1 L’ensemble des textes rassemblés par ce numéro de La Revue du MAUSS sur l’économie solidaire montre l’actualité internationale de ce thème. L’utopie du marché autorégulateur, qui avait été progressivement contrecarrée, fait retour avec le néolibéralisme. Devant la difficulté que rencontre l’État social national pour répondre à ce défi, compte tenu de la tertiarisation et de l’internationalisation de l’économie, la perspective de l’économie solidaire, longtemps oubliée, se trouve réactualisée. Bien que fragiles, des expériences diverses affirment leur résistance à la marchandisation du monde et renouent avec un projet de démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens. Certes le refus de la mondialisation néolibérale a été popularisé par des regroupements militants ; mais de manière moins visible sont aussi apparues des initiatives cherchant à retrouver un agir économique fondé sur la solidarité. Petit à petit, elles s’efforcent de « construire au quotidien une autre mondialisation », selon les termes employés dans la synthèse de la conférence sur l’économie solidaire au Forum social mondial de Porto Alegre en 2002.
2 La spécificité de l’économie solidaire ne réside donc pas dans « une autocohérence économique », pour reprendre les termes d’AlainCaillé ( cf. son article dans le présent numéro), mais dans le double registre socio-économique et socio-politique sur lequel se déploient ces institutions intermédiaires que structurent les expériences d’économie solidaire. Sur le registre socio-économique, et c’est là leur principale démarcation d’avec l’économie sociale, elles visent à hybrider les principes économiques en maintenant dans leur consolidation une priorité à la réciprocité qui explique leur émergence. Sur le registre socio-politique, et c’est là leur principale différence avec l’économie informelle, elles se caractérisent par leur volonté de sortir des dépendances et par leur ancrage dans l’espace public.
3 La dynamique associant l’expression politique avec l’importance de la revendication des droits dont parlent ici même Bruno Lautier ou Gustave Massiah et les pratiques économiques peut être présentée en situant plusieurs exemples développés dans les articles qui suivent.
LES FINANCES SOLIDAIRES
4 Les finances solidaires regroupent un ensemble d’expériences, sous des appellations variées (micro-crédit, épargne solidaire, micro-finance, finance de proximité), qui participent à la construction d’un autre rapport à l’argent.
5 Apparues au début des années quatre-vingt en France, ces expériences se développent surtout à l’initiative du milieu associatif et sous la forme de réseaux divers. Leur but est de permettre à des personnes exclues du système bancaire de créer leur propre emploi. La finance solidaire vient se positionner ainsi face au problème de la sélectivité dans l’accès au crédit et à la limitation de son offre, étroitement liée à la recherche de la rentabilité bancaire. Au-delà de la démocratisation de l’accès au crédit, c’est surtout toute une préoccupation autour de l’utilité sociale de l’investissement financier qui est en jeu dans ces expériences.
6 C’est alors une finalité d’utilisation éthique de l’argent dans des projets qui articulent par exemple, lutte contre l’exclusion, préservation de l’environnement, action culturelle, développement local, etc.
7 Les exemples d’initiatives de finance solidaire présentent une grande diversité. Parmi eux, le cas des CIGALE (Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne) est à souligner. Ces associations mobilisent une épargne de proximité auprès de leurs membres associés qui est investie dans des projets locaux visant à renforcer le tissu économique local et les liens sociaux. Il s’agit d’aide à la création et au développement des petites entreprises de la région. La priorité de l’investissement est accordée en général à l’aspect local et au caractère d’utilité sociale de l’entreprise, mais chaque club possède son autonomie de décision. Les CIGALE fonctionnent donc comme des petites sociétés de capital-risque de proximité. Outre ce genre d’initiative, ce champ de la finance solidaire comprend d’autres types de pratiques, comme les fonds d’application éthique ou solidaire, offerts même par des banques classiques. Dans ce cas, l’épargnant renonce à une partie de la rémunération de son épargne au nom de l’utilité sociale de l’investissement.
8 Si dans la plupart des cas il s’agit d’expériences de petite taille, ces dernières années ont vu le surgissement de grandes institutions de crédit solidaire en France : c’est particulièrement le cas de la NEF (Nouvelle Économie fraternelle), constituée en tant que banque depuis 1999 – elle est née en 1979 en tant qu’association et est devenue société financière en 1987 –, et de la Caisse solidaire du Nord-Pas-de-Calais depuis 1996, qui est née avec le soutien du conseil régional. Cette dernière est considérée comme la première initiative d’une société financière à vocation entièrement solidaire dans ce pays. Ces deux expériences sont affiliées à la Caisse centrale du Crédit coopératif.
