1L’application de la méthodologie de la comptabilité générationnelle à la France conclut à l’existence d’un déséquilibre intergénérationnel. Le maintien des politiques fiscales et sociales actuelles conduirait à un paiement net des générations futures plus important que celui des générations actuelles.
2Cet article met cependant en évidence la sensibilité de l’ampleur de ce déséquilibre aux nombreuses hypothèses retenues pour l’exercice. Le déséquilibre varie en effet de 1 à 4 selon le choix effectué quant à l’individualisation des divers prélèvements, au traitement des intérêts de la dette, à la ventilation des dépenses d’éducation, à la prise en compte des investissements des administrations publiques, à la mesure de la richesse de l’État ou encore aux évolutions des profils de taxes et transferts par âge. La méthode de la comptabilité générationnelle, mise en place au début des années quatre-vingt-dix, a pour objectif de quantifier les engagements financiers de long terme des administrations publiques, qui n’apparaissent pas dans le déficit budgétaire traditionnel. Sa mise en œuvre conclut à l’existence d’un déséquilibre intergénérationnel. Le maintien à l’infini des politiques fiscales et sociales actuelles conduirait à un paiement net (taxes et impôts payés moins transferts reçus) des générations futures plus important que celui des générations actuelles.
3Si l’existence de ce déséquilibre, en grande partie dû aux évolutions démographiques, n’est pas remis en cause, son ampleur est largement dépendante des hypothèses retenues pour la construction des comptes générationnels. Dans cet article, les différents facteurs d’instabilité des résultats sont passés en revue et illustrés par la comparaison des différentes études menées sur la France utilisant cette méthodologie. On montre ainsi qu’il peut y avoir autant de comptes par génération que d’utilisateurs de la méthode. Selon les hypothèses adoptées quant à l’individualisation des divers impôts et taxes, au traitement des intérêts de la dette, à la ventilation des dépenses d’éducation, à la prise en compte des investissements des administrations publiques, à la mesure de la richesse de l’État ou encore aux évolutions des profils de taxes et transferts par âge, le déséquilibre intergénérationnel peut varier de 1 à 4.
Principes de la comptabilité générationnelle
4La méthode de la comptabilité générationnelle (CG), exposée pour la première fois par Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991) repose sur la notion de contrainte budgétaire intertemporelle (CBI) des administrations publiques. Les paiements, sous forme de taxes, d’impôts et de cotisations des générations présentes et futures, auxquels s’ajoutent la richesse des administrations publiques et les revenus engendrés, doivent permettre de financer l’intégralité des d épenses fu tures de ces administrations (prestations vieillesse, éducation, infrastructures, …).
5Afin d’alléger le texte, on utilisera indifféremment par la suite le terme État pour désigner l’ensemble des administrations publiques.
6La CBI de l’État peut s’écrire sous la forme
suivante :

Nt, k est le paiement net (taxes et impôts payés moins transferts reçus) à la date t de la génération k, D est la durée maximale de la vie,Wt est la richesse nette du secteur public à la date t, r est le taux d’actualisation, Gs représente les dépenses non ventilées de l’ensemble du secteur public à la date s. En effet, les dépenses du gouvernement peuvent être distinguées en deux groupes dont les frontières sont floues : une partie correspond à des transferts à destination de groupes d’âge clairement identifiés (retraites, chômage, …), transferts dont on peut tenter d’établir une distribution par sexe et âge à partir des données d’enquête et qui sont donc intégrées dans les Nt k,. L’autre catégorie correspond à des dépenses dont on ne sait pas vraiment à quelle hauteur en bénéficie chaque individu (défense, interventions sociales de l’État, …) et donc pour lesquelles on ne dispose pas aisément de profils permettant la ventilation. La plupart des études de CG conserve un solde de dépenses non affectées. Ce n’est que dans les travaux les plus récents (Raffelhüschen, 1999) qu’une convention de totale ventilation est adoptée, pour éviter d’éventuels biais. Nous reviendrons sur ce point dans la suite de l’étude car les résultats peuvent différer selon les hypothèses retenues.
7Le premier terme de la CBI représente les paiments nets des générations existantes, le second le paiement net des générations futures. La CBI formalise ainsi le fait que ce qui n’est pas payé par les générations actuelles devra l’être par les générations futures.
8L’équation (1) comporte 4 éléments, dont la somme actualisée des paiements nets des générations futures, qui s’obtient par solde. Cette hypothèse est centrale dans la méthode de la CG. Les générations futures sont supposées assurer l’équilibre de la contrainte budgétaire intertemporelle d u gouvernement, les générations actuellement en vie étant par hypothèse soumises au même régime fiscal toute leur vie. Cette convention doit être conçue comme un “exercice de pensée” (Masson, 2001), qui a pour objectif de mettre en évidence les difficultés financières auxquelles sera soumis l’État si les politiques sociales et fiscales sont maintenues indéfiniment [1].
Paiements nets des générations présentes
9Nt k,, le paiement net de la génération k à la date t, est
égal à la somme actualisée des taxes et impôts qu’elle
va verser et des transferts qu’elle va recevoir sur le
reste de son cycle de vie, soit :

Ps k, est le nombre d’individus de la génération k encore en vie à la date s; Ts k, le paiement net moyen (moyenne des taxes et impôts versés moins transferts reçus) de la génération k à la date s, c’est-à-dire, en d’autres termes, le paiement net moyen parmi tous les membres de la génération k à la date s.

10avec hs k i, , l’impôt ou le transfert moyen i payé ou reçu par la génération k à la date s.
11Il faut donc déterminer combien paiera ou recevra un
membre de la génération k, en projection. On
formule alors la deuxième hypothèse forte de la
méthode, qui suppose la constance en projection des
profils relatifs de taxes et transferts par âge, les
profils absolus croissant au rythme de la productivité
(notée g). Un homme de 40 ans en 2050 paiera et
recevra le même flux i qu’un homme du même âge en
1996, ajusté de la croissance de la productivité.
Formellement,

