CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Nous remercions M. Araï, P. Dolton, H. Ohlsson, A. Skalli et J. Treble pour leurs commentaires et suggestions, ainsi que les participants à la Conférence de l’EALE à Aarhus et aux Journées de Microéconomie Appliquée à Québec. Enfin, nos remerciements vont aux deux rapporteurs pour leurs commentaires. Toutes les erreurs qui pourraient demeurer sont évidemment de la responsabilité des auteurs.

1Cet article analyse le choix des employeurs de fonder les primes de mérite sur la base de la performance relative. L’évaluation relative consiste à comparer les performances productives des travailleurs. Son avantage majeur est d’éliminer l’incertitude commune supportée par ces derniers. Toutefois, les primes fondées sur la performance relative incitent théoriquement les travailleurs à ne pas coopérer avec leurs collègues.

2Au moyen d’un échantillon originel de 15 859 établissements français du secteur privé en 1992, nous montrons qu’en cas de fluctuations productives et commerciales, les primes fondées sur la performance relative ont une probabilité plus importante d’être choisies. En revanche, lorsque les établissements adoptent uneorganisation du travail préconisant partagedestâches et coopération des travailleurs, elles sont moins fréquemment utilisées.

3L’analysedes pratiques de rémunération choisiespar les entreprises fait partie de la nouvelle “économie du personnel” (Lazear, 1999). Celle-ci a pour objet d’utiliser les outils de l’analyse économique à l’étude de la gestion des ressources humaines. Ce champ de recherche intègre entre autres le problème des incitations internes au moyen desquelles les employeurs motivent leurs employés, de manière à subordonner leurs intérêts individuels aux objectifs généraux de l’entreprise.

4Une littérature empirique, principalement anglo-saxonne, s’est ainsi développée, qui tente de confronter les circonstances variées dans lesquelles les entreprises choisissent d’adopter des modes d’incitation au mérite aux enseignements théoriques issus principalement de la théorie de l’agence [1].

5Dans cet article, notre objectif est d’analyser un aspect peu traité empiriquement, le choix par le dirigeant de s’appuyer sur une évaluation relative ou absolue de la performance lorsqu’il fonde la relation entre mérite et rémunération.

6L’évaluation de la performance relative consiste à comparer la performance productive entre travailleurs, ou groupes de travailleurs. Les primes versées sont alors fondées sur la performance du salarié ainsi que sur celle d’un ou de plusieurs autres travailleurs. Les tournois sont des exemples de contrats s’appuyant sur de telles comparaisons. Les travailleurs sont rangés selon leur mérite au sein d’une échelle ordinale et rémunérés avec une ou plusieurs primes définies ex ante, une promotion ou toute forme de rétribution non divisible.

7D’autres mécanismes de primes salariales s’appuient au contraire sur l’évaluation de la performance par opposition qualifiée d’absolue, c’est-à-dire que seule la performance individuelle, du groupe de travail ou de l’entreprise, fonde le mérite des travailleurs. Il s’agit par exemple des mécanismes de salaire à la pièce ou de partage du profit.

8Notre objectif est d’analyser les choix en termes d’évaluation de la performance en utilisant l’enquête 1992 sur le Coût de la Main-d’œuvre et la Structure des Salaires de l’Insee qui couvre un échantillon originel de 15859 établissements du secteur privé [2]. L’originalité de notre étude provient d’une qualité unique de ces données qui permettent en effet d’identifier explicitement lesquels des établissementsoffrentau moinsuneprime sur labase de la performance relative des employés [3]. Plus spécifiquement, nous pouvons identifier également deux autres catégories d’établissements : ceux qui ne versent aucune prime liée à la performance et ceux qui, bien qu’utilisant de tels compléments de salaire, les fondent sur la seule évaluation absolue de la performance.

9Cette catégorisation des établissements nous permet donc de rechercher, grâce à l’estimation d’un modèle logit multinomial, si les déterminants du choix de tel ou tel système de rémunération particulier sont conformes aux enseignements tirés de la théorie de l’agence. Celle-ci détaille en effet leurs avantages et inconvénients respectifs et explique donc les caractéristiques des établissements pour lesquels chaque système de rémunération constitue le choix optimal.

10Le premier avantage des systèmes de rémunération fondés sur la performance relative est leur capacité à éliminer des signaux de performance des travailleurs les termes d’incertitude commune sur lesquels leur effort n’a aucune prise. Comparer leurs productions a le double avantage de mieux révéler leur véritable contribution et de les protéger contre une variabilité incontrôlable. En outre, les mécanismes fondés sur l’évaluation relative de la performance sont flexibles, c’est-à-dire que quelles que soient les modifications de l’environnement productif ou commercial, récompenser les plus méritants des travailleurs ne nécessite pas de renégociation des termes des contrats, au contraire des modifications nécessaires des tauxdesalaire àla pièce par exemple.

11Toutefois, mettre en concurrence les travailleurs présente de graves faiblesses en présence d’interactions productives importantes. Dans les contrats fondés sur la performance relative, les travailleurs offrent un effort plus réduit quand leur performance dépend de celle de leurs collègues. En outre, ils peuvent tenter de fonder un avantage en termes de performance en “sabotant” la production de leurs collègues, ce qui a pour conséquence de diminuer la productivité totale du groupe [4]. Ces inconvénients sont particulièrement importants à considérer face au développement de pratiques d’organisation du travail innovantes. La rotation entre les emplois, dans les équipes, la coopération entre ateliers et groupes de travail, les groupes de résolution des problèmes, les méthodes de production du type “ juste-à-temps ” sont donc autant de pratiques qui posent le problème de la compatibilité des systèmes de rémunération avec la transformation des lieux de production.

12Les résultats obtenus confirment globalement la prise en compte de ces avantages et inconvénients, tout d’abord en ceci que les établissements ayant fondé leur organisation du travail sur les relations de coopération entre les employés ont une probabilité plus faible de fonder leurs primes sur une évaluation relative de la performance. En outre, notre analyse montre que les établissements dont l’environnement productif et commercial est changeant font plus probablement un choix inverse, conformément aux avantages en termes de flexibilité et de protection contre le risque de ces mécanismes d’incitation.

13La suite de cet article est organisée de la manière suivante : les enseignements théoriques justifiant l’emploi ou le rejet de l’évaluation relative de la performance et les hypothèses testables qui en découlent sont présentées dans la première partie. Dans la deuxième partie, les données ainsi que la méthodologie économétrique sont décrites. La troisième partie a pour objet la discussion des résultats, tandis que la quatrième partie considère des spécifications alternatives afin de discuter la robustesse des résultats obtenus. Enfin, la dernière partie est consacrée aux éléments de conclusion.

E nseignements théoriques et hypothèses à tester

14Cette partieestconsacréeàla présentation d’un court modèle permettant une comparaison des avantages et des coûts liés à l’utilisation de schémas d’incitation salariaux fondés sur la performance relative ou absolue des travailleurs. Nous identifierons ainsi les principales hypothèses que nous pourrons analyser empiriquement [5][6]

15On suppose deux travailleurs notés i et j de capacité productive identique. La production du travailleur i dépend génériquement de son effort ei et de celui de son collègue :

equation im1

où ? est un terme d’erreur idiosyncrasique et ? un i terme aléatoire commun aux deux travailleurs. Le premier suit une loi de distribution f ( )? et le second i une loi notée h( )?, toutes deux d’espérance nulle et parfaitement indépendantes. Nous supposons en outre que ? ? [ , / [01 2. Ce paramètre illustre la possibilité d’une interaction productive entre les deux travailleurs dès lors qu’il est strictement positif, comme dans le cas d’un travail en équipe par exemple [7].

16Les deux travailleurs ont en outre des goûts et une aversion à l’effort et au risque identiques. La fonction d’utilité de l’agent i prend la forme U U W C e i i i = ?( ( )) avec U U' , ''> <0 0 et C C', ''> 0.

17L’entreprise doit choisir un mécanisme de rémunération afin d’inciter les travailleurs à l’effort. Nous étudierons certaines propriétés de quatre types de contrats de rémunération :

  • le tournoi ordinal où deux salaires w w> sont 1 2 offerts, le premier au vainqueur du tournoi, c’est-à-dire celui des travailleurs à la production la plus élevée. La rémunération s’écrit donc :
    equation im2
  • la rémunération linéaire fondée sur la performance relative cardinale :
    equation im3
  • la rémunération linéaire fondée sur la performance individuelle
    equation im4
  • la rémunération linéaire fondée sur la performance collective :
    equation im5

18Il va de soi que d’autres formes de rémunération sont possibles, de même que des combinaisons de celles-ci, mais notre objectif est simplement d’identifier quelques traits caractéristiques de ces contrats. Le point important est ici que les deux premiers sont fondés sur la performance relative mais celle-ci diffère selon son caractère ordinal ou cardinal, tandis que les deux suivants sont fondés sur la performanceabsolue, individuelleoude groupe.

19L’entreprise devra choisir les caractéristiques de ces différents contrats de manière à imposer le niveau d’effort choisi aux travailleurs. Ce choix des salaires w w? oudu taux rest résolu par la maximisation de 1 2 l’espérance d’utilité des travailleurs sous deux contraintes. L a première est la contrainte d’incitation définissant que l’effort choisi par le salarié est bien celui désiré par l’employeur. La seconde, condition de faisabilité du contrat, impose une espérance de profit nulle, supposant un marché du produit concurrentiel

20Considérons d’abord la détermination des caractéristiques du tournoi. L a condition d’incitation est la condition du premier ordre du programme suivant :

equation im6

Sous l’hypothèse que la différence ? ?? suive une i j loi de distribution unimodale et symétrique, et sachant qu’à l’équilibre de Nash les deux joueurs choisissent le même effort, cette condition s’écrit :
equation im7

La condition de faisabilité équivalente à un profit nul est :
equation im8

Dès lors, le choix des deux salaires se fait en maximisant l’espérance d’utilité du travailleur sous ces deux contraintes. Afin de faire apparaître les solutions de ce programme, il convient de réaliser une approximation de la fonction objectif et de la contrainte d’incitation au moyen d’un développement limité à l’ordre 2 au voisinage de la différence entre l’espérance de salaire et le coût de l’effort, soit ici ( ) / ( )w w c ei1 2 2+ ?. Après calculs, nous obtenons :
equation im9

si g est une loi normale et ? mesure le degré d’aversion absolue pour le risque.

21Cette condition permet de déterminer implicitement le niveau de l’effort et de déterminer la distance de celui-ci à l’optimum de premier rang caractérisé par l’égalité entre coût et productivité marginale, c’est-à-direC e P'( ) =. Il est intéressant de constater à ce stade que l’effort choisi par les travailleurs ne dépend pas du terme d’erreur commun qui a été gommé par la comparaison. Les travailleurs se trouvent ainsi naturellement protégés par la comparaison réalisée. À partir de cette forme d’expression, obtenue pour les quatre modes de rémunération décrits ci-dessus, nous pouvons prétendre à une comparaison des niveaux d’effort optimaux et de l’efficacité des formes de contrat.

22Dans le cas du contrat fondé sur la performance relative cardinale, la condition d’incitation est la condition du premier ordre du programme suivant :

equation im10

Cette condition se réduit donc à :
equation im11

tandis que la condition de faisabilité provient de l’espérance de profit nulle :
equation im12

Le choix du couple (I, r) est comme ci-dessus la solution de la maximisation de l’espérance d’utilité du travailleur sous ces deux contraintes. Comme précédemment, il est nécessaire de réaliser un développement limité à l’ordre 2 de la dérivée de la fonction objectif au voisinage de la différence entre l’espérance de salaire et le coût de l’effort. Nous obtenonsfinalement le pendant del’expression(1) :
equation im13

Comme dans le cas du contrat de tournoi, nous pouvons constater que l’optimum du premier rang n’est pas atteint mais que l’effort optimal du travailleur n’est pas influencé par la réalisation du risque commun supporté.

23Selon les mêmes principes de détermination, les conditions définissant l’effort optimal dans le contrat fondé sur la performance individuelle et le contrat fondé sur la performance de groupe sont respectivement les suivantes :

equation im14

Contrairement aux deux contrats fondés sur la performance relative, e l’effort optimal du PI travailleur dans un contrat fondé sur la performance individuelle s’éloigne d’autant plus de l’optimum du premier rang que le risque commun est élevé. Tel est également le cas de eG l’effort optimal du travailleur dans un contrat fondé sur la performance de groupe qui est en outre insensible au degré d’interaction productive, ce parce que son influence est neutralisée par le fait que la somme des performances est récompensée.

24La comparaison des quatre expressions définissant implicitement l’effort optimal permet d’exhiber deux propriétés-clés des contrats fondés sur la performance absolue et relative.

