CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Je viens de comprendre pourquoi je me sens tout changé ce soir. Tu sais pourquoi ?
– Je l’ignore. Raconte.
– J’ai marché en partant du pied gauche.
D’habitude je pars du pied droit. »
Stephen jeta un coup d’œil oblique sur le visage solennel de son interlocuteur dans l’espoir d’y découvrir quelque indice d’humeur satirique; mais, n’y trouvant que l’expression d’une patiente autoanalyse, il dit :
« Tiens ! voilà qui est bougrement intéressant. »
J. JOYCE, Stephen le Héros.

1 « Ce n’est pas le travail qui a changé, ce sont les travailleurs qui ne sont plus les mêmes » [Rousselet, 1974, p. 114]. Lorsqu’il pose ce diagnostic au début des années soixante-dix, J. Rousselet accompagne et exprime à sa façon une vague de contestation qui, sous l’intitulé déjà récurrent d’analyse de la « crise du travail », touche du doigt le talon d’Achille du mode d’intégration sociale dominant du moment : celui qui consiste, dans le monde industriel, à assurer revenu et reconnaissance en échange d’une soumission aux principes d’organisation scientifique du travail. Incarné par des pratiques, des mouvements et des mots d’ordre hostiles à une logique productiviste qui trouve en elle-même sa propre fin, le double refus de l’aliénation productive et de la course à la consommation nourrit une contestation dont l’un des objectifs, et non des moindres, est de remettre le travail à sa place.

2 De fait, dans l’univers productif, les signes du malaise sont patents : fuite au travail, absentéisme, turn-over, apparition de rebuts… [Dubois, 1976].

3 C’est pourquoi les directions d’entreprise s’empressent de déployer toute une panoplie d’instruments qui visent à améliorer les conditions de travail (aménagement du temps de travail, horaires variables… ), à « enrichir » ce dernier (travail en îlots, groupes semi-autonomes… ) ou encore à responsabiliser les salariés. Mais le mal est fait. « Le travail est malade. L’idée de travail se dévalorise », nous expliquent à l’époque A. Chassagne et G. Montracher [ 1978, p. 11]. Avec le travail, ajoute J.-P. Barou [ 1975, p. 15], « on vend sa jeunesse, les rêves avec. Le cerveau se débat quelque temps, puis s’engourdit : on laisse aller. C’est que le corps est blessé, même quand il ne dit rien. Le patronat le sait : à quarante ans, un travailleur manuel est foutu; à cet âge, il fait fléchir les courbes de production, il gêne, on l’écarte. [… ]

4 Un travailleur de quarante ans porte préjudice à la production; l’écorce est usée, il a fait son temps. À son fils de venir faire le sien. Produire, c’est mourir un peu ». Quoi d’étonnant, dans ces conditions, que l’on dénonce vertement les gâchis du productivisme, les affres d’une production gouvernée par le seul souci capitaliste et, plus encore, un travail aussi déprimant que mutilant ? Dans la grisaille de cette vie laborieuse, travailler deux heures par jour s’impose alors comme une rayonnante utopie [ cf. Adret, 1977].

5 Ironie de l’histoire : c’est à cette même période que les premiers signes de crise se font sentir. Ironie plus mordante encore : en contribuant directement à la crise du taylorisme [Stankiewickz, 1988], et par là même à celle du mode de régulation fordiste [Lorenzi, Pastré, Tolédano, 1980], l’invention d’un nouveau rapport au travail est venue alimenter un complexe de facteurs dont le produit a été, en définitive, le chômage de masse et la précarisation de l’emploi. Aussi ceux qui travaillent aujourd’hui deux heures par jour sont-ils bien loin de constituer dans leur ensemble l’avant-garde éclairée d’un salariat émancipé. Parce qu’elles répondent d’abord à des impératifs de gestion mis en avant par les employeurs, de telles réductions forcées du temps de travail sont avant tout source de déstabilisation personnelle et de désorganisation sociale [Lallement, 2000a]. C’est pourquoi il est intéressant de faire retour aujourd’hui sur cette question aussi fondamentale du travail qui, à intervalles réguliers, suscite tant de controverses passionnées [2]. L’argument majeur que nous défendrons dans ce cadre est le suivant : dans la mesure où la notion de « valeur travail » (au sens sociologique du terme) est aussi complexe qu’incertaine et où le travail souffre d’un excès de définitions, la seule manière de comprendre les changements contemporains consiste à analyser le travail comme forme. Partant, l’on peut soutenir que loin d’assister à la fin du travail, c’est davantage à une nouvelle rationalisation de celui-ci que nous assistons aujourd’hui, avec tout ce qu’un tel processus peut signifier de novateur et de contradictoire.