9 On trouve au Brésil un nombre croissant d’initiatives de finance solidaire sous l’appellation générique de « banques populaires ». Il s’agit le plus souvent de coopératives de crédit qui généralisent la pratique du micro-crédit en direction de petites initiatives d’organisations populaires. Ces organisations de finance solidaire s’organisent en général avec des appuis institutionnels – soit de la part des pouvoirs publics locaux, soit provenant d’organisations de la société civile comme les ONG. Outre ce type d’initiatives, ce champ en connaît d’autres, assez novatrices, telle celle de l’association Bansol qui a été créée par des étudiants et un groupe de professeurs de la faculté de gestion et d’administration de l’université fédérale de Salvador de Bahia. En plus de l’appui sous la forme de crédit, Bansol aide au démarrage et au développement de petites entreprises solidaires à travers la mise en rapport des étudiants et des acteurs des initiatives. Conçue comme un processus éducatif et basée sur le principe de la réciprocité, l’intervention vise à la construction démocratique d’une méthodologie de gestion sociale et solidaire, c’est-à-dire appropriée aux caractéristiques de ces organisations.
10 Malgré les acquis de tels réseaux, le financement solidaire n’a rien d’une panacée. Il peut être réintégré par les institutions dominantes comme un simple outil, évacuant toute critique de la soumission aux logiques financières à la source des exclusions. Quelques tentatives se prêtent d’ailleurs à un tel dévoiement parce qu’elles concentrent leurs aides sur les entrepreneurs individuels sans analyser les rapports de force économiques, moyennant quoi elles peuvent négliger l’accompagnement indispensable au développement de leurs activités ou accélérer les tendances à l’externalisation, transformant des salariés en sous-traitants. Cette évolution instrumentale est accentuée par le fait que le microcrédit est en vogue auprès des grandes institutions financières internationales.
11 Lors des sommets du micro-crédit de Washington et de New York en 1997 et 1998, un objectif de 100 millions d’emprunteurs pour 2005 a été annoncé. Portés par cette vague, un certain nombre d’acteurs en arrivent à reprendre le discours ultralibéral et prônent la multiplication des micro-entreprises indépendantes comme alternative positive aux règles protectrices du salariat, dans un éloge à une sorte de « capitalisme aux pieds nus » [De Soto, 1987].
12 Il existe donc un risque d’instrumentalisation dans une vision libérale que PhilippeAmouroux identifie clairement dans sa contribution. Les expériences qui parviennent à s’en préserver le font en raison de deux caractéristiques majeures. D’une part, la sélection des projets est fondée sur des critères d’utilité sociale; la priorité est accordée à ceux qui émanent d’entrepreneurs collectifs et affichent dans leur démarche un objectif social ou écologique. D’autre part, l’accent est mis sur l’importance de l’accompagnement du projet après son démarrage. Ce suivi, considéré comme fondamental parce que gage de la pérennité du projet, s’accompagne souvent d’une réduction volontaire de la rémunération des épargnants.
13 Servet [1999, p. 48] souligne la dimension sociale ouverte dans cette mouvance autour de la mobilisation locale et solidaire de l’épargne : « L’épargne de proximité simultanément s’appuie sur le lien social et crée du lien social ou le développe entre ceux qui deviennent des épargnants associés. Ce double mouvement est une condition nécessaire de la dynamique du système. Cela est très visible dans le cas des personnes qui se connaissent et vont développer cette interconnaissance, dans le cas des groupes d’épargnants qui réfléchissent ensemble sur la manière de placer l’épargne dont ils disposent ou de prêter et à qui. Cette interrogation s’accompagne ou conduit à une réflexion éthique collective sur l’emploi, sur l’environnement, sur les activités socialement utiles, qui ne se limite pas à la rentabilité financière de leurs placements. Du lien social se crée avec les épargnants et avec les entrepreneurs eux-mêmes qui empruntent ou ouvrent leur capital. L’épargne solidaire de proximité rapproche ainsi l’épargnant de l’entreprise, et en particulier de la petite entreprise. »
14 On le voit, à l’image de la dynamique plus générale d’une économie solidaire, les expériences de finance solidaire se positionnent dans une imbrication entre trois économies. La diversité de ce champ et sa complexité font que certains se rapprochent plus du secteur bancaire, entretenant avec lui des rapports partenariaux privilégiés pour puiser l’essentiel de leurs ressources; d’autres s’ap-parentent plutôt à une initiative parapublique, tant est fort le rapport au pôle non marchand; d’autres encore sont dans une position plus équilibrée entre les trois pôles (toujours très difficile à tenir), en puisant largement leurs ressources dans une dynamique réciprocitaire.
15 Ainsi, l’efficacité et l’avenir de ces expériences semblent se jouer dans une relation d’interdépendance fréquemment conflictuelle étant donné le difficile exercice d’un partenariat qui met en jeu différentes logiques d’action et mobilise diverses formes de légitimité. Dans cette dynamique, la place du pôle non marchand reste encore assez importante. En effet, « la plupart des expériences de crédit solidaire dépendent étroitement des autorités publiques à travers les subventions dont elles bénéficient, le plus souvent de la part des collectivités locales. L’évolution du crédit solidaire est étroitement liée à la mise en place progressive, au cours de la dernière décennie, d’outils de financement local à utilité sociale (notamment les fonds de garantie locaux), issus de la décentralisation et de la territorialisation des financements publics » [Guérin, Vallat, 1999, p. 86]. Dans cette perspective, ces expériences se trouvent, à l’image du monde associatif français, soumises à de fortes injonctions de la part des pouvoirs publics. Pour cette raison, leur image institutionnelle semble encore associée plutôt à celle d’un « laboratoire d’innovation [plutôt] que de ferment crédible de propositions globales et politiques » [ ibid., p. 87]. C’est pourquoi elles sont demandeuses de relations plus contractuelles avec les pouvoirs publics.
