CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Avec le vieillissement de la population en France et les sorties imminentes du marché du travail des cohortes du baby-boom se pose aujourd’hui la question sensible du financement des systèmes de retraite par répartition. Toutefois, le débat sur les retraites qui sont des transferts intergénérationnels publics ne peut occulter l’existence des solidarités réalisées au sein de la famille. Ce soutien qu’apportent les adultes à leurs parents âgés est particulièrement important (Attias-Donfut et Wolff [2000]). Or, à la différence des pensions et de leurs équivalents financiers, le soutien procuré par la famille n’est pas exclusivement monétaire. Il s’exerce surtout sous forme de services en temps lorsqu’il bénéficie aux vieilles générations (Attias-Donfut [1995]) [1].

2 Ces deux types de solidarités, privées et publiques, sont imparfaitement substituables (Cox [1996], Ehrlich et Lui [1996]). Certains transferts ne présentent d’ailleurs guère de substitut direct sur le marché, par exemple l’attention et l’affection dont ont besoin les plus âgés. Même si les soins matériels peuvent être rendus par le secteur marchand, Laferrère [1999] note qu’il est difficile de remplacer les services d’un enfant par les soins d’un salarié, étant donné le stock de souvenirs et de capital humain partagé par les plus vieux avec leurs enfants. Le bien-être des générations âgées dépend donc de deux types de ressources, de l’argent et des services. Alors que les transferts privés et les marchés financiers constituent deux mécanismes concurrents pour la fourniture d’argent sur les vieux jours (Cigno [1993]), les générations âgées sont dans l’obligation de compter sur leurs enfants si elles veulent bénéficier de transferts sous forme d’attention.

3 Dans la mesure où les aides escomptées des enfants sont incertaines, l’objet de cet article est d’analyser les moyens à disposition des parents pour s’assurer qu’ils bénéficieront bien de cette attention souhaitée au cours de leurs vieux jours. Pour les différents motifs envisageables, nous nous interrogeons sur leur efficacité quant à la mise en œuvre de services et de soins aux ascendants. Cette réflexion fait directement référence au débat sur les motivations des transferts inter vivos au sein de la famille (Laferrère [1999], Wolff [1998]). Celles-ci s’articulent autour de trois hypothèses théoriques principales : l’altruisme, l’échange et l’effet de démonstration qui inclue la présence d’un tiers dans l’échange [2].

4 Élargissant l’analyse des solidarités familiales à la considération de transferts de deux à trois générations, nous mettons en évidence l’intérêt d’un échange indirect entre les générations. Suivant l’effet de démonstration proposé par Cox et Stark [1996], les parents doivent d’abord montrer l’exemple en prenant en charge leurs propres ascendants âgés s’ils veulent ensuite être aidés en retour par leurs enfants au cours de leurs vieux jours. Ce mécanisme fait référence à la question de la formation rationnelle des préférences étudiée plus en détail par Becker [1996] et Bisin et Verdier [1998, 2001]. À l’inverse des études réalisées à ce jour en France qui portent surtout sur les transferts versés aux enfants, nous nous intéressons exclusivement à des aides familiales circulant dans le sens ascendant et proposons une analyse approfondie de l’hypothèse d’effet de démonstration [3].

5 L’apport de ce texte est double. D’une part, nous présentons un modèle dynamique de démonstration où l’anticipation de difficultés de santé futures conduit les individus à faire des transferts à leurs parents, dans le but de recevoir des aides de leurs enfants et ainsi diminuer leur niveau de vulnérabilité. D’autre part, nous mettons en évidence la pertinence de cet effet de démonstration en France à partir de données appropriées à l’étude des solidarités familiales. Le texte suit le plan suivant. La section 2 décrit les motivations envisageables pour les aides ascendantes et souligne l’intérêt de montrer l’exemple pour être aidé au cours de ses vieux jours. À partir d’un modèle dynamique, la section 3 montre que le recours à l’effet de démonstration est plus probable pour les ménages caractérisés par un besoin important de transferts futurs. La section 4 teste les prédictions théoriques de ce modèle à partir des données de l’enquête cnav Trois Générations 1992, avec des résultats économétriques favorables à la démonstration. La section 5 conclut.

Motivations des transferts aux parents

6 Plusieurs hypothèses ont été envisagées dans la littérature économique pour expliquer les transferts inter vivos familiaux (Davies [1996], Laferrère [1999], Laitner [1997]). Ainsi, des motivations fondées sur l’altruisme, sur l’échange et sur l’effet de démonstration sont en mesure de rendre compte des aides versées par les enfants à leurs parents. Cette section présente brièvement les mécanismes de transferts sous-jacents, en insistant sur la capacité de chaque modèle à garantir une fourniture de services aux plus âgés.

L’altruisme

7 Le modèle altruiste défini par Becker [1991] met en jeu deux agents, les enfants et les parents, et il admet l’existence de sentiments bienveillants entre ces deux générations. Nous envisageons le cas d’un altruisme ascendant tel que les enfants retirent de l’utilité non seulement de leur montant de consommation, mais également du niveau de bien-être de leurs parents (Nishimura et Zhang [1992], Veall [1986]). Les enfants disposent d’un stock de ressources, temps et argent, qu’ils doivent partager entre leur consommation et les éventuelles aides versées à leurs ascendants. À l’inverse, les parents utilisent leurs revenus et ces transferts reçus pour satisfaire leurs besoins de consommation. Ce modèle est étudié en détail par Sloan et al. [2002] dont nous reprenons les principales conclusions.

8 À l’optimum, les enfants cherchent à égaliser leur utilité marginale de consommation avec l’utilité marginale de consommation des parents pondérée par le degré d’altruisme des enfants. Pour assurer cette égalisation, les enfants versent des transferts qui dépendent des positions financières des deux générations et du degré d’altruisme. Les donateurs disposent de deux stratégies pour venir en aide à leurs ascendants, des dons d’argent et des aides en temps. Les enfants les plus fortunés vont alors privilégier les aides financières, tandis que les enfants bénéficiant d’une faible rémunération sur le marché du travail vont plutôt se spécialiser dans les activités de services et de soins.

9 Deux résultats sont vérifiés dans ce modèle. D’une part, pour les aides financières, les sommes d’argent versées augmentent lorsque les enfants sont fortunés et lorsque les parents sont pauvres. Par ailleurs, cette redistribution par les transferts privés s’ajuste de manière parfaite aux variations intrafamiliales de ressources. D’autre part, les effets des revenus des enfants et des parents sur les aides en temps peuvent être positifs ou bien négatifs, mais ces dons de temps ne sont pas modifiés lorsque la distribution des revenus entre parents et enfants varie.

10 Du point de vue des personnes âgées, ce modèle n’assure aucune garantie d’être aidé par ses enfants. Dans la formalisation beckérienne, Chiappori [1994] souligne en effet que les individus altruistes détiennent la totalité du pouvoir de décision. Deux motifs justifient alors l’incertitude pour les parents. D’une part, l’altruisme est un paramètre exogène dans le modèle proposé par Becker [4]. Or, les parents ne peuvent a priori guère savoir quelles sont les intentions altruistes de leurs enfants et si celles-ci vont ou non se manifester. Il n’existe pas de mécanisme incitatif dans le modèle pour empêcher les enfants de se comporter de manière égoïste. Par ailleurs, si ces derniers sont faiblement altruistes, les parents ont une probabilité élevée de ne rien recevoir. Ils seraient alors dans leur intérêt de favoriser l’altruisme des enfants, ce qui est exclu avec un altruisme exogène. D’autre part, les aides sont fonction des positions financières relatives. Ainsi, des parents très fortunés ont peu de chances d’être aidés même s’ils accordent une très grande importance à l’attention de leurs enfants.

L’échange

11 Dans les modèles d’échange, les parents versent des transferts au bénéfice de leurs enfants dont ils reçoivent en contrepartie les aides désirées, cette réciprocité pouvant être immédiate ou différée dans le temps. Quatre principes d’échange doivent être distingués en fonction de la nature de l’échéancier. De ce paramètre dépend la performance du contrat passé avec les enfants en ce qui concerne la réalisation d’aides ascendantes.

12 Dans le modèle de Cox [1987] et Cox et Rank [1992], les services rendus par les enfants sont achetés par les parents au moyen de transferts financiers et il s’agit d’un paiement instantané. Formellement, les parents retirent de la satisfaction de leur consommation, des services reçus des enfants et du niveau d’utilité de ces derniers, pour lesquels la fourniture de soins représente une perte de bien-être. Les motivations des parents relèvent alors de l’altruisme lorsque les services sont rétribués au-delà de leur valeur marchande et de l’échange lorsque les aides en argent compensent exactement les enfants de la désutilité occasionnée par les services [5]. Si les parents choisissent le volume de services qu’ils veulent acheter, ce modèle pose problème puisque les enfants peuvent refuser de participer à l’échange. En l’absence de sanction explicite, le seul moyen de pression pour les parents consiste à augmenter la rémunération offerte pour les services dans le but d’accroître le bénéfice retiré par les enfants de la réciprocité. Seuls des parents fortunés seront alors en mesure de recevoir des services des enfants au cours de leurs vieux jours.

