1 Plusieurs indicateurs témoignent qu’il existe un engouement non négligeable pour les associations en France. Il s’en crée plus de 60000 par an. Le nombre total de celles qui sont actives dépasse le million et, d’après l’enquête conduite par l’Insee en 2002 sur la vie associative, 45 % des personnes de plus de 15 ans en sont membres. En tant qu’objet d’étude, la participation associative relève de plusieurs domaines des sciences sociales. La sociologie est susceptible de s’y intéresser notamment sous l’angle de la constitution par les individus de leurs réseaux sociaux. La science politique portera plutôt son attention sur les modes d’investissement de l’espace public dont elle témoigne. L’économie pourra y voir un comportement orienté vers la consommation, lorsque la participation associative est le moyen d’accéder à certains services, par exemple dans les domaines sportifs, récréatifs et culturels, mais aussi une contribution productive lorsqu’elle prend la forme du travail bénévole.
2 Le souci de mieux connaître la nature, les formes et les motivations de cette participation a suscité un nombre croissant de travaux de recherche. Les profils sociodémographiques des adhérents comme ceux des bénévoles sont désormais mieux identifiés et s’avèrent d’ailleurs assez ressemblants d’un pays à l’autre. On observe notamment que le niveau de formation est le facteur le plus discriminant de ces comportements, les individus les plus diplômés y étant plus fortement enclins. La plupart des études réalisées le sont à partir de données en coupe transversale et elles traduisent ainsi la situation de la participation à un moment donné. Ceci ne permet alors pas d’appréhender l’affiliation associative au cours du temps, son degré de stabilité et ses éventuelles évolutions. Toutefois, pour examiner la dynamique de la participation, il est nécessaire de disposer de données longitudinales permettant d’observer les comportements dans la durée, sachant que ces dernières font largement défaut.
3 Il existe néanmoins de rares travaux de ce type, essentiellement nord-américains. Leurs résultats suggèrent que la participation est soumise à une certaine volatilité dans le temps, qui se traduit par une augmentation ou une diminution de son intensité appréhendée en termes de nombre d’adhésions ou de fréquence de la pratique. Mais ils soulignent aussi que l’intérêt ou au contraire l’indifférence à l’égard des associations présentent un degré non négligeable de continuité chez l’individu. Autrement dit, un participant pourra changer d’association mais cessera rarement d’être adhérent, alors qu’un non participant aura une probabilité limitée de le devenir. Certains de ces travaux montrent également le rôle positif que joue la densité des contacts interpersonnels noués à l’intérieur des associations sur la fidélité des adhérents.
4 Le présent article vise à analyser cette question de la dynamique temporelle de la participation telle qu’on peut l’appréhender en France. À cet effet, il utilise le Panel européen des ménages dont le questionnaire comportait une question sur l’adhésion des répondants aux associations. Bien que l’information recueillie sur le sujet par cette enquête reste limitée puisqu’elle ne donne aucune indication sur l’intensité de la pratique, elle n’en permet pas moins de documenter au moins partiellement l’évolution des comportements associatifs des répondants. L’article se propose plus particulièrement d’étudier dans quelle mesure la participation présente une permanence dans le temps et de mettre en évidence quelques-uns des facteurs qui peuvent être à la source des changements de situation des répondants à l’égard des associations. Dans cette perspective, une étude en termes de statistiques descriptives est d’abord réalisée sur les flux d’entrées et de sorties des associations calculés d’une vague à l’autre de l’enquête. Dans un second temps, l’analyse est conduite à partir d’investigations économétriques qui utilisent des modèles de panel non linéaires, à effets aléatoires ou a effets fixes, ainsi qu’un modèle de panel dynamique.
5 L’étude descriptive montre que la relative stabilité du taux global de participation observée de 1994 à 2001 n’est nullement exclusive de changements fréquents de la situation des répondants par rapport aux associations. Ainsi, en moyenne, le quart des participants d’une année ne déclarent plus être membres l’année suivante alors que dans le même temps un non adhérent sur dix le devient. La participation associative apparaît dont sujette à une mobilité qui n’est pas négligeable. Mais cette mobilité n’est pas complètement aléatoire. Elle n’exclut pas un certain degré de constance des attitudes envers les associations, qui se manifeste tant dans l’inclination à adhérer que dans le rapport d’extériorité qu’entretient à leur égard une partie de la population. Ainsi, même si les répondants qui déclarent avoir continûment participé sur la période couverte par l’enquête ne représentent qu’à peine plus de 10 % de l’échantillon, il n’en demeure pas moins que la probabilité qu’un individu soit adhérent lors de la dernière vague est une fonction fortement croissante du nombre de vagues antérieures au cours desquelles il a déclaré être membre. À l’inverse, plus de 40 % de l’échantillon restent régulièrement étrangers au monde associatif.
6 Les caractéristiques sociodémographiques des adhérents mises en évidence par l’investigation économétrique présentent une grande similitude avec celles observées dans les travaux antérieurs. L’analyse de la mobilité de la participation fait apparaître l’impact négatif de certains facteurs sur la dynamique de l’adhésion comme le changement de résidence, l’achèvement par les étudiants de leur cursus de formation et l’occupation d’une activité professionnelle à temps plein chez les femmes. L’estimation du modèle de panel dynamique montre l’existence d’un phénomène de dépendance d’état qui se traduit par une forte corrélation de la participation constatée une année donnée avec la participation au cours de l’année antérieure.
7 Le Panel européen des ménages offre donc, pour la première fois s’agissant de la France, l’opportunité d’une telle analyse dynamique de la participation associative. Ce travail gagnera néanmoins à être approfondi dès lors que des données longitudinales plus riches s’agissant des comportements à l’égard des associations permettront de construire un indicateur plus complet de la participation associative et de son intensité. Sous réserve de pouvoir disposer des informations adéquates, il importerait également d’analyser l’impact potentiel, sur la mobilité des adhésions, des caractéristiques et des trajectoires des associations, et pas seulement de celles des participants.
8 La participation associative a connu depuis maintenant quelques années un incontestable regain d’attention de la part des chercheurs en sciences sociales, aussi bien en sciences politiques qu’en sociologie et en économie. Plusieurs facteurs ont contribué à alimenter cet intérêt.
9 Ainsi, dans la continuité des travaux de Cohen et Arato (1992), l’accent a été mis sur la fonction des associations dans la structuration de la société civile et sur le rôle qu’elles jouent en tant que moyens d’éducation à la démocratie (Rogers et Cohen, 1995, Warren, 2001). De même, les débats qu’ont suscités les travaux de Putnam (1995, 2000) et, plus globalement, l’engouement transdisciplinaire stimulé par la Banque mondiale à l’égard du concept de capital social (Dasgupta et Serageldin, 1999) ont encouragé les recherches sur l’ampleur et les évolutions des adhésions. En effet, la fréquentation des associations constitue l’un des indicateurs privilégiés de la mesure de ce capital, qu’il soit considéré en tant qu’attribut d’une collectivité (Putnam, 1995, Knack et Keefer, 1997) ou qu’il soit appréhendé à un niveau plus individuel comme dans les travaux économiques qui étudient les comportements d’accumulation de cet actif spécifique (Di Pasquale et Glaeser, 1999, Glaeser et alii, 2002). L’intérêt porté aux comportements associatifs a également bénéficié du développement des recherches sur la place occupée dans la production des solidarités par le Tiers secteur (Evers et Laville, 2004) ou le secteur sans but lucratif (Archambault, 1996, Salamon et Anheier, 1997) ou encore par les entreprises sociales (Defourny et Borzaga, 2000, Nyssens, 2006), dont les associations constituent une part substantielle.
10 Les études sur la participation associative et ses différentes expressions, en particulier l’engagement bénévole, ont permis d’obtenir des résultats appréciables permettant de mieux comprendre ces comportements et leur sensibilité aux caractéristiques démographiques et socioéconomiques des individus (Smith, 1994, Prouteau et Wolff, 2002). Néanmoins, les travaux réalisés se situent presque toujours dans un cadre statique, assurément en l’absence de données appropriées à une analyse dynamique. La photographie qu’ils offrent de la participation est donc impuissante à informer sur les évolutions que les comportements individuels à l’égard des associations sont susceptibles de connaître au cours du temps. Tout comme on devient participant, on peut cesser de l’être. On peut également changer d’association. Ces flux entrants et sortants sont très largement méconnus. Quelques indices laissent penser qu’ils ne sont pourtant pas négligeables. Ainsi, l’enquête transversale que l’Insee a conduite en France en 2002 sur la vie associative (Febvre et Muller, 2004) révèle que plus de la moitié des adhésions qui y sont documentées ont tout au plus cinq ans d’ancienneté, et 30 % moins de trois ans. Par ailleurs, 20 % des répondants, qu’ils soient ou non encore adhérents au moment où on les interroge, déclarent avoir quitté une association dans les cinq années précédentes. La participation associative apparaît donc bien soumise à une mobilité dont il convient de mieux apprécier l’importance. À cette fin, il est nécessaire de disposer de données permettant de suivre dans le temps le statut associatif des enquêtés.
11 L’originalité du présent article est de proposer une analyse longitudinale de l’adhésion aux associations. Nous avons recours pour cela à l’enquête française réalisée dans le cadre du Panel européen des ménages sur la période allant de 1994 à 2001 [1]. L’objectif est tout à la fois d’appréhender les changements de situation des individus vis-à-vis des associations et de tenter d’en rendre compte en examinant les variables susceptibles de les influencer. Nous utilisons dans ce but des modèles de panel non-linéaires, à effets aléatoires ou à effets fixes, et nous estimons également un modèle de panel dynamique suivant l’approche conditionnelle proposée par Wooldridge (2005).
12 Le reste de cet article est organisé de la façon suivante. La deuxième section souligne le caractère polymorphe de la participation associative et synthétise les déterminants de ce comportement analysé essentiellement sur la base de données transversales. Elle rappelle également les résultats auxquels sont parvenues les rares études dynamiques conduites sur le sujet. La troisième section présente ensuite les données de l’Europanel français qui sont utilisées pour l’investigation empirique. Dans la quatrième section, nous calculons les flux annuels d’entrées et de sorties des associations, ce qui fournit une première mesure de la mobilité individuelle. La cinquième section examine alors les déterminants de la participation à partir de modèles de choix discrets à effets aléatoires et à effets fixes. La sixième section présente la spécification dynamique non linéaire retenue et expose les résultats de l’estimation. Enfin, la septième section conclut.
Quelles explications à la participation associative ?
13 La participation associative est une expression générique qui se rapporte à des comportements se déclinant sur différents registres. Nous en distinguerons ici trois. Tout d’abord, le participant peut être bénévole et consacrer un temps plus ou moins important à son association pour laquelle il représente une source de travail non rémunéré. Bien que cette forme de participation soit particulièrement prégnante dans les représentations collectives, elle ne saurait être tenue pour unique puisque tous les adhérents ne sont pas bénévoles [2]. Les participants comptent ensuite dans leurs rangs des usagers des services offerts par les associations, que ces services soient d’ordre sportif, culturel, relatifs aux loisirs, à la défense des intérêts, etc. Il est enfin des adhérents qui, au travers de leur engagement, visent à promouvoir une cause ou à défendre des droits. Ce troisième registre de la participation, davantage orienté vers l’espace public, a un caractère plus militant que les précédents. Ces différentes modalités de la participation associative ne sont nullement exclusives les unes des autres. Un bénévole peut très bien être un militant de son association tout comme il peut également compter au nombre des bénéficiaires des prestations qu’elle offre.
14 Du fait de la diversité des formes qu’elle prend, la participation associative réfère à des comportements susceptibles de relever de plusieurs régimes d’action ou ordres de grandeurs au sens de Boltanski et Thévenot (1991). Elle peut tout aussi bien impliquer des relations de don (dans le cadre du bénévolat) que des relations de service, voire de clientèle, chez les bénéficiaires des activités.
15 Les économistes intéressés par la dynamique du secteur sans but lucratif ont porté plus particulièrement leur attention sur l’engagement bénévole. À ce titre, plusieurs modèles de bénévolat ont été proposés (Menchik et Weisbrod, 1987, Schiff, 1990, Prouteau, 1999, Duncan, 1999). Le modèle de production de biens collectifs fait l’hypothèse que le bénévole entend contribuer à la réalisation d’un service présentant certains attributs d’un bien collectif (souvent, mais pas toujours, à caractère local). Le bénévolat altruiste constitue une variante de ce modèle [3]. Le modèle de consommation voit dans le bénévole un individu qui cherche des satisfactions de nature privative pouvant prendre la forme de gratifications relationnelles (Prouteau et Wolff, 2008), d’acquisition d’un certain prestige personnel ou du pur plaisir de donner, ce que Andreoni (1990) appelle le warm glow. Enfin, le modèle d’investissement considère que le bénévole cherche, grâce à son activité associative, à accumuler du capital humain sous la forme de savoirs et savoir-faire transférables en milieu professionnel [4].
16 D’un point de vue prédictif, le pouvoir discriminant de ces modèles s’avère assez restreint. Dans les trois modèles, la participation est une fonction décroissante du coût d’opportunité du temps donné, parfois appréhendé par le revenu professionnel auquel le bénévole renonce en se consacrant à son activité non rémunérée (Menchik et Weisbrod, 1987). Dans le modèle de biens collectifs comme dans le modèle de consommation, l’engagement est supposé croître avec le revenu, sous l’hypothèse que le bien collectif à la production duquel le bénévole contribue ou que les satisfactions à caractère privé recherchées ont les caractéristiques d’un bien normal. Quant au modèle d’investissement, il se distingue notamment en prévoyant que les jeunes seront davantage incités à se consacrer au bénévolat. En effet, disposant d’une espérance de vie active plus longue, ils peuvent en attendre un rendement plus élevé que leurs aînés.
17 Les nombreuses investigations empiriques conduites sur la participation associative en général et sur le bénévolat en particulier ont permis d’éclairer les facteurs qui influencent ces comportements (Smith, 1994, Schofer et Fourcade-Gourinchas, 2001, Prouteau et Wolff, 2002, 2004). Certains résultats peuvent désormais être considérés comme très robustes. C’est tout particulièrement le cas de l’effet incitatif de l’élévation du niveau de formation initiale sur la participation. Cette variable s’avère être la plus discriminante de toutes. La participation est généralement croissante avec le revenu et elle tend à être plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Elle est fréquemment plus forte dans les aires de faible densité démographique (communes rurales, villes de petite taille) probablement parce que, dans ces zones de résidence, l’activité associative permet de pallier l’insuffisance de l’offre publique ou marchande de certains services, notamment ceux de nature récréative. Les propriétaires de leur logement sont plus enclins à participer [5].
18 L’influence du vieillissement sur la fréquentation des associations a alimenté un débat parmi les chercheurs américains. Des travaux récents montrent qu’une fois les autres caractéristiques sociodémographiques contrôlés, l’avancée en âge ne se traduit pas par une baisse de la participation (Cutler et Hendricks, 2000). En France, la participation associative atteint son maximum chez les sexagénaires et elle n’est sujette à un fléchissement qu’à l’approche des 80 ans, alors que la propension au bénévolat décroît plus tôt (Michaudon, 2000, Prouteau et Wolff, 2007). L’influence positive sur la participation, surtout lorsqu’elle prend la forme du bénévolat, de la présence de plusieurs enfants d’âge scolaire au foyer est aussi souvent mise en évidence (Smith, 1994). Cette situation trouve certainement son explication dans le désir des parents d’accéder à certains services associatifs destinés aux enfants (loisirs par exemple) ou liés à leur éducation (associations de parents d’élèves). Enfin, les personnes mariées sont généralement plus enclines à participer que les célibataires.
19 Pour l’essentiel, les travaux réalisés à ce jour sont des études en coupe transversale. Très peu de recherches ont pris pour objet la dynamique de la participation associative. La première à l’avoir fait est, à notre connaissance, celle de Babchuck et Booth (1969) [6]. Ces auteurs comparent à quatre ans d’intervalle le nombre de participations associatives déclarées par les individus d’un échantillon de résidents de l’État américain du Nebraska. Ils observent des flux conséquents aussi bien d’abandons d’associations que de nouvelles adhésions, puisque 65 % des individus du panel suivi voient leur situation associative se modifier par accroissement ou diminution du nombre de leurs affiliations. Toutefois, cette mobilité n’est pas exclusive d’un haut degré de stabilité des comportements à l’égard du milieu associatif en général puisque plus des trois quarts des adhérents de la vague initiale restaient adhérents à au moins une association lors de la vague terminale de l’enquête.
20 Dans le cadre d’une recherche sur l’influence de l’âge sur la participation associative, Cutler (1976) mobilise les données issues de deux panels. L’un, constitué de répondants ayant entre 46 et 70 ans, est suivi sur quatre ans et l’autre, composé de personnes de plus de 65 ans, est suivi sur deux ans et demi. La pratique associative y est appréhendée à l’aide de deux indicateurs, le nombre déclaré d’adhésions et la fréquence de l’assistance aux réunions de l’association. L’auteur constate des évolutions importantes de la participation qui se traduisent par des modifications de son intensité. Le nombre d’affiliations varie à la hausse comme à la baisse, comme change le degré d’engagement dans chacune des associations. Mais dans le même temps, il relève une certaine continuité des attitudes des enquêtés à l’égard des associations. Peu nombreux sont les participants en début de période à ne plus l’être en fin de période, et tout aussi rares sont les répondants initialement non participants qui deviennent adhérents ultérieurement.
21 Utilisant les mêmes données que celles de Babchuck et Booth (1969), McPherson et Lockwood (1980) constatent que les flux d’entrées dans les associations sont beaucoup plus sensibles que les flux de sortie aux caractéristiques sociodémographiques des enquêtés. Les femmes tendent également à montrer davantage de stabilité que les hommes dans leurs adhésions. Étudiant les liens entre les réseaux sociaux et la dynamique de la participation, McPherson et alii (1992) notent que la durée d’affiliation à une association apparaît accrue quand des liens sont tissés avec d’autres membres de la même association [7]. Butler et alii (1973) trouvent que la mobilité résidentielle décourage la participation. Enfin, Richmond (2003) opère une distinction entre les associations locales et les associations à rayon d’action plus vaste, qu’il appelle « cosmopolites ». Il montre que la mobilité géographique s’accompagne d’un mouvement de départ des associations, tous types confondus, mais qu’elle est également suivie d’un surcroît d’adhésion aux associations locales, probablement afin de permettre aux individus de reconstituer leurs réseaux de sociabilité.
22 De ces très rares études sur la dynamique de la participation associative, il se dégage tout à la fois l’impression que les adhésions sont sujettes à une certaine volatilité dans le temps, mais que l’intérêt ou au contraire l’indifférence à l’égard des associations présentent un degré non négligeable de permanence chez l’individu. Les raisons que les membres ont de quitter une association sont diverses. Elles peuvent être liées à une modification de la situation individuelle consécutive, par exemple, à une mobilité géographique, à l’entrée dans la vie active, à l’arrivée d’enfants, à leur départ du foyer, etc., autant de situations induisant une évolution des besoins ou une modification des contraintes qui pèsent sur les emplois du temps. La cessation d’une participation peut également trouver son explication dans la disparition de l’association. Quant à la continuité de l’affiliation, elle relève elle aussi d’une pluralité de facteurs. L’existence de gratifications relationnelles au sein des associations (rencontrer d’autres personnes, se faire des amis) n’est certainement pas étrangère à la pérennité de l’appartenance à une association (Prouteau et Wolff, 2004a, 2008).
23 Cette revue de la littérature montre dans tous les cas l’importance de prendre en compte la dimension temporelle dans l’étude de la participation associative. Si aucune étude dynamique de la participation n’a été à ce jour réalisée en France, par suite d’une absence de données adéquates, le Panel européen des ménages offre pour la première fois l’opportunité de contribuer à pallier cette absence.
Les données
24 Le Panel européen des ménages initié en 1994 résulte d’une initiative d’Eurostat. Il s’agit d’une enquête communautaire harmonisée destinée à étudier les conditions de vie des ménages et des individus dans l’Union européenne. Les douze pays qui en étaient alors membres ont participé au lancement de cette expérience, rejoints peu après par deux nouveaux adhérents, l’Autriche et la Finlande. Le but principal de cette enquête était de collecter des renseignements sur les dynamiques de l’emploi et des revenus. Outre ces aspects, elle réunit aussi des informations sur la formation, sur les biographies des individus, sur leurs relations et leurs responsabilités sociales, leur santé, leur logement.
25 La première vague a été réalisée à partir d’un échantillon dont la taille à l’échelle communautaire dépassait les 60 000 ménages. En France, cet échantillon était constitué de 7 344 ménages représentant près de 19000 individus. Les membres des ménages enquêtés en 1994 et âgés de plus de 16 ans ont fait l’objet de réinterrogations annuelles jusqu’en 2001. Le Panel contient donc 8 vagues. En cas de changement d’adresse, les individus étaient réinterrogés, chaque fois que possible, à leur nouvelle adresse. Il convient de souligner que les effectifs diminuent assez sensiblement avec les vagues successives compte tenu de l’attrition [8].
26 Pour la France, le repérage de l’adhésion associative est effectué dans la rubrique relations et responsabilités sociales du questionnaire individuel, à partir d’une question dont le libellé a évolué entre la première vague et les suivantes. En 1994, le répondant se voyait successivement demander s’il était ou non membre d’une association de parents d’élèves ou professionnelle, d’une association humanitaire, d’une association religieuse ou enfin d’une association sportive, culturelle ou d’expression personnelle. Lors des vagues ultérieures, une seule question générale était posée sur l’appartenance à une association, sans plus de précision sur le type de celle-ci.
27 Il est clair que la participation associative n’était pas une préoccupation importante de l’enquête conduite dans le cadre du Panel européen des ménages, ce qui se traduit par le caractère très limité de l’interrogation sur cette activité. Celle-ci s’avère sans commune mesure avec l’attention que mettent les enquêtes plus spécifiques, comme l’enquête Vie associative de l’Insee de 2002, à mobiliser la mémoire des répondants sur leur fréquentation des associations afin de minimiser les omissions. Aussi pouvait-on s’attendre à ce que cette participation y soit sous-estimée, ce qui est également le cas dans d’autres enquêtes qui n’abordent qu’incidemment ce comportement (Prouteau et Wolff, 2002). Sans surprise, on constate que les taux de participation observés à partir de l’Europanel français sont assez nettement inférieurs à ceux calculés à partir de l’enquête Vie associative. On peut penser que les adhésions non déclarées sont principalement le fait de membres peu investis. Il n’en demeure pas moins que cette sous-déclaration est potentiellement source d’un biais dont il n’est pas possible de dire s’il affecte de manière sensible les résultats obtenus.
28 Il faut également remarquer que les flux d’entrées et de sorties des associations sont certainement minorés dans l’Europanel français. En effet, les données ne permettent de prendre en compte que certaines modifications des situations survenues entre deux vagues d’interrogation, à savoir celles qui se traduisent par le passage du statut d’adhérent à celui de non adhérent (et inversement). En revanche, ni l’augmentation ni la diminution, chez les multi-adhérents, du nombre de leurs associations d’appartenance ne pourront être détectées puisque ces événements n’affectent en rien la réponse à la question qui identifie la participation. De ce point de vue, notre étude n’est pas strictement comparable à celles évoquées dans la section précédente, les études sur données américaines prenant usuellement comme variable dépendante le nombre d’adhésions par individu.
29 De même, un changement d’association se traduisant par un double mouvement d’entrée et de sortie ne pourra être perçu s’il se produit entre deux vagues de l’enquête. Il en résulte donc que les données à notre disposition conduisent selon toute vraisemblance à une sous-estimation de la mobilité individuelle des adhérents associatifs.
Les flux d’entrées et de sorties des associations
30 Si l’on calcule les taux de participation associative pour chacune des vagues de l’enquête, l’impression qui en ressort est celle d’une relative stabilité, à un niveau légèrement inférieur à 30 % (graphique 1). L’inflexion la plus sensible est constatée entre 1994 et 1995, mais la baisse alors observée peut être, en partie du moins, la traduction du changement de libellé de la question relative à l’adhésion associative.
31 Si abstraction est faite de la première vague, pour ne comparer que les taux obtenus à partir d’une question rigoureusement identique, se dessine alors un très léger trend ascendant de la proportion d’adhérents dans la population totale. Bien que cette tendance s’observe à la fois pour les hommes et pour les femmes, il convient de noter que les premiers déclarent beaucoup plus souvent des participations que les secondes, avec un taux moyen sur la période de 32,2 % contre 23,4 %. Cette différence entre les sexes, régulièrement constatée dans les travaux sur l’adhésion aux associations, même si l’écart ici observé est particulièrement conséquent, tient notamment à la place importante qu’occupe dans le champ associatif un domaine comme le sport, à forte prépondérance masculine (Prouteau et Wolff, 2002, Febvre et Muller, 2003) [9].
le taux de participation associative de 1994 à 2001