LA VALEUR DU TRAVAIL

6 Même si elle n’est pas sans interférer sur la présente problématique, nous laisserons de côté ici l’immense littérature économique consacrée au travail comme source de valeur des biens, des marchandises et des services, pour nous focaliser sur le travail entendu comme valeur sociale. De ce point de vue, même si elle a fait couler beaucoup d’encre, la thèse wébérienne reste toujours aussi pertinente. « Le puritain voulait être besogneux – et nous sommes forcés de l’être. Car lorsque l’ascétisme se trouva transféré de la cellule des moines dans la vie professionnelle et qu’il commença à dominer la morale séculière, ce fut pour participer à l’édification du cosmos prodigieux de l’ordre économique moderne », écrit M.Weber [ 1964, p. 249] en conclusion de son essai consacré en 1905 à L’Éthique protestante et à l’esprit du capitalisme. Par des voies multiples, dont celle du mythe [Lalive d’Epinay, 1991], l’ethos du devoir et la morale du travail ont si bien imprégné notre univers axiologique que, en dépit des mutations profondes du capitalisme occidental, le travail est resté une des valeurs centrales des pays européens [Riffault, 1995].

Entre consensus et différenciation

7 On peut certes contester l’idée. Après la vague des années soixante-dix, C. Offe [ 1984] a été un des premiers à développer la thèse du décentrement du travail au sein de sociétés en proie à des transformations de fond tant sur le front du travail que de l’emploi. Pour nourrir sa thèse, C. Offe multiplie les preuves : sécularisation de l’éthique protestante du travail, réduction tendancielle du temps passé dans l’univers professionnel, aliénation au travail qui sape toute velléité d’identification forte à l’activité professionnelle exercée, protection sociale accrue qui, en cas de chômage, émousse l’aiguillon de la recherche de travail coûte que coûte… Sans même évoquer l’ambiguïté du dernier argument, plusieurs bonnes raisons nourrissent notre scepticisme à l’égard de cette thèse. Les résultats des enquêtes Valeurs au premier chef. En 1999, « les Français, qu’ils soient engagés dans la vie professionnelle ou bien retraités, étudiants, femmes au foyer ou travailleurs bénévoles, estiment que le travail est une part très importante de la vie ( 68%), tout de suite après la famille ( 88%) et nettement avant les amis ( 50%) ou les loisirs ( 37%). La comparaison avec les réponses obtenues en 1990 montre une intensification de ce sentiment : dans l’ensemble, neuf personnes sur dix, en 1999 comme en 1990, estiment que le travail est très ou assez important, mais l’évolution s’est faite en faveur du “très” important qui est passé de 60 à 68% » [Riffault, Tchernia, 2000, p. 85]. Il est vrai que les effets de conjoncture ne sont pas sans implication sur les jugements portés : une situation de l’emploi moins catastrophique et une politique de réduction du temps de travail volontariste ont aussi favorisé récemment le développement de jugements favorables au temps libre.