Dépenses publiques non ventilées (Gt )
12Conserver un solde de dépenses (ou de recettes) du
gouvernement non ventilées (noté Gt ) nécessite
d’émettre des hypothèses sur son évolution. Cette
dernière est supposée résulter du double effet de la
croissance de la population et de la croissance de la
productivité, ce qui revient à faire croître les
dépenses par tête au rythmede la productivité, soit :

s ? 1, g est supposée constant.
13Pt est la population totale à la date t.
Richesse nette du gouvernement (Wt )
14On considère, comme la plupart des auteurs, que la
richesse de l’État est égale à l’opposé de la dette
publique financière nette. On ne prend ainsi pas en
comp te l’intégralité de la richesse du
gouvernement et en particulier pas les actifs
physiques. Ces derniers sont supposés ne pas être
susceptibles d’un rendement monétaire que l’État
pourrait s’approprier. Selon Auerbach, Gokhale et
Kotlikoff (1994), tenir compte des actifs physiques
impliquerait de devoir inclure les services de ces
actifs dans les dépenses futures [2]. En résumé, si on
incluait l’actif A dans la richesse de l’État, ce dernier
pourrait le vendre et devrait alors le relouer par la
suiteau taux d’intérêt du marché r. On aurait alors :

L’hypothèse sous-jacente, non explicitée dans les études, porte sur l’évolution future des besoins de l’État. On suppose que les générations à venir doivent pouvoir bénéficier de ce stock de capital [3].
Paiements nets des générations futures
15Le paiement total des générations futures s’obtient
par solde à partir de la CBI. Pour connaître le
paiement net par tête de chaque génération future, on
suppose, comme précédemment, que chacune
d’entre elles est traitée de la même manière,
exception faite de la croissance de la productivité. Le
paiement net en valeur actualisée est ainsi égal pour
toutes les générations au facteur près de
l’ajustement, soit

avec Pt la population totale à la date t.
16On en déduit ainsi le compte générationnel à la date t
de la génération qui naîtra demain :

et, par suite, le paiement net par tête de cette génération :

Comme le souligne Accardo (1998), cette écriture de n est la définition usuelle. "On notera cependant 1 qu’il s’agit d’une valeur actualisée à t. Elle n’a donc pas la même signification pour la génération (t + 1) que n0 pour la génération t. Il est alors plus cohérent de comparer n0 à

17Ce paiement par tête identique des générations futures en proportion de leur revenu de cycle de vie n’est qu’une hypothèse. On pourrait très bien simuler une phase de croissance des paiements par exemple.
Indicateurs de déséquilibre
18Pour évaluer la soutenabilité de la politique fiscale et sociale, la méthode de CG compare le paiement net des générations futures au paiement net des générations actuelles, plus précisément à celui de la génération des nouveaux-nés. En effet, c’est la seule, parmi les générations actuellement en vie, pour laquelle on reconstitue en projection l’ensemble du cycle de vie en émettant l’hypothèse qu’elle va connaître tout au long de son existence le même régime fiscalo-social actuel [4].
19On utilise la différence ou le ratio entre n0, le
paiement net à la date t de la génération âgée de 0 an et
n1, celui de la génération qui naîtra demain.

20Le déséquilibre est caractérisé par n n 1 0 >.
21L’utilisation du ratio pose cependant certains problèmes, en particulier quand un des termes est petit ou même négatif. On le constatera lors de la mise en œuvre et on privilégiera la différence.
22Un certain nombre d’autres indicateurs ont été
proposés, en particulier le “Intertemporal Public
Liabilities” par Raffelhüschen (1999). Pour le
calculer, on fait l’hypothèse que toutes les
générations actuelles et futures sont soumises au
même régime fiscal toute leur vie, exception faite de
l’ajustement pour tenir compte de la croissance de la
productivité.

sous l’hypothèse que

23L’IPL, sorte de dette publique intertemporelle, mesure le montant des engagements financiers de l’État à long terme (« long term liabilities » selon les termes de Raffelhüschen, 1999), engagements qui ne transparaissent pas dans le déficit budgétaire annuel, en particulier dans le domaine des retraites. Lorsque l’IPL est nul, la politique fiscale est « soutenable » dan s le sen s où la contrainte budg étaire intertemporelle du gouvernement est alors respectée. Si l’IPL est positif, l’État devra augmenter les taxes ou réduire les prestations dans le futur. Le choix de cet indicateur permet d’éviter une des principales critiques formulées à l’encontre de la CG. En effet, les générations futures ne sont plus supposées, dans ce cas, assurer l’égalité de la CBI, convention qui crée mécaniquement le déséquilibre.
24Ces deux indicateurs, issus de la CBI, reposent ainsi sur un point de vue différent. L’utilisation de la différence ( )n n- suppose l’équilibre alors que 1 0 l’emploi de l’IPL signifie qu’on ne résorbe pas un éventuel déséquilibre, sans présupposer des générations qui devront s’acquitter de la dette.
Un déséquilibre intergénérationnel qui varie de 1 à 4 selon les hypothèses retenues
25Cette étude ayant pour objectif principal l’explicitation des écarts entre les différentes études menées sur la France et en particulier avec celle d’Accardo (2002), notre point de départ est constitué des hypothèses retenues par ce dernier, modifiées par des scénarios successifs pour aboutir au compte central définitif. Présenter dès le départ les résultats des différentes études appliquant la méthodologie de la CG à la France serait peu instructif. Les hypothèses retenues par chacun des auteurs sont en effet très différentes.
261996 est choisie comme année de base ; le taux d’actualisation r est égal à 3 % et le taux de croissance de la productivité g à 1 % [5]; les projections démographiques sont celles du scénario central de l’Insee (Dinh, 1994) basées sur un Indice Conjoncturel de Fécondité de 1,8 enfants par femme, un solde migratoire de + 50 000 individus et une mortalité tendancielle (l’espérance de vie continue sa progression et passe de 74 ans en 1995 à 81 ans en 2040 pour les hommes, de 82 ans en 1995 à 89 ans en 2040 pour les femmes).
Des comptes générationnels sensibles à l’hypothèse d’individualisation des taxes et des transferts au niveau du ménage
27La première étape de la comptabilité générationnelle consiste à établir des profils moyens par sexe et âge de taxes (et impôts) et de transferts, afin de ventiler les agrégats de prestations et de cotisations dont on dispose dans les comptes des Administrations Publiq ues. Lorsque les transferts so nt individualisables (prestations de retraite ou indemnités de chômage par exemple), aucune difficulté particulière n’apparaît. Par contre, lorsqu’il s’agit de traiter des flux non individualisés (impôt sur le revenu par exemple), il est nécessaire d’émettre des hypothèses [6]. Dans un premier temps, les profils sont établis en répartissant entre les différents membres du ménage les taxes, impôts et transferts non individualisables au prorata des ressources individualisées. Cette hypothèse conduit à des profils moyens de taxes et d’impôts des femmes inférieurs à ceux des hommes (graphiques 6 à 9, annexe 1). Une autre méthode de ventilation possible, retenue par Accardo (1998), consiste à estimer les profils selon « des clés par sexe et âge obtenues sur les ménages constitués d’un seul adulte » [7]. Ce choix, qui suppose un paiement net identique des personnes isolées et des individus en couple, peut être discuté, en particulier pour les femmes. En effet, les taux d’activité des femmes seules par exemple sont plus élevés que ceux des femmes en couple, entraînant des paiements plus importants de cotisations sociales, d’impôts sur le revenu, etc…, qui réduisent l’écart entre les profils de paiement net par sexe.
28Dans un souci de comparaison avec l’étude d’Accardo (1998,2002), on s’aligne néanmoins en partie sur cette option, en modifiant les profils présentés en annexe (graphiques 6 à 9) de manière à ce que les paiements nets moyens par sexe soient plus proches. Les profils moyens de taxes foncières, de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) des femmes sont égalisés à ceux des hommes et les profils d’impôt sur le revenu, de cotisations sociales et d’impôts sur le patrimoine sont fixés à 80 % de ceux des hommes.
29Le tableau 1 présente les résultats. De manière traditionnelle, on a fait figurer les comptes de l’ensemble des générations actuellement en vie. Il faut cependant garder à l’esprit, pour éviter toute interprétation erronée, que ces comptes, exception faite de ceux de la génération née en 1996, sont partiels et donc non comparables avec ceux des générations futures. En effet, on ne considère que les transferts nets de taxes que ces générations vont recevoir dans le futur. On ne reconstitue pas l’ensemble de leur cycle de vie. Un compte négatif pour les générations âgées de 60 à 64 ans signifie uniquement que ces générations vont recevoir dans le futur davantage qu’elles ne vont cotiser ou payer des impôts, sans considérer les sommes dont elles se sont acquittées par le passé. C’est la raison pour laquelle la comptabilité générationnelle ne compare aux générations futures, dans sa version de base, que les comptes de la génération née en 1996 pour laquelle on reconstitue en prospective l’ensemble des transferts nets sur le cycle de vie.
30Il semble par ailleurs difficile à concevoir que deux générations nées à un an d’intervalle (1996 et 1997) connaissent des paiements nets aussi différents. Ce résultat tient à une convention de présentation de la comptabilité générationnelle. En effet, la génération née en 1996 est supposée soumise, comme toutes les générations actuellement en vie, au même régime fiscalo-social, alors que la génération qui naîtra en 1997 est supposée, comme toutes les générations futures, assurer la con trainte budgétaire intertemporelle du gouvernement. L’objectif de la comptabilité générationnelle est ainsi de montrer dans quelle mesure le maintien du système fiscal et social actuel pour toutes les générations à venir conduirait à la violation de la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État. Ceci nécessiterait alors des ajustements qui seraient, par hypothèse, supportés par les générations futures.
comptes générationnels par âge et par sexe [8]

