CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1Le marché de la justice serait un marché partiellement rationné. Cette proposition est souvent avancée pour expliquer la « crise de la justice » à laquelle se trouveraient confrontées la plupart des démocraties modernes où la régulation juridique des activités humaines joue un rôle essentiel. Le rationnement se traduirait par l’apparition de « files d’attente » devant les tribunaux. L’objectif n’est pas de discuter ici le bien-fondé de cette approche du marché de la justice ni de mesurer empiriquement l’importance de ces files d’attente [1]. Le point de départ de cet article réside simplement dans un double constat. D’une part, le temps de règlement des litiges apparaît conditionné par les techniques de gestion des flux de dossiers et les capacités d’accueil des tribunaux. Bien que des systèmes d’incitation à la rapidité existent, le temps de la justice reste donc souvent long et déphasé par rapport au temps économique.

2D’autre part, de nombreuses réformes engagées par les autorités judiciaires semblent justifiées par des raisons d’efficacité et de réduction des délais judiciaires. Ainsi en est-il du développement de nouvelles méthodes de résolution des contentieux regroupées sous le titre de Modes alternatifs de résolution des litiges dont la finalité est de faire intervenir la résolution du litige aussi en amont que possible. Plus généralement, la Justice n’ignore pas la question des délais comme l’illustre le fameux article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui pose le principe du droit de chaque justiciable à un procès équitable dans un « délai raisonnable ».

3La notion de délai est donc au cœur du débat sur l’efficacité du système judiciaire. Bien entendu, la recherche d’un délai optimal doit tenir compte de l’incertitude juridique qui impose de laisser du temps pour le procès afin de permettre aux parties de s’échanger les informations susceptibles de parvenir à une solution mutuellement bénéfique (Deffains [1997]). Le délai idéal n’est donc pas synonyme de délai nul dans la mesure où il convient de distinguer le « temps du procès » et le « temps pour le procès ».

4Partant de là, cet article étudie le fonctionnement du marché de la justice et propose une analyse des différents instruments susceptibles d’assurer la régulation des flux de contentieux portés devant les tribunaux.

5Au préalable, l’analyse requiert un modèle de la demande de justice. En effet, les justiciables sont « demandeurs de décisions de justice » si le conflit ne peut être résolu dans un cadre coopératif (accord amiable). Il convient donc d’identifier les arguments entrant dans la fonction de demande de justice. Parmi les facteurs déterminants, on songe aux coûts et aux délais d’accès aux tribunaux, mais aussi à la procédure.

6Or, contrairement à la plupart des marchés où les prix monétaires permettent l’ajustement entre offre et demande, le marché de la justice s’équilibre grâce aux variations des délais supportés par les justiciables entre le début de l’action en justice et le jugement. En d’autres termes, les délais et les coûts de justice influencent la demande de procès, mais seuls les délais fonctionnent comme un mécanisme d’ajustement via l’apparition de files d’attente plus ou moins longues devant les tribunaux.

7Le problème majeur est alors de savoir dans quelle mesure la réduction de ce temps d’accès à la justice contribue à améliorer le bien-être social ? Une telle interrogation revêt un intérêt particulier en termes d’organisation du marché de la justice. En effet, lorsqu’un marché est caractérisé par une demande excédentaire, les économistes considèrent généralement que le rationnement par les files d’attente est inefficace (Barzel [1974], Cheung [1974]). L’explication est simple : si l’offre est allouée sur la base d’une règle « premier arrivé, premier servi », le prix complet payé par le consommateur est la somme du prix monétaire et du temps passé dans la file d’attente. Le délai d’équilibre est alors tel que le nombre d’unités demandées au prix complet est égal à l’offre. Si le prix monétaire augmente, l’offre étant constante, la file d’attente diminue. Le prix complet d’équilibre du bien est inchangé et les consommateurs ne sont ni mieux, ni moins bien lotis. En revanche, le bien-être des offreurs augmente puisque leur revenu progresse sans que leurs coûts soient affectés. En d’autres termes, le rationnement par les prix apparaît préférable puisqu’il permet d’éviter la perte sèche associée au rationnement par les délais. L’inefficacité du rationing by waiting résulte du fait que le temps passé à attendre engendre une perte pour les consommateurs qui n’est jamais compensée par un gain pour les offreurs. À l’inverse, le rationnement par le prix n’impose pas de perte : le paiement fait par le consommateur profite à l’offreur.

8Si la justice était un bien comme les autres, cet argument suggérerait que le prix des procès devrait être augmenté jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun encombrement des tribunaux et donc plus aucune perte sociale. Gravelle [1995] a, le premier, remis en cause cette logique en montrant que la réduction des délais d’accès aux tribunaux entraîne en fait une baisse du coût de l’attente du procès (le coût d’opportunité défini par référence à l’arrangement amiable entre les parties) sans que le système judiciaire reçoive de compensation. Les bénéfices d’une telle diminution sont donc totalement externes. Contrairement à ce qui se passe pour la plupart des biens, les files d’attente devant les tribunaux ne seraient donc pas nécessairement inefficaces.

9Dans cet article, nous commencerons par décrire le fonctionnement du marché de la justice en mettant en évidence les mécanismes susceptibles d’assurer la réalisation de l’équilibre lorsque l’offre est rigide à court terme. Dans cette perspective, nous montrerons comment les délais et les coûts d’accès aux tribunaux influencent la demande de procès. Cette analyse nous permettra de démontrer que les effets des réformes judiciaires axées sur le raccourcissement de la procédure ou sur l’accroissement de l’offre conduisent à des résultats largement indéterminés. Nous étudierons donc ensuite les politiques axées sur les coûts des contentieux supportés par les justiciables. Ces politiques peuvent agir sur le montant des coûts ou bien sur leur répartition entre les parties. Nous étudierons, en particulier, les effets de la règle française de condamnation aux dépens qui présente certaines particularités par rapport aux règles « classiques » anglaise et américaine. Tous les instruments de régulation des flux de contentieux envisagés dans cette étude se fondent sur des mécanismes incitatifs dans la mesure où aucune ne remet en cause le principe fondamental du libre accès à la justice. Il s’agit donc d’inciter les justiciables à recourir plus ou moins aux tribunaux afin de régler leurs différends.

UN MODÈLE DU MARCHÉ DE LA JUSTICE

10Le marché de la justice est fortement réglementé. D’une part, les tarifs des services offerts par les tribunaux sont contrôlés de sorte que le prix payé par le justiciable diffère du coût marginal de production de ces services. D’autre part, la concurrence entre les tribunaux est très faible (même si la localisation des entreprises peut être influencée par la réputation d’un tribunal ou d’un système judiciaire national).

11La présentation du marché de la justice est également influencée par l’idée que la justice « produite » par les tribunaux présente les caractéristiques d’un bien public (non-rivalité et non-exclusion). Pour cette raison, les services de la justice (résolution des différends et production de jurisprudence) sont fournis par l’État qui garantit la qualité des jugements, l’impartialité et l’application des décisions.

12Il est néanmoins possible de définir une offre et une demande de justice et de s’interroger sur les performances du marché de la justice. La demande de justice est d’abord une demande de procès. En effet, l’analyse économique de la résolution des conflits voit le jugement comme une solution en cas d’échec de la voie coopérative (Deffains [1997]). Le juge tranche alors le différend dans un cadre non coopératif. La demande sera donc fonction des facteurs déterminant le comportement des parties entre la survenance du litige et la décision du juge. Côté offre, les variables déterminantes sont les ressources fournies par l’État (nombre de juges, de tribunaux,...). À court terme, l’offre est supposée donnée. Dans ces conditions, l’ajustement entre l’offre et la demande se fait par la variation des délais d’accès aux tribunaux.