34
Hommes
32
30
Ensemble
28
26
Femmes
24
22
20
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Années
le taux de participation associative de 1994 à 2001
32 La stabilité du taux de participation n’est toutefois pas nécessairement synonyme d’une fidélité des participants. Afin d’illustrer ce point, nous construisons une table de mobilité en comparant systématiquement les situations des répondants telles qu’ils les ont déclarées lors de deux vagues successives de l’enquête. Nous pouvons de cette façon mesurer systématiquement les flux d’entrées et de sorties des associations entre l’année t et l’année t +1, flux qui sont présentés dans le tableau 1 [10]. Nous constatons alors que, chaque année, approximativement le quart des adhérents de l’année précédente ne déclare plus de participation. Toutefois, il s’avère que cette proportion de désengagements baisse légèrement sur la période considérée, 36,3 % en 1994 contre 22,4 % en 2001 [11].
33 Dans le même temps, environ 10 % des non adhérents de l’année antérieure affirment être désormais membres d’une association et ces entrées tendent globalement à compenser les sorties, expliquant ainsi la stabilité temporelle du taux de participation. Au total, annuellement, c’est une proportion d’environ 15 % de la population totale de plus de 16 ans qui est ainsi concernée par ces flux de sens contraires affectant la vie associative. La part de celles et ceux qui demeurent participants d’une année sur l’autre est d’environ un cinquième de la population totale, avec une légère progression dans le temps [12].
34 Le fonctionnement du monde associatif n’est donc pas sans rappeler celui du marché du travail, avec d’un côté des taux d’emploi qui varient assez peu dans le temps et de l’autre une assez forte mobilité au niveau individuel dans les statuts d’activité, au moins pour certains segments de la population. Les données longitudinales sont par conséquent précieuses pour bien comprendre les phénomènes sous-jacents, sous peine de penser que les comportements associatifs sont figés, ce qui serait une conclusion clairement erronée.
35 Dans la dernière ligne du tableau 1, nous comparons la situation des répondants à l’égard des associations telle qu’elle apparaît en 2001 aux informations qu’ils donnaient à ce sujet en 1994. Seuls sont donc retenus les individus qui ont pu être interrogés lors de ces deux vagues encadrant la durée de l’enquête. Plus de 40 % des participants de 1994 ne le sont plus en 2001, alors que près de 20 % des non adhérents de l’année initiale le sont devenus lors de la dernière vague. Un peu moins de 18 % des effectifs de l’échantillon ont gardé le statut de participant, mais cela ne signifie nullement qu’ils l’ont été sans discontinuer pendant toute la période retenue [13].
36 Pour étudier précisément le degré de constance de ces adhérents associatifs, nous avons sélectionné les seules personnes ayant renseigné la question relative à l’adhésion sur les huit vagues (5791 individus). D’après le tableau 2, 56,5 % des enquêtés ont déclaré au moins une fois avoir participé à une association au cours de l’enquête, mais seulement un sur dix a systématiquement répondu être adhérent [14]. Les membres assidus sont donc minoritaires, même en élargissant la conception de cette assiduité pour adjoindre à ce noyau dur les individus ayant déclaré une adhésion à 6 ou 7 vagues de l’enquête. Nous observons donc bien un degré important de mobilité dans la pratique associative. Celle-ci reste néanmoins circonscrite à une partie seulement de la population, dans la mesure où plus de 40 % des individus composant l’échantillon demeurent durablement extérieurs à ces flux entrants et sortants, affichant ainsi une apparente imperméabilité à toute attraction pour la vie associative.
flux d’entrée et de sorties des associations
Année t/t+s |
Participant en t |
Sorties (% des participants) |
Sorties (% de tous) |
Non participants en t |
Entrées (% des non participants) |
Entrées (% de tous) |
Participants en t et t +s (% de tous) |
1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 | 3541 3148 3160 2737 2806 2675 2727 | 36,3 26,5 26,6 26,8 24,3 20,5 22,4 |
10,3 7 7,5 7,9 6,9 5,8 6,7 | 8905 8856 8042 6489 7149 6753 6457 |
10,3
11,7
11,1 10 9,2 10 8,8 |
7,4
8,6 8 7 6,6 7,2 6,2 |
18,1
19,3
20,7
21,7
21,3
22,6 23 |
1994/01 | 1937 | 41,6 | 12,7 | 4420 | 19,6 | 13,6 | 17,8 |

