1Le Pacte de stabilité constitue une règle de discipline budgétaire qui recommande l’abandon de l’activisme contra-cyclique au profit des stabilisateurs automatiques pour opérer la régulation conjoncturelle. Cet article tente de représenter les règles budgétaires suivies par les gouvernements européens depuis 1970 afin de tester la fiabilité de cette ligne de conduite.
2Les résultats montrent que le solde primaire devient plus inerte et corrige davantage l’évolution de la dette à partir de 1992. La correction de la dette semble imputable aux politiques discrétionnaires. Les règles budgétaires disciplinées révèlent néanmoins une certaine asymétrie conjoncturelle : la politique discrétionnaire apparaît pro-cyclique durant les ralentissements et acyclique durant les reprises. L’ampleur des stabilisateurs automatiques est également moindre en période de basse conjoncture.
3Le Pacte de Stabilité et de Croissance, enjoignant aux États membres que leur déficit public ne dépasse pas 3% du PIB, conduit en E urope à un environnement marqué par la discipline des politiques budgétaires. Après la publication du Rapport Delors (1989) esquissant les conditions de l’unification monétaire, la progression des déficits apparaît néfaste pour la future monnaie unique. Le Traité de Maastricht (1992) formule les objectifs de dette et de déficit que les États membres doivent rallier. Le Pacte de stabilité en 1997 instaurera une limite de déficit à ne pas dépasser. La participation à l’Union monétaire contraint les États à réduire le délai de réalisation de la contrainte budgétaire gouvernementale (les sanctions du Pacte de stabilité s’appliquent après deux années de « déficit excessif »), tout en accentuant les besoins de stabilisation de la politique budgétaire–seul rempart contre les chocs spécifiques après la disparition des taux de change inter-européens. Une question centrale consiste à se demander comment les gouvernements vont conduire leur politique de régulation conjoncturelle et respecter les critères de discipline.
4Afinde respecterle Pactede stabilité, la Commission européenne recommande aux gouvernements de cibler à moyen terme un déficit proche de l’équilibre ou en excédent en laissant aux stabilisateurs automatiques la charge de limiter les effets des fluctuations cycliques. Les actions budgétaires discrétionnaires sontindésirables. L’objectifde cette étude est de vérifier si ce type de comportement peut être valide. En particulier, il convient de vérifier si la convergence vers l’équilibre des comptes publics n’est pas de nature à atrophier les stabilisateurs automatiques ; si les actions discrétionnaires sont déstabilisantes pour l’activité dans un contexte de discipline ou si elles peuvent demeurer compatible avec l’activisme contra-cyclique et enfin si les réactions budgétaires sont symétriques au cours du cycle, sans quoi l’objectif d’équilibre structurel semblera irréalisable.
5La méthode consiste à modéliser une règle budgétaire simple où le solde primaire s’ajuste au volume de dette passée et à l’output gap. Cet ajustement est dynamique pour tenir compte de l’inertie de la politique budgétaire. La composante stochastique de la règle s’interprète comme un choc de politique budgétaire non anticipé. Cette représentation permet d’examiner pays par pays l’évolution de la réactivité des politiques budgétaires par rapport à la dette et au cycle. Une modification marginale de la règle–qui consiste à substituer le solde primaire structurel au solde primaire comme variable endogène– permet de mesurer la part de la réaction budgétaire imputable à la politique discrétionnaire et d’en déduire–par différence– l’influence des stabilisateurs automatiques. Une seconde spécification de la règle est envisagée. Elle s’appuie sur une estimation en panel pour examiner les modifications possibles de la règle depuis 1992 et pour tester l’asymétrie éventuelle des réactions budgétaires au cours des différentes phases de conjoncture.
6La première partie tente de présenter la notion de règle budgétaire que sous-tend de plus en plus l’apparition de contraintes explicites sur l’utilisation des déficits et présente le modèle de règle budgétaire qui sert de base aux estimations économétriques. La deuxième partie étudie les modifications survenues dans les facteurs de réaction des règles budgétaires suite à l’introduction des critères européens. La troisième partie poursuit–avec une estimation en données de panel– l’examen de la stabilité des règles budgétaires depuis 1992 et au cours des différentes phases cycliques. La dernière partie conclut.
Discipline budgétaire et notion de règle de politique budgétaire
7La tendance est claire. « During the last decade policy activism has been rejected, increasingly replaced by rules of various kinds » écrit Wyplosz (2002). L es pays développés confrontés à l’augmentation de leur dette publique au cours des années 1970 et 1980 ont dû entreprendre des politiques actives de consolidation. Le nécessaire effort de convergence des économies européennes en vue de la formation d’une union monétaire a sollicité une plus grande discipline budgétaire de la part des États membres de l’Union Économique et Monétaire (UEM). Cette section tente de présenter la notion de règle budgétaire issue des normes de discipline et des objectifs de soutenabilité qui caractérisent la politique budgétaire.
Le Pacte de stabilité : une règle vecteur de la discipline budgétaire ?
8Longtemps présenté comme un gage de cohérence du dispositif européen des politiques économiques européennes, le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) a suscité de nombreuses critiques. En union monétaire, la dette publique est réputée peser sur l’efficacité de la politique monétaire unique. Sans normes de discipline, les incitations au laxisme sont fortes car les effets d’éviction sont dilués dans l’ensemble de l’union via l’augmentation des taux d’intérêt. Le respect de la discipline soulève ainsi un problème decohérenceintertemporelle. Ce défaut de crédibilité tend à être compensé par l’adoption d’une règle commune encadrant les politiques budgétaires nationales.
9Le PSC développe ainsi les dispositions de l’article 104 C du Traité des Communautés européennes relatives à la procédure des déficits excessifs et précise notamment le système de sanction qui s’applique aux pays dont le déficit public s’élève au-dessus de 3% du PIB. Le PSC prévoit également des clauses de dépassement exceptionnel. À côté des normes limitatives explicites, il formule l’objectif selon lequel les politiques budgétaires doivent se pratiquer pour un niveau du solde public « close to balance or in surplus ». Deux fois par an les gouvernements informent la Commission de l’état de leur déficit et de leur dette actuels et anticipés. Dans un rapport annuel, les États membres élaborent un programme de stabilité (pour les pays de la zone euro) ou de convergence (pour les pays de l’UEM hors zone euro) où ils décrivent les orientations de politique budgétaire et les moyens déployés pour respecter les normes du PSC. Ce rapport est soumis à l’approbation de la Commission européenne.
10Ces dispositions encadrent fermement les politiques budgétaires afin de crédibiliser les efforts de discipline et de transparence. La précision des objectifs, le dispositif de sanction, l’affichage des instruments et des moyens sont autant d’éléments qui orientent le processus de décision de la politique budgétaire sous l’empire d’un système de règles. Cette évolution ne concerne pourtant pas seulement les pays de l’UEM. Dès 1985, le Graham-Rudman Act aux États-Unis impose le principe d’un objectif d’équilibre du Budget fédéral et du contrôle des dérapages budgétaires. Depuis le milieu des années 1990, ces actes législatifs ou réglementaires se sont généralisés au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Pologne, en Amérique latine, au Canada ou encore en Suisse [1]. Pour preuve de cette évolution, l’OCDE et le FMI ont élaboré des guides prônant la transparence, l’annonce des objectifs, le choix d’horizons temporels pertinents pour garantir la crédibilité des ces règles [2]. L’essor des règles budgétaires ne semble pas né d’une initiative européenne et ne constitue pas le corollaire original de l’Union É conomique et Monétaire. L a généralisation des règles provient également de l’expérience des politiques expansives menées jusqu’à la fin des années 1980, de la perception des risques d’insoutenabilité, du doute généralisé sur l’efficacité des instruments budgétaires et de l’effondrement des schémas keynésiens au profit des phénomènes d’anticipation, d’intertemporalité et de la rationalité dans l’analyse théorique de la politique économique [3].
11À deux reprises, la Commission européenne s’est attachée à préciser la ligne de conduite budgétaire qu’elle préconise. Dans son Rapport sur les Finances publiques de 2000, la Commission requiert que le lissage des fluctuations cycliques repose exclusivement sur les stabilisateurs automatiques. En 2001, la Commission recommande de réduire les marges d’intervention discrétionnaire. Le recours aux stabilisateurs automatiques apporte une réponse aux erreurs de prévision dans un environnement où prédomine l’incertitude qui compromet la justesse des orientations discrétionnaires et la qualité du fine tuning. En effet, la politique budgétaire, entreprise à l’échelon national, soumise aux échéances des élections et placée sous la pression des groupes d’intérêt, produit des orientations discrétionnaires qui manquent de flexibilité et dont l’efficacité demeure incertaine. A contrario, Wyplosz (2002) souligne que les stabilisateurs automatiques constituent une réponse idéale qui capte en temps réel les retournements de conjoncture. Par ailleurs ajoute-t-il, le jeu des stabilisateurs automatiques n’est pas de nature à rendre explosive la progression de l’endettement public. Au cours du cycle les stabilisateurs automatiques accroissent le déficit pendant la phase baissière et le réduise durant la phase haussière. Aucun déséquilibre additionnel n’a donc de raison de subsister à la fin d’un cycle.
12Dans la lignée des préconisations de la Commission, certains travaux s’attachent à évaluer le niveau du déficit structurel compatible avec un déficit public inférieur à 3% du PIB pour des ampleurs données des fluctuations cycliques et de la sensibilité conjoncturelle des déficits. Dalsgaard et De Serres (2000) et Martinot (2000) évaluent que les gouvernements devraient réduire leur déficit structurel entre 1% et 1,5% du PIB potentiel selon les pays.
13Néanmoins, deux écueils guettent cette ligne de conduite. Le premier concerne la vigueur des stabilisateurs automatiques. Ceux-ci pourraient être assez faibles enEurope. Mélitz (2000) estime qu’une diminution de la croissance de 1% accroît les déficits publics de 0,1% à 0,2%, ces estimations infirment les résultats avancés par l’OCDE évaluant l’ancrage conjoncturel des déficits à 0,5%. Il est surtout probable que, fermement attachées à respecter les grands équilibres, les orientations discrétionnaires prennent un aspect pro-cyclique et que les stabilisateurs automatiques ne fassent que compenser cette évolution. Au final, la politique budgétaire apparaît acyclique. Par ailleurs, Fatàs et Mihov (2002) montrent que la vigueur des stabilisateurs dépend positivement de la taille du secteur public mesurée par la part des dépenses ou des recettes publiques dans le PIB. Si la discipline conduit à réduire les dépenses publiques alors les mécanismesautomatiques peuvent diminuerlorsque la politique budgétaire est menée autour de l’équilibre.
14Une seconde difficulté naît du ciblage d’une variable telle que le déficit public dans les règles budgétaires. Cet indicateur synthétique dissimule notamment des effets de composition. Alesina et Perotti (1995) et Cour et alii (1996) montrent que le succès des ajustements budgétaires dépend des variations des recettes et des dépenses qui les composent. Ces études renvoient généralement aux situations d’endettement massif qui ont donné lieu à des ajustements budgétaires amples et rapides dès le milieu des années 1980 en Irlande et au Danemark notamment. Avec de Ménil (1996) on peut convenir que ces épisodes n’auront guère de chance de se reproduire à l’avenir dans la mesure où le Pacte de stabilité risque de conduire à des variations plus incrémentales du solde primaire. Les variations minimales du solde primaire devraient produire un effet maximum car elles écarteraient les risques de dérapage. L’équilibre budgétaire renforcerait alors en moyenne l’efficacité de la politique budgétaire. Cet axiome suppose néanmoins que les politiques budgétaires soient continuellement contracycliques, quelle que soit la position de l’économie au cours du cycle.
15La notion de règle budgétaire, telle qu’elle semble commencer à apparaître, place la discipline budgétaire au premier rang des préoccupations des gouvernements. Les moyens d’assurer une action contra-cyclique reposent alors pleinement sur les stabilisateurs automatiques. Ces règles doivent pouvoir être crédibles ce qui pousse à les envelopper d’un corpus institutionnel plus dense, à l’image des statuts dont dispose la Banque Centrale Européenne pour assurer sa mission de maîtrise de l’inflation.
Représentation des règles budgétaires
16Une règle de politique budgétaire s’attache à rationaliser le comportement des autorités pour que sans préjudice pour la soutenabilité de la dette, la politique budgétaire puisse opérer un lissage des fluctuations cycliques. Cette section expose la méthode économétrique qui tente d’extraire les règles suivies par les pays européens depuis 1970. Cette recherche vise à décrire l’évolution des comportements budgétaires au fil des différentes étapes de la convergence vers l’union monétaire afin de caractériser la règle de politique budgétaire adoptée par les gouvernements européens sous l’empire du Pacte de stabilité et de croissance. Les travaux inauguraux de Barro (1986) et Bohn (1998) sur les fonctionsde réaction budgétaires ont portésur les États-Unis dans le but de savoir si les politiques budgétaires se comportaient de manière à corriger la progression de la dette. Des estimations de fonctions de réaction budgétaires sur données européennes sont proposées entre autres par Debrun et Wyplosz (1999), Créel (2001), Mélitz (2000), Créel, Latreille et Le Cacheux (2002) ou encore Wyplosz (2002) [4]. En cherchant dans le passé quelques régularités dans le comportement des gouvernements et en examinant si le processus d’intégration monétaire a modifié ce comportement, nous espérons représenter la modification structurelle des politiques budgétaires au-delà de ce que fait apparaître le critère de limitation des déficits contenus danslePacte deStabilitéetde Croissance.
17Clarida, Gali et Gertler (1997) ont proposé l’emploi d’un modèle d’ajustement partiel pour modéliser les règles de politique économique forward looking. Dans cette représentation, les autorités définissent la valeur cible de leur instrument en fonction de différents indicateurs. Suivant Ballabriga et Martinez-Mongay (2002), le solde primaire en pourcentages du PIB est considéré comme l’instrument de la politique budgétaire. Son niveau d’équilibre est simplement déterminé par l’écart passé du ratio dette sur PIB à sa cible et par l’anticipationde la position cyclique de l’économie à la période courante.