comptes générationnels par âge et par sexe [8]
31Les comptes par génération basés sur les profils modifiés (colonnes 2 à 4, tableau 1) sont proches de ceux présentés dans l’étude d’Accardo (1998), comme le montre la figure 1. Le déséquilibre que l’on calcule est néanmoins plus élevé. On ne dispose pas d’éléments d’explication de cette différence, exception faite des projections démographiques sensiblement différentes. Les projections de population dans l’étude d’Accardo (1998) sont en effet reprises de Dinh (1994,1995), la structure et le niveau de la population étant supposés constants après 2050. Les projections utilisées dans cette étude s’inspirent aussi de celles de Dinh mais s’en démarquent sur certains aspects. La population de départ est celle de 1998 (et non 1990) à laquelle on applique les hypothèses de quotients de mortalité, de taux de fécondité et d’immigration à l’horizon 2049, puis on suppose ces paramètres constants après 2049. Enfin, ce n’est qu’après 2096, et non 2050, que la population est fixe en structure et en niveau.
paiements nets moyens selon l’âge et le sexe

paiements nets moyens selon l’âge et le sexe
32L’hypothèse de profils établis au prorata des ressources individualisées (colonnes 5 à 7, tableau 1) induisent des comptes par sexe assez différents, avec des paiements nets pour les femmes plus faibles. Le déséquilibre global n’est lui que légèrement modifié à la hausse sous l’effet de ces paiements plus faibles et des évolutions démographiques différenciées entre hommes et femmes (cf. tableau 1).
33Ces fortes variations par sexe liées au profil de ventilation retenu incitent à ne plus faire de distinction par la suite. Il serait de toute manière difficile d’induire des éléments sur la redistribution entre sexes étant donnée la non prise en compte de la distribution des revenus et des prestations intra ménages. De plus, cette comparaison entre hommes et femmes traduit à la fois des éléments démographiques (espérance de vie plus longue entraînant une hausse de la durée de versement des prestations) mais aussi économiques (moindres salaires, participation au marché du travail plus faible). Une distinction intragénérationnelle selon le revenu serait certainement plus instructive, d’autant qu’elle serait plus appropriée pour l’évaluation de politiques économiques.
Assimiler le paiement des intérêts de la dette à des dépenses de consommation courantes de l’État multiplie le déséquilibre intergénérationnel par deux
34Les résultats du tableau 1 ont été obtenus en retenant des hypothèses aussi proches que possible de celles retenues par Accardo (1998), dans un souci de comparaison. L’objectif était, avant de selancerdans une discussion des écarts des résultats, d’avoir un point de départ similaire.
35Peu d’études, mais en particulier celle d’Accardo (1998), intègrent les intérêts de la dette dans la consommation des administrations publiques, ce qui semble apparaître comme un double compte. Les intérêts sont en effet égaux à la dette en valeur actualisée et cette dernière est déjà prise en compte dans la richesse financière du gouvernement. Cela revient à faire un choix entre compter ce que je dois au départ ou compter ce qu’il me reste à payer en valeur actualisée. Laisser de côté les intérêts de la dette (285 milliards de francs) divise le déséquilibre par deux, les comptes des générations actuelles restant les mêmes (cf. tableau 2).
comptes générationnels par âge