flux d’entrée et de sorties des associations
distribution de la participation associative sur les huit vagues successives de l’enquête
Nombre de vagues avec déclaration d’une participation | Effectifs |
Part de l’échantillon (en %) |
0 1 2 3 4 5 6 7 8 |
2519 671 420 341 286 288 316 360 590 | 43,5 11,6 7,2 5,9 4,9 5,0 5,5 6,2 10,2 |
Total | 5791 | 100 |

distribution de la participation associative sur les huit vagues successives de l’enquête
37 Cependant, la mobilité constatée n’exclut nullement l’existence d’un phénomène de dépendance d’état (state dependency), c’est-à-dire une sensibilité de la participation courante à l’égard de la chronique des participations passées. Le tableau 3 révèle que la probabilité de se déclarer adhérent en 2001 est bien une fonction croissante du nombre de vagues antérieures au cours desquelles le répondant a été identifié comme étant membre d’une association. Quand il a toujours participé auparavant, cette probabilité est de 22 fois supérieure à celle d’un enquêté qui ne s’était jusqu’alors jamais déclaré adhérent. Nous observons également que le passé associatif a d’autant plus d’importance dans le choix de participer qu’il est récent. Ainsi, la probabilité d’être adhérent en 2001 pour quelqu’un qui l’était l’année précédente est de 80 %, soit 20 points de plus que pour celui ou celle qui déclarait une participation en 1994.
l’influence de la trajectoire passée sur la participation associative en 2001
Participations identifiées sur la période 1994/2000 |
Probabilité d’être participant en 2001 (en %) |
Participations 0 fois Identifiées 1 fois 2 fois 3 fois 4 fois 5 fois 6 fois 7 fois Participant en 1994 en 1995 en 1996 en 1997 en 1998 en 1999 en 2000 | 4,2 17,5 30,0 42,7 60,1 71,8 80,4 91,2 59,3 65,6 66,2 70,8 73,7 78,4 80,1 |

l’influence de la trajectoire passée sur la participation associative en 2001
38 Il apparaît en conséquence nécessaire de prendre en compte cette relative inertie de l’adhésion associative dans le cadre d’une analyse dynamique. Auparavant, nous appréhendons les déterminants de la participation sur la base de modèles de panel standard et rapprochons les résultats constatés de ceux obtenus à partir de données transversales.
Les déterminants de la participation associative en France
39 Nous cherchons à estimer la probabilité pour un individu de se déclarer adhérent une année donnée au cours de la période 1994-2001. Soit Yi*t une variable latente indiquant la propension de chaque enquêté à être participant associatif, où i et t sont des indices au niveau individuel et temporel. La variableYit est telle que Yit = 1 lorsque l’individu est participant et Yit = 0 dans le cas contraire. Par définition, nous avons Yit = 1 lorsque Yi*t >0 et Yit = 0 lorsque Yi*t ?0. La variable latente est supposée dépendre d’un ensemble de caractéristiques individuelles X it , d’un vecteur de coefficients ? et d’un résidu. Dans la mesure où nous disposons d’informations répétées pour chaque individu, la spécification retenue s’écrit sous la forme :