8 Il est cependant bien insatisfaisant d’en rester à des constats trop généraux. L’intérêt du travail sociologique consistant précisément à se défaire de certaines appréciations trop générales pour être pertinentes, il est plus intéressant de noter que l’appartenance sociale continue de jouer un rôle fort dans la construction du jugement : « Le facteur le plus explicatif des positions prises est le niveau d’instruction : plus il est élevé et plus la protection du temps libre apparaît importante, plus il est faible et plus c’est la primauté du travail qui domine » [ ibid., p. 86]. Ce résultat confirme largement ceux de l’enquête conduite par le département de sciences sociales de l’École normale supérieure. Ici deux variables conditionnent l’appréciation différenciée du travail au sein de la population active. Le statut socio-professionnel tout d’abord : C. Baudelot et M. Gollac [ 1999] montrent que, en haut de l’échelle sociale, le travail est une composante du bonheur alors que plus bas, il en est une condition. Pour les cadres et les professions intermédiaires et libérales, le travail renvoie à un état auquel sont associés le bien-être, la sécurité… Pour les ouvriers et, à moindre degré, les employés, le travail est lié en revanche à un avoir, i.e. à la possession d’argent, de revenus, d’un salaire… Avec des effets différents pour les hommes et pour les femmes, la seconde variable articule position dans le cycle de vie et situation familiale. Pour les hommes, C. Baudelot et M. Gollac constatent d’abord que, à côté de la catégorie socio-professionnelle, le statut d’emploi joue un rôle déterminant : plus on est éloigné du monde du travail, plus le travail apparaît comme une condition du bonheur [3]. Par ailleurs, lorsque les hommes vivent en couple, et a fortiori lorsqu’ils sont pères, leur propension à associer travail et bonheur a tendance à décliner. « En revanche, chez les femmes, la profession et le diplôme exercent peu d’influence sur le fait de citer le travail comme un élément du bonheur. La valorisation du travail décroît au contraire fortement chez les femmes dès qu’elles vivent en couple et après 40 ans, à profession exercée ou diplôme égaux. On ne peut savoir s’il s’agit d’un effet d’âge ou de génération » [Baudelot, Gollac, 1999, p. 16].

9 Sans prétendre lever cette dernière incertitude, notons simplement que l’enquête Valeurs de 1999 conclut nettement que les plus de cinquante ans donnent largement la primauté au travail, ce qui n’est pas le cas dans les tranches d’âge inférieures [Riffault, Tchernia, 2000]. Les précédentes enquêtes nous avaient déjà appris que, par-delà les différences quantitatives, les générations entretiennent un rapport différent au travail. Les jeunes ne rejettent pas le travail. Ce que recherchent les jeunes n’est tout simplement pas similaire à ce que valorisent leurs aînés : les premiers y voient davantage que les seconds un facteur de sociabilité plutôt qu’une source de revenu. Et cela n’est pas propre à la société française. Comme le note R. Zoll [ 1999], les jeunes Allemands ne recherchent pas non plus le plaisir « dans le travail », mais « au travail » ( Spaßhaben bei der Arbeit), constat qui vient largement étayer les thèses d’U. Beck [ 1984] sur la transformation des critères de succès et des objectifs de vie que se fixent les jeunes générations les plus diplômées. Tous ces résultats mériteraient bien sûr d’être affinés à l’aide de toutes les recherches plus qualitatives qui mettent en évidence la pluralité des identités professionnelles [Dubar, 1991] ou de celles qui, à la suite des réflexions pionnières de D. Kergoat, insistent sur l’existence d’articulations multiples entre rapport au travail et rapport à l’emploi. Quoi de commun, en effet, entre ces salariées à temps partiel de la grande distribution qui, en dépit de conditions de travail extrêmement rudes, souhaitent travailler davantage encore afin de conforter leurs conditions d’emploi et certains jeunes intérimaires qui tirent pleinement satisfaction de leur travail tout en évitant volontairement d’avoir recours à un statut d’emploi que l’on a longtemps qualifié de « normal » ( i.e. sous contrat à durée indéterminée, à temps plein, avec possibilité de faire carrière dans l’entreprise… )? Précaires dans les deux cas, ces deux populations entretiennent des rapports au travail extrêmement différents, pour ne pas dire opposés.

10 Lorsque l’on accepte de se confronter plus fermement encore à la production sociologique récente sur ces questions de travail et de valeur, le plus perturbant est peut-être que, à mesure que l’on entre dans le détail des enquêtes, les certitudes faiblissent au point qu’il ne paraît guère pertinent de chercher à vouloir trancher fermement en faveur d’une conclusion aussi simple qu’unilatérale. La raison majeure tient au malentendu persistant que suscite l’usage extensif du terme « travail ». Dans les enquêtes Valeurs évoquées précédemment, la variété des items proposés pour apprécier le travailest remarquable, si bien qu’il demeure délicat d’interpréter simplement les résultats trop globaux. On dispose cependant, comme on l’a vu, de résultats plus désagrégés qui montrent que les définitions et les formes de valorisation du travail sont plurielles et qu’elles varient d’un groupe social à l’autre. Aussi la position la plus pertinente consiste-t-elle finalement à quitter au plus vite le terrain miné des débats généraux sur la fin de la valeur travail et à ne reprendre la discussion qu’après avoir tenté de lever les ambiguïtés qui pèsent sur cette notion excessivement polysémique de « travail ».

