1Nous estimons un modèle de décision des mères de jeunes enfants en matière de recours à une garde extérieure payante et d’offre de travail (participation et heures de travail sous la forme mi-temps, 80 %, plein temps), sur des données microéconomiques françaises. Nos résultats suggèrent que le coût de la garde influe sur le recours à une garde payante, mais peu sur la décision d’activité féminine. La suppression de l’APE ferait augmenter le taux de recours à une garde payante de 2 points et le taux d’emploi féminin de 4 points, au sein des couples mariés avec au moins un enfant de moins de 3 ans. Le temps partiel féminin est fortement sensible aux incitations financières de l’APE.
2En 2001,3,4 millions de ménages vivant en France comptent des enfants de moins de 7 ans et, parmi eux, deux millions ont des enfants âgés de moins de 3 ans, rarement scolarisés. Ces ménages doivent souvent arbitrer entre les gains provenant de l’activité professionnelle de la mère et le coût de la garde des enfants. Les politiques publiques qui visent à favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle agissent sur les termes de cet arbitrage, au moyen de deux types d’instruments : la prise en charge d’une partie du coût de la garde des enfants en bas âge, d’une part, le versement d’un revenu de remplacement en cas d’arrêt momentané de l’activité des parents, d’autre part.
3L’aide publique en faveur des parents de jeunes enfants représente un coût budgétaire important. Ainsi en 1997 (année sur laquelle porte notre étude), l’État ou la sécurité sociale ont payé 1,2 milliard d’euros au titre de l’Aide à la Famille pour l’Emploi d’une Assistante Maternelle (Afeam a) [1]; 0,3 milliard d’euros pour la prise en charge partielle des cotisations sociales pour l’emploi d’une garde à domicile au titre de l’Allocation de Garde d’Enfants à Domicile (Aged); 0,15 milliard d’euros au titre des réductions d’impôt pour frais de garde hors domicile des enfants de moins de 7 ans; 2,5 milliards d’euros pour l’allocation parentale d’éducation.
4Pour autant, les dépenses occasionnées par le recours à un service de garde payant peuvent demeurer éle v ée s r e la tiv em e n t au x r e ve nus d’ac ti vité potentiels de la mère. Ceci suggère que la décision de travailler, et le choix des heures de travail le cas échéant, pourraient ne pas être indépendants de la décision de recourir ou non à une garde payante. Plusieurs études décrivant la situation française en matière de travail des jeunes mères et de garde d’enfants (Drees, 2000, Flipo et Sédillot, 2000, R o b e r t - B o b é e, 2 0 0 2 ) é v o q u e n t d’a i l l e u r s l’interdépendance de ces choix, sans pour autant les modéliser conjointement. Lanot et Robin (1997) estiment un modèle structurel, mais avec une contrainte budgétaire linéaire par morceaux ne représentant le système socio-fiscal français que de manière très stylisée. Guillot (1996) estime un modèle de choix discret croisant participation au marché du travail et recours à une garde payante, mais sa modélisation ne permet pas d’évaluer l’effet de politiques économiques.
5L’objectif de cette étude consiste à modéliser les décisions simultanées des mères de jeunes enfants en matière d’offre de travail (décision d’activité et choix entre temps partiel court, temps partiel long et temps complet) et de recours à une garde payante des enfants, de manière à évaluer la sensibilité de ces choix aux coûts de garde, aux salaires et au montant des diverses aides publiques. L’étude apporte des éléments de réponse aux questions suivantes : dans quelle mesure une hausse des coûts de garde influe-t-elle sur le recours à un service de garde payant, sur la participation des jeunes mères au marché du travail et sur leur temps de travail ? Quel est l’effet d’une hausse de salaire sur la probabilité de recourir à une garde payante ? Quel est l’impact sur les comportements des aides publiques en faveur des jeunes parents ?
6L’article est organisé de la manière suivante. Après une brève revue de la littérature sur l’offre de travail et les gardes d’enfants (première partie), nous présentons les données utilisées (deuxième partie) puis le modèle et la méthode d’estimation (troisième partie). La quatrième partie décrit les résultats d’estimation et présente plusieurs simulations de politique économique.
Brève revue de la littérature
7Une vaste littérature économique sur la garde d’enfants, essentiellement anglo-saxonne, s’est développée à partir de l’article de James Heckman ( 1 9 7 4 ), q u i, l e p r e m i e r, a m o n t r é q u ’u n accroissement des coûts de garde des enfants réduit la probabilité que la mère travaille et le nombre d’heures travaillées en cas d’emploi. Toutefois, en pratique, l’impact des contraintes financières sur les décisions des mères de jeunes enfants en matière d’activité professionnelle et de mode de garde des enfants reste assez mal connu. En effet, aucun consensus clair ne s’est dégagé de la littérature, tant sur le plan des méthodes que sur celui des résultats. En particulier, les estimations des élasticités du r e cou rs à un m o de d e g ar de pa yan te, de la participation au marché du travail et des heures travaillées par rapport au coût de la garde des jeunes enfants sont très variables selon les études.
Des choix méthodologiques très divers
8Un pan de la littérature s’intéresse au choix du mode spécifique de garde, conditionnellement à l’emploi de la mère (par exemple Cleveland et Hyatt, 1993). La catégorisation des modes de garde joue alors un rôle essentiel. Certains auteurs se contentent de distinguer la garde au domicile des parents et la garde à l’extérieur. D’autres auteurs (Averett et alii, 1997, Blau et Hagy, 1998) distinguent au contraire très finement les différents types de garde (crèche, nourrice, parent, mari). Certains auteurs (Blau et Hagy, 1998) estiment la qualité des différents modes de garde, relativement à la qualité de la garde maternelle. Ils ont recours à des instruments comme les différences de réglementation encadrant les différents modes de garde, le niveau de diplôme des personnels de crèche ou de garde d’enfants, etc.
9Quelques auteurs considèrent la décision d’emploi comme endogène. Certains articles (Connelly et Kim me l, 2000) se contentent d’ajouter da ns l’estimation du modèle de choix du mode de garde un prédicteur de la participation (pour tenir compte de l’éventuelle endogénéité de cette dernière), ce qui ne permet pas de simuler l’effet sur l’emploi des subventions à la garde des enfants. D’autres (Blau et Hagy, 1988 ; Powell, 2002) estiment un modèle de décision jointe concernant l’emploi et le mode de garde. D’autres enfin (Ribar, 1995; Blundell et alii, 2000) vont jusqu’à modéliser la décision intensive (choix du nombre d’heures de travail).
10La prise en compte des modes informels de garde est également très variable suivant les articles. Seules les dépenses de garde formelle ouvrent droit aux aides publiques. Parmi les modes informels, on trouve le recours à un parent ou l’emploi d’un travailleur non déclaré (travail au noir). Dans ce dernier cas, la garde est informelle mais payante. Certains auteurs défendent l’idée que l’intervention d’un parent ou ami, si elle n’implique pas une dépense financière immédiate, entraîne des coûts d’une autre nature : ainsi le service de garde par un parent peut avoir comme contrepartie certaines obligations futures, qui peuvent être coûteuses (en temps notamment). Deux grands types d’approches coexistent dans la litté rature pour traiter ce problème. Comme Averett et alii (1997), on peut utiliser un prix implicite pour les heures de garde informelle et considérer qu’à l’équilibre, ce prix doit être égal au prix de l’heure de garde formelle net de toutes les subventions et aides fiscales. L’autre approche, utilisée par Ribar (1995), consiste à inclure un terme spécifique dans la fonction d’utilité (voir troisième partie).
11Les études se distinguent aussi par le caractère plus ou moins structurel de leur démarche. On observe le salaire d’une femme seulement si elle travaille et le prix (ou le coût total) de la garde seulement si elle recourt à une garde payante. La plupart des auteurs (Cleveland et alii, 1996, Connelly, 1992, Powell, 1997,2002) corrigent les biais de sélection dans les équations de salaire ou de coût de garde (ou de prix des différents modes de garde) en utilisant des équations réduites de participation ou de recours à un mode de garde particulier, qui sont estimées en première étape. Le modèle de choix discret du mode de garde est alors estimé en deuxième étape. Ce type d’estimations, appliqué au problème de la garde, pose des problèmes de consistance statistique, dans la mesure où les équations utilisées en première étape ne sont pas les “vraies” formes réduites issues du modèle complet.
12Des approches plus structurelles comme celles de Ribar (1995), Averett et alii (1997) ou Blundell et alii (2000) permettent d’éviter, au moins en partie, ces incohérences, tout en prenant en compte l’ensemble des taxes et prestations dans le calcul des ressources disponibles des ménages. Toutefois, en l’absence de données fines sur l’emploi du temps des mères, a uc un e m é th od e ne pe r m e t de se d isp e ns e r complètement d’hypothèses sur la relation entre heures de travail et heures de garde (ou coûts de la garde). Blundell et alii (2000) postulent une relation linéaire entre heures de travail et heures de garde. Ribar (1995) estime une relation plus flexible entre coûts de la garde et heures travaillées, qui permet notamment de prendre en compte des coûts fixes liés par exemple au temps de transport entre domicile et lieu de travail.
13Aucune de ces études n’a considéré l’effet du salaire minimum sur les choix de travail et de garde des enfants.
Des résultats empiriques très variables
14La littérature empirique sur données américaines et canadiennes contient un large éventail d’estimations pour les diverses élasticités en jeu. S’agissant des effets potentiels des mesures de politique publique envisageables, les conclusions sont également très variables suivant les articles. De plus, les articles travaillent sur des cham ps différents, ce qui complique encore les comparaisons : mères d’au moins un enfant de moins de trois ans, de moins de six ans, de moins de quinze ans. La plupart des auteurs disposent du prix payé par les ménages pour une heure de garde ou de données permettant de le reconstituer (en divisant par exemple les dépenses totales par le nombre d’heures de garde). Une exception est Ribar (1995) qui dispose des dépenses totales de garde, mais pas de la décomposition prix-quantité.
15To u t e s l e s é t u d e s t r o u v e n t u n i m p a c t significativement positif du salaire de la mère sur l’emploi et les heures travaillées [2]. L’élasticité du recours à une garde payante au coût de la garde dépend beaucoup des spécifications et du champ retenus. Ribar (1995) présente des estimations allant de-0,2 à -0,7. Blau et Hagy (1998) retiennent la valeur-0,34. Powell (2002) trouve des valeurs élevées pour les élasticités-prix des différents modes de gardes : de l’ordre de-1 pour les crèches et de-3 pour les assistantes maternelles. Le recours à une garde payante dépend aussi du salaire. L’élasticité correspondante vaut 0,18 d’après Cleveland et alii (1996) et de 0,1 à 0,8 selon les spécifications et les sous-populations d’après Ribar (1995). Enfin, les élasticités de l’emploi par rapport au coût de la garde sont très variables suivant les études [3].
16Plusieurs auteurs ont tenté d’évaluer l’impact du Child Care Tax Credit (CCTC), principal dispositif public d’aide à la garde d’enfants aux États-Unis. Cette subvention représente, suivant le niveau de revenu des parents, de 20 à 30 % de la dépense de garde éligible (le taux de prise en charge est un peu supérieur à celui qui prévaut en France). Comme la réduction d’impôt française, le CCTC n’est pas remboursable; l’avantage qu’il procure ne peut donc pas dépasser la cotisation d’impôt. Selon Ribar (1995), la suppression du CCTC aurait un effet très modeste sur l’emploi, puisque le taux d’emploi parmi les mères d’un enfant de moins de 15 ans (respectivement 6 ans) baisserait de 52,6 % (resp. 47,9 % ) à 52,1 % (resp. 47,6 %). Ribar ne met pas non plus en évidence de transitions massives de l’emploi à temps plein vers le temps partiel. Selon Averett et alii (1997), l’effet sur le nombre d’heures travaillées serait au contraire massif : l’offre de travail diminuerait en moyenne de 15 %. Cette divergence complète d’appréciation tient à l’utilisation de sources et de méthodologies différentes et illustre bien l’absence d’un paradigme accepté par tous les économistes en cette matière.
17Il est donc difficile de déduire de la littérature anglo-saxonne une idée sur les ordres de grandeurs attendus des effets des politiques en vigueur en Fra nce. De ux étude s sur donnée s fra nça ise s apportent cependant des éléments intéressants à ce sujet. Piketty (1998) a utilisé l’extension de l’Allocation Parentale d’Education au deuxième enfant en 1994 comme une expérience naturelle pour estimer des élasticités de l’offre de travail des mères d’enfants de moins de 3 ans. Il estime que 17 % des mères éligibles n’auraient pas quitté le marché du travail sans cette extension. Laroque et Salanié (2000,2002) ont étudié les effets des incitations financières sur l’offre de travail des femmes, en u ti l i s a n t u n e m é th o d o l o g i e e t d e s d o n n é e s comparables à celles que nous retenons, mais sans toutefois modéliser les décisions de garde des enfants.
Les données
18Nous exploitons l’enquête sur les revenus fiscaux de 1997 réalisée par l’Insee et la Direction générale des impôts (DGI). Cette source résulte d’un appariement entre les données d’un échantillon de 45 000 ménages ordinaires tiré de l’enquête Emploi de mars 1998 et des déclarations fiscales des individus de cet échantillon. Le principe de l’appariement consiste à rechercher les informations fiscales afférentes aux p e r s o n n e s r é s i d a n t d a n s l e s l o g e m e n t s d e l’échantillon de l’enquête Emploi en mars 1998. La composition des foyers fiscaux pour l’imposition des revenus perçus en 1997 ne coïncide pas nécessairement avec la situation familiale repérée en mars 1998 (rattachement de personnes ne vivant pas ha bitu e lle m e nt a u d om ic ile, c ha ng e m e nt de composition familiale à la suite d’une rupture ou d’une mise en couple) et les revenus fiscaux récupérés peuvent être incomplets. Nous nous limitons aux seuls ménages pour lesquels nous disposons d’une information d’origine fiscale complète pour tous les membres du ménage en mars 1998.
19L’enquête Emploi permet une description précise des caractéristiques socio-démographiques des ménages. L’exploitation des déclarations fiscales permet de connaître de façon détaillée l’ensemble des revenus imposables. Elle renseigne également sur les sommes versées au cours de l’année 1997 à un intervenant ou un service déclaré pour faire garder hors du domicile les enfants de moins de sept ans et sur les sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile. Les informations d’origine fiscale sur les dépenses consacrées à la garde des enfants sont sans d o u t e p lu s f i a b l e s q ue c e l l e s ob t e n u e s p a r questionnement direct auprès des ménages, à cause d’un risque d’oubli de certaines dépenses et d’une incertitude sur la façon dont les ménages prennent en compte les aides publiques dont ils bénéficient. A contrario, les données fiscales ne permettent pas d’isoler les dépenses relatives à chacun des enfants, ni de distinguer de façon précise les divers modes de garde auxquels recourent les ménages. On ne dispose pas d’informations sur le nombre d’heures de garde, ni sur le prix unitaire de la garde, qui varie parfois avec les revenus (c’est le cas pour les crèches notamment).
Champ de l’étude
20Notre champ principal d’investigation est constitué des couples ayant au moins un enfant de moins de 7 a n s ( c ’e st - à - di r e né e n 1 99 1 ou a p r è s). L a scolarisation étant obligatoire au-delà de 6 ans en France, les dépenses de garde des ménages ayant des enfants plus âgés ne ressortent pas de la même logique. Les ménages ayant uniquement un jeune enfant né en 1997 ne sont pas inclus dans l’étude, les dépenses de garde payante ne concernant alors pas l’ensemble de l’année.
21On ne s’intéresse ici qu’au recours à une aide payante hors du domicile parental (crèches, assistantes maternelles ou garde périscolaire principalement). Les ménages recourant principalement à une garde payante à domicile sont donc retirés du champ de l’étude. En effet, le salarié déclaré au domicile des parents peut ne pas avoir une activité directement liée à la garde des enfants : il peut s’agir d’heures de ménage par exemple. Les déclarations d’impôt ne contiennent pas d’information sur le détail et la nature des prestations effectuées par les salariés à dom icile. Il est vraisemblable que les mères d’enfants de moins de 3 ans employant à titre principal un salarié à domicile aient recours à ce service pour la garde de leurs enfants, même si ce salarié peut simultanément effectuer des tâches complémentaires. Il n’en reste pas moins que l’on risquerait d’assimiler à une garde à domicile des frais de femme de ménage dans le cas où la mère garde elle-même ses enfants ou les fait garder par un membre de la famille. Ces situations sont d’autant plus probables que les enfants sont plus âgés.
22Cette sélection de champ conduit à diminuer légèrement le niveau de vie des ménages et la part des femmes exerçant une activité à temps plein, les familles recourant à une aide à domicile étant en moyenne plus aisées et les gardes à domicile étant plus souvent choisies lorsque la femme travaille à temps complet.
23La modélisation conjointe de l’offre de travail des jeunes mères et du recours à une garde payante né c e ss it e la r e c on s ti tu ti o n d e l a c on t r a in te bud gé ta ir e de s m én a ge s, q ui f a it in te r ve ni r l’ensemble des impôts et transferts sociaux. Le régime fiscal des couples dépend de leur statut marital. Les couples mariés forment un foyer fiscal unique, alors que chaque conjoint dans les couples non mariés forme un foyer fiscal distinct, qui peut rattacher un ou plusieurs enfants. Le rattachement des enfants peut donner lieu à un arbitrage qui rend complexe l’écriture d’une contrainte budgétaire réaliste pour les couples non mariés avec enfants. C’est pourquoi on se restreint aux couples mariés. Cette sélection ne modifie pas considérablement les caractéristiques de l’échantillon. En effet, 82 % des couples avec enfants de moins de 7 ans sont mariés; de plus, les caractéristiques des deux populations sont très proches [4].
24Les heures de travail ne peuvent être connues que pour les femmes salariées, ce qui nous conduit à retirer du champ les femmes exerçant une activité professionnelle indépendante. Cette limitation du champ diminue la part des ménages employant un salarié à domicile et diminue également le niveau de vie moyen des ménages.
25Les femmes institutrices ou professeurs sont également retirées du champ, à cause d’erreurs de mesure potentiellement importantes sur leur temps de travail. En effet, dans l’enquête Emploi, ces femmes semblent fréquemment déclarer une durée hebdomadaire de travail correspondant à leurs heures de cours et non à leurs heures de travail effectives. Conserver ces observations amènerait à les considérer souvent à temps partiel, alors qu’une partie d’entre elles travaillent à temps complet [5].
26Enfin, pour une raison de cohérence avec le modèle que nous estimons, nous retirons également de l’échantillon les femmes dont le salaire horaire est i nf é r i e ur a u S m i c ( vo i r l a pa r t ie d’a n a ly se descriptive ci-dessous).
restriction du champ et représentativité de l’étude