40 où ?i est un effet individuel inobservé, que l’on suppose distribué suivant une loi normale de moyenne nulle et de variance ?2?. Les termes d’erreur ? it sont également supposés suivre une loi normale de moyenne nulle et de variance unitaire, les perturbations aléatoires ?i et ? it étant retenues indépendantes et non corrélées avec les différentes variables explicatives. Sous ces hypothèses de normalité, il s’agit donc d’un modèle Probit à effets aléatoires pour lequel l’estimation est désormais standard [15].
41 Les facteurs explicatifs pris en compte dans la régression sont le sexe, l’âge, le statut matrimonial, le nombre d’enfants au foyer en distinguant les situations dans lesquelles l’un au moins d’entre eux a moins de trois ans, le niveau de diplôme, le revenu domestique annuel, la nationalité, le statut d’occupation du logement (propriétaire ou non), et le type de commune de résidence. Nous y ajoutons la région dans laquelle vit le répondant et un indicateur de mobilité résidentielle sous forme d’une dummy qui prend la valeur 1 lorsque l’individu vit dans un logement différent de celui qu’il occupait l’année antérieure et 0 en l’absence de déménagement [16]. L’estimation est réalisée à partir des huit vagues empilées de l’enquête (panel non cylindré), l’échantillon comprenant 95556 observations. Elle est menée sur la population totale, puis sur la population masculine et la population féminine afin d’appréhender d’éventuelles différences de comportements associatifs selon le sexe. Les résultats de ces estimations sont indiqués dans le tableau 4.
42 Nous observons une significativité des coefficients souvent très forte, ce qui s’explique par la taille de l’échantillon qui confère aux estimateurs de bonnes propriétés asymptotiques. La probabilité de participer des hommes et nettement supérieure à celle des femmes. Cependant, les déterminants de la participation chez ces deux sous-populations montrent une grande similitude à quelques exceptions près. Pour les deux sexes, la participation s’élève avec le niveau de diplôme et avec le revenu familial. Les habitants des communes rurales et des unités urbaines de petite taille (moins de 2000 habitants) sont plus disposés à adhérer que les citadins des villes moyennes et des grandes agglomérations. C’est aussi le cas des individus qui sont propriétaires du logement qu’ils occupent, comparativement aux locataires. La fréquentation des associations est moins importante chez les célibataires que chez les personnes mariées. Tous ces faits sont conformes à ceux qui ressortent des recherches antérieures sur l’affiliation associative.
43 Sur la population agrégée, la participation augmente avec l’âge, ce qui est également un résultat cohérent avec ceux obtenus par ailleurs. Une distinction apparaît toutefois ici entre les populations masculine et féminine. L’augmentation de l’affiliation ne se manifeste chez les hommes qu’à partir de 60 ans alors qu’elle est plus précoce chez les femmes même si elle s’accentue également chez celles qui font partie du troisième âge. La forte propension des seniors à participer s’explique notamment par l’existence d’associations nombreuses spécifiquement tournées vers ce public, tels les clubs du troisième âge, les associations de retraités ou encore d’anciens combattants (Prouteau et Wolff, 2007).
44 A priori, la présence d’enfants au foyer a une influence ambiguë sur l’adhésion. D’une part, elle accroît les tensions sur les emplois du temps des parents, ce qui réduit les possibilités qu’ils ont de se consacrer aux activités associatives. Mais, d’autre part, il a déjà été souligné que l’adhésion des parents peut être encouragée lorsqu’elle leur permet d’avoir accès à des services dont le besoin est engendré par l’éducation et l’entretien des enfants. S’agissant du premier effet, défavorable à la participation, il est vraisemblable qu’il est accentué lorsque l’un au moins des enfants est très jeune, parce que l’attention qu’il requiert est plus importante. En ce qui concerne l’incitation à participer, elle est probablement d’autant plus forte que les enfants sont nombreux puisque les adultes bénéficient alors d’économies d’échelle dans les activités associatives destinées à leur progéniture.
45 Les résultats communiqués dans le tableau 4 valident assez largement ces conjectures. Il apparaît ainsi que les répondants qui vivent dans un foyer avec un enfant seul de moins de trois ans ont une probabilité de participer inférieure à celle des individus d’un ménage sans enfant. Cet impact dissuasif de la présence d’un enfant est particulièrement fort quand celui-ci n’a pas dépassé sa troisième année. Il persiste, quoique plus faiblement, lorsqu’il est plus âgé, ce qui laisse supposer que les incitations à adhérer induites par l’enfant scolarisé restent alors assez faibles. Dans les foyers avec deux enfants, la situation diffère quelque peu. La probabilité d’être membre d’une association pâtit encore de la présence d’un très jeune enfant. Mais quand les enfants sont tous les deux plus âgés, l’inclination des répondants à participer est plus forte, supérieure à celles des individus sans enfant. Dans ce cas, il est plausible de conclure à une incitation accrue à fréquenter les associations pour répondre à des besoins reliés aux enfants.
46 On observe aussi que ces effets, négatifs ou positifs, sont plus importants et d’un niveau de significativité supérieur dans la population féminine. Ceci traduit vraisemblablement la prégnance persistante de la division sexuelle traditionnelle des tâches dans l’espace domestique, qui fait peser sur les femmes les plus fortes contraintes temporelles induites par les enfants et leur attribue également une majorité des activités, y compris associatives, tournées vers eux. Il reste que ces constats ne s’appliquent plus aux familles nombreuses. Le coefficient associé à la présence de trois enfants âgés de plus de trois ans a bien, pour les femmes, le signe positif attendu mais il n’atteint pas les seuils conventionnels de significativité. Cette situation diffère de celle qui a pu être mise en évidence pour le seul engagement bénévole, dont la probabilité est plus forte dans les familles nombreuses sans enfant en bas âge (Prouteau et Wolff, 2004b).
47 Ce sont les habitants de l’Ouest et du Centre-Est de la France qui manifestent l’inclination la plus forte à l’affiliation associative [17]. L’empreinte du passé n’est probablement pas étrangère aux disparités régionales constatées. Par exemple, il n’est pas incongru de relier la probabilité élevée de participer chez les résidents de l’Ouest de la France à l’influence particulière qu’y a exercée le clergé catholique dans la dynamique associative. Par ailleurs, la propension à être adhérent est nettement plus élevée chez les personnes de nationalité française. Enfin, et conformément à l’intuition que l’on pouvait avoir s’agissant de l’effet de cette variable, un changement de résidence l’année précédente se traduit par une moindre affiliation associative. Dans nombre de cas, la participation associative est une activité qui relève de l’enracinement local qu’un déménagement remet en cause dès lors qu’il entraîne un changement de voisinage et donc une rupture avec le réseau habituel de connaissances. Il faut alors un peu de temps pour établir avec le nouvel environnement humain un degré de familiarité propice à la réintégration dans le tissu associatif local.
48 Dans une perspective comparative à l’échelle française, les résultats obtenus par notre investigation corroborent pour l’essentiel ceux qui l’ont été sur des données transversales par Prouteau et Wolff (2002) à partir de l’enquête Emploi du temps de l’Insee de 1998-1999. Trois remarques doivent toutefois être faites. La première porte sur l’impact de la nationalité, variable qui ne pouvait pas être identifiée dans cette dernière enquête. La seconde, de même nature, porte sur l’effet d’un changement de logement. La dernière concerne l’influence du statut matrimonial, qui se présente ici assez différemment. Les personnes mariées se montrent en effet plus disposées à participer que les célibataires alors que le constat inverse était fait à partir de l’enquête Emploi du temps. Cette différence ne trouve pas ici d’explication bien évidente, mais on notera que le présent résultat est plus conforme aux enseignements tirés de la majorité des études antérieures.
les déterminants de la participation associative
Variables | (1) Ensemble | (2) Hommes | (3) Femmes | |||
Constante Sexe féminin Âge Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans 60 ans et plus Statut Célibataire Matrimonial Marié Divorcé Veuf Enfants 0 1, 3 ans et moins 1, de plus de 3 ans 2, au moins un a 3 ans et moins 2, de plus de 3 ans ? 3, un au moins a 3 ans et moins ? 3, plus de 3 ans Éducation Sans diplôme CEP BEPC-CAP-BEP Bac Bac +2 Supérieur à Bac +2 Revenu Moins de 60000 F De 60000 à 120000F De 120000 à 180000F De 180000 à 240000 F Plus de 240000 F Inconnu Propriétaire Nationalité française Vit dans un logement différent de l’an passé Commune de Commune rurale Résidence Moins de 20000 hab. De 20000 à 100000 hab. Plus de 100000 hab. Région Bassin Parisien Nord Est Ouest Sud ouest Centre Est Méditerranée |
coef. - 2,669*** - 0,533*** Ref. 0,139*** 0,144*** 0,193*** 0,556*** - 0,147*** Ref. - 0,035 - 0,062 Ref. - 0,399*** - 0,137*** - 0,131*** 0,073* - 0,055 0,037 Ref. 0,254*** 0,524*** 0,933*** 1,142*** 1,452*** Ref. 0,043 0,087*** 0,180*** 0,231*** 0,084** 0,153*** 0,475*** - 0,130*** 0,203*** 0,198*** - 0,015 Ref. Ref. 0,067 0,262*** 0,442*** 0,248*** 0,428*** 0,078* |
t-test (31,7) (17,02) (3,86) (3,28) (4,02) (10,97) (3,87) (0,64) (1,15) (9,14) (4,14) (2,81) (1,91) (0,77) (0,70) (4,73) (10,15) (18,36) (22,78) (28,39) (1,51) (2,81) (5,1) (6,00) (2,34) (5,95) (7,43) (9,19) (5,98) (5,27) (0,35) (1,10) (4,94) (10,2) (5,16) (8,87) (1,66) |
coef. - 2,510*** Ref. - 0,028 - 0,001 0,031 0,359*** - 0,149*** Ref. - 0,136 0,034 Ref. - 0,293*** - 0,106** - 0,06 0,016 - 0,048 - 0,026 Ref. 0,263*** 0,410*** 0,884*** 1,020*** 1,274*** Ref. 0,079* 0,120*** 0,197*** 0,279*** 0,162*** 0,149*** 0,416*** - 0,089*** 0,194*** 0,249*** 0 Ref. Ref. 0,047 0,453*** 0,419*** 0,309*** 0,462*** 0,083 |
t-test (21,92) (0,57) (0,01) (0,46) (5,08) (2,79) (1,27) (0,44) (5,02) (2,27) (0,92) (0,29) (0,47) (0,35) (3,37) (6,12) (12,58) (14,84) (18,27) (1,80) (2,63) (3,94) (5,27) (2,59) (4,14) (4,85) (4,57) (4,11) (4,73) (0,00) (0,55) (6,21) (6,90) (4,64 (6,85) (1,27) |
coef. - 3,409*** Ref. 0,313*** 0,301*** 0,383*** 0,785*** - 0,163*** Ref. - 0,036 - 0,185** Ref. - 0,513*** - 0,161*** - 0,196*** 0,137** - 0,054 0,108 Ref. 0,262*** 0,685*** 0,990*** 1,294*** 1,658*** Ref. 0,016 0,057 0,189*** 0,232*** 0,034 0,147*** 0,548*** - 0,176*** 0,220*** 0,147*** - 0,034 Ref. Ref. 0,101 0,052 0,468*** 0,190*** 0,398*** 0,07 |
t-test (27,56) (5,90) (4,75) (5,50) (10,74) (2,97) (0,54) (2,43) (7,78) (3,40) (2,89) (2,49) (0,54) (1,41) (3,52) (8,42) (13,35) (17,56) (21,88) (0,43) (1,30) (3,64) (3,85) (0,76) (4,02) (5,68) (8,54) (4,52) (2,74) (0,55) (1,16) (0,67) (7,60) (2,76) (5,77) (1,05) |
?2? / (??2 + ?2?) | 0,733 | 0,729 | 0,734 | |||
Nombre d’observations Nombre d’individus Log vraisemblance |
95550 20819 - 36594,0 |
45741 9986 - 20652,8 |
49809 10834 - 18881,1 |