18Le ratio du solde primaire sur PIB est noté s et d désigne le ratio de la dette publique. (*) représente les valeurs cibles des variables. E est l’opérateur d’anticipation, x l’output gap et ? l’ensemble des informations dont disposent en début de période les autorités pour définir leur objectif.
19Il existe plusieurs justifications à l’écriture d’une règle budgétaire telle que (1). Sur un plan théorique, la dette et la position cyclique de l’économie sont déterminantes pour la fixation de la taxation optimale dans le modèle de lissage fiscal de Barro (1979). La règle (1) apparaît également dans de nombreux modèles calibrés qui suivent pourtant des bases théoriques. Ainsi que le soulignent Ballabriga et Martinez–Mongay(2002), l’élément qui semble le plus à même de défendre cette modélisation de la règlebudgétaire est sa proximité avecla réalité où les gouvernements poursuivent un objectif de stabilisation macroéconomique sous contrainte de solvabilité.
20La règle (1) manque cependant de réalisme dans la mesure où elle apparaît complètement déterministe. Une politique économique est pourtant susceptible de contenir une composante non anticipée aux côtés des actions endogènes à l’environnement économique. Pour plus de réalisme, il convient aussi de supposer que la mise en œuvre d’une politique économique ne peut se faire instantanément. Les programmes de dépenses publiques sont difficilement réversibles ; de même les règlements fiscaux ne peuvent être constamment modifiés. Par ailleurs, si tant est qu’un gouvernement suive une règle, le solde primaire peut conserver en mémoire les orientations passées de la politique budgétaire. À l’inverse, l’absence d’inertie dans les variables budgétaires révèlerait une politique de stop and go – la flexibilité des orientations budgétaires ne serait induite que par la variabilité de l’environnement macroéconomique. Pour ces deux raisons, un mécanisme d’ajustement complète la règle qui permet de représenter l’inertie et les chocs caractérisant la conduite d’une politique économique.