Le rôle du temps : les files d’attente comme mécanisme d’ajustement

13En prenant comme référence un contentieux civil opposant deux parties (demandeur et défendeur), le déroulement du conflit est habituellement représenté comme un jeu séquentiel où les parties prennent successivement des décisions. Les modèles se concentrent sur la phase des négociations durant laquelle l’une des parties fait une proposition « à prendre ou à laisser » à la partie adverse (Shavell [1982], P’ng [1983], Bebchuck [1984],...). Le cadre d’analyse peut être dynamique si les parties ont la possibilité de faire des contre-propositions (Spier [1992]). Les modèles sont qualifiés d’optimistes ou de stratégiques selon que la proposition d’arrangement se fonde sur les croyances subjectives de parties ou sur l’existence d’asymétries d’information. Cependant, l’intervention du juge constitue un échec des négociations vues comme un processus marchand : le prix minimal accepté par le demandeur est supérieur au montant maximal que le défendeur est disposé à verser au demandeur.

14Dans le prolongement de ces modèles, les décisions des parties aux différentes étapes de la négociation sont influencées par les coûts de la procédure (rédaction des rapports et conclusions, rémunération des experts, honoraires des avocats, frais d’instance,...). Les délais auxquels les parties sont confrontées jouent également un rôle sur le comportement des parties. Pourtant, les délais ont été beaucoup moins étudiés que les coûts par les modèles économiques. Lorsqu’on décide de s’y intéresser, une difficulté apparaît en termes de définition. D’une manière très générale, on parle des délais de procédure nécessaires à l’accomplissement des actes de justice (assignation, actes d’avocat à avocat, actes du palais,...). D’un point de vue économique, il semble cependant utile de distinguer deux types de délais : d’une part, ceux nécessaires à la négociation entre les parties et à l’échange des pièces (temps de la procédure ou temps des parties); d’autre part (en supposant qu’aucun accord amiable n’ait été obtenu à ce stade), ceux qui correspondent au temps requis pour élaborer le jugement (temps du procès ou temps du délibéré). Ces deux périodes doivent être distinguées dans la mesure où la première dépend largement du comportement des parties, alors que la seconde dépend uniquement du fonctionnement du tribunal (Mulh et Vereeck [1998]). La plupart des statistiques en matière de contentieux civil mettent d’ailleurs l’accent sur les délais liés au fonctionnement des tribunaux et négligent largement les délais liés à la préparation des dossiers et à la négociation entre les parties.

15Ces précisions faites, il devient possible de définir la fonction de demande de procès compte tenu des coûts et des délais supportés par les parties [1] :

equation im1

avec :
  • D, la demande de procès au cours d’une période donnée;
  • l, le temps de la procédure, entre la naissance du litige (début des poursuites) et la fin du débat contradictoire;
  • t, le temps du délibéré entre la fin du débat contradictoire et le jugement;
  • Tp, les frais de procès du demandeur;
  • Td, les frais de procès du défendeur;

16Nous admettrons que la demande de procès diminue lorsque les coûts et les délais augmentent :

equation im2

Comme l’offre de procès est donnée à court terme, tout déséquilibre de la demande doit être compensé par une variation des variables agissant sur la demande. Or, ni le prix des services rendus par les tribunaux, ni les frais de procès ne varient avec l’excès de la demande.

17Les délais constituent le mécanisme d’ajustement du marché. Mais quels sont les délais concernés ? Compte tenu du découpage opéré entre temps de la procédure et temps du délibéré, seule importe ici la variation de t. En effet, le temps consacré à la préparation du procès (rédaction des mémoires, échanges des dossiers,...) contribue à déterminer la demande de procès (lorsque l augmente, la demande de procès baisse). Il n’agit cependant pas comme un mécanisme d’équilibrage puisqu’il ne varie pas en fonction du déséquilibre entre l’offre et la demande de procès. En revanche, le délai entre la fin du débat contradictoire et le jugement varie avec l’importance de l’excès de la demande.

Figure 1.

Équilibre du marché

Figure 1.
S t Figure 1. Équilibre du marché de la justice 0 D W0 0 Procès par période

Équilibre du marché

18En fait, toutes les affaires mises en délibéré ne feront pas l’objet d’un jugement puisque certaines seront réglées à l’amiable. On peut donc poser le principe suivant : si le nombre d’affaires inscrites sur la liste d’attente du tribunal et non résolues à l’amiable est supérieur au nombre d’affaires que le tribunal peut traiter au cours d’une période donnée, alors la file d’attente devant le tribunal s’allongera. En d’autres termes, tout excès de la demande de procès se traduira par une augmentation de t.

19Dans la figure 1, l’offre est verticale puisque les changements dans les délais sont sans effet sur le nombre de procès à court terme. En revanche, la demande est décroissante puisque plus le délai est faible plus le nombre de procès demandés est élevé. Le délai d’équilibre est donné par t0 qui égalise offre et demande. Pour ce délai d’équilibre, il existe un stock d’affaires en attente de jugement représenté par W0. On peut remarquer que le nombre total d’affaires « en attente de résolution » peut être différent de W0 dans la mesure où certains litiges peuvent être réglés à l’amiable jusqu’aux « marches du palais » (Deffains et Doriat [1999]).

20Lorsque t < t0, la demande de procès est supérieure aux capacités physiques des tribunaux ( i.e. le nombre d’affaires nouvelles inscrites sur les rôles des tribunaux est supérieur au nombre de procès jugés au cours d’une période) et t augmente.

21Le raisonnement démontre également que le temps et les prix monétaires peuvent agir comme des mécanismes de rationnement. En effet, en lisant l’axe des ordonnées comme le prix complet (prix monétaire et temps passé dans la file d’attente) payé par le justiciable pour accéder au tribunal, le prix monétaire est nul et seul importe le prix du temps. C’est la raison pour laquelle le délai s’ajuste automatiquement pour assurer l’équilibre. L’inefficacité de cette procédure de rationnement réside dans le fait que la perte supportée par le justiciable sur la base du temps passé dans la file d’attente n’est compensé par aucun gain équivalent pour l’offreur de service de justice qu’est le tribunal. En d’autres termes, le rationnement par le temps fait apparaître une perte sèche (mesurée par W0 sur la figure 1). Avec un rationnement par les prix, cette perte sèche disparaîtrait théoriquement si le prix monétaire du service rendu par le tribunal était fixé en p = t0. En effet, le justiciable n’attendrait plus pour obtenir une décision de justice et supporterait un prix « complet » identique, alors que le tribunal encaisserait un gain équivalant à p. Avec le rationnement par les prix et le rationnement par le temps, le justiciable payerait donc le même prix, mais seul le rationnement par les prix assurerait un fonctionnement socialement efficient du marché de la justice. Ce résultat ne serait cependant valable que dans un contexte de tarification des services de la justice et à la condition d’ignorer les effets du rationnement par les prix sur le nombre de conflits portés à la connaissance des tribunaux (Gravelle [1990]).