LES SENS DU TRAVAIL

Le travail en carte : une typologie élémentaire

11 L’exercice qui consiste à recenser dans le champ de la sociologie et des disciplines qui lui sont proches les différentes acceptions accordées à la notion de travail donne vite le tournis. À ce jeu, A. Cottereau [ 1994] ne relève pas moins de quatorze définitions qui oscillent entre le travail « devoir-profession-vocation-fonction sociale » de M. Weber et le travail-peine de l’animal laborans (Arendt), entre le travail salarié industriel et le travail utilité sociale, entre le travail comme agir instrumental sur la nature externe (Habermas) et le travail comme fondement de la valeur (économistes classiques), etc. Et encore peut-on juger à bon droit que la liste reste largement incomplète puisque les palettes philosophiques et économiques ne sont pas entièrement représentées, les approches psychologiques ou encore ergonomiques ne sont pas prises en compte… Il est néanmoins possible de s’inspirer librement de ce recensement pour distinguer, d’un point de vue sociologique, quatre grandes manières d’appréhender le travail. Certainement contestable à de nombreux égards, cette typologie est construite grâce à deux axes qui opposent le travail-action au travail-fonction d’une part, le travail comme source d’intégration (logique du même) au travailaltération (logique de l’autre) d’autre part. La carte suivante donne un aperçu d’ensemble de la perspective ainsi retenue et propose quatre dénominations génériques. Il est bien entendu que l’intérêt d’un tel repérage consiste avant tout à situer quelques définitions « typiques » les unes par rapport aux autres. Nous ne revendiquons donc ni l’exhaustivité de la recension ni l’unilatéralité des classements [4].

figure im1
Même Travail-subsistance Travail-valeur Travail-maîtrise Travail-fonction Travail-émancipation Travail-rapport salarial Travail-emploi Travail- accomplissement Travail-réseau Travail-peine Travail salarié Travail-aliénation Travail salarié industriel Travail- Beruf Travail-statut praxis Travail- Action Fonction Travail-exploitation Autre Travail-souffrance

>Travail et praxis

12 Le bloc nord-ouest (travail-praxis) est typique, le premier, des définitions qui, sans se confondre le moins du monde, définissent le travail comme confrontation, dépassement et, finalement, réconciliation. Dans bien des cas, le travail est décrit comme rapport à la nature et aux autres à même de favoriser la reproduction économique, l’intégration sociale et la construction de soi. Le travail entendu comme activité de subsistance typique des économies primitives relève bien d’un tel registre [5]. Encastré dans le reste de la société, le travail est une « adaptation raisonnable répondant à l’exploitation rationnelle du milieu naturel » [Lizot, 1978, p. 76]. De cette même démarche procèdent les philosophes qui définissent le travail comme un élément de médiation dialectique constitutif du moi [Hegel, 1969,

13 1982; Habermas, 1973], voire même comme le point de passage obligé en direction d’une société libérée de toute contingence matérielle et réconciliée avec elle-même : « Dans la société bourgeoise, notent F. Engels et K. Marx [ 1967, p. 57], le travail vivant n’est qu’un moyen d’accroître le travail accumulé. Dans la société communiste, le travail accumulé n’est qu’un moyen d’élargir, d’enrichir et d’embellir l’existence des travailleurs. »