restriction du champ et représentativité de l’étude
27Le tableau 1 présente les caractéristiques de l’éc hantillon initial et l’e ffet de s sélec tions successives décrites ci-dessus.
28Tout au long de l’étude, nous distinguons deux échantillons, comprenant respectivement les mères d’au moins un enfant de moins de 7 ans et les mères d’enfants de moins de 3 ans (enfants nés en 1995 ou après). D’une part, les comportements en matière de garde d’enfants sont en effet différents dans les deux sous-populations, les enfants étant fortement scolarisés dès l’âge de 2 ou 3 ans [6]. D’autre part, les aides apportées aux parents (Afeama, Aged, APE, etc.) varient en fonction de l’âge des enfants (avant/après 3 ans, moins de 7 ans, pour la réduction d’impôts).
Construction des variables endogènes
29Les dépenses de garde d’enfants données par la source fiscale concernent l’ensemble de l’année 1997, période au cours de laquelle l’activité des femmes a pu évoluer. Nous définissons la situation des femmes sur le marché du travail en 1997 comme l’activité professionnelle la plus fréquemment rencontrée au cours de l’année (activité salariée, indépendante, au chômage, inactive). Pour la même raison, la durée de travail habituelle retenue pour les femmes salariées la majeure partie de l’année est la moyenne des durées de travail observées aux enquêtes emploi de mars 1997 et mars 1998.
30Un des choix méthodologiques importants concerne la mesure du salaire des femmes. Nous privilégions la source fiscale, pour une raison de cohérence avec les dépenses de garde déclarées au fisc [7]. Le salaire horaire est calculé en rapportant les sommes déclarées au fisc au titre des traitements et salaires perçus en 1997 au nombre d’heures de travail de l’année tirée de l’enquête Emploi [8].
heures hebdomadaires de travail des femmes salariées

heures hebdomadaires de travail des femmes salariées
31La distribution empirique des heures travaillées par les femmes qui travaillent (figure 1) est concentrée autour de trois pics, correspondant à un mi-temps (20 heures), à un autre temps partiel, principalement à 80 % (30 heures) et au temps plein (39 heures par semaine en 1997). Dans toute la suite, on construit quatre tranches horaires, de 0 à 15, de 15 à 25, de 25 à 34,34 et plus, qui seront désignées par la suite par “non-activité”, “mi-temps”, “temps partiel long” et “temps plein”.
Analyse descriptive
32En 1997, un quart des ménages ayant des enfants de moins de 7 ans a recours à une aide payante hors domicile (crèche ou assistante maternelle, mais aussi garderie périscolaire pour les enfants allant à l’école) pour faire garder ses enfants. Le taux de recours est d’autant plus important que les enfants sont jeunes et non scolarisés : 29 % pour les ménages ayant au moins un enfant de moins de 3 ans, 20 % lorsqu’il n’y a que des enfants de 3 à 6 ans (figure 2). Le recours est fortement corrélé à l’activité de la femme : 46 % des ménages avec enfants de moins de 7 ans font appel à un service d’aide rémunéré hors domicile lorsque la femme est salariée, 4 % si elle est au chômage ou inactive. Pour les femmes salariées, le taux de recours augmente avec la durée de travail : 50 % pour les familles où la femme travaille à temps complet, 25% lorsque la femme travaille à mi-temps. Le recours est plus fréquent pour les ménages les plus aisés et augmente avec les revenus d’activité de la femme et son niveau d’étude. Le non-recours à une aide payante déclarée peut être dû à l’aide gratuite d’un m e mbr e de la fam ille (se lon l’e nquête “Services de proximité” réalisée en 1999 par l’Insee, 15 % des ménages ayant des enfants de moins de 3 ans ne recourent qu’à une aide gratuite) ou à un mode de garde payant non déclaré au fisc.
recours à une aide rémunérée hors domicile pour faire garder ses enfants en 1997, selon l’activité professionnelle, le diplôme de la femme et le niveau de vie des ménages

