivité et norme conso ++ Survie 2050, productivité et norme conso ++, dépré KH -- Paramètres Hypothèse de mortalité 2003-2005 2050 2050 2050 Norme de consommation c0 1 1 2 2 Dépréciation capital humain d?(a)/? 0,02 0,02 0,02 0,015 Efficacité capital humain k 1 2 2 2 Résultats (en nombre d’années de temps non contraint) Niveau Écarts à la différence (écarts relatifs entre parenthèses) Formation 4,5 – 0,2 (– 4 %) 0,4 (+ 9 %) 0,8 (+ 18 %) Travail 13,0 – 0,5 (– 4 %) 1,4 (+ 11 %) 1,6 (+ 12 %) Loisir ou inactivité 44,9 9,2 (+ 20 %) 6,8 (+ 15 %) 6,3 (+ 14 %)

Paramètres et résultats des variantes mixtes

92Le premier scénario montre que, avec la modélisation retenue, le doublement de la productivité est plus que suffisant pour dominer l’effet de l’allongement de la durée de vie : le résultat est donc une baisse de la durée travaillée à tous les âges. La hausse de la durée de loisir est particulièrement importante : de neuf années au total. On retrouve l’un des arguments souvent objectés à la remontée de l’âge de la retraite, le fait que les progrès de productivité qu’on envisage à cet horizon pourraient être largement suffisants pour ne pas remettre en cause la tendance historique au raccourcissement de la vie active.

93Mais c’est raisonner à aspirations de niveau de vie parfaitement stables. La deuxième hypothèse rectifie ce point en supposant la hausse parallèle de ? et c0. On peut donner deux interprétations, éventuellement cumulables, de la hausse de c0 : soit un déplacement de la norme de niveau de vie, dans l’esprit des modèles liant bien-être et niveau de vie relatif (Clark et al. [2006]), soit le fait que la croissance s’accompagnerait d’une hausse d’un certain nombre de dépenses contraintes incluses dans c0 (y compris d’ailleurs certaines dépenses collectives telles que les dépenses de santé). Dans l’hypothèse retenue ici d’un strict parallélisme entre évolutions de ? et c0, les deux hausses se compensent en fait exactement. La déformation des profils de l(a) et t(a) qu’on a sur les graphiques 9a et 9b s’avère donc identique à celle qu’on avait dans le scénario démographique pur de « vieillissement par le haut » des graphiques 8a et 8b. Comme dans ce cas précédent, le taux de croissance de la durée travaillée est positif mais reste inférieur au taux de croissance de la durée de vie totale.

94Pour ce rapprocher de l’équirépartition, il faut rajouter l’hypothèse de décalage simultané des profils ?(a) et ?(a), comme le fait notre dernier scénario. Il se traduit effectivement par un report de l’âge d’entrée en activité et un report important de l’âge de la retraite. Le profil du graphique 9a montre que c’est bien à un décalage global du calendrier d’activité qu’on assiste alors, avec baisse de l’activité aux âges jeunes et hausse aux âges élevés, sans intensification de la durée du travail en cours de carrière puisque la variation de la durée travaillée est à peu près nulle en milieu de carrière. Même si ce décalage se fait sans respecter totalement la règle de répartition au prorata des années de vie supplémentaires entre formation, travail et loisir, ce scénario est bien celui des trois qui se rapproche le mieux de cette règle, avec des progressions relatives des durées de formation, de travail et de loisir de respectivement 18 %, 12 % et 14 %.

Graphique 9a

Variantes mixtes : effets sur le temps consacré au travail

Graphique 9a

Variantes mixtes : effets sur le temps consacré au travail

Graphique 9b

Variantes mixtes : effets sur le temps consacré à la formation

Graphique 9b

Variantes mixtes : effets sur le temps consacré à la formation

Discussion et conclusion

95Malgré qu’on se soit efforcé de l’ajuster sur données réelles, le modèle proposé ici reste à utiliser de manière plus qualitative que quantitative, et ses résultats ne sauraient être considérés comme des résultats à portée générale. Un certain nombre de ses choix de spécification ont été guidés par le souhait d’avoir un modèle dont la résolution numérique reste facilement maîtrisable. Ce faisant, on a partiellement contraint son comportement. Des spécifications alternatives auraient pu déboucher sur des messages un peu différents, surtout au niveau quantitatif. Par ailleurs le modèle ignore d’autres aspects de l’allocation du temps sur le cycle de vie, notamment l’arbitrage entre travail marchand et tâches domestiques, dont les tâches liées à la constitution de la famille. La prise en compte de cette dimension est un autre aspect important de l’intérêt actuel pour les approches des politiques sociales en termes de cycle de vie (Anxo et al. [2007]). Il se fonde enfin sur une représentation des choix intertemporels qui peut être discutée (Bommier [2005]).

