INTRODUCTION
1La comptabilité générationnelle ( CG ) est apparue au début des années 1990 sous l’impulsion d’Auerbach, Gokhale et Kotlikoff ( AGK ) [1991]. Ces derniers jugeaient en effet que le déficit budgétaire traditionnel ne reflétait que très imparfaitement les engagements financiers de l’État, en particulier sur le long terme. Ce déficit budgétaire leur semblait en outre avoir le défaut de pouvoir varier au gré des appellations que le gouvernement pouvait donner aux différentes taxes, impôts et transferts. L’exemple fourni par les concepteurs de la méthode concerne les cotisations retraite. Si le terme de cotisations était remplacé par prêts au gouvernement et le terme prestations par remboursement du capital et des intérêts de ce prêt, la définition du déficit serait complètement différente. Dietsch et Garnier [1989] résument cette position en expliquant que « seule importe la séquence des ressources (qu’un individu) versera ou recevra au cours du temps, quelles que soient les dénominations de celles-ci ».
2La CG a ainsi pour premier objectif de pallier la myopie supposée des indicateurs budgétaires traditionnels, tel le déficit, face aux engagements financiers des administrations publiques. Par ailleurs, elle vise à évaluer l’impact des politiques publiques en tenant compte des évolutions démographiques et des anticipations économiques, et de la manière dont la politique sociale et fiscale redistribue les ressources entre les générations. Il existe en effet plusieurs politiques qui n’ont pas d’effet immédiat sur le déficit budgétaire mais qui entraînent néanmoins des coûts importants pour les générations à venir. Par exemple, le déficit public annuel ne comptabilise pas la hausse des dépenses publiques qui sera nécessaire pour payer la pension des baby-boomers lorsqu’ils prendront leur retraite.
3Cette étude a pour objectif de construire des comptes générationnels pour la France et de les comparer à ceux obtenus respectivement par Accardo [1998] et Doré et Levy [1998]. La mise en perspective de ces travaux permet de donner des éléments d’explication aux différences relevées et ainsi de dénombrer un certain nombre de facteurs d’instabilité des résultats. On montre ainsi qu’il peut y avoir autant de comptes par génération que d’utilisateurs de la méthode.
4Après un rappel de la méthodologie et une description succincte des données utilisées, quelques variantes dans le domaine des retraites sont présentées.
PRINCIPES DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRATIONNELLE
5La méthode de la CG, exposée pour la première fois par AGK [1991], repose sur la notion de contrainte budgétaire intertemporelle ( CBI ) des administrations publiques [1]. Les paiements, sous forme de taxes, d’impôts et de cotisations des générations présentes et futures, auxquels s’ajoutent la richesse des administrations publiques et les revenus engendrés, doivent permettre des financer l’intégralité des dépenses futures de ces administrations (prestations vieillesse, éducation, infrastructures,...).
Qu’est-ce que la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État ?
Contrainte budgétaire annuelle
6Chaque année, l’État perçoit des ressources sous forme de taxes, d’impôts et
de cotisations ( Tt ) et les emploie soit sous forme de transferts, soit de dépenses
courantes ( Gt ) ainsi que pour payer les charges d’intérêt de la dette ( i Bt )
(avec i le taux d’intérêt nominal et Bt la dette publique). Ainsi, à chaque date t,
on a l’équilibre comptable suivant :

Dt, le déficit public (ou déficit budgétaire) est ainsi composé de deux éléments : les intérêts sur la dette publique et le déficit primaire ( Gt ? Tt ). « Le déficit budgétaire constitue une sorte de « ressource » qui s’ajoute aux ressources fiscales ou non fiscales de l’État. » (Peretti-Watel [1997]). Ce déficit doit alors être financé par l’emprunt.
Contrainte budgétaire intertemporelle
Quelle est la dynamique de la dette ?
7Le rappel ci-dessous s’inspire de Dietsch et Garnier [1989].
8Chaque année, la dette publique s’accroît du montant du déficit budgétaire,
c’est-à-dire du déficit primaire et des intérêts payés sur la dette.

d B ( t )
soit dt = G ( t ) ? T ( t ) + i ( t ) B ( t )
9Si on raisonne à la date ( t = 0 ), avec les actualisations nécessaires :

ou encore [2] BT = B0 ( 1 + i )T ?tt T ( T ? G ) { t = 0 ( 1 + i )t?T
10« La contrainte budgétaire intertemporelle ( CBI ) de l’État impose donc la
condition suivante (« condition de transversalité ») :

? ( Tt ? Gt ) { t = 1 ( 1 + i )t
11ou encore B0 = condition [1] qu’Artus [1996] qualifie de « définition de la solvabilité intertemporelle [2] » et qui permet la convergence de la série (3). La valeur actualisée de la dette tend vers 0 à l’infini.
12On peut aussi écrire la CBI en ratio de la dette par rapport au PIB
( bT PIBT )
BT
=.

13soit

et donc

a étant le taux de croissance du PIB ( PIBt+1 = ( 1 + a ) PIBt ).
Qu’implique la condition de transversalité ?
14En supposant que BT = ( 1 + e )T B0, c’est-à-dire que la dette publique croît au taux e, alors la condition de transversalité est synonyme d’une croissance de BT la dette à un taux inférieur au taux d’intérêt. En effet, lim = 0 peut T ? ? ( 1 + i )T ( 1 + e )T aussi s’écrire = 0. De manière équivalente, mais en se basant lim T ? ? ( 1 + i )T B0 sur l’équation (5), cette condition signifie que la part de la dette dans le PIB doit ( 1 + i ) croître à un rythme inférieur à, ce qui, pour i et a petits, est équivalent ( 1 + a ) à ( 1 + ( i ? a ) ).
Que signifie la condition de transversalité ?
15À un moment dans le futur, l’État, qui a accumulé une dette initiale, doit
prévoir de dégager un solde primaire positif, suffisant pour satisfaire l’équation (3). Les intérêts devront être payés à un moment ou à un autre par des
impôts et non par une nouvelle émission de dette.

16La condition de transversalité ne signifie nullement que la dette doive revenir à son niveau initial, ni que la part de la dette dans le PIB doive se stabiliser (même si le ratio dette sur PIB croît vite, un taux d’intérêt élevé modère son importance en valeur actualisée). L’objectif est d’éviter l’explosion du ratio de la dette. Ainsi, rien n’empêche le gouvernement de réduire ou d’augmenter de manière temporaire le déficit pour atteindre un sentier de dépenses spécifique.
Pourquoi cette condition de transversalité ?
17Supposons que la dette publique croisse à un taux supérieur au taux d’intérêt,
alors il ne serait pas possible d’écrire l’équation (3), à moins d’envisager des
prélèvements (T) infinis. Par ailleurs, le ratio de la dette au PIB exploserait. En
effet,
• Si i > a, alors le ratio dette/ PIB augmente en permanence même si le déficit
primaire est nul. On est confronté à un « effet boule de neige ». Il faut donc
imposer une condition de soutenabilité, synonyme de dégagement d’un excédent
primaire.

18Si la CBI n’est pas satisfaite, à un moment ou à un autre dans le futur, le gouvernement ne pourra honorer ses engagements. En particulier, lorsqu’il devra emprunter afin de le faire, il ne trouvera aucun prêteur. À long terme, le gouvernement doit avoir les moyens de payer pour toutes ses dépenses, les intérêts de la dette et la dette initiale, même si, comme l’indique Good [1995], « la vie infinie du gouvernement implique en général qu’il ne doive jamais rembourser sa dette initiale, mais que la valeur totale de cette dernière tend vers zéro à l’infini ».
19Remarquons, cependant, que même si la condition de transversalité n’est pas très contraignante, il faut garder à l’esprit que « sustainability does not guarantee against bankruptcy » (Good [1995]). Blanchard et al. [1990] explicitent cet argument. « Dire que le ratio dette/ PNB peut s’accroître indéfiniment sans remettre en cause la soutenabilité de la politique budgétaire correspond à un raisonnement d’équilibre partiel dans lequel on considère comme donné le taux d’intérêt. En régime d’équilibre général, une telle politique d’endettement pourra fort bien ne pas être réalisable ». En effet, l’augmentation de la dette conduit à une hausse des taux d’intérêt, alourdissant ainsi la charge du service de la dette et par conséquent la dette en elle-même. Un cercle vicieux naît alors.
20D’après un rapport de la commission des finances du Sénat [1999], « [...] le gonflement de la dette publique, comme celui de toute dette d’ailleurs, expose le débiteur à un risque de taux susceptible de le placer dans une situation critique ». Si le ratio (dette/ PIB ) devient trop important, alors peuvent se poser des problèmes de solvabilité, un déséquilibre sur le marché des titres conduisant à une augmentation des taux d’intérêt (« Cette modification de la structure de la dette publique est manifeste d’une situation où l’État s’est trouvé de plus en plus soumis aux contraintes d’un emprunteur quelconque »).
21• Si i < a, le problème de la soutenabilité ne se pose pas. « Le fait que le PIB croisse à un taux supérieur au taux d’intérêt permet cependant de conclure que le gouvernement n’est plus soumis à aucune contrainte budgétaire et qu’il n’existe aucune borne à la croissance de l’endettement (même rapporté au PIB ) » (Jondeau [1992]). En effet, « l’augmentation spontanée des impôts à pression fiscale inchangée est plus rapide que celle des charges d’intérêt, et il n’est donc pas nécessaire de relever les taux d’imposition ou de faire des économies de dépenses pour financer le service de la dette » (Dietsch et Garnier [1989]). L’impôt ne constitue cependant pas le seul moyen de satisfaire la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État. En effet, « l’histoire montre que l’inflation a constitué dans le passé un mode privilégié d’allégement de la dette publique, dispensant ainsi les pouvoirs publics de recourir à des hausses d’impôts » (Dietsch, Garnier [1989]). Ce recours à l’inflation peut alors prendre la forme d’une hausse non anticipée du niveau général des prix ou de la création monétaire [1].
Description et calcul des composantes de la contrainte budgétaire intertemporelle
22La CBI de l’ensemble des administrations publiques peut s’écrire sous la
forme suivante : [2]

