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À Naples, le culte populaire et pluriséculaire du Purgatoire, tel qu’il s’est transformé dans la seconde moitié du xixe siècle en un culte des crânes d’abord entreposés dans le grand ossuaire devenu le cimetière des Fontanelle, présente un aspect tout à fait singulier. En plus des apparentes prières, des soins de tous ordres mais également des offrandes signalées comme des ex-voto, tout cela à travers une manifeste transposition du culte des saints, certaines dévotes adoptent un crâne qui intègre alors la famille de son adoptante. Ce rituel est si étonnant que l’on ne peut qu’être tenté de voir dans ce culte « l’exception dans l’exception ». Mais alors, quel sens donner à cet acte d’adoption ? Dans quelle mesure se tissent à cette occasion des liens inédits entre dons et récits, et lesquels ?
À la suite d’une organisation de l’espace de l’ossuaire du cimetière napolitain, d’abord conduite par un prêtre et théologien, le Père Gaetano Barbati, ces crânes de dizaines de milliers de morts – qui, depuis deux siècles, en raison des réformes successives d’urbanisation, ne pouvaient trouver de place dans les lieux sacrés du centre historique – ont été isolés des autres ossements et exposés ensemble, matérialisant les âmes souffrantes, abandonnées et mendiantes (anime pezzentelle) du Purgatoire pour lesquelles les dévotes étaient alors invitées à prier. Toutefois, ces crânes, à la différence des reliques des saints, sont des restes d’individus totalement anonymes. De sorte que cette matérialisation et la systématisation de cette dévotion déjà ancienne ont ainsi contraint les adeptes à opérer des distinctions dans cette foule de crânes indifférenciés…

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Parmi les rites associés au culte napolitain des âmes du Purgatoire, tel qu’il s’est transformé au xixe siècle, l’adoption des crânes est sans doute le plus célèbre et le plus singulier à la fois. Cette pratique qui fait sortir ces derniers de l’indifférenciation – et parfois même de l’anonymat – repose essentiellement sur l’expérience onirique de l’apparition surnaturelle des morts. En mettant l’accent sur l’élaboration narrative du rêve plutôt que sur son contenu latent, cet article se propose d’interroger la dimension socio-anthropologie de ce besoin de raconter des histoires et d’en faire don. Il apparaîtra alors que l’adoption consiste en un don de récit s’inscrivant dans une vertueuse circularité de dons où se donne à voir de façon saisissante ce que Mauss appelle le « fait social total ».

Florian Villain
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/03/2022
https://doi.org/10.3917/rdm1.058.0238
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