96Malgré ces limites, le modèle aide tout de même à clarifier un certain nombre d’aspects de l’évolution du cycle de la vie active et à préciser les conditions requises pour justifier les évolutions qu’on en attend pour le futur. On peut reprendre ces messages en repartant des questions qui avaient été formulées en introduction.

97Une première question était celle de l’équilibre entre effets de sens contraire venant de l’allongement de la durée de vie et des progrès de productivité. Les deux effets apparaissent qualitativement symétriques, conduisant à une intensification (resp. réduction) du travail à tous les âges mais plus particulièrement aux âges élevés. En termes quantitatifs, les scénarios simulés ont montré que l’effet pur des progrès de productivité n’a aucun mal à dominer très largement celui de l’allongement de la durée de vie. Il est très probable que c’est ce qui s’est passé historiquement. Plusieurs pistes sont disponibles pour expliquer que cet effet puisse désormais s’essouffler. Celle qu’on a simulée est celle d’une convergence entre la dynamique de la productivité et l’évolution de la norme de consommation ou des dépenses contraintes mesurées par le paramètre c0. Si cette convergence est totale, elle neutralise totalement l’effet des progrès de productivité.

98On aurait aussi pu faire valoir un autre mécanisme, qui est la non-linéarité de l’effet de la productivité à norme de consommation donnée. Le graphique 10 donne les résultats systématiques de simulations pour des valeurs de ? variant de 0,5 à 5, avec une norme de consommation minimale fixe de c0 = 1 : la variable dont on donne la valeur en fonction de ? est la durée totale travaillée. Les autres paramètres sont fixés à leur valeur du scénario de référence. On constate que les valeurs ? = 1 et ? = 2 qui ont été testées sont dans un zone de forte sensibilité de la durée travaillée à la productivité, mais que cette sensibilité se réduit ensuite très nettement. En fait, lorsque ? devient très élevé, la durée totale travaillée tend vers une asymptote. On converge vers le comportement qu’aurait le modèle avec une valeur de c0 fixée à zéro, correspondant à une utilité Cobb-Douglas pure, avec laquelle la productivité devient totalement neutre pour l’arbitrage activité/loisir. Globalement, on voit que le modèle est suffisamment flexible pour rendre aussi bien compte de situations où les progrès de productivité dominent ou sont dominés par les effets du vieillissement.

Graphique 10

Durée de travail sur cycle de vie selon niveau de productivité et norme de consommation minimale

Graphique 10

Durée de travail sur cycle de vie selon niveau de productivité et norme de consommation minimale

99Une seconde question était celle du dosage entre formation initiale, formation tout au long de la vie et travail. Tous les scénarios de vieillissement vont bien dans le sens d’une intensification de l’effort de formation, mais autant pour la formation initiale que pour la formation après l’entrée dans la vie active, et aucun ne remet en cause la logique qui pousse à réduire progressivement l’investissement en formation au fur et à mesure que l’on avance en âge. La façon de répondre à une obsolescence accélérée du capital humain est par ailleurs ambiguë. Dans les exemples qu’on a considérés, elle se traduit surtout par davantage de formation initiale et une valorisation plus rapide de ce capital humain avant qu’il ne perde sa valeur, plutôt que par un surcroît de formation en cours de carrière : il est très probable que ce résultat n’est pas du tout général. Il faudrait tester sa robustesse à des changements de spécification. Il a au moins l’intérêt de montrer que le bon policy-mix entre formation initiale et « sur le tas » ne va pas complètement de soi.

100Une troisième question était celle du dosage entre évolution de la durée travaillée en cours de vie active et évolution de la longueur de la vie active. Les évolutions des deux composantes de la durée travaillée vont souvent dans le même sens, ce qui cadre avec l’expérience historique. Une variante poussait néanmoins clairement en faveur du modèle à cycle de vie active plus concentré, i.e. avec une durée du travail plus importante en première partie de vie active combinée à un retrait complet d’activité plus précoce : il s’agissait du cas de dépréciation accélérée du capital humain. Il s’agit bien de l’un des facteurs souvent invoqués pour expliquer la résistance à la remontée de l’âge de cessation d’activité. Et c’est ce facteur qui est encore à l’œuvre dans le fait que, même après neutralisation de la productivité, le modèle n’arrive pas à conclure spontanément à une règle optimale d’allocation proportionnelle des gains d’espérance de vie entre formation, travail et loisir. Pour qu’il en soit ainsi, il faut supposer que cet allongement de la durée de vie s’accompagne d’une dilatation de même intensité de l’ensemble des calendriers (proche de 14 %, hausse attendue de l’espérance de vie en 2050). Dans le modèle retenu, ceci concernait à la fois le calendrier de dépréciation du capital humain et celui de la croissance de la préférence pour le loisir ou – symétriquement – de la pénibilité du travail.

