CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Cet article reprend une partie du chapitre 3 de ma thèse de doctorat intitulée : " Economie politique en information imparfaite : trois essais sur la planification et la démocratie indirecte'', rédigée au Delta (CNRS-ENS-EHESS) et au Thema (CNRS-Université de Cergy-Pontoise). Je remercie A. d'Autume, Fr. Bourguignon, G. Demange, N. Gravelle, R. Guesnerie, M. Fleurbaey, J-Fr. Laslier, M. Le Breton, P. Pestieau, J-Ch. Rochet, A. Trannoy et un rapporteur anonyme de la revue pour leurs commentaires et leurs remarques. Enfin, ce papier reprend certains résultats obtenus par Laslier et alii (2003).

1Aux menaces bien identifiées que les charges fiscales pesant sur le travail peuvent représenter pour l'économie-sous-emploi, croissante réduite- peut s'ajouter un autre danger, de nature informationnelle. En effet, s'il est difficile d'obtenir de l'information sur les capacités productives des individus non employés, la fiscalité, en déprimant l'emploi, va réduire l'information dont dispose la société sur elle-même. On considère un modèle dynamique où à chaque période des élections ont lieu pour sélectionner la politique fiscale. Les croyances des électeurs sur la répartition des productivités déterminent la politique fiscale, qui elle-même détermine l'emploi, qui à son tour détermine les croyances révisées des électeurs. A l'état stationnaire, le taux de taxe et le taux de non-emploi sont au moins aussi élevés que ce qu'ils auraient été si la distribution des productivités avait été connue au départ avec certitude.

2Si la fiscalité est indispensable pour assurer le fonctionnement de l'État et lui permettre de remplir ses fonctions essentielles - comme la production de bien public ou la redistribution des richesses - les menaces qu'elle fait peser sur l'efficacité et sur les performances de l'économie ont souvent été dénoncées. En particulier, les charges fiscales pesant sur le travail (impôt sur le revenu, cotisations salariales ou patronales) peuvent constituer pour l'économie un certain nombre de dangers relativement bien identifiés. À court terme, elles peuvent décourager l'offre de travail, incitant certains à réduire leur temps de travail, voire à renoncer à occuper un emploi-tout du moins dans l'économie formelle- ou à rechercher à l'étranger des conditions fiscales plus favorables. À plus long terme, cette fiscalité pesant sur le travail peut également modifier les choix éducatifs des individus : si le travail est lourdement taxé, il peut être moins intéressant d'investir dans l'acquisition de capital humain. Ainsi, la fiscalité du travail réduit les richesses produites et peut menacer la croissance.

3Ces dangers ont été très largement étudiés par la littérature économique, tant sur le plan théorique que sur le plan empirique. Certes les débats concernant l'importance exacte de ces effets de découragement sont loin d'être clos. La grande dispersion des chiffres proposés pour l'élasticité de l'offre de travail par exemple montre que l'unanimité est loin d'être réalisée au sein de la profession des économistes, théoriciens ou praticiens. Néanmoins, on peut considérer que la nature de ces risques-si leur ampleur reste difficile à mesurer- est relativement bien connue.

4Or on souhaite attirer ici l'attention sur un autre risque potentiel de la fiscalité du travail. Il s'agit du coût de cette fiscalité en termes d'information. En effet, si la fiscalité décourage un certain nombre d'individu d'entrer sur le marché du travail, il est difficile d'obtenir des informations concernant les capacités productives de ces individus. Certes des enquêtes sont menées pour acquérir de l'information sur les sans-emploi ou les inactifs, mais il est malgré tout raisonnable de penser que les décideurs politiques, tout comme l'ensemble des citoyens, disposent d'une connaissance bien meilleure des individus occupant un emploi que des autres. L'objectif ici est d'évaluer l'impact que peut avoir cette perte d'information sur le choix des politiques publiques. On voit en effet qu'il va exister un mécanisme circulaire reliant les choix relatifs à la fiscalité du travail et l'information disponible sur la composition de la société (en termes de capacités productives). En effet, la société décide d'une politique fiscale en fonction de ses croyances sur la composition de la société. Mais en retour, le choix de la politique fiscale, en modifiant les décisions des individus (en particulier leur décision de travailler ou non) va déterminer l'information dont dispose la société.

5On se propose d'étudier cette question dans le cadre suivant. La société est composée d'individus différents par leurs capacités productives et devant décider collectivement d'un barème d'imposition des revenus du travail. Plus précisément, il s'agit de choisir un barème de type "impôt négatif", où un impôt sur le revenu proportionnel est destiné à financer un transfert universel accordé à tous les ménages sans conditions de ressources. Notons que ce type de barème extrêmement simple a reçu récemment une attention particulière, ansi qu'en témoigne l'ouvrage d'Atkinson (1995) [1]. Cependant, si une telle réforme est adoptée, il n'y aura probablement pas unanimité dans la société sur la valeur des paramètres à retenir. On se propose d'étudier comment ce conflit d'intérêts se résout si la décision est prise "démocratiquement ", c'est-à-dire par la tenue d'élections opposant deux partis politiques.

6On suppose qu'au départ la société ne connaît qu'imparfaitement la distribution des capacités productives en son sein, la capacité productive d'un individu - assimilée au taux de salaire auquel il peut prétendre sur le marché du travail - n'étant pas observable directement. Seule la distribution des revenus du travail est supposée observable, le revenu du travail résultant du produit de cette productivité et du temps de travail (ou effort) lui-même inobservable. Les partis politiques comme les électeurs ne disposent donc au départ que de " croyances " concernant cette répartition des talents. Au cours d'élections, deux partis s'opposent sur la base de propositions concernant un impôt négatif. Etant donné leurs croyances sur la composition de la société, les individus votent pour l'un ou l'autre des partis. Le parti remportant le plus de voix est élu et la politique qu'il a proposée est mise en place. Les individus prennent alors leur décision de travail. Mais en observant la distribution des revenus sur le marché du travail, qui leur fournit éventuellement de nouvelles informations, les individus peuvent réaliser que leurs croyances antérieures étaient erronées. Lorsque de nouvelles élections ont lieu, leurs préférences pour les différents systèmes fiscaux - qui dépendent de leurs croyances sur la composition de la société - pouvant avoir changées, l'issue des élections peut aussi être modifiée. On étudie ce processus dynamique et l’on montre qu'il converge vers un état stationnaire, c'est-à-dire un état dans lesquel les croyances, tout comme le système fiscal, sont stables. Le système fiscal obtenu à l'état stationnaire est a priori diférent de celui qui aurait été choisi si les individus avaient disposé au départ d'une connaissance parfaite de la distribution des capacités productives dans la société. On montre ensuite, résultat plus intéressant et moins évident a priori, que lorsque les deux systèmes diffèrent, c'est systématiquement dans le même sens : en information imparfaite, le taux d'imposition est toujours plus élevé qu'en information parfaite, ce qui s'accompagne d'un taux d'inactivité plus élevé et d'un PNB moindre pour l'économie.

Littérature afférente

7Cet article est lié à la littérature concernant le vote sur les paramètres d'un système fiscal. Le premier, Romer (1975) étudie le vote à la majorité simple sur les paramètres d'un impôt négatif. Il pose en particulier la question de l'existence d'un "gagnant de Condorcet", c'est-à-dire d'une proposition remportant une majorité des suffrages lorsqu'elle est opposée à n'importe quelle autre politique. Il montre que lorsque les préférences individuelles pour la consommation et le loisir peuvent être décrites par une fonction de Cobb-Douglas, un gagnant de Condorcet existe : il s'agit de la politique préférée par l'électeur médian. Roberts (1977) généralise ce résultat à une classe de préférences individuelles beaucoup plus larges. Meltzer et Richard (1981) utilisent ce modèle pour expliquer par les transformations démographiques ou juridiques de l'électorat lacroissance de l'État au cours du temps.