21v est un terme aléatoire (un bruit blanc) qui permet de mesurer les chocs de politique budgétaire non anticipés (produits par les actions non systématiques qui échappent aux arguments de la règle). Il peut être justifié par l’imperfection du contrôle du processus budgétaire ou les changements politiques. Afin d’obtenir la forme de la relation estimée, plusieurs modifications sont nécessaires.
22On ajoute et soustrait l’expression ?x au terme de droite de l’équation (1)

23L’expression (1’) est substituée à s* dans la relation (2)

24Le terme d* représentant la cible de dette inobservable est placé dans la constante et les écarts de l’output gap à sa prévision sont regroupés. On obtient ainsi.

25La relation (3) est non-linéaire. La composante aléatoire ? intègre les erreurs d’anticipation de l’output gap et les actions non systématiques de la politique budgétaire. La fonction de réaction budgétaire (3) est estimée par la méthode des moments généralisés non-linéaires qui permet d’obtenir des résultats robustes pour l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation. L’estimateur de la méthode des moments généralisés est obtenu en appliquant en deux étapes les doubles moindres carrés non-linéaires. Dans un premier temps, les doubles moindres carrés non-linéaires sont utilisés pour obtenir les valeurs initiales des paramètres. Dans un second temps, ces paramètres permettent de construire une matrice de pondération optimale qui est utilisée pour estimer de nouveau le modèle. Les variables instrumentales choisies intègrent un décalage de deux périodes de chaque variable explicative ainsi que du taux d’inflation, du taux d’intérêt de court terme et du taux de change effectif réel. Chacune de ces variables contient des informations potentiellementutilespourlaprévision de l’écart conjoncturel en supposant qu’elle ne soit pas corrélée avec le solde primaire courant. Cette réserve invite à accueillir les résultats d’estimation avec prudence. Le vecteur des instruments comporte plus d’éléments qu’il n’y a de paramètres à estimer. Il est intéressant alors de tester la sur-identification du modèle [5]. Sous l’hypothèse nulle, le gouvernement détermine le ratio solde primaire sur PIB à chaque période ainsi que le présente l’équation (3) avec l’opérateur d’anticipation à droite basée sur l’ensemble de l’information dont il dispose à cette date. Sous l’alternative, le gouvernement ajuste le solde primaire de manière déconnectée de l’ensemble d’information. Dans ce cas, des variables explicatives sont omises.
26Les séries du solde primaire, du PIB, du ratio de dette publique, de l’output gap, du taux d’intérêt de court terme, du taux de change effectif et de l’indice des prix sont issues de la base Economic Outlook de l’OCDE. Ces données d’une fréquence semestrielle ont été collectées de 1970 : I à 2002 : II.
Règles budgétaires européennes de 1970 à 2002 : premiers résultats
27Le tableau 1 rapporte les résultats obtenus pour l’estimation de la règle budgétaire (3) pour un échantillon de quatorze pays européens (les Quinze moins le Luxembourg). La spécification retenue pour la règle budgétaire semble relativement bien supportée par les données empiriques. Le test de sur-identification est rejeté dans la plupart des pays; seuls les Pays-Bas font exception. Dans une majorité de pays la constante est significative et négative. La relation (4) précise que ce paramètre mesure l’écart entre le solde primaire à l’état stationnaire et la cible de dette. Lorsque l’écart du ratio de dette à sa cible et l’output gap sont nuls, le solde primaire peut être supposé équilibré. Il apparaît alors prévisible d’obtenir une constante négative dans les estimations. La plupart des autres coefficients sont également significatifs.
politiques budgétaires dans l’Union Européenne : 1970:1-2002:2