16 Pour la plupart des expériences de crédit solidaire, l’enjeu se pose en termes d’autonomie et de préservation du projet initial face aux injonctions du marché et des pouvoirs publics. Elles sont conscientes de certaines déviations dans les entreprises des secteurs mutualiste et coopératif, devenues de véritables entreprises capitalistes hautement technobureaucratiques. Pour éviter une dénaturation du projet initial (et ne pas se faire « récupérer »), plusieurs de ces expériences ont choisi de refuser les compromis au risque d’avoir des relations instables avec les pouvoirs publics. Pour ce faire, le fonctionnement en réseau est privilégié en tant que garantie d’une certaine souplesse et moyen d’une autonomie plus importante devant le risque d’une « prise de contrôle et [d’] une récupération par les pouvoirs publics, ou par un mouvement politique ou culturel » [ ibid., p. 87].
L’ÉCONOMIE SANS ARGENT
17 Une économie sans argent apparaît dans les interstices de la société pour manifester l’insatisfaction de nombreux citoyens devant les risques du passage d’une économie de marché au statut de « société de marché ». Tout en reconnaissant que, d’un point de vue historique, le développement des échanges monétaires a permis une certaine émancipation individuelle, ces expériences se positionnent contre l’excès de monétarisation de la société.
18 En France, trois registres principaux d’expériences existent : l’autoproduction collective, les systèmes d’échanges locaux (SEL) et les réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS). Les SEL représentent en quelque sorte la version française des LETS anglo-saxons ( local exchange trading systems), aussi appelés Tauschring en allemand, ou encore, REL ( redes de economia local) en italien. Un SEL consiste en une association de personnes (jusqu’à plusieurs centaines, voire des milliers) dont la finalité est d’échanger des biens et des services sans recourir à une logique marchande. L’ensemble des échanges est comptabilisé par l’association à l’aide d’une monnaie fictive, et les dettes sont réglées (mais jamais épuisées) dans un système de compensation. On retrouve cette même impulsion réciprocitaire dans les expériences des RERS – néanmoins, à la différence des SEL, le règlement des dettes s’opère dans le cadre d’un échange bilatéral et non plus multilatéral, et toujours différé; et par ailleurs, il n’y a pas dans les RERS de monnaie fictive : il s’agit ici de l’échange direct d’un savoir contre un autre. La nature des biens et services échangés est très variée : gardes d’enfants, cours de langue, travaux de réparation des logements ou des équipements ménagers, séances d’apprentissage de la cuisine, produits artisanaux, objets d’occasion, services de jardinage ou de ménage, prêt d’outillage, etc.
19 Si les SEL ont démarré en France à partir de réseaux militants, leur évolution a par la suite débordé largement le cadre d’un public spécifique – « cela ne signifie pas toutefois que toutes les catégories de la population soient représentées; on trouve dans les SEL peu d’immigrés, de jeunes des banlieues, de personnes disposant de très hauts revenus » [Bayon, 1999, p. 57].
20 Au Brésil, ces systèmes d’échanges locaux sont connus sous l’appellation de clubes de troca. De telles pratiques, consistant en des échanges non monétaires basés sur une logique réciprocitaire, appartiennent aux manières de vivre des secteurs populaires et font partie de leurs traditions. La nouveauté ici consiste à voir de telles pratiques s’inscrire dans un cadre bien précis : celui de l’action associative. En ce sens, l’apparition du phénomène (comme en France) est liée aussi bien à la montée du chômage – dans la plupart des cas – qu’à la volonté des individus de vivre d’autres formes d’échange. C’est pourquoi ces initiatives ne se restreignent pas aux milieux populaires et, dans un certain nombre de cas, partent de réseaux sociaux appartenant aux couches moyennes urbaines.
21 Cela étant, la montée de ce phénomène au Brésil est sans comparaison avec l’ampleur qu’il atteint dans le pays voisin, l’Argentine, où l’on assiste, face à une crise économique dramatique, à la multiplication impressionnante de ces initiatives comme nous le raconte HeloisaPrimavera.