recours à une aide rémunérée hors domicile pour faire garder ses enfants en 1997, selon l’activité professionnelle, le diplôme de la femme et le niveau de vie des ménages
33En 1997, les dépenses de garde payante hors du domicile s’élèvent en moyenne à 1 100 euros sur l’année, une fois déduites la prise en charge partielle des cotisations sociales et les aides directement perçues (Afeama, Aged, aides de l’employeur, voir an ne xe 1), m a is a va n t pr ise e n c om p te de s éventuelles réductions d’impôts (tableau 2). Pour environ 20 % des ménages, les dépenses dépassent 3 000 euros par an. Les dépenses sont souvent faibles, surtout lorsqu’il n’y a que des enfants scolarisés : 60 % des ménages dépensent moins de 1 000 euros par an et ce pourcentage atteint 75 % lorsque la famille ne compte pas d’enfants de moins de 3 ans (figure 3). Ces faibles dépenses peuvent traduire le recours ponctuel à un service d’aide rémunéré, les jeunes enfants étant principalement gardés par leur mère ou bénévolement par une personne de la famille, mais également le recours à une garde temporaire pour faire le lien entre la journée scolaire des enfants et le moment où les parents peuvent venir chercher leurs enfants après le ur t ra v a il. E ll e s p e uv e nt a u ss i r e f lé te r la dégressivité des tarifs pratiqués par certaines structures collectives en fonction des revenus (crèches et garderies périscolaires notamment), qui réduit le montant des dépenses engagées par les ménages les plus modestes.
distribution des dépenses annuelles(*) en garde d’enfants hors du domicile parental

distribution des dépenses annuelles(*) en garde d’enfants hors du domicile parental
part du revenu disponible des ménages consacrée aux dépenses(*) en garde d’enfants hors du domicile parental, selon l’activité professionnelle de la mère

part du revenu disponible des ménages consacrée aux dépenses(*) en garde d’enfants hors du domicile parental, selon l’activité professionnelle de la mère
34Les réductions d’impôts pour frais de garde hors du domicile (voir annexe 1) diminuent en moyenne de 16 % les dépenses à la charge des familles. Elles bénéficient peu aux ménages les plus modestes, souvent non imposables, l’aide publique envers ces familles prenant alors essentiellement la forme d’aides directes plus importantes.
35Les coûts de garde d’enfants restant finalement à la charge des familles représentent 2,7 % des revenus des ménages avec enfants de moins de 7 ans et 3,5 % des revenus des familles avec enfants de moins de 3 ans (figure 4). Ce ratio augmente avec la durée de travail de la mère.
dépenses de garde hors du domicile parental, en moyenne annuelle (en euros par an)

dépenses de garde hors du domicile parental, en moyenne annuelle (en euros par an)
répartition des femmes selon leurs heures de travail par semaine (en %)

répartition des femmes selon leurs heures de travail par semaine (en %)
36Parmi les mères d’enfants de moins de 7 ans (respectivement moins de 3 ans), 52 % (resp. 56 %) n’exercent pas d’activité professionnelle au cours de l’année 1997 (tableau 3). Cette part est nettement plus élevée parmi les femmes peu diplômées. Cette ab se n c e d’a c tiv ité s a la r ié e pe u t r é su lte r de difficultés à trouver un emploi ou d’un choix de retrait du marché du travail. Ce dernier motif semble prédominant, les femmes concernées se déclarant massivement comme femmes au foyer et non comme à la recherche d’un emploi.
37Les femmes diplômées travaillent plus souvent à temps partiel : 23 % des mères d’enfants de moins de 7 ans ayant au moins le Bac sont à temps partiel, contre 16 % pour les moins diplômées. Le lien entre e x e r c i c e d’u n e a c t i v i t é à t e m p s p a r t i e l e t rémunération du travail est également complexe compte tenu des législations en vigueur sur les salaires. Notamment, un salarié travaillant à 80 % perçoit une rémunération annuelle en général supérieure à 80 % du salaire procuré par un emploi identique à temps complet. La distribution des salaires horaires (salaires déclarés au fisc rapportés au nombre d’heures de travail) varie selon la durée de tr a vail ( figur e 5). E n m oye nne, les f e mm e s tr av aillant à tem ps pa rtiel long ( plus qu’un mi-temps) perçoivent 8,1 euros par heure de travail, contre 7,7 euros par heure pour les femmes à temps complet. Le salaire horaire moyen pour les femmes travaillant à mi-temps est plus faible : 7,4 euros par he u r e. C e c i p e u t r e f l é t e r de s d i s p a r i té s d e qualification ou de secteurs d’activité : les femmes à mi-temps seraient plus présentes dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs ou employant plutôt des personnes peu qualifiées. La dispersion des salaires horaires est plus forte pour les femmes à temps partiel que pour les femmes à temps complet. Le graphique 5 montre que la proportion de femmes de l’échantillon initial dont le salaire est inférieur au Smic horaire (dont la valeur de 4,57 euros est représentée sur la figure) est faible (de l’ordre de 4 %, voir le tableau 1). Comme indiqué plus haut, ces femmes sont retirées de l’échantillon finalement retenu pour l’estimation du modèle, si bien que la distribution des salaires dans cet échantillon est tronquée inférieurement.
distribution des salaires horaires féminins perçus en 1997, selon la durée de travail

distribution des salaires horaires féminins perçus en 1997, selon la durée de travail
La contrainte budgétaire
38La modélisation de la contrainte budgétaire des ménages en fonction de leur situation relative au travail et à la garde des enfants est un élément primordial du modèle. Le système socio-fiscal français étant particulièrement complexe, il n’est pas possible de le modéliser complètement à l’aide des données dont nous disposons. Néanmoins, les éléments à notre sens les plus susceptibles d’influer sur les décisions de travail et de garde des ménages ont été introduits. Plus spécifiquement, sont pris en compte dans la contrainte budgétaire :
- l’impôt sur le revenu (IR) : abattements (plafonnés) de 10 et 20 %, barème proprement dit, quotient familial (plafonné), décote, minimum de perception de 400 francs, réduction d’impôt au titre des frais de garde des enfants (25 % de la dépense plafonnée à 2 287 euros par enfant) [9];
- l’Allocation parentale d’éducation (APE), en distinguant arrêt total de travail, temps partiel cours et temps partiel long. L’allocation à taux plein
- situation d’inactivité) est de 456 euros par mois. Les montants dans les autres cas sont données en annexe 1 ;
- le Revenu Minimum d’Insertion (RMI). Nous ignorons le forfait logement, dans la mesure où nous ne prenons par ailleurs pas en compte les aides au logement;
- les prestations familiales : en 1997, exceptées les allocations familiales de base, toutes les autres prestations (complément familial, Allocation pour jeune enfant (APJE), allocation de rentrée scolaire (ARS)) sont soumises à condition de ressources. Nous tenons compte des règles de cumul entre les diverses prestations, en particulier RMI, APE, APJE et complément familial.
39En revanche, nous négligeons les allocations de logement, les allocations de chômage, la taxe d’habitation et les cotisations sociales et patronales sur les salaires. L’abandon des trois premiers dispositifs est dicté par l’absence de données permettant de les modéliser correctement [10]. La non-modélisation des cotisations sur les salaires est dictée par le fait que nous n’avons pas de données permettant de modéliser les aides de l’État portant sur ces cotisations (Aged et Afeama). Du coup, nous n’avons pas la possibilité de reconstituer un bilan financier pour l’État des diverses mesures de politique économique, ce qui aurait constitué la principale motivation pour modéliser les cotisations sur les salaires.
40Le tableau 4 présente les ressources et les principales prestations dans quelques cas types. Dans la population étudiée, le RMI ne joue pas un rôle très im p o r t a n t. E n e f f e t, 9 5 % d e s h o m m e s d e l’échantillon sont des salariés (les 5 % restant sont des chômeurs) et 48 % des ménages sont éligibles à l’APE. Le salaire du mari joint aux prestations familiales et à l’APE dépasse le plafond du RMI dans la plupart des cas.
41Dans le premier cas type, le ménage n’est pas éligible à l’APE et perçoit le RMI quand la femme travaille au plus à mi-temps. Dans le quatrième cas type, le mari perçoit environ un demi Smic [11] et le ménage est bénéficiaire du RMI lorsque la femme ne travaille pas.
42Les autres cas types illustrent les différents effets propres à la réduction d’impôt pour garde d’enfant. Celle-ci est toujours croissante avec les heures de travail de la mère mais peut être plafonnée assez rapidement. Dans le cas 2, la réduction est égale au quart de la dépense. Dans le cas 5, la dépense excède les 15 000 francs (2 287 euros) par enfant et ce plafond s’applique dès 20 heures de travail pour la femme. Dans le cas 3, le plafond n’est jamais atteint e t la réduction d’im pôt rend le m énage non imposable. Dans le cas 6, les revenus sont plus élevés et la réduction ne suffit pas à rendre le ménage non imposable lorsque la femme travaille à temps plein.
43Dans certains cas, les ressources nettes du ménage ne sont pas croissantes avec les heures de travail de la femme. Ainsi dans le cas 5, les ressources sont plus élevées à 30 heures qu’à 39 heures, la perte de l’APE et le surcroît d’impôt faisant plus que compenser l’augmentation des revenus du travail de la femme.
ressources nettes du ménage et impact des principaux dispositifs (en 1997) : quelques cas-types

ressources nettes du ménage et impact des principaux dispositifs (en 1997) : quelques cas-types
La modélisation de la décision des mères
44La similitude de nos données avec celles de Ribar (1995) nous conduit à adopter une approche très semblable à la sienne. Fondamentalement, l’absence de données sur le prix unitaire et les heures de garde nous empêche d’estimer une fonction de demande d’heures de garde. Nous considérons un modèle théorique plus parcimonieux, conduisant à une spécification économétrique pratiquement identique à celle de Ribar.
Le modèle théorique
45L’offre de travail de l’homme est supposée fixe [12]. La femme choisit son offre de travail (participation ou non, et heures de travail en cas de participation), ainsi que le mode de garde de ses enfants (formel ou informel, ce dernier cas regroupant toutes les solutions alternatives, comme la garde par la mère, par un proche, ou les gardes non déclarées).
46Les préférences du couple sont représentées par une fonction d’utilité U C L( , ), où C représente la consommation d’un bien composite (Hicksien) pris comme numéraire et L représente le temps de loisir de la femme. Les heures de travail et de loisir de la femme sont liées par la relation L = T - H, où T représente le temps total disponible de la femme.
47La première hypothèse simplificatrice que nous
adoptons du fait de l’absence de données sur le
volume horaire de garde est la suivante. Nous
supposons que la famille a besoin d’assurer un
certain nombre d’heures de garde d’enfant, Q
exogène, ne dépendant que de sa composition. La
quantité de garde d’enfant est produite à partir de
deux inputs, le temps de loisir de la mère, L, et les
heures de garde formelle payante, G. La famille doit
donc assurer une production d’heures de garde
satisfaisant la relation :

où X est un vecteur de variables exogènes qui affectent la facilité à recourir à une garde informelle, comme la proximité de membres de la famille ou de tiers pouvant se substituer aux parents.
48Conditionnellement aux heures de travail de la
femme, la relation (1) peut être inversée pour
donner :

Le programme d’optimisation du ménage s’écrit donc :

où d(G) représenteles dépenses formelles de garde d’enfant à la charge des ménages (c’est-à-dire nettes de l’Afeama et de l’Aged), w est le salaire horaire de la femme, N les revenus du ménage autres que les salaires de la femme et T les transferts (impôts payés moins tranferts sociaux). Les ressources dépendent des dépenses de garde payante directement et via la réduction d’impôt.
49Une fois déterminée la relation entre les heures de travail et les heures de garde, le modèle se résout comme un modèle d’offre de travail standard.
50À ce stade, nous introduisons une deuxième modification. L a contrainte budgétaire du programme ci-dessus ne prend pas en compte les dépenses non déclarées, ou implicites au sens où le recours à une aide extérieure pour la garde des enfants, même s’il ne fait l’objet d’aucune dépense, peut être l’objet de contreparties en temps. Ces dépenses ne sont jamais observées. Cependant, il est important d’en tenir compte. Pour cela, on modifie le modèle en considérant que le recours à une garde extérieure payante, défini comme F = 1 (G > 0), intervient comme un argument de la fonction d’utilité du ménage U = U (C, L, F) [13]. Cette technique est également utilisée par Ribar (1995) [14].
La spécification économétrique
51Nous spécifions une forme quadratique pour
l’utilité :