13 Cox [1990] et Cox et Jappelli [1990] proposent une extension intertemporelle à deux périodes de ce modèle, où la famille se substitue au marché bancaire. Dans une première période, les parents versent de l’argent à leurs enfants contraints par la liquidité et ils en reçoivent le remboursement en seconde période sous forme d’argent ou de services. Lorsque les enfants sont dans le besoin et retirent une satisfaction importante des aides, ils vont accepter des prêts intergénérationnels à un taux qui peut excéder celui offert sur le marché financier. À l’instar du modèle statique précédent, les motivations relèvent alternativement de l’altruisme et de l’échange selon que les enfants retirent ou non de l’utilité du prêt. Si les transferts augmentent l’utilité globale des enfants en cas d’altruisme et sont des subsides de consommation, les aides correspondent à des investissements en cas d’échange. Or, dans ce modèle à deux générations, les parents n’ont aucune garantie sur le remboursement de leurs enfants. Cox [1990, p. 191] est ainsi obligé de faire l’hypothèse que les enfants honoreront leurs dettes en seconde période. Prêter de l’argent pour recevoir ultérieurement des services est donc un investissement très risqué pour les parents.

14 Le principe de réciprocité est inversé dans le modèle d’échange stratégique de Bernheim et al. [1985], où les enfants doivent d’abord fournir des services à leurs parents âgés avant d’en recevoir le paiement monétaire au moment de l’héritage. Les parents qui disposent d’un patrimoine profitent de l’existence de ce legs futur pour jouer leurs enfants les uns contre les autres afin d’en retirer un niveau d’attention maximal. Ce jeu séquentiel non coopératif comporte deux étapes. Les parents choisissent d’abord leur consommation, le montant de leur succession et la règle de partage du legs, puis les enfants procurent des services et reçoivent au décès de leurs parents la part d’héritage stipulée par la règle de partage. La résolution de ce jeu repose sur l’hypothèse de crédibilité de la menace, telle que les parents doivent pouvoir déshériter les enfants refusant l’échange [6]. Ce modèle offre une garantie réelle d’être aidé par ses enfants, mais il existe de nombreuses limites à sa mise en place. Par exemple, la menace d’être déshérité n’est pas crédible dans le cas de l’enfant unique et la possibilité d’une coalition entre les enfants pour se partager l’héritage au décès est envisageable (Cigno [1991]). Surtout, les parents doivent avoir la liberté de tester pour réaliser des partages inégalitaires en fonction des efforts individuels. Or, en France, il existe une limite à l’inéquirépartition donnée par la quotité disponible.

15 Un dernier modèle concerne l’échange intertemporel égoïste proposé par Cigno (1993). Le mécanisme est ici différent puisqu’il implique la présence de trois générations. Dans un cadre égoïste, les aides versées aux jeunes correspondent à un investissement dont le remboursement ultérieur représente les ressources du donateur initial pour ses vieux jours. Selon cette mutualité familiale, la condition pour recevoir des aides dans le futur consiste à assurer au préalable l’éducation de ses enfants et à apporter des soins à ses propres parents. La stratégie familiale est donc telle que chaque adulte accorde un prêt à ses enfants et rembourse ses parents du transfert reçu dans sa jeunesse. Le contrat familial perdure tant que chaque génération coopère et s’interrompt dans le cas contraire, si bien que la constitution familiale devient auto-réalisatrice.

L’effet de démonstration

16 De manière claire, le problème principal des modèles à deux générations fondés sur l’altruisme et l’échange concerne l’absence de sanction pour les enfants dans le cas où ces derniers ignorent leurs parents.

17 L’extension du cadre d’analyse des transferts familiaux à trois générations permet la mise en place d’une menace crédible. Suivant l’effet de démonstration proposé par Cox et Stark [1996, 1998a], les enfants effectuent des transferts à leurs parents afin de recevoir à la période suivante des aides identiques de leurs propres enfants [7]. Compte tenu des mécanismes d’imitation, les enfants ne seront pas aidés sur leurs vieux jours s’ils ne montrent pas d’abord l’exemple en s’occupant de leurs ascendants âgés. Ainsi, la sanction porte directement sur les transferts escomptés de ses propres enfants, de telle sorte que chaque individu se trouve dans l’obligation de préparer ses vieux jours durant sa vie active. L’effet de démonstration met en œuvre un échange indirect, où l’on donne d’abord à ses ascendants pour ensuite recevoir de ses descendants (Masson [1999]).

18 Le modèle théorique développé par Bergstrom et Stark [1993] et Cox et Stark [1996] implique la présence de trois générations successives : les grands-parents G1, les parents G2 et les enfants G3. L’effet de démonstration admet la possibilité d’une imitation des comportements de transferts ascendants de G2 par G3. Si les enfants G3 peuvent reproduire les actions observées de leurs parents, ils ont également la possibilité de choisir une attitude égoïste qui maximise leur intérêt propre. Cependant, dans ce dernier cas, ce comportement égoïste a de fortes chances d’être copié par les descendants de G3. Les parents G2 se caractérisent par une fonction d’utilité U(X, Y) quasi concave, continue et deux fois différentiable, où X correspond aux transferts versés par G2 à G1 et Y désigne les aides versées par G3 à G2. S’il est coûteux d’aider ses parents, le niveau d’utilité augmente avec les services reçus de ses enfants (U1 < 0, U2 >0). Notant ? la probabilité exogène que G2 soit imité par G3, les parents G2 cherchent à maximiser l’utilité espérée :

19

equation im1
Suivant Cox et Stark [1996], on note UI = U(X, Y) l’utilité des parents donateurs lorsque leurs enfants sont des imitateurs et US = U(X, Y) l’utilité des parents donateurs lorsque leurs enfants maximisent égoïstement leur niveau de satisfaction. D’après la condition de premier ordre obtenue par la maximisation de EU (X, Y, ?)
equation im2
le coût marginal du transfert aux ascendants âgés est égal à l’équilibre au bénéfice marginal escompté de l’imitation ?UI 2[8]. Le transfert d’équilibre equation im3 obtenu d’après (2) peut être noté sous la forme equation im4 et le modèle de démonstration génère plusieurs prédictions théoriques testables qui ne sont pas vérifiées en cas d’altruisme ou d’échange.
Tout d’abord, l’aide fournie par G2 à G1 augmente avec la probabilité d’imitation ? par les enfants G3 puisqu’on a equation im5 . Ensuite, les transferts de G2 à G1 sont conditionnés par la présence d’enfants G3. En l’absence de descendance, la génération G2 n’a aucun intérêt à s’occuper de ses parents de telle sorte que les grands-parents G1 préféreraient avoir de nombreux petits-enfants (Cox et Stark [1998b]) [9]. Enfin, l’effet de démonstration met en évidence l’importance de la composition des transferts apportés aux plus âgés. Ceux-ci doivent surtout s’exercer sous une forme visible dans le souci de favoriser l’imitation future des enfants (Cox et Stark [1996]). Il est alors dans l’intérêt pour les parents de privilégier des aides ascendantes sous forme d’attention et de services plutôt que de verser de l’argent. Dans un registre similaire, le bénéfice escompté de la démonstration s’accroît en présence de jeunes enfants compte tenu de la relation entre les expériences vécues dès le plus jeune âge et les préférences adultes (Becker [1993]).
Parmi les hypothèses théoriques envisagées, la théorie de la démonstration paraît la plus efficace pour les parents. À condition qu’ils aient eux-mêmes montré l’exemple dans le passé, ces derniers peuvent compter sur les services de leurs enfants qui autrement seront punis par leurs propres descendants. L’effet de démonstration fournit donc un principe de réciprocité stable fondé sur une coopération incitative entre les générations pour que les générations suivantes coopèrent, et la perpétuation auto-entretenue de ces comportements constitue une incitation suffisante pour que chaque génération coopère égoïstement [10]. Le modèle de Cox et Stark [1996] pose cependant plusieurs problèmes dans la mesure où il s’agit d’une simple loterie. Par exemple, le fait d’aider ses parents ne modifie en aucun cas la probabilité d’imitation des enfants. Surtout, avec cette présentation statique, les caractéristiques personnelles des aidants n’influencent pas les comportements de transferts ascendants, qui sont seulement fonction de la probabilité d’imitation à l’équilibre. La crédibilité d’une sanction en cas d’oubli des parents est clairement remise en cause.
Puisque l’effet de démonstration constitue un moyen efficace pour les parents de recevoir sur leurs vieux jours des services de leurs enfants, nous nous intéressons à présent en détail à cette hypothèse. Dans ce but, nous proposons un modèle dynamique de transferts qui permet de déterminer les caractéristiques des individus ayant un intérêt accru à utiliser l’effet de démonstration.

Modélisation dynamique de la démonstration

Le modèle

20 Pour étudier les choix d’investissement dans la démonstration, nous proposons un modèle dynamique de transferts familiaux suivant le principe de Cox et Stark [1996], où les parents G2 versent des aides aux grands-parents G1 pour recevoir en retour des aides de leurs enfants G3. Ce besoin de services futurs pour la génération G2 se justifie par la crainte de la solitude et par l’effet du vieillissement, tels que les parents se caractérisent par une préférence forte pour l’attention et les soins reçus de leurs enfants sur leurs vieux jours.