comptes générationnels par âge
36Un coût important qui devait être supporté par les générations futures est en effet supprimé. Cette variante sur le traitement des intérêts de la dette conduit à un résultat identique dans l’étude de Doré et Levy (2000, p. 59). Le paiement des générations futures est deux fois moins élevé si on ne tient pas compte du service de la dette que si les intérêts sont intégrés dans les dépenses de consommation courante de l’État. Ce traitement différent des intérêts de la dette par Accardo (1998) et par le FMI (1998) explique une grande part de l’écart entre les résultats de leurs études.
Conserver un solde de dépenses non ventilées (Gt ) accentue le déséquilibre
37Les études basées sur la méthodologie de la comptabilité générationnelle se démarquent entre autres souvent par la ventilation ou non de certaines dépenses de l’État (en particulier les dépenses d’éducation, mais auss i les d épenses d’infrastructures de santé par exemple). Ceci n’est pas neutre sur le déséquilibre intergénérationnel et l’impact dépend de la nature de la dépense non ventilée. Une catégorie d’âge précise est-elle ciblée ou la répartition est-elle uniforme ?
38Considérons dans un premier temps une dépense de l’État à destination d’un groupe d’âge précis : les dépenses d’éducation. Elles ont été jusqu’à présent considérées comme des transferts en direction des 1-26 ans. Ne plus les ventiler, c’est-à-dire les conserver dans le solde Gt supposerait alors de les considérer :
- soit comme un investissement de l’État : Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1994) les laissent de côté en supposant un coût - bénéfice nul [9];
- soit co mme une dépense cou rante d u gouvernement [10];
- une autre possibilité consisterait à ventiler les dépenses d’éducation sur les adultes en faisant l’hypothèse qu’en l’absence de ces transferts, ils en supporteraient le coût. Stijns (1997) émet la possibilité qu’elles profitent « à l’ensemble de la société présente et future à travers leur effet sur la productivité générale de l’économie ». La ventilation se ferait alors de manière uniforme sur l’ensemble des individus.
comptes générationnels par âge

comptes générationnels par âge
39Cette question, similaire à celle de l’incidence fiscale (“tax incidence”), est amplement débattue par les auteurs de comptes par génération. Elle se pose pour un certain nombre d’autres taxes et transferts dont on ne connaît pas toujours le bénéficiaire ou la personne qui s’en acquitte, comme les prestations familiales par exemple. Par ailleurs, la question de la stabilité des profils d’incidence en projection se pose et constitue une des critiques adressées à la CG.
40Si on ne ventile plus les dépenses d’éducation, les paiements nets moyens de toutes les générations concernées par l’éducation (c’est-à-dire jusqu’à 29 ans) augmentent puisqu’elles reçoivent moins de transferts (cf. tableau 3). La hausse est d’autant plus importante que les individus sont jeunes, en raison de la prédominance de ces transferts à ces âges-là et de l’effet de l’actualisation.
41Le déséquilibre intergénérationnel est modifié à la hausse si on considère la différence et l’IPL, à la baisse si on considère le ratio. On constate d’ores et déjàcertaines insuffisances des indicateurs retenus.
42La ventilation de l’ensemble du solde Gt de manière unifo rme sur l’en semble des générations actuellement en vie (colonne 3, tableau 3) est conforme à l’attitude adoptée dans les études récentes visant à ne pas introduire de biais dans les résultats [11]. On est ici en accord avec Ter Rele (1997) qui explique que « what is relevant is the inter-generational redistribution of all benefits and burdens and not only those distributed by means of transfer payments », p. 18, et avec Raffelhüschen (1999) [12].
43La ventilation du solde Gt de manière uniforme diminue légèrement le déséqu ilibre intergénérationnel, en raison des évolutions démographiques [13] mais dans des proportions moindres que dans le cas de la ventilation des dépenses d’éducation [14] (cf. tableau 3). La ventilation de ce transfert agrégé profitant en effet à tout le monde de manière uniforme, le déséquilibre n’est pas affecté de manière significative.
44Cet exemple met par ailleurs en évidence la sensibilité du ratio commeindicateurde déséquilibre et sa non robustesse au choix des ventilations. Il est en effet difficilement calculable puisque le compte des nouveaux-nés est négatif (col. 3, tableau 3). On ne l’utilisera plus par la suite au profit de la différence ( )n n- et de l’IPL, d’autant plus que, 1 0 comme on l’a vu auparavant, l’utilisation de la différence ou du ratio pouvaient conduire à des conclusions différentes.
45En ventilant l’ensemble du solde Gt sur les générations présentes, on met en évidence un déséquilibre important. Alors que les nouveaux-nés actuels ont un paiement net moyen sur leur cycle de vie de-260 000 F (soit un transfert net), les générations futures devraient payer 172 000 F afin de satisfaire la contrainte budgétaire intertemporelle de l’État.
Prise en compte des dépenses d’investissement des administrations publiques
46Les études sur la CG se différencient aussi à propos des dépenses en capital de l’État. Elles sont laissées de côté dans l’étude d’Accardo (1998), qui explique que ne considérant que la richesse financière de l’État, il retient un déficit budgétaire courant hors dépenses d’investissement. Doré et Levy retiennent quant à eux un déficit budgétaire courant incluant les dépenses en capital, tout en n’intégrant pas les actifs physiques dans la richesse totale de l’État. Quelle solution adopter ?
47Le traitement des investissements en capital de l’État est souvent l’objet de critiques, car ils peuvent être considérés de trois manières :
- soit on suppose qu’ils ne « rapportent » pas aux administrations publiques et on les considère alors comme de la consommation courante, payée l’année de l’achat, en supposant alors qu’il est indifférent de considérer la valeur l’année d’achat ou le flux actualisé de services. On néglige ainsi sciemment le rendement social qui pourrait bénéficier à l’État (en tenir comp te nécessiterait cep end ant u n raisonnement dans le cadre d’un modèle d’équilibre général calculable). Les bénéfices fournis par ces investissements aux générations futures ne sont pas no n p lus p ris en compte, orientant ain si défavorablement leur position puisqu’elles doivent supporter le coût ;
- soit on suppose que ces dépenses en capital bénéficient aux générations actuelles et on les ventile comme des transferts ;
- soit on suppose que ces dépenses ont un rendement positif, que l’État peut s’approprier, et les flux de revenus futurs s’annulent alors avec le prix de l’achat, sous l’hypothèse supplémentaire que le taux de rendement des investissements pour l’État est égal au taux d’actualisation. On laisse alors de côté le compte de capital. C’est la position adoptée par Stijns (1997) qui explique que « les dépenses en capital ne doivent pas être prises en compte puisqu’elles représentent la rente imputée des actifs corporels de l’État », p. 22, et certainement aussi par Accardo (1998), bien que la raison avancée ne soit pas la même.
48Entre ces positions extrêmes peut être proposé un certain nombre de variantes, différant par le degré de dépenses jugées « productives » ou « improductives ». L’enjeu est important en raison du montant élevé des dépenses en capital.
49Assimiler les dépenses en capital à des dépenses de consommation courante multiplie le déséquilibre par deux, les comptes des générations actuelles restant les mêmes (cf. tableau 4).
comptes générationnels par âge