Nt,t?s est le paiement net (taxes et impôts payés moins transferts reçus) à la date t de la génération ( t ? s ), D est la durée maximale de la vie, Wt est la richesse nette du secteur public à la date t, r est le taux d’actualisation, Gs représente les dépenses non ventilées de l’ensemble du secteur public à la date s. En effet, les dépenses du gouvernement peuvent être distinguées en deux groupes dont les frontières sont floues : une partie correspond à des transferts à destination de groupes d’âge clairement identifiés (retraites, chômage,...), transferts dont on peut tenter d’établir un profil à partir des données d’enquête et qui sont donc intégrés dans les Nt,t?s. L’autre catégorie de dépenses (défense, interventions sociales,...) n’a pas de bénéficiaires par âge clairement identifiés et il est donc difficile d’établir des profils permettant la ventilation. La plupart des études de CG conservent un solde de dépenses non ventilées. Ce n’est que dans les travaux les plus récents (dans la lignée des études de Raffelhüschen [1999]) qu’une convention de totale ventilation est adoptée, pour éviter d’éventuels biais. Nous reviendrons sur ce point dans la suite de l’étude car les résultats peuvent différer selon les hypothèses retenues.
23Le premier et le deuxième terme de l’équation (6) représentent respectivement les paiements nets des générations actuellement en vie et des générations futures. La CBI formalise le fait que ce qui n’est pas payé par les générations actuelles devra l’être par les générations futures.
24En effet, l’équation (6) comporte quatre éléments, dont le dernier s’obtient par solde :
- la somme actualisée des paiements nets des générations présentes ( { s = 0 ) D Nt,t?s
- la richesse nette du gouvernement à la date t ( Wt )
- la somme actualisée des dépenses futures du gouvernement ( { s = t ( 1 + r )s?t )
- 1 Gs
- la somme actualisée des paiements nets des générations futures ( { s = 1 )
- Nt,t+s
25 L’obtention par solde du paiement net des générations futures est une des hypothèses centrales de la méthode. Les générations futures sont supposées assurer l’équilibre de la contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement, les générations actuellement en vie étant par hypothèse soumises au même régime fiscal toute leur vie [1].
26Cette convention doit être conçue comme un « exercice de pensée » (Masson [2001]) dont l’objectif est de mettre en évidence les difficultés financières auxquelles sera soumis l’État si les politiques sociales et fiscales sont maintenues indéfiniment.
Paiements nets des générations présentes
27Le paiement net de la génération k à la date t ( Nt, k ) est égal à la somme
actualisée des taxes et impôts qu’elle va verser et des transferts qu’elle va
recevoir sur le reste de son cycle de vie. Il est égal à :

Ps, k est le nombre d’individus de la génération k encore en vie à la date s; Ts, k le paiement net moyen (moyenne des taxes et impôts versés moins transferts reçus) de la génération k à la date s, c’est-à-dire, en d’autres termes, le paiement net moyen parmi tous les membres de la génération k à la date s. Ts, k, le paiement net moyen de la génération k à la date s est égal à la somme des taxes versées et des transferts reçus à cette date soit, Ts, k = {ih s, k, i avec hs,k, i l’impôt ou le transfert moyen i payé ou reçu par la génération k à la date s.
28Il faut donc déterminer combien paiera ou recevra un membre de la génération k, en projection. On formule alors la deuxième hypothèse forte de la
méthode, qui suppose la constance en projection des profils relatifs de taxes et
transferts par âge, les profils absolus croissant au rythme de la productivité
(notée g ). Un homme de 40 ans en 2 050 paiera et recevra le même flux i qu’un
homme du même âge à la date t, ajusté de la croissance de la productivité.
Formellement,

Ceci implique qu’une année donnée, un homme âgé de 40 ans paiera toujours x % de cotisations en plus qu’un homme de 60 ans.
Dépenses publiques non ventilées ( Gt )
29Conserver un solde de dépenses (ou de recettes) du gouvernement non ventilées (noté Gt ), nécessite d’émettre des hypothèses sur son évolution. On suppose que ces dépenses évoluent sous le double effet de la croissance de la
population et de la croissance de la productivité ( g ), ce qui revient à faire
croître les dépenses par tête au rythme de la productivité, soit :
Gs Gt
= ( 1 + g )s?t g
Ps Pt
est supposée constant, Ps est la population totale à la
date s.
30On obtient alors :

Richesse nette du gouvernement ( Wt )
31On considère, comme la plupart des auteurs, que la richesse nette de l’État est
égale à l’opposé de la dette publique financière nette (soit – 3 217,7 milliards en
1996). On ne prend ainsi pas en compte l’intégralité de la richesse du gouvernement et en particulier pas les actifs physiques. Ces derniers sont supposés ne
pas avoir de rendement monétaire que l’État pourrait s’approprier. Selon AGK
[1994], tenir compte des actifs physiques impliquerait de devoir inclure les
services de ces actifs dans les dépenses futures [1]. En résumé, si on incluait
l’actif A dans la richesse de l’État, ce dernier pourrait le vendre et devrait alors
le relouer par la suite au taux d’intérêt du marché. On aurait alors :

L’hypothèse sous-jacente, non explicitée dans les études, porte sur l’évolution future des besoins de l’État. On fait l’hypothèse que les générations à venir doivent pouvoir bénéficier de ce stock de capital [1].
32Si on laisse de côté les actifs physiques, les revenus des entreprises publiques (dividendes et autres revenus distribués des sociétés, revenus des actifs incorporels) doivent par contre être pris en compte, soit en intégrant la valeur des entreprises correspondantes dans la richesse du gouvernement ( Wt ), soit en soustrayant le flux de leurs bénéfices des dépenses futures du gouvernement ( Gt ). On adopte cette deuxième solution, s’alignant ici sur Auerbach, Kotlikoff et Leibfritz [1998].
Paiements nets des générations futures
33Le paiement net total des générations futures s’obtient par solde à partir de la
CBI :

Pour connaître le paiement net par tête de chaque génération future, on suppose, comme précédemment, que chacune d’elles est traitée de la même manière, exception faite de la croissance de la productivité. Le paiement net en valeur actualisée est ainsi égal pour toutes les générations au facteur près de cet ajustement, soit :

Ainsi,

On en déduit ainsi le compte générationnel à la date t de la génération qui naîtra demain :

et par suite, le paiement net par tête de cette génération :

Ce paiement par tête identique des générations futures en proportion de leur revenu de cycle de vie n’est qu’une hypothèse. On pourrait très bien simuler une phase de croissance des paiements par exemple.
34Les principes de la méthode exposés précédemment conduisent à deux remarques :
- le compte des générations futures, obtenu par solde, accumule l’ensemble des erreurs faites sur les autres composantes de la CBI;
- l’hypothèse forte selon laquelle il incombe aux générations futures d’équilibrer la CBI de l’État implique un traitement moins favorable pour ces dernières que pour les générations présentes. Le déséquilibre éventuel résulte en grande partie de cette hypothèse.
Indicateurs de déséquilibre
35Pour évaluer la soutenabilité de la politique fiscale et sociale, la méthode de la CG compare le paiement net des générations futures au paiement net des générations actuelles, et plus précisément à celui de la génération âgée de 0 an. En effet, c’est la seule, parmi les générations actuellement en vie, pour laquelle on peut reconstituer en projection l’ensemble du cycle de vie en émettant l’hypothèse qu’elle va être soumise tout au long de son existence au même régime fiscalo-social [1].
36On utilise la différence ou le ratio entre n0, le paiement net à la date t de la
génération âgée de 0 an et n1, celui de la génération qui naîtra demain.

37n1 L’indicateur de déséquilibre sera alors n1 ? n0 ou n0
38Le déséquilibre est caractérisé par n1 > n0.
39L’utilisation du ratio pose cependant certains problèmes, en particulier quand un des termes est petit ou même négatif. On le constatera lors de la mise en œuvre de la méthode et on privilégiera la différence.
40Un certain nombre d’autres indicateurs ont été proposés, en particulier le
Intertemporal Public Liabilities ( IPL ) par Raffelhüschen [1999]. Pour le calculer,
on fait l’hypothèse que toutes les générations actuelles et futures sont soumises
au même régime fiscal toute leur vie, exception faite de l’ajustement pour tenir
compte de la croissance de la productivité.