25La première concerne l’intérêt de la comparaison des performances des travailleurs en cas d’incertitude commune. Comme nous l’avons écrit au-dessus, le risque commun laisse inchangé l’effort des travailleurs évalués selon la performance relative, alors qu’il diminue l’effort des travailleurs évalués selon la performance absolue. Il apparaît donc que pour une valeur élevée du risque commun comparativement à celle du risque individuel, les contrats fondés sur la performance relative s’approchent plus de l’effort de premier rang.

26Plus précisément, si

equation im15

alors le contrat fondé sur la performance relative cardinale domineles deux types decontratfondéssur la performance absolue. En l’absence d’interaction productive, cette condition se réduit à la supériorité du risque commun sur le risque individuel. Intuitivement, cette propriété provient de ce que la comparaison des performances soumet le travailleur au risque subi par son collègue mais dans le même temps le met à l’abri durisque partagé. La conclusion empirique en est que les contrats fondés sur la performance relative devraient être plus fréquents lorsque les travailleurs sont soumis à une incertitude commune importante [8].

27De telles situations ne sont pas rares : par exemple, les représentants d’une même entreprise doivent tous supporter une incertitude commune quant à la qualité du produit vendu ou sur les chocs économiques qui affectent le revenu de leurs clients potentiels. De même, le dirigeant d’une entreprise partage avec ses concurrents une incertitude sur les chocs affectant la demande globale. Murphy (1999) rappelle que le cabinet de conseil en rémunération américain Towers et Perrin rapporte l’existence de contrats de rémunérations fondés sur la performance relative des dirigeants dans 21% des plus grandes entreprises de l’industrie, 42% de celles du commerce et 57% du secteur financier et des services [9].

28En outre, la flexibilité temporelle est une qualité intrinsèque des contrats fondés sur la performance relative. L e point à considérer est que des environnements changeants de production requièrent en principe une modification adéquate des systèmes d’incitation. Parce que les contrats de travail sont par nature incomplets, le processus d’adaptation aux nouvelles conditions productives est porteur de coûts de transaction associés à la négociation d’un nouveau système incitatif. La modification d’un système de salaire à la pièce est un exemple bien connu de tels coûts. Comme l’ont noté Nalebuff et Stiglitz (1983), une des propriétés des contrats fondés sur la performance relative est de permettre aux incitations de s’ajuster naturellement aux changements environnementaux. En effet, lorsque les conditions de production sont modifiées, la probabilité d’être le travailleur le plus performant demeure inchangée. De même, rémunérer les travailleurs sur le critère de leur rang de performance implique que les montants des primes salariales sont fixés préalablement et échappent aux variations d’activité. Il suffit de considérer les contraintes de faisabilité des deux contrats fondés sur la performance relative pour constater l’invariance des coûts salariaux avec ?. En revanche, lorsque les primes sont fondées sur la réalisation d’objectifs absolus, l’expansion de la masse salariale devient plus difficile à contrôler.

29Nous pouvons donc d’abord déduire des deux propriétés de protection contre le risque commun et de flexibilité temporelle que les entreprises dont les conditions de production sont changeantes, ou qui subissent des variations d’activité fréquentes, devraient être plus enclines à introduire des incitations salariales au moins pour partie fondées sur une évaluation relative de la performance.

30Toutefois, contrebalançant ces avantages, coexistent de graves défauts des modes d’incitation fondés sur la performance relative, liés aux interactions productives possibles entre les travailleurs.

31Un simple exercice de statique comparative sur les expressions des efforts implicites permet d’illustrer les inconvénients de l’interaction productive dans le cas des contrats fondés sur la performance relative. En effet, plus l’interaction productive augmente (plus ? est grand), plus l’effort diminue dans les contrats fondés sur la performance relative ordinale comme cardinale. Il diminue également dans le contrat fondé sur la performance absolue individuelle mais pas dans celui fondé sur celle du groupe.

32Intuitivement, à mesure que les externalités de production augmentent, les travailleurs sont moins responsables de leur performance et supportent alors une incertitude incontrôlable. Les mécanismes de rémunérations qui comparent les productions des travailleurs ainsi que ceux fondés sur leur performance absolue individuelle réduisent alors leur bien-être. Drago et Turnbull (1988) ont ainsi analysé ces situations d’externalités montrant la baisse de l’effort dans un tournoi à moins de compenser ce risque par une augmentation des primes. À cette éventualité plus coûteuse, le principal peut alors préférer des contrats optimaux fondés sur la performance absolue de groupe, les interactions se compensant parfaitement. Ce résultat est également illustré par le fait que la condition (5) qui conditionne la préférence pour les contrats fondés sur la performance relative en cas d’incertitude commune est d’autant plus difficile à réaliser que l’interaction productive est grande.

33L’interaction productive peut conduire à des situations encore plus problématiques pour l’employeur. En effet, lorsque les travailleurs ont également la latitude d’affecter la performance de leurs collègues par une aide quelconque, indépendante de leur propre effort productif personnel, la forme du contrat choisi, comme l’environnement productif, influe sur leur intérêt à exercer cette coopération. Afin d’illustrer ce point, supposons que la production individuelle du travailleur s’exprime désormais de la manière suivante :
q e e i iP jC i = + + +? ? ? ? avec ? >0 et où eiP et ejC mesurent respectivement l’effort personnel du travailleur i à sa production et l’effort de coopération du travailleur j à celle-ci. Les coûts de ces deux formes d’effort sont supposés séparables, représentés par la somme de deux fonctions strictement convexes C eiP1 ( ) et C eiC2 ( ). En se contraignant au choix d’efforts personnel et de coopération non négatifs [10], nous pouvons montrer à l’analyse des conditions d’incitation que la coopération ne peut naître dans des systèmes de rémunération où les travailleurs sont comparés. Considérant la maximisation de l’espérance d’utilité par le travailleur i, les conditions exprimant le choix de l’effort coopératif dans les formes de rémunération sont les suivantes :

equation im16

Dans cet environnement où les travailleurs sont supposés choisir leurs efforts de manière non coopérative, ces conditions montrent que seul le schéma de rémunération fondé sur la performance du groupe engendre la coopération productive. En effet, dans le cas de la performance relative, l’aide profite uniquement au collègue et diminue le gain salarial, tandis que pour une prime fondée sur la performance individuelle absolue cet effort est coûteux sans influer la rémunération.

34En revanche, si l’on suppose que les travailleurs peuvent négocier, et faire respecter, une réciprocité sur les efforts proposés, un système fondé sur la performance individuelle absolue engendrera une forme de coopération, ce qui ne sera jamais le cas des mécanismes fondés sur la performance relative [11]. Ainsi, en supposant le respect de la condition suivante exprimant la parfaite réciprocité de l’aide, de de iC jC =, les quatre conditions ci-dessus sont modifiées comme suit :

equation im17

Aussi, les primes fondées sur la performance individuelle absolue ne sont pas incompatibles avec l’aide que peuvent s’apporter les travailleurs dès lors que ceux-ci trouvent à communiquer et à faire respecter leurs engagements respectifs. Coutrot (1994) note ainsi que les entreprises ont développé conjointement des innovations organisationnelles nécessitant la coopération des employés, les structures participatives favorisant la communication et les mécanismes d’incitation salariaux.

35Plus généralement, ces résultats s’inscrivent dans l’appréhension de la nécessaire cohérence que toute entreprise doit instaurer entre son mode de production, d’organisation du travail et sa politique de ressources humaines au sens large. Ainsi, Holmstrom et Milgrom (1994) envisagent l’entreprise comme un système d’incitation et affirment que les mécanismes de rémunération doivent varier en fonction des évolutions des modes d’organisation etde contrôledutravailouducontenu des emplois.

36De ce fait, nous pouvons déduire des faiblesses de l’évaluation relative de la performance que les entreprises qui instaurent de nouvelles méthodes de production comme la rotation entre les emplois, au sein ou entre les équipes de travail, la coopération entre les travailleurs..., devraient préférer réfuter l’utilisation de schémas de rémunération où la comparaison entre les travailleurs serait trop présente dans la détermination des mérites.

37Les indicateurs de l’organisation du travail nous serviront donc à expliquer les choix en termes de primes. Pour ce faire, nous devons néanmoins admettre, à l’instar des autres études empiriques sur les modes de rémunérations des entreprises, que ces décisions sont prises postérieurement ou comme conséquence des choix productif ou organisationnel. Ainsi, McLeod et Parent (1999) motivent cette hypothèse car les modes de rémunération sont intrinsèquement plus flexibles et modifiables que les règles d’organisation du travail, qui sont comme le facteur capital plus rigides dans le court terme. Autre justification, historique celle-là, la mise en place du modèle productif fordiste montre que c’est après avoir perfectionné l’organisation du travail inspirée des principes tayloriens et intégré l’innovation technique de la chaîne de montage qu’Henry Ford choisit finalement d’instaurer le “ five dollar pay ” comme dernière pierre, assurant la cohérence globale du système (Dockès, 1993).

Méthodologie économétrique et description des données

Méthodologie et hypothèses économétriques

38Nos données permettent de définir trois politiques possibles [12] :

  • j = 1 lorsqu’aucune prime de performance n’est mise en place;
  • j = 2 lorsqu’au moins une des primes de performance est fondée sur une évaluation relative de la performance (éventuellement en association avec des primes fondées également sur la performance absolue);
  • j = 3 lorsque les primes de performance ne sont fondées que sur la performance absolue.

39Soit ? ? µX= +, où ? est le profit aléatoire de ij j jij l’établissement i lorsqu’il choisit la jème politique, X est un (1 ? k) vecteur de variables relatives à l’organisation du travail, à la politique salariale et à l’évolution de la production,? est un (k ? 1) vecteur j de coefficients inconnus, et µ, est un terme j aléatoire capturant les erreurs de perception et d’optimisation du preneur de décision. Nous supposons explicitement que les entreprises choisissent rationnellement leurs schémas d’incitation salariaux de manière à maximiser leurs profits anticipés [13].

40Nous définissons donc une variable indicatrice telle que D =1 si ? ? ? ?= max( ), 0 sinon, où i = ij ij i i i1 2 3 1,..., n; j = 1,2,3. Ainsi, D prend la valeur 1 lorsque i3 l’adoption des seules primes de performance fondées sur la performance absolue implique le plus fort profit espéré pour l’entreprise i.

41Lorsque le terme aléatoire µ est supposé distribué j selon une loi de Gompertz, la probabilité que la ième entreprise fasse le choix de la politique j peut être écrite comme une fonction multinomial logit[14].

equation im18

42Alors le logarithme naturel de la probabilité de choisir la politique j relativement à la première s’écrit :

equation im19

où ? représente le vecteur des effets marginaux des j1 variables explicatives sur le logarithme naturel de la probabilité de choisir la politique j relativement à la politique 1.

43Les hypothèses économétriques nécessaires pour la validité de notre modèle sont restrictives mais bien connues. Cette spécification requiert entre autres que les probabilités relatives de choix entre deux politiques ne soient pas affectées par l’introduction d’une alternative supplémentaire. Cette hypothèse dite d’indépendance des alternatives non pertinentes (IIA) peut être vérifiée au moyen du test d’Hausman et McFadden (1984).

Description des données et présentation des variables utilisées

La catégorisation des établissements selon le questionnaire de l’Insee

44Les données utilisées proviennent de l’enquête “Coûts de la main-d’œuvre et Structure des Salaires 1992" de l’Insee. L’échantillon étudié contient 15 859 établissements français du secteur privé non agricole. Les employeurs interrogés ont fourni une information à la fois qualitative et quantitative sur la composition de la force de travail, le coût du facteur travail, les pratiques de rémunération, de gestion des ressources humaines ainsi que sur la position de l’entreprise sur le marché du produit et son organisation productive [15].

45La variable dépendante de notre modèle, c’est-à-dire la politique en termes de primessalariales choisie par l’établissement, a été construite en rapprochant les réponses à deux parties du questionnaire.

46Les dirigeants étaient d’abord interrogés sur l’existence et le nombre de compléments de salaire liés à la performance, que celle-ci soit individuelle, de groupe ou au niveau de l’entreprise. En l’absence de telles primes, nous avons constitué la première catégorie de notre variable dépendante avec les établissements qui ne versent aucune rémunération ponctuelle liée à une quelconque mesure de la performance.

47Plus avant dans le questionnaire, l’enquête les interrogeait sur l’existence de primes individuelles fondées sur la performance relative des salariés. Nous avons fait l’hypothèse que les primes mentionnées dans cette seconde question faisaient référence aux primes de performance considérées au-dessus. Ainsi, une réponse positive à cette seconde question nous a permis de définir notre seconde catégorie, c’est-à-dire les établissements dont au moins une des primes est fondée sur la performance relative. Enfin, en cas de réponse négative à cette seconde question, nous avons défini la dernière politique possible comme celle où les établissements fondent leurs primes salariales sur la seule performance absolue [16].