21 Le mécanisme de transfert est le suivant. D’un côté, les parents G2 subissent une perte d’utilité en montrant l’exemple par des transferts à leurs ascendants G1. De l’autre, les aides escomptées de leurs enfants G3 par le processus d’imitation permettent, en revanche, de diminuer leur vulnérabilité. Le modèle initial se trouve donc amélioré, puisque les parents qui n’aident pas les grands-parents sont sûrs de ne pas être aidés en retour. Suivant Cox et Stark [1996], nous retenons pour la présentation un modèle d’imitation immédiate, de telle sorte que les comportements d’aide ascendants sont aussitôt imités par les enfants G3. Cette approche, certes simplificatrice, demeure toutefois plausible dans le cas où coexistent plusieurs générations âgées. Cette simultanéité peut aussi se justifier par le fait que les individus maximisent leur utilité instantanée sur un horizon infini [11].

22 Les parents G2 se caractérisent par un niveau de vulnérabilité courant vt , qui renseigne sur leur état de santé à la date t. On suppose que le niveau de vulnérabilité fatale est une variable aléatoire notée equation im6 , que les parents peuvent connaître à chaque instant. La probabilité equation im7 est donc celle de ne plus être en vie à la période t. Le niveau de vulnérabilité vt des parents évolue dans le temps en fonction des transferts reçus des n enfants et des prestations publiques suivant l’équation d’état suivante [12] :

equation im8
où ? correspond à un paramètre exogène d’aggravation de la vulnérabilité dans le temps (? > 0) [13]. Celui-ci peut être interprété comme un facteur de vieillissement. Pour indiquer l’imitation intergénérationnelle, nous supposons l’existence d’une fonction de support global notée S pour les parents G2, qui traduit le bénéfice escompté de l’effet de démonstration. Elle comprend deux arguments que sont les aides familiales X t reçues en retour des enfants à la date t et les prestations publiques de l’État notées E t . La fonction de support global S(X t , E t ) est donc croissante selon le volume d’aides reçues (SX = ?S/?X > 0, SE = ?S/?E > 0) [14]. Clairement, les transferts reçus permettent de diminuer le niveau de vulnérabilité des parents. L’état de santé de ces derniers s’améliore toutes choses égales par ailleurs lorsqu’ils bénéficient d’une attention soutenue et des soins de leurs enfants pendant leurs vieux jours.
Les parents G2 cherchent à maximiser une fonction d’utilité U supposée strictement quasi concave, continue et deux fois différentiable. Celle-ci comporte deux arguments qui sont le revenu individuel W supposé constant et le volume des transferts X t versés par G2 à G1. Alors que le niveau de satisfaction U(W, X t ) croît avec la richesse parentale (UW = ?U/?W > 0), le fait de montrer l’exemple à ses enfants G3 en aidant ses ascendants G1 représente un coût important pour les parents, ce qui diminue leur niveau de bien-être (UX = ?U/?X < 0). À chaque instant, l’utilité espérée des parents est donnée par :
equation im9
equation im10 avec F(.) la fonction de répartition du niveau de vulnérabilité fatale equation im11 . Le terme (1 – F(vt )) indique donc la probabilité d’être en vie. Dans ce modèle dynamique, les parents G2 peuvent contrôler, dans une certaine mesure, l’évolution de leur vulnérabilité par le choix des transferts familiaux X t versés à G1, ces comportements d’aides étant imités par les enfants G3. Ainsi, le programme de contrôle pour les parents G2 consiste à maximiser le niveau d’utilité espérée au taux d’escompte subjectif ? sous la contrainte donnée par l’évolution de la vulnérabilité dans le temps [15] :
equation im12
Le Hamiltonien correspondant à ce problème de maximisation s’écrit :
equation im13
avec ? la variable de co-état associée à v. Nous pouvons alors déterminer la valeur optimale du transfert familial notée equation im14 obtenu pour ce modèle de démonstration.
Pour ce programme de contrôle optimal, les conditions d’équilibre sont les suivantes :
equation im15
Pour la résolution, on considère l’équilibre stationnaire caractérisé par les deux conditions equation im16 et equation im17 . Étant donné equation im18 , on obtient
equation im19
que l’on substitue ensuite dans la condition d’optimalité ?H/?X = 0. Le niveau optimal de transfert de long terme equation im20 est alors donné par :
equation im21
L’interprétation de cette équation d’équilibre stationnaire est la suivante. À l’optimum, le coût marginal equation im22 résultant des transferts versés par G2 à G1 doit être égal au bénéfice marginal escompté de la démonstration equation im23 qui indique la réduction de vulnérabilité courante pour G2 suite aux aides en retour de G3. La condition d’équilibre précédente peut aussi s’interpréter en termes d’élasticités, dans la mesure où l’on peut réécrire l’égalité (8) sous la forme [16] :
equation im24
Notant equation im25 l’élasticité du support familial de G3 à G2, ev = v f(v)/(1 – F(v)) l’élasticité de la vulnérabilité et equation im26 l’élasticité du coût des aides de G2 à G1, l’équation d’équilibre fournit la proportionnalité suivante entre les différentes élasticités :
equation im27
La condition d’équilibre (8) montre, par ailleurs, que l’existence d’une solution intérieure pour le modèle nécessite que la valeur du paramètre de vieillissement ? ne soit pas trop importante. En effet, dans le cas où l’on a ? ? ?, on obtient equation im28 . Compte tenu des signes de UX et de SX, respectivement négatif et positif, l’inégalité ? – ? > 0 doit être vérifiée d’après (8) pour que le bénéfice marginal espéré de la démonstration demeure strictement positif. Ce résultat est intuitif. Un facteur de vieillissement trop élevé décourage les parents à montrer l’exemple en apportant des services à leurs ascendants. Lorsque leur état de santé décline rapidement, la réduction de vulnérabilité escomptée des transferts reçus des enfants devient trop faible au regard des efforts fournis.

Prédictions théoriques

23 Nous examinons à présent les effets des différentes variables sur le niveau de transfert d’équilibre equation im29 . Pour la résolution, on admet que la condition ? > ? est vérifiée puisque celle-ci assure l’existence de solutions intérieures. Dans un souci de simplification, la fonction d’utilité U(W, X) est retenue sous la forme linéaire U(W – CX), où C indique le coût de la fourniture des services de G2 à G1. Ce coût est très fortement corrélé avec la distance séparant les deux générations. La condition d’équilibre (8) peut alors être réécrite suivant :

equation im30
h(v) = f(v)/(1 – F(v)) correspond à la fonction de hasard de la distribution qui mesure la vulnérabilité anticipée par les parents. La solution d’équilibre equation im31 donnée par (11) que l’on note sous la forme equation im32 vérifie plusieurs propriétés [17].
? Les transferts versés par G2 à G1 augmentent avec le niveau de revenu des parents :
equation im33
puisque la fonction d’utilité U est retenue strictement quasi-concave (U? > 0, U? < 0).
? Un coût élevé des soins ascendants décourage la fourniture de services de G2 à G1 :
equation im34
Lorsque les parents vivent éloignés de leurs ascendants, le coût marginal résultant de l’effet de démonstration augmente compte tenu de l’importance des coûts de transaction dans la fourniture de services (temps de déplacement par exemple).
? L’anticipation de difficultés de santé futures qui est donnée par le taux de hasard h(v) de la vulnérabilité exerce un effet positif sur les transferts familiaux de G2 à G1 :
equation im35
Le recours à l’effet de démonstration dépend donc de l’anticipation par les parents de leur propre état de santé dans le futur. Les aides des enfants sont en effet d’autant plus utiles que le niveau de vulnérabilité courant des parents est important. En cas de difficultés futures, ces derniers ont alors intérêt à investir aujourd’hui davantage dans la démonstration pour recevoir en retour des soins de leurs enfants.
? Une interprétation similaire peut être donnée au paramètre de vieillissement. La variable ? joue positivement sur le transfert d’équilibre lorsque ? < ? :
equation im36
Lorsqu’elle n’est pas trop importante, l’aggravation de la vulnérabilité dans le temps incite à prodiguer davantage de soins pour montrer l’exemple. Les transferts futurs des enfants seront plus utiles pour les parents si ces derniers se retrouvent rapidement en mauvaise santé. Néanmoins, si la détérioration est trop rapide (? ? ?), les incitations à recourir à l’effet de démonstration sont nulles puisque les parents n’ont aucune chance de bénéficier des aides en retour de leurs enfants.
? Les transferts de G2 à G1 diminuent avec le taux d’escompte subjectif des aidants :
equation im37
Ce résultat montre formellement l’incitation accrue pour les femmes à utiliser l’effet de démonstration (Cox et Stark [1996], Jellal et Wolff [2000]). D’un côté, les femmes vivent plus longtemps que les hommes et elles peuvent bénéficier des services de leurs enfants sur un intervalle de temps accru. De l’autre, les femmes sont généralement plus jeunes que leurs maris. Si ces derniers sont principalement pris en charge par leur épouse sur leurs vieux jours, le risque de veuvage accru pour les femmes rend nécessaire le recours aux aides des enfants durant les périodes de dépendance [18].
? L’investissement dans l’effet de démonstration n’est pas nécessairement plus productif en présence de plusieurs enfants. L’effet de n sur le choix de transfert optimal dépend de la valeur de l’élasticité de support familial :
equation im38
D’après (17), l’effet de n sur equation im39 est donné par equation im40 . La présence de nombreux enfants diminue le niveau de services ascendants lorsque la fonction de support familial S est très concave, ce qui correspond à une valeur faible de l’élasticité e S.
? La nature de l’interaction entre les aides privées et publiques, substituable ou bien complémentaire, conditionne l’effet de la prestation E sur le choix d’équilibre equation im41  :
equation im42
L’effet des subsides dépend alors du signe de la dérivée seconde SXG. Lorsque les deux supports equation im43 et E sont complémentaires (SXE > 0), les parents vont faire davantage de transferts au bénéfice de leurs ascendants. À l’inverse, dans le cas de la substituabilité (SXE > 0), les parents sont incités à prodiguer moins de services puisque les aides futures des enfants résultant de l’effet de démonstration seront progressivement évincées par une extension des prestations de nature publique.