41sous l’hypothèse que

42L’IPL, sorte de dette globale, mesure le montant des engagements financiers de l’État à long terme ( long term liabilities ), engagements qui ne transparaissent pas dans le déficit budgétaire annuel de l’État, en particulier dans le domaine des retraites. Lorsque l’IPL est nul, la politique fiscale est « soutenable » dans le sens où la contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement est respectée. Si l’IPL est positif, le gouvernement devra augmenter les taxes, ou réduire les prestations, dans le futur. Le choix de cet indicateur permet d’éviter une des principales critiques formulée à l’encontre de la CG. En effet, les générations futures ne sont plus supposées, dans ce cas, assurer l’égalité de la contrainte budgétaire intertemporelle, convention qui crée mécaniquement le déséquilibre. Ces deux indicateurs, issus de la CBI, reposent ainsi sur un point de vue différent. L’utilisation de la différence ( n1 ? n0 ) suppose l’équilibre, alors que l’emploi de l’IPL signifie qu’on ne résorbe pas un éventuel déséquilibre, sans présupposer ainsi des générations qui devront s’acquitter de la dette.
43On peut trouver un certain nombre d’autres indicateurs dans la littérature : le taux de taxes net sur l’ensemble du cycle de vie ( lifetime net tax rate ), égal au ratio pour une génération entre la valeur actualisée des paiements nets sur la période de vie restante divisée par la valeur actualisée des revenus nets correspondants, ou encore, le pourcentage de réduction des dépenses de l’État qu’il faudrait opérer pour équilibrer la CBI.
MISE EN ŒUVRE DE LA MÉTHODE DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRATIONNELLE
44Une des étapes les plus longues dans la mise en œuvre de la CG concerne la collecte des données.
Calcul des profils moyens de taxes et transferts selon le sexe et l’âge
Données utilisées
45La construction des profils de taxes et de transferts par âge requiert une quantité importante de données. Le premier choix que l’on peut faire concerne l’utilisation d’une (à l’image d’Accardo [1998]) ou d’une multiplicité de sources (comme l’ont fait Doré et Levy [1998] [1] ). Pour des raisons de simplification, mais aussi car finalement les profils obtenus sont satisfaisants, notre choix s’est porté sur l’enquête Budget des familles ( BDF ) de 1995.
46Le choix des transferts, taxes et impôts retenus résulte d’un croisement entre les agrégats disponibles dans la Comptabilité nationale et les données de BDF 95. Ont été retenues :
- six grandes catégories de taxes et d’impôts : cotisations sociales sur les revenus d’activité, impôt sur le bénéfice des sociétés, impôt sur le revenu, autres impôts sur le revenu et le patrimoine, taxe sur la valeur ajoutée ( TVA ), taxe intérieure sur les produits pétroliers ( TIPP );
- six catégories de transferts : prestations retraite, indemnités chômage, prestations familiales, santé, éducation, revenus sociaux ( RMI,...).
Construction des profils
47Lorsque les transferts considérés sont individualisables (pensions de retraite, indemnité de chômage), les profils sont calculés directement. Dans le cas contraire (cotisations sociales, impôts, taxe d’habitation, TVA,...), les profils sont calculés au prorata des ressources individualisées.
48Il faut bien garder à l’esprit que les profils s’entendent comme moyens sur l’ensemble de la population et non pas seulement sur la population bénéficiaire. Les agrégats reconstitués à partir de l’enquête sont inférieurs à ceux donnés dans la Comptabilité nationale. Il faut donc, une fois les profils estimés, les recaler de manière uniforme sur ces données pour obtenir des profils moyens. Les profils moyens selon l’âge et le sexe sont détaillés dans l’annexe.
Compte des administrations publiques ( APU ) et agrégats à ventiler
49Les agrégats à ventiler (cf. tableau 1) sont issus du compte de l’ensemble des administrations publiques qui regroupe l’État, les collectivités locales et territoriales, la Sécurité sociale.
Compte des administrations publiques (S 60) en 1996

Compte des administrations publiques (S 60) en 1996

Projections de population
50Les projections de population s’appuient sur les paramètres (fécondité, mortalité, immigration) retenus par l’INSEE à l’horizon 2049 (Dinh [1994,1995]). Les projections chiffrées n’ont pas été retenues directement pour deux raisons : on a préféré adopter comme base la population estimée en 1998 (et non la population de 1990), et surtout on voulait pouvoir raisonner à paramètres constants et non à population constante après 2050. Les chiffres des populations de 1996 et 1997 sont issus de Kerjosse [1999].
51À partir de 2049, les quotients de mortalité, les taux de fécondité ainsi que le solde migratoire sont supposés fixes. La population n’est constante qu’à partir de 2096.
UN DÉSÉQUILIBRE INTERGÉNÉRATIONNEL QUI VARIE DE 1 À 4 SELON LES HYPOTHÈSES RETENUES
52Un des principaux objectifs de ce chapitre étant d’expliciter les écarts entre les résultats des différentes études menées sur la France, et en particulier celle d’Accardo, notre point de départ est constitué des hypothèses retenues par ce dernier, modifiées par des scénarios successifs pour aboutir au compte central définitif. Présenter dès le départ les résultats des différentes études appliquant la méthodologie de la CG à la France serait peu instructif. Les hypothèses retenues par chacun des auteurs sont en effet très différentes.
531996 est choisie comme année de référence; le taux d’actualisation, r, est égal à 3 % et le taux de croissance de la productivité, g, à 1 % [1]; la richesse de l’État est égale à – 3 217,7 milliards en 1996.
Le maintien des politiques fiscales et sociales actuelles conduirait à un déséquilibre intergénérationnel important
54Le tableau 2 présente les résultats. De manière traditionnelle, on a fait figurer les comptes de l’ensemble des générations actuellement en vie. Il faut cependant garder à l’esprit, pour éviter toute interprétation erronée, que ces comptes, exception faite de ceux de la génération née en 1996, sont partiels et donc non comparables avec ceux des générations futures [2]. En effet, on ne considère que les transferts nets que ces générations vont recevoir dans le futur. On ne reconstitue pas l’ensemble de leur cycle de vie. Un compte négatif pour les générations âgées de 60 à 64 ans signifie uniquement que ces générations vont recevoir dans le futur davantage qu’elles ne vont cotiser ou payer des impôts. Mais on ne considère pas les sommes dont elles se sont acquittées par le passé. C’est la raison pour laquelle la comptabilité générationnelle ne compare aux générations futures, dans sa version de base, que les comptes de la génération née l’année de référence (soit 1996), pour laquelle on reconstitue en prospective l’ensemble des transferts nets sur le cycle de vie.
55Il semble par ailleurs difficile à concevoir que deux générations nées à un an d’intervalle (1996 et 1997) connaissent des paiements nets aussi différents. Ce résultat tient à une convention de présentation de la comptabilité générationnelle. En effet, la génération née en 1996 est supposée soumise, comme toutes les générations actuellement en vie, au même régime fiscalo-social tout au long de son existence, alors que la génération qui naîtra en 1997 est supposée, comme toutes les générations futures, assurer la contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement. L’objectif de la comptabilité générationnelle est ainsi de montrer dans quelle mesure le maintien du système fiscal et social actuel pour toutes les générations à venir conduirait à la violation de la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État. Ceci nécessiterait alors des ajustements qui seraient, par hypothèse, supportés par les générations futures. Le deuxième indicateur évoqué lors de la présentation de la méthode (cf. supra ) semble plus adéquat. Il s’agit de l’Intertemporal Public Liabilities qui mesure le déséquilibre engendré par le maintien à l’infini du système social et fiscal actuel, sans présupposer des générations qui devront assurer l’équilibre de la CBI de l’État.
Comptes générationnels par âge et sexe (scénario initial)

Comptes générationnels par âge et sexe (scénario initial)
56En 1996, les générations âgées de 60 ans, âge légal de départ à la retraite, présentent le transfert net le plus important (cf. tableau 2). En effet, leurs impôts et taxes sont réduits et elles commencent à bénéficier de manière importante des transferts de retraite, puis de santé. Ce paiement net s’atténue avec l’âge en raison de la diminution de l’espérance de vie. Les générations âgées de 20 à 45 ans présentent les profils de paiement nets les plus importants, avec un pic à 25-29 ans. En effet, elles ne bénéficient (presque) plus de dépenses d’éducation alors qu’elles entrent sur le marché du travail et vont donc cotiser et payer des impôts. Le poids des transferts qu’elles recevront après 60 ans est amoindri par le jeu de l’actualisation. Il en est de même pour les générations les plus jeunes mais les transferts d’éducation modèrent les paiements nets. Le déséquilibre intergénérationnel est important. Les générations futures auraient à payer environ 3,8 fois plus que les générations actuelles pour assurer la contrainte budgétaire de l’État.
57On constate un écart très important entre les profils de transferts nets des hommes et des femmes, qui résulte des hypothèses de ventilation. Les femmes participant moins au marché du travail et ayant des salaires plus faibles, elles paient donc moins de cotisations et d’impôts et perçoivent davantage de prestations. Il est possible de modifier ces hypothèses afin d’évaluer la sensibilité des résultats. En effet, on a déjà souligné que lorsque les transferts étaient individualisables (pension de retraite, indemnité de chômage), aucune difficulté n’apparaît dans l’évaluation du profil. Par contre, lorsqu’il s’agit de traiter des flux non individualisés (impôts sur le revenu par exemple), il est nécessaire d’émettre des hypothèses sur la manière dont on réalise l’individualisation entre les différents membres du ménage.
58Dans le scénario initial (tableau 2), on répartissait les flux au prorata des ressources individualisées. Désormais, afin d’avoir des profils de paiement nets des hommes et des femmes plus proches, on suppose que le profil de TVA et de TIPP est le même pour les deux sexes [1] et que les profils d’impôt sur le revenu, d’impôts sur le patrimoine et de cotisations sociales sont inférieurs pour les femmes de seulement 20 % par rapport à ceux des hommes. On rejoint ici certainement davantage les profils utilisés par Accardo [1998] pour lequel l’individualisation est réalisée selon la clé suivante : « Les flux mesurés au niveau du ménage sont partagés entre la personne de référence du ménage et son conjoint éventuel selon la répartition par âge et sexe observée parmi les ménages d’un seul adulte. » Ce choix, qui suppose un paiement net identique des personnes isolées et des individus en couple, peut être discuté [2]. Dans un souci de comparaison, on s’aligne néanmoins en partie sur cette option, en modifiant les profils présentés en annexe, initialement calculés à partir de l’enquête BDF 95.
Des comptes par génération sensibles à l’hypothèse d’individualisation des taxes et des transferts au niveau du ménage
59Les paiements nets moyens de TVA et de TIPP des femmes sont égalisés à ceux des hommes et les profils d’impôt sur le revenu, de cotisations sociales et d’impôts sur le patrimoine sont fixés à 80 %. L’écart entre les paiements nets des hommes et des femmes est réduit par rapport au scénario de ventilation au prorata des ressources individualisées. Le déséquilibre n’est lui que légèrement modifié à la hausse sous l’effet combiné des évolutions démographiques différenciées entre hommes et femmes et des paiements plus faibles de ces dernières (cf. tableau 3). Les comptes par génération basés sur les profils modifiés (colonnes 2 à 4, tableau 3) sont proches de ceux présentés dans l’étude d’Accardo (colonnes 5 à 7, tableau 3). Le déséquilibre que l’on calcule est néanmoins plus élevé.
Comptes générationnels par âge et sexe Modification de l’hypothèse d’individualisation des taxes et des transferts au niveau du ménage