8Ces modèles reposent tous sur l'hypothèse selon laquelle la distribution des capacités productives à l'intérieur de la société est parfaitement connue. Mais si cette connaissance résulte uniquement de l'observation du marché du travail et qu'il existe dans l'économie un taux d'inactivité important, cette hypothèse peut paraître peu réaliste. Remettant en cause ce cadre informationnel, Laslier et alii (1999) supposent que la société n'a au départ que des croyances sur distribution des capacités productives et propo sent un modèle dynamique avec apprentissage de cette distribution. À chaque période, les individus votent sur la politique fiscale à mettre en place et la politique correspondant au gagnant de Condorcet, qui existe et se trouve être là encore la politique préférée par l'électeur médian, est sélectionnée et mise en place. Cependant, sélectionner le gagnant de Condorcet pour prédire l'issue du vote présente des difficultés d'interprétation dans un contexte d'information imparfaite sur la composition de la société. En information parfaite, le gagnant de Condorcet s'interprète facilement en termes de compétition électorale entre partis "downsiens" [2], c'est-à-dire des partis qui ne sont nullement intéressés par la politique mise en place, mais uniquement par le fait de remporter les élections. Si de tels partis s'affrontent sur la base de propositions de politiques et que les deux partis sont départagés par les électeurs grâce à un vote à la majorité simple, les deux partis proposent à l'équilibre de Nash la politique correspondant au gagnant de Condorcet. Cette interprétation peut ne plus être valable si les partis partagent l'incertitude des électeurs concernant la composition de la société : il se peut que les partis ignorent l'identité du médian.

9L'objectif ici est d'introduire explicitement des partis politiques dans le modèle de Laslier et alii (1999), qui offre par ailleurs un cadre plausible pour étudier les conséquences du manque d'information concernant la composition de la société. Ces partis disposent de la même information que les électeurs. L'incertitude sur la distribution des talents dans la société intervient de deux manières dans le jeu de compétition électorale. D'une part, les conséquences fiscales des différentes politiques fiscales ne peuvent pas être évaluées avec certitude, puisqu'elles dépendent de la composition de la société, elle-même inconnue. Les électeurs ne peuvent donc attribuer qu'une utilité espérée aux différentes politiques proposées. D'autre part, même quand les partis politiques sont capables d'évaluer les préférences espérées d'un individu, qui dépendent de ses croyances mais aussi de sa propre capacité productive, il demeure de l'incertitude sur la distribution de ces préférences, en particulier sur l'identité du médian. On montre qu'un équilibre de Nash en stratégies pures existe dans ce jeu de compétition électorale en information imparfaite et que la politique proposée par les partis à l'équilibre peut être différente de celle préférée par l'électeur médian.

Plan de l'article

10Le plan de l'article est le suivant. La première partie décrit la structure de base de l'économie. La deuxième partie étudie les propriétés du marché du travail, qui joue ici un rôle particulièrement important : tout d'abord, les décisions d'offres de travail interviennent dans les préférences des individus pour les politiques fiscales ; ensuite, puisque le marché du travail est la seule source d'information concernant la distribution des types, ses propriétés "informationnelles" doivent être explorées. Les préférences individuelles pour les divers systèmes fiscaux sont ensuite présentées et étudiées dans la troisième partie. La quatrième partie étudie la compétition électorale entre les deux partis. La cinquième partie décrit la dynamique et montre la convergence vers un état stationnaire. La sixième partie établit le biais vers la sur-imposition et la sous-activité. La dernière partie conclut, en proposant notamment d'autres cadres d'applications possibles du modèle, en particulier à la santé ou à l'éducation.

L'économie

11L'économie est composée d'un grand nombre [3] d'individus (ou électeurs), i N?{ , ,..., }1 2 et de deux partis politiques, j A B?{ , }, tous vivant une infinité de périodes, ? = 1,2,3,....

Description des individus

12Les individus diffèrent par leur productivité ?, qui est assimilée au taux de salaire auquel ils peuvent prétendre sur le marché du travail. Cette productivité ne peut prendre qu'un nombre fini de valeurs : ? ? ?, ,..., avec 0? < < <? ? ?...; un individu 1 2K1 2K caractérisé par une productivité ?k sera dit "de type k". Chaque individu connaît son type, qui est exogène et constant au cours du temps [4].

13Tous les individus possèdent les mêmes préférences pour la consommation et le loisir, caractérisées par la fonction d'utilité :

equation im1

C désigne la consommation et L le temps consacré au travail. Le temps total disponible est normalisé à 1. La désutilité du travail v possède les propriétés usuelles : elle est deux fois dérivable, avec v v> >0 0, ' et v" ? 0; et v"? 0; on suppose en outre (pour normaliser) que v( )0 0=.

14Ainsi, un individu de type k choisissant une offre de travail L dispose d'un revenu avant impôt et tranfert - ou revenu brut - égal à y L k k =?.

Incertitude sur la répartition des types

15Les électeurs comme les partis politiques connaissent le nombre total N d'individus dans la société, ainsi que les K valeurs que peut prendre la productivité, mais ils ignorent comment les électeurs se répartissent entre les différents types. Ils n'ont que des croyances à propos de cette distribution. Afin de pouvoir décrire ces croyances, l'ensemble des distributions (ou répartitions) possibles, noté N, est introduit :

equation im2

nk est le nombre d'individus de type k dans la distribution n .

16Au départ, c'est-à-dire au début de la période ? =1, partis et électeurs partagent les mêmes croyances sur la composition de la société : ils attribuent une probabilité ?1 ( )n au fait que la distribution des types soit effectivement n, avec
equation im3
On note n n n nK* * * * ( , ,... )=1 2 la véritable distribution et on fait l'hypothèse que ?1 0( ) * n >, ce qui assure, la probabilité attribuée au départ à la véritable distribution étant strictement positive, que la révision bayésienne des croyances est toujours possible.

17La seule source d'information, pour les partis politiques comme pour les électeurs, est l'observation des revenus bruts obtenus surle marché du travail (les y L=? ); la productivité (?) et le temps de travail (L ) n'étant pas observables séparément. Connaissant les préférences des individus pour la consommation et le loisir, il est possible d'obtenir, à partir de l'observation de la distribution des revenus salariaux bruts, de l'information concernant la répartition des types. Lorsque de nouvelles informations arrivent en provenance du marché du travail, les individus révisent leurs croyances de manière bayésienne. On note? ? ? ? = ?( ( ): )n n N les croyances en début de période ?, où ?? ( )n est la probabilité attribuée à la répartition n.

L'impôt négatif

18Les seuls barèmes disponibles sont des systèmes très simples, de type "impôt négatif" : un impôt proportionnel au revenu (à taux constant t, 0 1? ?t ) est prélevé, qui est destiné à financer un transfert forfaitaire (b b, )? 0.

19Les partis politiques comme les électeurs savent qu'une contrainte budgétaire globale doit être satisfaite : les dépenses de l'État (sous la forme du transfert forfaitaire b) ne doivent pas excéder ses ressources (issues de l'impôt sur le revenu). Étant donné le contexte d'information imparfaite sur la distribution d es ty pes, les conséquences économiques des différents taux d'imposition ne peuvent être évaluées avec certitude. Il existe donc ex ante de l'incertitude sur la véritable contrainte budgétaire de l'État. On suppose que cette contrainte budgétaire doit être satisfaite dans tous les cas, ceci étant réalisé de la façon suivante. En début de période, un taux d'imposition t est choisi ; les individus travaillent; les impôts sont collectés, puis redistribués sous forme d'un transfert forfaitaire b. L'ajustement se fait donc ex post sur le montant du transfert forfaitaire. Le seul paramètre à choisir est donc le taux d'imposition t, dont le mode de sélection est décrit dans la sous-partie suivante.