Les modifications du temps de la procédure

22Le délai de la procédure entre la naissance du litige et la fin du débat contradictoire est régi par un ensemble de règles définissant les conditions de la négociation entre les parties. Dans ces conditions, toute réforme visant à inciter les parties à transmettre plus rapidement leurs pièces semble pouvoir assurer une diminution du temps du procès. Dans la mesure où l’offre de procès est exogène, on risque cependant de voir la baisse de l provoquer une augmentation de t, de sorte que l’effet complet d’une amélioration de la procédure peut, sous certaines conditions, conduire à un accroissement de la durée totale du procès T.

23Plus généralement, la figure 2 illustre la difficulté de prédire l’effet global d’une réduction du temps de la procédure l.

24Dans la figure 2, sont représentées les courbes de demande de procès en fonction de t pour l donné d’une part, et en fonction de l pour t donné d’autre part. L’offre est rigide à court terme.

25Une réforme de la procédure se traduit par une réduction du délai de l0 en l1; elle provoque alors un déplacement le long de la demande D 2 de a à b. Le nombre d’affaires nouvelles en attente de décision de justice va s’accroître, ce qui se traduit par un déplacement de la demande en fonction du temps du délibéré de D 1 en D 3. Pour t0 donné, la demande de justice s’établit donc en ?. Ce point n’est pas un équilibre puisqu’il correspond à un excès de demande. L’offre étant rigide, le seul équilibre stable est représenté par ? sur la nouvelle courbe de demande.

Figure 2.

Effets d’une réduction

Figure 2.
t Figure 2. Effets d’une réduction O du temps de procédure t1 ? t0 ? D3 ? D1 T1 procès T0 D4 D2 l1 c b l0 a l

Effets d’une réduction

26On constate donc que le temps du délibéré a augmenté de t0 en t1. Par conséquent, la demande de procès en fonction de l va se déplacer sur la base du nouveau délai t1 pour s’établir en c. En définitive, le changement de procédure provoque un accroissement simultané de la demande de procès et du délai du délibéré. L’effet global sur les délais de justice est indéterminé puisque T1 = l1 + t1 peut être inférieur, supérieur ou égal à T0 = l0 + t0. Tout dépend alors de la sensibilité de la demande par rapport à l et t. La baisse de T sera possible si et seulement si la demande de procès est plus sensible à t qu’à l. En matière de régulation des flux de contentieux, toute réforme de la procédure visant à réduire le temps de la négociation est donc un instrument à manipuler avec une extrême précaution dans la mesure où elle a un impact sur la demande de procès. Le problème est bien entendu lié à la rigidité de l’offre d’où la nécessité de s’interroger sur les réformes visant à accroître les capacités des tribunaux.

L’offre de justice

27L’amélioration des performances des tribunaux dans la gestion des contentieux renvoie à trois arguments principaux. Le premier consiste à renforcer les performances des tribunaux en veillant à mettre à la disposition des magistrats des dossiers complets, bien documentés, bien rédigés... [1]. Le second argument vise à améliorer la productivité en mettant en place des techniques nouvelles de gestion des moyens matériel et humain (techniques informatiques, gestion du personnel,...). Le dernier argument consiste tout simplement à accroître le nombre de juridictions ou de magistrats pour traiter les affaires.

28La figure 3 étudie les conséquences d’un accroissement de l’offre sur l’équilibre du marché de la justice à court et à long terme.

Figure 3.

Effets d’un accroissement de l’offre de justice

Figure 3.
Figure 3. Effets d’un accroissement de l’offre de justice t S0 S1 t0 A t2 C DL t1 E DC 0 Demande de procès B F

Effets d’un accroissement de l’offre de justice

29La réforme judiciaire se traduit ici par un accroissement de la capacité des tribunaux de S0 en S1. À court terme, la courbe de demande est représentée par Dc, de sorte que le nouveau délai d’équilibre se situe en t1. Autrement dit, l’accroissement de l’offre assure bien une diminution des délais. Mais le stock d’affaires en attente de jugement ne va pas forcément diminuer dans la même proportion. En effet, compte tenu des hypothèses faites sur la demande de procès, l’augmentation de l’offre va avoir une incidence sur le comportement des justiciables via l’effet sur les délais. Plus précisément, plus la demande de procès est élastique par rapport aux délais de fonctionnement du tribunal et moins la diminution du stock d’affaires en attente apparaît significative [2]. Si cette élasticité est inférieure à ? 1, l’accroissement de l’offre entraîne une diminution du délai moins que proportionnelle. Le stock d’affaires en instance W1 (surface 0 t1 EF) peut alors être supérieur au stock initial W0 (surface 0 t0 AB).

30On peut également remarquer que, conformément à la seconde loi de la demande selon laquelle l’élasticité à court terme est inférieure à l’élasticité à long terme, la variation de la demande de procès pour une diminution donnée du délai sera plus forte à long terme. La courbe de demande à long terme est représentée par DL traduisant le fait que les justiciables s’ajustent sur la nouvelle offre en exprimant un besoin de jugement plus important. Le délai augmente donc à nouveau de t1 en t2 et conduit à un nouvel équilibre C. Le stock d’affaires en attente est alors plus important à long terme qu’à court terme (surface 0 t2 CF). En définitive, à long terme, la diminution du délai provoquée par l’augmentation de l’offre sera toujours plus faible qu’à court terme et le stock d’affaires en attente plus élevé. Toute réforme des délais d’accès à la justice du côté de l’offre doit donc être appréciée dans une perspective de long terme en ayant à l’esprit le risque d’accroissement du nombre d’affaires en attente.

31Globalement, toute action publique sur les délais de fonctionnement de la justice a des effets complexes et largement indéterminés d’où l’interrogation suivante sur la possibilité de réguler la demande de justice par les coûts des procès. Cette question prend tout son intérêt dans le cadre de la discussion engagée entre le rationnement par les prix et le rationnement par le temps.

LA RÉGULATION DE LA DEMANDE DE JUSTICE PAR LES COÛTS DE PROCÈS

32La difficulté de réguler la demande de justice par les délais conduit à envisager d’autres modes de régulation. La demande de justice D ( l, t, Tp, Td ) dépend également des coûts de procès supportés par les parties, Tp et Td. On peut alors se demander si la demande de justice, entendue comme le recours au juge pour trancher un litige, ne pourrait pas être mieux régulée par des politiques agissant sur ces variables. Augmenter le coût d’accès à la justice risquerait cependant de pénaliser les justiciables les plus démunis et serait contraire au principe d’égalité des individus devant la loi. L’idée consiste alors à préserver l’accès aux droits des citoyens tout en les dissuadant de recourir au juge. Les modèles de résolution des conflits montrent que la probabilité de règlement amiable des litiges dépend en particulier des coûts de procès. Une politique de régulation de la demande de justice par les coûts de procès accroît le prix relatif du procès par rapport à l’arrangement amiable et incite donc les parties à négocier davantage. Une telle politique conduit à un déplacement vers le bas de la courbe de demande de justice par rapport au temps (figure 4). Pour que ce déplacement s’opère, il est cependant nécessaire non seulement que les parties considèrent le jugement et l’arrangement comme des solutions substituables mais également que le droit tolère cette substitution. En France, par exemple, se trouvent exclus de ces politiques de régulation les domaines dans lesquels la transaction est interdite (droit des personnes, droit de la famille, atteintes à l’ordre public). Il est important de noter qu’une telle politique préserve l’accès au droit des justiciables, les parties souhaitant aller devant le juge conservant cette possibilité (y compris les plus démunis), puisque les coûts de procès supplémentaires sont en partie compensés par la réduction du temps d’attente entre la mise en délibéré et le jugement, comme le montre la figure 4.