Comptes générationnels par âge et sexe Modification de l’hypothèse d’individualisation des taxes et des transferts au niveau du ménage
60Les fortes variations par sexe liées au profil de ventilation retenu incitent à ne plus faire de distinction par la suite. Il serait de toute manière difficile d’induire des éléments sur la redistribution entre sexes en raison de la non prise en compte de la distribution des revenus et des prestations intra ménages. De plus, cette comparaison entre hommes et femmes traduit à la fois des éléments démographiques (espérance de vie plus longue entraînant une hausse de la durée de versement des prestations) mais aussi économiques (moindres salaires, participation au marché du travail plus faible). Une distinction intragénérationnelle selon le revenu serait certainement plus instructive, d’autant qu’elle serait plus appropriée pour l’évaluation de politiques économiques [1].
61Ces questions autour de l’individualisation des impôts et des transferts sont d’autant plus importantes en France qu’une grande partie des agrégats ventilés ne sont pas individualisables. Par exemple, l’impôt sur le revenu est calculé au niveau du foyer fiscal, alors qu’il est prélevé directement à la source dans la plupart des pays européens.
Assimiler le paiement des intérêts de la dette à des dépenses de consommation courantes de l’État multiplierait le déséquilibre intergénérationnel par deux
62Les résultats du tableau 3 ont été obtenus en se basant sur des hypothèses aussi proches que possible de celles retenues par Accardo dans un souci de comparaison. L’objectif était, avant de se lancer dans une discussion des écarts entre les résultats, d’avoir un point de départ similaire.
63Intégrer les intérêts de la dette dans les dépenses de consommation courante de l’État (Accardo [1998]) apparaît comme un double compte. Les intérêts sont en effet égaux à la dette en valeur actualisée et cette dernière est prise en compte dans la richesse du gouvernement. Cela revient à faire un choix entre compter ce que je dois au départ ou compter ce qu’il me reste à payer en valeur actualisée. Laisser de côté les intérêts de la dette (égaux à 285 milliards de francs) divise le déséquilibre par deux, les comptes des générations actuelles restant les mêmes (cf. tableau 4).
64Un coût important, qui devait être supporté par les générations futures, est en effet supprimé. Cette variante sur le traitement des intérêts de la dette conduit à un résultat identique dans l’étude de Doré et Levy [2000]. Le paiement des générations futures est deux fois moins élevé si on ne tient pas compte du service de la dette que si les intérêts sont intégrés dans les dépenses de consommation courante de l’État. Ce traitement différent des intérêts de la dette par Accardo [1998] et par Doré et Levy [2000] explique une grande part de l’écart entre les résultats de leurs études.
Conserver un solde de dépenses non ventilées accentuerait le déséquilibre
65Les études basées sur la méthodologie de la comptabilité générationnelle se démarquent entre autres souvent par la ventilation de certaines dépenses, en particulier les dépenses d’éducation, mais aussi les dépenses d’infrastructures de santé par exemple. Ceci n’est pas neutre sur le déséquilibre intergénérationnel et l’impact dépend de la nature de la dépense non ventilée. Une catégorie d’âge précise est-elle ciblée ou la répartition est-elle uniforme ?
Comptes générationnels par âge Le remboursement des intérêts de la dette est considéré comme une dépense de consommation courante de l’État

Comptes générationnels par âge Le remboursement des intérêts de la dette est considéré comme une dépense de consommation courante de l’État
66Supposons, par exemple, que 400 milliards de transferts, laissés jusqu’alors dans le solde Gt (Poste Reste de la consommation finale des Administrations publiques) (cf. tableau 1) sont désormais ventilés.
67L’influence de la ventilation d’un agrégat de manière uniforme semble avoir un impact beaucoup moins important sur le déséquilibre que pour Accardo. La baisse de n0 n’est pas beaucoup plus importante que celle de n1 (cf. tableau 5). Cette différence résulte des projections démographiques [1] mais aussi, peut-être, du mode de calcul (mais nous ne disposons pas de moyen de vérification). Par ailleurs, il semble logique que la ventilation du transfert profitant à tout le monde de manière uniforme, le déséquilibre ne soit pas affecté de manière importante (voir annexe 2 [2] ).
68Les modifications sont beaucoup plus sensibles lors de la ventilation d’un agrégat ciblé sur une population précise, telles les dépenses d’éducation. Elles ont été jusqu’à présent considérées comme des transferts en direction des 1-26 ans. Ne plus les ventiler, c’est-à-dire les conserver dans le solde Gt, supposerait alors de les considérer :
- soit comme un investissement de l’État. AGK (1994) les laisse par exemple de côté en supposant un coût - bénéfice nul [1];
- soit comme une dépense courante du gouvernement;
- une autre possibilité consisterait à ventiler les dépenses d’éducation sur les adultes en faisant l’hypothèse qu’en l’absence de ces transferts, ils en supporteraient le coût. Stijns [1997] émet la possibilité qu’elles profitent « à l’ensemble de la société présente et future à travers leur effet sur la productivité générale de l’économie », (p. 12). La ventilation se ferait alors de manière uniforme sur l’ensemble des individus [2].
Comptes générationnels par âge Différentes hypothèses de ventilation des dépenses de l’État

Comptes générationnels par âge Différentes hypothèses de ventilation des dépenses de l’État
69Si on ne ventile plus les dépenses d’éducation, les paiements nets moyens de toutes les générations concernées par l’éducation (c’est-à-dire jusqu’à 29 ans) augmentent puisqu’elles reçoivent moins de transferts (cf. tableau 5). La hausse est d’autant plus importante que les individus sont jeunes, en raison de la prédominance de ces transferts à ces âges-là et de l’effet de l’actualisation.
70Cet exemple met par ailleurs en évidence la sensibilité du ratio comme indicateur de déséquilibre et sa non-robustesse au choix des ventilations. Il est en effet mécaniquement très élevé (11,6) lorsqu’on ventile 400 milliards de dépenses des administrations publiques, en raison de la faiblesse des comptes des nouveau-nés. On ne l’utilisera plus par la suite au profit de la différence ( n1 ? n0 ).
71La ventilation de l’ensemble du solde Gt de manière uniforme (cf. tableau 5) correspond logiquement à la volonté de ne pas introduire de biais dans les résultats [1]. On est ici en accord avec Ter Rele [1997] qui explique que « what is relevant is the inter-generational redistribution of all benefits and burdens and not only those distributed by means of transfer payments » (p. 18), et avec Raffelhüschen [1999] : « [...] the present study [...] uses a broad concept of government transfers that assigns net government purchases not transferred to individuals in-cash as an in-kind transfer reducing agents’lifetime fiscal burden. The generational accounts hence do not only measure who pays for general government spending, like expenditure for military, but also who possibly benefits from it. » La ventilation du solde Gt de manière uniforme diminue légèrement le déséquilibre intergénérationnel, en raison des évolutions démographiques mais dans des proportions moindres qu’auparavant, dans le cas de la ventilation des dépenses d’éducation. De la même manière que, précédemment, la ventilation de ce transfert agrégé profite en effet à tout le monde de manière uniforme.
Considérer les dépenses d’investissement comme des dépenses de consommation courantes multiplierait le déséquilibre intergénérationnel par deux
72Les études basées sur la CG se différencient aussi à propos du traitement des dépenses en capital de l’État. Elles sont laissées de côté dans l’étude d’Accardo, qui explique que, ne considérant que la richesse financière de l’État, il retient « un déficit budgétaire courant hors dépenses d’investissement ». Doré et Levy [1998,2000], quant à eux, retiennent un déficit budgétaire courant incluant les dépenses en capital tout en n’intégrant pas les actifs physiques dans la richesse totale de l’État. Quelle solution adopter ?
73Le traitement des investissements en capital de l’État fait souvent l’objet de critiques car ils peuvent être considérés de trois manières :
- soit on suppose qu’ils ne « rapportent » pas aux administrations publiques et on les considère alors comme de la consommation courante, payée l’année de l’achat, en supposant qu’il est indifférent de considérer la valeur l’année d’achat ou le flux actualisé de services [1]. On néglige ainsi sciemment le rendement social qui pourrait bénéficier à l’État (en tenir compte nécessiterait cependant un raisonnement dans le cadre d’un modèle d’équilibre général calculable). Les bénéfices fournis par ces investissements aux générations futures ne sont pas non plus pris en compte, orientant ainsi défavorablement leur position puisqu’elles doivent en supporter le coût;
- soit on suppose que ces dépenses en capital bénéficient aux générations actuelles et on les ventile comme des transferts ;
- soit on suppose que ces dépenses ont un rendement positif, que l’État peut s’« approprier » et les flux de revenus futurs s’annulent alors avec le prix de l’achat, sous l’hypothèse supplémentaire que le taux de rendement des investissements pour l’État est égal au taux d’actualisation. On laisse alors de côté le compte de capital.
74Entre ces positions extrêmes peut être proposé un certain nombre de variantes, différant par le degré de dépenses jugées « productives » et « improductives », l’importance de cette question étant renforcée par le montant élevé des dépenses en capital.
75Assimiler les dépenses en capital (d’un montant de 247 milliards de francs en 1996) à des dépenses de consommation courante multiplierait le déséquilibre par deux, les comptes des générations actuelles restant les mêmes (cf. tableau 6). Les scénarios qui suivent sont réalisés en laissant de côté le compte de capital. Il faut cependant garder à l’esprit la critique importante d’Haveman [1994] qui juge que « these conventions have another undesirable feature : they prevent the accounts from reflecting any changes in the long-vs. short-run character of the portfolio of public investment activities. For example, a shift in the composition of public exhaustive expenditures from short-lived activities (like traffic control) to long-lived capital investment (like education) would have no effect on the generational accounting tabulations ».
Comptes générationnels par âge Les dépenses d’investissement sont considérées comme des dépenses courantes

Comptes générationnels par âge Les dépenses d’investissement sont considérées comme des dépenses courantes
76D’autres variantes consisteraient à ventiler une partie de ces dépenses en capital sur les générations actuellement en vie, les considérant alors comme des transferts. Doré et Levy [1998,2000] retiennent cette hypothèse pour les dépenses d’éducation et les dépenses de santé.
Assimiler la richesse de l’État à la seule dette publique majorerait le déséquilibre intergénérationnel
77La richesse Wt de l’État peut poser un problème de concept et de mesure. Afin de contourner le problème, on étudie la sensibilité du déséquilibre à des variations de son montant. On suppose donc désormais que la richesse du gouvernement est égale à la différence entre la valeur de l’ensemble des actifs (financiers et non financiers) et la dette publique, soit 682 milliards de francs ( INSEE [1997b]).
Comptes générationnels par âge Les actifs physiques de l’État sont intégrés dans sa richesse