comptes générationnels par âge
50Les scénarios qui suivent seront réalisés en laissant de côté le compte de capital. Il faut cependant garder à l’esprit la critique importante d’Haveman (1994), « These conventions have another undesirable feature : they prevent the accounts from reflecting any changes in the long-vs. short-run character of the portfolio of public investment activities. For example, a shift in the composition of public exhaustive expenditures from short-lived activities (like traffic control) to long-lived capital investment (like education) would have no effect on the generational accounting tabulations », p. 101.
51D’autres variantes consisteraient à ventiler une partie de ces dépenses en capital sur les générations actuellement en vie, les considérant alors comme des transferts. Doré et Levy (1998,2000) retiennent cette hypothèse pour les dépenses d’éducation et les dépenses de santé.
Assimiler la richesse de l’État à la seule dette publique majore le déséquilibre intergénérationnel
52La richesseWt de l’État peut poser un problème de concept et de mesure. Afin de contourner le problème, on étudie la sensibilité du déséquilibre à des variations de son montant. On suppose donc désormais que la richesse du gouvernement est égale à la différenceentre la valeurde l’ensemble des actifs (financiers et non financiers) et la dette publique, soit 682 milliards de francs (Insee, 1997).
53Le déséquilibre diminue d’un peu plus de 25 % (cf. tableau 5), baisse plus importante que dans l’étude d’Accardo (1998) qui s’élevait à environ 10 %. Cette différence s’explique certainement par la manière de calculer les comptes des générations futures.
Ne pas supposer la constance des profils relatifs par âge en projection modifie le déséquilibre
54Une des hypothèses fortes de la comptabilité générationnelle concerne la constance des profils au cours du temps. Le paiement net de la génération née en (t + 1) est égal à celui de la génération née en t, ajusté de la croissance de la productivité. Un homme de 40 ans par exemple paiera toujours x % de cotisations sociales de plus qu’un homme de 60 ans, quelle que soit la date.
55Cette hypothèse de constance des profils par âge soulève deux problèmes liés. Le premier, récurrent, concerne la confusion entre âge et génération. En effet, on suppose que le profil par âge estimé en coupe va s’appliquer en longitudinal. Ceci n’est pas le cas en général [15]. La deuxième difficulté concerne le raisonnement, à structure de l’économie fixée. Comme l’explique Sturrock (1995), « fixed relative age profiles define the structure of the economy. For instance, they imply that, by age and sex, there is never any change in rates of participation in the labor force, relative earnings, the average work week, the ratios of assets to income, health needs and so forth ». Ainsi, dans la méthodologie de la CG, “au taux de progrès technique près, prestations et cotisations aujourd’hui, par tête et selon l’âge, sont figés artificiellement au cours du temps” (Masson, 2001).
comptes générationnels par âge

comptes générationnels par âge
56L’extrapolation des profils moyens par âge dans le futur, telle qu’elle est actuellement réalisée, n’est donc en rien un exercice de simulation du maintien de la législation courante. Les dépenses moyennes de retraite par âge, par exemple, ne sont pas projetées en tenant compte des chroniques passées des revenus et des taux d’activité ainsi que des barêmes. Un tel exercice est réalisé par Lenseigne et Ricordeau (1997) et Blanchet et Monfort (2002). Cependant, en raison de la quantité importante de données requises pour le mener à bien, seul un nombre réduit de transferts est concerné : dépenses de santé pour Lenseigne et Ricordeau (1997), pensions de retraite, allocations de chômage, dépenses d’assurance maladie et allocation familiales pour Blanchet et Montfort (2002). Il faudrait réaliser des simulations pour l’ensemble des flux (taxes, impôts, transferts) pris en compte par la CG [16].
profils moyens de dépenses de santé selon le sexe et l’âge en 1980 et 1992 (en milliers de francs)

profils moyens de dépenses de santé selon le sexe et l’âge en 1980 et 1992 (en milliers de francs)
57Sans simuler un maintien de la législation courante en projection, on peut néanmoins illustrer l’impact sur la mesure du déséquilibre d’une déformation des profils moyens par âge dans le temps, en particulier du profil des dépenses de santé. Les travaux d’Accardo (1998) et de Doré et Levy (1998) se basent sur l’enquête Santé 1980 (Mizrahi, Mizrahi, 1986 et Caussat, Glaude, 1993). Comparons le déséquilibre intergénérationnel lorsqu’on utilise des données plus récentes en matière de dépenses de santé, à savoir l’Enquête Santé 1992 [17] (Mizrahi, Mizrahi, 1995) (cf. figure 2).
58Le déséquilibre intergénérationnel est accentué de manière significative, d’environ 25 % (cf. tableau 6). En effet, l’écart relatif entre les dépenses des jeunes et des plus âgés, plus élevé d’après l’ES 92 que dans l’ES 80, (cf. figure 2), combiné aux évolutions démographiques, renchérit le coût à venir des dépenses de santé. Les comptes de l’ensemble des générations augmentent, tout particulièrement pour celles aux âges médians, susceptibles de bénéficier plus longtemps de dépenses de santé plus élevées.
comptes générationnels par âge