22 Les SEL ne relèvent pas d’une forme d’échange marchand parce qu’il s’agit d’échanges bilatéraux comptabilisés dans une perspective de compensation multilatérale et différée des dettes et que le sens même du système est de forger une dynamique permanente de dette en vue de perpétuer des liens sociaux. Ils ne relèvent pas non plus du troc. Ce dernier est couramment imaginé comme un échange non monétaire entre équivalents, typique des sociétés archaïques et préfigurant l’échange marchand; mais il n’a sans doute jamais existé sous cette forme réduite. Pour Servet et alii [ 1999], « les SEL consacrent un retour du monétaire dans les sociétés modernes » que l’extension du marché a perverti – ces auteurs pensent au sens anthropologique du mot monnaie comme ce qui relie à une totalité sociale [1], « un instrument de socialisation des individus ».
23 « Dans les SEL on veut supprimer l’argent, considéré comme destructeur, en éliminant ses manifestations physiques. Mais on ne supprime pas la monnaie, puisque subsiste un système de comptabilisation et de résolution des dettes articulé autour d’une unité de compte. L’erreur commise par la plupart des commentateurs est de déduire de l’absence de l’argent celle de la monnaie, et de considérer ainsi les SEL comme des groupes de troc » [ ibid., p. 205]. Il faut alors distinguer les notions de compensation et de paiement. « Les systèmes monétaires contemporains voient prédominer le paiement, tandis que le système monétaire des SEL est un système de compensation de dettes. Multilatérale, celle-ci permet la réciprocité des échanges et leur reproduction dynamique. Un système d’échange local n’est donc pas un système de troc, mais une organisation monétaire, qui assume les deux fonctions monétaires fondamentales, celle de compte et celle de règlement des dettes » [ ibid., p. 183-184].
24 On observe avec ces expériences l’apparition de modes de construction de la confiance qui autorisent des relations qui seraient impossibles sans ces cadres de référence et qui facilitent la réintégration dans l’échange puisqu’ils n’obéissent pas à une contrainte de solvabilité des adhérents. Ces expériences visent ainsi au développement d’une culture de la réciprocité. Celle-ci est conçue comme « une tentative de rééquilibrage permanent, de mise en cohérence entre l’altérité et l’égalité; elle est une tension permanente, constructive et cognitive » [Héber-Suffrin, 1999, p. 214]. La singularité de ces expériences, vis-à-vis « des activités illégales ou de la simple “débrouille” en famille ou entre amis, réside dans leur recours à des solidarités volontaires et des relations égalitaires entre les membres » [Laville, 1999, p. 135]. Par rapport aux autres champs, ce champ de l’économie solidaire présente une caractéristique particulière et fondamentale : sa relation avec le rôle décisif du pôle non monétaire. En raison de leur caractère démocratique, l’expression plus affirmée d’une logique réciprocitaire dans cet univers d’expériences n’a pas le sens d’une sorte de reviviscence des formes anciennes de solidarité communautaire.
LE COMMERCE ÉQUITABLE
25 En tant que phénomène socio-économique, inscrit dans une visée politique de changement institutionnel, le commerce équitable a l’ambition de construire une solidarité internationale, reflétant ainsi les préoccupations autour des possibilités d’une régulation internationale fondée sur de nouvelles relations économiques et commerciales. Dans un commerce international où producteurs et consommateurs sont coupés l’un de l’autre, l’absence de tout critère autre que marchand génère des formes nouvelles de surexploitation dont pâtissent, en premier lieu, les producteurs du Sud. Les États ne peuvent pas endiguer ce phénomène, et les grandes entreprises œuvrent au remplacement d’une régulation politique qu’elles estiment désuète. Lorsqu’elles mettent l’accent sur l’éthique, elles le font sans mettre en question la répartition inique des ressources à l’échelle mondiale. L’éthique est ainsi intégrée au processus de marchandisation globale et mise à son service.
26 Face à cette réalité, le commerce équitable vise à établir des relations commerciales plus justes entre pays du Nord (les consommateurs du Nord en particulier) et producteurs au Sud. L’idée de base est de permettre au producteur d’avoir un niveau de rémunération qui lui assure des conditions de vie plus décentes. Plus précisément, deux objectifs à la fois socio-économiques et politiques définissent ce type de démarche :
- « améliorer le sort des petits producteurs du Sud, marginalisés par manque de moyens financiers et d’expérience, en créant des débouchés pour commercialiser leurs produits agricoles ou artisanaux auprès de consommateurs du Nord soucieux de participer à une meilleure solidarité Nord-Sud;
- être un réseau de consommateurs en sensibilisant l’opinion publique aux injustices des règles du commerce international et en entreprenant des actions auprès des décideurs politiques et économiques » [Ritimo-Solagral, 1998, p. 15, cité par Laville, 1999, p. 129].
27 Étant donné la vulnérabilité vis-à-vis des fluctuations des cours sur les marchés mondiaux de larges couches de petits producteurs dans la plupart des pays du Sud – qui tirent l’essentiel de leurs revenus des matières premières –, la forme prise au départ par le commerce équitable est celle d’une sorte de réseau parallèle au commerce traditionnel, afin de limiter au maximum le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur [2]. La naissance du commerce équitable est issue de la convergence entre des ONG du Sud impliquées dans des initiatives d’organisation en milieu populaire et des associations écologiques ou de défense des droits de l’homme du Nord. À cela vient s’ajouter le contexte de chute du prix des matières premières dans le commerce international.