48Cette méthode de construction fait apparaître un ensemble de réponses incohérentes, c’est-à-dire d’établissements déclarant ne pas verser de compléments de salaire tout en affirmant plus loin fonder les primes sur la performance relative. Après avoir éliminé les établissements dont les réponses étaient trop incomplètes, 71 unités, ou incohérentes, 1263 unités (soit un peu moinsde 8% del’échantillon initial), l’échantillon d’étude contient 14525 observations.

49Il est assez équitablement réparti entre les trois alternatives de politique de rémunération : 4 691 établissements ne donnent aucune prime de performance, 5 010 fondent au moins une de leurs primes sur l’évaluation relative de la performance et 4 824 offrent des primes uniquement variables avec la performance absolue [17].

Les variables explicatives des choix des formes de primes

50La définition des variables explicatives est donnée dans le tableau 1 et leurs moyennes sont présentées, pour l’échantillon dans sa totalité et pour les trois catégories d’établissements, à la partie B del’annexe statistique [18]. Le choix de ces variables est principalement issu de la discussion des avantages et défauts des contrats fondés sur la performance relative. Toutefois, certaines ont été sélectionnées pour expliquer l’adoption des primes de performance. Ainsi, le statut des variables explicatives est double, certaines cherchent à discriminer plus particulièrement le choix entre évaluation relative ou absolue de la performance, tandis que d’autres expliquent d’abord l’adoption de primes.

Tableau 1:

variables explicatives de l’adoption des différentes formes de primes

Tableau 1:
Tableau 1: variables explicatives de l’adoption des différentes formes de primes ETENDUE DU CONTRÔLE : TAILLE mesure l’effectif de l’établissement; CONTSYS variable indicatrice égale à 1 lorsque le contrôle de la performance des travailleurs d’exécution est systématique; CONTOC variable indicatrice égale à 1 lorsque le contrôle de la performance des travailleurs d’exécution est occasionnel; SUPERVISEUR variable indicatrice égale à 1 lorsque l’avis du superviseur est fortement sollicité quant aux choix de promotion ou de formation. ORGANISATION : ROTATION 1 variable indicatrice égale à 1 lorsque la rotation individuelle entre les emplois intervient dans certaines équipes de travail; ROTATION 2 variable indicatrice égale à 1 lorsque la rotation individuelle entre les emplois intervient dans la majorité des équipes de travail; POLYVALENCE variable indicatrice égale à 1 lorsque des travailleurs polyvalents exercent différents postes hors de l’organisation en équipes; COOPERATION variable indicatrice égale à 1 lorsque la coopération directe entre salariés de différents services est encouragée; GLOBAL variable indicatrice égale à 1 lorsque le contenu du travail est défini plutôt par des objectifs globaux à accomplir, plutôt que comme un ensemble de tâches prescrites; INCIDENT variable indicatrice égale à 1 lorsque le salarié peut intervenir directement lors d’un incident interrompant la production, plutôt que d’en référer systématiquement à la hiérarchie. ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL : PRIX variable indicatrice égale à 1 lorsque le prix du produit est le principal facteur de compétitivité; QUALITE variable indicatrice égale à 1 lorsque la qualité du produit est le principal facteur de compétitivité; CLIENT variable indicatrice égale à 1 lorsque les besoins particuliers des clients sont le principal facteur de compétitivité; PRODUCTION variable indicatrice égale à 1 lorsque le volume de productions’est accru durant les cinq dernières années; CHOC variable indicatrice égale à 1 lorsque la production a été affectée par un ou plusieurs chocs à la baisse en 1992. INDICATEURS DE POLITIQUE SALARIALE : POLITIQUE variable indicatrice égale à 1 lorsque l’établissement revendique une politique salariale explicite; SALARIALE MINCOUTS variable indicatrice égale à 1 lorsque la minimisation des coûts de production est le but principal de la fixationdes salaires; SELECT variable indicatrice égale à 1 lorsque la sélection et la fidélisation des travailleurs compétents est le but principal de la fixation des salaires; MOTIV variable indicatrice égale à 1 lorsque la motivation de l’ensemble de la force de travail est le but principal de la fixation des salaires.

variables explicatives de l’adoption des différentes formes de primes

51Ces variables explicatives ont été groupées en quatre catégories : la première rend compte de l’aspect contrôle de l’effort, la deuxième de l’organisation du travail et du degré d’interaction productive entre les travailleurs, la troisième fait référence au positionnement de l’entreprise sur le marché du produit et à l’évolution de son activité, la quatrième, enfin, aux caractéristiques de la politique salariale.

52En présence d’aléa moral, la présence de primes de performance se justifie théoriquement par leur plus faible coût d’utilisation en comparaison d’un contrôle direct de l’effort de la main-d’œuvre. Au contraire, en l’absence de difficultés de contrôle, les employeurs devraient rémunérer chaque travailleur à sa productivité marginale. Il convient donc de choisir des indicateurs qui vont évaluer directement ou indirectement de telles difficultés.

53Les quatre premières variables d’organisation permettent de prendre en compte cet aspect : TAILLE mesure les effectifs de l’établissement ; SUPERVISEUR sert à identifier l’existence de tâches d’évaluation dévolues aux supérieurs hiérarchiques ; CONTSYS et CONTOCC sont des variables indicatrices identifiant l’existence d’un contrôle respectivement systématique ou occasionnel des performances des personnels d’exécution.

54La mesure des effectifs de l’établissement devrait avoir un effet positif sur la probabilité d’offrir des primes de performance. En effet, toutes choses égales par ailleurs, il devient plus difficile de contrôler l’effort des travailleurs à mesure que la taille de l’établissement croît, augmentant ainsi la probabilité de l’instauration de primes de performance. E n outre, les grandes unités productives peuvent créer et faire fonctionner les mécanismes d’enregistrement de la performance pour un coût fixe moyen plus réduit. Un tel effet positif a été enregistré dans plusieurs études aux États-Unis, en Australie et en Grande Bretagne (Brown, 1990; Drago et Heywood, 1995; Heywood et alii, 1997).

55La variable SUPERVISEUR est utilisée afin de contrôler l’étendue de l’évaluation de la performance de la main-d’œuvre par la hiérarchie. D’après l’intitulé du questionnaire (voir tableau 1), cette variable ne mesure pas la supervision hiérarchique de l’exécution des tâches mais le recours à l’opinion de l’encadrement quant au mérite des employés.

56Il convient en effet de contrôler le coût de l’évaluation de la performance. Ainsi, l’alternative proposée par la théorie de l’agence entre supervision de la main-d’œuvre et utilisation de primes de performance repose évidemment sur la double hypothèse que le travailleur peut influer sur sa performance et que celle-ci est mesurable à un coût raisonnable. La variable SUPERVISEUR comme les deux variables CONTSYS et CONTOCC sont donc utilisées afin de contrôler l’étendue de l’évaluation de la performance. L’existence d’un contrôle de la performance, d’autant plus s’il est systématique plutôt qu’occasionnel, devrait être corrélée avec l’instauration de primes fondées sur la production.

57Au sein du second groupe de variables considérant l’organisation du travail dans l’entreprise, INCIDENTet GLOBAL ont pour objet de mesurer le contenu des emplois dans l’établissement. En effet, l’indépendance vis-à-vis de la hiérarchie, l’autonomie de décision, la délégation d’autorité laissent une latitude aux travailleurs dans leur choix d’effort qui peut conduire à des comportements opportunistes. Selon Holmstrom et Milgrom (1994), l’étendue des prescriptions sur le comportement des travailleurs, leur liberté vis-à-vis du contrôle direct et les systèmes de rémunération incitatifs sont des outils complémentaires de gestion de la motivation. Ils montrent ainsi que les emplois devraient contenir à la fois une forte autonomie et un recours étendu aux systèmes salariaux d’incitation ou au contraire un contrôle serré et de faibles incitations. McLeod et Parent (1999) confirment l’association entre autonomie etutilisation deprimes deperformance.

58La variable INCIDENT mesure l’indépendance de l’exécution par rapport à la hiérarchie dans la gestion des incidents tandis que la variable organisationnelle GLOBAL évalue si les emplois sont en majorité prescrits ou simplement définis par un objectif à atteindre. Cette liberté de moyens afin de réaliser un objectif peut justifier de fonder une prime de réalisation explicite.

59Toutefois, Holmstrom et Milgrom (1991) ont expliqué le risque de mauvaise allocation du temps de travail lorsque le signal de performance utilisé ne reflète pas l’ensemble des tâches à réaliser. Il deviendrait alors optimal de ne pas utiliser de primes de performance plutôt que de déséquilibrer les efforts par des incitations mal choisies. L’effet attendu sur les choix de modes de rémunération de l’introduction de ces deux variables, qui peuvent également mesurer la multiplicité des tâches, nous semble donc ambigu.

60L es quatre variables suivantes permettent principalement d’évaluer le degré de complémentarité entre les travailleurs et les risques de non-coopération qui peuvent en découler lorsqu’ils sont mis en concurrence. Les deux premières variables qualitatives ROTATION1 et ROTATION2 mesurent l’existence de rotation entre les postes dans, respectivement, quelques ou la majorité des équipes de travail. Les variables POLYVALENCE et COOPÉRATION quant à elles sont destinées à évaluer l’existence d’échange et de coopération entre les travailleurs, hors du système par équipe.

61Une valeur positive de ces différentes indicatrices indique à des degrés divers que l’établissement a organisé ses méthodes de travail d’une manière qui nécessite de la part des travailleurs coopération et échange des savoirs productifs. Ces variables sont donc centrales dans notre analyse afin de mesurer si l’interaction productive entre travailleurs limite effectivement le recours à l’évaluation relative de la performance.

62Ensuite, le troisième groupe de variables utilisé considère l’activité commerciale de l’établissement. Ces variables ne sont en général que rarement prises en considération dans les études sur l’adoption de systèmes d’incitation. Toutefois, nous pensons qu’elles peuvent avoirun effet à la foissur l’adoption de primes salariales et sur le choix entre performance relative et absolue.

63Tout d’abord, nous considérons les trois variables PRIX, QUALITÉ et CLIENT de manière à prendre en compte des facteurs de compétitivité des établissements. Toutefois, l’influence présumée de ces variables sur la nature des choix de politique salariale est quelque peu ambiguë. En effet, lorsque la concurrence par les prix est primordiale, l’établissement est enclin à contrôler l’évolution globale de sa masse salariale grâce à des primes de performance ponctuelles plutôt qu’au moyen de hausses de salaire difficilement réversibles. Quand, au contraire, le succès de la politique commerciale est dépendant de la qualité du produit ou de la capacité à répondre aux besoins spécifiques des clients, les entreprises doivent tenter d’inciter les travailleurs à poursuivre l’objectif imposé par le marché. Pour ce faire, réfuter les mécanismes de salaire à la pièce qui peuvent inciter les travailleurs à privilégier la recherche de la quantité au profit de primes fondées sur la performance globale de l’entreprise apparaît raisonnable. Ainsi, puisque notre variable endogène ne distingue pas les différentes formes de primes de performance, il est difficile d’anticiper l’effet de ces deux dernières variables sur les probabilités relatives d’adoption de primes. Toutefois, en dépit de cette incertitude, nous avons considéré que l’importance probable de ces critères nécessitait de les contrôler dans notre estimation.

64La variable CLIENT devrait néanmoins discriminer le choix entre évaluation relative ou absolue de la performance. En effet, suivre les besoins de la clientèle nécessite un mode de production flexible, réactif. Innovations technologiques, de produit oude gamme, en réponse aux évolutions de la demande sont autant d’exemples de situations où la nature et la difficulté des tâches productives se modifient. Ainsi, un environnement changeant justifierait le fait de comparer les performances des travailleurs sur une base ordinale car permettant la pérennité de l’efficacité du mécanisme incitatif dans le temps.

65Enfin, nous avons inclus dans notre modèle des variables qui capturent les conditions changeantes sur le marché du produit. L es problèmes d’incertitude commune à tous les employés sont pris en compte grâce aux variables CHOC et PRODUCTION. La première mesure l’existence de chocs sur l’évolution de la demande sur le marché du produit, tandis que la seconde mesure la croissance de la production globale. Dans les deux cas, les enseignements théoriques préconisent l’adoption de mécanismes fondés sur la performance relative. Par exemple, lorsqu’un secteur d’activité est frappé par une décroissance de son activité, les meilleurs dirigeants qui ont réussi à maintenir le succès de leurs établissements sont protégés contre des pertes de revenu lorsqu’ils sont récompensés sur la base de leur succès relatif. Le même argument s’applique également pour les plus efficaces des unités productives au sein d’entreprises multiétablissements. En outre, lorsque la demande croît rapidement, les modes d’incitation fondés sur la performance relative apparaissent comme un moyen efficace de récompenser effectivement les meilleurs travailleurs sans toutefois perdre le contrôle de l’évolution de leurs coûts salariaux ou sans avoir recours à une révision des termes des contrats.