comptes générationnels par âge
59Par ailleurs, les agrégats de dépenses de santé dans nos projections, comme l’ensemble des transferts et taxes, évoluent au rythme de la productivité et des évolutions démographiques et ne sont pas contraints par des projections macroéconomiques exogènes qui les maintiendraient sur un sentier de croissance défini ex ante. Doré et Levy (2000) définissent ce sentier ex ante : « Dans le moyen terme, les dépenses de santé totales en proportion du PIB subiront une réduction modérée, puis, au-delà de 2002, les dépenses de santé par tête évoluero nt proportionnellement à la productivité ». Ce choix est conforme à la volonté de construire des comptes générationnels plus “réalistes”. Dans notre étude, la formulation matricielle de la CG utilisée, du même type que celle d’Accardo (1998), se révèle cependant trop rigide pour intégrer aisément des hypothèses de ce type.
60Enfin, l’hypothèse de constance des profils par âge en projection est aussi contestable pour deux autres raisons :
- les profils peuvent être sujets à un certain nombre d’erreurs de mesure, question abordée par Accardo
- 1998) qui conclut finalement que « l’effet des erreurs de mesure (sur le déséquilibre) est très modéré » ;
- les profils estimés en coupe reflètent la situation économique une année donnée (croissance ou récession). Les agrégats observés sont ainsi affectés par des effets de cycle (préretraites, indemnités de chômage, cotisations sociales, …).
61Des applications de la comptabilité générationnelle à deux dates différentes ont par exemple été réalisées pour les États-Unis et l’Allemagne, mettant en avant des différences importantes dans les valeurs des comptes par génération et du déséquilibre intergénérationnel :
- en ce qui concerne les États-Unis, l’actualisation des comptes par Gokhale, Page et Sturrock (1999) conduit à un déséquilibre intergénérationnel deux fois moindre que celui calculé par Auerbach et alii (1995), essentiellement en raison de projections de dépenses de santé désormais plus favorables ;
- ’exemple de l’Allemagne est cité par Doré et Levy (2000). “L’incidence du choix de l’année de base est également bien illustré par deux récentes publications de la Bundesbank. Une étude antérieure utilisant les données de 1994 indique un déséquilibre intergénérationnel de 40 % (Boll, 1996) alors qu’une étude plus récente indique un déséquilibre de plus de 100 % (Bundesbank, 1997)”. Cette comparaison semble néanmoins quelque peu rapide. En effet la Bundesbank, dans son étude de 1997, indique que si en principe les calculs sont basés sur ceux de Boll (1994), “extensive methodology changes were necessary. In particular, western German and eastern German data are no longer treated separately with the results that a direct comparison of the figures is not possible”. Des précautions semblent donc nécessaires dans l’interprétation des différences de résultats.
62La confrontation de résultats à deux dates différentes demande de nombreuses précautions, la plus élémentaire mais aussi la plus importante étant de s’appuyer strictement sur la même méthodologie et sur les mêmes hypothèses.
63Le dernier scenario envisagé, basé sur les profils issus de l’enquête santé de 1992, correspond désormais à notre compte central, par rapport auquel nous mettrons en place deux variantes dans le domaine des retraites. Dans ce scenario central, la dette publique de long terme (l’IPL) atteint 230 % du PIB.
La mesure du déséquilibre est très sensible au choix du taux de croissance de la productivité et du taux d’actualisation
64Aucun consensus n’existe sur les valeurs des taux d’actualisation et de croissance de la productivité à retenir. Le choix de ces deux paramètres est toujours sujet à discussion et le débat est en général tranché par des analyses de sensibilité qui retiennent des valeurs des taux entre deux bornes. En ce qui concerne le taux d’actualisation, la borne inférieure correspond au rendement des obligations d’État, la borne supérieure au rendement d’un actif risqué (pour tenir compte des incertitudes sur les flux futurs de recettes et de dépenses).
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65Pour un taux de croissance de la productivité donné, un taux d’actualisation plus élevé a tendance à diminuer le déséquilibre puisqu’il donne un poids plus faible aux paiements futurs (la diminution ne sera pas monotone, les flux des futures générations et de celles des nouveaux-nés diminueront toutes les deux avec un taux d’actualisation plus élevé) (cf. tableau 7).
66Pour un taux d’actualisation donné, une hausse de la prod uctiv ité accroît le déséqu ilibre intergénérationnel. En effet, l’accroissement des transferts conjugué à une consommation du gouvernement plus importante (qui évolue au rythme de croissance de l’économie) impliquent un fardeau plus élevé pour les générations futures (cf. tableau 7) [18].
pension annuelle moyenne et taux de retraités selon l’âge et le sexe en 1997

pension annuelle moyenne et taux de retraités selon l’âge et le sexe en 1997
taux de retraités dans la population

taux de retraités dans la population
Comment redresser le déséquilibre intergénérationnel ? ou deux variantes dans le domaine des retraites
Une indexation des prestations de retraite sur les prix diminuerait le déséquilibre [19]
67Une des hypothèses fortes de la CG concerne
l’indexation en projection du niveau des paiements
nets par âge sur la productivité. Or ce n’est pas le cas
pour toutes les taxes ou transferts, en particulier pas
pour les prestations de retraite. On suppose dans
cette variante que ces dernières sont indexées sur les
prix après la liquidation [20]. Dans notre modèle, cette
hypothèse se traduit par une constance des pensions
après la liquidation. L’évolution de la pension de
retraite (PR) ne sera plus