La compétition électorale

20Les individus étant caractérisés par des niveaux de productivité différents, ils possèdent généralement des préférences indirectes pour les politiques fiscales différentes. Il n'y a en général pas unanimité sur la politique à mener et donc sur le taux d'imposition à choisir. On suppose que les conflits d'intérêt entre les individus sont résolus démocratiquement, par la tenue d'élections opposant deux partis politiques. Les deux partis partagent le même objectif : maximiser leur probabilité d'êtreélu. À chaque période, le processus est le suivant. Les deux partis proposent simultanément un taux d'imposition (on notera t le taux proposé par le parti j j j A B, { , }? ). Les électeurs votent pour l'un des deux partis. Il n'y a pas d'abstention. Lorsque les deux partis font des propositions différentes (t t? ), A B chaque électeur vote pour le parti ayant fait la proposition qui lui est la plus favorable. Lorsque les deux partis font la même proposition (t t= ), A B chaque électeur vote de manière équiprobable pour chacun des partis. Le parti remportant le plus de voix est élu et la politique qu'il a proposée est mise en place. L'issue de la compétition électorale est prédite en retenant pour couple de propositions (t t, ) A B l'équilibre de Nash, s'il existe, du jeu ainsi joué entre les deux partis.

Chronologie

21En résumé, à chaque période, la chronologie des événements est la suivante :

  • Étape 1 :
    Les deux partis proposent simultanément un taux d'imposition.
  • Étape 2 :
    Les électeurs, étant donné leurs croyances en ce début de période, anticipent les conséquences respectives de ces taux. L'information imparfaite sur la composition de la société implique qu'ils ne peuvent en général pas prévoir avec certitude les conséquences de ces politiques. Ayant déterminé l'utilité indirecte espérée que leur procurent ces taux, ils votent pour l'un des deux partis.
  • Étape 3 :
    Le parti remportant le plus de voix est élu ; le taux d'imposition qu'il a proposé durant la campagne sera le taux effectif au cours de la période.
  • Étape 4 :
    Les individus choisissent leur offre de travail et les impôts sont collectés. L'ensemble de l'argent ainsi prélevé est entièrement redistribué sous forme de transferts forfaitaires. Les individus consomment le revenu dont ils disposent (revenu salarial net de l'impôt sur le revenu et transfert forfaitaire).
  • Étape 5 :
    Les partis politiques comme les individus observent la distribution des revenus salariaux bruts résultant des décisions d'offre de travail prises à l'Étape 4. Ils en extraient de l'information concernant la distribution des types, information grâce à laquelle ils révisent leurs croyances de manière bayésienne. Les croyances ainsi révisées servent de croyances a priori pour la période suivante.

22Cette révélation d'information à chaque période a pour conséquence essentielle que les préférences des individus pour les différentes politiques fiscales peuvent changer au cours du temps.

Propriétés du marché du travail et information à la période courante

23Le marché du travail est particulièrement important dans ce modèle.

24D'une part, les partis doivent évaluer les conséquences, en termes de bien-être pour les électeurs, des différentes politiques possibles. Ils doivent pour cela anticiper leurs décisions d'offre de travail.

25D'autre part, puisque le marché de travail est l'unique source d'information concernant la distribution des types dans la société, il est important de connaître ses propriétés "informationnelles".

26On étudie les propriétés du marché du travail à la période ? ?1. Lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté sur la période considérée, comme dans les deux sections suivantes, on omet l'exposant ? caractéristique de la période.

Choix de l'offre de travail

27En début de période, les croyances concernant la distribution des types sont caractérisées par les probabilités ? ?= ?( ( ): )n n N[5]. On détermine d'abord l'offre de travail des différents types d'individus lorsque le taux d'imposition t est mis en place.

28Les individus choisissent leur offre de travail en maximisant leur utilité, sous une contrainte budgétaire. Au moment de choisir leur offre de travail, ils ne sont pas sûrs du montant du transfert qu'ils recevront en fin de période. Pour un taux d'imposition t et des croyances ? donnés, on note b t n( , , )? la valeur du transfert forfaitaire attendue après la mise en place du taux t si la distribution des types est n.

29Lorsque la distribution des types est n, un individu de type k choisissant une offre de travail L atteint un niveau de consommation ( ) ( , , )1? +t L b t n k ? ?.

30Il n'y a pas d'incertitude sur les revenus du travail; la seule incertitude porte sur le niveau du transfert forfaitaire.

31Il résout donc le programme d'optimisation suivant [6] (étant donnée la fonction d'utilité définie en (1)) :

equation im4

Dans le programme (2) l'incertitude, via le terme
equation im5
n'intervient que sous la forme d'une constante additive ; ce programme s'écrit donc plus simplement :
equation im6

L'absence d'effet revenu dans les préférences individuelles [7] implique que toute l'incertitude, absorbée par la consommation, n'affecte pas les décisions individuelles d'offre de travail, qui sont identiques à celles obtenues lorsque la distribution des types est connue. En particulier, les offres de travail ne dépendent que du type k et du taux d'imposition t.

32Notation 1

33 On note L t k ( )l'offre de travail des individus de type k lorsque le taux d'imposition est t ; il s'agit de la solution du programme (3)[8].

34 Remarque

35 L'offre de travail est une fonction continue du taux d'imposition t. De plus, elle décroît avec le taux d'imposition et croît avec la productivité. Plus particulièrement, pour chaque type k, il existe un taux d'imposition critique noté tk tel qu'un individu de type k choisit de travailler si et seulement si le taux d'imposition en vigueur t est strictement moins élevé que ce taux critique tk.

36En effet, il est facile de vérifier que :

equation im7

où la fonction ( ')v?1 est croissante. Le taux critique pour les individus de type k vaut :
equation im8

Si ce taux critique est nul, les individus de type k ne travaillent pas, quel que soit le taux d'imposition.

37 Proposition 2

38Lorsque le revenu brut y t L t k k k ( ) ( )=? est strictement positif, il croît strictement avecletypek.

39En effet, on a vu que l'offre de travail est faiblement croissante avec la productivité. Le revenu brut étant le produit de l'offre de travail par la productivité, lorsqu'il est non nul, il croît strictement avec la productivité.

Révélation de l'information

40La proposition (2) a des conséquences immédiates importantes en termes de révélation de l'information.

41 Conséquence 1 :

42 Dès lors qu'un individu travaille, son type peut être déduit sans équivoque de son revenu salarial brut.

43Conséquence 2 :

44 Si un individu travaille, tous les individus plus productifs travaillent également. Inversement, si un individu ne travaille pas, tous les individus moins productifs ne travaillent pas non plus. Il existe donc, pour chaque taux d'imposition t, un seuil critique de productivité tel que tous les individus, et seulement les individus, possédant une productivité au moins égale à ce seuil critique travaillent.

45Notation 3

46 On note k (t) le type correspondant à ce seuil critique de productivité.

47Formellement, k t k K L t k ( ) min ( { , ,..., }: ( )= ? >1 2 0 (si aucun typene travaille à ce taux, on pose k (t ) =0).

48 Conséquence 3 :

49Lorsque le taux d'imposition t a été mis en place à une période donnée, les nombres d'individus de type supérieur à k t( ), à savoir les n n n k t k t K( )* ( )* *, ,..., +1, sont connus avec certitude.

50Ceci découle immédiatement des conséquences 1 et 2.

51Remarque

52 Notons à ce stade que ce seuil critique k t( ) dépend des préférences relative des individus pour la consommation et le loisir. Comme le montre la formule (4), qui explicite la valeur du taux critique t k au-delà duquel les individus arrêtent de travailler, le seuil critique k t( ) est d'autant plus grand que la désutilité marginale de la première heure de travail est élevée. En particulier, dans le cas extrême où v’(0) = 0, c'est-à-dire où la désutilité marginale de la première heure travail est nulle, tous les individus choisissent de travailler (sauf en cas de productivité nulle, ou de taux d'imposition égal 1 - ce qui correspond à une confiscation totale des revenus du travail). Dans ce cas, toute l'information pertinente est révélée dès la première période.