Comptes générationnels par âge Les actifs physiques de l’État sont intégrés dans sa richesse
78Le déséquilibre diminue d’un peu plus de 25 % (cf. tableau 7), baisse plus importante que dans l’étude d’Accardo (environ 10 %). Cette différence s’explique certainement par la manière de calculer les comptes des générations futures.
Ne pas supposer la constance des profils relatifs par âge en projection modifie le déséquilibre intergénérationnel
79Une des hypothèses fortes de la comptabilité générationnelle concerne la constance des profils au cours du temps. Le paiement net de la génération née en ( t + 1 ) est égal à celui de la génération née en t, ajusté de la croissance de la productivité. Un homme de 40 ans, par exemple, paiera toujours x % de cotisations sociales de plus qu’un homme de 60 ans, quelle que soit la date. Cette hypothèse de constance des profils par âge soulève deux problèmes liés. Le premier, récurrent, concerne la confusion entre âge et génération. En effet, on suppose que le profil par âge estimé en coupe va s’appliquer en longitudinal. Ceci n’est pas le cas en général. Bodier [1999] met en évidence ces effets d’âge et de génération sur la structure de la consommation et son évolution. Elle en conclut que « jusqu’à présent, les études sur la consommation suggèrent que celle-ci diminue avec l’âge. La déformation de la structure de la population au profit des catégories de niveau élevé, mais a priori sous-consommatrices, fait donc peser de fortes incertitudes sur le niveau de la consommation des ménages au cours des décennies à venir. Toutefois, ces études comparent des générations différentes à une même date ».
80La deuxième difficulté concerne le raisonnement à structure de l’économie fixée. Comme l’explique Sturrock [1995], « Fixed relative age profiles define the structure of the economy. For instance, they imply that, by age and sex, there is never any change in rates of participation in the labor force, relative earnings, the average work week, the ratios of assets to income, health needs and so forth ». On peut aussi citer Kessler et Masson [1995] qui indiquent qu’« il faut encore s’interroger sur la nature, la force et la permanence des effets de l’âge que l’on mettrait ainsi en évidence, pour pouvoir dégager les conséquences socio-économiques du vieillissement des populations, soit de la part relative croissante prise par les effectifs des personnes âgées ».
81Par ailleurs, pour les plus âgés, le calcul des profils sur une année donnée peut induire un biais de sélection résultant des écarts d’espérance de vie. Les individus avec un revenu élevé ont en effet aussi, en moyenne, l’espérance de vie la plus longue.
82La question de la constance se pose pour tous les profils de transferts et impôts par âge.
• Cotisations sociales
83L’augmentation de la participation des femmes au marché du travail entraîne une hausse de leur revenu moyen par rapport à celui des hommes, ainsi qu’une modification du profil de cotisations, d’impôts sur le revenu, de TVA,... Comme on l’a vu dans les premiers résultats (cf. tableau 2), si l’impact sur le déséquilibre n’est pas très important, il n’est cependant pas négligeable. Certaines études, et en particulier celle de Doré et Levy [1998], autorisent une variation des profils en projection : « The resulting age and sex profiles are assumed constant through time, except for adjustments reflecting projected changes in the participation rate of women. » Malheureusement, s’ils calculent les comptes générationnels pour les générations actuellement en vie, avant et après ajustement, ils n’indiquent pas dans leur étude la valeur du compte des générations futures et donc pas le niveau du déséquilibre.
• Retraites
84Le profil moyen de retraite par âge, calculé sur la population totale, intègre à la fois un effet « montant de retraite avec l’âge » et un effet « taux de retraités par âge » (cf. graphique 1).
85La combinaison de ces deux courbes conduit au profil présenté en annexe (cf. graphique 2, annexe 1).
86La hausse des taux d’activité féminins va ainsi entraîner une modification du profil moyen de pension de retraite par sexe, sous l’effet d’une augmentation des droits mais aussi du taux de retraitées par âge. Ces modifications combinées aux évolutions démographiques auront un impact sur les comptes intergénérationnels. Par ailleurs, les retraites sont indexées sur la productivité en projection alors que les pensions du secteur privé sont indexées sur les prix depuis 1987. La variante sur le mode d’indexation mettra en évidence l’impact sur le déséquilibre (voir infra ). Enfin, les retraites dépendent de chroniques de revenus passés et sont donc amenées à évoluer.
Pension annuelle moyenne et taux de retraités par âge et sexe

Pension annuelle moyenne et taux de retraités par âge et sexe
• Dépenses de santé
87Les travaux d’Accardo [1998] et de Doré et Levy [1998,2000] se basent sur l’enquête Santé 1980 (Mizrahi, Mizrahi [1986] et Caussat, Glaude [1993]). Comparons le déséquilibre intergénérationnel lorsqu’on utilise des données plus récentes en matière de dépenses de santé, à savoir l’Enquête Santé 1992 [1] (Mizrahi et Mizrahi [1995]) (cf. graphique 9).
Comptes générationnels par âge Les profils de dépenses de santé sont issus de l’Enquête Santé 1992 (et non 1980)

Comptes générationnels par âge Les profils de dépenses de santé sont issus de l’Enquête Santé 1992 (et non 1980)
88Le déséquilibre intergénérationnel est accentué de manière significative, d’environ 25 %, (cf. tableau 8). En effet, l’écart relatif entre les dépenses des jeunes et des plus âgés, plus élevé d’après l’enquête Santé 1992 que dans l’enquête Santé 1980, combiné aux évolutions démographiques, renchérit le coût à venir des dépenses de santé. Les comptes de l’ensemble des générations augmentent, tout particulièrement pour celles aux âges médians, susceptibles de bénéficier plus longtemps de dépenses de santé plus élevées.
89Par ailleurs, les agrégats de dépenses de santé dans nos projections, comme l’ensemble des transferts et taxes, évoluent au rythme de la productivité et des évolutions démographiques et ne sont pas contraints par des projections macro-économiques exogènes qui les maintiendraient sur un sentier de croissance défini ex ante. Doré et Levy [2000] définissent ce sentier ex ante : « Dans le moyen terme, les dépenses de santé totales en proportion du PIB subiront une réduction modérée, puis, au-delà de 2002, les dépenses de santé par tête évolueront proportionnellement à la productivité. » Ce choix est conforme à la volonté de construire des comptes générationnels plus « réalistes ».
90Pour terminer, on peut aussi contester l’hypothèse de constance des profils par âge en projection pour deux autres raisons :
- les profils estimés en coupe reflètent la situation économique une année donnée (croissance ou récession). Les agrégats observés sont ainsi affectés par des effets de cycle (préretraites, indemnités chômage, cotisations sociales,...);
- les profils peuvent être sujets à un certain nombre d’erreurs de mesure, question abordée par Accardo qui conclut finalement que « l’effet des erreurs de mesure (sur le déséquilibre) est très modéré ».
91Le dernier scénario envisagé, basé sur les profils de dépenses de santé issus de l’enquête Santé 1992 et dont les résultats sont présentés dans le tableau 8 (col. 3), correspond désormais à notre compte central, par rapport auquel nous mettrons en place deux variantes dans le domaine des retraites.
Le déséquilibre résulterait des évolutions démographiques
92Afin d’évaluer l’ampleur de l’impact du vieillissement sur le déséquilibre intergénérationnel mis en évidence précédemment, on fait une variante à structure démographique de 1996 inchangée.
93Sous l’hypothèse d’une constance de la population à son niveau et à sa structure de 1996, le déséquilibre disparaît totalement (cf. tableau 9) et la situation est même inversée au profit des générations futures.
94Sans adopter cette position extrême, il est possible de tester l’impact des trois composantes des projections démographiques : fécondité, espérance de vie et immigration [1].
La mesure du déséquilibre est très sensible au choix du taux de croissance de la productivité et du taux d’actualisation
95Aucun consensus n’existe sur les valeurs des taux d’actualisation et de croissance de la productivité à retenir. Le choix de ces deux paramètres est toujours sujet à discussion et le débat est en général tranché par des analyses de sensibilité qui retiennent des valeurs des taux entre deux bornes. En ce qui concerne le taux d’actualisation, la borne inférieure correspond au rendement des obligations d’État, la borne supérieure au rendement d’un actif risqué (pour tenir compte des incertitudes sur les flux futurs de recettes et de dépenses) [2].
Comptes générationnels par âge La structure et le niveau de la population sont ceux de 1996

Comptes générationnels par âge La structure et le niveau de la population sont ceux de 1996
96Pour un taux de croissance de la productivité donné, un taux d’actualisation plus élevé a tendance à diminuer le déséquilibre puisqu’il donne un poids plus faible aux paiements futurs (la diminution ne sera pas monotone, les flux des futures générations et de celles des nouveau-nés diminueront toutes les deux avec un taux d’actualisation plus élevé) (cf. tableau 10).
97Les effets de l’augmentation de la productivité sont ambigus, diminuant le fardeau relatif des futures générations pour un taux d’actualisation suffisamment élevé et l’accroissant pour des taux faibles. Comme l’expose clairement Accardo [1998], la valeur du déséquilibre dépend de la différence ( r - g ) et non pas des valeurs absolues. En effet, si l’on se reporte aux équations de base de la CG, on constate l’omniprésence du rapport ( 1 + g ) / ( 1 + r ) [1] dans les flux. Quels sont les éléments d’explication de cette non-linéarité ? Une croissance plus forte accroît la valeur actualisée des transferts et des taxes. Néanmoins, en raison de la distribution de la consommation sur cycle de vie, quand le taux d’actualisation est suffisamment élevé, l’accroissement de la valeur actualisée des taxes (payées plus tôt dans la vie) compense l’accroissement de la valeur actualisée des transferts. Pour des taux d’actualisation suffisamment faibles, l’accroissement des transferts conjugué à une consommation du gouvernement plus importante (qui évolue au rythme de croissance de l’économie) impliquent un fardeau plus élevé pour les générations futures (cf. tableau 10).
Comptes générationnels par âge Sensibilité au choix du taux d’actualisation et au taux de croissance de la productivité