Les transferts aux parents âgés en France

24 Nous examinons à présent la pertinence de cet effet de démonstration pour expliquer les aides versées aux personnes âgées en France. Si celles-ci peuvent recevoir deux types de ressources de leurs enfants sur leurs vieux jours, de l’argent et des aides en temps, l’effort financier de la famille intervient directement en concurrence avec les mécanismes de retraite par répartition. Cette substitution explique assurément la diffusion limitée des versements d’argent par les enfants aux plus âgés en France, avec une proportion d’aidants inférieure à 10 % (Attias-Donfut [1995], Wolff [2000]). À l’inverse, les transferts en temps sous forme d’aides à la vieillesse et à la dépendance se caractérisent par une diffusion plus importante, avec plus de 30 % des enfants qui s’occupent de leurs parents.

25 Compte tenu de la substituabilité imparfaite des aides en temps de nature familiale et publique, le recours à la démonstration est donc plus avantageux pour ce type de solidarités, avec une rentabilité espérée accrue. De fait, notre étude empirique se limite volontairement à l’étude des aides en temps à partir des données de l’enquête cnav Trois Générations 1992 [19]. Cette source statistique, qui renseigne sur les solidarités pour des familles comprenant au moins trois générations adultes, permet de tester avec précision la théorie de la démonstration. L’étude économétrique examine les caractéristiques des adultes qui viennent en aide à leurs parents âgés, d’une part, en contrôlant l’hétérogénéité familiale non observable au sein de la fratrie, d’autre part, en tenant compte des déterminants complets des aidants et des aidés dans les régressions [20].

L’enquête cnav Trois Générations

26 Menée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse en 1992, l’enquête Trois Générations s’intéresse aux comportements de solidarités pour des familles comprenant au moins trois générations adultes indépendantes sur le plan économique : grands-parents, parents et enfants encore dénommés selon la terminologie vieux, pivots et jeunes.

27 La méthodologie retenue pour la construction de cette source statistique comporte deux étapes principales. Dans un premier temps, l’enquête interroge un échantillon aléatoire de personnes nées entre 1939 et 1943, tiré à partir du recensement de la population de 1990 sur le territoire français métropolitain [21]. Les adultes sélectionnés doivent alors avoir au moins un parent âgé en vie et au moins un enfant adulte, celui-ci étant âgé de 18 ans et plus s’il vit hors du domicile parental ou âgé d’au moins 22 ans et non étudiant s’il vit au domicile parental. Une pré-enquête téléphonique a permis de repérer l’éventuelle appartenance à une famille comprenant au moins trois générations adultes. Ce critère était vérifié pour environ 60 % des personnes interrogées, et 84 % d’entre elles ont alors indiqué l’adresse d’au moins un de leur parent en vie et 94 % celle d’un enfant adulte. Les interviews de l’un des parents et de l’un des enfants satisfaisant aux conditions précédentes et choisis de manière aléatoire ont ensuite été réalisées.

28 Pour les différentes personnes ainsi sélectionnées, des entretiens d’une durée moyenne de 90 minutes ont été réalisés au domicile de l’enquêté à partir de questionnaires dont la majeure partie était commune aux membres des trois générations. Compte tenu de la procédure d’échantillonnage, les trois générations représentent des groupes d’âge relativement homogènes. Outre les pivots dont l’écart d’âge n’excède pas six ans, les jeunes ont pour la plupart entre 20 et 30 ans et les vieux appartiennent dans une large majorité à la tranche d’âge de 70 à 90 ans. En associant des cohortes bien définies aux générations familiales, cette enquête permet alors d’étudier trois groupes caractérisés par une position distincte dans le cycle de vie et ayant vécu une histoire sociale propre. Au total, l’enquête comprend 1 958 pivots (la génération médiane G2), 1 493 jeunes adultes (G3) et 1 217 vieux parents (G1), ce qui fournit un total de 4 668 individus membres de 1 958 lignées.

29 Si cette enquête est représentative des familles à trois générations adultes en France, elle interroge néanmoins une fenêtre limitée d’observations compte tenu de la cohorte retenue pour les pivots. En particulier, les enfants du baby-boom et, dans une moindre mesure, les ménages très âgés ne sont guère pris en compte. En dépit de ces sélections multiples sur la population étudiée, qui limitent l’interprétation des résultats à ce type de familles à trois générations adultes, cette enquête s’avère particulièrement appropriée à l’étude économique de la solidarité familiale en France. Elle présente plusieurs avantages significatifs pour tester la pertinence de l’effet de démonstration.

30 Par définition, cette enquête concerne exclusivement des familles trigénérationnelles composées de G1, G2 et G3. Or, compte tenu du processus d’imitation à l’œuvre, l’aide de G2 à G1 étant destinée à favoriser l’aide ultérieure de G3 à G2, la mise en place de l’effet de démonstration nécessite l’existence d’une troisième génération G3. Celle-ci peut alors directement observer les attitudes de transferts choisies par ses parents et, le cas échéant, les imiter dans le futur. Comme le soulignent Cox et Stark [1996, 1998a], la caractéristique fondamentale de la théorie de l’effet de démonstration tient d’ailleurs à cette extension du cadre d’analyse des transferts familiaux à la considération de deux à trois générations, ce qui permet de générer des prédictions différenciées par rapport aux modèles bigénérationnels fondés sur l’altruisme et sur l’échange.

31 L’hypothèse de démonstration apporte également des restrictions sur la nature des transferts à prendre en compte. Si la génération G2 dispose de deux types de ressources pour venir en aide à ses parents G1, de l’argent et du temps, Cox et Stark [1996] insiste sur la nature visible des transferts à apporter à G1. De ce fait, les aides en temps doivent nécessairement être préférées à la fourniture d’argent dans la mesure où elles peuvent être directement vécues par les enfants G3, avec une efficacité accrue en termes de formation des préférences [22]. Par ailleurs, pour ces services, il est dans l’intérêt pour les parents G2 de privilégier les visites qui sont personnellement rendues aux ascendants plutôt que de leur envoyer des courriers ou d’avoir des conversations téléphoniques. Ces restrictions conduisent alors Cox et Stark [1996] à retenir dans leur analyse les variables de contacts et de visites avec les ascendants, mais cette définition soulève une difficulté supplémentaire relative au sens des transferts. En effet, les visites rendues par G2 à G1 ne correspondent pas nécessairement à des aides au bénéfice de G1 (Wolff [2001]) [23].

32 Afin de satisfaire à cette double restriction pour les solidarités, qui doivent s’exercer sous une forme non monétaire et dans le sens ascendant, nous avons volontairement limité l’analyse aux transferts sous forme d’aides en temps à la dépendance et à la vieillesse qui sont apportés par G2 à G1. Ce type de solidarités familiales paraît en effet le plus approprié pour les pivots afin de mettre en place la démonstration et d’en accroître l’efficacité. D’un côté, ces aides à la vieillesse qui bénéficient aux personnes âgées et représentent une charge réelle pour les aidants se caractérisent par une visibilité importante influençant les attitudes futures de G3 et correspondent aux types de services escomptés en retour par G2. De l’autre, l’âge des individus G2 dans l’enquête augmente le bénéfice futur espéré de la démonstration. Les pivots sont en effet proches de la retraite et ils auront besoin du soutien de leurs enfants sur leurs vieux jours à courte échéance.