les déterminants de la participation associative
Note : Modèles Probit à effets aléatoires. Les valeurs absolues des t de Student sont indiquées entre parenthèses. Les seuils de significativité retenus
sont respectivement de 1% (***), 5% (**) et 10% (*).
les déterminants de la participation associative pour les 20-59 ans
Variables | (1) Ensemble | (2) Hommes | (3) Femmes | |||
Constante Sexe féminin Âge Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans Statut Célibataire Matrimonial Marié Divorcé Veuf Enfants 0 1, 3 ans et moins 1, de plus de 3 ans 2, au moins un a 3 ans et moins 2, de plus de 3 ans ?3, un au moins a 3 ans et moins ?3, plus de 3 ans Éducation Sans diplôme CEP BEPC-CAP-BEP Bac Bac +2 Supérieur à Bac +2 Occupation Actif – plein temps Actif – temps partiel Chômeur Étudiant Inactif Revenu Moins de 60000 F De 60000 à 120000F De 120000 à 180000F De 180000 à 240000 F Plus de 240000 F Inconnu Propriétaire Nationalité française Vit dans un logement différent de l’an passé Commune de Commune rurale Résidence Moins de 20000 hab. De 20000 à 100000 hab. Plus de 100000 hab. Région Bassin Parisien Nord Est Ouest Sud ouest Centre Est Méditerranée |
coef. - 2,481*** - 0,567*** Ref 0,193*** 0,212*** 0,265*** - 0,186*** Ref 0,138 - 0,046 Ref - 0,388*** - 0,136*** - 0,131*** 0,103** - 0,045 0,077 Ref 0,279*** 0,601*** 0,831*** 1,229*** 1,547*** - 0,200*** - 0,025 - 0,192*** 0,107* Ref Ref 0,093*** 0,153*** 0,217*** 0,285*** 0,003 0,095*** 0,426*** - 0,212*** 0,198*** 0,195*** - 0,036 Ref. Ref. 0,099 0,293*** 0,399*** 0,304*** 0,456*** 0,093* |
t-test (24,47) (15,68) (5,23) (4,68) (5,18) (4,60) (1,28) (0,78) (8,78) (3,61) (2,77) (2,57) (0,64) (1,42) (3,68) (9,67) (13,04) (19,46) (25,40) (4,76) (0,52) (3,90) (1,77) (2,72) (4,05) (5,15) (6,31) (0,05) (3,27) (5,80) (13,14) (5,12) (4,60) (0,75) (1,45) (4,91) (8,06) (5,52) (8,40) (1,73) |
coef. - 2,557*** Ref 0,051 0,103 0,158** - 0,159*** Ref 0,066 0,049 Ref - 0,265*** - 0,088 - 0,032 0,053 - 0,01 0,028 Ref 0,382*** 0,522*** 0,849*** 1,159*** 1,416*** - 0,117* 0,019 - 0,113 0,304*** Ref Ref 0,173*** 0,231*** 0,264*** 0,343*** - 0,128 0,113*** 0,383*** - 0,170*** 0,210*** 0,245*** - 0,009 Ref. Ref 0,07 0,482*** 0,409*** 0,342*** 0,482*** 0,079 |
t-test (17,70) (1,01) (1,63) (2,23) (2,83) (0,30) (0,58) (4,46) (1,63) (0,48) (0,93) (0,10) (0,36) (3,51) (6,40) (9,64) (13,38) (17,04) (1,76) (0,22) (1,43) (3,36) (3,30) (4,18) (4,42) (5,51) (1,29) (2,78) (3,83) (7,67) (3,91) (4,16) (0,14) (0,74) (5,88) (5,92) (4,44) (6,32) (1,04) |
coef. - 3,059*** Ref 0,339*** 0,333*** 0,392*** - 0,222*** Ref 0,141 - 0,164* Ref - 0,534*** - 0,184*** - 0,243*** 0,145** - 0,097 0,116 Ref 0,198* 0,716*** 0,816*** 1,324*** 1,706*** - 0,249*** - 0,05 - 0,215*** - 0,029 Ref Ref 0,035 0,08 0,204*** 0,288*** - 0,007 0,071* 0,493*** - 0,261*** 0,190*** 0,137** - 0,064 Ref Ref 0,14 0,078 0,384*** 0,266*** 0,430*** 0,102 |
t-test (21,25) (6,24) (5,08) (5,28 (3,78 (1,14) (1,94) (7,97) (3,45) (3,54) (2,56) (0,96) (1,52) (1,86) (7,40) (8,81) (14,28) (18,94) (4,38) (0,86) (3,31) (0,34) (0,78) (1,51) (3,30) (4,15) (0,13) (1,68) (4,53) (11,05) (3,42) (2,26) (0,94) (1,42) (0,89) (5,42) (3,38) (5,57) (1,33) |
?2? / (??2 + ?2?) | 0,718 | 0,720 | 0,712 | |||
Nombre d’observations Nombre d’individus Log vraisemblance |
66877 15367 - 27801,0 |
32767 7597 - 14744,1 |
34110 7771 - 13003,9 |