politiques budgétaires dans l’Union Européenne : 1970:1-2002:2
28Les degrés d’inertie sont tous significatifs, relativement modérés en Allemagne et en Suède et particulièrement élevés en Irlande (0,93) et au Royaume-Uni (0,81). Ces résultats concordent globalement avec ceux de B allabriga et Martinez-Mongay (2002).
29Les politiques budgétaires tendent à corriger les dérapages de la dette. Lorsque le ratio dette sur PIB s’écarte de sa cible de 1%, le solde primaire s’accroît de 0,05% en Autriche à 0,34% en Finlande. À l’opposé, l’Espagne, l’Irlande et la Suède ne réagissentpasau volumede ladettepassée tandisque le solde primaire danois tend à aggraver la situation de l’endettement. Les résultats sur données semestrielles sont généralement plus élevés que ceux obtenussurdonnéesannuelles. Wyplosz (2002) obtient une réaction de 0,06 en France et 0,02 en Allemagne. Ces estimations demeurent inchangées lorsque l’auteur utilise le ratio de dette en première différence pour pallier l’éventuel problème de non-stationnarité du ratio d’endettement.
30Le coefficient de l’output gap permet de préciser le comportement des autorités budgétaires face à leur objectif de régulation conjoncturelle. Il apparaît que la plupart des politiques budgétaires ont été contra-cycliques [6]. Cependant, la sensibilité des soldes primaires à l’évolution conjoncturelle est très différente d’un pays à l’autre. Une diminution de 1% de l’output gap conduit à un creusement du déficit primaire de 0,27% en Allemagne à 1,24% en Belgique. Dans plusieurs pays cependant, l’ancrage cyclique n’est pas significatif (Royaume-Uni, Grèce, Italie et Portugal [7] ). En Italie, la correction de la dette et la cible d’endettement sont particulièrement fortes. Au Royaume-Uni et en Grèce le degré d’inertie de la politique budgétaire est parmi les plus élevés.
31L’absence de réaction contra-cyclique est donc associée soit à des politiques budgétaires particulièrement inertes soit à des politiques fortement attachées à la réduction de la dette. La discipline et l’inflexibilité du solde primaire semblent handicaper l’action de régulation conjoncturelle. Ce résultat n’est toutefois pas généralisable dans le sens où l’ampleur de la réaction de la dette n’empêche ni la Belgique, ni l’Allemagne ou la Finlande de mener des politiques contracycliques. De même, il apparaît que si l’on exclut le cas irlandais, les degrés d’inertie ne sont pas préjudiciables à la stabilisation conjoncturelle. Ainsi, pour des degrés d’inertie s’accroissant de 0,53 à 0,77, la réponse du solde primaire aux fluctuations de l’activité augmente de 0,34 à 1,24 dans un sous-échantillon comprenant l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande et la France.
32La situation irlandaise constitue un cas particulier. La faiblesse de la réaction cyclique du solde primaire peut s’expliquer par l’importance des fonds structurels européens dont bénéficie Dublin. Le déficit primaire apparaît alors comme une mesure très partielle de la politique budgétaire. Ceux-ci peuvent être faibles et ne pas réagir à l’activité. Le coefficient d’inertie particulièrement élevé (0,74) peut également refléter la régularité des fonds structurels [8].
Apparition des contraintes de discipline et modifications des politiques budgétaires
33L es règles budgétaires suivies par les gouvernements européens ont pu être modifiées depuis 1970 suite au processus de convergence vers l’union monétaire. En particulier, l’importance prise depuis le Traité de Maastricht par les critères de discipline a sans doute affecté la manière dont les gouvernements réagissent à la progression de l’endettement et tentent de lisser les fluctuations conjoncturelles. Dans cette partie, nous explorons les différences de comportements survenues suite à l’introduction des critères de discipline puis nous focalisons notre attention sur la sous-période 1992-2002 afin d’identifier si les autorités bénéficient de marges de manœuvre discrétionnaires pour stabiliser l’activité ou si la stabilisation macroéconomique repose exclusivement sur les mécanismes automatiques.
Évolutions des politiquesbudgétaireseuropéennes
34Pour préciser le lien entre les réponses au volume de dette etlesréponses à l’activité, les observations sont scindées en deux sous-périodes. 1992 est choisie comme date de rupture. Depuis lors, les pays européens ont dû satisfaire les critères de convergence inscrits dans le Traité de Maastricht. Ceux-ci commandent aux gouvernements de réduire leur endettement. Il s’agit ici de faire ressortir les modifications dans la conduite des politiques budgétaires européennes que l’on peut inférer d’un régime de réduction de la dette et des déficits publics tel qu’ont pu l’initier les critères de Maastricht. Le tableau 2 rapporte les résultats.
évolutions des politiques budgétaires europénnes