33 L’enquête Trois Générations comporte deux types d’informations pour étudier les aides sous forme de services à la vieillesse rendus par G2 à G1. D’une part, à partir du questionnaire G1, les plus âgés sont interrogés sur l’existence d’aides régulières dans la vie quotidienne reçues de leur entourage. Dans l’affirmative, on connaît avec précision les deux personnes qui apportent le plus d’aide. Cette question permet alors de déterminer quelles sont les caractéristiques des enfants au sein de la fratrie qui s’occupent en priorité de leurs parents âgés. D’autre part, à partir du questionnaire G2, chaque pivot enquêté indique s’il apporte ou non une aide en raison de problèmes de santé ou de vieillesse à ses parents et le temps d’aide global consacré. Avec cette information et compte tenu de la construction de l’enquête, on dispose alors des caractéristiques exhaustives de l’aidant et de l’aidé pour expliquer les comportements de transferts ascendants.

34 Ces deux types d’informations confèrent un double avantage à l’étude économétrique. D’un côté, les réponses de la génération G1 qui renseigne sur quelques caractéristiques de leurs différents enfants permettent d’étudier les aides reçues au niveau des fratries G2, avec un contrôle de l’hétérogénéité familiale non observable au sein de chaque famille par une procédure à effet fixe. De l’autre, les réponses de la génération G2 permettent pour un pivot donné de tenir compte des positions socio-économiques des deux prestataires G2 et G1 concernés par le transfert. Ce contrôle s’avère particulièrement important dans la mesure où l’omission des caractéristiques de l’une des deux générations peut engendrer un biais important pour les estimateurs obtenus (Altonji et al. [1997]). Ces deux aspects sont successivement considérés dans l’étude économétrique.

Les aides au sein des fratries pivots

35 Partant des déclarations des plus vieux, nous étudions les choix de transferts ascendants au sein des fratries pivots. Il s’agit alors de comparer la position socio-économique des aidants par rapport à celle de leurs frères et sœurs qui ne font pas de transfert. Dans ce but, nous avons individualisé le fichier initial portant sur les parents G1 (soit 1 217 observations) de telle sorte que chacun de leurs enfants G2 compte désormais pour une observation. Ainsi, une personne âgée ayant n enfants contribue pour n individus dans le nouvel échantillon qui comporte au total 4 519 observations. Si les caractéristiques fournies par G1 sur chaque enfant restent limitées, il est tout de même possible de tester l’effet de démonstration puisqu’on connaît les variables de sexe, d’âge, de statut matrimonial, de nombre d’enfants, de diplôme, de catégorie sociale et de distance avec les parents. Cette analyse des fratries se limite aux décisions d’aides à défaut des temps individuels.

36 Le tableau 1 propose une comparaison descriptive des deux sous-populations pour les frères et sœurs, aidants et non-aidants, qui met en évidence des comportements compatibles avec la démonstration [24]. Ainsi, les femmes prennent plus souvent en charge les parents âgés que les hommes. Les aidants sont plus nombreux que leurs frères et sœurs à être âgés de 50 à 54 ans. Ces caractéristiques de sexe et d’âge sont des indicateurs de vulnérabilité. Les femmes ne peuvent compter sur le soutien de leurs maris sur leurs vieux jours, les plus âgés auront plus rapidement besoin de l’aide de leurs enfants, même si l’effet joue dans le sens inverse pour les plus de 55 ans. L’incidence du statut matrimonial peut également s’interpréter dans ce sens, l’absence de conjoint (célibat, veuvage) favorisant l’aide aux ascendants [25]. Néanmoins, les personnes seules disposent vraisemblablement d’un temps libre accru. Cette même explication peut s’appliquer aux retraités et aux inactifs qui réalisent plus souvent des transferts. Pour le nombre d’enfants, ce sont plutôt les individus sans enfants qui aident proportionnellement le plus leurs parents, ce qui va à l’encontre de la démonstration. Les comportements ne sont guère affectés par le diplôme et la catégorie sociale. Enfin, les aides sont d’autant plus fréquentes que les pivots vivent à proximité de leurs parents, avec plus de trois quarts des aidants habitant à moins de 10 kilomètres.

Tableau 1

Caractéristiques des enfants adultes qui aident leurs parents par rapport à leurs frères et sœurs

(en %)
Caractéristiques des enfants adultes Aidants (N = 487) Fratrie (N = 1160)
Sexe
Masculin 33,2 57,1
Féminin 66,8 42,9
Âge
Moins de 45 ans 16,1 18,3
De 45 à 49 ans 21,3 22,6
De 50 à 54 ans 41,2 35,7
55 ans et plus 21,4 23,5
Aîné 34,3 26,8
Statut matrimonial
Célibataire 14,4 6,9
Marié 73,1 80,8
Divorcé 7,3 9,1
Veuf 5,2 3,3
Nombre d’enfants
Pas d’enfant 13,4 7,5
1 enfant 19,1 18,2
2 enfants 33,4 33,8
3 enfants 21,3 23,6
4 enfants et plus 12,7 16,8
Diplôme
Aucun diplôme 25,4 33,7
cepbepc 41,4 35,4
capbep 21,9 18,9
Baccalauréat 6,1 6,3
Études supérieures 5,1 5,7
Statut d’activité
Travail 66,6 71,5
Chômage 2,8 3,0
Retraité 10,5 9,7
Sans activité 20,1 15,9
Catégorie sociale
Agriculteur 9,5 7,9
Indépendant 6,6 6,4
Cadre – prof. supérieure 4,3 7,1
Prof. intermédiaire 11,4 12,0
Employé 31,1 25,7
Ouvrier 24,1 30,0
Inactif 11,1 8,1
Distance
Moins de 1 km 50,9 12,5
De 1 à 9 km 26,0 20,3
De 10 à 49 km 17,1 28,0
De 50 à 99 km 3,2 9,2
De 100 à 500 km 1,6 15,9
Plus de 500 km 1,2 14,0

Caractéristiques des enfants adultes qui aident leurs parents par rapport à leurs frères et sœurs

Les taux moyens sont calculés seulement pour les familles qui se caractérisent par des comportements d’aides ascendantes différents entre les enfants d’une même fratrie. Les calculs sont pondérés par la taille de la fratrie.
Source: Enquête cnav Trois Générations 1992.

37 En ce qui concerne l’étude économétrique de ces choix individuels, il convient de tenir compte de la corrélation vraisemblable des caractéristiques non observables des frères et sœurs pour chaque fratrie, qui conduit à biaiser les coefficients des estimateurs. Ces facteurs non observables correspondent, par exemple, à la générosité des parents ou bien encore à leurs obligations financières. Avec plusieurs observations par famille, il est possible de contrôler ces facteurs communs à tous les enfants par une procédure à effets fixes. Nous avons donc estimé une régression logistique conditionnelle suivant la procédure d’Andersen-Chamberlain (Chamberlain [1980]). Cette technique consiste à estimer pour les familles ayant au moins deux enfants la probabilité que l’un des pivots, mais pas tous, apporte des services en temps à ses parents âgés [26]. La régression comporte alors seulement les caractéristiques des enfants dans la mesure où l’effet fixe familial capture la totalité des déterminants observables et non observables des parents, qui sont par définition communs à tous les enfants d’une fratrie donnée.

38 Les résultats de l’estimation économétrique, présentés dans le tableau 2, indiquent que les effets descriptifs précédents sont, pour la plupart, significatifs. Ainsi, la probabilité qu’un enfant apporte de l’aide à ses parents est plus importante pour les femmes, pour les aînés de fratrie et pour ceux qui vivent seuls (surtout les célibataires). Ces différents facteurs traduisent des besoins accrus de transferts futurs qui favorisent le recours à la démonstration, avec un bénéfice marginal espéré supérieur. Toutefois, l’effet positif du célibat doit être interprété avec prudence, puisque les célibataires devraient être plus souvent sans enfant. Nous avons donc séparé dans la régression les célibataires sans enfant et ceux avec enfants. Les résultats révèlent que les deux variables exercent une incidence positive, mais le coefficient reste significatif seulement pour ceux qui n’ont pas d’enfants. Néanmoins, la conclusion reste fragile puisque, par définition, le nombre de célibataires reste limité dans l’échantillon.

Tableau 2

Probabilité pour un enfant adulte de venir en aide à ses parents

Variables Tous les enfants Enfants actifs
Caractéristiques de l’enfant coefficient t de Student coefficient t de Student
Sexe féminin 1,401 8,31 1,324 7,53
Âge – 0,017 – 1,10 – 0,015 – 0,87
Aîné 0,387 2,16 0,442 2,24
Statut matrimonial
Marié 0 0
Célibataire 1,096 4,29 1,286 4,70
Divorcé – 0,144 – 0,55 – 0,187 – 0,64
Veuf 0,582 1,73 0,581 1,55
Nombre d’enfants – 0,187 – 3,06 – 0,147 – 2,23
Nombre de petits-enfants 0,018 0,36 0,034 0,59
Niveau d’éducation
Aucun diplôme 0 0
cepbepc 0,129 0,60 – 0,037 – 0,16
capbep 0,410 1,52 0,381 1,30
Baccalauréat – 0,715 – 1,49 – 0,929 – 1,80
Études supérieures – 0,420 – 0,72 – 0,383 – 0,65
Catégorie sociale
Agriculteur 0,452 1,27 0,470 1,41
Indépendant – 0,083 – 0,23 – 0,054 – 0,17
Cadre – 1,054 – 1,76 – 1,104 – 1,93
Profession intermédiaire 0,583 1,76 0,611 2,03
Employé – 0,065 – 0,27 – 0,056 – 0,27
Ouvrier 0,114 0,45 0
Inactif 0
Distance (10e – 2) – 0,805 – 7,65 – 0,792 – 7,02
Nombre d’observations (familles) 1 647 (385) 1 379 (359)
Log vraisemblance – 411,82 – 342,27
Chi2 (degrés de liberté) 339,40 (19) 293,95 (18)
Pseudo-R2 0,292 0,300

Probabilité pour un enfant adulte de venir en aide à ses parents

Modèle Logit à effets fixes estimé sur l’échantillon des familles caractérisées par une variable dépendante diffé rente entre les enfants d’une même fratrie.
Source: Enquête cnav Trois Générations 1992.