les déterminants de la participation associative pour les 20-59 ans
Note : Modèles Probit à effets aléatoires. Les valeurs absolues des t de Student sont indiquées entre parenthèses. Les seuils de significativité retenus
sont respectivement de 1% (***), 5% (**) et 10% (*).
49 Afin d’appréhender l’influence sur l’adhésion de la situation par rapport à l’emploi, nous avons ensuite retenu les personnes âgées de 20 à 59 ans (tableau 5). La probabilité de participer s’avère la plus élevée chez les étudiants, tandis qu’elle est nettement plus faible chez les actifs à temps plein et les chômeurs. La désagrégation de l’échantillon par sexe fait apparaître des comportements masculins et féminins distincts sous l’angle du statut par rapport à l’activité professionnelle. La forte participation étudiante est en effet spécifique aux hommes, tandis que c’est dans la population féminine que s’exerce l’effet désincitatif de l’emploi à plein temps et du chômage. L’incidence négative de l’emploi à plein temps évoque dans ce cas le durcissement des contraintes d’emploi du temps lié à la « double journée » de travail. S’agissant de la moindre participation des femmes qui sont au chômage, il est possible d’y voir les conséquences déstabilisatrices qu’entraîne cette situation sur la personne qui la subit. Le chômage peut en effet nourrir le doute sur ses aptitudes et brouiller la perception de son identité ce qui est susceptible d’inciter au repli sur soi et donc à la fuite d’activités à fort contenu relationnel comme l’est fréquemment la pratique associative [18].
analyse conditionnelle de la participation associative pour les 20-59 ans
Variables | (1) Ensemble | (2) Hommes | (3) Femmes | |||
Âge Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans Statut Célibataire Marié Divorcé Veuf Enfants 0 1, 3 ans et moins 1, de plus de 3 ans 2, au moins un a 3 ans et moins 2, de plus de 3 ans ?3, un au moins a 3 ans et moins ?3, plus de 3 ans Éducation Sans diplôme CEP BEPC-CAP-BEP Bac Bac +2 Supérieur à Bac +2 Occupation Actif – temps plein Actif – temps partiel Chômeur Étudiant Inactif Revenu Moins de 60000 F De 60000 à 120000F De 120000 à 180000F De 180000 à 240000 F Plus de 240000 F Inconnu Vit dans un logement différent de l’an passé |
coef. Ref 0,102 - 0,004 - 0,114 - 0,034 Ref 0,754** 0,026 Ref - 0,522*** - 0,171** - 0,099 0,234** - 0,04 0,063 Ref - 0,415 - 0,146 - 0,722* - 1,032** - 1,190*** - 0,294*** - 0,115 - 0,134 0,054 Ref Ref 0,097 0,171** 0,142 0,122 0,052 - 0,298*** |
t-test (1,25) (0,04) (0,82) (0,30) (2,33) (0,16) (5,96) (2,04) (1,03) (2,50) (0,28) (0,51) (0,84) (0,42) (1,78) (2,45) (2,76) (3,19) (1,14) (1,29) (0,39) (1,42) (2,19) (1,61) (1,25) (0,51) (9,55) |
coef. Ref - 0,043 - 0,078 - 0,131 - 0,172 Ref 0,688 0,206 Ref - 0,364*** - 0,096 0,096 0,151 0,079 0,039 Ref - 0,754 - 0,257 - 1,034* - 1,069* - 1,208** - 0,194 0,038 0,028 0,234 Ref Ref 0,214** 0,269** 0,179 0,126 - 0,003 - 0,233*** |
t-test (0,38) (0,49) (0,68) (1,13) (1,24) (1,01) (3,12) (0,83) (0,73) (1,15) (0,38) (0,22) (1,21) (0,57) (1,78) (1,89) (2,09) (1,35) (0,21) (0,17) (1,20) (2,06) (2,40) (1,46) (0,97) (0,01) (5,44) |
coef. Ref 0,286** 0,125 - 0,041 0,134 Ref 0,718* - 0,33 Ref - 0,715*** - 0,242** - 0,313** 0,311** - 0,18 0,091 Ref 0,248 - 0,001 - 0,37 - 1,148* - 1,359** - 0,378*** - 0,212* - 0,264* - 0,149 Ref Ref 0,012 0,099 0,174 0,225 0,041 - 0,374*** |
t-test (2,37) (0,77) (0,20) (0,80) (1,77) (1,20) (5,36) (1,98) (2,20) (2,30) (0,88) (0,51) (0,31) (0,00) (0,63) (1,76) (2,03) (3,02) (1,69) (1,91) (0,73) (0,13) (0,89) (1,32) (1,47) (0,33) (8,18) |
Nombre d’observations Nombre d’individus Log vraisemblance |
25486 4374 - 9674,6 |
13486 2334 - 5126,0 |
12000 2040 - 4530,0 |

analyse conditionnelle de la participation associative pour les 20-59 ans
Note : Modèles Logit à effets fixes. Les valeurs absolues des t de Student sont indiquées entre parenthèses. Les seuils de significativité retenus sont
respectivement de 1% (***), 5% (**) et 10% (*).
50 Dans l’estimation des modèles à effets aléatoires précédents, une hypothèse forte est que les facteurs explicatifs pris en compte ne sont pas corrélés avec les effets individuels (propres à chaque enquêté). Lorsque cette hypothèse d’exogénéité n’est pas vérifiée, il est alors préférable d’estimer des modèles à effets fixes. Supposons par exemple que les participants aient une préférence plus forte pour le loisir. Ce trait étant imparfaitement pris en compte dans la régression, le terme d’erreur commun sera a priori corrélé avec les facteurs explicatifs retenus. Avec une variable dépendante discrète, la solution retenue consiste à utiliser l’approche conditionnelle proposée par Chamberlain (1980).
51 Les individus considérés sont ceux pour lesquels nous observons une variation dans la participation associative au cours de la période. Sont donc exclus ceux et celles qui ont constamment été identifiés comme adhérents ou au contraire qui n’ont jamais participé au cours de la période. Nous estimons ensuite la probabilité qu’un individu ainsi sélectionné se déclare membre d’une association à une date donnée au cours de l’enquête, suivant la procédure conditionnelle d’Andersen-Chamberlain. La spécification retenue est un modèle Logit à effets fixes et les variables explicatives invariantes dans le temps (par exemple le sexe de l’enquêté) sont exclues de la régression. Ce modèle est là encore estimé sur la population des 20-59 ans afin d’étudier précisément le rôle de la situation par rapport à l’emploi. Les estimateurs associés sont reportés dans le tableau 6.
52 L’âge et le statut matrimonial ont peu d’effet sur l’adhésion aux associations, à l’exception du divorce qui semble s’accompagner d’une recrudescence de la participation, observable chez les seules femmes. L’allégement des contraintes d’emploi du temps, mais aussi la recherche d’une sociabilité de substitution qu’un tel changement de situation matrimoniale peut induire sont susceptibles d’expliquer ce constat. La mobilité résidentielle exerce un rôle dissuasif sur la participation associative. On note désormais un effet négatif du niveau d’éducation, en particulier avec l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Cela peut traduire les conséquences du changement de situation des étudiants qui entrent dans la vie active après avoir acquis leur diplôme de fin de scolarité. Ils voient leurs conditions d’existence se modifier et les contraintes sur leur emploi du temps s’accentuer, disposant de ce fait de facilités moindres pour fréquenter les associations [19]. L’occupation d’un emploi à temps plein diminue bien la probabilité de la participation mais, une nouvelle fois, cet impact ne s’observe que chez les femmes. C’est également chez ces dernières que se manifestent nettement l’influence défavorable sur l’adhésion d’un très jeune enfant au foyer et l’effet positif de la présence de deux enfants d’âge scolaire.
Un modèle Probit dynamique à effets aléatoires
53 Compte tenu de la dépendance d’état observée dans le tableau 3 et eu égard aux études américaines sur le sujet qui font ressortir l’existence d’une inclination durable des participants à fréquenter le monde associatif en dépit d’une instabilité non négligeable de leurs comportements d’adhésion, nous cherchons à présent à estimer un modèle non linéaire dynamique. Nous faisons ainsi l’hypothèse qu’il existe a priori un degré d’inertie dans les comportements des enquêtés, de telle sorte que la participation associative au cours de l’année t est supposée dépendre de celle relevée au cours de l’année t-1. Si ces modèles de panel dynamique ont été largement étudiés dans le cadre linéaire (Arellano et Bond, 1991 ; Arellano et Bover, 1995), l’estimation est en revanche moins aisée en présence d’une variable dépendante discrète.
54 Partant de la variable latente Yi*t, le modèle dynamique à effets aléatoires expliquant la participation associative s’écrit sous la forme :

55 avec t? [2 ; 8]. De nouveau, ?i correspond aux effets aléatoires spécifiques aux individus et les résidus ? it sont supposés distribués suivant une loi normale de moyenne nulle et de variance unitaire. La variable que nous observons est Yit = 1 si Yi*t >0, et sinon Yit = 0. Il convient denoter que le modèle dynamique (2) fait intervenir la variable latente Yi*t pour variable dépendante, alors que la variable retardée Y it ? 1 est celle observée.
56 Les termes d’erreur composée uit = ? i + ? it sont en fait corrélés dans le temps, compte tenu du terme ? i spécifique à chaque individu (qui est lui invariant dans le temps). Par la suite, nous faisons une hypothèse d’équi-corrélation entre les termes d’erreur uit pour un individu donné, telle que cor (uit , uit ') = ? 2? / (? 2? +1) avec t ? t’. Puisque les perturbations ? it sont distribuées suivant une loi normale, la probabilité de transition conditionnelle à l’effet individuel ? i pour un individu i à la date t est donnée par :

57 Avec ? (.) la fonction de répartition de la loi normale.
58 La difficulté essentielle pour l’estimation est celle du problème de condition initiale. L’estimation requiert une hypothèse sur la relation entre les comportements associatifs initiaux donnés par Y et les effets individuels ?i. Sous l’hypothèse (pi1eu réaliste) d’exogénéité des valeurs initiales, l’estimation serait alors possible par des modèles Probit à effets aléatoires standards [20]. En revanche, sous l’hypothèse de corrélation entre Yi1 et ?i, l’estimation n’est pas convergente et donne lieu à une surestimation de la dépendance d’état. La solution proposée par Heckman (1981) consiste à utiliser une équation auxiliaire linéarisée pour expliquer les choix associatifs de première période :

59 où Z désigne un vecteur d’instruments exogènes incluia1nt lesfacteurs explicatifs Zi1, et ? est le vecteur de coefficients associés. Pour un individu donné suivi tout au long du panel, la probabilité Pr (Y i1 , Y i 2 , ... , Y i8) est égale à :

?8? [(2Yit ?1) (?Yit?1 + X it?+?i)]
t = 2
60 Cette expression doit alors être intégrée par rapport aux effets individuels pour obtenir la vraisemblance complète du modèle. Les estimateurs peuvent donc être obtenus par une méthode de maximum de vraisemblance, l’intégration se faisant de nouveau par le recours à des techniques d’approximation basées sur les polynômes d’Hermite (Stewart, 2006) [21].
61 La difficulté principale pour l’estimation consiste en fait à trouver des variables instrumentales expliquant uniquement la participation initiale Yi1. Dans son étude sur la dynamique du chômage, Stewart (2007) considère des variables relatives à la trajectoire sur le marché du travail avant le début de l’enquête (l’enquêté a connu du chômage à la fin de ses études, son premier emploi était temporaire) et des variables parentales, essentiellement le statut socio-économiquedupèreetdelamère. Malheureusement, les données de l’Europanel ne permettent guère d’emprunter cette voie. Certes, l’enquête contient la catégorie sociale des deux parents, mais en pratique ces variables influencent assez peu la participation initiale des répondants. Il eût été assurément préférable d’avoir la participation associative du père et de la mère dans la jeunesse des enquêtés, mais cette information n’est pas disponible.
62 Compte tenu de cette difficulté, nous avons donc considéré une méthode d’estimation alternative. Plutôt que de spécifier comme dans l’approche d’Heckman la distribution conditionnelle de l’état initial Pr (Yit | ?) , Wooldridge (2005) se tourne vers une approche paramétrique et retient une distribution conditionnelle pour l’hétérogénéité inobservée, c’est-à-dire pour Pr (? | Y1) . L’intérêt de cette approche conditionnelle est qu’il n’est plus nécessaire de disposer d’instruments pour lesquels la validité a priori n’est pas forcément évidente, à la condition que les facteurs explicatifs retenus X soient strictement exogènes.
63 La spécification retenue par Wooldridge (2005) est la suivante :