53On se place ici implicitement dans l'hypothèse opposée où v’(0)>0, c'est-à-dire dans des cas où même la première heure de travail est coûteuse. Ceci revient à dire que le passage du statut de sans-emploi à celui d'employé (en contrôlant évidemment pour les niveaux de revenu associés) est coûteux en termes d'utilité, par exemple parce qu'il faut se réhabituer à des contraintes ou des horaires, ou gérer le problème de la garde des enfants, etc.

Révision des croyances

54La conséquence 3 permet d'expliciter le processus de révision bayésienne des croyances. Si en début de période ?, les croyances concernant la distribution des types sont caractérisées par les probabilités ? ? ? ? = ?( ( ) : )n n N et que le taux d'imposition t est mis en place, les croyances a posteriori en fin de période ?, qui sont les croyances a priori en début de la période suivante ? +1, sont :

equation im9

Les préférences individuelles indirectes à la période courante

55 Comme il n'y a pas d'ambiguïté sur la période considérée, on omet l'exposant relatif au temps dans toute cette partie.

Définition des préférences individuelles

56On suppose que les croyances en début de période sont caractérisées par ?.

Préférences individuelles indirectes pour les paramètres fiscaux

57L'utilité indirecte espérée qu'un individu de type k associe au taux d'imposition t est :

equation im10

b t n( , , )? est le transfert forfaitaire attendu après la mise en place du taux t lorsque la distribution des types est n et que les croyances initiales sont ?.

La contrainte budgétaire de l'État

58Ayant déterminé les offres de travail en 3.1, on peut maintenant expliciter letransfert forfaitaire b t n( , , )?.

59Lo rsqu e la d istribu tion des ty pes es t n n n nK = ( , ,..., ) 1 2, le revenu total collecté par k K= l'État est
equation im11
et donc
equation im12
Notons que le niveau de transfert b t n( , , )? attendu lorsque la distribution des typ es est n n n n=( , ,..., ) ne dépend pas des croyances K1 2 initiales. Ceci est une conséquence du fait (souligné dans la première section de la deuxième partie) que les offres de travail elles-mêmes ne dépendent pas des croyances. Avec un léger abus de notation, on note désormais b (t, n) ce niveau de tranfert :

equation im13

Préférences individuelles indirectes pour le taux de taxe

60En reportant l'expression (6) dans (5), on obtient l'utilité indirecte espérée pour un individu de type k, comme une fonction [9] du seul taux de taxe t et des croyances ?, notée W t k ( , )? :

equation im14

La fonction qui à t associe W t k ( , )? est continue sur l'intervalle [0,1] (puisque les offres de travail le sont). Elle admet donc un maximum sur cet intervalle. Dans le cas où cette fonction atteint son maximum en plusieurs points, on suppose, ainsi que cela a été stipulé dans la note 9, que l'individu préfère le taux le plus bas. On peut alors introduire la notation suivante :

61 Notation 4

62 On note t k( , )? le taux d'imposition préféré par un individu de type k lorsque ses croyances sont ?.

Propriété des préférences indirectes

63 Proposition 5

64Les préférences individuelles W t k ( , )? satisfont la "Condition d'Intersection Unique" [10] : si un individu préfère t à t', avec t t? ', alors les individus plus productifs préfèrent aussi t à t'.

65La preuve de cette proposition est donnée dans la première section de l’appendice. Cette proposition sera utile pour démontrer l'existence d'un équilibre de Nash dans le jeu de compétition électorale, ainsi que pour caractériser cet équilibre.

Compétition électorale à la période courante

66On omet l'exposant relatif au temps dans toute cette section.

Déroulement du jeu

67On rappelle que le jeu entre les partis est le suivant :

  • les deux partis proposent simultanément un taux d'imposition (on note t le taux proposé par le parti j j j A B, { , }? ). L'objectif de chaque parti est de maximiser sa probabilité d'être élu ;
  • les électeurs votent pour l'un des deux partis. Il n'y a pas d'abstention. Lorsque les deux partis font des propositions différentes (t t? ), chaque électeur A B vote pour le parti qui fait la proposition qui lui est le plus favorable. Lorsque les deux partis font la même proposition (t t= ), chaque électeur vote de A B manière équiprobable pour chacun des partis ;
  • le parti remportant le plus de voix est élu [11]. La politique proposée par le parti élu est mise en place. On appelle ce jeu "compétition électorale en information imparfaite".

Incertitude des partis

68Les partis connaissent les préférences de chaque type d'individus, définies par les fonctions indirectes espérées (7). Lorsque les propositions sont (t t, ), A B avec t t A B ?, les partis savent avec exactitude quels types vont voter pour le parti A et quels types vont voter pour le parti B. Plus précisément, puisque les préférences indirectes espérées satisfont la propriété d'Intersection Unique (cf. Proposition 5), il va exister un seuil de productivité critique, noté k t t( , , )?, divisant en deux l'électorat. Les A B individus de type inférieur ou égal à ce seuil votent pour le parti proposant le taux d'imposition le plus élevé, et ceux de type strictement supérieur votent pour le parti proposant le taux d'imposition le plus bas [12].

69Néanmoins, de l'incertitude subsiste sur le nombre de voix que chacun des deux partis va remporter. En effet, si les partis connaissent les décisions que prendra un individu d'un type donné, ils ne connaissent pas avec certitude les proportions des différents types dans l'économie.

Les fonctions de gain des partis

70On rappelle que l'objectif de chaque parti est de maximiser sa probabilité d'être élu.

71On note h t t A A B ( , , )? (resp ectivement h t t B A B ( , , )? ) le gain du parti A (resp. du parti B ), lorsque les croyances sont ? et les propositions ( ,t t ). De façon évidente, les deux partis jouent un A B jeu à somme constante égale à 1 :

equation im15

Explicitons la fonction de gain du parti A. Pour cela, on introduit la notation suivante : pour toute distribution n, on note méd n( ) le type médian sur la distribution n, c'est à dire l'unique [13] type tel que :

equation im16

et

equation im17

Cas t t A B <. Lorsque les croyances sont ?, les individus de type k k t t A B =1 2, ,..., ( , , )? votent pour le parti B et les autres votent pour le parti A. Le parti A remporte l'élection si et seulement si la distribution d es types n est tel le qu e

equation im18

c'est-à-dire telle qu e méd n k t t A B ( ) ( , , )> ?. On en déduit que la probabilité que le parti A remporte l'élection est la probabilité que le médian soit de type strictement supérieur à k t t A B ( , , )?.

72On note pk ( )? la probabilité que le médian soit de type k lorsqueles croyances sont ?. Formellement,

equation im19

Avec ces notations, la probabité que le parti A remporte les élections vaut :

equation im20

Cas t t A B >. De manière symétrique, le parti A remporte l'élection si et seulement si la distribution des types n est telle que méd n k t t A B ( ) ( , , )? ?. La probabité que le parti A remporte les élections vaut alors :

equation im21

Cas t t A B =. Les individus votent de manière équiprobable pour les deux partis et le parti A remporte les élections avec une probabilité 1/2 :

equation im22

Ceci achève la description [14] de la fonction de gain du parti A.

Équilibre du jeu

73On montre maintenant que ce jeu de compétition électorale en information imparfaite possède un unique équilibre de Nash.

74 Définition 6

75 On appelle "double médian quand les croyances ", et on note m( )?, le type défini par :

equation im23

où les pk ( )? sont définis en (8).