28 En France, c’est surtout autour de l’initiative d’une fédération associative – Artisans du monde – que s’est développé le commerce équitable. Comme le souligne Trouvelot [ 1997], dans la mouvance d’un groupe de militants, cette association est née du principe suivant : « Plutôt que d’apporter une aide financière aux pays en développement, mieux vaut leur donner les moyens de se développer eux-mêmes, selon le mot d’ordre Trade, not Aid lancé pour la première fois en 1964 par la CNUCED, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement. » La première boutique d’Artisans du monde a ouvert à Paris en 1974. À l’objectif initial d’acheter des surplus de jute auprès des producteurs locaux afin de les écouler sur le marché français est venue s’ajouter plus tard la préoccupation d’informer le consommateur du Nord sur les conditions du commerce Nord-Sud, dans la perspective de les éduquer à la problématique du développement. Cette fédération regroupe aujourd’hui une soixantaine d’associations, appelées aussi boutiques ou magasins du monde, et est présente sur l’ensemble du territoire français – ce qui représente environ 2000 bénévoles impliqués.
29 Pourtant, le poids de la France dans cette dynamique, comparé à d’autres pays européens, semble assez faible comme en témoigne l’histoire du commerce alternatif qui a précédé la notion actuelle de commerce équitable. En fait, dès la fin des années cinquante, une association catholique hollandaise s’est spécialisée dans l’importation de produits provenant des pays en développement.
30 Elle les vendait par correspondance à travers des Églises et des réseaux tiers-mondistes. C’est en Hollande que naîtra le premier magasin du monde en 1969. Deux ans plus tard, il y en avait déjà plus de 120. Ces associations se sont vite répandues dans d’autres pays européens (Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, Suède, Grande-Bretagne et France), attestant de la réussite du commerce alternatif. Acheter dans un magasin du monde devient alors « un acte de conviction politique », mettant en lumière l’opposition entre « consommation conscientisée » et « consumérisme capitaliste ».
31 Le passage du commerce alternatif au commerce équitable a lieu dans les années quatre-vingt, dans le contexte de l’effondrement du prix des matières premières qui s’accompagne d’une hausse de la pression des coopératives de production à l’augmentation de leurs ventes. Parallèlement, on assiste à une plus forte sensibilisation des consommateurs en général vis-à-vis des problèmes environnementaux et des conditions de production dans les pays en voie de développement. Ce passage se caractérise encore, et fondamentalement, par un processus de labellisation de certains produits. Le commerce équitable est ainsi assimilé à une véritable « niche de marché ». L’introduction d’un label est considéré comme moyen privilégié d’accès à la grande distribution, ainsi que de différenciation et de garantie du produit auprès des consommateurs.
32 C’est d’abord le label Max Havelaar aux Pays-Bas en 1988, suivi des labels TransFair en Allemagne en 1993 et Fairtrade en Grande-Bretagne en 1994. Ces trois labels sont unifiés en 1997 à travers la création d’un organisme de labellisation du commerce équitable au niveau européen, la Fair Trade Labelling Organization.
33 S’il est issu d’un projet de marché parallèle, le commerce équitable participe aujourd’hui à l’économie de marché. La compréhension du développement de ce champ implique alors de distinguer entre d’un côté, les expériences qui restreignent leur rayon d’action aux réseaux de distribution constitués par les boutiques associatives ou les magasins du monde, et de l’autre, celles qui s’ouvrent sur les grandes chaînes de distribution en pénétrant les supermarchés. Dans ce dernier cas, il faut bien voir que ce processus de labellisation des produits, tout en participant à la hausse des ventes de produits équitables, introduit dans ce champ d’expériences solidaires certaines logiques fonctionnelles qui vont beaucoup influencer la dynamique de ces organisations.
34 On le voit, le commerce équitable concerne aussi bien des échanges commerciaux (plus ou moins ouverts sur la grande distribution, et plus ou moins importants en termes de volume des transactions) qu’une pédagogie politique.
35 Ce champ reste ainsi marqué par une tension entre différentes logiques, renvoyant dans la réalité de ses expériences au conflit entre les impératifs fonctionnels imposés par l’augmentation quantitative des ventes et le besoin d’affirmer le sens du projet et sa contribution au changement des conditions d’injustice dans la réalité du commerce mondial.
LES INITIATIVES LOCALES
36 À ces exemples s’ajoutent les initiatives locales qui se rapportent à la perspective d’une économie solidaire. À l’instar de la différenciation entre les coopératives sociales en Italie, on peut en distinguer également en France deux types principaux [Clément, Gardin, 1999, p. 30]: les initiatives d’insertion par l’économique et celles qui concernent la production de biens et services ayant une utilité sociale ou collective [3]. Au sein de ces dernières, « il faut distinguer les services individuels ayant une utilité quasi collective qui réalisent le plus souvent des activités à fort contenu relationnel (aide à domicile, garde d’enfants… ) des services collectifs (environnement, revalorisation des espaces publics urbains… ). Pour les services individuels ayant une utilité quasi collective, des reconnaissances juridiques spécifiques existent (associations de services aux personnes… ). Pour les services collectifs, en revanche, il n’existe pas de reconnaissance juridique spécifique, et le plus souvent leur utilité collective n’est reconnue que par leur activité d’insertion par l’économique » [ ibid., p. 31].