14 A priori, le risque d’une telle définition est la tendance à la naturalisation du travail. Cela n’est pas nécessairement le cas. Les travaux anthropologiques les plus outillés empiriquement sur le sujet montrent que le travail n’a rien de naturel ou, en tous les cas, qu’il ne s’agit pas d’une activité qui trouve en elle-même sa propre fin. Chez les Yanomani, « le rythme de travail est lent, fréquemment interrompu de pauses et de bavardages; l’ardeur, toujours mesurée, est tempérée d’une bonne humeur détendue. Après un travail un peu soutenu, on s’assoit de longs moments pour récupérer. Il faut, pour s’épuiser, la nécessité de l’urgence : messager délégué pour transmettre une nouvelle grave, poursuite du gibier, quartiers de viande à transporter sur de longues distances » [Lizot, 1978, p. 78]. Si l’on fait retour vers les sociétés industrielles, il faut bien convenir que, largement marquée du sceau marxiste, la sociologie du travail française s’est fondée après guerre sur le principe du travail pensé comme « un commun dénominateur et une condition de toute vie humaine en société » [Friedmann, 1961, p. 11]. Il ne s’est pas agi pourtant de nier le moins du monde le principe de relativité :

15 « Ce que nous apprend toutefois l’ethnologie, écrivent ainsi G. Friedmann et F.-A. Isambert [ 1961, p. 81], c’est que les activités de travail, dans la plupart des sociétés traditionnelles, ont des motivations très différentes de celles que nous observons dans les sociétés industrialisées. Elles ne paraissent nullement correspondre à un besoin profond de l’homme, tout en constituant pour lui une nécessité manifestée par des formes diverses de dépendance, de contrainte. »

Travail, souffrance et exploitation

16 Le sud-ouest (travail-souffrance) lit également le travail dans un rapport homme/nature, mais pour souligner cette fois les limites de l’action sur la matière. La thèse de H. Arendt [ 1983] est peut-être la plus emblématique de cette manière d’appréhender le travail. Défini comme processus cyclique au cours duquel les objets apparaissent pour être immédiatement absorbés, le travail sert à répondre aux vicissitudes des nécessités naturelles. Parce qu’il expulse ainsi l’homme hors du monde et l’enferme dans le privé de son corps, le travail ne peut prétendre dès lors au statut d’activité spécifiquement humaine. Les Manuscrits de 1844 de K. Marx convergent à leur manière en direction d’une thèse similaire : celle en vertu de laquelle, dans le contexte du mode de production capitaliste, le travail est aliénation et qu’à ce compte, il revêt tous les atours d’une activité profondément inhumaine.

17 Mais, à la différence de H. Arendt, K. Marx fait varier le statut du travail selon les territoires du continent « histoire » qu’il ambitionne de traverser.

18 Aussi ambitieuse soit-elle, cette intention a ceci de salutaire qu’elle oblige à historiciser le propos. Et, de fait, c’est bien en recourant à l’histoire que les débats récents ont pu rebondir et sortir des ornières dans lesquelles s’enfoncent une grande partie de ceux qui partent à la recherche d’une définition substantive et atemporelle du travail.

19 Adopter une perspective anthropologique et diachronique permet dès lors de douter sérieusement de la pertinence de la notion de travail appliquée de manière trop extensive, et c’est pourquoi il est intéressant de distinguer des sociétés « avec » et des sociétés « sans » concept de travail [Chamoux, 1994]. Mais quel critère retenir pour pouvoir parler de travail et de société du travail ? R. Castel [ 1995,1998] suggère de tracer une ligne de démarcation entre sociétés industrielles et sociétés préindustrielles.

20 Dans ces dernières, le travail n’est pas réductible à sa fonction économique. Il est aussi moyen de rachat et instrument de moralisation. Il est également le symbole d’une position sociale. En Grèce comme au Moyen Âge, les esclaves et les laborantes ne bénéficient pas de la reconnaissance politique, mais ils travaillent, ils peinent, ils souffrent. « Le travail, en conclut

21 R. Castel, n’accède à la reconnaissance sociale que lorsqu’il est pris dans des systèmes de régulation, c’est-à-dire lorsqu’il accède à un statut de droit » [ 1998, p. 17]. Il serait plus juste encore, nous semble-t-il, d’affirmer que les hommes ont inventé le travail le jour où ils ont pris ce dernier dans les rets de la rationalisation : rationalisation juridique, comme le suggère R.Castel, mais aussi rationalisation économique, politique, religieuse… Décrite par le menu dans les travaux de M. Weber, cette rationalisation du travail-Beruf enfante du déchirement. En effet, rationaliser le travail signifie bien abstraire ce dernier d’un ensemble d’espaces et de pratiques (les activités domestiques au premier chef) pour mieux le modeler selon les canons de la raison instrumentale.