L’hétérogénéité individuelle porte d’une part sur le salaire horaire et les dépenses de garde, d’autre part sur les préférences. Les coefficients ?h et ?f sont aléatoires :

Les coefficients ? ? ? ? cc, , , ne dépendent ch hh fh que de caractéristiques observées des ménages (en pratique, les trois premiers sont constants, le dernier dépend également du nombre d’enfants de moins de trois ans).
52L’inclusion dans la fonction d’utilité d’un effet croisé f.h entre le recours à une garde formelle et les heures travaillées vise à traduire l’idée que, selon les horaires de la mère, les solutions alternatives à la garde hors du domicile sont susceptibles d’être valorisées différemment. Par exemple, il est sans doute plus facile de recourir à une garde par des proches en cas de mi-temps qu’en cas de plein temps. Ces termes peuvent aussi capter des effets de contraintes sur l’offre de garde formelle. Par exemple, les horaires des crèches ne sont pas nécessairement compatibles avec un plein temps auquel s’ajoutent de longs temps de transport, les horaires des assistantes maternelles ne sont pas infiniment extensibles, etc. L’offre de services de garde peut également, dans certains cas, être contingente à la situation de la femme sur le marché du travail. Ainsi, dans un contexte de rationnement de la demande, l’activité de la femme est souvent une condition sine qua non d’admission en crèche. Le classement des demandes par ordre de priorité privilégie les femmes qui travaillent à plein temps, les autres étant supposées pouvoir recourir plus facilement à d’autres modes de garde (halte-garderie, tierce personne, etc.). Ce constat nous a conduit à adopter une spécification encore plus flexible, qui consiste à remplacer le terme? fh fh partrois termesspécifiques à chaque tranche horaire, 20 30 39f f f? ? ?, ,. L e s v a r i a b l e s 20 30 39f f f explicatives intervenant dans les trois coefficients sont les mêmes : une constante et le nombre d’enfants de moins de trois ans dans le modèle estimé sur le champ complet (ménages avec enfants de moins de sept ans).
53L’hétérogénéité tient aussi aux différences de
salaires horaires de la femme et de dépenses de garde
payante. On pose :

Les heures travaillées interviennent, sous la forme des indicatrices de chaque tranche, dans l’équation de dépenses [15]. La relation entre heures travaillées et dépenses de garde est très flexible (en particulier elle n’est pas nécessairement linéaire).
54Les quatre résidus du modèle sont supposés suivre une loi jointe normale, de moyenne nulle et de matrice de covariance ?. Nous n’imposons aucune contrainte sur ?, autre que la sym étrie et la positivité [16].
55L’estimation du modèle nécessite de tenir compte de la non-convexité de la contrainte budgétaire des ménages, qui résulte de la complexité du système fiscal et social. La voie choisie pour contourner ce problème consiste à réduire le choix des heures de travail de la femme, a priori continu, à un choix discret. On considère que la variable d’heures prend quatre modalités correspondant aux valeurs les plus couramm ent observées : 0,20,30 et 39. Le croisement de ces situations sur le marché du travail avec le recours à une garde payante produit huit situations possibles. Les choix des ménages sont estimés à partir de la comparaison de leur utilité dans ces huit situations.
56Une exception importante concerne les femmes dont la productivité horaire estimée est inférieure au Smic. On suppose que ces femmes ne peuvent pas travailler (pour d’autres études récentes du marché du travail français adoptant ce cadre, voir Laroque et Salanié, 2000, ou Choné, 2002). Leur choix se limite donc à la décision de faire garder leur enfant par une garde payante.
57Le modèle est identifié par la normalisation du coefficient de c dans l’utilité et par de multiples non-linéarités dans la contrainte de budget. L’estimation est rendue plus robuste par des restrictions d’exclusion de variables imposées dans les différentes équations (c’est-à-dire des variables intervenant dans x sans être dans x x, ou xw et f d h ainsi de suite). Le tableau 5 présente, pour chaque équation, la liste des variables introduites, ainsi qu’une interprétation de l’effet économique correspondant.
Prise en compte de contraintes sur l’offre de travail et la demande de garde
58Avant de poursuivre, il importe de considérer en détail deux aspects empiriquement importants. Le premier concerne le réalisme du modèle en ce qui concerne le choix de l’offre de travail par la femme. Notre modèle suppose ce choix totalement libre, ce qui peut sembler abusif à première vue. Considérons d’abord la décision de participation au marché du travail. La moitié des mères d’enfants de moins de 7 ans de notre échantillon n’exerçaient pas d’activité professionnelle au cours de l’année 1997. Les femmes concernées se déclarent massivement comme femmes au foyer et non comme étant à la r e c he rc h e d’u n e m plo i. On n e p e ut e xc lur e ce pendant que ce choix soit pa rfois subi ou contraint [17]. Cependant, notre modèle considère explicitement la contrainte de productivité minimale imposée par le Smic, qui empêche certaines femmes peu qualifiées de travailler. On peut donc penser qu’une bonne part des contraintes de demande de travail sont prises en compte. Nous introduisons également le taux de chômage observé dans le département de résidence parmi les variables expliquant les préférences pour le travail, pour refléter l’idée qu’un fort taux de chômage local peut dissuader des femmes de se présenter sur le marché du travail.
59Concernant le choix des heures lorsque la femme travaille, il est difficile de savoir si le temps de travail effectué est contraint, par les emplois offerts notamment (plus ou moins grande facilité de travail à temps partiel selon les secteurs d’activité). Toutefois, le temps partiel subi (au sens de l’enquête Emploi) est nettement moins fréquent chez les jeunes mères que pour l’ensemble des femmes : un quart des mères d’enfants de moins de 7 ans travaillant à temps partiel souhaitent travailler davantage, contre un tiers pour l’ensemble des femmes à temps partiel ; 17 % des femmes bénéficiant de l’APE (voir annexe 1) et travaillant à temps partiel souhaitent travailler davantage, et, parmi elles, un tiers environ souhaitent augmenter leur durée de travail sans toutefois aller jusqu’à un temps complet. Un moyen de prendre en compte ces contraintes serait d’introduire dans le modèle des probabilités (exogènes) de trouver un emploi correspondant au choix optimal (Choné, 2002). La difficulté de ce genre d’approche réside dans l’identification séparée des préférences et des contraintes. Pour ce faire, on doit utiliser des restrictions d’exclusion entre les deux, sur des bases ad hoc. Compte tenu de la complexité de notre modèle par rapport aux modèles standard d’offre de travail, nous ne suivons pas cette voie. Il nous semble que l’absence de prise en compte de contraintes sur les horaires n’est pas irréaliste, compte tenu de la discrétisation du choix des heures. En effet, selon notre spécification, le choix d’offre de travail de la femme est limité à un choix de tranche horaire assez large et non à une durée de travail précise, ce qui correspond à l’observation.
les variables introduites dans le modèle

les variables introduites dans le modèle
60La deuxième question concerne le choix du mode de garde. Là encore, il importe de tenir lieu de contraintes éventuelles d’offre locale de services de garde (existence de structures d’accueil, mais aussi proximité d’un membre de la famille pouvant assurer au moins en partie la garde des enfants). Nous avons vu comment la spécification des préférences prenait indirectement en compte ces problèmes. Nous introduisons en outre deux variables explicatives ad hoc : un indicateur résumant la situation de l’offre en matière de garde d’enfants et une variable indiquant si le couple réside dans le département de naissance de l’un des deux conjoints. La première variable est un taux d’équipement en structures d’accueil pour jeunes enfants, rapportant le nombre de places en crèches familiales et collectives (source Drees) et le nom b re d’e nf a nts g ar dé s p ar un e a ss ista nte maternelle agréée (source Irce m) au nom bre d’enfants de 1,2 ou 3 ans dans le département (source Insee recensement 1999). La deuxième variable est introduite pour pallier l’absence de renseignements directs sur la proximité de parents des membres du couple pouvant assurer la garde des enfants. À un niveau descriptif, ces deux variables sont corrélées avec le recours à une garde payante.
La vraisemblance
61Le modèle est estimé par la méthode du maximum de vraisemblance simulé, à l’aide d’une technique de type GHK présentée dans l’annexe 2. La plupart des études antérieures procèdent en plusieurs étapes, estimant d’abord des équations de salaire et des équa tions de dé pense s, puis les pr é fé re nce s conditionnellement aux résultats des premières étapes. Un apport de ce travail est l’estimation simultanée de l’ensemble des équations du modèle, qui permet en particulier de prendre en compte les corrélations entre les préférences et les résidus des équations de salaire et de dépense de garde.
62L’écriture de la vraisemblance complète du modèle est assez lourde. L’expression de la vraisemblance est différente selon que la femme travaille ou non et recourt ou non à une garde payante. Suivant le cas, on observe le salaire et la dépense, l’une de ces quantités seulement ou aucune des deux. Le calcul est en outre compliqué par la prise en compte du Smic.
63L e s c o n t r i b u t i o n s d e s o b s e r v a t i o n s à l a vraisemblance dans les différents cas sont présentées en annexe 3. Une fois estimés les paramètres du modèle, les simulations de politique économique sont effectuées de la manière suivante : on tire un échantillon de résidus dans leur loi jointe estimée, ce qui permet de simuler pour chaque individu les variables endogènes du modèle (salaires, dépenses, niveaux d’utilité) et finalement la combinaison offre de travail / garde formelle choisie avant et après la réforme. Cette méthode permet de construire des matrices de transition entre états. En pratique, nous utilisons 1 000 tirages de résidus par individu.
Résultats
64Le modèle est estimé sur deux champs : celui des familles avec enfants de moins de 7 ans, sur lequel on dispose de 2 655 observations, et celui des familles avec au moins un enfant de moins de 3 ans, comprenant 1 296 observations. En effet, les élasticités de l’offre de travail et du recours à une garde payante devraient être a priori plus importants pour les familles ayant de jeunes enfants, les dépenses de garde étant alors plus fortes. Cette double estimation est aussi un moyen de mesurer la robustesse des résultats, en comparant les chiffres issus des deux modèles sur leur champ commun des familles avec enfants de moins de 3 ans. Les coefficients du modèle pour les deux champs sont donnés dans le tableau 6. Les résultats sont très comparables, aussi bien sur le plan des transitions entre états que sur celui des élasticités de l’offre de travail et du recours par rapport aux différents paramètres. Aussi dans la suite, nous ne présentons que les résultats issus du modèle estimé sur le champ complet des familles avec enfants de moins de 7 ans.
Coefficients estimés
65L’équation de salaire est similaire à celles que l’on peut obtenir en estimant un modèle classique d’offre de travail à la Heckman : en particulier, les salaires horaires augmentent avec l’âge de fin des études des femmes, le diplôme et l’expérience professionnelle, et sont plus élevés en région parisienne qu’en province.
66L’équation de dépenses de garde est plus difficile à estim er correcteme nt [18]. L’inte rpré tation des coefficients est assez difficile du fait de la présence des heures parmi les variables explicatives et des corrélations entre le résidu de l’équation de dépenses et ceux des préférences pour la garde payante et les heures. Ainsi, les coefficients négatifs des heures de tr ava il dans c ette équa tion pe uvent se m bler c ontre-intuitifs à pre miè re vue. Nous a vons cependant vérifié que les dépenses prédites, sachant le recours à une garde payante et le nombre d’heures travaillées, sont bien croissantes avec les heures. Deux coefficients de variables strictement exogènes, le taux d’équipement en structures d’accueil et l’indicatrice de résidence en région parisienne, ont le signe attendu. Les dépenses sont plus élevées en région parisienne et décroissent avec le taux d’équipement en crèches et assistantes maternelles. L’écart type du résidu de l’équation de dépenses (en logarithme) pour le modèle complet est de 1,34, ce qui montre la très grande variabilité des dépenses des ménages, même après contrôle d’un certain nombre de ca rac téristiques. Aucune des nom breuse s spécifications que nous avons testées pour cette équation ne nous a permis de réduire cet écart type de manière significative.
estimation du modèle sur les deux champs considérés

estimation du modèle sur les deux champs considérés
(fin)