37 Au Brésil, ces initiatives prennent la forme d’une nouvelle vague d’expériences coopérativistes à caractère autogestionnaire (coopérativisme populaire).
38 Celles-ci ont connu une croissance importante depuis le début des annéesquatre-vingt-dix. Soit en tant que coopératives de production ou de prestation de services, soit en tant que coopératives de crédit ou de consommation, leur champ d’activité est varié de même que leur degré de structuration. Un certain nombre de ces coopératives participent d’un mouvement de reprise, par les salariés, d’entreprises qui se sont trouvées en faillite à la suite de la crise industrielle particulièrement importante du début des annéesquatre-vingt-dix. Certaines se sont inspirées du modèle des ESOP [4] américaines. Ces nouvelles coopératives prétendent se distinguer du coopérativisme traditionnel à la fois par leur souci d’inscrire leur dynamique dans une perspective de développement local solidaire et leur organisation en réseau [5].
39 Ces entreprises solidaires concernent surtout des coopératives de production industrielle qui, tout en ayant des difficultés à assurer leur développement, réussissent tout de même à avoir un certain degré de structuration et d’organisation du travail. Cela n’est pas le cas de la plupart des expériences de coopérativisme populaire qui apparaissent marquées par un niveau d’instabilité assez important. Cela paraît lié aux conditions précaires de développement des initiatives qui reflètent les conditions de vie des groupes sociaux concernés, impliquant le plus souvent de donner la priorité à la survie de l’entreprise. C’est particulièrement le cas de toutes ces coopératives de travail qui ne disposent pas d’autre capital que la force de travail de leurs membres associés. Ces coopératives cherchent à vendre leurs services (de nettoyage, de manutention, de jardinage, etc.) dans les locaux des acheteurs et avec les moyens fournis par ces derniers. De telles initiatives se rapprochent dangereusement des entreprises de main-d’œuvre et des fausses coopératives créées à l’initiative d’entreprises privées qui se servent du statut coopératif pour se débarrasser des règles protectrices du travail salarié.
40 À côté de ces exemples – qui sont les plus nombreux – de coopérativisme populaire, d’autres expériences moins répandues quantitativement méritent d’être mentionnées ici en raison de l’originalité de leurs pratiques. Nous pensons particulièrement au cas d’associations développant tout à la fois de la production, de l’échange local, de la finance solidaire, etc. Il s’agit d’expériences fortement liées au cadre territorial d’appartenance – soit un quartier, soit une région – et qui essaient d’affronter des problématiques locales spécifiques. Deux exemples principaux au Nordeste brésilien méritent d’être mentionnés. Le premier concerne l’Association des petits producteurs de la ville de Valente (APAEB – Associação dos Pequenos Agricultores do Município de Valente) situé dans l’État de Bahia. Cette association développe une série d’activités telles que le conseil technique, la formation des producteurs, le recours à des technologies socialement appropriées, le micro-crédit adapté aux réalités des familles paysannes, l’industrialisation et la commercialisation de la production, la création d’écoles agricoles, etc. Dans un contexte régional marqué par un climat aride et de fréquentes sécheresses d’un côté, et la culture politique clientéliste de l’autre, l’association cherche à promouvoir une alternative visant surtout à garantir une vie digne aux familles sur son territoire propre. Le second exemple est celui de l’Association d’habitants de l’ensemble Palmeira, une favela située à la périphérie de la ville de Fortaleza dans l’État du Ceará. Après avoir joué un rôle décisif dans le processus d’urbanisation du quartier, l’association a créé en 1998 une banque populaire (nommée Palmas), qui finance une série d’activités solidaires sur l’ensemble de la chaîne productive locale : plusieurs lignes de micro-crédit, des coopératives de confection de textiles, de production de produits artisanaux et de produits de nettoyage, un réseau d’échange local, une école de formation, un centre d’études en socio-économie solidaire, etc.
41 Outre ces exemples importants, il faut aussi tenir compte de la multiplication d’expériences dans le champ du recyclage des déchets, de la production artistique, de l’éducation – des crèches populaires aux écoles de préparation au baccalauréat destinées aux populations exclues, etc.