Figure 4.

Régulation de

Figure 4.
t Figure 4. Régulation de la demande de justice par les coûts S a t0 W0 b t1 D W1 D1 demande de procès c 0

Régulation de

33Le déplacement de la courbe de demande de justice vers le bas entraîne une diminution du stock d’affaires en attente de t0 abt1 et le délai entre la mise en délibéré et le jugement passe de t0 à t1. La diminution du stock d’affaires en attente permet aux parties souhaitant aller devant le juge d’obtenir un jugement plus rapidement, compensant ainsi une fraction des coûts de procès supplémentaires qu’elles doivent supporter.

34Une fois l’objectif défini, il convient de comprendre comment cette politique d’action sur les coûts de procès peut agir. Deux systèmes incitatifs fondés sur les coûts de procès peuvent être envisagés [1]. Le premier consiste à agir directement sur la valeur des coûts de procès. L’efficacité et la portée de ce mécanisme risquent cependant d’être limitées par l’existence de l’aide juridictionnelle [2]. L’impact d’une politique d’élévation des coûts d’accès à la justice sera en effet d’autant plus faible qu’un pourcentage non négligeable de justiciables échappe au paiement des frais d’instance [1]. Le second système consiste à réallouer différemment les coûts de procès entre les parties. En d’autres termes, il s’agit de comparer les différentes règles d’allocation des coûts de procès existantes (règles américaine, anglaise, française) et d’identifier celle qui présente les plus fortes incitations pour résoudre la conflit à l’amiable.

La régulation de la demande de justice par la valeur des coûts de procès

35L’analyse économique des conflits juridiques a été essentiellement développée aux États-Unis. La majorité des résultats, et en particulier la probabilité d’arrangement, sont ainsi établies sur la base de la règle « américaine » d’allocation des coûts de procès selon laquelle chaque partie supporte l’intégralité de ses coûts de procès. Dans d’autres pays, les parties peuvent être soumises à des règles différentes d’allocation des coûts. La règle « anglaise » impose à la partie perdante de supporter l’intégralité des coûts. La France connaît pour sa part un système voisin, puisque les coûts d’accès aux tribunaux sont divisés en deux grandes catégories : les dépens (taxes, redevances, indemnités des témoins et des experts, droits de plaidoirie,...) qui sont supportés par la partie perdante comme avec la règle anglaise et les frais irrépétibles (honoraires dus à l’avocat) qui demeurent à la charge de chaque justiciable.

36Chaque système a sa logique propre : la règle américaine se fonde sur une logique tarifaire. Elle considère, en effet, que la justice en tant que service rendu au justiciable a un prix et qu’il est donc normal que chacun, gagnant ou perdant, paie pour accéder à ce service. La règle anglaise se fonde plutôt sur une logique indemnitaire selon laquelle la partie perdante doit supporter les pertes du gagnant : celui qui a le droit pour lui n’a pas à payer pour que justice lui soit rendue. La règle française de condamnation aux dépens se fonde sur la même logique indemnitaire puisqu’il y a transfert au perdant des dépens de son adversaire. L’hétérogénéité de ces règles fait que les résultats théoriques obtenus dans le cadre américain ne sont pas directement transposables au cas français. L’étude de l’impact d’une hausse des coûts de procès sur la probabilité d’arrangement en France nécessite donc d’adapter les modèles existants pour intégrer les spécificités du système de condamnation aux dépens.

Détermination de la probabilité d’arrangement sous la règle française des dépens

37Soit un conflit dans lequel le défendeur connaît sa probabilité de condamnation q au procès. Le demandeur doit soumettre une offre d’arrangement au défendeur dont il ignore le type (modèle de filtrage [1] ). Il sait seulement que les types des défendeurs sont distribués selon une fonction de densité de probabilité fq ) et une fonction de distribution cumulée F ( q ). Sous la règle française de condamnation aux dépens, un défendeur de type q s’attend à perdre au procès ses coûts irrépétibles TId de façon certaine et, avec la probabilité q, les dommages et intérêts accordés par le juge D auxquels s’ajoutent ses dépens TDd et ceux du demandeur TDp. Un défendeur de type q refuse ainsi tout arrangement A d’une valeur supérieure à ses pertes escomptées au jugement, q ( D + TDp + TDd ) + TId. Le type limite associé à une offre A ( i.e le type des défendeurs indifférents entre l’arrangement et le procès) est donc donné par l’équation :

equation im7

Le demandeur s’attend à conclure un accord avec les défendeurs de type supérieur à q ( A ) et à aller au procès contre les défendeurs dont la probabilité de condamnation est inférieure à q ( A ). La probabilité d’arrangement est { 1 ? F ( q ( A ) ) }. L’expression du gain espéré par le demandeur qui propose l’arrangement A est ainsi [2] :

equation im8

où Tp représente les coûts de procès du demandeur (dépens et frais irrépétibles), soit Tp = TDp + TIp.

38Le demandeur cherche l’arrangement optimal A* qui maximise son gain escompté. La résolution de ce programme de maximisation montre que l’arrangement optimal A* doit vérifier l’équation [3] :

equation im9

où 1 ? F { q ( A* ) } représente la probabilité d’arrangement à l’équilibre. La proposition suivante peut donc être énoncée.

39

PROPOSITION 1. Sous la règle française de condamnation aux dépens, lorsque le demandeur sous-informé soumet une proposition d’arrangement A* à un défendeur dont il ignore le type q mais dont il connaît la fonction de distribution cumulée F ( q ), la probabilité de règlement amiable à l’équilibre est : Le lien entre la probabilité d’arrangement et le montant des coûts de procès sous la règle française de condamnation aux dépens a été établi. L’instauration d’une politique de régulation de la demande de justice par les frais d’instance nécessite maintenant d’analyser les conséquences des variations du montant des coûts de procès sur la probabilité d’arrangement.

equation im10

Impact d’une hausse des coûts de procès sur la probabilité de règlement amiable, dans le système français de condamnation aux dépens

40L’objectif est ici de montrer qu’il est possible d’agir sur la probabilité d’arrangement en modifiant la valeur des coûts de procès (frais irrépétibles et dépens) du demandeur et du défendeur (Tp = TIp + TDp et Td = TId + TDd ). Les coûts de procès peuvent être isolés en réécrivant l’équation (4) comme suit :

equation im11

41Une hausse globale des coûts de procès réduit le membre de droite de cette équation [1]. Pour préserver cette égalité, le membre de gauche doit également baisser. La question est alors de savoir comment doit varier l’offre optimale d’arrangement A* pour conserver l’égalité (5) après une élévation des coûts de f { q ( A* ) } procès. Pour le savoir, il suffit de dériver par rapport au { 1 ? F ( q ( A* ) ) } montant de l’arrangement A* et d’étudier le signe de cette dérivée [2] :

equation im12

D’après l’équation (4), { 1 ? F ( q ( A* ) ) } = f { q ( A* ) } (Tp+TdD+TDp+TDd ). En remplaçant dans l’équation (6), on obtient :

equation im13

Les termes 1 f { q ( A* ) } et { 1 ? F ( q ( A* ) ) }2 sont positifs D + TDp + TDd par hypothèses. La condition de second ordre qui garantit que l’arrangement A* Tp + Td est optimal, indique que le terme f ? { q ( A* ) } + f { q ( A* ) } est D + TDp + TDd ? |f{q(A*)}{1?F(q(A*))} positif [1]. En conséquence, ?A* > 0. Il en résulte que le f { q ( A* ) } terme évolue dans le même sens que le montant optimal de { 1 ? F ( q ( A* ) ) } l’arrangement A*. Quand les coûts de procès augmentent, le respect de la condif { q ( A* ) } tion d’équilibre (5) impose que le terme diminue. Le mon-{ 1 ? F ( q ( A* ) ) } tant optimal de l’arrangement A* doit donc diminuer également.