39 L’effet de sexe ne correspond a priori pas seulement à un effet de prix du temps. Les fortes différences observées demeurent lorsqu’on exclut les enfants inactifs de la régression, mais cela n’épuise pas l’explication par le coût du temps en l’absence de variables de revenu permanent et de patrimoine [27]. Cox et Stark [1996] suggèrent quand même que le soutien plus important des femmes constaté dans les faits ne peut pas être uniquement le résultat d’une spécialisation entre travail et activité domestique de la part des conjoints. L’engagement accru des femmes est en tout cas compatibles avec l’hypothèse de démonstration. Enfin, la probabilité de faire un transfert ascendant diminue avec le nombre d’enfants et surtout avec la distance géographique entre les deux générations, même si l’exogénéité de cette dernière variable n’est pas certaine.

Les aides entre parents et enfants enquêtés

40 Si l’information disponible sur les fratries pivots renseigne de manière imparfaite sur la vulnérabilité des aidants et donc leurs besoins de transferts futurs, l’enquête Trois Générations permet d’étudier de manière plus précise les comportements de transferts ascendants pour les pivots effectivement enquêtés. On connaît alors les caractéristiques détaillées de ces aidants potentiels et celles de leurs parents âgés pour un échantillon de 1 217 observations. D’après les données, la proportion de pivots qui apportent une aide à la vieillesse où à la dépendance à leurs parents s’élève à 25,4 %, et le temps moyen consacré est un peu inférieur à sept heures par semaine. Pour l’analyse économétrique, nous avons estimé la probabilité d’apporter une aide en temps à ses parents par un modèle Probit et le temps moyen hebdomadaire consacré à partir d’un modèle Tobit [28]. Les résultats de l’estimation, qui sont respectivement présentés dans les tableaux 3 et 4, diffèrent peu pour les choix discret et continu que nous commentons simultanément.

Tableau 3

Existence d’une aide en temps apportée par les pivots aux vieux

Variables Tous les pivots Pivots actifs
coefficient t de Student coefficient t de Student
Constante – 3,411 – 2,13 – 4,221 – 2,25
Caractéristiques du vieux
Sexe féminin 0,339 2,94 0,317 2,34
Âge 0,063 5,89 0,073 5,77
Veuf 0,225 2,18 0,301 2,45
Nombre d’enfants en vie – 0,066 – 2,81 – 0,050 – 1,84
Âge de fin de scolarité 0,003 0,26 – 0,003 – 0,18
État de santé
Bon 0 0
Moyen 0,137 1,36 0,135 1,16
Médiocre 0,401 3,42 0,522 3,85
Existence d’une aide professionnelle 0,284 2,89 0,297 2,63
Soins aux parents âgés dans le passé 0,172 2,01 0,239 2,39
Revenu (10e – 4) 0,17 1,39 0,265 1,80
Patrimoine (10e – 6) – 0,387 – 3,88 – 0,360 – 3,44
Caractéristiques du pivot
Sexe 0,428 4,59 0,378 3,68
Âge – 0,053 – 1,74 – 0,059 – 1,66
Rang de naissance – 0,063 – 1,40 – 0,079 – 1,53
Absence de conjoint 0,290 2,14 0,461 3,02
Nombre d’enfants au domicile – 0,047 – 1,01 – 0,090 – 1,57
Nombre d’enfants hors domicile – 0,037 – 1,06 – 0,026 – 0,59
Difficultés de santé
Aucune 0 0
Faible gêne en vie quotidienne 0,213 1,98 0,258 2,06
Forte gêne en vie quotidienne – 0,061 – 0,41 0,040 0,19
Âge de fin de scolarité 0,006 0,37 0,006 0,33
Exercice d’une profession – 0,245 – 2,18
Revenu (10e – 4) 0,043 0,73 0,064 1,01
Patrimoine (10e – 6) 0,036 0,59 0,015 0,20
Distance (10e – 2) – 0,278 – 5,42 – 0,285 – 4,66
Nombre d’observations 1 217 948
Nombre de vieux aidés 309 221
Log vraisemblance – 577,12 – 424,62
Chi2 (degrés de liberté) 184,29 (24) 154,42 (23)
Pseudo-R2 0,163 0,175

Existence d’une aide en temps apportée par les pivots aux vieux

Modèle Probit avec écarts-types corrigés de l’hétéroscédasticité suivant White [1980].
Source: Enquête cnav Trois Générations 1992.
Tableau 4

Durée de l’aide en temps apportée par les pivots aux vieux

Variables Tous les pivots Pivots actifs
coefficientt de Studentcoefficientt de Student
Constante– 23,640– 1,54– 27,478– 1,91
Caractéristiques du vieux
Sexe féminin2,7022,382,3542,21
Âge0,5555,450,5866,13
Veuf1,4901,471,9992,06
Nombre d’enfants en vie– 0,821– 3,38– 0,457– 1,97
Âge de fin de scolarité 0,138 0,98 – 0,005 – 0,04
État de santé
Bon 0 0
Moyen 1,671 1,69 1,689 1,84
Médiocre 4,040 3,59 4,223 3,96
Existence d’une aide professionnelle 2,310 2,47 1,487 1,71
Soins aux parents âgés dans le passé 1,644 1,97 1,917 2,45
Revenu (10e – 4) 2,674 2,16 3,254 2,71
Patrimoine (10e – 6) – 4,142 – 3,77 – 3,109 – 3,20
Caractéristiques du pivot
Sexe 3,833 4,23 2,565 3,21
Âge – 0,613 – 2,09 – 0,610 – 2,19
Rang de naissance – 0,112 – 0,25 – 0,364 – 0,90
Absence de conjoint 3,026 2,29 3,730 3,12
Nombre d’enfants au domicile – 0,124 – 0,26 – 0,678 – 1,43
Nombre d’enfants hors domicile – 0,205 – 0,56 – 0,032 – 0,09
Difficultés de santé
Aucune 0 0
Faible gêne en vie quotidienne 1,944 1,87 1,711 1,75
Forte gêne en vie quotidienne – 0,019 – 0,01 2,318 1,57
Âge de fin de scolarité 0,011 0,07 0,020 0,14
Exercice d’une profession – 3,750 – 3,60
Revenu (10e – 4) 0,316 0,60 0,407 0,87
Patrimoine (10e – 6) 0,221 0,36 0,234 0,41
Distance (10e – 2) – 2,631 – 5,38 – 2,282 – 4,87
Nombre d’observations 1 217 948
Nombre de vieux aidés 309 221
Log vraisemblance – 1 487,46 – 1 027,94
Chi2 (degrés de liberté) 221,22(24) 182,46(23)
Pseudo-R2 0,069 0,082

Durée de l’aide en temps apportée par les pivots aux vieux

Modèle Tobit.
Source: Enquête cnav Trois Générations 1992.

41 Les aides à la vieillesse dépendent largement des besoins des plus âgés. Toutes choses égales par ailleurs, elles sont sensiblement plus fréquentes lorsque le bénéficiaire est âgé, veuf et de sexe féminin. Ces personnes se caractérisent selon toute vraisemblance par une demande de temps plus importante. Par exemple, les femmes ont des niveaux de dépendance supérieurs à ceux des hommes, et elles ne peuvent guère compter sur le soutien de leur conjoint pour leurs vieux jours. Compte tenu de la définition des aides retenues, l’état de santé joue fortement sur les comportements et l’on constate que les parents dans un état physique médiocre reçoivent davantage de transferts. L’effet significatif au seuil de 1 % des aides professionnelles vient en contradiction avec la substitution parfaite des solidarités privées et publiques qui caractérise le modèle altruiste, mais il peut également s’agir d’un effet de sélection puisque les aides professionnelles sont en priorité attribuées à des personnes âgées en situation de dépendance.

42 Les aides des enfants ne dépendent guère de la situation socio-économique des plus vieux, comme l’atteste l’absence d’effet de l’âge de fin de scolarité. Ce résultat peut traduire une absence d’altruisme intergénérationnel ou tout du moins des sentiments bienveillants limités (Cigno et al. [1998]). Si les services augmentent plutôt avec leur revenu courant, l’effet fortement négatif du niveau de patrimoine des bénéficiaires s’interprète en défaveur du modèle d’échange stratégique, mais il reste compatible avec l’altruisme. La conclusion selon laquelle les aides aux plus âgés sont surtout déterminées par les besoins de ces derniers et non par leur richesse est également partagée par les travaux américains récents (Perozek [1998], Sloan et al. [1996]). Ceci n’est pas incompatible avec la démonstration. Quelle que soit la situation (financière) de leurs parents, les pivots doivent leur apporter des services s’ils veulent être imités par leurs enfants dans le futur.