76Pour interpréter ce concept de double médian, il faut se souvenir que pk ( )? est la probabilité espérée que le médian soit de type k lorsque les croyances sont ?. Ainsi,

equation im24

estlaprobabilité espérée que le médian soit de type supérieur ou égal à m, lorsque les croyances sont?. Le type m( )? est donc un type tel qu'il y a simultément plus d'une chance sur deux pour que le médian soit d'un type supérieur et plus d'une chance sur deux pour que le médian soit d'un type inférieur [15]. Ce concept de double médian est déjà utilisé par Roemer (1997) pour étudier un jeu de compétition électorale dans lequel il y a une possibilité d'abstention pour les électeurs, cette abstention n'étant pas prévisible avec certitude par les partis.

77Notons que l'identité de ce double médian dépend des croyances des partis sur la composition de la société, puisqu'entrent dans sa définition les probabilités que le médian soit des divers types.

78Dans le cas particulier d'u ne situation d'information parfaite, c'est-à-dire pour les croyances ?* telles que

equation im25

on peut noter que le double médian ainsi défini m( ) * ? coïncide avec le médian sur la vraie distribution méd n( ) *. Mais ceci n'est pas nécessairement le cas. Un contre-exemple est fourni en appendice (deuxième section) qui explicite en outre en détail le mode de calcul de ce double médian.

79Proposition 7

80 Le jeu de compétition électorale en information imparfaite possède un unique équilibre de Nash. À l'équilibre, les partis politiques proposent tous deux letaux de taxe préféré par ledouble médian.

81La preuve de cette proposition est donnée en appendice (troisième section).

Dynamique et état stationnaire

Dynamique

82Chaque période ? est caractérisée par les croyances en début de période (?? ) et par le taux d'imposition effectivement mis en place durant cette période, noté t?. La dynamique ( , )?? ?? t?1 est définie par récurrence.

83À la toute première période? =1, les croyances a priori ?1 sont données par hypothèse ; elles peuvent être le produit d'une histoire antérieure dont on ne cherche pas à rendre compte ici. Le taux d'imposition mis en place est celui que proposent les deux partis à l'équilibre de Nash du jeu de compétition électorale [16] :

equation im26

Soit maintenant une période ? ultérieure, caractérisée par le couple ( , )t? ? ?. Le couple caractérisant la période suivante se déduit de la façon suivante. Lorsque le taux t? est mis en place, les types supérieurs à k t( ) ?, et seulement eux, choisissent de travailler. Leurs proportions dans la société sont apprises avec certitude et la révision de croyances se fait selon le processus bayésien décrit en troisième section de la deuxième partie :

equation im27

À la période ? +1, le taux d'imposition mis en place est celui que proposent les deux partis à l'équilibre de Nash du jeu de compétition électorale, quand les croyances sont ??+1 :

equation im28

84 Remarque

85 Toute cette dynamique se déduit des seules croyances initiales ?1.

État stationnaire

86Définition 8

87On appelle état stationnaire un couple (?éq éq t, ) tel que, lorsque les croyances a priori sont ?éq :
(i) à l'équilibre de Nash du jeu de compétition électorale, les deux partis proposent le taux d'imposition téq, (ii) les croyances a posteriori, après révision bayésienne suite à la mise en place de taux d'imposition téq, sont encore ?éq.

88Proposition 9

89 L'économie converge vers un état stationnaire, qui dépend des croyances intiales ?1. Cet état stationnaire est atteint en, au plus, K périodes.

90Preuve. Considérons la suite des ( ( ))k t???1. Rappelons qu'à la période ??, ( )k t est le seuil de productivité critique au-delà duquel les individus travaillent. Comme cette suite est à valeurs dans l'ensemble fini {0,1,2,...,K}, elle ne peut être strictement décroissante. Notons ?c la première date à laquelle k t k t c c ( ) ( ) ? ? ??1. (Il est utile de remarquer ici que 2 ? ??c K). Aucun individu ne passe de l'inactivité à l'activité entre les dates ?c ?1 et ?c, donc aucune information nouvelle n'est obtenue concernant la distribution des types entre ces deux périodes. Par conséquent, les croyances a priori en début de période ?c +1 sont identiques à celles qui prévalaient en début de période ?c. Comme le taux mis en place à chaque période ne dépend que des croyances, les taux d'imposition aux périodes ?c +1 et ?c sont également identiques. Un raisonnement par récurrence élémentaire montre que ( , )?? ?c c t constitue un état stationnaire.

91Maintenant, en ce qui concerne la vitesse de convergence du processus, comme ?c K?, cet état stationnaire est atteint en, au plus, K périodes.

La trappe "informationnelle" à inactivité

92L'objectif est de comparer le système fiscal à l'état stationnaire, tel qu'il a été défini dans la partie précédente, et le système fiscal qui aurait été choisi si la distribution des types avait été connue avec certitude dès le départ.

La situation d'information parfaite

93Ce cas d'"information parfaite" est un cas particulier du modèle présenté ici : il correspond simplement à la situation dans laquelle, dès la première période, les partis comme les électeurs attribuent une probabilité égale à 1 à la véritable distribution des talents. Formellement, il s'agit de la situation où les croyances initiales sont ? ? 1 =* avec

equation im29

Dans ce contexte d'information parfaite, l'état stationnaire est naturellement atteint dès la première période. On note t* le taux d'imposition proposé par les partis politiques dans ce cas. On fait l'hypothèse supplémentaire qu'à l'équilibre du jeu de compétition électorale en information parfaite, au moins 50% des individus travaillent (c'est à dire que : L t méd n( *) * ( ) >0).

94 La trappe informationelle à inactivité

95On peut à présent présenter le résultat principal.

96 Proposition 10

97 Quelles que soient les croyances initiales sur la distribution des types,

98 (i) le taux d'inactivité à l'état stationnaire est toujours au moins aussi élevé qu'en situation d'information parfaite,

99 (ii) le taux d'imposition à l'état stationnaire est toujours au moins aussi élevé qu'en situation d'information parfaite,

100 (iii) le revenu total généré dans l'économie à l'état stationnaire est au plus égal à celui généré en situation d'information parfaite.

101L'intuition économique est relativement simple. Les préférences des individus et le marché du travail sont tels que la capacité des individus les plus productifs est découverte en priorité. Par conséquent, à l'état stationnaire, il n'est pas possible de surestimer le haut de la distribution des types. Par contre, il y a un risque de se tromper sur la distribution des types parmi les électeurs qui n'ont jamais travaillé. Or ces erreurs d'estimation, si elles ont lieu, ne peuvent avoir lieu que dans un seul sens, celui d'un pessimisme excessif. En effet, si les partis et les individus étaient trop optimistes sur les capacités des individus sans emploi, ils choisiraient des taux d'imposition plus bas, afin de limiter les effets désincitatifs. Ils corrigeraient alors leurs erreurs d'estimation. En revanche, il est tout à fait possible qu'à l'état stationnaire ils demeurent excessivement pessimistes. En effet, s'ils sont excessivement pessimistes, ils ne verront pas l'intérêt de mettre en place des politiques favorisant l'accès à l'emploi, et ils n'auront donc pas l'occasion de réviser leurs croyances erronées. La preuve complète de la proposition est donnée en appendice. Elle ne fait essentiellement que formaliser et démontrer plus rigoureusement les arguments exposés ici.

102Ce résultat met en évidence l'existence potentielle d'une trappe à inactivité de nature purement informationnelle, dûe au fait que l'acquisition d'information sur la société est endogène au processus de décision politique et économique, lequel dépend lui-même de la qualité d'information dont dispose la société sur elle-même.