42Le type limite q ( A* ) qui partage la distribution des défendeurs en deux groupes [2] est une fonction croissante du montant de l’arrangement | D + TDp + TDd A* ? TId q ( A* ) =. Lorsque le montant optimal de l’arrangement A* diminue sous l’effet de la hausse des coûts de procès, le type limite q ( A* ) diminue également. Or, la probabilité d’arrangement à l’équilibre, 1 ? F { q ( A* ) }, est une fonction décroissante du type limite [3] q ( A* ). En conséquence, la hausse des coûts de procès accroît la probabilité de règlement amiable 1 ? F { q ( A* ) } parce qu’elle réduit la valeur du type limite q ( A* ) via une diminution du montant optimal de la proposition d’arrangement du demandeur A*. La proposition suivante peut donc être énoncée.

43

PROPOSITION 2. Sous la règle française de condamnation aux dépens, une augmentation des coûts de procès accroît la probabilité de règlement amiable des litiges.

44

COROLLAIRE. Sous la règle française de condamnation aux dépens, une diminution des coûts de procès réduit la probabilité de règlement amiable des litiges.

45En définitive, la probabilité d’arrangement est susceptible d’augmenter avec la valeur des coûts de procès. Une politique d’élévation des coûts de procès pourrait donc contribuer à réduire le nombre de jugements et à réguler la demande de justice. Toutefois, l’efficacité de cette politique dépend du nombre de justiciables qu’elle affecte. L’exonération des frais d’instance, pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, les rend insensibles aux politiques de hausse des coûts d’accès à la justice. La question est alors de savoir comment inciter cette catégorie de justiciables à préférer l’arrangement au jugement. Une méthode proche de celle de l’augmentation des coûts de procès consiste à baisser les plafonds de ressources qui conditionnent l’octroi de l’aide juridictionnelle ou à réduire le pourcentage de frais pris en charge par l’État. Une telle politique serait cependant contraire à l’objectif de l’aide juridictionnelle : permettre aux plus démunis de faire valoir leurs droits. Une autre méthode, compatible avec cet objectif, consiste à favoriser le règlement amiable des litiges avant le début de l’instance. La loi française du 18 décembre 1998 en est une illustration puisqu’elle étend l’aide juridictionnelle aux transactions conclues avant l’engagement de poursuites judiciaires (sous la loi du 10 juillet 1991, l’octroi de l’aide juridictionnelle était conditionné à l’engagement de poursuites judiciaires). Notre analyse a montré comment le montant des coûts de procès pouvait influencer le choix entre l’arrangement et le jugement pour résoudre un conflit. Modifier l’allocation des coûts de procès entre les parties revient à accroître les coûts de l’une et à réduire celle de l’autre. Il est alors intéressant d’étudier comment il est possible d’accroître la probabilité d’arrangement simplement en répartissant différemment les frais d’instance, sans en modifier la valeur totale.

La régulation de la demande de justice par la ré-allocation des coûts de procès

46Certains auteurs ont étudié les règles d’allocation des coûts de procès afin de déterminer la meilleure en termes de probabilité de règlement amiable [1]. Aucun n’a cependant inclus dans son analyse comparative la règle française de condamnation aux dépens. L’objectif de ce paragraphe est de comparer les règles américaine, anglaise et française afin de savoir si la règle française favorise ou, au contraire, nuit au règlement amiable des litiges et, le cas échéant, de préconiser son remplacement par une autre règle. À partir d’un modèle de filtrage, nous proposons de montrer que la règle française favorise les jugements par rapport à la règle américaine. Nous relativiserons ensuite la portée de ce résultat en montrant qu’un changement de règle d’allocation des coûts de procès engendre de multiples effets, dont certains jouent en sens inverse. Enfin, nous examinerons l’influence des règles d’allocation des coûts de procès sur le degré d’incertitude des conflits donnant lieu à des poursuites judiciaires, partant de l’hypothèse que plus l’incertitude sur le jugement est grande, plus les chances de conclure un accord sont faibles [1] parce que les sources de désaccords sont plus nombreuses.

Étude comparative du taux d’arrangement sous les règles américaine, anglaise et française d’allocation des coûts de procès

47La règle américaine d’allocation des coûts de procès laisse à la charge de chaque partie le paiement de ses frais d’instance. La règle anglaise transfère l’intégralité des coûts de procès du gagnant au perdant qui est donc contraint de payer l’ensemble des frais engendrés par le procès. La règle française est intermédiaire entre ces deux règles puisque seuls les dépens du gagnant sont transférés au perdant, les frais irrépétibles demeurant à la charge de chaque partie.

48Bebchuk [1984] explique que « plus l’enjeu du procès est grand, plus la différence entre les jugements attendus contre deux types donnés de défendeurs est grande, plus le problème d’anti-sélection est important pour la partie non informée et donc plus la probabilité de procès est grande ». Pour comparer les règles d’allocation des coûts de procès entre elles, il convient donc de mesurer la différence de jugements attendus d’un demandeur contre deux types de défendeurs : les innocents et les coupables. Plus cette différence est élevée, plus le demandeur est incité à recourir au juge pour éviter d’être trompé par les défendeurs coupables qui se comportent comme des innocents.

49Par cette méthode, Bebchuk déduit que la probabilité de procès est plus élevée sous la règle anglaise que sous la règle américaine. En effet, sous la règle anglaise, le problème d’anti-sélection auquel est confrontée la partie non informée s’accroît dans la mesure où elle perd plus que sous la règle américaine en n’allant pas jusqu’au jugement face à un défendeur coupable qui se comporte stratégiquement. Ce résultat est énoncé dans la proposition suivante.

50

PROPOSITION 3. La fréquence des jugements est plus élevée sous la règle anglaise que sous la règle américaine.

51Preuve. Sous la règle américaine, le jugement net attendu d’un demandeur non informé envers un défendeur coupable est D ? Tp. Il est de ? Tp envers un défendeur innocent. La différence entre les jugements attendus contre ces deux types de défendeurs est donc : ( D ? Tp ) ? ( ? Tp ) = D.

52Sous la règle anglaise, le jugement net attendu d’un demandeur non informé envers un défendeur coupable est D. Il est de ? Tp ? Td envers un défendeur innocent. La différence entre les jugements attendus contre ces deux types de défendeurs est donc : D ? ( ? Tp ? Td ) = D + Tp + Td. Comme D + Tp + Td > D, la différence entre les jugements attendus contre deux types de défendeurs est plus élevée sous la règle anglaise que sous la règle américaine. Le fait de se tromper sur le type de l’adversaire coûte davantage au demandeur sous la règle anglaise que sous la règle américaine (le demandeur perd plus en n’allant pas au procès contre un défendeur coupable sous la règle anglaise que sous la règle américaine), de sorte que le demandeur préfère aller plus souvent devant le juge.