Comptes générationnels par âge Sensibilité au choix du taux d’actualisation et au taux de croissance de la productivité
INDEXATION DES PENSIONS DE RETRAITE SUR LES PRIX OU RECUL DE L’ÂGE LÉGAL DE DÉPART EN RETRAITE ou deux manières de « redresser » le déséquilibre intergénérationnel
Une indexation des prestations de retraite sur les prix diminuerait fortement le déséquilibre [1]
98Une des hypothèses fortes de la CG concerne l’indexation en projection du niveau des paiements nets par âge sur la productivité. Or, ce n’est pas le cas pour toutes les taxes ou transferts, en particulier pas pour les prestations de retraite. On suppose dans cette variante que ces dernières sont indexées sur les prix après la liquidation [1]. Dans notre modèle, cette hypothèse se traduit par une constance des pensions après la liquidation. L’évolution de la pension de retraite ( PR ) ne sera plus PRa, t = PRa,t0 ( 1 + g )t?t0 mais PRR+h, t = PRR,t?h et PRR, t = PRR,t0 ( 1 + g )t?t0, g étant le taux de croissance de la productivité, a l’âge, R l’âge de départ en retraite, ( R + h ) l’âge postérieur au départ en retraite. On raisonne en termes rééls.
99Cette formulation suppose le choix d’un âge de départ en retraite à partir duquel l’indexation sur les prix entre en vigueur. On avait au départ adopté l’âge moyen de liquidation, 62 ans en 1997 (Dangerfield [1999]), qu’il faudrait d’ailleurs distinguer par sexe (respectivement 62,5 pour les femmes et 60,5 pour les hommes). Mais, en raison du calcul sur la population totale des profils de prestations de retraite moyenne par âge (cf. graphique 2), l’effet était beaucoup trop important. En effet, non seulement les retraites n’étaient plus indexées sur la productivité après le départ en retraite, mais on laissait aussi figé le taux de retraités au niveau de celui de 62 ans, ce qui était particulièrement problématique (et faux) pour les femmes [2]. En effet, le profil moyen de retraite par âge, calculé sur la population totale, intègre à la fois un effet « montant de retraite avec l’âge » et un effet « taux de retraités par âge » (graphique 1).
100Deux solutions se présentent alors : soit distinguer dans les profils de retraite moyens la part en provenance des droits et celle en provenance du taux de retraités, soit partir du principe que la partie ascendante de la courbe est due à l’augmentation de la part des retraités dans la population totale avec l’âge, et faire l’hypothèse que l’indexation ne s’exerce qu’à partir du point haut de la courbe. C’est cette solution, moins précise, mais beaucoup plus simple à mettre en œuvre que nous retenons.
101L’âge à partir duquel les prestations sont indexées sur les prix est fixée à 66 ans (on suppose alors que la majorité des personnes sont retraitées).
102L’indexation des pensions liquidées sur les prix diminuerait le déséquilibre d’environ 30 %, malgré l’hypothèse d’indexation tardive (à partir de 66 ans) (cf. tableau 11). Ce résultat est à la fois sous et surestimé : sous-estimé en raison d’une indexation sur les prix qui ne joue qu’après la liquidation (et non aussi sur le montant calculé de la pension par le biais de la revalorisation des salaires portés au compte), surestimé en raison de la non-distinction suivant le type de retraite, l’indexation sur les prix ne s’appliquant en effet qu’aux retraités du secteur privé. Cet impact du mode d’indexation est similaire chez Crettez, Feist et Raffelhüschen [1999]. L’application de l’intégralité des aspects de la réforme de 1993 (y compris l’augmentation à 160 trimestres de la durée de cotisation requise pour l’obtention du taux plein) diminue le déséquilibre de 40 % et l’extension de cette réforme à tous les régimes de retraite implique une baisse de trois quarts du déséquilibre. Doré et Levy [1998] évaluent, quant à eux, les effets de l’application de la réforme de 1993 à une division du déséquilibre par deux.
Comptes générationnels par âge Les pensions de retraite sont indexées sur les prix après la liquidation

Comptes générationnels par âge Les pensions de retraite sont indexées sur les prix après la liquidation
Un recul de l’âge légal de la retraite de trois ans pourrait supprimer le déséquilibre intergénérationnel
103On suppose un recul de l’âge de la retraite de trois ans, qui entraîne une translation des profils moyens de prestation de retraite, d’indemnités chômage, de revenus sociaux, de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu de même ampleur.
104Le déséquilibre intergénérationnel est fortement diminué et on retrouve dans ce scénario l’idée forte selon laquelle le recul de l’âge légal de la retraite est une des solutions les plus efficaces pour limiter l’impact négatif des évolutions démographiques sur le financement du système de retraite (tableau 12). Il a en effet une double action, sur les recettes et sur les dépenses du régime des retraites, qui constitue avec la santé les deux postes les plus importants des dépenses sociales et les plus sensibles au vieillissement.
105Un tel scénario n’a bien évidemment qu’une valeur indicative. En effet, un recul effectif de l’âge légal de la retraite ne conduirait pas à une évolution parallèle des autres profils, en particulier pas à une augmentation des taux d’emploi de même ampleur. Il pourrait par contre se traduire par une hausse des préretraites ou du chômage.
Comptes générationnels par âge L’âge légal de la retraite est retardé de trois ans

Comptes générationnels par âge L’âge légal de la retraite est retardé de trois ans
CONCLUSION
106Les études établissant des comptes générationnels pour la France (Accardo [1998]; Doré et Levy [1998]; Crettez, Feist et Raffelhüschen [1999]) conduisent à des résultats différents. Cet article avait pour objectif, en appliquant la méthodologie de la comptabilité générationnelle, d’expliquer le pourquoi de ces différences et de mettre ainsi en évidence, parallèlement, la forte sensibilité des indicateurs aux hypothèses retenues. Le déséquilibre calculé dans cette étude est moindre que celui d’Accardo [1998], essentiellement en raison de la non-prise en compte des intérêts de la dette comme dépense de consommation du gouvernement et malgré des profils de dépense de santé moins favorables. Il est proche de celui évalué par Doré et Levy [2000], car si ces derniers tiennent compte de l’indexation des pensions de retraite sur les prix, d’une hausse du taux de participation des femmes, et d’une contrainte de croissance des dépenses de santé jusqu’en 2002, trois éléments qui minorent le déséquilibre, ce dernier est accentué par l’inclusion des dépenses en capital de l’État. Enfin, le déséquilibre le plus faible est affiché par Crettez, Feist et Raffelhüschen [1999], essentiellement en raison de l’application de la réforme Balladur de 1993, des valeurs choisies du taux d’actualisation (5 %) et du taux de croissance de la productivité (1,5 %), ainsi qu’à des hypothèses démographiques engendrant une croissance de l’espérance de vie moindre [1]. Ainsi, on peut aisément conclure, à la suite d’Haveman [1994], qu’il peut exister autant de comptes par génération que d’auteurs de ces comptes [2].
107Par contre, si ce travail de comparaison met en évidence la sensibilité des résultats à un certain nombre d’hypothèses, il ne remet pas en cause le résultat fondamental. Si toutes les générations actuellement en vie étaient soumises au même régime fiscal toute leur vie, les générations futures auraient alors à payer davantage que les nouveau-nés pour satisfaire la contrainte budgétaire intertemporelle.
108Si l’idée de remplacer la mesure du déficit budgétaire par les comptes générationnels, comme le suggéraient Auerbach, Gokhale et Kotlikoff au début des années 1990, a été abandonnée, cette méthode constitue néanmoins un outil susceptible de fournir des données de cadrage sur la redistribution intergénérationnelle engendrée par les politiques fiscales et sociales en France, avec un éclairage par âge. Elle permet de prendre en compte les engagements financiers de long terme de l’État, en particulier dans le domaine des retraites et raisonne dans un cadre global en intégrant l’ensemble des transferts publics. Les nouvelles études basées sur la méthode de la comptabilité générationnelle tentent de la rendre plus flexible. Les distributions par âge des taxes et des transferts évoluent en projection; les comptes sont transformés en déficits annuels, mesure plus proche des outils d’analyse traditionnels ; aux comptes uniquement prospectifs sont ajoutés les comptes complets des générations actuelles.
109Il est cependant nécessaire de mettre en place certains garde-fous dans l’interprétation des résultats. En raison de la sensibilité des indicateurs de mesure du déséquilibre à un certain nombre d’hypothèses, il est difficile de quantifier l’ampleur de ce dernier. La méthodologie reste par ailleurs comptable et il ne faudrait pas vouloir en induire des conclusions théoriques, en particulier en raison du cadre d’équilibre partiel dans lequel sont réalisées les variantes. Il serait tout aussi illusoire de vouloir inférer des conclusions quant à l’équité entre générations en raison du caractère partiel de la méthode : non-prise en compte des consommations publiques qui bénéficient aux générations futures, ni des transferts privés au sein de la famille pouvant modifier de manière sensible les évaluations de la redistribution intergénérationnelle.
ANNEXE 1 PROFILS ANNUELS MOYENS DES DIFFÉRENTS TRANSFERTS ET TAXES SELON L’ÂGE ET LE SEXE EN 1996
Pension de retraite
Profil de pension de retraite moyenne par âge et sexe

Profil de pension de retraite moyenne par âge et sexe
110L’augmentation du profil pour les femmes jusqu’à environ 75 ans s’explique par la hausse de la part des pensions de réversion qui compense l’augmentation des droits directs des générations plus jeunes. En comparant ces résultats à ceux issus de Dangerfield et Prangère [1998], on constate que les profils se ressemblent sauf en écart entre les plus de 85 ans et les autres (cf. tableaux 13 et 14).
Montant mensuel moyen de l’avantage de droit direct selon l’âge et le sexe

Montant mensuel moyen de l’avantage de droit direct selon l’âge et le sexe
Montant mensuel moyen de la pension totale selon l’âge et le sexe