évolutions des politiques budgétaires europénnes
35Sur la première sous-partie, couvrant la période 1970-1991, les degrés d’inertie du solde primaire ne sont pas significatifs dans près de la moitié des pays. Lorsqu’ils sont significatifs, ils varient de 0,36 (Royaume-Uni) à 0,70 (Irlande). En général, les règles budgétaires sont fortement contra-cycliques. Les coefficients associés à l’output gap se situent entre 0,21 (Royaume-Uni) et 0,65 (Belgique). Seuls deux pays, l’Irlande et l’Italie, font exception. Leur politique budgétaire ne semble pas réagir aux fluctuations de l’activité. Le cas irlandais est assez particulier. Dans ce pays, les années 1970 ont été marquées par une forte progression de ladette. Dès le milieu des années 1980, les autorités, confrontées à un fort risque d’insoutenabilité, entreprennent un programme de réduction ample et rapide de la dette. Cet épisode à été largement documenté dans la littérature suite aux travaux de Giavazzi et Pagano (1990) qui mettent en évidence les effets positifs de la consolidation irlandaise sur l’activité. Il n’est pas surprenant alors que ce soit sur la première sous-période que l’on observe une forte réaction du solde primaire par rapport au volume de dette. L’absence de réaction contra-cyclique dans la règle budgétaire italienne est également à associer à une correction de la dette fortement significative. L’Italie voit également sa dette progresser continuellement de 1970 à 1990. À partir des années 1980, le solde primaire, bien qu’en déséquilibre, tend à s’accroître tandis que les taux de croissance italiens s’inclinent. Les gouvernements ont donc pu commencer à réagir à la progression de la dette mais sans réussir à la stabiliser ni à la diminuer car les conditions de croissance étaient insuffisantes.
36Dans le reste de l’UE les politiques budgétaires contra-cycliques n’empêchent pas l’évolution du solde primaire de corriger l’évolution de la dette. Une augmentation de la dette de 1% est suivie d’une augmentation du solde primaire comprise entre 0,02% et 0,20% selon les pays. Seule la Finlande ne réagit pas de manière à stabiliser le niveau de dette. Enfin, il convient de remarquer que dans la plupart des pays, plus l’inertie du solde primaire est forte plus l’ancrage cyclique lui-même est fort, plus la politique budgétaire est stabilisante.
37Les comportements budgétaires changent à partir de 1992. Tout d’abord, pour une majorité de pays la correction de la dette est renforcée. À titre d’exemple, le solde primaire autrichien s’accroît de 1,32% après une augmentation de 1% de la dette, la réaction française est de 0,12%, en Italie la réaction est de 0,17% (contre 0,05%, 0,08% et 0,09% respectivement sur la première sous-période). Globalement la décennie 1990 est marquée par un effort de discipline plus prononcé que par le passé. La Belgique et le Danemark font néanmoins exception. Dans ces deux pays, une augmentation de 1% du ratio de dette publique conduit à une augmentation de 0,12% du déficit primaire. La politique budgétaire semble ainsi aggraver l’endettement. Le Danemark a connu une importante contraction budgétaire au milieu des années 1980. Les efforts de discipline ont été précoces, rapides et amples. Cette politique visait à mettre un terme au risque d’insoutenabilité. Lorsque le Danemark entre dans l’UEM, les critères de convergence sont nullement contraignants car il est déjà parvenu à maîtriser ses comptes publics. La situation est très différente en Belgique. Le ratio de dette publique avoisine 130% du PIB au début des années 1990. En l’espace de dix ans il sera ramené à 100% du PIB. Parallèlement, le solde primaire belge connaît d’importants excédents (5% en moyenne de 1992 à 2002). Pourtant, l’évolution du solde primaire ne semble pas corriger la progression de la dette. Les déficits primaires sont réduits en moyenne de 3% par an mais sont très volatils tandis que la dette ne diminue que de 1%.
38Dans le même temps, on observe à la fois une augmentation des degrés d’inertie et des coefficients de l’output gap. Depuis 1992, le solde primaire est généralement plus inerte. Il corrige davantage la progression de l’endettement et les politiques budgétaires sont fortement contra-cycliques. Le respect des critères de Maastricht n’aurait donc pas nuit aux capacités stabilisatrices des politiques budgétaires. Quelques exceptions doivent être soulignées. En Allemagne, le solde primaire n’a plus d’inertie significative mais la réaction cyclique est plus forte. En France, l’inertie est plus forte mais la politique budgétaire devient acyclique.
Marges de manœuvre et stabilisateurs automatiques
39Le fait le plus marquant demeure que dans la plupart des cas, la période 1992-2002, où un effort sensible pour la diminution de la dette fut demandé aux États européens, reste marquée par un contra-cyclisme budgétaire fort. Une question intéressante est de savoir si ce comportement est imputable aux jeux des stabilisateurs automatiques où s’il provient de l’action discrétionnaire des autorités. Dans le cas des pays où le coefficient de l’output gap n’est pas significatif, il se peut aussi que les mécanismes automatiques soient évincés par des politiques discrétionnaires devenues plus déstabilisantes pour l’activité à mesure qu’elles se concentrent sur la réduction de la dette. Pour tenter d’apporter un élément de réponse à cette question, l’estimation de la règle budgétaire est de nouveau réalisée sur la période 1992-2002, où le solde primaire structurel (noté sps) en pourcentages du PIB remplace le ratio soldeprimaire sur PIB comme variable dépendante.
40Les statistiques du solde structurel constituent un indicateur de la politique discrétionnaire dans la mesure où elles corrigent l’impact de la conjoncture sur le niveau des déficits. Le solde primaire échappe en effet pour partie au contrôle du gouvernement dans la mesure où celui-ci ne maîtrise pas la croissance. Cependant, l’élaboration d’un indicateur pertinent du solde structurel peut ne pas être simple [9]. La mesure du solde structurel requiert notamment que l’ancrage cyclique du déficit soit stable et qu’il n’y ait pas de ruptures dans le potentiel de croissance de l’économie. L’ambiguïté naît du fait que le solde structurel ne saurait être considéré comme une variable d’objectif de la politique budgétaire. B outhevillain et Garcia (2000) remarquent que le déficit structurel permet de déduire ex post si une baisse observée du déficit public provient davantage des réformes structurelles que d’une amélioration de la conjoncture. En tant que variable inobservable et athéorique, le déficit structurel ne saurait être considéré comme l’instrument de la politique budgétaire. Sa substitution comme variable dépendante dans la règle budgétaire ne sert ici que pour examiner le comportement discrétionnaire des autorités qui relate la part des coefficients de réaction ne pouvant s’expliquer par la position cyclique de l’économie. Le tableau 3 présente les résultats obtenus.
41Lorsque l’on examine en premier lieu le coefficient de la dette, il apparaît que celui-ci est généralement significatif et même très proche de celui obtenu dans le tableau 2, à l’exception de l’Autriche. La correction de la dette provient pour une large part de l’évolution du solde structurel. En revanche, les coefficients associés à l’output gap sont rarement significatifs. Au demeurant les politiques discrétionnaires apparaissent déstabilisantes en Autriche, en France, au Royaume-Uni, en Italie et au Portugal. Il semble donc que les efforts entrepris pour la maîtrise des finances publiques en Europe proviennent dans une large mesure des choix discrétionnaires des autorités. La discipline budgétaire active a largement atrophié les capacités volontaires de stabilisation conjoncturelle. Les réponses contra-cycliques observées dans le tableau 2 résulteraient donc du jeu des mécanismes automatiques. Pour les pays où la règle apparaît stable (inertie, constante et coefficient du volume de dette), selon que le solde primaire ou le solde structurel est placé en variable dépendante, la différence entre les coefficients de l’output gap peut fournir une estimation de l’importance du jeu des stabilisateurs automatiques dans l’ancrage cyclique du solde primaire. Ainsi, une augmentation de 1% de l’activité par rapport à son potentiel conduit à une augmentation automatique du solde primaire de 0,57% en Grèce, 0,59% en Allemagne, 1,15% en Italie, 1,23% au Portugal et en Finlande et jusqu’à 1,32% en France [10].
politiques budgétaires discrétionnaires 1992 : 1-2002 : 2