66Enfin, nous avons introduit un dernier groupe de variables permettant de contrôler les objectifs de l’employeur en termes de politique salariale. Nous supposons ainsi que les objectifs poursuivis peuvent expliquer les formes de rémunération choisies. Toutefois, nous ne mesurons pas l’existence de modes de rémunération alternatifs ou complémentaires des primes de performancecomme les promotions, décisions endogènes au même titre que le choix des primes.

67Ainsi, la variable POLITIQUE SALARIALE est un indicateur de l’existence d’une politique explicite de fixation des salaires par l’établissement, tandis que les variables MINCOUTS, SELECT et MOTIV contrôlent les objectifs éventuels de celles-ci, c’est-à-dire respectivement la minimisation des coûts de production, la sélection et la fidélisation de la main-d’oeuvre et enfin sa motivation.

68Les dernières variablesutilisées sont desindicatrices des secteurs d’activité des établissements regroupés en 12 catégories correspondant à la NAP 15 à l’exception des secteurs public et agricole. Elles permettent de contrôler les effets non mesurés de l’organisation productive et de l’évolution de l’activité.

Résultats et commentaires

69Nous avons estimé simultanément les effets des quatre groupes de variables explicatives détaillées ci-dessus, mais nous avons choisi de présenter les résultats en cinq sous-tableaux (tableaux 2A à 2E) afin de faciliter la lecture des résultats [19]. Les coefficients reportés dans les deux premières colonnes mesurent les effets des variables explicatives sur lelogarithme naturel du rapportde la probabilité d’adopter telle forme de primes de performance relative à la probabilité de ne pas adopter de primes de performance. Dans la troisième colonne, les résultats présentés proviennent de la même spécification mais la catégorie “absolue” est maintenant utilisée comme référence [20].

70Les résultats concernant l’effet des variables mesurant le contrôle de la main-d’oeuvre sont globalement cohérents avec les prédictions théoriques. La variable TAILLE a ainsi un effet positif et significatif sur l’adoption des deux catégories de primes de performance. En particulier, parce que nous avons contrôlé le degré d’évaluation de la performance pour les travailleurs d’exécution, ce résultat confirme l’hypothèse d’économies d’échelle dans la mise en place de systèmes de primes. De plus, comme attendu, le recours à l’avis du supérieur hiérarchique et l’existence d’un contrôle de la performance des travailleurs d’exécution augmentent significativement la probabilité d’adoption de primes de performance.

71Plus difficile à expliquer est le résultat selon lequel plus la taille des établissements estréduite, plus est forte la probabilité d’adopter des primes liées à la performance relative en comparaison des seules primes liées à la performance absolue. Deux arguments plaident en effet pour une relation inverse. Tout d’abord, il est possible que le coût de l’enregistrement du rang de performance soit moindre dans une grande entreprise que la mesure de la production de tous. De surcroît, si la récompense est fondée sur la comparaison entre la performance individuelle et celle d’un groupe de référence, son contenu informatif est d’autant plus grand que le groupe inclut un nombre important de travailleurs et donc moins de bruit statistique. Néanmoins, il faut noter que l’effectif de l’établissement ne permet pas d’évaluer le nombre de travailleurs qui sont effectivement mis en concurrence.

Tableau 2

modèle Multinomial Logit : probabilité d’adoption des systèmes de paiement à la performance dans les établissements français en 1992 (n = 14 525)

Tableau 2
Tableau 2 : modèle Multinomial Logit : probabilité d’adoption des systèmes de paiement à la performance dans les établissements français en 1992 (n = 14 525) Bonus liés à la performance Bonus liés à la seule Bonus liés à la performance relative ou absolue performance absolue relative ou absolue *** TAILLE 0,000346***(3,965) 0,000468***(5,504) -0,000122(2,965) 1,287*** 0,506*** 0,781*** A. Indicateurs du contrôle CONTSYST (19,83) (8,46) (12,205) de la main-d’œuvre* CONTOCC 0,999***(15,843) 0,443***(7,867) 0,556**(8,833) * SUPERVISEUR 0,570***(11,587) 0,418***(8,469) 0,153**(3,344) ROTATION1 0,007(0,073) -0,084(0,922) 0,091(1,197) * ROTATION2 0,039(0,378) 0,211**(2,118) -0,172*(2,213) * POLYVALENCE 0,145**(2,484) 0,270***(4,741) -0,125*(2,513) B. Organisation du travail COOPERATION 0,228***(4,407) 0,303***(5,977) -0,075(1,596) INCIDENT 0,057(1,15) -0,001(0,025) 0,058(1,264) GLOBAL 0,039(0,714) -0,025(0,458) 0,064(1,287) * POLITIQUE SALARIALE 0,816***(12,177) 0,495***(7,157) 0,321**(6,211) MINCOUTS 0,303***(4,832) 0,191***(3,648) 0,112(1,385) C. Politique salariale * SELECT 0,373***(6,439) -0,043(0,711) 0,416**(7,926) MOTIV 0,405***(6,76) 0,297***(5,679) 0,108(1,367) PRIX 0,172***(3,252) 0,212***(4,099) -0,04(0,849) QUALITE 0,212***(4,36) 0,127***(2,704) 0,085*(1,885) D. Environnement sur lemarché du produit CLIENT 0,061(1,135) -0,03(0,571) 0,091*(1,886) * PRODUCTION 0,601***(12,79) 0,330***(7,121) 0,271**(6,406) * CHOC 0,292***(5,884) 0,071(1,453) 0,221**(4,942)

modèle Multinomial Logit : probabilité d’adoption des systèmes de paiement à la performance dans les établissements français en 1992 (n = 14 525)

tableau im22
I.A.A. -0,147-0,518*** 0,371*** (0,839) (3,174) (2,466) Énergie 1,570*** 1,638*** -0,068 (3,697) (3,984) (0,355) Biens Intermédiaires 0,309** 0,165 0,144 (1,987) (1,132) (1,264) Biens de consommation courante 0,146-0,174 0,320*** (1,024) (1,302) (2,832) B.T.P. 0,548*** -0,652*** 1,200*** (3,958) (4,702) (10,108) * E. Secteurs d’activité Commerce 0,554***(4,386) 0,068(0,577) 0,486**(5,017) Transports et Télécommunication 0,629*** 0,348*** 0,281*** (4,411) (2,607) (2,616) Services marchands-0,371*** -0,932*** 0,561*** (3,162) (8,475) (6,129) Immobilier 0,113-0,583** 0,696*** (0,428) (2,242) (2,825) Assurances-0,736*** -1,294*** 0,558*** (3,885) (6,99) (3,01) Organismes financiers 1,896*** 1,125*** 0,771*** (7,71) (4,601) (5,989) Constante-2,316*** -0,768*** -1,549*** (17,26) (6,328) (13,803) Log Vraisemblance-14080,163 ?2 3743,77*** (*) signifie p? 0,10, ** p? 0,05, et *** p? 0,01. Les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à la classe des entreprises n’offrant pas de primes de performance. La troisième colonne est ici présentée afin de faire apparaître l’effet des variablessur la probabilité de choix de primes fondées sur la performance relative en comparaison de celles fondées sur la performance absolue.

72L’explication provient peut-être de ce que la taille des unités productives révèle des choix qui ne sont pas contrôlés. Ainsi, dans une étude sur un sous-échantillon des établissements considérés ici, l’enquête Réponse du Ministère du Travail, Arai et alii (1998) ont montré que les grands établissements utilisaient plus fréquemment des systèmes de participation ou des techniques de production tels que le juste-à-temps ou la réduction des délais, méthodes d’organisation qui nécessitent un minimum d’échanges d’information entre travailleurs et donc contraire à l’idée decomparaison entre les travailleurs. De même, Greenan (1996) a montré que les grands établissements industriels ont privilégié le modèle de l’entreprise flexible. En outre, l’observation de comportements non coopératifs, voire de sabotage sont peut-être plus aisés à contrôler dans les unités de taille réduite, que cecontrôle soit hiérarchiqueoueffectuépar les pairs. Les effets mesurés ici relèveraient alors de la problématique de l’influence des problèmes d’interaction entre travailleurs sur les choix salariaux.

73L’estimationdumodèleindique également quelefait de requérir l’opinion du SUPERVISEUR est une caractéristique des établissements ayant adopté des primes de performance relative. L a seule interprétation que nous trouvons à cet effet est liée au coût de l’information ordinale. Dès lors que l’employeur requiert l’opinion d’un supérieur hiérarchique sur les décisions de formation ou de promotion, cela signifie que celui-ci est amené à classer les travailleurs par ordre de mérite. Cette variable révèlerait donc l’utilisation d’une information ordinale sur les mérites des travailleurs et serait un indice de faisabilité de primes de performancefondéessurlaperformancerelative [21].

74De même, les résultats concernant le groupe de variables mesurant l’organisation du travail et le degré d’interaction entre les travailleurs dans le processus de production nous semblent en accord avec les enseignements théoriques. Ainsi, lorsque les établissements ont choisi d’organiser une rotation sur les emplois à l’intérieur de la majorité des équipes de travail, ils sont significativement moins enclins à mettre en place des primes fondées sur la performance relative des travailleurs plutôt que sur leur performance absolue. Cette relation apparaît significative lorsque la rotation entre les emplois est encouragée pour la majorité des équipes, la réticence à adopter des systèmes de rémunération qui engendrent une comparaison explicite entre les travailleurs ne semblant effective que lorsqu’une proportion significative de travailleurs sont amenés à partager leurs savoirs et la responsabilité de tâches communes.

75En outre, le fait d’employer des travailleurs polyvalents, qui changent d’emploi d’une équipe de travail à une autre, réduit également significativement la probabilité d’appartenir à la “catégorie relative” en comparaison de l’appartenance à la “catégorie absolue”. Enfin, la variable mesurant la coopération entre travailleurs de différents services est proche d’un effet significatif sur le choix de l’évaluation de la performance, ceci avec le signe négatif attendu.

76À notre connaissance, ces résultats sont les premiers à mettre en évidence que le choix de systèmes incitatifs fondés sur la performance relative diminue significativement lorsque les établissements cherchent à inciter les travailleurs à partager les tâches et les connaissances dans ou entre les groupes de travail. Ils montrent ainsi que les entreprises sont conscientes des risques liés à la mise en concurrence entre les travailleurs. Ce comportement non coopératif des individus confrontés à une mise en concurrence a d’ailleurs déjà été identifié par des expériences de laboratoire comme dans la réalité : Rankin et Sayre (2000) ont ainsi mesuré que, dans un environnement de tournoi, les efforts des sujets d’expérience diminuaient avec leur interaction productive, tandis que Drago et Garvey (1998) ont été les premiers à mesurer sur données australiennes que l’aide entre travailleurs se réduisait effectivement lorsque était en jeu une promotion.

77Les variables définissant l’environnement de l’entreprise sur son marché du produit fournissent aussi une confirmation des résultats de la littérature sur la performance relative. En effet, lorsque la production a été variable durant les cinq dernières années et si elle a été affectée par des chocs à labaisse en 1992, les établissements sont plus probablement disposés à adopter des primes fondées sur la performance relative plutôt que des primes uniquement fondées sur la performance absolue.

78Une première interprétation de ces résultats semble refléter la volonté de filtrer les changements communs dans l’environnement productif et commercial afin de promouvoir effectivement le seul mérite relatif. Seuls les meilleurs des travailleurs recevrontdes primessupplémentaires en cas de production croissante et seront protégés contre d’éventuels chocs de demande à la baisse. Ce résultat est en accord avec l’assertion selon laquelle les individus ne sauraient être punis ou récompensés pour ce qui ne relève pas de leur responsabilité.

79Par ailleurs, les modifications fréquentes de la situation commerciale de l’établissement doivent pousser ce dernier à adopter des méthodes d’incitation flexibles comme les primes de performance relative. À ce dernier titre, il semble que la prise en compte des désirs des clients comme critère de la politique de l’entreprise, mesuré par la variable client, influe dans le même sens.

80Concernant le groupe des variables de politique salariale, les trois objectifs de politique salariale identifiés par l’enquête semblent tous peser d’un poids important dans les choix incitatifs. Toutefois, on notera certaines variantes importantes : lorsque l’employeur déclare rechercher la minimisation des coûts de production et/ou la motivation de l’ensemble de la force de travail, il est plus probablement amené à mettre en place des primes de performance absolue ; au contraire, lorsque son objectif déclaré est d’attirer et de fidéliser un personnel compétent, cet engagement augmente la probabilité de considérer la performance relative comme déterminant des primes relativement aux deux autres catégories. Une interprétation possible en est que certains des établissements utilisent la performance relative comme un processus de tri afin de discriminer etde motiver encore plus les meilleurs ou les plus prometteurs des travailleurs.