Montant mensuel moyen de la pension totale selon l’âge et le sexe
111Par ailleurs, il faut garder deux éléments à l’esprit. Les profils calculés sont moyens sur l’ensemble de la population : les montants de pension moyens sont donc pondérés des taux de retraités par âge. Par exemple, l’écart entre hommes et femmes de 60 à 64 ans, évalué à partir de BDF 95, est supérieur à 2, alors qu’il n’est que de 1,6 dans les données basées sur l’EIR. En effet, la part plus élevée de retraités parmi les hommes par rapport aux femmes augmente l’écart. Par ailleurs, il peut exister une mortalité différentielle selon le revenu. Après 90 ans, les effectifs sont trop faibles. On reconstitue donc les profils à la main, ce qui pose un problème avec l’allongement de la durée de vie et la croissance des effectifs de ces tranches d’âge.
Indemnités de chômage
112Les allocations chômage considérées sont les indemnités chômage « pures ». Les indemnités de licenciement ou les primes de départ ne sont pas intégrées.
Profil d’indemnité chômage moyenne selon l’âge et le sexe

Profil d’indemnité chômage moyenne selon l’âge et le sexe
Taux de chômage au sens du BIT selon l’âge et le sexe en mars 1994 [1]

Taux de chômage au sens du BIT selon l’âge et le sexe en mars 1994 [1]
113On constate que les indemnités de chômage moyennes sont plus élevées pour les femmes que pour les hommes avant 30 ans. Cela peut s’expliquer par un taux de chômage plus élevé pour les femmes (cf. tableau 15) à des âges où les montants d’indemnités ne sont pas encore trop différenciés par sexe. Le montant moyen est plus élevé chez les jeunes que chez les adultes. En effet, si leurs indemnités chômage sont en général plus faibles, ils sont plus nombreux au chômage (cf. tableau 15). Le profil présente par ailleurs un pic à 60 ans, âge légal de départ à la retraite. Après 56 ans, l’indemnité moyenne augmente sous l’effet de l’apparition des dispensés de recherche d’emploi et des préretraités (qui peuvent se déclarer comme des chômeurs). Après 65 ans, les indemnités chômage sont supposées nulles.
Cotisations sociales
114Le calcul des cotisations sociales a été réalisé par l’INSEE en adaptant sur l’enquête Budget des familles 1995 le module de microsimulation développé sur l’Enquête Revenus fiscaux 1990 (le module et son fonctionnement sont présentés de manière très détaillée dans INSEE [1997a]) avec les barèmes au 1er Juillet 1994. Le calcul des cotisations inclut la part employeur.
Profil moyen de cotisations sociales par sexe et âge

Profil moyen de cotisations sociales par sexe et âge
115Le profil des cotisations sociales par âge atteint un maximum à 50 ans. Utiliser un profil moyen de salaire par âge, comme peuvent le faire Doré et Levy [1998], n’apporterait pas plus d’information. En effet, il existe entre hommes et femmes des différences de salaire moyen, mais aussi de distribution de salaires (une part plus importante de femmes ont des salaires au niveau du Smic), de taux d’activité (temps partiel), de type d’emploi ou encore de secteur d’activité (Meurs et Ponthieux [1999]).
Impôt sur le revenu et autres impôts sur le patrimoine
Impôts sur le patrimoine
116Deux difficultés apparaissent lorsqu’on veut évaluer les profils de paiement moyen d’impôt sur le patrimoine : les revenus du patrimoine sont en effet sous-estimés dans l’enquête BDF 95 et les impôts payés sur ce patrimoine ne sont pas connus (exception faite de la CSG qui est calculée). On adopte alors l’hypothèse que le profil des impôts sur le patrimoine est le même que celui des revenus du patrimoine, dont on dispose. On ventile par la suite l’impôt sur les bénéfices des sociétés [1] (128,3 milliards en 1996) de la même manière, supposant ainsi qu’il est payé par les actionnaires.
Profil moyen d’impôts sur le revenu et sur le patrimoine par sexe et âge

Profil moyen d’impôts sur le revenu et sur le patrimoine par sexe et âge
Taxe d’habitation et taxe foncière
Profil moyen de taxe d’habitation par sexe et âge

Profil moyen de taxe d’habitation par sexe et âge
TVA et autres impôts sur la consommation ( TIPP + Droits sur tabac)
117Les masses de TVA et de TIPP ventilées sur les ménages englobent les masses perçues sur les entreprises (Accardo [1998]). On peut se dire qu’en dernier ressort, ce sont les ménages qui en supportent le paiement. On est ici à nouveau confronté au problème de l’incidence fiscale.

Revenus sociaux
118On ventile le RMI [1], les allocations logement, les allocations d’invalidité (allocation ou majoration pour tierce personne, allocation aux adultes handicapés, pensions d’invalidité, allocation d’éducation spéciale (destinée aux enfants handicapés), et les allocations familiales. Lorsque le ménage est constitué d’un couple et que le transfert n’est pas individualisable, les prestations sont partagées en deux.
Profil moyen de revenus sociaux par sexe et âge

Profil moyen de revenus sociaux par sexe et âge
Dépenses de santé
119Les profils par sexe et âge de l’enquête Santé 1980 sont issus de Caussat et Glaude [1993] et ceux de 1992 de Mizrahi et Mizrahi [1995].
Profil moyen de dépenses de santé par sexe et âge

Profil moyen de dépenses de santé par sexe et âge
Dépenses d’éducation
120L’Éducation nationale fournit des données sur les coût moyens par élève, par âge et par filière (tableau 16).
121En se basant par ailleurs sur la distribution des élèves du supérieur dans les différentes filières, on peut calculer le coût moyen pour les 19-23 ans et les 24-26 ans. D’après la direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’Éducation nationale (1990), 65 % des étudiants de l’enseignement supérieur sont à l’université, 5 % en IUT, 4 % en CPGE, 6 % en écoles d’ingénieurs, 10 % dans d’autres écoles et 10 % en section de technicien supérieur ( STS ) (tableau 17).
Coût moyen par élève ou étudiant en 1996 dans les établissements publics

Coût moyen par élève ou étudiant en 1996 dans les établissements publics
Répartition des étudiants dans les différentes filières

Répartition des étudiants dans les différentes filières
122On en déduit ainsi un coût moyen en 1996 pour les individus de 19 à 23 ans de 44 000 F et de 38 000 F pour les individus âgés. Combiné au taux de scolarisation par âge (tableau 18), on en déduit un coût moyen de dépenses d’éducation par âge dans le population totale (tableau 19).
Taux de scolarité par âge détaillé en 1994

Taux de scolarité par âge détaillé en 1994
Dépense moyenne par individu selon l’âge dans la population totale

Dépense moyenne par individu selon l’âge dans la population totale
Profil moyen des dépenses d’éducation par âge

Profil moyen des dépenses d’éducation par âge
ANNEXE 2 IMPACT SUR LE DÉSÉQUILIBRE INTERGÉNÉRATIONNEL DE LA VENTILATION D’UNE DÉPENSE DE L’ÉTAT DE MANIÈRE UNIFORME
123Il est difficile d’évaluer a priori l’impact sur le déséquilibre de la ventilation d’un agrégat de manière uniforme en raison de la combinaison des évolutions démographiques, de la prise en compte des paiements nets sur l’ensemble du cycle de vie et du jeu de l’actualisation. Cette annexe a pour objectif d’éclairer ce point en utilisant une formulation matricielle, permettant de mieux comprendre les éléments entrant en jeu.
1241 + g
Dans les calculs qui suivent, 1996, la date initiale, est notée t = 0 et 1 + r = ?
Supposons par exemple la ventilation des dépenses de défense ( DEP ) en admettant un
bénéfice uniforme pour tous les individus quels que soient leur âge et leur sexe. Le
transfert moyen par individu est alors DEP ? k
P0 = dep = dep0, k
Revenons aux équations de base de la CG :




125En effet,







126La variation du compte de la génération qui naîtra demain ( n1 ) est ainsi égale à la
somme des éléments de :