22 Tel est le sens moderne du terme « travail ». Et c’est bien ce travail-là que l’École de Francfort, puis la sociologie du travail se sont efforcées de dénoncer en réactivant le concept marxien d’aliénation [Blauner, 1964].

23 Dans le même temps – avec, plus précisément, l’émergence et le déploiement de la société industrielle –, le travail s’est également imposé comme fonction (bloc sud-est, travail-exploitation). Pour les théoriciens marxistes du travail salarié (industriel), le travail renvoie moins ici à une action proprement dite qu’à un statut de classe et à un principe de contradiction fondé sur l’appropriation privative de la plus-value par ces « faux-frères » que sont les capitalistes. Analyser le travail consiste dès lors à décrire des positions et des oppositions, des classes et des classements, des jeux et des enjeux… Il faut relire, à ce propos, ces fresques socio-historiques qui, dans les années soixante-dix, dénoncent les ruses de la raison capitaliste telles qu’elles s’incarnent à travers le modèle mutilant, mais ô combien fonctionnel pour la classe capitaliste, de division du travail [Braverman, 1974; Marglin, 1973].

Travail et intégration sociale

24 L’avènement de la société industrielle est enfin l’occasion d’affirmer le travail comme grand intégrateur : ne conquiert-il pas à la fois le statut d’étalon des valeurs, de source de richesses (Ricardo, Smith, Marx… ) et de principe fonctionnel propre à créer de la solidarité sociale [Durkheim, 1978] (bloc nord-est, travail-statut)? La transformation de la société industrielle en société salariale post-industrielle provoque ensuite une assimilation entre travail et rapport salarial [Boyer, 1986], entre travail et emploi [Castel, 1998], puis, plus récemment, entre travail et insertion dans un réseau [Boltanski, Chiapello, 1999]. La novation provient de la reconnaissance du fait que le travail n’est ni une pure action ni une simple source d’exploitation. Le travail est mis en forme par un faisceau de règles et de liens sociaux qui évitent d’enfermer sa pratique dans le particularisme des tâches et de réduire les relations de travail à des colloques singuliers réunissant employeur et salarié. En tant que statut, le travail est devenu un outil de socialisation et d’intégration difficilement remplaçable. C’est ce travail-là dont il est le plus souvent question aujourd’hui, celui-là même qui a acquis un statut de dignité sociale grâce à la puissance du salariat [Friot, 1998].

25 Tout comme les modes d’organisation et d’action auxquels, en pratique, il renvoie, ce travail est fondamentalement en voie de transformation. Transformation : convenons de prendre le mot au pied de la lettre afin d’éviter ces débats infinis et nécessairement aporétiques sur ce qu’est – ou n’est pas

26 – le travail. Car le travail ne préexiste pas aux rapports sociaux, il est rapport social [6]. À la façon dont G. Simmel rend compte de la mode, le plus intéressant consiste alors à observer la dynamique de mise en forme de ce fait social ou, si l’on préfère, la façon dont le travail est informé, déformé, reformé [7], etc. Cette position formaliste présente un double avantage. Elle évite d’abord de revenir une fois encore sur cet éternel sujet d’étonnement en vertu duquel une même action peut être considérée pour les uns comme du travail (vendre son corps, faire œuvre de Gentil Organisateur, préparer un repas dans un restaurant… ) et du non-travail pour les autres (faire l’amour avec son ou sa conjoint(e), participer à un jeu au Club Med, confectionner son repas chez soi… ). Ensuite, elle offre une grille de lecture qui incite avant tout à mettre l’accent sur des processus et non sur une hypothétique définition du travail ou même sur une appréciation de la « juste » place du travail dans la société. Cela posé, nous distinguerons deux types complémentaires de transformations du travail contemporain : les métamorphoses du travail d’une part, ses anamorphoses d’autre part.