Robustesse des résultats et variantes de spécification et d’échantillon.

81Les résultats qui ont été présentés précédemment proviennent d’un traitement spécifique des données. Ainsi, nous avons été conduits à faire certains choix, sur la spécification, la classification des établissements et l’affectation de données manquantes, choix dont l’influence doit être évaluée. En effectuant des estimations parallèles dans lesquelles des solutions alternatives sont adoptées, nous cherchons donc ici à jugerdans quelle mesure nos résultats sont effectivement robustes à ces décisions sur la forme des spécifications à estimer [22].

82Nous discuterons d’abord les problèmes de spécification, considérant successivement les changements qu’apporteraient des modifications des variables de contrôle, de la classification par secteurs et de la taille des unités productives considérées. Nous discuterons ensuite les problèmes de constitution de notre variable endogène. Dans ce second temps, nous reviendrons sur les questions de cohérence de déclaration et l’élimination de certaines observations à laquelle nous avons procédé. Ensuite, nous traiterons de l’interprétation de la question sur la performance relative. Dans tous les cas, nous expliquerons comment des analyses de robustesse des résultats obtenus ont été menées.

Modifications de la spécification de base

Contrôle de la performance et effets sectoriels

83Dans une première vérification de la robustesse des résultats, a été supprimée l’introduction des variables de contrôle de la performance CONTSYS et CONTOCC. En effet, la mesure de la performance est nécessaire à l’instauration de primes de performance. Ce contrôle ne serait donc pas explicatif des formes de primes mais serait instauré simultanément à la décision de verser des primes fondées sur le mérite. Introduire ces variables serait alors redondant, créant éventuellement des effets de colinéarité susceptibles de biaiser la mesure de l’influence des autres variables. Le tableau 3 ci-dessous présente dans ses trois premières colonnes les résultats obtenus.

84Nous pouvons constater que cette première modification ne change rien à la logique observée dans la précédente partie avec entre autres résultats les effets négatifs du recours à la rotation entre les emplois et de la polyvalence des travailleurs sur la probabilité d’offrir des primes fondées sur la performance relative.

85Dans ce même tableau, aux fins de considérer une classification fine des secteurs d’activité, justifiée lorsque l’on étudie l’influence des systèmes d’organisation du travail, a été à nouveau estimée la spécification initiale en introduisant cette fois des indicatrices mesurant l’appartenance sectorielle en NAP 40 en application à l’époque de l’enquête utilisée. Les trois colonnes suivantes du tableau 3 montrent là encore que la modification de la classification sectorielle ne change pas les résultats qualitatifs présentés en troisième partie.

Effets de la taille des établissements étudiés

86Théoriquement, la taille des établissements est un déterminant de l’introduction de prime de performance du fait des problèmes de supervision et de contrôle de l’activité des travailleurs. Indirectement, le nombre de salariés peut également exercer une influence du fait, d’une part de l’existence de représentation du personnel et, d’autre part, de la diversité des choix organisationnels. Cette section est dévolue à l’analyse de ces influences indirectes.

87La relation entre le choix des primes de performance et la taille des établissements est-elle influencée par des effets de seuil provenant des obligations légales ? Par exemple, en dessous de 10 salariés, il n’existe aucune obligation en termes de représentation du personnel, tandis qu’au-delà de 50 salariés, les syndicats représentatifs peuvent nommer un délégué syndical. Plutôt que de considérer les effets taille de manière continue, l’introduction d’indicatrices de classes de taille, choisies selon les obligations issues du droit du travail, permettrait de tenir compte des effets possibles de l’action collective sur les choix de primes de performance.

88Ainsi, dans le tableau 4 ci-dessous, sont reportées les estimations de la spécification initiale à laquelle ont été ajoutées deux classifications des établissements selon leur nombre d’employés. Dans la première, colonnes 1 à 3, seuls les seuils de 11 et 50 salariés ont été considérés car correspondant respectivement aux minima légaux pour la présence de délégué du personnel et de délégué syndical. La seconde, colonne 4 à 6, est beaucoup plus fine puisque les seuils considérés sont 11,26,50,75,100,125,175, 250,400,500,750 et 1000 salariés correspondant à l’augmentation unitaire du nombre de délégués du personnel éligibles, le dernier correspondant au droit à un second délégué syndical par organisation représentative.

Tableau 3

choix des primes avec modification de la spécification

Tableau 3
Tableau 3 : choix des primes avec modification de la spécification Sans variables de contrôle de la performance EnNAP 40 Perf. relative ou Perf. Perf. relative ou Perf. relative ou Perf. Perf. relative ou absolue absolue absolue absolue absolue absolue ROTATION1 0,034-0,071 0,106 0,077-0,164 0,093 (0,38) (0,78) (1,4) (0,82) (0,18) (1,21) ROTATION2 0,047 0,201** -0,154** 0,132 0,294*** -0,162** (0,36) (2,03) (1,98) (1,26) (2,93) (1,98) POLYVALENCE 0,193*** 0,304*** -0,110** 0,206*** 0,301*** -0,096** (3,35) (5,37) (2,23) (3,35) (5,2) (1,97) COOPERATION 0,326*** 0,356*** -0,031 0,201*** 0,274*** -0,073 (5,71) (7,11) (1,56) (3,83) (5,31) (1,52) INCIDENT 0,101** 0,035 0,066 0,07 0,014 0,055 (2,11) (0,75) (1,45) (1,4) (0,29) (1,21) GLOBAL 0,078-0,004 0,076 0,032-0,012 0,044 (1,34) (0,08) (1,55) (0,58) (0,21) (0,88) PRODUCTION 0,645*** 0,356*** 0,289*** 0,600*** 0,331*** 0,270*** (13,95) (7,73) (6,88) (12,56) (7,04) (6,31) CHOC 0,309*** 0,083* 0,226*** 0,206*** 0,002 0,204*** (6,31) (1,69) (5,08) (4,07) (0,05) (4,51) N 4691 5010 4824 4691 5010 4824 * signifie p ? 0,10, ** p ? 0,05, et *** p ? 0,01. Pour chaque échantillon considéré, les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à la classe des entreprises n’offrant pas de primes de performance. La troisième colonne est présentée afin de faire apparaître l’effet des variables sur la probabilitéde choix de primes fondées sur la performance relative en comparaison de celles fondées sur la performance absolue.

choix des primes avec modification de la spécification

Tableau 4

choix des primes et classes de taille

Tableau 4
Tableau 4 : choix des primes et classes de taille Classification par taille 1 Classificationpar taille 2 Perfe . relative ouabsolue Perf. absolue Perf. relative ouabsolue Perf. relative ouabsolue Perf. absolue Perf. relativou absolue ROTATION1-0,036-0,150* 0,114-0,044-0,186** 0,141* (0,39) (1,69) (1,5) (0,633) (2,02) (1,85) ROTATION2 0,035 0,205** -0,171** 0,027 0,195* -0,168** (0,34) (2,06) (2,1) (0,26) (1,95) (2,06) POLYVALENCE 0,111* 0,227*** -0,117** 0,109* 0,225*** -0,116** (1,86) (3,95) (2,35) (1,85) (3,91) (2,33) COOPERATION 0,129** 0,163*** -0,034 0,127** 0,147*** -0,02 (2,43) (3,12) (0,7) (2,39) (2,81) (0,41) INCIDENT 0,076 0,029 0,047 0,076 0,028 0,048 (1,54) (0,61) (1,02) (1,54) (0,58) (1,05) GLOBAL 0,045-0,01 0,054 0,05 0,006 0,044 (0,83) (0,17) (1,09) (0,91) (0,1) (0,89) PRODUCTION 0,578*** 0,300*** 0,278*** 0,578*** 0,303*** 0,275*** (12,24) (6,44) (6,55) (12,21) (6,48) (6,46) CHOC 0,300*** 0,083* 0,213*** 0,300*** 0,091* 0,210*** (5,94) (1,68) (4,77) (6,02) (1,83) (4,68) N 4691 5010 4824 4691 5010 4824 * signifie p ? 0,10, ** p ? 0,05, et *** p ? 0,01. Pour chaque échantillon considéré, les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à la classe des entreprises n’offrant pas de primes de performance. La troisième colonne est ici présentée afin de faire apparaître l’effet des variables sur la probabilité de choix de primes fondées sur la performance relative en comparaison de celles fondées sur la performance absolue. Ces résultats sont obtenus selon la spécification de base présentée au tableau 2.

choix des primes et classes de taille

89Les résultats obtenus dans ces deux classifications confirment les effets déjà observés en troisième partie. Il est toutefois notable que la variable COOPERATION conserve le signe négatif attendu, mais sasignificativité, déjàfaible, est encore réduite. Il faut peut-être y voir le résultat de la réticence exprimée par la représentation collective ou syndicale à voir les salariés amenés à coopérer être par la suite comparés et récompensés individuellement.

90De surcroît, l’univers originel de l’enquête ECMOSS inclut les pratiques et coûts salariaux pour les très petits établissements. Cette population n’est en général pas celle que les chercheurs privilégient lorsqu’ils cherchent à analyser les changements technologiques et organisationnels à l’œuvre dans les deux dernières décennies.

91Il suffit ainsi de considérer les plus représentatives de ces enquêtes pour constater que leur univers est toujours constitué d’unités de production, entreprises comme établissements, de plus grande taille. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas seulement française puisque les mêmes choix ont été effectués aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Une grande partie des changements organisationnels impliquant une plus forte implication et coopération de la main-d’œuvre et un abandon progressif de la forme extrême de division du travail, ces changements augmentent généralement avec la taille (voir par exemple Coutrot, 1995) et touchent difficilement les unités de moins de dix salariés.

92Puisque notre problématique relève du sujet plus large de la cohérence entre pratiques organisationnelles et salariales, nous avons cherché à mesurer les modifications dans ces liens lorsque la taille minimale des établissements de l’échantillon augmentait. De notre classification originelle ont d’abord été supprimés les établissements de moins de 10 salariés, rétablissant l’univers originel de l’enquête, puis ceux de moins de 20 salariés.

93Les résultats montrent que les enseignements théoriques sur les avantages de l’utilisation de la performance relative sont mieux confirmés dès lors que les unités productives utilisées sont plus grandes. En effet, les effets de la variabilité des conditions de production demeurent quel que soit l’échantillon, tandis que l’on constate cette fois une influence simultanée de la rotation dans les équipes, de la polyvalence et de la coopération de la main-d’œuvre sur les choix de modes de rémunération.

Incohérence de déclaration

94La première vérification consiste en l’analyse de l’influence sur les résultats de la prise en considération des établissements déclarant tout à la fois ne pas verser de compléments de salaire, liés à une quelconque mesure de la performance, et fonder le versement de primes individuelles sur la base de la performance relative. Ce type de situation a été qualifié plus haut d’incohérence.

Tableau 5

choix des types de primes selon la taille minimale des établissements

Tableau 5
Tableau 5 : choix des types de primes selon la taille minimale des établissements Toute taille Taille > 10 Taille > 20 Perf.relative Perf. Perf. relative Perf. relative Perf. Perf. relative Perf. relative Perf. Perf. relative ou absolue absolue ou absolue ou absolue absolue ou absolue ou absolue absolue ou absolue ROTATION1 0,007-0,084 0,091-0,004-0,108 0,104-0,033-0,177* 0,144* (0,073) (0,922) (1,197) (0,04) (1,148) (1,355) (0,317) (1,747) (1,762) ROTATION2 0,039 0,211** -0,172** 0,057 0,233** -0,176** -0,024 0,259** -0,283*** (0,378) (2,118) (2,123) (0,507) (2,16) (2,094) (0,193) (2,173) (3,073) POLYVALENCE 0,145** 0,270*** -0,125** 0,069 0,194*** -0,125** 0,054 0,214*** -0,160*** (2,484) (4,741) (2,513) (1,098) (3,157) (2,409) (0,758) (3,106) (2,821) COOPERATION 0,228*** 0,303*** -0,075 0,128** 0,215*** -0,087* 0,143** 0,238*** -0,095* (4,407) (5,977) (1,596) (2,223) (3,811) (1,72) (2,147) (3,688) (1,67) INCIDENT 0,057-0,001 0,058 0,044-0,006 0,05-0,014 0,003-0,017 (1,15) (0,025) (1,264) (0,794) (0,117) (1,033) (0,223) (0,046) (0,316) GLOBAL 0,039-0,025 0,064 0,081-0,017 0,098* 0,086-0,019 0,105* (0,714) (0,458) (1,287) (1,321) (0,277) (1,847) (1,224) (0,273) (1,779) PRODUCTION 0,601*** 0,330*** 0,271*** 0,567*** 0,297*** 0,270*** 0,578*** 0,270*** 0,308*** (12,79) (7,121) (6,406) (10,74) (5,725) (5,955) (9,555) (4,569) (6,134) CHOC 0,292*** 0,071 0,221*** 0,323*** 0,107* 0,216*** 0,359*** 0,150** 0,209*** (5,884) (1,453) (4,942) (5,705) (1,915) (4,504) (5,483) (2,32) (3,956) N 4691 5010 4824 3305 4398 4208 2442 3500 3501 * signifie p ? 0,10, ** p ? 0,05, et *** p ? 0,01. Pour chaque échantillon considéré, les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à la classe des entreprises n’offrant pas de primes de performance.La troisième colonne est ici présentée afin de faire apparaître l’effet des variables sur la probabilitéde choix de primes fondées sur la performance relative en comparaison de celles fondées sur la performance absolue. Ces résultats sont obtenus selon la spécification de base présentée au tableau 2.

choix des types de primes selon la taille minimale des établissements

95Ci-dessus, nous avons adopté le parti pris d’éliminer les 1263 unités productives dites incohérentes, parti pris qui est dans ce qui suit amendé. Pour plusieurs raisons, la prise en compte d’un éventuel biais de sélection est ici difficile. Tout d’abord, le premier problème consiste en l’identification des déterminants qui auraient conduit les établissements à adopter des réponses incohérentes. Modéliser l’incohérence pose un problème d’investigation statistique bien difficile. En outre, quand bien même de telles variables pourraient être déterminées, il n’existe pas à notre connaissance de méthodes permettant de tenir compte des effets de sélection en deux étapes adaptées à une modélisation multinomiale logit dans un second temps. La méthode d’Heckman en deux étapes bien connue s’applique uniquement au cas d’une variable expliquée en seconde étape continue.