101Peut-on imaginer que ces deux calendriers se décalent spontanément au même rythme que la hausse de l’espérance de vie ? Des éléments allant dans ce sens sont fournis par les thèses de la compression de la morbidité en fin de vie (Fries [1980]) ou celle de l’équilibre dynamique entre évolution de la durée de vie totale et évolution de la durée passée en bonne santé, i.e. si on considère que la baisse de la mortalité s’accompagne d’un décalage du calendrier des incapacités les plus invalidantes vis-à-vis du travail. Mais la tendance au décalage est a priori moins spontanée en ce qui concerne le sentiment subjectif de lassitude vis-à-vis du travail – d’où l’enjeu de l’aménagement des conditions de travail et des perspectives de carrière pour les travailleurs vieillissants – et elle est tout sauf spontanée en matière d’obsolescence des qualifications. Face à cette obsolescence, la formation tout au long de la vie offre certes une marge de réponse dont le modèle simule précisément l’ajustement. Mais cette formation n’est pas non plus sans coût, ce qui explique que la marge qu’elle fournit ne soit pas exploitée jusqu’au point qui remettrait le profil de productivité en phase complète avec l’allongement de la durée de vie.

102Au-delà de tous ces éclairages, le modèle proposé dans cet article peut être mobilisé sur d’autres questions. On relèvera surtout qu’il a été mobilisé pour une analyse en termes d’agent représentatif. Mais il pourrait être décliné par catégorie d’agents, selon leurs dotations de départ en capital humain, leur capacité à en accumuler, le rythme auquel celui-ci se déprécie, ainsi que leur espérance de vie et leurs normes de consommation. On en déduirait la grande hétérogénéité des profils de cycle de vie qui peuvent être individuellement souhaités par ces individus. La question est alors celle de la gestion de cette hétérogénéité : quelle part de cette hétérogénéité peut être gérée par le biais de systèmes flexibles, quelle part de cette hétérogénéité doit faire l’objet de compensations ou de politiques ciblées ?

Ce texte a bénéficié des apports de P. Cayatte et F. Toutlemonde [1999] et de J.A. Monfort. Nous remercions les participants au séminaire Revue économique/cdc/Université Paris Dauphine du 18 octobre 2007, du séminaire D3E du 18 avril 2008, et notamment son discutant P. Cahuc, ainsi que le rapporteur de la revue. Toutes les erreurs restent les nôtres.

Notes

  • [1]
    Insee, Département des Études Économiques d’Ensemble. Courriel : didier. blanchet@ insee. fr.
  • [2]
    Le terme de durée effective renvoie à la terminologie de durée apparente de la vie active définie dans les travaux de Marchand, Minni et Thélot [1997], corrigée de l’allongement de l’espérance de vie.
  • [3]
    Sur la description des principales évolutions séculaires du marché du travail en France, voir Marchand et Thélot [1997].
  • [4]
    Nous avons reconstruit une série longue en exploitant les données séculaires relevées dans l’ouvrage de Marchand et Thélot [1997], en procédant à une interpolation linéaire pour les données manquantes.
Français

Résumé

Les évolutions historiques du cycle de la vie active ne se conforment pas à un modèle simple d’équirépartition des gains d’espérance de vie entre formation, travail et loisir. On a au contraire assisté à une contraction quasi généralisée de la part du cycle de vie consacrée au travail. La raison principale d’une telle déviation est le fait que ce cycle de vie se déforme en fonction d’autres facteurs : productivité, évolution des préférences, conditions d’accumulation et de dépréciation du capital humain. On explore l’articulation de ces différents facteurs dans un modèle d’optimisation sur cycle de vie en temps continu qui permet un traitement réaliste de la structure démographique. Les principaux motifs de contraction du cycle de vie active sont la hausse de la productivité et la dépréciation du capital humain. On montre que le scénario d’égal partage suppose une évolution des normes de consommation parallèle à celle de la productivité, et un étirement du profil de dépréciation du capital humain au même rythme que l’allongement de la durée de vie.

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Didier Blanchet
Fabien Toutlemonde [1]
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2008
https://doi.org/10.3917/reco.595.0995
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