(fin)
67L’utilité est concave par rapport au revenu et aux heures. En particulier, l’utilité marginale du revenu est décroissante. L’aversion marginalepour le travail à zéro heure de travail (égale à l’opposé du coefficient ?, voir équation (3)), croît avec le h nombre d’enfants, et ce d’autant plus fortement que les enfants sont jeunes, mais, à nombre et âge des enfants donnés, diminue avec l’âge. Elle est plus f o r t e p o u r l e s f e m m e s r é s i d a n t d a n s d e s départements fortement touchés par le chômage et pour les femmes de nationalité étrangère. Enfin, une certaine coordination entre conjoints pourrait s’opérer dans les couples avec jeunes enfants : la femme semble vouloir travailler d’autant moins que son mari travaille beaucoup. Ce résultat est à rapprocher de l’étude descriptive de Fermanian et Lagarde (1998), qui conclut à un impact négatif, mais non significatif, du temps de travail du mari sur celui de la femme pour les familles avec enfants de moins de 6 ans.
68Le coefficient de préférence pour le recours à une garde payante (? ) est plus élevé lorsque le conjoint f est plus diplômé et pour les personnes résidant en zone urbaine. Il croît avec le taux d’équipement local en structures d’accueil. L’écart type de ce coefficient est nettement plus élevé que celui du coefficient des préférences pour les heures. Comme pour l’équation de dépenses, cette importante hétérogénéité non observée est à notre sens au moins en partie le résultat de données insuffisamment précises sur les modes de garde et les heures de garde.
69Les coefficients des termes de l’utilité croisant les heures et le recours (? ? ?, , ) ont des valeurs f f f20 30 39 assez voisines. Sur le champ des ménages avec enfants de moins de 3 ans, un test de Wald et un test de rapport de vraisemblance conduisent tous deux à accepter à 10 % l’égalité des coefficients alors que sur le champ complet, on rejette l’égalité par un test de rapport de vraisemblance [19]. Empiriquement, le fait que l’utilité de la garde payante croisse avec le nombre d’heures travaillées dans notre spécification actuelle peut s’interpréter de plusieurs manières (non exclusives).
70En premier lieu, ce fait peut refléter des contraintes d’accès aux modes de garde formels (les crèches en particulier, où l’admission peut être subordonnée explicitement au fait que la femme travaille à plein temps). Autre explication possible : les modes de garde formels seraient plus adaptés à une garde à plein temps (avec l’idée qu’il est plus difficile de recourir à une garde informelle à plein temps que pour quelques heures par semaine). L’absence de données sur le mode de garde est à ce niveau pénalisante et des données détaillées sur les modes de garde feraient sans doute apparaître des résultats contrastés selon le type de garde.
Fit du modèle estimé sur le champ complet (couples avec enfants de moins de 7 ans )

Fit du modèle estimé sur le champ complet (couples avec enfants de moins de 7 ans )
71Sur les six corrélations entre les résidus du modèle, deux apparaissent non significatives. Il s’agit des corrélations entre le salaire et la dépense, d’une part, entre le salaire et les préférences pour la garde p a y a n t e, d’a u t r e p a r t. L e s q u a t r e a u t r e s corrélations sont significativement différentes de zéro. La corrélation entre les résidus des équations de recours et de dépenses est fortement négative, ce qui est conforme à l’intuition (le ménage aura d’autant plus tendance à recourir à une garde payante que la dépense sera moins élevée). Les a u t r e s c o r r é l a t i o n s n e s o n t p a s a i s é m e n t interprétables économiquement [20].
72Le modèle ainsi estimé reproduit relativement bien l e s s i t u a t i o n s o b s e r v é e s ( t a b l e a u 7 ). L e s indic ate urs utilisé s p our m esure r la bon ne adéquation du modèle aux données sont, d’une part, les fréquences des huit états correspondant au croisement des situations de travail et de recours à une garde payante prédites par le modèle et, d’autre pa r t, le s sa la i r es m o ye ns de s fe m m e s q ui travaillent et les dépenses moyennes des ménages qui recourent à une garde payante. L’adéquation des probabilités discrètes est satisfaisante, même si elle est loin d’être parfaite, contrairement à ce qui se pa sse dan s un m odè le d e c hoix dis cr et traditionnel de type Logit ou Probit. En effet, un m o d è l e d e c h oi x c l a s s i q u e à 8 m od a li t é s comprendrait un nombre de coefficients beaucoup plus élevé que le modèle estimé ici. Les fréquences prédites pour chacun des huit états demeurent proches de celles effectivement observées lorsque l’on raisonne sur des sous-populations selon l’âge des enfants et le niveau d’étude de la mère notamment.
Les élasticités du recours et de l’offre de travail
73Pour évaluer la sensibilité de l’offre de travail et du recours à une aide payante aux frais de garde d’enfants et à la rémunération du travail des fe m m e s, d e ux si m ul a ti on s ad ho c on t é t é effectuées, portant sur le niveau des dépenses des ménages et les salaires horaires perçus.
Élasticité au salaire horaire
74Dans une première variante, on augmente les salaires horaires féminins de 10 %, sans modifier le niveau du Smic. L’emploi féminin augmente alors fortement : +4 points pour l’ensemble des mères d’enfants de moins de 7 ans (tableau 9) et pour les mères d’enfants de moins de trois ans. Le travail à mi-temps, à 80 % et à temps complet progresse de 7 à 10 % et de 8 à 11 % pour les mères d’enfants de moins de trois ans. La matrice de transition associée à cette simulation (tableau 10) montre que l’augmentation des salaires conduit des femmes à augmenter leur durée de travail, mais très rarement à la diminuer. Le nombre d’heures travaillées augmente de 10,5 %, dont un tiers est dû à la hausse de l’offre de travail de femmes qui travaillaient avant la réforme et les deux autres tiers à l’entrée de femmes sur le marché du travail. Cette hausse de l’emploi coïncide avec une hausse du recours à une garde payante : +1,7 point (2,1 points pour les familles avec enfants de moins de trois ans).
75L’élasticité de l’emploi au salaire (voir annexe 4 pour une présentation du calcul de ces élasticités) ainsi calculée est de 0,80 (0,91 pour les familles avec enfants de moins de 3 ans) (tableau 8).
76L’élasticité du recours au salaire s’élève à 0,70 (0,77 pour les familles avec enfants de moins de 3 ans). Cette dernière élasticité est plus élevée que celles trouvées habituelle ment sur données américaines. Mais ce résultat est dû en partie à la censure du Smic. En effet, si nous augmentons le Smic dans les mêmes proportions que les salaires, la hausse de l’emploi est divisée par trois, celle du recours à une garde payante par deux (tableaux 8 et 9). Dans ce cas, les femmes dont la productivité estimée est en dessous du Smic sont les mêmes avant et après la réforme : l’augmentation des salaires n’a pas d’impact sur les choix de ces femmes, puisqu’elles ne peuvent pas trouver d’emploi dans les deux cas.
Élasticité aux dépenses de garde
77Dans une deuxième variante, on augmente de 10 % les dépenses en garde d’enfants à la charge des ménages avant déduction éventuelle des avantages fiscaux. Comme dans Ribar (1995), on ne calcule donc pas une véritable élasticité-prix, puisqu’on ne dispose pas de la décomposition prix-volume pour les dépenses de garde.
élasticités et impact du salaire minimum

élasticités et impact du salaire minimum
principaux indicateurs pour des réformes de politique économique simulées

principaux indicateurs pour des réformes de politique économique simulées
78L’emploi réagit peu. La part des femmes salariées reste pratiquement fixe (-0,04 point). Les effets sur le recours à une garde payante sont plus marqués, le taux correspondant diminuant de 0,7 point. Très peu de femmes augmentent leur durée de travail en continuant à recourir (tableau 10). Parmi les femmes qui cessent de recourir à une garde payante, 18 % ne travaillaient pas avant la réforme, 55 % ne changent pas leur durée de travail, 21 % réduisent leur durée de travail et 6 % arrêtent de travailler. Les élasticités de l’emploi et des heures de travail aux dépenses de garde sont pratiquement nulles et celle du recours s’élève à -0,29 (-0,30 pour les familles avec enfants de moins de 3 ans). Ces élasticités sont un peu plus faibles que celles de Ribar (1995).
matrices de transition