42
Ces exemples n’épuisent pas l’ensemble des initiatives de
l’économie solidaire brésilienne, étant donné la complexité de ce pays et sa
taille continentale :
il est marqué par des différences régionales assez prononcées,
tant au niveau du développement économique et social qu’au niveau de la culture
politique. Ce qui rend difficile toute tentative d’appréhension de ce phénomène
sur l’ensemble du territoire. Cet effort de description souligne l’étendue de
cet univers et nous permet tout de même faire un constat. Si l’économie
solidaire au Brésil, comme en France, ne traduit pas un champ homogène
d’expériences, au moins peut-on regrouper sous cette dénomination tout un
ensemble d’initiatives issues de la société civile et affirmant la solidarité
comme condition de base pour l’offre d’activités économiques destinées à
fournir du travail et un revenu. Dans la plupart des cas, et malgré leur
précarité, ces expériences semblent accomplir une vocation assez proche de la
tradition des mouvements sociaux, ouvrant ainsi une perspective
d’interprétation de ce phénomène en termes de création d’un nouvel espace
public.
43 Loin d’être stabilisée, l’économie solidaire dans ses manifestations actuelles dénote une évolution des formes d’engagement public. Après une longue parenthèse où les mouvements sociaux se sont centrés sur la prise du pouvoir d’État, elle atteste d’engagements qui s’en remettent moins aux systèmes délégataires et sont à la recherche de résultats plus immédiatement tangibles dans la vie quotidienne. Ce désir de réalisations concrètes explique que se fassent jour des initiatives qui incluent dans leurs modes d’action l’organisation d’activités économiques. Celles-ci ne sauraient se développer sans une reconnaissance publique et un cadre macro-économique moins défavorable – ce qui pose des problèmes tels que celui de la dette soulevé par Marcos Arruda. Malgré des avancées dans certains contextes, l’économie solidaire n’a nulle part conquis pleinement droit de cité. Elle incarne le paradoxe que PhilippeChanial, présentant la pensée de Walzer, résume de la façon suivante : « L’État démocratique dépend aujourd’hui en premier lieu de la vitalité de la vie associative au sein de la société civile [… ] Mais, à l’inverse, une société civile démocratique ne peut s’épanouir qu’au sein d’un État démocratique [… ] Le rôle de l’État doit donc, selon Walzer, consister non seulement à contribuer à démocratiser la société civile, en affrontant les inégalités et les formes multiples d’oppression ou de sectarisme qui surgissent au sein du monde associatif, mais également à ouvrir plus largement la sphère démocratique afin d’atténuer tant les différences entre les associations que les replis identitaires, et de remédier au caractère discontinu et souvent chaotique de l’engagement bénévole en faisant, par exemple, du volontariat un travail stable au statut reconnu. En ce sens, seul un “État solidaire” – pôle de la solidarité secondaire – pourra renforcer et épauler une “société solidaire” – le pôle de la solidarité primaire – et réciproquement » [Chanial, 2001, p. 288-289; Walzer, 1997,2000].
ESPACE PUBLIC ET ÉCONOMIE
44 On le voit, c’est le souci d’inscrire les solidarités économiques immédiates dans le cadre plus général d’un espace public qui spécifie l’économie solidaire par rapport à d’autres types d’expériences telles que celles de l’économie sociale ou l’économie informelle. Cet ancrage dans l’espace public articulé à la production économique mérite d’être explicité. Notons d’abord que le concept d’espace public peut être « sociologisé » si l’on s’intéresse plutôt au processus concret par lequel l’écart entre l’affirmation démocratique et la réalité est questionné par les citoyens dont les rapports sont régis par les principes d’égalité et de liberté. Si l’on infléchit ainsi l’approche, ce sont les dénis de reconnaissance portant atteinte aux principes démocratiques qui sont alors l’un des ressorts principaux de l’action collective. L’espace public au sens générique constitue symboliquement la matrice de la communauté politique, mais comme le dit Eley [ 1992], il est aussi, dans les formes concrètes d’expression à travers lesquelles il se manifeste, une arène de significations contestées. Différents publics cherchent à s’y faire entendre et s’opposent dans des controverses qui n’excluent ni les comportements stratégiques ni les tentatives d’élimination des autres points de vue. À cet égard, il convient de reconnaître les limites de la sphère publique bourgeoise et libérale. Plus qu’un espace public emblématique, l’espace public bourgeois du XIXe siècle, des espaces publics pluriels peuvent être identifiés, y compris dans leurs conflits.
45 L’espace public est en continuelle redéfinition. Une partie de celui-ci se trouve contrainte par la pression des obligations étatiques alors même que des espaces nouveaux de formation de l’opinion et de la volonté politique sont engendrés par de multiples formes de regroupements entre citoyens. Cette reconfiguration permanente amène à parler, comme l’a reconnu Habermas [ 1992, p. 175] lui-même, d’« espace public polycentrique », ou d’« espaces publics pluriels » [Chanial, 1992, p. 68] plutôt que d’un espace public unifié.
46 Si l’on admet l’existence d’espaces publics pluriels non exclusivement basés sur la raison et que l’on considère l’association volontaire comme une scène d’apparition de l’action au sens d’Arendt, alors il n’est plus concevable de penser l’autonomie radicale de la sphère politique par rapport à la sphère économique. L’associationnisme, dans son existence même, remet en question ce postulat d’autonomie puisqu’il est la manifestation d’une liberté positive [Berlin, 1969] et revêt de ce fait une dimension politique, tout en endossant également une dimension économique à travers l’organisation en son sein de multiples activités de production et de consommation.