politiques budgétaires discrétionnaires 1992 : 1-2002 : 2
Asymétries conjoncturelles : contributions des estimations en panel
42Les données relatives aux quatorze pays de l’échantillon sont à présent empilées pour produire une estimation en panel. Bien que les résultats précédents montrent la grande diversité des règles suivies ces dernières années par les gouvernements européens, l’utilisation des méthodes de panel permet de réaliser des tests particuliers. Sur une durée d’observation réduite, la dimension du panel permet de recouvrer les degrés de liberté nécessaires pour l’efficacité de l’inférence statistique. Il est notamment possible d’examiner l’existence de ruptures dans la politique budgétaire depuis 1992. Par ailleurs, il convient de préciser la manière suivant laquelle les gouvernements réagissent aux fluctuations cycliques, l’estimation en panel permettant de tester les éventuelles asymétries des politiques budgétaires au cours du cycle [11].
43La rupture des comportements budgétaires depuis 1992 et l’asymétrie conjoncturelle des réactions budgétaires apparaissent comme des questions centrales. En effet, au cours des dix dernières années les politiques budgétaires ont dû s’adapter à l’unification monétaire. La phase de convergence introduite par le Traité de Maastricht en 1992 a fait place à l’existence effective de l’Union monétaire où les politiques budgétaires sont soumises à la règle d’équilibre que constitue le Pacte de stabilité et de croissance.
Estimation d’une règle budgétaire en données de panel
44En données de panel, la règle estimée reprend la relation (3). La règle se présente comme un mécanisme d’ajustement partiel dusolde primaireen pourcentages du PIB. À l’équilibre, celui-ci est déterminé par le niveau du volume de dette accumulée antérieurement et par la position cyclique de l’économie.
45Toutefois, l’estimation d’un panel dynamique impose de modifier la manière dont les variables instrumentales sont choisies par rapport aux estimations par pays. Pour l’estimation, l’ensemble des variables est différencié (afin d’éliminer l’effet fixe) et instrumenté par undécalagede deux périodes de leur valeur en niveau. La sélection des retards pour l’endogène décalée est obtenue grâce à la méthode d’Arellano et Bond (1991) exposée par Wooldridge (2001, chap. 11) afin de limiter le nombre d’instruments tout en corrigeant sans biais les risques d’auto-corrélation.
46La relation de panel est du type :

règles budgétaires sur un panel européens 1992 : 1-2002 : 2

règles budgétaires sur un panel européens 1992 : 1-2002 : 2
47En contrepartie, le déficit primaire structurel apparaît a-cyclique. Le profil contra-cyclique du solde primaire semble pouvoir être attribué entièrement au jeu des stabilisateurs automatiques. Une augmentation de 1% de l’activité conduit à une augmentation de 0,58% du solde primaire. Cette estimation apparaît relativement proche de celles de Van Den Noord (2001) et de la Commission européenne (2000) établissant l’ancrage cyclique du solde primaire à 0,5. En effet, nos calculs présentent des coefficients de long terme, i.-e. à un niveau d’équilibre, le coefficient de court terme correspondant étant donné par (1-0,18).0,58 = 0,48. Une différence importante tient cependant au fait que nos estimations sont réalisées sur données semestrielles : il est délicat de comparer a priori le niveau atteint par nos coefficients avec les estimations produites sur données annuelles.
48L’utilisation de données de panel permet d’examiner les changements de comportements survenus en moyenne au cours de la période 1992-2002 et notamment après la ratification du Traité d’Amsterdam en 1997.
49Un test derupturechronologique en1997est réalisé.

50où D désigne la variable muette prenant la valeur 1 pour les observations ultérieures à 1997.
51Le test de rupture dans la détermination du solde primaire est accepté (ligne (1), tableau 5). Les réactions budgétaires face au stock de la dette et face au cycle changent après 1997. Plus précisément, il semble que le solde primaire ne corrige plus la progression de la dette à partir de 1997; en revanche, la réponse stabilisanteface à l’activitéestrenforcée.
52L’estimation de la règle avec le solde primaire structurel comme variable dépendante ne présente pas de ruptures significatives si ce n’est un affaiblissement de la correction de l’endettement. L’année 1997 [12] choisie pour représenter l’impact de l’introduction du Pacte de stabilité ne se traduit pas par un renforcement des efforts de discipline de la politique budgétaire mais davantage par un relâchement de la rigueur budgétaire probablement imputable à l’amélioration des conjonctures européennes observée à la fin des années 1990.
53Depuis 1992, les autorités budgétaires ne semblent pas avoir modifié leur comportement discrétionnaire. Au degré de généralité où se trouve notre modélisation de la règle budgétaire, il apparaît que les gouvernements n’ont pas distingué la phase de convergence vers l’union monétaire et la phase d’existence effective de celle-ci. Ce résultat peut paraître étonnant car les implications des critères du Pacte de stabilité sont sans doute différentes de celles du Traité de Maastricht (différences dans l’ampleur des ajustements budgétaires permis, dans l’importance du critère de dette inférieure à 60% du PIB, dans l’échéance à laquelle les objectifs doivent être réalisés). En revanche, les comportements budgétaires tendent à apparaître sensible aux modifications de conjoncture.
Asymétries au cours du cycle
54Afin de préciser le comportement des gouvernements au cours du cycle et de mesurer plus correctement l’importance des stabilisateurs automatiques, la modélisation en panel va permettre d’examiner l’hypothèse d’une asymétrie des réactions de la politique budgétaire au cours du cycle. Les gouvernements peuvent être plus accommodants en période de basse conjoncture sans pour autant devenir plus rigoureux en période de haute conjoncture. Un tel phénomène seraitpérilleux pour la mise en œuvre du Pacte de stabilité dans la mesure où celui-ci prône une discipline permanente et un contra-cyclisme continuel.
55La relation estimée est du type :

rupture chronologique dans les règles budgétaires européennes

rupture chronologique dans les règles budgétaires européennes
asymétries conjoncturelles des politiques budgétaires 1992 : 1 - 2002 : 2