53Que peut-on en déduire concernant la probabilité d’arrangement sous la règle française de condamnation aux dépens ? La règle française est intermédiaire entre la règle anglaise qui organise un transfert intégral des coûts du gagnant vers le perdant et la règle américaine qui n’autorise aucun transfert. La probabilité d’arrangement sous la règle des dépens doit donc être supérieure à celle observée sous la règle anglaise et inférieure à celle rencontrée sous la règle américaine. La proposition suivante peut donc être énoncée.

54

PROPOSITION 4. La probabilité de procès sous la règle française des dépens est plus faible que la probabilité de procès sous la règle anglaise mais plus élevée que la probabilité de procès sous la règle américaine.

55Preuve. Sous la règle américaine, la différence entre les jugements attendus contre les défendeurs innocents et coupables est : ( D ? Tp ) ? ( ? Tp ) = D. Sous la règle anglaise, la différence entre les jugements attendus contre ces deux types de défendeurs est : D ? ( ? Tp ? Td ) = D + Tp + Td. Sous la règle française, la différence entre les jugements attendus contre ces deux types de défendeurs est : ( D ? TIp ) ? ( ? Tp ? TDd ) = D + TDp + TDd (car TDp = Tp ? TIp ). Par définition TDp ? Tp et TDd ? Td, donc :

equation im14

Plus la différence de jugement est élevée, plus la probabilité de procès est grande. En conséquence, la règle française accroît le nombre de jugements par rapport à la règle américaine mais le réduit par rapport à la règle anglaise.

Des résultats à nuancer

56D’après l’analyse de Bebchuk et les précisions apportées par nos soins, renoncer au procès contre un défendeur qui se comporte de manière stratégique ( i.e. comme un innocent alors qu’il est coupable) coûte davantage au demandeur sous la règle anglaise et sous la règle française que sous la règle américaine parce que le jugement attendu face à ce type de défendeurs est plus élevé dans les systèmes anglais et français. Dans ce type d’analyse, l’accent est ainsi implicitement mis sur le fait que, par rapport à la règle américaine, les règles anglaise et française augmentent le gain attendu du procès face à des défendeurs coupables (parce que les demandeurs échappent au paiement de tout ou partie de leurs frais d’instance). L’augmentation du risque encouru au procès envers les défendeurs innocents (liée au fait que le demandeur perdant devra supporter tout ou partie des coûts de procès de ce type de défendeurs) est reléguée au second plan. Cet élément apparaît pourtant crucial pour Cooter, Marks et Mnookin [1982] qui se prononcent en faveur de la règle anglaise. En définitive, selon que l’accent est mis sur l’augmentation du gain du demandeur s’il est victorieux ou l’accroissement de ses coûts s’il perd, les conclusions obtenues sont opposées. Une analyse complète nécessiterait de prendre en compte ces deux effets et de mesurer leur importance relative. Cette analyse confirmerait de plus le caractère intermédiaire de la règle française : le gain de la partie victorieuse s’accroît moins (parce que ses frais irrépétibles restent à sa charge) et les pertes en cas de défaite augmentent moins (parce que le transfert de coûts se limite aux dépens) lorsque la règle française est substituée à la règle américaine que lorsque la règle anglaise remplace la règle américaine.

57La prise en considération de ces deux éléments jouant en sens inverse ne suffit cependant pas. L’importante littérature relative à la comparaison des règles d’allocation des coûts de procès démontre l’extrême difficulté liée au choix de la règle la plus efficace en matière d’arrangement. En particulier, à l’instar des travaux de Shavell [1982], l’analyse comparative doit envisager d’autres règles, notamment les règles pro-demandeur [1] et pro-défendeur [2], afin de vérifier leur efficacité relative. P’ng [1987] et Hylton [1993], dans une vision large du conflit, insistent sur la nécessité de mesurer l’influence de chacune des règles sur la prévention des accidents, les précautions prises participant également à la régulation des flux de contentieux. Les travaux de Farmer et Pecorino [1994] et de Reinganum et Wilde [1986] amènent à réfléchir sur l’importance de la nature des asymétries d’information. Posner [1996] invite à adopter une vision plus systémique, intégrant l’aspect complémentaire des diverses règles [3]. L’ensemble de ces travaux appelle à une extrême prudence sur l’étude des conséquences d’un changement de règle d’allocation des coûts de procès et insiste sur la nécessité d’intégrer les particularités des conflits et le cadre législatif dans lequel ces règles sont appliquées.

58Une autre façon de réguler la demande de justice par des politiques de désincitation au jugement consiste à garder la règle d’allocation des coûts de procès en vigueur en y associant une règle visant à sanctionner le refus d’arrangement. Plus précisément, il s’agit de punir les demandeurs qui auraient refusé un arrangement supérieur au montant finalement obtenu au jugement en leur imposant des coûts supplémentaires. Ce type de règle fut notamment adopté aux États-Unis où la règle fédérale 68 impose aux demandeurs qui ont refusé la proposition d’arrangement du défendeur et obtenu moins au procès, de payer l’ensemble des frais d’instance du défendeur postérieurs à son offre. Le problème de cette règle est qu’elle engendre une redistribution de richesses en faveur du défendeur, ce dernier diminuant sa proposition du montant attendu de ses coûts de procès payés par le demandeur s’il refuse sa proposition (Miller [1986]).

Incertitude et règles d’allocation des coûts de procès

59Le risque et le gain attendu d’un procès diffèrent selon la règle d’allocation des coûts de procès en vigueur. Il en résulte qu’en fonction de la règle appliquée, certains types de poursuites vont être privilégiés. Les règles française et anglaise accroissent le coût d’une défaite et le gain d’une victoire par rapport à la règle américaine en raison du transfert de tout ou partie des frais du gagnant au perdant. Trois conséquences en découlent concernant l’incertitude et les chances de conclure un accord.

60D’une part, les règles française et anglaise découragent les demandeurs dont les affaires sont nouvelles (en ce sens qu’aucun conflit similaire n’a jamais été porté devant les tribunaux) parce que le risque d’avoir à supporter les coûts de procès de l’adversaire est élevé, compte tenu de l’incertitude du jugement. Posner [1996] prétend d’ailleurs que « [...] the loser-pays rule plays a role in the greater certainty of English law. It decourages the filing of novel cases, which might unsettle the law [1] ) ». Compte tenu de l’effet dissuasif des règles imposant un transfert de coût sur les affaires nouvelles, celles qui donnent lieu à des poursuites se caractérisent par un moindre degré d’incertitude que les affaires portées à la connaissance des tribunaux sous une règle sans transfert de coûts. En conséquence, on peut s’attendre à des taux d’arrangement plus élevés sous les règles française et anglaise parce que la plus faible incertitude sur le jugement tend à rapprocher les estimations des parties et, par ce biais, à favoriser le règlement amiable des conflits. Cet effet de l’incertitude sur les négociations est d’autant plus important que le transfert de coûts est conséquent, de sorte que, sur la base de cet argument, la règle la plus favorable aux arrangements est la règle anglaise, suivie de la règle française pour laquelle le transfert se limite aux dépens.