47 Les pratiques associatives, dans toute leur complexité, bousculent la séparation entre politique et économie qui a souvent été déduite de la typologie des activités humaines dégagée par Arendt. Souligner les différences entre ces registres d’activité que sont le travail, l’œuvre et l’action, est primordial – autant pour éviter une désastreuse injonction politique à l’économie que pour se prémunir contre la toute-puissance d’un ordre économique annexant l’ordre politique. Cependant, la distinction analytique ne saurait être convertie en une dissociation empirique [Eme, Laville, 1996, p. 263-268]. À l’examen, l’hypothèse d’un cloisonnement entre politique et économie dans la réalité vécue n’apparaît pas tenable, ni d’un point de vue conceptuel ni d’un point de vue historique.
48 Les constats historiques comme les études actuelles concernant l’économie solidaire bousculent les analyses qui dissocient espace public et économie. Certes, dans la démocratie grecque, c’est en se libérant du travail que l’homme pouvait se consacrer à la vie de la cité, et l’activité de l’homme libre supposait qu’il ne fût pas rivé à l’espace domestique ni absorbé par des tâches relevant de la nécessité et de la reproduction de la vie. La sphère économique était donc tenue à distance de l’espace public. Mais cet éloignement ne peut être transplanté dans les démocraties modernes. À partir du moment où y est énoncée la possibilité d’une citoyenneté non limitée, la responsabilité de la sphère de la subsistance ne peut être affectée à aucun groupe social ou aucune classe inférieure. C’est bien le décalage entre cet horizon d’une démocratie non excluante et le renforcement des inégalités sociales et sexuelles qui, en ce début du XXIe siècle comme au XIXe, explique l’existence d’actions collectives visant une démocratisation de l’économie et constituant ainsi la perspective d’une économie solidaire.
Notes
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[1]
Ces auteurs s’appuient sur l’argumentation de M. Aglietta et A. Orléan [ 1998]. En effet, l’hypothèse que développent Servet et alii [ 1999] est celle d’un « retour paradoxal de la qualité monétaire » qui se vérifie par la compréhension en profondeur de ces expériences. Ce qui est rendu possible par l’adoption d’un regard anthropologique sur la monnaie, pour lequel elle exprime l’appartenance à une totalité sociale – ce qui permet de dépasser sa conceptualisation dans des termes simplement instrumentaux. « L’idée de retour de la qualité monétaire signifie que la monnaie retrouve explicitement son rôle historique de lien social. L’erreur la plus courante, lorsque l’on traite des relations financières, est de réduire la monnaie à sa capacité instrumentale pour payer, pour compter ou pour conserver des valeurs économiques. L’organisation monétaire est alors considérée comme purement contractuelle. Or, la monnaie est intrinsèquement liée à la dette, à l’obligation, autrement dit au lien, qui définit ceux qui sont les sujets dans telle ou telle société. Au-delà du simple rôle de médium des échanges, l’unité de compte SEL doit être comprise comme une médiation sociale et comme une relation au groupe tout entier » [ ibid., p. 12-13].
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[2]
Quatre critères ont modélisé ainsi ces pratiques : a) l’achat direct à des coopératives de producteurs inscrites sur un registre européen; b) un prix équitable, fixé selon le coût des matières premières et de la production, en fonction du temps et de l’énergie investis et devant permettre aux producteurs d’atteindre un niveau de vie décent; c) le préfinancement; d) une relation commerciale durable avec le producteur [Trouvelot, 1997, p. 43].
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[3]
Mais on pourrait aussi inclure dans cette catégorie d’entreprise sociale un certain nombre d’expériences autogestionnaires ne présentant pas un caractère d’utilité sociale très affirmé, car moins ouvertes sur l’environnement et plutôt tournées vers la satisfaction de leurs membres participants. Ce sont souvent des projets portés par des groupes de personnes soucieuses de changer le mode de vie professionnel et d’améliorer sa qualité. L’accent est mis sur le caractère démocratique de la démarche. Ces expériences, tout en étant plus autocentrées, se montrent assez ouvertes du point de vue de leur gestion interne, souvent plus souple que dans une entreprise d’utilité sociale (qui prévoit souvent d’ailleurs un cadre organisationnel assez formaliste).
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[4]
Employee stock ownership plans, ou plan de participation des salariés au capital des entreprises. Ces expériences se sont multipliées aux États-Unis depuis 1974 et le vote par le Congrès américain d’une loi octroyant des avantages fiscaux aux entreprises qui ouvrent leur capital à la participation des travailleurs.
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[5]
Le cas de l’ANTEAG (Association nationale des travailleurs des entreprises autogérées) ou celui de de la Fédération de coopératives de travail de l’État de São Paulo apparaissent comme des signes importants du niveau d’organisation de certaines de ces expériences à l’heure actuelle.