103Ce résultat propose une comparaison qualitative entre la politique retenue en information incomplète et celle qui serait choisie en situation d'information complète. Il ne permet pas de quantifier la taille effective de cette trappe à inactivité. Dans un contexte d'information imparfaite, quand on est à l'état stationnaire, on sait certes que le taux d'imposition et le taux de non-emploi sont au moins aussi élevés que ce qu'ils seraient si on connaissait parfaitement la distribution des talents. Mais on ne dispose pas de moyens de connaître la différence quantitative effective qui existe entre ces taux. Il est cependant possible d'estimer la taille potentielle maximale de cette trappe à inactivité. Pour cela, étant donné le taux de non-emploi observé à l'état stationnaire, on peut calculer l'état stationnaire correspondant à diverses croyances plus ou moins optimistes sur la répartition des talents compatibles avec ce taux de non-emploi. En comparant les politiques associées à ces divers états stationnaires, on peut alors avoir une idée de la taille potentielle de la trappe à inactivité et du biais de sur-imposition. Un tel exercice est réalisé dans Van der Straeten (2000, chapitre 3) : des micro-simulations sur données françaises suggèrent que la différence potentielle entre taux marginaux d'imposition en information complète et en information incomplète peut atteindre 5 ou 6 points, ce qui constitue également l'ordre de grandeur de la différence potentielle entre les taux d'emploi.

104Si, comme cela vient d'être noté, la connaissance des seules croyances et politique d'état stationnaire ne permet pas d'accéder à la taille effective de la trappe à inactivité, il existe en revanche un moyen certain de réduire cette trappe. Supposons qu'une fois l'état stationnaire atteint on dispose, de manière exogène au processus d'apprentissage décrit dans le modèle, d'informations supplémentaires concernant le talent des individus sans emploi. Ces informations complémentaires peuvent par exemple provenir d'enquêtes ou de sondages réalisés auprès de ces individus. Dans ce cas, ces nouvelles informations peuvent se révéler incompatibles avec les croyances qui prévalaient alors et déclencher un nouveau processus d'apprentissage et d'ajustement, qui convergera vers un nouvel état stationnaire. On peut alors être sûr qu'à ce nouvel état stationnaire le taux d'emploi sera au moins aussi élevé que ce qu'il était à l'état stationnaire précédent (par des arguments et une intuition exactement similaires à ceux de la proposition 10).

105Ainsi, se restreindre à la seule information générée par le marché du travail peut conduire à des inefficacités et au sous-emploi. Ceci peut être combattu en mettant en place d'autres moyens d'acquisition directe d'information sur les qualifications ou les talents des individus sans emploi.

Conclusion

106Pour conclure, on revient sur les hypothèses relatives aux partis politiques et au processus de décision en général, puis on discute d'autres applications éventuelles des résultats obtenus.

Le processus de décision

107On a supposé que les partis politiques ont les mêmes croyances que les électeurs concernant la composition de la société. Il est possible de relâcher cette hypothèse et de supposer que les partis ont tous les deux les mêmes croyances, mais que ces croyances ne coïncident pas avec celles des électeurs. Si les partis connaissent les croyances des électeurs, ils restent toujours capables d'évaluer les préférences de ces derniers pour les diverses politiques fiscales. Simplement, à chaque période, au lieu de proposer à l'équilibre la politique préférée par le double médian pour les croyances des électeurs, ils proposent tous deux la politique préférée par le double médian pour leurs propres croyances.

108De manière plus générale, on a supposé ici que la décision était prise démocratiquement par la tenue d'élections opposant deux partis politiques. En fait, le résultat général concernant la trappe à inactivité est relativement indépendant du mode exact de décision, comme le suggère l'intuition donnée dans la sixième partie. Il demeure sous d'autres hypothèses concernant le processus de décision collective. En particulier, dans Van der Straeten (2000, chapitre 2), il est montré que le résultat reste vrai lorsque les décisions de politiques fiscales sont prises par un planificateur central, qui maximise une somme pondérée des utilités individuelles. Le résultat démontré dans ce cadre est dans un sens plus général que celui présenté ici, car il subsiste même quand le planificateur intègre dans son objectif les conséquences en termes d'informations de la politique retenue et qu'on ne contraint pas le système fiscal à être linéaire.

Applications au choix des politiques de santé ou d'éducation

109Le cadre proposé pourrait peut-être être adapté à l'étude d'un certain nombre d'autres décisions de politique publique.

110Dans le modèle étudié ici, la décision d'un individu de travailler ou non dépend de sa productivité (inobservable) et de la fiscalité pesant sur les revenus du travail. Dès lors qu'un individu travaille, l'État peut découvrir sa productivité. Par conséquent, l'État connaît la distribution des productivités au sein des individus qui ont travaillé par le passé, mais ne peut disposer que d'une information imparfaite sur les capacités productives de populations n'ayant encore jamais participé au marché du travail. Il a été montré que ceci induisait u n biais vers une sous-participation au marché du travail. Un tel mécanisme peut en fait se retrouver dans de nombreux problèmes d'économie publique.

111Prenons pour commencer l'exemple, en économie de la santé, du choix des paramètres d'une assurance maladie publique : taux de cotisation et montant des remboursements. Là encore, la décision d'un individu d'engager ou non des dépenses de santé, en particulier pour les soins ambulatoires, dépend de caractéristiques privées inobservables (antécédents médicaux ou état général de santé qui définissent, de manière très générale, un "goût" pour la santé) et de la couverture proposée (qui affecte le prix des soins). En supposant que lorsqu'un individu engage des dépenses de santé, il est possible d'inférer son "goût" pour la santé, les résultats suggèrent que la connaissance imparfaite de l'état sanitaire de la population - et donc des demandes individuelles de soins [17] - peut conduire à adopter un système de couverture maladie impliquant un accès aux soins moindre que celui qui aurait été adopté si la distribution de ces demandes avait été connue au départ avec précision.

112Une autre application pourrait être, en économie de l'éducation, le choix du montant des subventions à accorder à l'école publique (qui affectent le coût de la scolarité) ou celui du montant des investissements à réaliser pour augmenter la qualité de l'enseignement dispensé. La décision d'envoyer ou non un enfant à l'école peut dépendre du capital humain des parents [18] et du coût (ou de la qualité) de l'enseignement scolaire. L'intuition suggère là encore que si la distribution du capital humain parmi les adultes est mal connue, l'État peut être amené à sous-investir dans l'éducation. Les applications aux pays en voie de développement pourraient être particulièrement intéressantes, pouvant en particulier contribuer à expliquer les trappes de sous-développement.

113Ce ne sont là que des intuitions, qui mériteraient peut être d'être développées dans des modèles spécifiquement adaptés.

Appendice

114Preuve de la Proposition 5 [19]

115Soit deux types k k K, ' { , ,..., }? 1 2 et deux taux d'imposition t t t t, ' [ , ], '? ?0 1, tels qu'un individu de type k préfère (au sens large) le taux t au taux t'. On va montrer qu'alors un individu de type k'préfère (au sens large) également t à t'.

116L'utilité indirecte espérée pour un individu de type k, ayant pour croyances ?, lorsque le taux d'imposition est t vaut :

equation im30

b t n( , ) est défini en (6). D'après le théorème de l'enveloppe, on en déduit que :

equation im31

Mais d'après la Proposition 2, le salaire brut ? L est k k une fonction croissante de la productivité et donc la quantité ?k ktt L s ds '( ) ?croît avec le type. Par co nséq uen t, on en déd uit q ue si W t W t( , ) ( ', )? ?? ? 0, alors pour tout type k', avec k k k k'?, on a également W t W t k' '( , ) ( ', )? ?? ? 0.k Ceci démontre le résultat souhaité.

Exemple de calcul du double médian

117Soit la situation très simple suivante, qui n'a qu'une vocation illustrative et ne vise nullement à une description réaliste de la composition de la société ou des croyances qu'entretiennent les individus sur cette composition.