matrices de transition
Suppression de l’APE

Suppression de l’APE
Quelques simulations de politique économique
79Les dispositifs d’aide aux parents de jeunes enfants répondent à des logiques différentes : les aides de type Afeama et les réductions d’impôt ont pour objectif de diminuer le coût de garde des enfants hors du domicile [21] et de permettre ainsi aux jeunes mères de continuer à travailler, tandis que des dispositifs de type APE, qui versent un revenu de remplacement en c a s d’a r r ê t c o m p l e t o u p a r t i e l d’a c t i v i t é, favoriseraient plutôt le retrait du marché du travail. Nous examinons les effets de trois grands types de réformes de politique économique. Le premier type de simulations consiste à modifier le barème actuel de la réduction d’impôt pour frais de garde d’enfants hors du domicile. La deuxième simulation consiste à doubler les dépenses de garde à la charge des ménages avant impôts. Enfin, nous examinons l’i m p a c t d e m o d i f i c a t i o n s d e s b a r è m e s d e l’allocation parentale d’éducation (APE).
80Modifications des barèmes de la réduction d’impôt
81La suppression de la réduction d’impôt pour frais de garde d’enfants actuellement en vigueur se traduirait par une faible diminution de l’emploi total féminin (-0,1 point) et par de faibles ajustements (à la baisse ou à la hausse) du temps de travail pour les femmes qui travailleraient dans les deux situations (voir la matrice de transition correspondante tableau 10). Au final, l’emploi à mi-temps augmenterait légèrement et les autres types d’emploi deviendraient moins f r é q u e n t s. L e r e c o u r s à u n e g a r d e p a y a n te diminuerait de 1,3 point.
82Une autre simulation consistant à augmenter le taux de prise en charge des dépenses dans la réduction d’impôt de son niveau actuel (25 %) à 50 %, c’est-à-dire au même niveau que celui des dépenses pour l’emploi d’un salarié à domicile, se traduit par une légère hausse de l’emploi total féminin et une hausse plus forte du recours.
83Doublement des dépenses de garde
84La deuxième simulation réalisée consiste à doubler les dépenses de garde à la charge des ménages avant impôts. Le changement simulé est de forte ampleur mais n’est pas aberrant, puisqu’une part très importante des dépenses de garde est prise en charge directement par l’État et les collectivités locales. À titre d’illustration, le doublement des dépenses reviendrait à supprimer la prise en charge des cotisations sociales en cas de recours à une assistante maternelle agréée, ce qui laisserait encore une partie non négligeable des dépenses à la charge de l’État et des collectivités locales (voir le tableau A1 en annexe 1). Le scénario examiné présente donc un intérêt concret. Le doublement des dépenses à la charge des ménages amplifie les effets mis en évidence plus haut. L’emploi total diminuerait de 0,3 point (tableau 9). Le nombre d’heures travaillées baisserait de 1 % (1,6 % pour les familles avec enfants de moins de trois ans), dont 0,4 % dû aux femmes qui arrêtent de travailler et 0,6 % dû aux changements d’heures de travail des femmes em ployé es. Le re cou rs à u ne ga rde pa yante diminuerait de 5,5 points, soit 22 %. Les dépenses des ménages qui décident de recourir à une garde payante après la réforme seraient en moyenne de 40 % supérieures à celles des ménages recourant à une garde payante avant la réforme, sur les deux champs, des femmes ayant ajusté leur durée du travail pour diminuer ces dépenses, d’autres ayant arrêté de recourir.
85Suppression des APE
86L’APE offre un revenu de remplacement aux parents q u i c e s s e n t l e u r a c t i v i t é, t o t a l e m e n t o u partiellement, pour s’occuper de leurs enfants [22]. L’aide est accordée jusqu’aux trois ans de l’enfant. Compte tenu de cette limite d’âge, nous nous intéressons dans cette section au champ des familles avec enfants de moins de trois ans.
87D’apr ès le modèle, la suppression de l’AP E entraînerait une hausse de 4,5 points du travail à temps complet, une hausse de 4 points de l’emploi total féminin pour le champ considéré, et une augmentation de 2,4 points du recours à une garde payante (tableau 9). Les ajustements sur le marché du travail prennent la forme d’un report massif des femmes vers les heures de travail juste supérieures à leur situation avant réforme (absence d’activité salariée vers un mi-temps, mi-temps vers un travail à 80 % et travail à 80 % vers un emploi à plein temps). Il en résulte une forte hausse des heures totales t r a v a i l l é e s ( + 1 1 % ), d o n t 4 2 % v i e n t d e l’augmentation des heures travaillées de femmes qui travaillaient avant la réforme et 58 % vient de femmes entrant sur le marché du travail à la suite de la réforme.
88Depuis 1994, l’APE peut être versée aux familles ayant deux enfants (auparavant, l’APE n’était versée qu’aux familles ayant trois enfants ou plus). L’exte nsion de l’a ide en 1994 constitue une expérience naturelle qui a été exploitée par Piketty (1998). Notre modèle nous permet de procéder en quelque sorte à cette expérience naturelle à l’envers, en supprimant l’APE de rang 2. La part des mères d’enfants de moins de 3 ans en emploi augmente alors de 2,8 points, le temps complet augmentant de 3,5 points et le mi-temps de 0,7 point (tableau 9), a lo r s q u e le t r a v a il à 8 0 % d i m i n u e. C e c i s’accompagne d’un recours plus fréquent à une garde p ay a nte : + 1,8 po int. S i l’on ra p por te c e s changements aux seules femmes éligibles (femmes ayant exactement deux enfants, dont au moins un de moins de 3 ans), les changements sont encore plus importants. Leur taux d’emploi passerait de 44 à 50 %, soit une augmentation de 6 points. Le nombre d’heures travaillées augmenterait de 16 %. Parmi les femmes qui ne travaillent pas en présence de l’APE de deuxième rang, 11 % reprendraient un emploi. Ce chiffre est un peu plus faible, mais du même ordre que celui avancé par Piketty (1998).
89Les variantes de politique économique consistant à supprimer uniquement les APE à temps partiel montrent la très forte sensibilité du choix de la durée d e t ra v ai l de s j eu ne s m è r e s a ux inc ita t ion s financières en place. Ainsi, la suppression de l’APE versée pour un temps partiel long s’accompagnerait d’un très fort recul du travail à 80 % : seules 3 % des mères d’enfants de moins de 3 ans travailleraient à 80 % contre 9 % avant la réforme. La moitié des f e m m e s c onc e rn é es s e r e po rte r a ie nt ve r s le mi-temps, qui leur permettrait encore de bénéficier de l’APE, et la moitié vers le temps complet. En revanche, peu de femmes arrêteraient de travailler, bien que l’arrêt d’activité permette d’obtenir une APE dans cette réforme. L’effet de la réforme sur le volume horaire total travaillé dans la population féminine serait faible (-0,5 point ), les transferts vers le mi-temps et vers le temps complet se compensant.
90Si on supprime l’APE versée pour un mi-temps, en conservant les autres formes d’APE, le travail à mi-temps diminue fortement (2 % des femmes contre 7 % avant la réforme), les femmes à mi-temps passant à 80 % (deux tiers des changements) ou s’arrêtant de travailler (un tiers des changements). L’emploi total féminin baisse de 2 points, mais le nombre d’heures travaillées reste stable.
91La suppression de toutes les APE à temps partiel se traduirait à la fois par une moindre participation des femmes au marché du travail (-3,2 points) et par une hausse du travail à temps complet (4,5 points), du fait de transitions massives de femmes travaillant actuellement à mi-temps vers le non-emploi (40 % des femmes initialement à mi-temps arrêteraient de travailler) et de femmes à 80 % vers un emploi à plein temps (40 % également). Ces ajustements reflètent en partie les différences de qualification entre les femmes qui travaillent à mi-temps, moins qualifiées, et celles qui travaillent à 80 %, plus qualifiées. Les différences de comportements de ces deux groupes confirment la nécessité de distinguer finement la durée de travail des femmes lorsqu’on étudie les effets des coûts de garde d’enfant sur l’offre de travail des jeunes mères.
Conclusion
92Notre modèle estimé à partir des données de l’enquête sur les revenus fiscaux met en évidence les ajustements complexes qui s’opèrent en France sur la participation des jeunes mères au marché du travail mais surtout sur le temps de travail (temps partiel/temps complet, mais aussi, à l’intérieur du temps partiel, mi-tem ps ou 80 %), face à la rémunération du travail féminin et aux coûts de garde d’e n f a n t s. G l o b a l e m e n t, n o u s t r o u v o n s l a participation au marché du travail et les heures de travail choisies peu sensibles aux dépenses de garde. Le recours à une garde payante varie un peu plus fortement en fonction des coûts. Ces conclusions rejoignent celles de Ribar (1995) sur données a m é r i c a i n e s, à d o n n é e s c o m p a r a b l e s. Conditionnellement au modèle choisi, nos résultats semblent robustes. Cependant, les études sur données américaines qui disposent de données sur le volume horaire de garde trouvent généralement un impact des coûts de la garde formelle sur l’offre de travail plus important. Les effets d’une hausse de salaire sur l’offre de travail et le recours à une garde payante sont en revanche conformes à l’intuition et aux études précédentes sur données françaises.
93Nous montrons également que le choix des heures de travail est fortement dépendant des incitations financières. En particulier, les barèmes actuels de l’APE incitent un grand nombre de mères à travailler à 80 % ou à mi-temps, alors que ces choix seraient beaucoup moins fréquents en l’absence d’APE. Ces résultats confirment l’importance pour la question étudiée ici d’une modélisation de l’offre de travail non seulement à la marge extensive, c’est-à-dire par une équation de participation au marché du travail, mais aussi à la marge intensive, en distinguant différentes durées de travail possibles.
94Les enseignements des simulations de politique é c o n o m i q u e s o n t d e p l u s i e u r s n a t u r e s. L a suppression de la réduction d’impôt pour garde d’enfants n’aurait que des effets assez marginaux sur le recours à une garde payante et l’offre de travail agrégée. En revanche, la suppression de l’APE aurait des effets non négligeables sur l’offre de travail des femmes et sur le recours à une garde payante. Notamment, lorsqu’on simule la suppression l’APE de rang 2,11 % des femmes éligibles se remettent à travailler et la part des ménages recourant à une garde payante augmente de près de 4 points.
95Les conclusions de cette étude présentent certaines limites, qui tiennent à la fois aux données disponibles et à la modélisation retenue, les deux aspects étant liés. La principale limite imposée par les données est l’absence d’informations sur le volume d’heures de garde, ce qui empêche de décomposer les dépenses de garde entre prix et quantité et finalement d’estimer une fonction de demande d’heures de garde. Dans la modélisation retenue, la seule variation du volume d’heures de garde déclarées en réponse à un changement du dispositif socio-fiscal tient à un éventuel changement de tranche horaire sur le marché du travail. Ainsi, conditionnellement à l’offre de travail, la demande d’heures de garde formelle est supposée parfaitement inélastique. La validation de cette hypothèse demanderait des études à partir d’autres sources comme les enquêtes sur les emplois du temps des ménages.
96Une autre limite du modèle, commune à la plupart des études existantes, est l’absence de modélisation de l’offre de services de garde et, plus généralement, d’effets d’équilibre général. Les contraintes d’offre sont prises en compte par l’introduction d’un taux d’équipement en crèches et assistantes maternelles, mais ce dernier est supposé exogène à toute variation de la demande de garde et des prix de garde (notamment, l’offre n’est pas ajustée dans nos simulations de politique économique). La prise en charge d’une grande part des coûts de garde d’enfant par d’autres acteurs que les ménages (l’État, les collectivités locales et les employeurs) a un effet primordial sur l’offre. La suppression de tout ou partie de ces prises en charges (ce dernier cas correspondrait environ à un quadruplement des coûts de garde à la charge des ménages) aurait non seulement les effets mis en évidence par notre modèle, mais aussi un effet agrégé de disparition d’une part de l’offre et des effets indirects sur les impôts. Nous ne sommes pas en mesure, à partir des coûts déclarés par les ménages, de reconstituer le coût total pour la collectivité des gardes d’enfants. Les sommes prises en compte dans le modèle sont, de ce fait, relativement faibles et il n’est pas étonnant que les effets mis en évidence sur l’offre de travail soient également faibles.
97Enfin, le modèle mis en oeuvre est statique, bien que, pour de multiples raisons, le processus d’offre de travail des femmes puisse être considéré comme dynamique. D’un point de vue purement financier, certaines incitations non prises en compte dans le modèle sont dynamiques, comme les allocations de chômage, qui dépendent de l’histoire sur le marché du travail, et la prise en compte de la durée de cotisation pour la retraite dans la décision d’activité. Indépendamment du système socio-fiscal, les décisions de fécondité au cours du cycle de vie peuvent introduire un aspect dynamique dans le problème d’offre de travail des femmes. On pourrait ainsi être amené à mettre en doute l’hypothèse adoptée ici d’exogénéité de la fécondité.
98Il serait intéressant de compléter l’analyse des réformes de politique économique examinées dans cet article par une évaluation de leurs effets sur les finances publiques (au sens large, c’est-à-dire État plus organismes sociaux). Cependant, estimer le coût ou le gain pour l’État de telles réformes est complexe, compte tenu des ajustements réalisés par les ménages sur les heures travaillées et sur le recours à une garde payante. Les variations induites sur la masse salariale jouent à la fois sur les recettes de l’État via les cotisations sociales sur les salaires et les impôts payés, et sur les dépenses via les prestations familiales versées. La prise en compte des cotisations sociales dans notre modèle ne pourrait se faire qu’au prix d’une complexité accrue, principalement à cause des allégements de charges sur les bas salaires qu’il faudrait alors modéliser. Les changements en termes de recours à une garde payante jouent indirectement sur les dépenses de l’État pour les gardes d’enfants (plus ou moins d’Afeama versée, de subventions aux crèches ...) et directement sur les recettes, via les réductions d’i m p ô t a u t i t r e d e l a g a r d e p a y a n t e. L a non-distinction du type de mode de garde dans nos données ne permet pas de calculer précisément les montants des diverses aides et subventions entrant en je u a v a nt e t a p r è s u n e r é f o r m e. U n c a lc u l approximatif montre que la suppression de la réduction d’impôt pour frais de garde hors domicile se traduirait certes par un gain net pour l’État, mais ce gain serait deux fois plus faible que l’économie initialement escomptée en l’absence de réactions des m é n a g e s. C e t o r d r e d e g r a n d e u r i l l u s t r e l’importance, lors de l’évaluation d’une réforme, de l a p r i s e e n c o m p t e d e s c h a n g e m e n t s d e comportements des agents induits par la réforme.
Annexe 1 : les dispositifs publics
99Les principaux dispositifs en vigueur en 1997 ayant trait à la subvention des coûts de garde d’enfant et à l’arrêt d’activité des parents de jeunes enfants sont présentés ci-dessous.
100Dispositifs pour une garde en structure collective
101Il existe différents types de structures collectives d’accueil des jeunes enfants hors du domicile parental : crèches collectives, crèches familiales (accueil chez une assistante maternelle et activité collective en crèche), crèches mixtes (accueil chez une assistante maternelle jusqu’à 2 ans puis accueil en crèche), halte-garderies (accueil temporaire). Le coût de la garde en crèche dépend de la taille de la famille et augmente en fonction du revenu. Toutefois, il peut varier d’une collectivité locale à une autre, l’application du barème préconisé par la Caisse nationale des allocations familiales n’étant pas obligatoire.
102Réduction d’impôt
103Les frais engagés pour faire garder ses enfants hors du domicile (crèche et assistante maternelle principalement) ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 25 % des frais restant à la charge des familles, dans la limite de 15 000 francs, soit 2 287 euros, par enfant. La réduction maximale est donc de 572 euros par enfant de 0 à 6 ans.
104L’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (Afeama)
105L’Afeama (Aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle), créée en 1991, est accordée à tous les ménages faisant garder un enfant de moins de 6 ans par une assistante maternelle agréée au domicile de celle-ci. Cette aide consiste en la prise en charge directe et totale des cotisations pat ronales et salariales par les caisses d’allocations familiales ou les mutualités sociales agricoles. Les familles perçoivent également une majoration forfaitaire, fonction de l’âge de l’enfant et, depuis janvier 2001, des ressources du ménage. En juillet 1997, le montant mensuel de cette majoration (après CRDS) était de 124 euros par enfant de moins de 3 ans, et de 62 euros par enfant de 3 à 6 ans. Les frais engagés ouvrent droit aux réductions d’impôts pour frais de garde hors du domicile.
106L’aide pour une garde d’enfant à domicile (Aged)
107L’Aged (Allocations de garde d’enfant à domicile) est attribuée aux ménages dont les membres exercent une activité professionnelle et emploient une personne à leur domicile pour assurer la garde d’au moins un enfant de moins de 6 ans. L’Aged peut être cumulée avec l’Afeama, avec l’allocation parentale d’éducation (APE) à taux partiel et les dépenses occasionnées par l’emploi d’un intervenant à domicile donnent droit à une réduction d’impôt. Le montant maximal de l’Aged était en janvier 1997 de 1 957 euros par trimestre pour un enfant de moins de trois ans et de 489 euros par trimestre pour un enfant de 3 à 6 ans ou en cas de cumul avec l’APE temps partiel. Ces montants sont conditionnés par l’exercice d’une activité professionnelle. Notamment, pour les salariés, le revenu tiré de l’activité doit doit être au minimum de 1 005 euros par trimestre.
108La loi de finances de la Sécurité sociale de 1998 a réduit les plafonds de prise en charge des cotisations patronales et salariales (versement direct à l’Urssaf) et les déductions fiscales (diminution de moitié du plafond). Depuis janvier 1998, les taux de prise en charge des cotisations sont également différenciés selon l’âge des enfants et les ressources des ménages. La réduction d’impôt est de 50 % des sommes engagées dans la limite d’un plafond qui s’élève à 6 860 euros depuis l’imposition sur les revenus de 1997, soit une réduction maximale de 3 430 euros.
109L’allocation parentale d’éducation (APE)
110L’APE (allocation parentale d’éducation) s’adresse à toute personne qui interrompt ou réduit son activité à l’occasion de la naissance du deuxième enfant sous condition d’activité de plus de 2 ans au cours des 5 années précédant la naissance (au cours des dix dernières années pour le troisième enfant). L’allocation est versée jusqu’aux 3 ans de l’enfant. Selon la réduction du temps de travail, trois taux sont distingués. Le taux plein correspond à un arrêt d’activité. Le taux temps partiel court à un mi-temps ou moins et le taux temps partiel long à un taux de temps partiel compris entre 50 et 80 %. Les montants mensuels correspondants sont respectivement d’environ 3 000,2 000 et 1 500 francs. Depuis 1995, l’allocation à temps partiel peut être versée à chacun des conjoints, dans la limite d’un cumul inférieur à l’allocation accordée en cas d’arrêt complet d’activité.
dépenses à la charge des ménages et prises en charge par l’État et les collectivités locales