68La difficulté provient ici du calcul du profil moyen de retraite par âge sur l’ensemble de la population (cf. figure 4, annexe 1) et non sur les seuls bénéficiaires. Il intègre ainsi à la fois un effet « pension de retraite moyenne selon l’âge » (cf. figure 3.1.) et un effet « taux de retraités par âge » (cf. figure 3.2).
69Or, changer le mode d’indexation des pensions de retraite suppose de ne jouer en projection que sur le montant par âge. On souhaite en effet que la pension évolue après la liquidation comme les prix et non comme la productivité, hypothèse retenue dans la version initiale de la CG.
70Deux solutions se présentent alors : soit distinguer dans ce profil la part en provenance de la pension moyenne et celle en provenance du taux de retraités, soit partir du principe que la partie ascendante de la courbe est entièrement due à l’augmentation de la part des retraités dans la population totale avec l’âge, et faire l’hypothèse que l’indexation ne s’exerce qu’à partir du point haut de la courbe. C’est cette dernière solution, moins précise mais beaucoup plus simple à mettre en œuvre que nous retenons.
71L’âge à partir duquel les prestations sont indexées sur les prix est ainsi fixé à 66 ans (la majorité des individus est supposée être retraitée à cet âge-là).
72Une indexation des pensions de retraite liquidées sur les prix plutôt que sur la productivité diminuerait le déséquilibre d’environ 30 %, malgré l’hypothèse d’indexation tardive (les pensions liquidées ne sont en effet supposées suivre les prix qu’à partir de 66 ans) (cf. tableau 8). Ce résultat est cependant à la fois sous-estimé et surestimé. Il est sous-estimé car le changement d’indexation ne joue que sur les pensions liquidées. Or, il a aussi un effet sur le montant calculé de la pension de retraite puisqu’il est aussi utilisé pour la revalorisation des salaires portés au compte. Cette baisse du déséquilibre de 30 % est surestimée car on ne distingue pas les différents types de retraités. Or, l’indexation sur les prix ne s’applique qu’aux retraités du secteur privé.
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73Pour comparaison, Doré et Levy (1998) évaluent les effets de l’application de la réforme de 1993 à une division du déséquilibre par deux [21].
Un recul de l’âge légal de la retraite de trois ans pourrait supprimer le déséquilibre intergénérationnel
74On suppose un recul de l’âge de la retraite de trois ans, qui induit une translation des profils moyens de prestation de retraite, d’indemnités de chômage, de revenus sociaux, de cotisations sociales, d’impôt sur le revenu, de même ampleur.
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75Le déséquilibre intergénérationnel est fortement diminué et on retrouve dans ce scenario l’idée forte selon laquelle le recul de l’âge légal de la retraite est une des solutions les plus efficaces pour limiter l’impact négatif des évolutions démographiques sur le financement du système de retraite (cf. tableau 9). Il a en effet une double action, sur les recettes et sur les dépenses du régime des retraites, qui constitue avec la santé les deux postes les plus importants des dépenses sociales, et les plus sensibles au vieillissement.
76Un tel scénario n’a bien évidemment qu’une valeur indicative. En effet, un recul effectif de l’âge légal de la retraite ne conduirait pas à une évolution parallèle des autres profils, en particulier pas à une augmentation des taux d’emploi de même ampleur. Il pourrait par contre se traduire par une hausse des préretraites ou du chômage.
Conclusion
77Les études établissant des comptes générationnels pour la France (Accardo, 1998, Doré et Levy, 1998, Crettez, Feist et Raffelhüschen, 1999) conduisent à des résultats très différents. Cet article a consisté, en appliquant la méthodologie de la comptabilité générationnelle, à expliquer le pourquoi de ces différences. On met ainsi en évidence, parallèlement, la forte sensibilité des indicateurs aux hypothèses retenues. Le déséquilibre calculé dans cette étude est moindre que celui évalué par Accardo (1998,2002), essentiellement en raison de la non prise en compte des intérêts de la dette comme dépense de consommation du gouvernement et malgré des profils de dépense de santé moins favorables. Il est proche de celui évalué par Doré et Levy, car si ces derniers tiennent compte de l’indexation des pensions de retraite sur les prix, d’une hausse du taux de participation des femmes et d’une contrainte de croissance des dépenses de santé jusqu’en 2002, trois éléments qui minorent le déséquilibre, ce dernier est accentué par l’inclusion des dépenses en capital de l’État. Enfin, le déséquilibre le plus faible est affiché par Crettez, Feist et Raffelhüschen (1999), essentiellement en raison de l’application de la réforme Balladur de 1993, des valeurs choisies du taux d’actualisation (5 %) et du taux de croissance de la productivité (1,5 %), ainsi qu’à des hypothèses démographiques engendrant une croissance de l’espérance de vie moindre [22]. Ainsi, on peut aisément conclure, à la suite d’Haveman (1994), qu’il peut exister autant de comptes par génération que d’auteurs de ces comptes [23].
78Par contre, si ce travail de comparaison met en évidence l’extrême sensibilité des résultats à un certain nombre d’hypothèses, il ne remet pas en cause le résultat fondamental. Si toutes les générations actuellement en vie étaient soumises au même régime fiscal toute leur vie, les générations futures auraient alors à payer davantage que les nouveaux-nés pour satisfaire la contrainte budgétaire intertemporelle.
79Les s uggestions no mb reuses et appuy ées d’Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991) afin de remplacer la mesure du déficit budgétaire par les comptes générationnels n’ont pas été retenues et ont plutôt suscité une certaine méfiance et un certain discrédit de la méthode. Pourtant, elle constitue un outil intéressant, permettant de prendre en compte les engagements financiers de long terme de l’État, en particulier dans le domaine des retraites, dans un cadre global intégrant l’ensemble des transferts publics. Elle souligne l’importance d’évaluer dans une optique de long terme les mesures prises par le gouvernement, et ce, quel que soit l’environnement économique à venir. Par ailleurs, elle est susceptible de fournir des données de cadrage sur la redistribution intergénérationnelle engendrée par les politiques fiscales et sociales en France, avec un éclairage par âge. Elle doit néanmoins être utilisée avec circonspection, c’est-à-dire demeurer dans les limites de ce qu’elle est censée mettre en évidence (Masson, 2001).
80Les nouveaux travaux basés sur cette méthode tentent de la rendre plus flexible et d’adopter des hypothèses moins simplificatrices. Les distributions par âge des taxes et transferts évoluent en projection; les comptes, une fois calculés, sont transformés en déficits annuels, mesure plus proche des outils d’analyse traditionnels (solution préconisée par Accardo, 1998) ; aux comptes uniquement prospectifs sont ajoutés les comptes complets des générations actuelles ; la contrainte budgétaire est assurée aussi bien par les générations présentes que futures.
Annexe 1 : profils annuels moyens des différents transferts, taxes et impôts selon l’âge et le sexe (en milliers de francs de 1996)
pension de retraite Figure 5 : prestations de chômage

pension de retraite Figure 5 : prestations de chômage
cotisations sociales Figure 7 : taxe d’habitation

cotisations sociales Figure 7 : taxe d’habitation
profils moyens d’impôts sur le revenu et sur le patrimoine

profils moyens d’impôts sur le revenu et sur le patrimoine
profils moyens de TVA et de TIPP

profils moyens de TVA et de TIPP
profils moyens de revenus sociaux

profils moyens de revenus sociaux
profils moyens de dépenses de santé

profils moyens de dépenses de santé
Annexe 2 : impact de la ventilation d’une dépense de l’État de manière uniforme sur le déséquilibre intergénérationnel
81Il est difficile d’évaluer a priori l’impact sur le déséquilibre de la ventilation d’un agrégat de manière uniforme en raison de la combinaison des évolutions démographiques, de la prise en compte des paiements nets sur l’ensemble du cycle de vie et du jeu de l’actualisation. Cette annexe a pour objectif d’éclairer ce point en utilisant une formulation matricielle, permettant de mieux comprendre les éléments entrant en jeu.
82Dans les calculs qui suivent, 1996, la date initiale, est notée

83Supposons par exemple la ventilation des dépenses de défense (DEP) en admettant un bénéfice uniforme pour tous les individus quels que soient leur âge et leur sexe. Le transfert m oyen par in div id u est a lors

84Revenons aux équations de base de la CG :


85Le compte des nouveaux-nés avant ( ), N0 01 et après ( ), N0 02
ventilation du transfert est égal à :


86En supposant que, comme pour les autres types de taxes et
transferts, l’évolution du transfert se fait au rythme de la
productivité : dep g dep s s s, , ( ) 0 0 1= +-