Notes
-
[*]
DREES, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Je remercie Jérôme Accardo pour son aide lors de ma première approche de la comptabilité générationnelle et Ronan Mahieu pour ses nombreuses remarques sur une première version de ce texte. Je reste cependant seule responsable des erreurs éventuelles.
-
[1]
Afin d’alléger le texte, on utilisera indifféremment par la suite le terme État pour parler de l’ensemble des administrations publiques.
-
[2]
On peut écrire de manière identique la dette actualisée en continu :
-
[1]
Dans la littérature, cette condition est qualifiée de « No Ponzi game ».
-
[2]
La CG repose ainsi sur l’hypothèse que l’État est soumis à une contrainte de solvabilité, valable quel que soit le niveau général des prix. Cette utilisation de la CBI de l’État, et donc la méthodologie même de la CG, seraient remises en cause si on se plaçait dans le cadre d’une théorie récente, la « Fiscal theory of price level » ( FTPL ), dont nous évoquons ici l’existence pour information (Creel et Sterdyniak [2001] parlent de « théorie budgétaire du niveau des prix », et Villieu [2000] de « théorie fiscale des prix »). Selon cette dernière, l’État n’a pas à se préoccuper de son équilibre intertemporel puisqu’il est supposé que sa solvabilité est assurée à l’équilibre macroéconomique, par un ajustement du niveau général des prix. On peut, en effet, réécrire l’équation (1) en faisant apparaître le niveau des prix ( pt ) : pt Gt ? pt Tt + i Bt = Dt. En écrivant la contrainte budgétaire intertemporelle de la même manière que ce qui a été fait dans cette étude, on aboutit à une expression de B0 sous la forme :
B0 soit p0 = ( 1? ), Tt et Gt étant exprimés en termes réels. C’est donc le ? Tt ? Gt {
t = 1 ( 1 + r )t niveau général des prix qui s’ajuste pour que l’endettement public satisfasse la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État. Comme l’explicitent Creel et Sterdyniak [2001], « par exemple, si la séquence anticipée des surplus primaires actualisés est plus faible en raison d’une politique budgétaire plus expansionniste que celle initialement perçue, la CBI de l’État n’est plus satisfaite toutes choses égales par ailleurs. Il en résulte, d’après (1’), une augmention du niveau général des prix, qui permet de restaurer la CBI de l’État ». Il est à noter que, par souci pédagogique, l’expression (1’) est simplifiée par rapport au cas plus général exposé par ces deux auteurs. La FTLP est née principalement en réaction aux thèses monétaristes. Elle s’interroge donc sur la manière dont va se fixer le niveau général des prix, s’il ne l’est plus par la politique monétaire. La contrainte budgétaire de l’État n’est alors plus utilisée comme une contrainte, mais comme une relation d’équilibre. Si la FTLP fait l’objet d’une littérature abondante depuis le milieu des années 1990, en particulier aux États-Unis, elle semble par contre avoir peu d’écho en France pour l’instant. Pour un historique de la naissance de la FTLP, ses hypothèses, ses applications et critiques, se reporter à l’article très complet de Creel et Sterdyniak [2001]. -
[1]
Ces deux formes de recours à l’inflation ainsi que leurs limites sont traitées de manière très précise dans Dietsch, Garnier [1989].
-
[2]
Auerbach, Gokhale et Kotlikoff [1991] écrivent en fait :
mais on suppose, pour simplifier, que le taux d’actualisation est constant dans le temps. -
[1]
Si les comptes par génération sont construits en 2001, cela suppose de soumettre au régime fiscal actuel les générations nées en 2001 sur l’ensemble de leur cycle de vie, les générations nées en 2002 devant assurer l’équilibre de la CBI.
-
[1]
« If we value the capital at the present value of its imputed rent, these two adjustments to the right-hand side of the equation in the text would cancel ».
-
[1]
Considérer les dépenses en capital comme des dépenses de consommation courante revient à faire l’hypothèse que l’État améliore son stock chaque année au rythme de la productivité et de la croissance de la population, donc pour satisfaire les besoins nouveaux.
-
[1]
Si on voulait prendre comme référence de comparaison le paiement net de la génération âgée de 20 ans aujourd’hui, il faudrait en particulier connaître les transferts qu’elle a reçus et les taxes qu’elle a payées au cours de ses dix-neuf premières années d’existence, c’est-à-dire à partir de 1977.
-
[1]
L’enquête Revenus fiscaux est la source la plus fiable concernant les revenus. Pour des raisons de disponibilité, je n’y ai pas eu recours. La dernière a en effet été réalisée en 1998 (portant sur des revenus de 1996, ERF 96). Par ailleurs, on ne dispose pas dans cette source des revenus non imposables, tels que le minimum vieillesse, les prestations familiales, les aides au logement, le RMI... ( INSEE [1998a], p. 16) et les ménages ne faisant pas de déclarations sont mal représentés. Par ailleurs, l’enquête BDF permet d’estimer les impôts indirects versés. En effet, elle vise à reconstituer toute la comptabilité du ménage c’est-à-dire enregistrer la totalité des dépenses et des ressources du ménage considéré (L. Clement, S. Destandau, D. Eneau [1997]). Parallèlement, l’INSEE a mis en place un module de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA ) et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ( TIPP ) qui permet aussi de reconstituer les cotisations sociales et la CSG sur les différents types de revenu. En conclusion, l’enquête BDF 95 était donc la plus récente, permettant de couvrir la majeure partie des ressources, impôts et taxes du ménage, et au vu des études méthodologiques réalisées par l’INSEE, fournissant une information satisfaisante sur les principales sources de revenu et les masses de prélèvement
-
[1]
Cette hypothèse peut être jugée particulièrement basse. Elle est retenue dans ce travail par souci de comparaison avec les études existantes par ailleurs. La sensibilité des résultats à ce paramètre est, de toute manière, analysée par la suite.
-
[2]
Il serait possible de comparer les générations actuelles entre elles en reconstituant l’ensemble des taxes et impôts versés et des prestations reçues sur l’ensemble du cycle de vie. Cela demande une quantité d’information très importante et des hypothèses fortes. Peu de gens l’ont fait jusqu’à présent même si l’intérêt est indéniable. On peut quand même citer Auerbach, Gokhale et Kotlikoff [1993] qui calculent des taux de taxe sur le cycle de vie des générations nées entre 1990 et 1991. Sturrock ([1995], p. 11, section 3) fait de même, en reconstituant l’ensemble des taxes et impôts payés et des prestations reçues pour les générations nées depuis 1900. Les données d’enquête n’étant disponibles qu’à partir de 1964, l’auteur suppose la constance des profils entre 1900 et 1964. Il qualifie lui-même cette hypothèse de clearly heroic. Stijns [1997] fait lui référence aux travaux de Clokeur et Perelman [1994], qui ont « essayé de déceler, à travers un bilan générationnel, quelles ont été les générations qui ont été ou seront favorisées par l’action de l’État », (p. 10), en calculant le ratio des transferts reçus sur les taxes payées des générations 1920 à 2000.
-
[1]
On se conforme ici aux choix de Doré et Levy [1998]. « The disaggregation of VAT, and other indirect taxes, was computed by assuming similar consumption profiles for men and women ( i.e., assuming that for each age cohort, individuals of both genders pay the same amount of consumption-based taxes) ».
-
[2]
En particulier pour les femmes. Les taux d’activité des femmes isolées par exemple, sont plus élevés que ceux des femmes en couple, entraînant des paiements plus importants de cotisations sociales, d’impôts sur le revenu,... qui réduisent l’écart entre les profils de paiement net par sexe.
-
[1]
Sur ce point, voir Banks, Disney et Smith [1999].
-
[1]
Les projections de population dans l’étude d’Accardo sont reprises de Dinh [1994, 1995], la structure et le niveau de la population étant supposés constants après 2050. Les projections utilisées dans cette étude s’inspirent aussi de celles de Dinh mais s’en démarquent sur certains aspects. La population de départ est celle estimée en 1998 (et non en 1990) à laquelle on applique les hypothèses de quotients de mortalité, taux de fécondité et immigration à l’horizon 2049, puis on suppose ces paramètres constants après 2049. Enfin, ce n’est qu’après 2096, et non 2050, que la population est fixe en structure et en niveau.
-
[2]
Dans le cadre d’une population stationnaire, ce déséquilibre resterait inchangé avant et après ventilation d’un agrégat de manière uniforme.
-
[1]
Cela suppose néanmoins d’avoir une idée du rendement de l’éducation et de l’égaliser au coût.
-
[2]
Cette question de la ventilation des dépenses d’éducation est débattue par les auteurs de comptes par génération et s’apparente à celle de l’incidence fiscale ( tax incidence ). Elle se pose pour un certain nombre d’autres taxes et de transferts dont on ne connaît pas toujours le bénéficiaire ou la personne qui s’en acquitte, comme les prestations familiales par exemple.
-
[1]
On peut cependant objecter, à la suite d’Accardo [1998], que « la ventilation des éléments de Gt uniformément entre les individus suppose que les individus retirent un égal bénéfice de ces dépenses et qu’il est possible qu’on introduise là un biais ».
-
[1]
« Ideally, a record of government activity would include consumption of the services of tangible public assets, not just their purchase. But generational accounting treat such assets as if they were consumed the year they were bought. That is, government purchases for any year include the purchase of new capital, but exclude the services of existing capital. The treatment makes little practical difference for the accounts. It would make no difference whether the accounts included the prospective purchase of public assets when they are bought or the consumption of their services when they are used. The present value of prospective purchases would be the same in either case. » (Sturrock [1995]).
-
[1]
Les enquêtes Santé ont eu lieu en 1960,1970,1980 et 1991-1992. La prochaine devrait être mise en place en 2001-2002.
-
[1]
L’impact d’une modification de la fécondité ne serait pas très important. En effet, le vieillissement de la population, source de problèmes, provient essentiellement de l’allongement de la durée de vie et non de la baisse de la fécondité (Blanchet et Kessler [1990]).
-
[2]
Il semble néanmoins que le choix d’une valeur élevée pour le taux d’actualisation soit incohérent avec la satisfaction de la contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement. Pour cela, il faut en effet retenir comme taux d’actualisation le taux d’intérêt de long terme de la dette publique (Diamond [1996], Masson [2001], p. 16 et 26).
-
[1]
Pour mettre en évidence cet effet ambigu, il faut néanmoins supposer un écart très important entre le taux d’actualisation et le taux de croissance, de l’ordre de 8 points et plus (tableau 10).
-
[1]
Il est important de noter que la diminution du déséquilibre serait obtenue au prix d’un décrochage important du niveau de vie relatif entre actifs et retraités.
-
[1]
L’indexation sur les prix des pensions liquidées est en vigueur au régime général depuis 1987, et a été réaffirmée par la réforme du régime général en 1993 (réforme « Balladur »).
-
[2]
Cette constatation met à nouveau en évidence le caractère rigide d’une programmation de type matriciel de la comptabilité générationnelle.
-
[1]
L’étude de Crettez et al. s’appuient sur les projections démographiques d’Eurostat conduisant à une évolution du ratio des 65 ans et plus rapporté aux 18-64 ans de 24 % en 1995,33 % en 2020 et 44 % en 2040. Dans les projections que l’on utilise, ce ratio s’établit à 35 % en 2020 et à 51 % en 2040.
-
[2]
« Equally bright, informed, and well-intentioned analyst could adopt equally justifiable assumptions and conventions and produce equally defensible accounts with quite different numbers and implications », p. 108, Haveman [1994].
-
[1]
On reproduit les données de l’enquête Emploi de 1994 car les revenus recueillis dans l’enquête BDF 95 portent sur 1993,1994 ou 1995, en raison du calendrier des interviews qui s’est étalé entre octobre 1994 et octobre 1995 (documentation de l’enquête Budget des familles 1995).
-
[1]
La ventilation de l’impôt sur le bénéfice des sociétés soulève la question de l’incidence fiscale. Une partie du problème est résolue, puisque le montant de l’impôt sur le bénéfice des sociétés fourni par la comptabilité publique est net de l’avoir fiscal utilisé par les ménages pour payer l’impôt sur le revenu.
-
[1]
L’enquête BDF 95 ne couvre que 60 % environ des bénéficiaires. Les RMI stes ne vivant pas dans un logement ordinaire sont hors champ.
-
[1]
Les matrices sont construites avec les âges en ligne et les années en colonnes.