dépenses à la charge des ménages et prises en charge par l’État et les collectivités locales
Annexe 2 : méthode de simulation
111Nous utilisons une extension de la méthode GHK (voir par exemple Gouriéroux et Monfort, 1996, p. 98 et 105) qui permet d’obtenir un estimateur sans biais de E h vv D [ ( ) ]1?, où h est une fonction intégrable, D est un domaine rectangulaire, et v est un vecteur gaussien de matrice de variance ?. Notations : dans toute lasuite,? et ? désignent respectivement la densité et la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite, ?2 et ?2 désignent la densité et la loi de répartition de la normale centrée réduite à deux dimensions.
112Dans chacune des huit situations possibles, on désigne par ?
la variance des aléas inobservés conditionnelle à l’ensemble
des variables observées. Le problème générique [1] est de
calculer des espérances de la forme E h vv D [ ( ) ]1?, où v est
gaussien de variance ?, h est une fonction donnée (facile à
évaluer) et où le domaine D est défini par un système de
contraintes du type :

Dans le système précédent, A1 et B1 sont des constantes, mais A2 et B2 sont des fonctions de v1. Le domaine D n’est donc pas rectangulaire.
113Si on note C la matrice de Cholesky de ? (matrice
triangulaire telle que ? = CC’), le vecteur u défini par v Cu=
est gaussien de matrice de variance identité. Comme C est
triangulaire inférieure, le système de contraintes sur le
vecteur u est également triangulaire inférieur

114Ces contraintes définissent un domaine D* dans le plan
( , )u u 1 2. Tirons us1 dans la loi normale centrée réduite
tronquée sur l’intervalle [, ]A B 1 1 et us2 dans la loi normale
centrée réduite tronquée sur l’intervalle [ ( ), ( )]A u B u s s2 1 2 1.
Alor ] est
s, un simulateur sans biais de E h vv D [ ( ) 1?
h Cu p u s s ( ) ( ) 1 avec
s

115En effet, la loi jointe de u u u s s =( , ) 1 2 a pour densité

116Si on tire S réalisations du vecteur us, l’espérance
E h vv D [ ( ) ]1? sera approchée par le simulateur

117Les estimations présentées dans le texte ont été réalisées avec S = 50. On constate empiriquement qu’à partir de S = 20, les estimations ne varient quasiment plus avec S.
118(1) Dans la suite de ce paragraphe, on raisonne en dimension 2. L’argument s’entend facilement aux dimensions supérieures.
Annexe 3 : vraisemblance du modèle
119Dans la suite de cette annexe, on note w* et D* les variables
aléatoires dénotant le salaire et la dépense de garde, pour les
distinguer de leurs réalisations w et d. Rappelons le modèle
latent :

L’utilité du ménage s’écrit

avec

120Les coefficients ? ? ? ? cc ch hh fh, , , ne contiennent que de l’hétérogénéité observée. Le vecteur des résidus ? ? ? ? w f d h, , , est supposé suivre une loi normale centrée et de matrice de covariance ? générale.
121Le modèle observable est défini comme suit :
- H ne peut prendre que 4 valeurs (0,20,30,39);
- F ne peut prendre que 2 valeurs (0,1);
- les croisements de F et H définissent huit états, respectivement de 1 à 8 : (0,0), (0,20), (0,30), (0,39), (1,0),
- 1,20), (1,30), (1,39);
- les salaires ne sont observés que lorsque la femme travaille;
- les dépenses de garde ne sont observées que pour les femmes qui recourent à une garde payante.
122Le problème du ménage est de choisir l’état qui maximise son utilité sous sa contrainte de budget. Celle-ci dépend, entre autres, du salaire reçu (donc de w) et de la dépense de garde (donc de d).
123En notant Uhf l’utilité dans la situation ( , )H h F f= =, on a
U V h f hf hf h f = + +? ? où Vhf ne dépend que des résidus ?w et
? ? d hf hf w d V V, ( , )=. On a alors :

Avec cette modélisation, toutes les différences d’utilité entre états font intervenir des aléas inobservés, ce qui est cohérent avec nos données : dans l’échantillon, les 8 situations possibles sont représentées, y compris le cas où la femme ne travaille pas et recourt (4% des ménages dans lesquels la femme ne travaille pas recourent à une garde extérieure payante) [2].
124(2) Ribar (1995) fait porter l’hétérogénéité inobservée sur les coefficients ?fh et ?h, voir équation (3). Il en résulte que la différence d’utilité U U 0 0 0 1, , ? est déterministe. Ribar est donc contraint de supposer que la situation (0,1) (non travail et recours à une garde payante) n’existe pas et de supprimer de son échantillon les observations correspondantes.
125On peut calculer une fois pour toutes l’utilitéV0 0, pour tous les individus (conditionnellement à la valeur courante des paramètres du modèle) car cette utilité ne fait pas intervenir de résidus inobservés. Les autres quantités Vhf contiennent des résidus inobservés et doivent être calculées pour chaque simulation.
126Dans notre modèle, les femmes dont la productivité horaire est inférieure au Smic horaire (30 francs) ne peuvent pas travailler. Leur choix est donc restreint aux situations (H = 0, F = 0) et (H = 0, F = 1). Pour les observations dans ces deux situations, la vraisemblance contient donc deux termes : le premier correspond aux femmes qui ont une productivité inférieure au Smic, le deuxième aux femmes qui ont une productivité supérieure au Smic et qui ont choisi la situation parmi les huit situations possibles.
127On désigne par ?w la valeur (individuelle) de?w telle que la productivité de l’individu est juste égale au Smic horaire, c’est-à-dire ? ? w w w SMIC x= ?ln ( ).
128Les probabilités des huit états (h, f) définissent des domaines tels que ceux introduits dans la description de la méthode de simulation. Ces domaines sont les suivants.
129État (0,0)
130Dans cet état comme dans l’état (0,1), la femme ne travaille pas (états 1 et 5). Cela peut être parce que sa productivité est trop faible (? ? w w < ) ou dans le cas contraire parce que la situation (0,0) est optimale parmi les huit choix possibles.
131Les perturbations ?d et ?w ne sont pas observées. On peut
écrire la vraisemblance L L L 0 0 0 0 1 0 0 2, , , , , = + avec

132États (20,0), (30,0) et (39,0)
133Dans cet état comme dans les deux suivants, la femme
travaille et ne recourt pas à une garde payante. Dans ces cas,
?d est inobservé, ?w est connu. La vraisemblance s’écrit :