asymétries conjoncturelles des politiques budgétaires 1992 : 1 - 2002 : 2
56Entre les différentes phases conjoncturelles, l’hypothèse d’une rupture dans les réactions budgétaires face au stock de dette passée est vérifiée. Il semble que les gouvernements corrigent moins fortement la progression de la dette durant les phases de reprise que durant les phases de ralentissement. Cette différence tient davantage au fait que les périodes de forte croissance réduisent mécaniquement le ratio d’endettement, la politique discrétionnaire apparaissant rigoureuse aussi bien lors des ralentissements que lors des reprises.
57La poursuite de cette discipline se répercute sur la cyclicité de la politique budgétaire discrétionnaire demanière différente selon la position del’économie dans le cycle.
58Ainsi, l’évolution du solde structurel est déstabilisante pour l’activité durant les périodes de basse conjoncture. La politique discrétionnaire aggrave les ralentissements. Le pro-cyclisme du solde primaire structurel est toutefois compensé par le jeu des stabilisateurs automatiques. Ainsi, le solde primaire conserve un profil contra-cyclique en période de mauvaise conjoncture.
59Durant les phases de reprise, la politique discrétionnaire ne semble pas réagir à l’écart conjoncturel, les stabilisateurs automatiques opèrent et le solde primaire apparaît fortement contra-cyclique.
60Au final, une augmentation de 1% de l’activité conduit à une réduction de 1,15% du déficit primaire alors qu’une baisse de 1% de l’activité n’accroît le déficit primaire que de 0,40%. L’asymétrie conjoncturelle qui caractérise les comportements budgétaires européens semble ainsi plutôt favorable au respect de l’équilibre budgétaire à moyen terme. Une augmentation de 1% de la dette conduit à une progression de l’ordre de 0,20% du solde primaire structurel quelle que soit la conjoncture.
61Ces résultats optimistes doivent cependant être nuancés. Ils reposent d’abord sur le signe de l’output gap comme moyen d’identifier les phases conjoncturelles. Ensuite, ils montrent que la politique discrétionnaire devient déstabilisante en période de basse conjoncture. Même si les stabilisateurs automatiques compensent cette évolution et qu’elle ne perdure pas dans les phases de reprises, un tel profil peut sembler dommageable pour la régulation conjoncturelle car il souligne que les objectifs de discipline budgétaire conduisent à limiter le jeu des stabilisateurs automatiques durant les phases de ralentissement dans les moments où les économies ont le plus besoin d’être relancées. L’inquiétude porte moins sur l’aptitude des gouvernements à limiter leurs déficits qu’à suivre une politique continuellement contra-cyclique. Les gouvernements ne semblent pas profiter des embellies conjoncturelles pour renforcer leur discipline, ce qui leur permettrait probablement de pouvoir mettre en place despolitiques plus activesen faveur de l’activité durant les ralentissements.
62Les estimations réalisées dans cette partie montrent que les politiques budgétaires européennes semblent moins rigoureuses depuis 1997. Néanmoins, la correction de la dette conduit à une évolution du solde structurel déstabilisante durant les phases de ralentissement et neutre durant les reprises. Ces résultats semblent traduire la possibilité d’effets “non keynésiens” de la politique budgétaire européenne au cours des dix dernières années.
63À l’origine, les renversements du signe du multiplicateur budgétaire traditionnels furent constatés lors des politiques de contractions budgétaires danoise et irlandaise étudiées par Giavazzi et Pagano (1990). Les épisodes de politiques budgétaires restrictives aux effets expansifs ne se limitent pas à ces deux pays et sont associés à des niveaux élevés du ratio de dette ou à une progression rapide de l’endettement (Alesina et Perotti, 1995; Cour et alii, 1996; Perotti, 1999). Si ces phénomènes perdurent, la règle de politique budgétaire estimée risque d’en être affectée. L’ancrage cyclique du solde structurel va apparaître nul (tableau 5) voire négatif (tableau 6) car les efforts de limitation des déficits entrepris dans le cadre du Pacte de stabilité produisent un effet non standard, ce qui réduit ou inverse l’ancrage cyclique du déficit.
64Les effets non keynésiens de la politique budgétaire sont attendus lorsque la dette publique est importante. Sutherland (1997) et Perotti (1999) expliquent alors que l’anticipation d’un relèvement rapide de la fiscalité devient inévitable et conduit à l’innocuité de la relance ou à son effet déstabilisant. Alors que le Pacte de stabilité et de croissance cherche à écarter les risques de dérapage et d’insoutenabilité propices à la formation de telles anticipations, il semble qu’il pourrait davantage conduire à généraliser un régime de fiscal stress en appelant les gouvernements à satisfaire rapidement leur contrainte budgétaire inter-temporelle.
65Les résultats du tableau 6 suggèrent également que l’ancrage cyclique du solde primaire induit par les stabilisateurs automatiques n’est pas lui-même symétrique au cours du cycle : 0,80 durant les ralentissements et 1,15 durant les reprises (respectivement 0,54 et 0,90 pour les coefficients de court terme. En période de haute conjoncture, les stabilisateurs automatiques favorisent une réduction du déficit primaire d’une plus grande ampleur que celle de l’accroissement du déficit à laquelle ils conduisent en période de basse conjoncture.
66Les stabilisateurs automatiques, tout comme les actions discrétionnaires, s’appuient sur une répartition dans le temps du coût engendré par une dégradation conjoncturelle. Pour cette raison, les orientations des politiques budgétaires peuvent être déjouées par les anticipations négatives et pessimistes du public s’il dispose également des moyens de reporter de période en période ses décisions de dépenses et de moduler son offre de travail. L’avantage des mécanismes automatiques est qu’ils sont censés assurer cette stabilisation au cours d’une oscillation cyclique. En présence d’une règle budgétaire, si le public anticipe que le gouvernement risque de dépasser la cible de déficit avant la fin du cycle, son comportement peut être de nature à déjouer le rôle normal des stabilisateurs automatiques. L’augmentation des impôts anticipée peut conduire les agents à chercher à réduire leur base d’imposition, d’autant que les dépenses publiques augmentent pendant le ralentissement et que les effets de distorsion de la fiscalité perdurent. Schmitt-Grohé et Uribe (1997) et Rocheteau (1999) soulignent ainsi que les effets déstabilisants peuvent être endogènes à la règle d’équilibre budgétaire et conduire à un accroissement de la volatilité macroéconomique et du taux de chômage.
Conclusion
67Depuis le début des années 1990, la soutenabilité de la dette publique, replacée au premier rang des priorités des gouvernements, et la remise en cause de l’efficacité réelle de l’instrument budgétaire ont conduit à l’émergence de règles encadrant la conduite des politiques budgétaires. L’exigence de discipline inhérente au bon fonctionnement d’une union monétaire conduit les États membres de l’UEM à adopter à travers le Pacte de stabilité une règle d’équilibre à moyen terme. Ce dispositif de règle s’inscrit également contre les actions discrétionnaires du gouvernement jugées déstabilisantes.
68La qualité du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) pour servir derègle aux politiques budgétaires repose sur l’aptitude de cet accord à crédibiliser une satisfaction rapide de la contrainte budgétaire des gouvernements. L a fiabilité du PSC repose également sur la validité d’une cible de déficit structurel à moyen terme et sur la vigueur des stabilisateurs automatiques.
69Pour tenter de vérifier la qualité de la règle budgétaire inférée du PSC, ce travail a tenté de modéliser le comportement des autorités budgétaires. À cette fin, des règles de politiques budgétaires représentées comme des fonctions de réaction forward looking ont été estimées. Cette représentation s’est attachée notamment à mesurer la réactivité de la politique budgétaire au volume de dette passée et au positionnement cyclique courant de l’activité. L’attention s’est focalisée sur la période 1992-2002.
70L es estimations révèlent que les politiques budgétaires tendent en général à corriger la progression de la dette de manière plus sensible depuis 1992. Ce comportement semble largement provenir des orientations discrétionnaires prises par les gouvernements. En ce sens les politiques budgétaires des pays européens semblent rigoureuses. Ce résultat est confirmé en moyenne dans l’estimation en panel. Une autre marque de discipline peut être trouvée dans l’augmentation des degrés d’inertie du solde primaire sur la période 1992-2002. Une implication des contraintes budgétaires européenne est de réduire la volatilité des soldes primaires et de conduire à des variations plus incrémentales des instruments budgétaires de la régulation conjoncturelle.
71Les résultats suggèrent également qu’en moyenne les efforts de discipline n’ont pas réduit l’évolution contra-cyclique du déficit primaire. En général, les mécanismes de stabilisation automatique expliquent en grande partie la réaction stabilisante du solde primaire par rapport à l’écart conjoncturel. Si l’ampleur des mécanismes automatiques est différente d’un pays à l’autre, il apparaît qu’en moyenne les stabilisateurs compensent l’évolution pro-cyclique des politiques discrétionnaires consacrées à la réduction de la dette.
72Ce résultat d’ensemble dissimule une asymétrie conjoncturelle dans le comportement des autorités budgétaires. La politique discrétionnaire semble ainsi corriger la dette durant les phases de reprise mais reste passive face à l’activité. Durant les ralentissements, la correction de la dette toujours significative tend à rendre la politique discrétionnaire pro-cyclique. Les stabilisateurs automatiques opèrent également de manière asymétrique au cours du cycle : l’augmentation du déficit en période de ralentissement apparaît plus faiblequesa réduction lorsdespériodes de reprise.
73Un tel profil n’est pas de nature à faire obstacle à la réalisation des critères de discipline du Pacte de stabilité. Il pose néanmoins la question de l’ampleur et de la qualité de la régulation conjoncturelle pratiquée en présence d’une règle d’équilibre. Nos estimations laissent penser que les gouvernements européens ont bel et bien adopté un comportement discipliné mais cette politique pourrait produire des effets non-standard tels qu’en témoigne le profil pro-cyclique de la politique budgétaire discrétionnaire et l’affaiblissement des stabilisateurs automatiques durant les ralentissements conjoncturels.
Annexe
liste des variables indicatrices dans les estimations du tableau 2