(7) ai |Yi1 , X i ~ N (? 0 + ?1Y i1 + X i? 2 , ? 2a)
64 avec X i = (X i1 , ... , X iT) le vecteur des facteurs explicatifs observés à chaque période. La corrélation entre la participation initiale Yi1 et ? i va être prise en comptevial’équation (6), étantdonné l’hétérogénéité individuelle inobservée ai qui elle n’est pas corrélée avec Y . Sachant Pr (Yit =1| ? i , Yi1) = ? [(?Yit ?1 + X it ?i1+ ? i)] e t e n utilisant (6), il vient :

+?1Yi1 + X i?2 + ai)]
65 La contribution à la log vraisemblance pour un individu i est donc donnée par :

+?1Yi1 + X i? 2 + ai)]} ? (ai) dai
66 où ? (ai) indique la fonction de densité (supposée normale) de la perturbation ai spécifique à l’individu. Cette approche conditionnelle simplifie alors grandement l’estimation puisqu’il suffit désormais d’estimer un modèle Probit à effets aléatoires augmenté, incluant la participation initiale exogène Yi1 et le vecteur des facteurs explicatifs additionnels X i . Pour l’estimation, nous avons suivi la suggestion de Wooldridge (2005) en introduisant dans la régression le vecteur des moyennes temporelles X i à la place du vecteur X i des facteurs explicatifs observés à chaque période [22].
67 Le modèle dynamique est une nouvelle fois estimé sur les seuls 20-59 ans afin d’étudier précisément l’incidence du statut par rapport à l’emploi. Pour exploiter au mieux la dimension dynamique du panel, nous considérons uniquement les observations pour lesquelles nous disposons des huit vagues [23]. Concernant l’estimation de la participation initiale, les facteurs explicatifs retenus sont le sexe, l’âge, le statut matrimonial, le nombre d’enfants en distinguant les ménages avec ou sans enfants de moins de trois ans, le niveau d’éducation, la situation par rapport à l’emploi, le revenu, le statut d’occupation de la résidence principale, la nationalité, la taille de la commune de résidence, la région et une variable muette indiquant le fait de vivre dans un logement différent de l’an passé.
analyse dynamique de la participation associative sur les 20-59 ans
Variables |
(1) Condition initiale exogène | Modèle dynamique à effets aléatoires | ||||||
(2) Ensemble | (3) Hommes | (4) Femmes | ||||||
Constante Participation associative retardée Participation associative initiale Sexe féminin Age Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans Statut Célibataire Matrimonial Marié Divorcé Veuf Enfants 0 1, 3 ans et moins 1, de plus de 3 ans 2, au moins un a 3 ans et moins 2, de plus de 3 ans ? 3, un au moins a 3 ans et moins ? 3, plus de 3 ans Education Sans diplôme CEP BEPC-CAP-BEP Bac Bac +2 Supérieur à Bac +2 Occupation Actif – plein temps Actif – temps partiel Chômeur Étudiant Inactif Revenu Moins de 60000 F De 60000 à 120000F De 120000 à 180000F De 180000 à 240000 F Plus de 240000 F Inconnu Propriétaire Nationalité française Vit dans un logement différent de l’an passé Commune Commune rurale de résidence Moins de 20000 hab. De 20000 à 100000 hab. Plus de 100000 hab. Région Bassin Parisien Nord Est Ouest Sud ouest Centre Est Méditerranée |
coef. - 2,156*** 1,160*** - 0,409*** Ref 0,086 0,147** 0,125 - 0,112* Ref - 0,020 0,019 Ref - 0,255*** - 0,120** - 0,159** - 0,030 - 0,083 0,031 Ref 0,248*** 0,429*** 0,622*** 0,782*** 1,145*** - 0,108* - 0,006 - 0,051 0,017 Ref Ref 0,023 0,071 0,076 0,149** 0,110 0,104** 0,327*** - 0,138*** 0,184*** 0,069 - 0,067 Ref Ref 0,001 0,224*** 0,294*** 0,245*** 0,225*** 0,139* |
t-test (13,60) (31,64) (8,34) (1,40) (2,10) (1,62) (1,94) (0,12) (0,24) (3,71) (2,44) (2,41) (0,59) (0,92) (0,48) (2,61) (5,43) (7,45) (8,95) (13,54) (1,67) (0,09) (0,64) (0,10) (0,38) (1,14) (1,14) (2,16) (1,36) (2,48) (3,24) (2,95) (3,65) (1,19) (0,99) (0,01) (3,04) (4,34) (3,43) (3,28) (1,81) |
coef. - 2,313*** 0,915*** 1,356*** - 0,344*** Ref 0,042 0,049 - 0,006 0,025 Ref - 0,085 0,081 Ref - 0,194** - 0,043 - 0,048 0,103 - 0,024 0,056 Ref 0,204** 0,315*** 0,472*** 0,587*** 0,846*** - 0,141* - 0,100 - 0,056 - 0,064 Ref Ref 0,031 0,073 0,047 0,118 0,110 0,102** 0,275*** - 0,141*** 0,157*** 0,040 - 0,041 Ref Ref 0,018 0,100 0,176** 0,181** 0,118* 0,141* |
t-test (11,43) (27,56) (23,70) (6,50) (0,56) (0,52) (0,05) (0,22) (0,29) (0,55) (2,50) (0,67) (0,59) (1,41) (0,22) (0,61) (2,08) (3,89) (5,54) (6,60) (9,92) (1,73) (1,12) (0,59) (0,34) (0,51) (1,13) (0,66) (1,61) (1,31) (2,36) (2,66) (2,96) (3,05) (0,67) (0,59) (0,20) (1,31) (2,54) (2,48) (1,68) (1,80) |
coef. - 2,537*** 0,896*** 1,414*** Ref - 0,063 - 0,029 - 0,059 - 0,251 Ref - 0,069 0,200 Ref - 0,139 0,001 0,114 0,106 - 0,125 - 0,004 Ref 0,107 0,249** 0,442*** 0,453*** 0,766*** - 0,139 0,051 - 0,168 0,023 Ref Ref 0,113 0,098 0,044 0,110 0,186 0,122** 0,276* - 0,135** 0,205*** 0,060 0,028 Ref Ref - 0,048 0,243** 0,148 0,145 0,099 0,151 |
t-test (7,30) (19,19) (17,22) (0,59) (0,22) (0,38) (1,57) (0,16) (1,15) (1,31) (0,01) (1,00) (1,02) (0,80) (0,03) (0,72) (2,26) (3,61) (3,53) (6,33) (0,96) (0,28) (0,97) (0,08) (1,05) (0,93) (0,41) (1,01) (0,63) (1,97) (1,79) (2,01) (2,74) (0,69) (0,28) (0,37) (2,24) (1,46) (1,38) (0,97) (1,27) |
coef - 2,537*** 0,937*** 1,265*** Ref 0,160 0,143 0,061 0,321* Ref - 0,239 - 0,226 Ref - 0,253** - 0,088 - 0,202* 0,091 0,076 0,114 Ref 0,292** 0,368*** 0,507*** 0,710*** 0,933*** - 0,156 - 0,145 0,021 - 0,183 0,002 0,082 0,087 0,186* 0,088 0,080 0,262* - 0,153** 0,105 0,022 - 0,123 Ref Ref 0,080 - 0,053 0,193** 0,198* 0,123 0,118 |
t-test (9,63) (19,67) (15,80) (1,49) (1,07) (0,39) (1,93) (0,58) (0,76) (2,20) (0,95) (1,74) (0,88) (0,48) (0,87) (2,19) (3,00) (4,23) (5,67) (7,55) (1,52) (1,39) (0,18) (0,69) (0,03) (0,96) (0,88) (1,71) (0,97) (1,31) (1,86) (2,24) (1,47) (0,26) (1,27) (0,63) (0,49) (2,04) (1,95) (1,27) (1,11) |
?2? / (??2 + ?2?) | 0,502 | 0,501 | 0,517 | 0,480 | ||||
Nombre d’observations Nombre d’individus Log vraisemblance |
25914 3702 - 9558,3 |
25914 3702 - 9147,1 |
12481 1783 - 4764,1 |
13433 1919 - 4445,4 |