Les contributions à la vraisemblance des observations dans les états (30,0) et (39,0) s’obtiennent de manière analogue.
134État (0,1)
135Par analogie avec le cas (0,0), on a L L L 0 1 011 0 1 2, , , , , = + avec

136États (20,1), (30,1) et (39,1)
137Dans les trois derniers états, la femme travaille et recourt à
une garde payante. Alors, dès que les paramètres du modèle
sont connus, on connaît les résidus ?w et ?d. La contribution
à la vraisemblance des observations dans l’état (20,1) s’écrit

138La vraisemblance dans les états (30,1) et (39,1) s’écrit de manière analogue. Dans ces trois cas, la probabilité faisant intervenir les résidus des préférences s’écrit comme une intégrale unidimensionnelle, par conditionnement des lois normales. Cette intégrale est calculée numériquement à l’aide d’une quadrature de Gauss-Legendre. Pour les états (20,1) et (30,1), il est nécessaire de pratiquer un lissage sur les bornes intervenant dans l’intégration numérique. En effet, rien ne garantit a priori, pour une valeur non optimale des paramètres, que les bornes encadrant le résidu ?h soient dans le bon ordre. Dans le cas où les bornes sont inversées, on obtient en l’absence de lissage une probabilité estimée négative de l’état pour l’observation en question. La procédure de lissage permet d’éviter ce problème en renvoyant un nombre positif très faible en lieu et place d’un n omb re né gati f. À l’opt im um, les bor ne s son t bi en ordonnées pour toutes les observations.
Annexe 4 : calcul des élasticités
139Un certain nombre d’élasticités sont présentées dans le texte. Ces élasticités font référence au déplacement de la variable endogène, mesurée sur l’ensemble de la population concernée, rapportée à la variation du paramètre exogène simulée. Le calcul de ces élasticités a été conduit à partir des matrices de transitions entre états générées par un grand nombre de simulations du modèle après estimation (voir la q u a t r i è m e s e c t i o n d e l a t r o i s i è m e p a r t i e - L a vraisemblance-).
140Considérons d’abord le cas d’une variable discrète. Notons
M la matrice de transition telle que nous la calculons, avec
pour case générique Mij, nombre de femmes dans l’état i
avant la réforme et dans l’état j après la réforme. Le nombre
de femmes estimé dans la situation k avant (respectivement
après) la réforme est proportionnel à
(respectivement
. L’élasticité par rapport au
paramètre considéré est alors évaluée comme :

Considérons maintenant le cas d’une variable continue, l’offre totale de travail féminin (il s’agit ici des heures de travail). Notons que cette variable n’est pas vraiment continue puisque l’estimation du modèle a été faite en discrétisant les heures de travail en quatre catégories (0,20,30,39). En gardant les mêmes notations que précédemment, notons également Hk le nombre d’heures de travail correspondant à la situation k H H H H( , , ) 1 5 2 6 0 20= = = = etc..
141Notons H0 le nombre d’heures travaillées avant la réforme
estimée,
142La différence estimée du nombre d’heures travaillées avant
et après la réforme s’écrit :

L’élasticité par rapport au paramètre considéré est alors évaluée comme :

Pour synthétiser les transitions qui s’opéreraient à la suite d’une réforme (transitions données par les matrices d’état à état dont certaines sont présentées dans l’article) et pour faciliter la comparaison de nos résultats avec ceux des articles qui ne considèrent que la décision de participation sur le marché du travail, il est commode de décomposer la variation du nombre total d’heures travaillées avant et après une réforme en deux effets :
- un effet dit “extensif” qui correspond à la différence entre le total des heures des femmes qui se mettent à travailler et le total des heures de celles qui arrêtent de travailler ;
- un effet “intensif” qui correspond à la variation des heures travaillées de celles qui travaillent dans les deux situations.
143Les termes “intensif” et “extensif” sont mis entre guillemets car ils diffèrent légèrement de leur acception habituelle dans les modèles d’offre de travail.
144Notons maintenant Hj le nombre d’heures travaillées dans la colonne j de la matrice (heures “après réforme”, H H 1 2 0 20= =, , )etc.; Hi le nombre d’heures travaillées dans la ligne i de la matrice (heures “avant réforme”, H H 1 2 0 20= =, , )etc.; ?H H H ij j i = ? avec évidemment ?H T ii = =0 ; 2,3,4,6,7,8 l’ensemble des situations où la femme travaille.
145Alors la variation du nombre total d’heures travaillées
s’écrit :


146Les deux premiers termes de la décomposition sont r e g r o u p é s d a n s u n s e u l e f f e t, d a n s l a m e s u r e o ù généralement, l’un des deux termes est strictement ou quasi nul, selon la réforme considérée.
147L’i m p o r t a n c e r el a t i v e d e s d e u x ef f e t s éc l a i r e su r l’importance de faire la distinction entre décision d’activité et nombre d’heures travaillées. Cette distinction renvoie économiquement à la différence entre les notions de poste de travail et de volume de travail.
Notes
- (*)Insee.
- (**)Crest. E-mail : iisabelle. robert-bobee@ insee. fr
- (1)L’Afeama correspond à la prise en charge des cotisations sociales des assistantes maternelles et au versement d’une aide complémentaire aux familles.
- (2)Les estimations de l’élasticité (non compensée) de la participation au salaire proposées par Powell (2002) et Ribar (1995) sont respectivement 0,8 et de 0,1 à 0,5 suivant les spécifications. Averett et alii (1997) présentent des estimations de l’élasticité du nombre d’heures travaillées au salaire variant entre 1 et 1,5 suivant les modèles.
- (3)Les élasticités de la participation féminine au coût de la garde estimées par Blau et Robins (1988), Cleveland et alii (1996), Connelly (1992), Ribar (1995), Powell (1997), Blau et Hagy (1998), Michalopoulos et Robins (2000) varient de-0,39 à -0,02 suivant les spécifications et les champs. S’agissant de l’élasticité du nombre d’heures de travail, Averett et alii (1997) présentent un chiffre élevé, -0,78, à comparer par exemple à Michalopoulos et alii (1992), pour lesquels cette élasticité est proche de zéro.
- (4)Les femmes mariées sont un peu plus âgées que les autres. Le taux d’emploi, le recours à une garde payante et les dépenses de garde sont très proches dans les deux sous-populations.
- (5)La part des femmes peu diplômées étant élevée (près de 60 % des mères d’enfants de moins de 7 ans ne sont pas titulaires du Baccalauréat), le niveau de vie des ménages diminue légèrement lorsqu’on retire de l’échantillon les institutrices et professeurs, professions exercées par des femmes plutôt diplômées.
- (6)Pendant l’année scolaire 1999-2000,35 % des enfants de 2 ans sont scolarisés et le taux de scolarisation est voisin de 100 % entre 3 et 5 ans (source : Éducation nationale, Repères références statistiques 2001).
- (7)Cette cohérence est importante pour le calcul de la contrainte budgétaire.
- (8)Pour toutes les femmes salariées la majeure partie de l’année, la durée annuelle de travail prise en compte est de 52 fois la durée hebdomadaire de travail recueillie à l’enquête Emploi. Ce choix conduit à sous-estimer les salaires horaires des femmes salariées ayant connu une courte période de chômage, dans la mesure où les traitements et salaires déclarés au fisc comprennent à la fois les salaires et les allocations de chômage perçus au cours de l’année, sans distinction possible entre ces deux sources de revenus. La solution alternative consistant à utiliser le calendrier d’activité de l’enquête Emploi pour rapporter les salaires et traitements au nombre effectif de mois travaillés conduirait à l’inverse à surestimer les salaires horaires, à cause des allocations de chômage.
- (9)Nous incluons aussi la réduction d’impôt pour enfants à charge poursuivant leurs études (collège, lycée).
- (10)L’abandon le plus préjudiciable a priori dans notre contexte est celui des aides au logement. En effet, celles-ci dépendant négativement des revenus du ménage, sont désincitatives au travail (elles réduisent les ressources nettes tirées d’un accroissement du volume horaire). Laroque et Salanié (2000) utilisent l’information sur le statut d’occupation du ménage contenue dans l’enquête Emploi (propriétaire, locataire secteur libre, locataire HLM) et imputent à chaque ménage locataire une aide basée sur le loyer plafond idoine du barème des aides au logement.
- (11)Le salaire du mari est calculé comme un douzième du revenu annuel déclaré au fisc, un peu moins de 10 % des hommes de l’échantillon ont un salaire inférieur à un Smic à temps complet.
- (12)Si en théorie, les hommes peuvent également cesser ou réduire leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants, en pratique les ajustements d’activité concernent surtout les mères. En particulier, seuls 1 % des allocataires de l’Ape sont des hommes. On modélise donc ici seulement l’offre de travail féminine.
- (13)L’interprétation des coefficients du recours F dans l’utilité est donc délicate, puisque ces coefficients captent les effets, d’une part des préférences intrinsèques des ménages quand au type de mode de garde, d’autre part des dépenses de garde lorsqu’ils recourent à une garde informelle.
- (14)Une option alternative consisterait à modéliser explicitement un prix de garde dans le secteur formel et un prix de garde dans le secteur informel (suivant en cela Heckman, 1974), les paramètres relatifs à ce dernier étant identifiés par les choix des ménages.
- (15)En revanche, nous avons, par souci de simplicité, décidé de ne pas inclure les heures dans les variables explicatives du salaire horaire ou dans la variance de ?w, comme le font par exemple Laroque et Salanié (2000).
- (16)Nous utilisons le paramétrage ?=CC', où C est triangulaire, et n’imposons pas de contrainte sur les coefficients de la matrice de Choleski C.
- (17)Un élément susceptible de donner du poids à cet argument est le fait que la part des jeunes mères qui ne travaillent pas est nettement plus élevée parmi les femmes les moins diplômées
- (18)Le constat de mauvais fit de cette équation est assez courant dans les études de cetype. Par exemple, pour l’étude de Guillot (1996), le R2 pour la régression des dépenses de garde estimée en première étape est seulement de 0,097. Les équations de dépenses de garde estimées par régression ou par Tobit lors d’étapes préliminaires présentaient des R2 également faibles, entre 0,10 et 0,13.
- (19)Pour le modèle estimé sur le champ des familles avec e n f a n t s d e m o i n s d e 3 a n s, c e s c o e f f i c i e n t s s o n t unidimensionnels. Les statistiques de test correspondantes suivent donc sous l’hypothèse nulle des lois du khi-deux à deux degrés de liberté. Pour le modèle estimé sur le champ complet, ces coefficients sont bidimensionnels (constante et nombre d’enfants de moins de trois ans). Les statistiques de test correspondantes suivent donc sous l’hypothèse nulle des lois du khi-deux à quatre degrés de liberté.
- (20)Ces valeurs des corrélations sont robustes à toutes les spécifications alternatives et à l’estimation sur des champs différents. Cela montre que les hypothèses a priori que l’on peut être tenté de faire sur la nullité de certaines corrélations ne sont pas fondées.
- (21)Rappelons ici que l’étude porte uniquement sur le recours ou non à une garde hors domicile. Les données disponibles ne permettant pas de modéliser le recours à une garde à domicile (deuxième partie - Les données -), nous ne pouvons donc pas étudier les effets des réductions d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ou de l’Aged sur ce type de recours.
- (22)Le montant de l’aide dépend de la durée de travail : arrêt complet d’activité (APE taux plein), activité à mi-temps (APE temps partiel court) ou à temps partiel au-delà d’un mi-temps (APE temps partiel long).