LES MÉTAMORPHOSES DU TRAVAIL

27 Le travail salarié industriel masculin, qui a longtemps servi de parangon pour la sociologie du travail française, est au cœur de transformations de fond dont nous mesurons aujourd’hui la portée et les effets grâce, notamment, aux enquêtes « Conditions de travail » menées en 1984,1991 et 1998 par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité. L’étonnant est que les tendances dégagées valent non seulement pour ce type de travail, mais également pour la plupart des autres activités salariées exercées dans le secteur des services.

Les contraintes de la flexibilité

28 Que constate-t-on ? Tout d’abord, une prégnance croissante des contraintes de rythme de travail qui obligent les salariés à satisfaire de plus en plus rapidement aux normes de production et aux demandes qui leur sont adressées.

29 Cela signifie concrètement que le travail sous cadence s’est accrû pour les ouvriers de l’industrie, mais que les délais de réponse se raccourcissent également pour les autres travailleurs (techniciens, agents de maîtrise, employés et cadres). Pour ces derniers, « les horizons temporels sont moins serrés, plus souvent de l’ordre de la journée, mais s’imposent au cours des années quatre-vingt-dix : 33% des cadres déclarent en 1998 des délais de l’ordre de l’heure ou de la journée; ils étaient 23% en 1991 » [Bué, Rougerie, 1999].

30 L’intensification du travail est donc une première tendance forte et commune à toutes les catégories de salariés. Dans certains segments du monde productif (ouvriers non qualifiés et qualifiés de l’industrie, employés de grande surface, salariés de la santé et des transports… ), la répétitivité des gestes s’est également accrue.

31 Plusieurs facteurs expliquent ces évolutions. Le premier se nomme flexibilité. Au nom de la compétitivité, de la réactivité et de la qualité, l’organisation du travail s’est laissé gagner par l’urgence. Le marché est entré dans l’entreprise par l’entremise des politiques de « juste à temps » qui ne souffrent plus les « mauvaises graisses » stagnantes dans l’organisation (stocks de pièces et de produits finis, lignes hiérarchiques excédentaires, salariés jugés en surplus et/ou trop spécialisés… ). De même, la politique du temps de travail a-t-elle pour effet de renforcer l’intensité au travail (pour compenser la diminution du temps ouvré) et d’accentuer la flexibilité (pour ajuster l’offre aux variations de la demande). De là une série de conséquences qui font aujourd’hui débat. En raison de contraintes au travail qui s’imposent de manière de moins en moins différenciée entre catégories de salariés, l’épuisement de l’écart statutaire entre cadres et non-cadres explique le retour en force des thèses sur la « fin » des cadres [Bouffartigue, 2001].

32 Ensuite, sans que l’on puisse les confondre, les thèmes du stress, de la souffrance et du harcèlement au travail sont venus remplacer celui de la lassitude qui prévalait encore dans les années soixante et soixante-dix. Non pas que, comme l’ont suggéré il y a peu quelques magazines à grand tirage, les petits chefs se soient soudainement aigris [8]. Plus fondamentalement, ce sont la pression croissante du marché et celle, conjointe, de collectifs de travail de plus en plus interdépendants qui expliquent le mal-être au travail ressenti aujourd’hui par une partie de la population salariée [Dejours, 1998].

33 Le constat n’est guère différent lorsqu’on se tourne du côté du secteur public qui, en entamant une mue modernisatrice au début des années quatre-vingt-dix, a également diffusé et mis en pratique certains impératifs de l’entreprise fine et flexible : organisation par projet, raccourcissement des lignes hiérarchiques, développement de relations contractuelles intraorganisationnelles… Le plus important à considérer ici est l’invention d’un rapport au public moins « taylorien », moins standardisé, davantage marqué par le souci de proximité, plus attentif aux demandes individuelles…, mais plus difficile que jamais à vivre lorsqu’il est frappé du sceau de l’ambiguïté. Car non seulement l’usager est devenu client (avec ce que ce terme implique d’obligations et de disponibilités nouvelles pour les salariés en contact avec le public), mais dans le même temps on continue souvent de jauger les performances à l’aune d’indicateurs typiquement tayloriens (nombre de dossiers traités, nombre d’enveloppes prétimbrées vendues… ). Comment ne pas voir là aussi, à l’évaluation de ces politiques schizophréniques, une autre source importante de ce que l’on nomme actuellement la souffrance au travail ?