43 Les régressions révèlent également une reproduction des comportements de transferts ascendants entre les générations successives, où les pivots aident davantage leurs parents âgés lorsque ces derniers ont eux-mêmes pris en charge leurs propres parents dans le passé (significatif au seuil de 5 %). Cet effet n’apparaît pas vérifié pour les modèles fondés sur l’altruisme et l’échange, selon lesquels les transferts présents des pivots demeurent indépendants des comportements passés adoptés par leurs ascendants. Ce résultat, tel que montrer l’exemple en aidant ses parents, favorise une imitation ultérieure par ses propres enfants, est compatible avec l’effet de démonstration, mais également avec la mutualité familiale entre trois générations égoïstes proposée par Cigno [1993].

44 Nous examinons à présent les caractéristiques des aidants. Si l’effet de démonstration est valide, on s’attend à ce que les pivots caractérisés par des besoins importants de transferts futurs apportent davantage de transferts à leurs parents. Le test pose néanmoins deux problèmes. D’une part, il paraît assez difficile d’évaluer dans quelle mesure les pivots auront besoin dans le futur des aides de leurs enfants (Bommier [1995]) [29]. D’autre part, les pivots actuellement dans une situation vulnérable ont, selon toute vraisemblance, plus de difficultés pour venir en aide à leurs parents, en dépit d’une utilité espérée des transferts futurs accrue. Par exemple, si les pivots en mauvaise santé aujourd’hui ont un intérêt indéniable à susciter indirectement l’aide de leurs enfants, ce handicap ne leur permet guère de mettre en œuvre une démonstration par l’exemple faute de pouvoir apporter des services à leurs parents. Plusieurs résultats empiriques apparaissent alors compatibles avec la démonstration (cf. tableaux 3 et 4).

45 D’après l’enquête, les femmes assurent plus souvent la prise en charge des parents âgés que les hommes (au seuil de 1 %). La rentabilité de l’effet de démonstration est supérieure pour les femmes qui vivent plus longtemps et peuvent donc recevoir davantage d’aides de leurs enfants. Ce résultat reste vérifié pour les pivots qui exercent une activité et il ne s’explique donc pas seulement par une spécialisation au sein du couple. L’absence de conjoint favorise également la fourniture de soins aux ascendants, surtout pour les pivots actifs. Le conjoint représente un substitut à l’aide escomptée des enfants et le fait de vivre en couple réduit significativement les incitations à utiliser la démonstration. Ceci peut cependant être compatible avec des ressources en temps différentes. Ne pas avoir de conjoint peut signifier que l’individu n’a pas de beaux-parents, auquel cas il ne va pas fournir d’aide de ce côté. L’effet du nombre d’enfants, indéterminé d’après le modèle théorique, exerce une incidence plutôt négative dans les régressions quel que soit le lieu de résidence de ces derniers (au domicile parental ou non). Cette variable souligne de nouveau la difficulté de tester l’hypothèse théorique. Le bénéfice de la démonstration peut certes être supérieur avec plusieurs enfants, mais les pivots doivent aussi consacrer d’autant plus de temps à leurs enfants que ces derniers sont nombreux.

46 Le résultat le plus intéressant concerne assurément l’état de santé de l’aidant. Si les pivots les plus malades ont intérêt à montrer l’exemple, il leur est moins facile d’aider leurs parents (contrainte de disponibilité). Trois cas peuvent alors être distingués. En l’absence de maladie, les pivots ont une utilité espérée des aides futures faible et donc des incitations réduites à s’occuper de leurs parents. À l’inverse, si les pivots sont fortement handicapés, il leur est très avantageux d’investir dans la démonstration, mais ils n’ont sans doute pas les capacités physiques pour pouvoir venir en aide à leurs ascendants. Par contre, dans le cas intermédiaire où la gêne dans la vie quotidienne n’est pas trop importante, les pivots qui anticipent le besoin d’aides futures devraient s’occuper davantage de leurs parents. Ces prédictions sont vérifiées dans l’enquête cnav qui précise les difficultés de santé de l’aidant. Pour les 1 217 pivots concernés, 22,6 % d’entre eux déclarent une faible gêne dans la vie quotidienne et 10,3 % reportent des difficultés importantes. Toutes choses égales par ailleurs, le fait d’avoir un état de santé qui occasionne une faible gêne accroît la probabilité de transfert ascendant au seuil de 5 %, alors que celle-ci diminue plutôt pour les pivots handicapés par une gêne trop forte [30].

47 Le rôle significatif des variables précédentes, qui donnent une indication sur les besoins de transferts futurs, contraste avec le peu de pertinence des facteurs socio-économiques pris en compte. Ainsi, l’âge de fin de scolarité, le niveau de revenu et le montant du patrimoine des pivots jouent plutôt positivement sur les comportements d’aides qui sont moins fréquents pour les personnes exerçant une activité, mais les effets ne sont guère significatifs. Ces résultats ne sont pas compatibles avec l’hypothèse d’altruisme où les choix individuels dépendent fortement de la position économique de l’aidant. Le fait d’avoir de nombreux frères et sœurs diminue le volume des services fournis, ce qui vient contredire l’existence d’interactions stratégiques au sein de la fratrie. Enfin, la distance joue de manière négative sur les solidarités aux personnes âgées. Devant l’importance des coûts de transaction pour la fourniture des services non marchands, la prise en charge de la vieillesse des parents incombe en priorité aux enfants les plus proches sur le plan géographique.

Conclusion

48 L’extension verticale de la famille, qui a conduit à une transformation de la circulation des solidarités privées entre les différentes générations, impose d’élargir le cadre d’analyse des motivations de ces transferts à la considération d’au moins trois générations successives (Wolff [1998]). Dépassant les modèles binaires d’altruisme et d’échange usuellement retenus avec des transferts entre un aidant et un aidé, la théorie de l’effet de démonstration proposée par Cox et Stark [1996] nécessite, au contraire, l’intervention d’un tiers dans l’échange. Suivant ce principe, les parents montrent l’exemple en aidant leurs propres parents âgés pour recevoir en retour des aides de leurs enfants dans le futur suivant un processus d’imitation. Cette étude fait ainsi directement référence à la question de la formation des préférences et de leur endogénéité dans l’analyse économique, que l’on trouve explicitée dans les travaux de Becker [1996] et Becker et Mulligan [1997].

49 Cet article poursuit les investigations sur l’effet de démonstration qui ont été menées par Cox et Stark [1996, 1998a], Ribar et Wilhelm [2001] etWolff [2001], avec des avancées à la fois théoriques et empiriques. Les prédictions du modèle dynamique de démonstration sont plutôt vérifiées en France d’après l’enquête Trois Générations pour les transferts en temps versés par les adultes à leurs parents âgés. Les résultats économétriques, qui soulignent les limites des motivations fondées sur l’altruisme et l’échange, mettent en évidence deux résultats principaux compatibles avec l’hypothèse de démonstration. D’une part, les ménages caractérisés par des besoins importants de transferts futurs apportent davantage de transferts à leurs ascendants, en particulier les femmes, les personnes seules et les pivots souffrant de difficultés de santé modérées. D’autre part, les parents âgés qui ont montré l’exemple en s’occupant eux-mêmes dans le passé de leurs parents reçoivent aujourd’hui davantage de soins de la part de leurs enfants.

50 Toutefois, les tests empiriques permettent difficilement d’évaluer le caractère intentionnel des choix de transferts des pivots, notamment si leurs aides sont ou non effectivement réalisées dans le but d’être reproduites par les enfants. De plus, les résultats obtenus ne sont pas tous compatibles avec la théorie de la démonstration, et certains d’entre eux valident partiellement un modèle d’échange intertemporel où les générations sont purement égoïstes. Mais la difficulté principale consiste alors à trouver des prédictions claires qui permettraient de séparer les différents motifs théoriques de transfert.

51 Il convient, pour finir, de souligner l’importance de cette réflexion pour déterminer l’efficacité des politiques économiques redistributives, dans la mesure où celle-ci dépend fondamentalement des motivations des transferts familiaux (Cox et Jakubson [1995]). Si l’hypothèse de démonstration est valide, on s’attend à ce que l’impact d’une politique publique sur les aides privées se traduise par des répercussions durables dans le temps, compte tenu des mécanismes sous-jacents de formation des préférences.