87Ventiler un transfert diminue le compte de l’ensemble des générations actuellement en vie.
88En effet,




89Par ailleurs, l’agrégat ventilé n’est plus inclus dans le solde
des dépenses publiques ( )Gs, impliquant une baisse de la
somme actualisée de ces dépenses :







Notes
- (*)DREES, Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. CCarole. bonnet@ sante. gouv. fr
- (1)Si les comptes par génération sont construits en 2001, cela suppose de soumettre au régime fiscal actuel les générations nées en 2001 sur l’ensemble de leur cycle de vie, les générations nées en 2002 devant assurer l’équilibre de la CBI.
- (2)« If we value the capital at the present value of its imputed rent, these two adjustments to the right-hand side of the equation in the text would cancel », p. 78.
- (3)Considérer les dépenses en capital comme des dépenses de consommation courante revient à faire l’hypothèse que l’état améliore son stock chaque année au rythme de la productivité et de la croissance de la population, donc pour satisfaire les besoins nouveaux.
- (4)Si on voulait prendre comme référence de comparaison la génération âgée de 20 ans aujourd’hui, il faudrait en particulier connaître les transferts qu’elle a reçus et les taxes qu’elle a payées au cours de ses dix-neuf premières années d’existence, c’est-à-dire à partir de 1977, pour reconstituer l’intégralité de son cycle de vie.
- (5)Cette hypothèse peut être jugée particulièrement basse. Elle est retenue dans ce travail par souci de comparaison avec les études existantes par ailleurs. La sensibilité des résultats à ce paramètre est de toute manière analysée par la suite.
- (6)La mise en œuvre concrète de la méthodologie, en particulier les données utilisées et l’évaluation des profils, est détaillée dans Bonnet (2001).
- (7)Les différences entre les profils moyens par sexe et âge peuvent aussi s’expliquer, en amont des choix de ventilation des agrégats au sein du ménage, par la différence entre les sources utilisées. L’enquête Budget des Familles 1995 sert de base à nos profils et à ceux d’Accardo. Doré et Levy (1998, 2000), quant à eux, se basent sur l’enquête Revenus Fiscaux 1990, l’enquête Actifs Financiers 1991-1992 et l’enquête Budget des Familles 1989. Il ne semble pas que cette multiplicité de sources soit utile (Bonnet, 2001).
- (8)Le PIB s’élève à 7 605 milliards de francs en 1996.
- (9)Cela suppose néanmoins d’avoir une idée du rendement de l’éducation et de l’égaliser au coût.
- (10)Cette question de la ventilation des dépenses de l’État est importante car elle pourrait remettre en question un des avantages de la CG mis en avant par ses concepteurs, à savoir la non sensibilité de la CG aux dénominations des dépenses du gouvernement.
- (11)On peut cependant objecter, à la suite d’Accardo (1998), que « la ventilation des éléments de Gt uniformément entre les individus suppose que les individus retirent un égal bénéfice de ces dépenses et qu’il est possible qu’on introduise là un biais ».
- (12)«(…) the present study (…) uses a broad concept of government transfers that assigns net government purchases not transferred to individuals in-cash as an in-kind transfer reducing agents’ lifetime fiscal burden. The generational accounts hence do not only measure who pays for general government spending, like expenditure for military, but also who possibly benefits from it. ».
- (13)Dans le cadre d’une population stationnaire, ce déséquilibre resterait inchangé avant et après ventilation d’un agrégat de manière uniforme (cf. annexe).
- (14)Dans l’étude d’Accardo, la ventilation du solde Gt a un impact plus important. Cet effet résulte certainement des différences dans les projections démographiques.
- (15)Bodier (1999) met ainsi en évidence ces effets d’âge et de génération sur la structure de la consommation et son évolution. Elle en conclut que « jusqu’à présent, les études sur la consommation suggèrent que celle-ci diminue avec l’âge. La déformation de la structure de la population au profit des catégories de niveau élevé, mais a priori sous-consommatrices, fait donc peser de fortes incertitudes sur le niveau de la consommation des ménages au cours des décennies à venir. Toutefois, ces études comparent des générations différentes à une même date », p. 163.
- (16)Une approche intermédiaire entre la version de base de la CG et la simulation d’un maintien de la législation courante est adoptée par Doré et Levy (1998), qui autorisent une variation de certains profils en projection. « The resulting age and sex profiles are assumed constant through time, except for adjustments reflecting projected changes in the participation rate of women » (Doré et Levy, 1998). Malheureusement, si les auteurs calculent les comptes générationnels pour les générations actuellement en vie, avant et après ajustement, ils n’indiquent pas dans leur étude la valeur du compte des générations futures et donc pas le niveau du déséquilibre, qui permettrait une comparaison.
- (17)Les enquêtes Santé ont eu lieu en 1960,1970,1980 et 1991-1992. La prochaine devrait être mise en place en 2001-2002.
- (18)Accardo (1998) met en évidence que l’effet d’une hausse de la productivité peut être ambigu, diminuant le fardeau relatif des futures générations pour un taux d’actualisation suffisamment élevé et l’accroissant pour des taux faibles. Cependant, pour mettre en évidence cet effet, il faut un écart très important entre le taux d’actualisation et le taux de croissance (cf. tableau 7, r = 10 % ), supposant des valeurs que l’on ne retiendra pas en général.
- (19)Il est important de noter que la diminution du déséquilibre serait obtenue au prix d’un décrochage important du niveau de vie relatif entre actifs et retraités.
- (20)Cette indexation sur les prix des pensions liquidées est en vigueur au régime général depuis 1987 et réaffirmée par la réforme Balladur de 1993.
- (21)La réforme de 1993, au-delà du mode de revalorisation, a aussi augmenté la durée de cotisation requise pour l’obtention du taux plein, ainsi que le nombre d’années pris en compte pour le calcul du salaire de référence. Ces deux modalités conduisent elles aussi très probablement à une baisse de la pension.
- (22)L’étude de Crettez et alii s’appuie sur les projections démographiques d’Eurostat conduisant à une évolution du ratio des 65 ans et plus rapporté aux 18-64 ans de 24 % en 1995, 33 % en 2020 et 44 % en 2040. Dans les projections que l’on utilise, ce ratio s’établit à 35 % en 2020 et à 51 % en 2040.
- (23)« Equally bright, informed, and well-intentioned analyst could adopt equally justifiable assumptions and conventions and produce equally defensible accounts with quite different numbers and implications », p. 108, Haveman (1994).
- (1)Les matrices sont construites avec les âges en ligne et les années en colonnes.