96Devant cette double limitation, lechoix effectué a été de réintroduire les établissements “ incohérents ” dans l’échantillon étudié selon plusieurs hypothèses afin de vérifier si les résultats initiaux étaient modifiés. Il ne s’agit évidemment pas d’une procédure de correction d’un éventuel biais de sélection mais d’une procédure heuristique permettant de mieux évaluer les conséquences de l’hypothèse initiale.

97Dans l’objectif de considérer la robustesse des résultats, nous avons ainsi tout d’abord choisi de les répliquer en adoptant deux autres hypothèses quant à l’utilisation de ces établissements “incohérents” plutôt que leur suppression :

  • nous avons ainsi d’abord considéré que la vérité pouvait être plutôt contenue dans la réponse à la question sur les compléments de salaire. Si l’établissement affirmait l’absence de ceux-ci, tout en disant fonder les primes individuelles sur la performance relative, nous avons ignoré cette seconde information et affecté ces 1 263 unités à la catégorie 1 des établissements ne versant aucune prime de performance [23]. Dans ce cas, la catégorie 1 est donc plus fournie, les autres ensembles d’établissements restant inchangés (classification 2);
  • ensuite, nous avons adopté la position contraire, admettant que la vérité se situait dans la réponse positive à la question sur la prime individuelle liée à la performance relative, la contradiction avec l’absence deprimesprovenant d’un oubli temporaire réparé plus loin, mais non corrigé. Dans ce cas, la catégorie 2 est donc plus fournie, les autres ensembles d’établissements restant inchangés (classification 3).

98Il est assez probable que la réalité, c’est-à-dire hors l’erreur commise par les établissements, se situe quelque part entre ces deux positions extrêmes. Faire ces hypothèses possède le mérite de proposer une comparaison avec les résultats du tableau 2 ci-dessus. Les résultats sont donc fournis pour comparaison dans le tableau 6, les trois premières colonnes reprenant les résultats de base, les deux ensembles suivant les nouvelles classifications 2 et 3 des établissements.

Tableau 6

choix des types de primes selon l’affectation des établissements incohérents

Tableau 6
Tableau 6 : choix des types de primes selon l’affectation des établissements incohérents Classification Originelle Classification2 Classification3 Perf. relative Perf. Perf. relative Perf. relative Perf. Perf. relative Perf. Perf. Perf. relative ou absolue absolue ou absolue ou absolue absolue ou absolue relative ouabsolue absolue ou absolue ROTATION1 0,007-0,084 0,091 0,012-0,08 0,092 0,023-0,07 0,093 (0,073) (0,922) (1,197) (0,148) (0,962) (1,215) (0,26) (0,779) (1,29) ROTATION2 0,039 0,211** -0,172** -0,073 0,102-0,175** 0,082 0,205** -0,122* (0,378) (2,118) (2,213) (0,797) (1,165) (2,17) (0,839) (2,072) (1,671) POLYVALENCE 0,145** 0,270*** -0,125** 0,137*** 0,268*** -0,131*** 0,113** 0,270*** -0,157*** (2,484) (4,741) (2,513) (2,573) (5,151) (2,65) (2,021) (4,753) (3,324) COOPERATION 0,228*** 0,303*** -0,075 0,240*** 0,315*** -0,076 0,173*** 0,306*** -0,133*** (4,407) (5,977) (1,596) (5,065) (6,72) (1,601) (3,546) (6,048) (2,965) INCIDENT 0,057-0,001 0,058 0,082* 0,022-0,076 0,044 0,005 0,039 (1,15) (0,025) (1,264) (1,813) (0,492) (1,318) (0,964) (0,106) (0,912) GLOBAL 0,039-0,025 0,064 0,037-0,032 0,07 0,022-0,038 0,059 (0,714) (0,458) (1,287) (0,742) (0,656) (1,419) (0,42) (0,7) (1,257) PRODUCTION 0,601*** 0,330*** 0,271*** 0,539*** 0,269*** 0,270*** 0,519*** 0,318*** 0,201*** (12,79) (7,121) (6,406) (12,54) (6,301) (6,388) (11,7) (6,884) (5,014) CHOC 0,292*** 0,071 0,221*** 0,243*** 0,02 0,223*** 0,273*** 0,063 0,210*** (5,884) (1,453) (4,942) (5,375) (0,449) (5,004) (5,828) (1,287) (4,957) N 4691 5010 4824 5954 5010 4824 4691 6273 4824 * signifie p ? 0,10, ** p ? 0,05, et *** p ? 0,01. Pour chaque échantillon considéré, les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à la classe des entreprises n’offrant pas de primes de performance. Chaque troisième colonne est présentée afin de faire apparaître l’effet des variables sur la probabilité de choix de primes fondées sur la performance relative en comparaison de celles fondées sur la performance absolue. Ces résultats sont obtenus selon la spécification de base présentée au tableau 2.

choix des types de primes selon l’affectation des établissements incohérents

99Les résultats montrent tout d’abord que les variables mesurant la variabilité de l’activité de l’établissement influencent exactement dans le même sens les probabilités de choix sur les formes de rémunération quelle que soit la classification adoptée. E n revanche, si l’affectation des établissements préalablement supprimés à l’ensemble des établissements sans prime (classification 2) laisse pratiquement inchangés les résultats, et bien sûr la comparaison entre les deux autres catégories, la classification 3 où l’on privilégie l’information sur l’utilisation de la performance relative a tendance à renforcer l’évidence d’un effet négatif des interactions productives entre travailleurs sur l’utilisation de primes fondées sur la performance relative. En effet, si la significativité de l’effet des rotations dans les emplois est atténuée, la recherche de la coopération diminue cette fois significativement laprobabilité de comparaison entre les performances des travailleurs par rapport à l’utilisation de primes fondées sur la seule performance absolue.

100Enfin, une dernière procédure a consisté à considérer les entreprises incohérentes comme ayant fait un choix à l’instar de celles appartenant aux trois autres catégories. Cette hypothèse engendre donc une quatrième classe expliquée par les mêmes variables par une modélisation multinomiale logit. Une fois les résultats obtenus, un test d’Hausman généralisé, similaire dans l’esprit à celui permettant d’évaluer la validité de l’hypothèse IIA (voir annexe C1), est réalisé qui permet de tester l’égalité des coefficients obtenus selon que les estimations ont considéré trois ou quatre catégories d’établissements. Dans le cas pertinent ici, le test comparant les coefficients expliquant le choix de primes fondées sur la performance relative conduit à ne pas rejeter leur égalité dans les deux estimations, la statistique observée du Khi deux à 30 degrés de liberté étant de 26,16, correspondant à une probabilité critique de 66,18%. Ce dernier test plaide donc là encore pour une indépendance des résultats au traitement des établissements incohérents.

Signification des questions

101Il convient également de discuter le sens des questions utilisées pour construire notre variable endogène. En particulier, l’intitulé de la question sur la performance relative peut créer un doute. La question est formulée exactement comme suit : “ Accordez-vous des primes individuelles selon les performances relatives ? ”

102Nous avons interprété ci-dessus la réponse positive comme signifiant que l’employeur pouvait payer au travailleur une prime, et ce, quel que soit le niveau de performance relative considérée. Cela signifiait donc n’importe quel type de prime fondée sur une performance d’entreprise, collective ou individuelle.

103Cette interprétation se justifie selon nous par l’intitulé de la question, la position de l’adjectif individuel faisant référence à la prime et non à la performance. Pour illustrer par un exemple, parmi les exemples de primes liées à la performance d’entreprise cités dans l’enquête, est proposée la “ prime de bilan ”. On sait que cette prime est souvent donnée à condition que l’entreprise ait atteint une performance suffisante, relative à celle de concurrents ou absolue, mais qu’elle n’est pas distribuée systématiquement à tous les salariés, ou que les montants en sont variables. C’est à ce type de cas que nous pensons lorsque nous avons supposé que des travailleurs pouvaient individuellement recevoir des primes fondées sur une performance relative collective.

Tableau 7

choix des types de primes liées à la seule performance individuelle

Tableau 7
Tableau 7 : choix des types de primes liées à la seule performance individuelle Classification 1 Classification2 Classification3 Perf.re Perf. Perf. relative Perf.relative Perf. Perf. relative Perf.relative Perf. Perf. relative lative ouabsolue absolue ou absolue ou absolue absolue ou absolue ou absolue absolue ou absolue ROTATION1 0,049-0,091 0,141 0,039-0,099 0,138 0,031-0,095 0,126 (0,586) (1,107) (1,502) (0,511) (1,172) (1,479) (0,425) (1,06) (1,464) ROTATION2-0,147-0,014-0,132-0,158* -0,035-0,123-0,067-0,01-0,054 (1,589) (0,151) (1,313) (1,895) (0,396) (1,23) (0,841) (0,14) (0,591) POLYVALENCE 0,071 0,199*** -0,127** 0,081 0,220*** -0,138** 0,017 0,204*** -0,187*** (1,314) (3,451) (2,063) (1,631) (4,056) (2,255) (0,363) (3,555) (3,32) COOPERATION 0,105** 0,161*** -0,056 0,111** 0,166*** -0,055 0,05 0,162*** -0,111** (2,089) (2,978) (0,939) (2,397) (3,236) (0,928) (1,175) (3,002) (2,067) INCIDENT 0,06-0,084 0,144** 0,089** -0,058 0,147*** 0,021-0,078 0,100* (1,245) (1,635) (2,535) (1,992) (1,183) (2,59) (0,524) (1,535) (1,945) GLOBAL 0,057 0,059-0,002 0,039 0,034 0,004 0,062 0,054 0,008 (1,079) (1,037) (0,034) (0,8) (0,64) (0,07) (1,374) (0,946) (0,151) PRODUCTION 0,443*** 0,170*** 0,273*** 0,337*** 0,069 0,268*** 0,393*** 0,164*** 0,230*** (9,816) (3,495) (5,176) (8,094) (1,502) (5,087) (10,18) (3,38) (4,781) CHOC 0,259 0,03 0,229*** 0,200*** -0,028 0,229*** 0,251*** 0,033 0,219*** (5,445) (0,579) (4,11) (4,58) (0,583) (4,113) (6,16) (0,622) (4,313) N 4691 3710 4824 7254 3710 4824 4691 6273 4824 * signifie p ? 0,10, ** p ? 0,05, et *** p ? 0,01. Pour chaque échantillon considéré, les coefficients des deux premières colonnes sont exprimés relativement à laclasse desentreprises n’offrant pas de primes de performance.Chaque troisièmecolonne est présentéeafindefaire apparaître l’effet des variables surlaprobabilitéde choixde primesfondées surlaperformance relativeencomparaisondecellesfondéessurlaperformanceabsolue.

choix des types de primes liées à la seule performance individuelle

104Toutefois, afin de considérer l’autre manière de comprendre la question, c’est-à-dire comme faisant référence à des primes fondées sur la performance relative individuelle, nousavons réaliséun ensemble de réplications des spécifications rapportées au tableau 3. Ainsi, nous avons créé trois catégories d’établissements sur un mode similaire à celui adopté précédemment. La première regroupe les unités productives qui n’offrent aucune prime individuelle, la seconde celles qui versent de telles primes et qui disent se fonder sur la performance individuelle relative, la troisième celles qui affirment ne pas utiliser de telles comparaisons et qui se fonde sur ce que nous appelons la performance individuelle absolue.