Notes

  • [*]
    esc Toulouse et Conseils-Eco, 10 impasse de Mansencal, 31500 Toulouse. E-mail : jellalmohamed@ yahoo. fr
  • [**]
    Correspondance : len-cebs, Faculté des Sciences économiques et de gestion, Université de Nantes, Chemin de la Censive du Tertre, bp 52231, 44322 Nantes Cedex 3, France ; cnav et ined, Paris. E-mail : wolff@ sc-eco. univ-nantes. fr
    Ce texte a fait l’objet de présentations au séminaire du Laboratoire d’économie de Nantes, aux Ateliers de l’Ined, à l’atelier Retraite de la Caisse des dépôts et consignations à Bordeaux et aux 17e Journées de Microéconomie appliquée à Québec. Sans les engager, nous tenons à remercier plus particulièrement Denis Bouget, Patrick Fève, Lionel Prouteau, Claudine Attias-Donfut, Luc Arrondel, Antoine Bommier, Anne Laferrère, André Masson et Michel Sollogoub pour les commentaires et suggestions qu’ils nous ont adressés aux cours de ces différentes présentations. Par ailleurs, les remarques de deux referees anonymes nous ont été des plus utiles pour la révision de ce texte.
  • [1]
    Ainsi, si l’on s’intéresse aux échanges familiaux entre des adultes âgés de 49 à 53 ans et leurs vieux parents en France, la proportion d’aides en argent au bénéfice des plus âgés s’élève à 9 %, alors qu’elle est de 89 % pour les transferts sous forme de services (Attias-Donfut [1995, 1996]).
  • [2]
    Le fait de connaître les motifs des transferts des agents est un élément important pour déterminer l’efficacité des politiques économiques, qui peut être nulle dans le cas d’un altruisme intergénérationnel suivant le principe d’équivalence ricardienne.
  • [3]
    Pour la France, l’étude des transferts versés des parents aux enfants conduit plutôt à un rejet de l’altruisme et de l’échange et souligne l’existence d’une reproduction des comportements de transmission entre les générations successives (Arrondel et Masson [1991], Arrondel et Wolff [1998]).
  • [4]
    La possibilité d’un altruisme endogène est discutée par Becker et Murphy [1988] et Mulligan [1997].
  • [5]
    Techniquement, ce résultat s’explique par l’introduction d’une contrainte de non-négativité dans le modèle de Cox [1987], telle que le niveau d’utilité des enfants qui participent à l’échange ne doit jamais être inférieur à leur niveau de satisfaction en l’absence de transfert.
  • [6]
    Un enfant participe au jeu parce qu’il anticipe une compensation en contrepartie de son attention et parce qu’il sait que ses frères et sœurs s’octroient l’héritage s’il ne s’occupe pas de ses parents.
  • [7]
    Ce modèle d’effet de démonstration est également présenté en détail par Stark [1995, chap. 3].
  • [8]
    En environnement stationnaire où chaque génération rencontre le même problème de maximisation, l’équilibre du modèle est unique et stable lorsque le bénéfice marginal de l’aide future escomptée de G3 n’est pas trop important pour G2 par rapport à la désutilité subie par le transfert initial versé à G1.
  • [9]
    Lorsqu’il n’existe pas d’enfant G3 pour imiter le comportement de G2, on a ? = 0 et donc l’utilité espérée EU(X, Y) = EU(X, 0) est maximale pour X = 0 puisque l’on a U1 < 0.
  • [10]
    Les parents ignorent cependant le fait que leurs enfants ont eux-mêmes besoin de faire des transferts ascendants s’ils veulent à leur tour être imités par leurs propres enfants dans le futur.
  • [11]
    De manière équivalente à un modèle atruiste, le transfert d’une génération devient optimal, étant donné les transferts de l’ensemble des autres générations.
  • [12]
    Nous envisageons le cas où les comportements de transferts des n enfants G3 sont parfaitement corrélés. Cette hypothèse est également retenue dans la présentation de Cox et Stark [1996].
  • [13]
    Si le processus de vieillissement n’est pas uniforme dans le temps en réalité, le fait de considérer une loi de développement pour le paramètre ? (par exemple de type exponentiel) ne modifie pas la nature des conclusions obtenues à partir de ce modèle de démonstration.
  • [14]
    En revanche, l’interaction entre les aides familiales et publiques est indéterminée et l’on a SXE = ?2S/?X?E < > 0 selon que les deux supports sont substituables ou bien complémentaires.
  • [15]
    D’un point de vue technique, le programme (5) où les agents ont une durée de vie infinie revient à maximiser l’utilité espérée d’agents vivant jusqu’à une date maximale de décès donnée par la variable aléatoire T. Le taux d’escompte subjectif dépend alors de la probabilité instantanée de mortalité.
  • [16]
    À l’équilibre stationnaire, on vérifie equation im44 et donc equation im45 .
  • [17]
    La dérivée seconde equation im46 est négative d’après la concavité de la fonction.
  • [18]
    Compte tenu de l’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes, le taux d’escompte subjectif est plus élevé pour les hommes (Browning [2000]). Un autre effet concerne l’âge des aidants. Plus les parents sont âgés et plus le bénéfice des aides versées à leurs ascendants est faible.
  • [19]
    L’enquête Trois Générations ne permet guère de tester la démonstration pour les aides en argent qui sont limitées. Les études menées sur les transferts financiers ascendants conduisent plutôt à un rejet des modèles fondés sur l’altruisme et sur l’échange (Arrondel et Masson [2001], Wolff [2000]).
  • [20]
    La sélection initiale de l’échantillon, à savoir des familles trigénérationnelles, ne permet toutefois pas de mettre en œuvre un test facile de la démonstration : puisqu’il ne peut y avoir démonstration que s’il y a enfant, la comparaison des comportements des adultes avec et sans enfants devrait renseigner sur les éventuelles différences.
  • [21]
    Cet intervalle d’âge, choisi d’après les simulations réalisées à partir des tables démographiques, permet de maximiser la probabilité d’avoir au moins un parent en vie et un enfant adulte.
  • [22]
    Avec l’existence des retraites, le besoin d’argent sur les vieux jours pour la génération G2 apparaît relativement moins important par rapport aux désirs d’aides en temps et d’attention des enfants.
  • [23]
    En France, les contacts accrus en présence de jeunes enfants s’expliquent surtout par les services de garde assurés par les plus âgés, ce qui correspond à des transferts descendants (Wolff [2001]).
  • [24]
    Cette étude descriptive porte sur les familles comprenant au moins deux enfants, où les parents bénéficient du soutien d’un de leurs enfants au moins, mais pas de tous. Ces sélections se justifient par la volonté d’examiner la distribution des aides au sein des fratries, ce qui nécessite de la variation dans la variable à expliquer.
  • [25]
    Les difficultés soulevées par le divorce limite à l’inverse la possibilité de venir en aide à ses parents.
  • [26]
    On retient donc les fratries caractérisées par une variable dépendante différente entre les enfants.
  • [27]
    L’enquête ne permet pas de tenir compte avec précision du temps libre dont dispose chaque enfant.
  • [28]
    Altonji et al. [1996] et McGarry et Schoeni [1995] estiment également des modèles Tobit pour étudier les temps d’aides consacrés par les enfants à leurs parents aux États-Unis.
  • [29]
    Celà concerne par exemple la date d’entrée dans une phase de dépendance au cours de la vieillesse ainsi que le niveau de services souhaité. Par ailleurs, plusieurs périodes de dépendance ne nécessitent pas nécessairement le même volume de soins familiaux.
  • [30]
    Le résultat peut également s’expliquer par un effet d’offre de travail, tel que les personnes présentant un handicap participent moins souvent à des activités marchandes. Si l’on exclut les pivots inactifs de la régression pour contrôler ce biais, les résultats de l’estimation demeurent inchangés.
Français

Résumé

Les motivations des transferts familiaux versés aux parents âgés peuvent être expliquées par l’altruisme, par l’échange, et par l’effet de démonstration où les adultes doivent d’abord montrer l’exemple en aidant leurs parents âgés s’ils veulent ensuite être aidés en retour par leurs enfants. Cet article étudie un modèle de transferts avec imitation où l’anticipation de difficultés futures accroît les aides versées aux parents âgés. Les prédictions théoriques sont ensuite testées à partir d’une enquête sur les solidarités familiales dans les familles trigénérationnelles. Les résultats économétriques obtenus pour les aides en temps aux personnes âgées sont compatibles avec un motif de démonstration.

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Mohamed Jellal [*]
François-Charles Wolff [**]
  • [**]
    Correspondance : len-cebs, Faculté des Sciences économiques et de gestion, Université de Nantes, Chemin de la Censive du Tertre, bp 52231, 44322 Nantes Cedex 3, France ; cnav et ined, Paris. E-mail : wolff@ sc-eco. univ-nantes. fr
    Ce texte a fait l’objet de présentations au séminaire du Laboratoire d’économie de Nantes, aux Ateliers de l’Ined, à l’atelier Retraite de la Caisse des dépôts et consignations à Bordeaux et aux 17e Journées de Microéconomie appliquée à Québec. Sans les engager, nous tenons à remercier plus particulièrement Denis Bouget, Patrick Fève, Lionel Prouteau, Claudine Attias-Donfut, Luc Arrondel, Antoine Bommier, Anne Laferrère, André Masson et Michel Sollogoub pour les commentaires et suggestions qu’ils nous ont adressés aux cours de ces différentes présentations. Par ailleurs, les remarques de deux referees anonymes nous ont été des plus utiles pour la révision de ce texte.
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