61D’autre part, le risque d’avoir à supporter les coûts de procès de l’adversaire découragent les demandeurs désirant s’engager dans des poursuites économiquement indésirables ( nuisance suits ) et incitent les demandeurs dont les affaires semblent « sérieuses » ( i.e. juridiquement fondées et associées à une probabilité élevée de victoire du demandeur). Ainsi, il y aurait davantage d’affaires « sérieuses » sous les règles française et anglaise que sous la règle américaine [2]. Cet argument est conforté par l’étude empirique de Hughes et Snyder [1995] qui a montré que le taux de victoire des demandeurs au procès était plus élevé sous le système anglais (où il atteint 21,6 %) que sous le système américain (où il s’établit seulement à 11,4 %) et qu’il y avait également davantage d’abandons sous la règle anglaise. Il en résulte que les poursuites intentées en France et en Angleterre se caractérisent par un niveau d’incertitude plus faible qu’aux États-Unis puisque les demandeurs sont désincités à poursuivre quand leurs chances de gagner sont faibles ou incertaines. La plus grande certitude sur le jugement, consécutive au plus grand « mérite » des affaires portées à la connaissance des tribunaux limite les sources de désaccords et favorise les arrangements. Cet argument joue en faveur des règles imposant un transfert de coûts au perdant lorsque l’objectif poursuivi est d’accroître le taux d’arrangement.

62Enfin, Hylton [1993] a montré que la règle anglaise conduisait à un plus grand respect des normes de précaution que la règle américaine parce que l’augmentation des gains attendus en cas de victoire encourageait les victimes à poursuivre en justice les auteurs de dommage. Un plus grand respect des normes légales implique que les affaires qui vont au procès sont celles pour lesquelles la culpabilité du défendeur a de fortes chances d’être reconnue par le juge [1]. En conséquence, le degré de certitude des affaires donnant lieu à des poursuites est plus grand sous les règles anglaise et française que sous la règle américaine. Le nombre des arrangements devrait donc être plus élevé sous les règles imposant un transfert de coûts que sous la règle sans transfert.

CONCLUSION

63La régulation de la demande de justice par les coûts de procès ou les délais semble complexe à mettre en œuvre et présente des difficultés considérables. Les conséquences des diverses politiques envisagées sont en effet nombreuses et certaines jouent en sens inverse, compensant l’effet bénéfique recherché. On peut alors imaginer de combiner plusieurs politiques différentes afin de pallier les inconvénients de l’une par les avantages de l’autre. Ainsi, il pourrait être envisagé de combiner une action sur l’offre et une action sur les coûts de procès, afin d’obtenir un déplacement des deux courbes du marché. La figure 5 montre les effets d’une politique combinée d’accroissement de l’offre et des coûts de procès.

64Tout accroissement de l’offre engendre une réduction du temps du délibéré (de t0 en t1 ) qui conduit à une augmentation de la demande (déplacement le long de la courbe D0 de A en C) de sorte que le stock d’affaires en attente ne diminue pas nécessairement (il passe de t0 AB0 à t1 CF0 ). L’idée consiste alors à compenser l’effet indésirable du déplacement le long de la courbe de demande par un déplacement de la courbe de demande elle-même vers le bas. Pour ce faire, il suffit d’accroître les coûts de procès. Ainsi, une action combinée sur les coûts de procès permet d’obtenir un stock d’affaires en attente t2 EF0 qui a beaucoup plus de chances d’être inférieur à t0 AB0. En outre, la diminution du temps du délibéré est plus élevée qu’avec le seul déplacement de l’offre (de t0 en t2 ). L’avantage d’une action combinée est donc de satisfaire une demande de procès plus élevée tout en diminuant à la fois le temps du délibéré et le stock d’affaires en attente.

65L’option d’un recours accru au règlement amiable des litiges a en outre été envisagée en supposant que l’augmentation des coûts suffisait à inciter les parties à dépasser leurs différends pour conclure un accord amiable. Bien souvent, l’augmentation des coûts de procès ne suffira pas et l’intervention d’un tiers s’avérera indispensable à la résolution amiable du litige. L’analyse a négligé le rôle considérable des tiers, conciliateurs ou médiateurs, qui, par leur intervention, parviennent souvent à lever les obstacles à la négociation et à éviter le procès. Favoriser le règlement amiable des litiges pour réguler la demande de justice nécessite donc que des moyens financiers soient consacrés à l’amélioration des mécanismes de médiation et de conciliation mais également que des médiateurs et des conciliateurs soient recrutés pour faire face à la demande afin que les délais d’attente ne viennent pas décourager les justiciables qui, quitte à attendre, préféreront aller devant le juge.

Figure 5.

Régulation conjointe

Figure 5.
t Figure 5. Régulation conjointe S1 S0 de l’offre et de la demande de justice t0 A D0 t1 C t2 E D0 D1 0 Procès par période B F

Régulation conjointe

66En définitive, il conviendrait de s’interroger sur la notion de délai optimal de résolution des litiges. Les délais sont perçus de façon négative lorsqu’ils contraignent les parties à prendre des décisions en incertitude, notamment dans le cas des affaires nouvelles. Simultanément, cependant, les délais permettent de réduire l’incertitude car ils laissent du temps aux parties pour collecter des informations, s’échanger des pièces, obtenir des témoignages et des rapports d’expertise,... Si le délai entre le début de l’instance et la fin du débat contradictoire est trop court, les parties peuvent ne pas disposer de suffisamment de temps pour conclure un accord. De même, si le temps du délibéré est réduit à l’extrême, le juge n’a plus le temps nécessaire pour étudier le dossier en profondeur et motiver son jugement. L’effet d’une réduction de ce délai pourrait conduire à une plus grande incertitude sur les jugements, défavorable au règlement amiable des litiges. En conséquence, comme les délais ont à la fois un impact positif et un impact négatif sur l’incertitude, il est nécessaire de réfléchir à l’existence d’un délai optimal, suffisamment long pour permettre le partage des informations, mais assez court pour éviter que des décisions sous-optimales soient prises par manque d’information.

APPENDICE MATHÉMATIQUE

Expression du gain attendu du demandeur sous la règle française de condamnation aux dépens

67Sous la règle française de condamnation aux dépens, le demandeur, quel que soit le résultat du procès, doit payer ses frais irrépétibles TIp. En outre, il supporte ses dépens TDp et ceux de son adversaire TDd s’il perd et aucun s’il gagne. Les types q des défendeurs sont compris dans l’intervalle { a; b } ( a ? { 0,1 }, b ? { 0,1 } et a < b ) et sont distribués selon une fonction de densité de probabilité fq ) et une fonction de distribution cumulée F ( q ). Le demandeur qui soumet une offre A va au procès contre les A ? TId défendeurs de type q inférieur au type limite q ( A ) =. La probabilité de D + TDp + TDd procès est donc F { q ( A ) } et la probabilité d’arrangement { 1 ? F ( q ( A ) ) }. La probabilité moyenne de victoire au procès d’un demandeur soumettant l’offre A est : [aq(A) (il va au procès contre les défendeurs de type q inférieur à q ( A ) ). Il en qfq ) dq F { q ( A ) } résulte que le gain attendu du demandeur quand il fait l’offre A est :

equation im16

Or :

equation im17

et :

equation im18

où Tp représente les coûts de procès totaux du demandeur.