105La catégorisation suit donc une logique symétrique à celle adoptée précédemment, à ceci près que nous n’envisageons effectivementque les primesliées à la performance individuelle. Même si nous pensons que cette interprétation force l’énoncé de la question de l’enquête, elle présente l’avantage de ne pas mélanger les différentes formes de primes dont certaines études ont montré qu’elles n’avaient pas nécessairement les mêmes déterminants (voir Drago et Heywood, 1995).

106Les résultats obtenus sont rapportés dans le tableau 7 ci-dessous, avec dans celui-ci, trois ensembles de résultats comme dans le tableau 6 afin de reproduire le traitement de la cohérence discuté ci-dessus. Sur les 15 788 établissements ayant fourni les informations nécessaires aux spécifications choisies,2 563 sont incohérentes, c’est-à-direse sont contredites.

107Cet ensemble, plus important que dans l’acception choisie précédemment, peut être traité de manière identique à celle proposée ci-dessus :

  • supprimé (classification 1);
  • ajouté aux établissements ne versant aucune prime, privilégiant la réponse sur l’existence de primes individuelles (classification 2);
  • ajouté aux établissements versant une prime individuelle fondée sur la performance relative, privilégiant la réponse sur l’utilisation de ces comparaisons de travailleurs (classification 3).

108Comme ci-dessus, la modification de la classification des établissements ne modifie en rien l’influence positive de la variabilité de l’activité sur la probabilité de se fonder sur la performance relative pour verser des primes ici individuelles. Toutefois, la robustesse des effets de l’organisation du travail sur les modes de rémunération est atténuée.

109Comparant ces résultats à ceux du tableau 6, nous pouvons constater que la rotation des travailleurs influence l’alternative entre prime relative et prime absolue dans un sens identique, mais n’est plus significative aux seuils usuels. Il semble donc que l’organisation dansleséquipes detravailn’influepas sur la référence de performance privilégiée pour décider des primes individuelles. Demeurent toutefois valides les influences déjà soulignées de la polyvalence et la nécessaire coopération de la main-d’œuvre sur la mise en concurrence des travailleurs.

110Au total, nos analyses de robustesse font apparaître une assez forte constance des influences mesurées originellement. Bien qu’il ne saurait être question d’affirmer la véracité de la théorie des tournois, le choix de la performance relative par les entreprises semble bien prendre en compte les dangers des interactions négatives entre travailleurs.

Conclusion

111L es systèmes de rémunération fondés sur l’évaluation relative de la performance ont fait l’objet de nombreuses analyses théoriques. Toutefois, les études empiriques étudiant leurs propriétés ont pour inconvénient de ne pouvoir observer leur utilisation par les entreprises, à l’exception de rares études de terrain.

112Or l’enquête “Coût de la Main-d’œuvre et Structure des Salaires” 1992 possède l’atout unique de distinguer explicitement lesquels des établissements utilisent effectivement des systèmes de primes salariales fondées sur la performance relative.

113Ces données ont donc permis de réaliser des estimations économétriques qui semblent démontrer de manière convaincante le choix plus fréquent de la performance relative comme étalon de mérite en situation d’incertitude commune sur le marché du produit. Ces résultats sont compatibles avec les propriétés de flexibilité des contrats de tournoi ainsi qu’avec leur propriété de protéger les agents contre les risques productifs communs. L’autre résultat important decetteétude est l’apparenteconfirmation qu’il est difficilement compatible de mettre simultanément en concurrence les travailleurs et d’organiser le travail de manière à bénéficier de leurs interactions.

114Ces premiers résultats semblent robustes à des modifications des spécifications et des échantillons utilisés, nous incitant à poursuivre dans cette voie de recherche. En effet, si les modifications des modèles d’organisation du travail influencent la forme de la rémunération, ces changements pourraient également influer sur la structure de la rémunération interne des entreprises.

115Ainsi, bien qu’il apparaisse moins efficace de mettre en concurrence les travailleurs lorsque le système d’organisation du travail semble nécessiter de leur partunefortecoopération, nosdonnéesmontrentque de nombreux établissements dépassent néanmoins cet inconvénient. Selon L azear (1989), les entreprises doivent alors comprimer les différences de salaire lorsque des tournois sont utilisés dans des environnements où le sabotage productif est possible. En conséquence, l’examen approfondi de la dispersion des salaires inter et intra professionnelles dans les entreprises ayant des politiques d’organisation du travail et de rémunérations différentes pourrait être un test intéressant d’une telle affirmation.

Annexe statistique A : présentation de l’Enquête sur le Coût de la Main-d’œuvre et la Structure des Salaires 1992

116Nous utilisons l’échantillon Établissement extrait de l’enquête sur les Coûts de la Main-d’œuvre et Structure des Salaires de 1992 (ECMOSS), menée par l’Insee dans le secteur privé non-agricole. L’échantillon de base se compose de 15 859 établissements dont les dirigeants ont rempli un premier questionnaire, envoyé par voie postale, décrivant de nombreuses caractéristiques de l’unité productive. Il leur était également demandé de sélectionner un échantillon de travailleurs, non utilisé ici.

117La base de données ECMOSS constitue donc une coupe instantanée représentative de l’univers originel de l’enquête, c’est-à-dire les établissements du secteur privé non agricole employant au moins 10 salariés.

118L’univers de base est déterminé au moyen du système SIRENE, les taux d’échantillonnage étant stratifiés selon le secteur d’activité, la région et la taille de l’unité observée. Il subsiste toutefois dans les observations disponibles un grand nombre d’établissements de moins de 10 salariés suite aux modifications dans l’effectif employé par rapport aux informations initiales détenues par l’Insee. Dans le tableau A1 ci-dessous, les établissements sont rangés par classes de taille. Le tableau A2 les ventile selon les secteurs d’activité en NAP15, nomenclature en application à la date de l’enquête, dans l’échantillon original et dans l’échantillon utilisé après éviction des déclarations incohérentes. Ce second échantillon ne présente pas de biais quant à la représentation sectorielle.

119L a plupart du contenu recueilli dans l’échantillon employeur porte sur la politique salariale et l’intégralité des coûts de personnel des établissements. En plus de cette partie centrale du questionnaire est inclus un ensemble de questions supplémentaires, dits renseignements qualitatifs de gestion, qui renseignent entre autres sur l’évolution de la production, la politique commerciale, l’organisation et le contrôle du travail dans l’établissement.

120Il faut à ce titre noter que les indicateurs de l’organisation du travail ne sont pas aussi détaillés que dans les enquêtes menées dans le but d’analyser les changements technologiques ou organisationnels. L’intérêt principal de la source ECMOSS 92 est la disposition simultanée de ces informations en général disséminées qui autorise de mesurer les influences respectives de différents aspects de l’activité productive sur les rémunérations. Il est donc difficile à ce premier titre de prétendre à une comparaison avec les données obtenues autour de la même période dans les enquêtes TOTTO, REPONSE ou Changements Organisationnels (CO). En outre, leur univers limite également les comparaisons chiffrées. Ainsi, REPONSE analyse les établissements d’entreprises de plus de cinquante salariés ; de même CO qui en outre se limite à l’industrie manufacturière ; enfin TOTTO est une enquête auprès de salariés qui ne renseigne pas sur les pratiques salariales précises des employeurs.

121Toutefois, afin de replacer ECMOSS dans cet ensemble, il est intéressant de signaler que l’échantillon de REPONSE a été sélectionné dans l’univers des 12 293 établissements de l’enquête ECMOSS appartenant à des entreprises de plus de cinquante salariés. D’après des rapprochements effectués entre les deux enquêtes, il n’apparaît pas de biais systématique : Coutrot (1994) note ainsi la cohérence concernant les mesures de représentation du personnel tandis que Arai, Lanfranchi, Meurs et Skalli (1998) insistent sur la coïncidence des indicateurs de politique salariale dans les deux sources. Rien ne permet donc de douter de la significativité de la source utilisée.

Tableau A1

structure de l’échantillon par classes de taille

Tableau A1
Tableau A1 : structure de l’échantillon par classes de taille Classes de taille Échantillonutilisé [0,10[ 2 398 [10,20[ 2 476 [20,50[ 4 723 [50,100[ 2 111 [100,200[ 959 [200,300[ 491 [300,400[ 252 [400,500[ 148 > 500 937

structure de l’échantillon par classes de taille

Tableau A2

structure de l’échantillon par secteurs d’activité : effectif et pourcentage

Tableau A2
Tableau A2 : structure de l’échantillon par secteurs d’activité : effectif et pourcentage Population de Échantillon l’enquête utilisé I.A.A. 451 (2,84%) 401 (2,76%) Énergie 160 (1,01) 157 (1,08) Biens intermédiaires 848 (5,35) 778 (5,36) Biens d’équipement 874 (5,51) 832 (5,73) Biens de consommationCourante 1 038 (6,55) 942 (6,49) B.T.P. 1 176 (7,42) 1 026 (7,06) Commerce 2 755 (17,37) 2 526 (17,39) Transports et télécommunication 1 267 (7,99) 1 135 (7,81) Services marchands 6 356 (40,08) 5 826 (40,11) Immobilier 127 (0,80) 119 (0,82) Assurances 293 (1,85) 281 (1,93) Organismes financiers 514 (3,24) 502 (3,46)

structure de l’échantillon par secteurs d’activité : effectif et pourcentage

Annexe statistique B : statistiques descriptives

tableau im30
T ableau B1 : moyennes des variables indépendantes P as de bonus deperformance Bonus liés à la performancerelative ou absolue Bonus liés à la seuleperformance absolue Échantillon TAILLE 72,31 151,74 201,21 142,50 (320,99) (570,77) (636,80) (532,03) CONTSYST 0,24 0,47 0,35 0,36 CONTOCC 0,34 0,42 0,42 0,39 SUPERVISEUR 0,35 0,62 0,56 0,51 GLOBAL 0,22 0,26 0,23 0,24 INCIDENT 0,49 0,63 0,60 0,58 ROTATION1 0,06 0,10 0,09 0,08 ROTATION2 0,04 0,08 0,09 0,07 POLYVALENCE 0,19 0,31 0,33 0,28 COOPERATION 0,35 0,57 0,55 0,49 POLITIQUE SALARIALE 0,08 0,30 0,22 0,20 MINCOUTS 0,23 0,32 0,30 0,28 SELECT 0,16 0,27 0,17 0,20 MOTIV 0,22 0,39 0,32 0,31 PRIX 0,23 0,32 0,33 0,29 QUALITE 0,51 0,65 0,60 0,59 CLIENT 0,22 0,28 0,25 0,25 PRODUCTION 0,33 0,53 0,44 0,44 CHOC 0,27 0,38 0,33 0,33

Tableau B2

méthodes de rémunération par secteurs d’activité performance

Tableau B2
Tableau B2 : méthodes de rémunération par secteurs d’activité performance Secteurs Pas de bonus de performance Bonus liés à la performancerelative ou absolue Bonus liés à la seuleabsolue I.A.A. 34,42 30,67 34,91 Énergie 4,46 35,67 59,87 Biens intermédiaires 17,87 35,86 46,27 Biens d’équipement 17,67 34,49 47,84 Biens de consommation courante 26,33 34,39 39,28 B.T.P. 30,80 47,37 21,83 Commerce 24,86 37,57 37,57 Transports et télécommunication 19,12 36,83 44,05 Services marchands 45,64 28,60 25,76 Immobilier 33,61 36,13 30,25 Assurances 45,55 28,83 25,62 Organismes financiers 4,78 59,36 35,86 Échantillon global 32,30 34,49 33,21

méthodes de rémunération par secteurs d’activité performance

Tableau B3

méthodes de rémunération par classes de taille

Tableau B3
Tableau B3 : méthodes de rémunération par classes de taille Fréquence des Modes de rémunération Fréquence cumulée Classes de taille Sans bonus de Bonus liés aux perf. Bonus liés à la seule Sans bonus de Bonus liés aux perf. Bonus liés à la seule perf. relative ou absolue perf. absolue perf. relative ou absolue perf. absolue [0,10[ 53,46 23,02 23,52 53,46 23,02 23,52 [10,20[ 36,23 35,82 27,95 44,71 29,52 25,77 [20,50[ 30,45 37,92 31,63 37,69 33,66 28,65 [50,100[ 27,62 36,85 35,53 35,87 34,23 29,89 [100,200[ 23,25 34,93 41,81 34,92 34,28 30,80 [200,300[ 15,48 36,45 48,07 34,19 34,37 31,44 [300,400[ 17,46 36,51 46,03 33,88 34,41 31,71 [400,500[ 16,29 37,71 50,00 33,65 34,40 31,95 > 500 12,70 35,86 51,44 32,30 34,49 33,21

méthodes de rémunération par classes de taille

Annexe statistique C : tests de spécification et de validité du modèle multinomial logit

122Test de Hausman et McFadden vérifiant l’hypothèse d’indépendance desalternativesnonpertinentes.(IIA)

123Pour assurer la validité de l’utilisation d’un modèle multinomial logit, il est nécessaire d’admettre l’hypothèse d’indépendance des alternatives non pertinentes. Cette propriété a pour conséquence que la structure et les paramètres du modèle doivent être similaires sur un sous-ensemble de l’ensemble de choix complet. Afin de tester cette hypothèse, Hausman and McFadden (1984) ont proposé un test fondé sur la statistique suivante :

equation im33


$?c est le vecteur des coefficients du modèle où l’ensemble des alternatives est contraint,
$?e est le vecteur des coefficients du modèle où l’ensemble des alternatives est celui utilisé dans le modèle originel complet,
$Vc est la matrice variance covariance des coefficients du modèle contraint et
$Ve est la matrice variance covariance des coefficients du modèle complet.