liste des variables indicatrices dans les estimations du tableau 2
Notes
- (*)CREM (UMR CNRS 6211 et Université de Rennes 1). E-mail : ssebastien. pommier@ univ-rennes1. fr
- (1)Une présentation synthétique de l’évolution du contexte législatif encadrant les politiques budgétaires depuis les années 1990 est exposée dans lechapitre IV des Perspectives Économiques, n° 72 : « Fiscal Sustainability : The Contribution of Fiscal Rules », publiée par l’OCDE (2002). D’autres exemples sont fournis dans Kennedy S. et Robins J. (2001) : « The Role of Fiscal Discipline in Determining Fiscal Performance », Department of Finance Working Paper, 2001-16, Canada.
- (2)OECD Best Practices for Budget Transparancy (2001) et IMF Codeon Good Practices on Fiscal Transparency (2001)
- (3)Hénin (1996) souligne également cette évolution dans l’analyse de la politique économique.
- (4)En général, ces travaux s’intéressent à l’interaction du comportement des gouvernements et de la Banque centrale. Les paramètres des fonctions de réaction indiquent les différences dans les préférences des Autorités pour la croissance, la stabilité des prix ou l’équilibre des comptes publics.
- (5)Hansen B. (1982) : « Large Sample Properties of Generalized Method of Moments E stimators », Econometrica, 50, pp. 1029-1054En ligne
- (6)Cette réaction contra-cyclique incorpore à la fois la dimension discrétionnaire et le rôle des stabilisateurs automatiques. La distinction entre ces deux composantes est analysée plus bas. Cf. infra.
- (7)Afin de vérifier que l’absence de réaction cyclique ne provenait pas d’une mauvaise spécification, nous avons également estimé les règles en remplaçant l’output gap par le taux de croissance du PIB en volume comme Créel, Latreille et Le Cacheux (2002). Les résultats n’en sont pas améliorés.
- (8)Je remercie un rapporteur anonyme en particulier pour avoir attiré mon attention sur ce point.
- (9)Van den Noord P. (2000) « The Size and Role of Automatic Fiscal Stabilizers in the 90’s and Beyond » Working Paper, 230, OCDE présente la méthode de calcul des soldes structurels par l’OCDE. Une méthode alternative pour le compte de la BCE est exposée dans Bouthevillain et alii. (2001) « Cyclically Adjusted Balances : An Alternative Approach », Working Paper, 77, BCE.
- (10)Lorsque la réponse du solde structurel à l’output gap n’est pas significative (tableau 3), la stabilisation automatique est approchée par le coefficient du tableau 2. À l’inverse, lorsque le coefficient du tableau 2 n’est pas significatif, l’ancrage mécanique du solde primaire est donné par le coefficient du tableau 3, au signe près.
- (11)La représentation de telles asymétries pays par pays a été tentée; toutefois, en raison du faible nombre de données, les résultats ont été peu probants. Wyplosz (2002) réalise également cet exercice sans conclusions fortes.
- (12)Le test a également été effectué pour l’année 1999 qui marque l’application effective du PSC sans que les résultats ne changent.