68D’où, en remplaçant on obtient :

equation im19

Détermination de l’offre optimale d’arrangement du demandeur sous-informé sous la règle française de condamnation aux dépens

69 A ? TId Condition de premier ordre, sachant que q ( A ) = :
D + TDp + TDd

equation im20

70L’arrangement optimal A* doit donc vérifier :

equation im21

Condition de second ordre :

equation im22

L’arrangement optimal A* doit donc vérifier :

equation im23

Notes

  • [*]
    CREDES, Université de Nancy 2,13 place Carnot, 54035 Nancy Cedex. Mails : Bruno. DDeffains@ droit-eco. univ-nancy2. fret ddoriat@ mail. univ-nancy2. fr Recherche subventionnée par le GIP Mission de recherche Droit et Justice.
  • [1]
    Par exemple, dans le cas français, la consultation des statistiques du ministère de la Justice laisse supposer que le stock d’affaires en attente de règlement n’aurait pas cessé de croître au cours des dix dernières années. Le rapport Coulon indique que le délai moyen d’écoulement du stock d’affaires pourrait passer, entre 1994 et 2000, de 17,3 mois à deux ans dans les cours d’appel et de dix mois à un an dans les tribunaux de grande instance. Les méthodes d’évaluation des délais sont cependant sujettes à controverse.
  • [1]
    En principe, on devrait écrire la fonction de demande de procès sous la forme : D = D ( l, t, Tp, Td, F ) où F représente le prix payé par les parties pour le service rendu (D par le tribunal, avec (F < 0. Toutefois, dans la mesure où les parties n’ont pas à payer pour ce « bien public », mais simplement pour accéder au tribunal, nous considérerons que ce mécanisme tarifaire n’opère pas et que les mesures agissant sur les coûts portent exclusivement sur Tp et Td.
  • [1]
    Il s’agit notamment de l’objectif poursuivi en France par l’article 753 NCPC qui contraint les parties à reprendre, dans leurs dernières conclusions, les prétentions et moyens invoqués. À défaut, ils sont réputés abandonnés. Le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
  • [2]
    L’élasticité de la demande par rapport aux délais d’action du tribunal se définit par : t ?D ?t = D ? t.
  • [1]
    L’analyse sera exclusivement fondée sur les modèles stratégiques qui expliquent l’occurrence des procès par les asymétries d’information et les comportements stratégiques qu’elles permettent. Cette approche des conflits n’est cependant pas incompatible avec l’approche optimiste qui parvient à des résultats similaires concernant l’influence des coûts de procès sur l’issue du litige, mais dont le principal défaut est de ne pas justifier l’origine de l’optimisme excessif des parties.
  • [2]
    L’octroi de l’aide juridictionnelle est conditionné par l’existence de plafonds de ressources. Ainsi, en 2001, l’aide est totale si les ressources mensuelles du justiciable sont inférieures à 5 175 F pour un individu seul (majoré de 588 F par personnes à charge), partielle si les ressources mensuelles sont inférieures à 7 764 F. En 1999, il y a eu 612 012 admissions à l’aide totale et 92 638 admissions à l’aide partielle (les chiffres clés de la justice).
  • [1]
    En 1996, en matière civile, il y a eu 391 830 admissions à l’aide juridictionnelle, chiffre qu’il faut comparer avec le nombre d’affaires nouvelles dans les juridictions civiles : 672 282 affaires au fond et 126 772 référés dans les tribunaux de grande instance, 479 760 affaires au fond et 82 894 référés dans les tribunaux d’instance ( Annuaire statistique de la justice, édition de 1998).
  • [1]
    L’étude est menée à partir d’un modèle de filtrage. Les modèles de signal (P’ng [l983]) décrivent la situation inverse ( i.e. la partie informée soumet une proposition d’arrangement) mais conduisent à des résultats identiques concernant l’influence d’une hausse des coûts de procès sur la probabilité d’arrangement.
  • [2]
    Les étapes permettant d’établir cette expression sont présentées dans l’appendice mathématique.
  • [3]
    Les conditions de premier et de second ordre sont développées dans l’appendice mathématique.
  • [1]
    Les dépens du demandeur TDp sont une des composantes de ses coûts de procès Tp qui comprennent également les coûts irrépétibles ( Tp = TDp + TIp ). Comme on suppose qu’aucune de ces composantes ne baisse, l’augmentation des coûts de procès du demandeur est supérieure ou égale à l’augmentation de ses dépens : ?Tp ? ?TDp. Il en est de même pour le défendeur. A ? T
  • [2]
    Sachant que q ( A ) =Id et donc que ? q = 1. D + TDp + TDd ?A D + TDp + TDd
  • [1]
    Voir appendice mathématique.
  • [2]
    Ceux dont le type q est inférieur à q ( A* ) qui refusent l’arrangement et ceux dont le type q est supérieur q ( A* ) qui acceptent l’arrangement.
  • [3]
    Plus le type limite est faible, plus il y a de défendeurs dont le type est supérieur au type limite et qui préfèrent l’arrangement au jugement.
  • [1]
    Shavell [1982], Cooter, Marks et Mnookin [1982], Bebchuk [1984], Reinganum et Wilde [1986], P’ng [1987], Hylton [1993], Farmer et Pecorino [1994].
  • [1]
    Cet argument est à la base de l’hypothèse de sélection de Priest et Klein [1984]. Ils montrent en effet que le taux de victoire au procès des demandeurs est de 50 % et justifient ce résultat en expliquant que les négociations échouent quand la décision du juge est imprévisible.
  • [1]
    Sous la règle pro-demandeur, le demandeur ne paye aucun coût de procès s’il gagne et supporte uniquement ses coûts de procès s’il perd.
  • [2]
    Sous la règle pro-défendeur, le défendeur ne paye aucun coût de procès s’il gagne et supporte uniquement ses coûts de procès s’il perd.
  • [3]
    Selon Posner, il existe un lien fort entre la règle américaine d’allocation des coûts de procès et légalisation du pacte de quota litis aux État-Unis comme il existe également un lien fort entre la règle anglaise d’allocation des coûts de procès et l’interdiction des honoraires contingents en Grande-Bretagne.
  • [1]
    Voir Posner R. [1996], p. 92.
  • [2]
    Posner [1996] écrit à ce propos que « the loser-pays rule also reduces the probability of legal error, by discouraging the filing of weak cases and the interposing of weak defenses in strong cases ».
  • [1]
    Selon Posner [1996], « if a negligent injurer is sued in England he probably is more likely to lose, and if a non-negligent injurer is sued in England he probably is more likely to win, than would be the case in the United States ».
Français

En France, offre et demande de justice s’équilibrent grâce à des variations du temps qui s’écoule entre la mise en délibéré et le jugement. Ce rationnement de la demande de justice par le temps apparaît inefficace puisque le délai d’obtention d’un jugement s’allonge. Cet article se propose donc d’étudier d’autres politiques de régulation des flux de contentieux et d’en mesurer les effets. Les politiques de réduction du délai imparti au débat contradictoire, d’augmentation de l’offre de justice, d’accroissement du coût d’accès à la justice et de ré-allocation des coûts de procès entre les parties sont ainsi envisagées successivement.

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Bruno Deffains
Myriam Doriat Duban [*]
  • [*]
    CREDES, Université de Nancy 2,13 place Carnot, 54035 Nancy Cedex. Mails : Bruno. DDeffains@ droit-eco. univ-nancy2. fret ddoriat@ mail. univ-nancy2. fr Recherche subventionnée par le GIP Mission de recherche Droit et Justice.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2001
https://doi.org/10.3917/reco.525.0949
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