124Cette statistique suit asymptotiquement une loi du Khi-deux dont le nombre de degrés de liberté est le rang de la matrice $ $V V c e ?.

125Il est à noter que dans ce test cette matrice n’est qu’asymptotiquement définie positive et que des valeurs négatives sont possibles sur la diagonale. Toutefois, lorsqu’un tel cas se réalise, les conditions asymptotiques ne permettent pas d’assurer le fonctionnement du test. Dans ce cas, nous pouvons interpréter ce résultat comme fournissant une sorte de preuve que nous ne pouvons rejeter l’hypothèse nulle selon laquelle les coefficients ne sont pas affectés par l’élimination d’une alternative.

126Dans le tableau ci-dessous, nous présentons les résultats du test de Hausman et McFadden lorsque nous restreignons le choix des établissementsen supprimant successivement une des alternatives sur les formes de primes. Nos résultats montrent que l’hypothèse IIA n’est jamais rejetée dans notre modèle, même si le résultat du test est par deux fois indéterminé [1].

Tableau C1

test d’Hausman et McFadden sur IIA

Tableau C1
Tableau C1 : test d’Hausman et McFadden sur IIA Alternative supprimée H Chi sq Df H0 Primes fondées sur laperformance relative-124,18 30 Indéterminée Primes fondées sur laperformance absolue 9,68 30 Acceptée Absence de primes-27,97 30 Indéterminée

test d’Hausman et McFadden sur IIA

127Test de Cramer et Ridder du nombre de régimes de systèmes d’incitation

128Dans notre étude, nous devons tester s’il est possible de différencier les deux régimes de primes. Un tel test peut être effectué grâce au test d’agrégation des alternatives proposé par Cramer et Ridder (1991). Le principe général de ce test s’appuie sur une comparaison simple des log vraisemblances de différentes versions du modèle original où sont groupées des alternatives préalablement différenciées.

129Considérons la présentation suivante. Supposons que nous admettions que du fait de leur proximité de définition, il faille tester si les deux alternatives :
2 : “l’entreprise verse des primes de performance fondées sur la performance absolue”

1303 : “l’entreprise verse des primes de performance dont l’une au moins est fondée sur la performance relative”, doivent être considérées comme équivalentes, c’est-à-dire où le vecteur des coefficients des variables explicatives est le même pour ces deux alternatives :

equation im35

Le modèle original non contraint contient trois alternatives, les deux précédentes et l’alternative “l’entreprise ne verse pas de primes de performance”. Il est possible d’estimer un modèle logit expliquant le versement de primes de performance par les entreprises, c’est-à-dire où les deux alternatives 2 et 3 sont regroupées en une seule. Les résultats des estimations nous donneront respectivement log $Lp, le maximum de la log vraisemblance du modèle agrégé, et log $L le maximum de la log vraisemblance du modèle à trois alternatives original. Cramer et Ridder ont montré que l’égalité des coefficients dans les deux alternatives 2 et 3 peut être testée grâce à un simple test de ratio de vraisemblance fondé sur la statistique suivante :

equation im36

est la log vraisemblance maximale lorsque les estimateurs sont contraints d’être égaux dans les alternatives 2 et 3, satisfaisant (A), et où nj représente le nombre d’observations dans l’alternative j et n le nombre d’établissements total. La statistique LR suit une loi du Khi-deux à k degrés de liberté où k est le nombre de restrictions imposées par l’égalité des coefficients.

131Nous avons donc estimé un modèle logit où les entreprises versant des primes étaient groupées, nous permettant de construire la statistique du test. Les résultats résumés sont donnés dans la tableau ci-dessous qui permet de conclure dans cet échantillon à la validité de la distinction entre les états séparés dans notre modèle multinomial logit.

Tableau C2

résultat du test de Cramer-Ridder pour le nombre de régimes d’établissements

Tableau C2
Tableau C2 : résultat du test de Cramer-Ridder pour le nombre de régimes d’établissements H0 H1 Log Lr LR Seuil Critique (df)=Chi Sq Hypothèseacceptée 3 régimes 2 régimes dont un incluant lesétablissements versant tout type de primes-14 299,3 438,4 (30) =18,49 H0

résultat du test de Cramer-Ridder pour le nombre de régimes d’établissements

Notes

  • (*)
    Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité.
  • (**)
    ERMES, UMR CNRS 7017 et Université Panthéon-Assas. E-mail : llanfranchi@ u-paris2. fr
  • (1)
    Voir à ce titre la revue de littérature sur les incitations de Prendergast (1999) et les études sur enquêtes d’entreprises, Brown (1990), Drago & Heywood (1995), Garen (1998) par exemple.
  • (2)
    Ces données, très riches en termes de renseignements sur les pratiques salariales, ont été également utilisées par Schnedler (2000) et Pelé (1997) afin d’étudier respectivement les choix de mode de rémunération et leur effet sur le niveau des salaires.
  • (3)
    Les tests de la théorie des tournois s’intéressent ainsi principalement à l’identification indirecte de leur existence du fait de l’absence d’information sur leur utilisation. Les études monographiques de Maher (1987) et Murphy (1992) sont des exceptions notables à ce titre.
  • (4)
    De fait, le terme de sabotage recouvre un ensemble d’actions plus étendu que la réelle destruction de la production d’autrui. Ainsi, la dissimulation d’information ou le refus de partager les savoirs relèvent également de cette problématique.
  • (5)
    Pour des revues de littérature plus complètes sur les tournois, le lecteur peut se rapporter à McLaughlin (1988), Rosen (1988) et Lanfranchi (1996).
  • (6)
    Une annexe de calcul détaillant la résolution du modèle ci-dessous est disponible auprès des auteurs.
  • (7)
    Cette présentation de l’interaction productive est similaire à celle de Drago et Turnbull (1988). Elle inclut le cas basique de l’absence d’interaction, mais exclut les situations particulières où la production d’un travailleur individuel dépend plus de l’effort de son collègue que du sien.
  • (8)
    Ce résultat est conforté par le “principe d’information” selon lequel la rémunération optimale doit être dépendante de toute combinaison de signaux révélant l’effort effectivement choisi. Selon Holmstrom (1982), la performance relative est en effet révélatrice de l’effort individuel en présence de risque commun. Le système d’incitation optimal est alors tel que la rémunération de chacun doit croître avec sa production et décroître avec la moyenne de celle de ses collègues.
  • (9)
    Néanmoins, les vérifications empiriques étudiant la variation de la rémunération des dirigeants en liaison avec leurs résultats évalués relativement à ceux de leurs concurrents ont donné des résultats contradictoires. En effet, si Antle et Smith (1986) et Gibbons et Murphy (1990) ont trouvé la trace d’ajustements de la rémunération des dirigeants en fonction d’effets de performance sectorielles, Janakiraman et alii (1992) et Aggarwal et Sandwick (1998) concluent quant à eux à la faible confirmation empirique de l’hypothèse de performance relative.
  • (10)
    Cette présentation exclut le cas extrême où le travailleur tente de remporter le tournoi en “ sabotant ” la production des autres concurrents (Lazear, 1989). Il serait possibletoutefois defaire apparaître une aidenégativeavec cette fonction de production, ce qui rendrait les contrats fondés sur la performance relative encore moins profitables.
  • (11)
    Le cas extrême est celui du tournoi où les travailleurs peuvent s’entendre sur un effort minimal personnel sans diminuer leur probabilité de victoire.
  • (12)
    L’obtention des trois catégories est détaillée ci-dessous dans la présentation de l’enquête utilisée.
  • (13)
    La structure optimale de rémunération est évidemment supposée choisie en tenant compte des contraintes, que celles-ci soient institutionnelles ou provenant de la négociation avec les représentants du personnel.
  • (14)
    Voir Maddala, 1983, pp. 60-61.
  • (15)
    La partie A de l’annexe statistique décrit en détail les caractéristiques de l’enquête utilisée.
  • (16)
    Cette catégorisation introduit une imprécision dans le modèle estimé puisque les questions ne permettent pas de discriminer parfaitement les établissements qui ne versent que des primes de performance relative.
  • (17)
    Les choix de classification sont évalués et discutés dans la quatrième partie analysant la robustesse des résultats obtenus avec la classification discutée ici.
  • (18)
    La définition des variables dans le tableau 1 reprend l’intitulé des questions de l’enquête.
  • (19)
    L’annexe statistique C détaille les procédures statistiques de vérification validant l’utilisation de notre modèle. Nous avons ainsi testé la spécification de notre modèle à trois alternatives contre un modèle plus standard d’utilisation de primes de performance (quelle que soit leur évaluation) grâce à un simple test de rapport de vraisemblance proposé par Cramer et Ridder (1991). Ces résultats valident l’adoption d’une distinction entre les catégories dites “relative” et “absolue”. De même, le test proposé par Hausman et Mc Fadden confirme pour partie la validité de l’hypothèse d’indépendance des alternatives non pertinentes.
  • (20)
    La valeur des coefficients reportés dans cette troisième colonne est donc bien sûr obtenue comme la différence entre les coefficients des deux premières colonnes mais, parce que le lecteur ne peut calculer aisément les écarts types associés et évaluer la significativité des résultats, nous avons choisi de faire apparaître explicitement cette troisième colonne. Cette présentation nous aidera ainsi à discriminer plus clairement entre les catégories “relative” et “absolue”.
  • (21)
    Murphy (1992) a montré comment le laboratoire Merck a imposé aux superviseurs de classer leurs subordonnés dans des catégories exclusives afin d’utiliser cette information pour la distribution des primes.
  • (22)
    Nous ne représenterons pas ici l’intégralité des résultats, nous focalisant sur les objets centraux de notre étude, les aspects organisation du travail et l’évolution de l’activité et leurs effets sur les choix en termes de primes. Les lecteurs intéressés pourront accéder à l’intégralité des résultats sur demande auprès des auteurs.
  • (23)
    À l’appui de ce choix, voir la situation des questions dans le questionnaire Insee : l’interrogation sur les formes de primes est posée treize pages avant celle contenant les interrogations sur l’usage de la performance relative. Sur cette dernière page du questionnaire figurent préalablement des questions sur l’ajustement collectif ou individualisé du salaire de base. C es positions respectives peuvent laisser supposer une baisse d’attention, une confusion et une réponse de moins bonne qualité à la seconde interrogation sur les primes ; en particulier, certains employeurs peuvent avoir confondu primes et ajustement du salaire de base fondé sur la performance relative...
  • (1)
    Le test est effectué automatiquement par le logiciel STATA dans sa version 6.0.
Français

Cet article analyse le choix des employeurs de fonder les primes de mérite sur la base de la performance relative. L’évaluation relative consiste à comparer les performances productives des travailleurs. Son avantage majeur est d’éliminer l’incertitude commune supportée par ces derniers. Toutefois, les primes fondées sur la performance relative incitent théoriquement les travailleurs à ne pas coopérer avec leurs collègues. Au moyen d’unéchantillonoriginelde 15 859établissementsfrançaisdusecteurprivéen 1992, nous montronsqu’encas de fluctuations productives et commerciales, les primes fondées sur la performance relative ont une probabilité plus importante d’être choisies. En revanche, lorsque les établissements adoptent une organisation du travail préconisant partage des tâches et coopération des travailleurs, elles sont moins fréquemment utilisées.

Mots-clés

  • primes de performance
  • performance relative
  • organisation du travail

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Katia Dupuy (*)
  • (*)
    Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Joseph Lanfranchi (**)
  • (**)
    ERMES, UMR CNRS 7017 et Université Panthéon-Assas. E-mail : llanfranchi@ u-paris2. fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/ecop.162.0071
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