118La société est composée de 100 individus (N =100) répartis en quatre types distincts (K = 4), selon leur productivité qui peut prendre les quatre valeurs ? ? ? ?, , ,. En réalité, les individus sont répartis 1 2 3 4 entre ces quatre types selon ladistribution suivante :

equation im32

Le médian sur la vraie distribution n* est donc méd (n*) = 2 (puisque n n 1 2 50 * * + > et n n n 2 3 4 50 * * * + + > ).

119Considérons maintenant trois systèmes de croyances différents.

120Exemple 1

121 Premièrement, considérons le cas d'information parfaite, ce qui correspond aux croyances ?* telles que

122?* ( )n =1 Si n n=*, et

123?* ( )n = 0 sinon.

124Dans ce cas,

equation im33

Donc
m( ) * ? = 2 (puisque p p p 2 3 4 1 2( ) ( ) ( ) / * * * ? ? ?+ + ? et p p 3 4 1 2( ) ( ) / * * ? ?+ <; on retrouvebien le fait que
m méd nm(?*)=méd(n*).

125Exemple 2

126 Deuxièmement, considérons les croyances ? suivantes :

127? (25,30,25,20) = 0,2 (=?(n*)),

128? (30,25,25,20) = 0,25,

129? (20,25,30,25) = 0,3,

130? (25,20,30,25) = 0,25,

131et ?( )n =0 pour toute distribution n différente des quatre distributions ci-dessus. On peut calculer le médian sur chaque distribution des types qui a reçu une probabilité d'occurrence non nulle dans les croyances ? :

132méd (25,30,25,20) = 2,

133méd (30,25,25,20) = 2,

134méd (20,25,30,25) = 3,

135méd (25,20,30,25) = 3.

136On en déduit les probabilités que le médian appartienne aux différents types :

equation im34

et donc, comme p p 3 4 1 2( ) ( ) /? ?+ ? et p4 1 2( ) /? ?

equation im35

Cet exemple montre que le double médian n'est pas nécessairement égal au médian sur la vraie distribution.

137Enfin, il n'est pas non plus nécessaire que les croyances soient dégénérées au point que l'on soit en information parfaite (comme dans le cas de l'exemple 1) pour que le double médian corresponde au médian sur la véritable distribution, ainsi que le montre l'exemple suivant.

138Exemple 3

139 Considérons les croyances ?'suivantes :

140 ?'(25,30,25,20) = 0,3 (=?'(n*)),

141?'(30,25,25,20) = 0,25,

142?'(20,25,30,25) = 0,2 ,

143?'(25,20,30,25) = 0,25,

144et ?'( n ) = 0 pour toute distribution n différentes des quatre distributions ci-dessus. Les probabilités que le médian appartienne aux différents types valent :

equation im36

145et donc :

equation im37

Preuve de la Proposition 7

146La preuve de la proposition repose sur les trois lemmes suivants.

147Lemme 11 ? ?t t t t A B A B, , si le double médian quand les croyances sont ? préfère tA à tB, alors h t t A A B ( , , ) /? >1 2.

148Preuve. Soit tA et tB deux taux distincts, tels que le double médian quand les croyances sont ?préfère tA à tB.

149Si tA > tB,

equation im38

si

equation im39

et

equation im40

si

equation im41

Or, puisque le double médian préfère t à t, c'est AB que k t t m( , , ) ( )? ?< et do nc A B k t t m A B ( , , ) ( )? ?+ ?1. Par définition du double k K= médian,

equation im42

et donc

equation im43

Ainsi h t t A A B ( , , ) /? >1 2.

150Si tA < tB,

equation im44

si

equation im45

et

equation im46

Or, puisque le double médian préfére t à t, c'est AB que k t t m A B ( , , ) ( )? ??. Par définition du k m=(?) double médian,

equation im47

et donc

equation im48

Lemme 12. À l'équilibre, les deux partis font la même proposition.

151Preuve. On suppose par l'absurde que les deux partis font à l'équilibre deux propositions distinctes : t t?. Alors, par définition des préférences A B indirectes espérées (voir (7) et la note 9), le médian préfère strictement l'un des deux. On peut supposer sans perte de généralité qu'il s'agit de t. Alors, A d'après le lemme 11, puisque la somme des gains des deux partis vaut 1, h t t B A B ( , , ) /? <1 2. Mais le parti B pourrait obtenir un gain égal à 1/2 en proposant t (puisque les deux partis gagnent alors avec une A probabilité 1/2), il a donc un intérêt strict à dévier, ce qui contredit le fait que (tA, tB ) soit un équilibre de Nash.

152Lemm e 13. Le cou ple de propo sitions ( ( ), ), ( ( ), )t m t m? ? ? ? est un équilibre de Nash du jeu de compétition électorale.

153Preuve. Pour alléger les notations on note t ( )? le point t m( ( ), )? ?. Si un des partis, par exemple le parti A, propose le point préféré par le double médian ( ( ))t t A = ?, alors le parti B possède une unique meilleure réponse, qui consiste à proposer également t ( )?. En effet, s'il propose t ( )?, il obtient comme gain h t t( ( ), ( ), ) /? ? ? =1 2, tandis que s'il propose B t t? ( )?, puisque t( )? est préféré à t par le double BB médian, il obtient d'après le lemme 11 un paiement h t t B B ( ( ), , ) /? ? <1 2.

154On peut maintenant donner la preuve de la proposition 7.

155Le lemme 13 établit le fait que ( ( ), ( ))t t? ? est un équilibre de Nash. On montre maintenant qu'il est le seul, en supposant par l'absurde qu'il existe un autre équilibre. D'après le lemme 12, il est de la forme ($, $t t) avec $ ( )t t? ?. À cet équilibre, les deux partis gagen t avec u ne pro bab ilité 1 2 1 2/ : ($, $, ) ($, $, ) /h t t h t t? ?= =. Mais, d'après le A B lemme 11, chaque parti a un intérêt strict à dévier en proposant le taux d'imposition préféré par le double médian, t ( )?, ce qui contredit le fait que ($, $t t), avec $ ( )t t? ?, soit un équilibre de Nash

Preuve de la Proposition 10

156Soient ?1 des croyances initiales quelconques concernant la distribution des types au sein de la société et (?éq éq t, ) l'état stationnaire associé. On a noté t* le taux d'imposition proposé par les partis politiques lorsque la distribution des types est connue avec certitude (c'est-à-dire lorsque les croyances sont ?* ). L'objectif est de montrer que : t t éq ?*. En effet, l'emploi et le revenu total dans l'économie étant des fonctions décroissantes du taux d'imposition, les résultats concernant le taux d'inactivité et le montant de richesses produites suivent imméd iatemen t celui sur le taux d'imposition.

157L'essentiel de la démonstration repose sur le fait qu'à l'état stationnaire les électeurs sont capables de parfaitement prévoir les conséquences en termes de bien-être d'une hausse du taux de taxe, mais pas celles d'une diminution de ce taux. En effet, si, à partir de l'état stationnaire, on augmente le taux de taxe, seuls des individus déjà actifs sur le marché du travail sont susceptibles de travailler. Comme leurs proportions dans l'économie sont connues, les conséquences économiques d'une hausse sont parfaitement prévisibles, donc ses conséquences en termes de bien-être le sont aussi :

equation im49

Ceci étant établi, on suppose maintenant par l'absurde que t t éq <*. Puisque t* est proposé en information parfaite par les partis, c'est que le véritable médian le préfère [20] à téq :

equation im50

Puisque téq est proposé par les partis à l'état stationnaire, c'est que le double médian lorsque les croyances sont ?éq le préfère à t* :

equation im51

Comme t t éq <* et que l'on a fait l'hypothèse que lorsque le taux d'imposition est t*, le médian sur la vraie distribution choisit de travailler, le véritable médian choisit également de travailler à l'état stationnaire. Par conséquent, son type est connu : m m méd n éq ( ) ( ) ( ) * * ? ?= =.