analyse dynamique de la participation associative sur les 20-59 ans
Note : Modèles Probit dynamiques à effets aléatoires. À l’exception de la spécification (1) pour laquelle la participation associative retardée est
traitée comme exogène, les autres régressions estiment le modèle dynamique par l’approche conditionnelle proposée par Wooldridge (2005). Les
régressions comprennent également les niveaux moyens des différents facteurs explicatifs (à l’exception des variables invariantes dans le temps), les
coefficients associés n’étant pas reportés dans ce tableau. Les valeurs absolues des t de Student sont indiquées entre parenthèses. Les seuils de
significativité retenus sont respectivement de 1% (***), 5% (**) et 10% (*).
68 Les résultats des modèles Probit dynamiques à effets aléatoires sont reportés dans le tableau 7. Dans la colonne 1, nous estimons tout d’abord un modèle Probit à effets aléatoires standard dans lequel la participation initiale est traitée comme exogène. Nous obtenons alors un coefficient égal 1,160 pour la participation associative retardée, très significatif, qui atteste d’une forte dépendance d’état dans les comportements d’adhésion. La colonne 2 indique ensuite les estimateurs obtenus par l’approche conditionnelle de Wooldridge (2005) présentée ci-dessus, qui permet de prendre en compte l’endogénéité de la condition initiale. Nous obtenons alors une valeur de 0,915 pour la variable retardée, toujours significative, tandis que les autres coefficients sont assez similaires pour les deux spécifications. Lorsque ce modèle est estimé séparément pour chaque sexe, le coefficient de la participation retardée apparaît un peu plus élevé pour les femmes (0,937 au lieu de 0,896), mais l’écart est très faible.
69 Plusieurs variables considérées dans ce modèle dynamique ont des effets similaires à ceux observés dans les modèles statiques en panel. Ainsi la participation associative s’avère-t-elle de nouveau moins fréquente chez les femmes qu’elle ne l’est chez les hommes. Avoir la nationalité française augmente la probabilité de participer, tout comme l’élévation du niveau de diplôme. La mobilité résidentielle a une nouvelle fois une incidence négative sur la fréquentation des associations, à l’inverse du statut de propriétaire du logement occupé, dont l’effet favorable ne se constate plus toutefois que parmi la population masculine. S’agissant de la situation par rapport à l’emploi, il se confirme que l’activité à plein temps diminue légèrement la participation associative féminine, mais l’effet n’est significatif qu’au seuil de 10 %. C’est également une nouvelle fois chez les femmes que la présence d’un enfant en bas âge exerce un impact défavorable sur l’affiliation associative. Enfin, l’effet positif sur l’adhésion de la croissance du revenu domestique disparaît dans ce modèle dynamique.
70 En résumé, la participation associative antérieure est un facteur explicatif important de la participation présente. Ceci atteste d’un effet de persistance des habitudes de la part des adhérents, qui n’est pas sans rappeler celui relatif aux comportements de consommation. Les facteurs susceptibles d’expliquer une telle situation sont divers. Certains besoins satisfaits par le recours aux associations, sans être nécessairement pérennes, ont un caractère durable, comme ceux qui sont liés au suivi de la scolarité des enfants dans les associations de parents d’élèves. Il est également possible que la pratique associative permette aux adhérents de découvrir des satisfactions qui deviennent alors des raisons additionnelles de participer, renforçant les motivations originelles, voire parfois s’y substituant si ces dernières perdent de leur pouvoir attractif. De tels phénomènes ont été mis en évidence par Pearce (1983) chez les bénévoles. Dans cette optique, les liens tissés au sein même des associations entre membres constituent certainement un puissant facteur de stabilité de l’adhésion (McPherson et alii, 1992, Prouteau et Wolff, 2004a, 2008).
Conclusion
71 En dépit de l’intensification des recherches sur la participation associative, la mobilité des individus à l’égard des associations reste très largement méconnue. Ceci tient sans aucun doute à l’absence de données appropriées, puisqu’il n’est possible d’appréhender le degré de stabilité temporelle de la participation associative qu’au moyen de données longitudinales. Dans cette contribution, nous avons cherché à remédier à cette lacune en nous centrant sur une seule facette de la mobilité associative, à savoir les transitions entre le statut de participant et de non-participant.
72 Le recours à l’enquête française réalisée dans le cadre du Panel européen des ménages permet de souligner l’existence d’une discontinuité non négligeable dans la fréquentation des associations. Le monde des adhérents n’est donc pas un univers clos sur lui-même. Il est exposé à de nombreux flux d’entrées et de sorties qui se compensent assez bien globalement pour assurer, en dépit de ce turnover, une stabilité approximative du taux global de participation, du moins sur la courte période ici considérée. Mais la rotation des effectifs n’est ni généralisée à la totalité de la population, ni exclusive d’une certaine permanence temporelle de l’adhésion qui se traduit par l’impact positif des participations antérieures sur la participation courante. Quant au caractère sélectif de la mobilité, il se manifeste par le fait que plus de 40 % de la population reste régulièrement étrangère au monde des associations.
73 L’analyse de cette mobilité fait apparaître l’impact négatif de certains facteurs sur la dynamique de l’adhésion comme le changement de résidence, l’achèvement par les étudiants de leur cursus de formation et, chez les femmes, l’occupation d’une activité professionnelle à temps plein ainsi que la présence d’un enfant en bas. Néanmoins, l’analyse dynamique menée dans le présent article gagnerait à prendre en compte l’impact potentiel, sur la mobilité des adhérents, des caractéristiques et des trajectoires des associations ainsi que la satisfaction exprimée par les participants à l’égard des activités qu’ils réalisent en leur sein. De tels développements ne sont toutefois pas envisageables à partir des données ici utilisées, faute d’informations sur ces aspects. Le présent travail appelle donc des recherches complémentaires permettant de mieux comprendre la multiplicité des facteurs présidant à l’instabilité ou, a contrario, à la fidélité de l’affiliation associative.
Notes
-
[*]
Lemna, Université de Nantes, France. E-mail : lionel.prouteau@univ-nantes.fr E-mail : wolff@sc-eco.univ-nantes.fr http://www.sc-eco.univ-nantes.fr/~fcwolff
-
[1]
Cette recherche ne peut malheureusement pas être menée dans une perspective de comparaison européenne, dans la mesure où la question posée dans le panel européen ECHP ne permet pas de recueillir une information véritablement de même nature. L’enquêté se voit en effet demander s’il est membre d’un club quelconque, tel un club de sport ou de loisirs, un groupe local ou de voisinage, un parti politique, etc. Rien ne permet de conclure que cette question concerne la seule appartenance à une association, ne serait-ce que parce que les clubs évoqués peuvent être à caractère commercial.
-
[2]
Selon l’enquête Vie associative 2002 de l’Insee, le taux global de participation à une association chez les plus de 15 ans est de l’ordre de 45 % alors que le taux de bénévolat associatif est d’un peu moins de 25 %.
-
[3]
Il est également possible de rattacher à ce modèle la participation militante même lorsqu’elle ne prend pas la forme du bénévolat, si tant est que les causes promues ou les intérêts défendus présentent bien ce caractère de biens collectifs.
-
[4]
Ce modèle peut être étendu à l’acquisition de capital social et à des comportements de signalement (Prouteau, 1999).
-
[5]
Les propriétaires sont a priori plus incités que les locataires à être attentifs à la qualité de leur environnement et par conséquent à s’assurer de la réalisation de biens collectifs locaux obtenus par l’action associative (Di Pasquale et Glaeser, 1999). D’une part, la qualité de cet environnement a des incidences sur la valeur du patrimoine immobilier détenu. D’autre part, les propriétaires sont en moyenne moins mobiles géographiquement que les locataires. Ils sont donc amenés à vivre plus longuement dans leur environnement résidentiel.
-
[6]
McPherson et Lockwood (1980) considèrent également que cette étude est pionnière.
-
[7]
À cette fin, ils utilisent une enquête réalisée auprès de 1050 individus appartenant à une dizaine de communautés du Nebraska. L’enquête consiste, sur le mode des histoires de vie, à faire retracer par le répondant, sur une période de 25 ans (de 1974 à 1989), les événements relatifs à sa participation associative qui sont mis en relation avec les informations disponibles sur les réseaux de l’individu.
-
[8]
Néanmoins, comme le souligne Perrachi (2002), cette attrition n’est pas plus problématique pour ces données européennes que pour d’autres panels.
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[9]
Un même type de déséquilibre des adhésions en défaveur des femmes se constate dans les associations de défense des droits (notamment celles qui sont reliées à l’exercice d’une activité professionnelle).
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[10]
La diminution de la taille de l’échantillon constatée sur la période est simplement le résultat de l’attrition à laquelle sont soumis les effectifs initiaux.
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[11]
Il n’est pas impossible que ce fléchissement des désengagements soit partiellement l’effet de l’attrition, si les enquêtés que le panel ne parvient pas à suivre sont moins enclins à participer.
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[12]
Le taux de participants sur deux années successives est de 18,1 % sur la période 1994-1995, alors qu’il s’élève à 23 % sur la période 2000-2001.
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[13]
À cet égard, les changements de statut associatif ici observés (passage de l’état de participant à celui de non participant et inversement) paraissent plus élevés que ceux mis en évidence dans les études dynamiques américaines évoquées dans la section 2. Il faut néanmoins rappeler que ces études n’utilisent pas de données à l’échelle nationale.
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[14]
Ceci représente donc 18 % des individus ayant participé au moins une fois sur la période (10,2/56,5).
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[15]
Se reporter par exemple à Sevestre (2002). En pratique, l’estimation de ce modèle repose sur des procédures d’approximation basées sur les polynômes d’Hermite (Butler et Moffitt, 1982).
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[16]
Mobilité résidentielle et mobilité géographique ne sont pas, à strictement parler, synonymes puisque l’on peut changer de logement sans changer de quartier, a fortiori de commune ou de région. Il reste que cette mobilité résidentielle s’accompagne bien dans un certain nombre de cas, d’un déplacement plus ou moins conséquent.
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[17]
Chez les hommes, résider dans l’Est est également associé à une plus forte probabilité d’adhérer.
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[18]
En revanche, la participation des hommes chômeurs pâtit moins de cette privation d’emploi. Le coefficient associé à cette variable est, dans leur cas, négatif mais non significatif aux seuils conventionnels.
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[19]
Si chaque enquêté conservait au cours des 8 vagues le même niveau de diplôme, cette variable serait alors omise du modèle Logit conditionnel. Le coefficient estimé pour les différentes modalités de l’éducation traduit donc des changements dans le diplôme au cours de la période considéré. Qu’ils soient actifs ou étudiants, les enquêtés dans ce cas sont sans aucun doute soumis à des contraintes temporelles plus serrées au fur et à mesure que leur niveau de diplôme s’accroît.
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[20]
Il faudrait alors estimer un modèle pour la période initiale, et tenant compte de cette information, un modèle pour les périodes suivantes.
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[21]
Nous ignorons ici la possibilité d’une auto-corrélation des résidus dans le cadre de ce modèle dynamique. En présence de corrélation sérielle, l’estimation n’est plus possible par la méthode du maximum de vraisemblance puisqu’il faut évaluer des intégrales multivariées. Les travaux de Geweke, Hajivassiliou et Keane au milieu des années 90 ont montré que le recours à des techniques de simulation permettait d’estimer de telles intégrales multivariées, notamment au moyen de l’algorithme GHK (Hajivassiliou et alii, 1996, Keane, 1994). Un modèle dynamique avec auto-corrélation sérielle doit donc être estimé par une méthode de maximum de vraisemblance simulé, les estimateurs obtenus étant convergents dès lors que le nombre de simulations tend vers l’infini. Une difficulté vient alors des temps considérables d’estimation que nécessitent ces techniques de simulation. Sur la base d’un échantillon aléatoire de 250 individus suivis sur les 8 vagues (2000 observations) et en retenant un petit nombre de facteurs explicatifs dans la régression (sexe, âge, niveau de diplôme de l’enquêté), l’estimation du modèle dynamique avec corrélation sérielle sur nos données suggère que les estimateurs du tableau 7 tendent plutôt à minorer le rôle de la participation associative retardée dans l’explication des choix associatifs actuels.
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[22]
Autrement dit, pour un facteur explicatif donné, nous ajoutons dans la régression la variable correspondant au niveau temporel moyen de ce facteur (calculé pour chaque individu) plutôt que les huit variables de période correspondantes. Cette approche revient donc à suivre la stratégie initialement proposée par Mundlak (1978).
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[23]
L’échantillon comprend alors 3702 individus, soit 29616 observations. Dans la mesure où le modèle inclut la variable de participation retardée, l’estimation porte elle sur 25914 observations (29616 – 3702).