158En utilisant cetteremarque, l'inégalité (11) devient :

equation im52

Or, d'après (9), comme t téq* ?,

equation im53

En reportant (13) et (14) dans (12), on obtient :

equation im54

ce qui contredit l'inégalité (10) et achève la démonstration.

159Commentaire sur la proposition 10
On a supposé (cf. la définition 1) que les préférences des individus pour la consommation et le loisir sont quasi-linéaires dans la consommation. Ceci exclut l'existence d'effet revenu et garantit que les offres de travail dépendent du seul taux de salaire net, et non du montant du transfert forfaitaire. On peut se demander si le résultat de biais vers une sur-imposition se généralise aisément au cas où l'on autorise un effet revenu. Il semble que celane soit pas le cas. En effet, introduire un effet revenu peut poser des difficultés à différents endroits : il faudrait d'abord introduire des conditions supplémentaires garantissant que le revenu brut est une fonction croissante de la productivité et qu'un équilibre du jeu de compétition électorale existe toujours. Mais outre ces difficultés que l'on pourrait qualifier de techniques, la preuve de la proposition suggère que des obstacles plus fondamentaux sont sur le chemin. En effet, la preuve repose en grande partie sur le fait qu'à l'état stationnaire les électeurs sont capables de parfaitement prévoir les conséquences en termes de bien-être d'une hausse du taux de taxe. Plus précisément, les conséquences anticipées coïncident exactement avec ce qu'elles auraient été en information parfaite :

equation im55

Or ceci cesse d'être le cas lorsqu'on autorise un effet revenu, puisque les offres de travail dépendent maintenant des croyances.

Notes

  • (*)
    Laboratoire d'Econométrie, CNRS et Ecole Polytechnique. E-mail : kkarine. van-der-straeten@ polytechnique. fr
  • (1)
    En effet, la complexité et l'opacité de la plupart des systèmes fiscaux européens ont contribué à faire naître et à alimenter une réflexion sur les vertus de réformes de grande ampleur, destinées à rendre le système plus simple et plus lisible. Cependant, si les propriétés en termes d'efficacité et d'équité d'un tel système ont été assez largement étudiées (van Parijs, 1995 ; Bourguignon et Chiappori,1998), ses propriétés "politiques" l'ont en revanche été un peu moins.
  • (2)
    Du nom d'Anthony Downs, qui défendit l'idée selon laquelle “les partis proposent des politiques pour remporter les élections, plutôt qu'ils ne remportent les élections pour mettre en place des politiques''(1957, p. 28).
  • (3)
    On suppose pour simplifier la présentation que le nombre d'individus est impair.
  • (4)
    On ne se pose donc pas ici la question de l'influence de la fiscalité sur les choix d'éducation.
  • (5)
    On rappelle que?( )n est la probabilité attribuée par tous les acteurs de l'économie au fait que la distribution des types soit n n n nK = ( , ,..., ) 1 2.
  • (6)
    On fait l'hypothèse que le nombre d'individus dans la société est suffisamment grand pour que chacun néglige l'influence de ses décisions privées sur les variables macro-économiques. Ceci se traduit ici par le fait que les individus négligent l'influence de leur offre de travail sur le niveau du transfert forfaitaire.
  • (7)
    Pour une discussion de cette hypothèse d'absence d'effet revenu, voir en appendice, à la fin de la dernière section (Preuve de la proposition 10).
  • (8)
    Lorsqu'un individu est indifférent (au sens des préférences décrites par la fonction U) entre diverses offres de travail, on fait l'hypothèse qu'il choisit l'offre de travail la plus basse.
  • (9)
    On fait en réalité l'hypothèse que les préférences indirectes espérées sont définies de la manière suivante : – un individu de type k préfère strictement t à t* si W t W t k k ( , ) ( ', )? ?> ou W t W t k k ( , ) ( ', )? ?= et t < t'; – un individu est indifférent entre deux taux d'imposition si et seulement si ces deux taux sont égaux. Cette hypothèse permet d'avoir une relation de préférence stricte entre deux taux d'imposition distincts.
  • (10)
    Ou "Condition de Single-Crossing". L'utilisation de cette condition pour établir l'existence d'un équilibre dans un jeu de vote remonte à Roberts (Roberts, 1977). Elle a été généralisée par Milgrom et Shannon (Milgrom et Shannon, 1994) et Gans et Smart (Gans et Smart, 1996) et a depuis été souvent utilisée dans les modèles de vote (Roemer, 1997; Epple et Romano,1998).
  • (11)
    Lorsque les deux partis remportent exactement le même nombre de voix avec des propositions différentes, on suppose que le parti ayant proposé le taux d'imposition le plus bas est élu.
  • (12)
    Formellement, si t t A B ? k t t k k K( , , ) max ( {, ,..., }:? = ? 1 2 A B k W t t W t t k A B k A B (max( , ), ) (min( , ), )? ?>. Si tous les types préfèrent le taux le plus bas, on pose k t t A B ( , , )? =0.
  • (13)
    Il est unique puisque l'on a supposé que le nombre total d'individus dans l'économie, N, est impair.
  • (14)
    En fait, en toute rigueur, puisque l'on a supposé que lorsque les deux partis recueillent exactement le même nombre de suffrages en faisant des propositions différentes, le parti proposant le taux d'imposition le plus bas est élu, le gain du parti A est défini comme suit :

    equation im56

  • (15)
    Il est même le seul type à satisfaire cette propriété, sauf dans le cas très particulier (qui ne se produit génériquement pas) où il existe un type m tel que simultanément

    equation im57

    et

    equation im58

    Dans ce cas, m - 1 et m vérifient tous deux cette propriété et m m( )? =.
  • (16)
    En reprenant les notations 4 et la définition 6.
  • (17)
    La demande de soins médicaux est effectivement mal connue, cf. Geoffard, 1999, pour une revue critique de la littérature consacrée à la difficulté d'estimer l'élacticité-prix de la demande de soins. En particulier, les données de coupe ne permettent pas de discriminer entre aléa moral et sélection adverse et les "expériences naturelles" grâce auxquelles des données longitudinales pourraient être disponibles sont rares (Eichner, 1997; Chiappori et alii, 1998).
  • (18)
    Cf. Becker, 1964, ou Lucas,1988, pour un exposé théorique, et Coleman, 1966, pour une étude empirique mettant en évidence l'influence du capital humain des parents sur le rendement de l'éduction des enfants.
  • (19)
    Merci au rapporteur de la revue dont les remarques ont permis d'abréger considérablement la rédaction de cette preuve.
  • (20)
    L'inégalité stricte dans (10) vient de la note 9.
Français

Aux menaces bien identifiées que les charges fiscales pesant sur le travail peuvent représenter pour l’économie - sous-emploi, croissante réduite - peut s’ajouter un autre danger, de nature informationnelle. En effet, s’il est difficile d’obtenir de l’information sur les capacités productives des individus non employés, la fiscalité, en déprimant l’emploi, va réduire l’information dont dispose la société sur elle-même. On considère un modèle dynamique où à chaque période des élections ont lieu pour sélectionner la politique fiscale. Les croyances des électeurs sur la répartition des productivités déterminent la politique fiscale, qui elle-même détermine l’emploi, qui à son tour détermine les croyances révisées des électeurs. Al’état stationnaire, le taux de taxe et le taux de non-emploi sont au moins aussi élevés que ce qu’ils auraient été si la distribution des productivités avait été connue au départ avec certitude.

Mots-clés

  • fiscalité
  • marché du travail
  • compétition électorale
  • processus d’apprentissage

BIBLIOGRAPHIE

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Karine Van der Straeten (*)
  • (*)
    Laboratoire d'Econométrie, CNRS et Ecole Polytechnique. E-mail : kkarine. van-der-straeten@ polytechnique. fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/08/2007
https://doi.org/10.3917/ecop.156.0107
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