Autonomie et individuation

34 La seconde tendance de fond qui configure aujourd’hui le travail paraît bien paradoxale de prime abord. Les enquêtes « Conditions de travail » concluent en effet que le travail est bien moins prescrit aujourd’hui qu’hier ou, pour le dire en d’autres termes, que toutes les catégories de salariés ont gagné en autonomie : l’imposition d’un mode opératoire est moins fréquente, l’application stricte de consignes est une manière de faire en recul, l’appel à d’autres pour régler un incident diminue tout comme la proportion des salariés qui ne peuvent pas faire varier leurs délais… [Bué, Rougerie, 1999].

35 Certes, cette nouvelle réalité du travail est encore largement variable selon les univers organisationnels (les marges d’action et d’initiative sont ainsi plus grandes lorsque les salariés sont directement confrontés à un client ou au public) mais le fait est qu’intensification du travail, contrôle accru des tâches et accroissement de l’autonomie vont bien de pair aujourd’hui. On peut comprendre une telle évolution si l’on considère que la politique de flexibilité et de qualité oblige bien, d’abord, à ouvrir l’espace d’autonomie des salariés : pour emprunter les termes de P. Zarifian, le travail devient communication et traitement de l’événement. Mais cette même politique requiert plus que jamais un codage (d’où la généralisation des normes ISO) et un suivi précis et aisément repérable (traçabilité) de l’activité afin, dans les deux cas, d’optimiser la qualité du produit et des prestations. Dans le même temps, l’individualisation a gagné du terrain : les politiques de rémunération, le développement de temps de travail de moins en moins normés collectivement, la montée en puissance du thème de la compétence, etc., en sont autant d’illustrations. Sans même évoquer les multiples conséquences réelles ou probables de telles stratégies, notons simplement qu’il y a là matière à étonnement. Comment concilier, en effet, une interdépendance croissante des collectifs de travail et une individualisation conjointe des formes d’usage et de reconnaissance de la force de travail ? Le paradoxe est évidemment trop général pour être pertinent. La bonne méthode consiste en fait à décliner avec minutie la gamme de stratégies des ressources humaines ou la multiplicité des univers organisationnels afin de pouvoir repérer la variété des agencements et des cohérences.

36 Il n’empêche : une lame de fond emporte bien le monde du travail dans son ensemble tout comme les autres mondes constitutifs des sociétés modernes. Avec d’autres, et sans grande originalité, nous pouvons la nommer « individuation ». Porteuse tout à la fois d’un surplus d’autonomie et de dépendance, une telle dynamique est au cœur de la recomposition du travail~action contemporain : les salariés sont plus que jamais mis en situation d’acteurs responsables de leurs actes productifs (avec ce que cela implique comme stress, comme course à la différenciation… ) sans pour autant toujours disposer de toutes les ressources nécessaires aux tâches qui leur incombent, ni pouvoir maîtriser les réseaux d’interdépendances dans lesquels ils sont placés. Comment s’étonner dès lors que le culte de la performance soit le plus lourd à porter là où précisément les ressources font défaut ?

37 « C’est particulièrement vrai dans le travail de service en pleine expansion

38 (guichets du public ou du privé, en passant par les secteurs de la santé, du social ou de l’enseignement). Vécu d’impuissance, ressentiment, mélancolie ou, au contraire, euphorie professionnelle forment alors un tableau clinique mélangé : celui d’une activité où la disponibilité psychologique investie pour se sentir “comptable” du service rendu aux autres est simultanément déroutée par l’organisation, au point de faire rage contre elle-même » [Clot, 2001, p. 16]. Les illustrations empiriques de cette schizophrénie se ramassent à la pelle : exigence – déjà évoquée précédemment – d’un contact plus personnel avec le public ou la clientèle, mais évaluation des performances toujours calée sur des normes quantitatives; appel à l’innovation constante, mais absence de moyens et de reconnaissance pour transformer le travail; réorganisation des activités sous couvert de polyvalence et durcissement en fait des vieilles pratiques tayloriennes, gestion asynchrone du changement (plus de participation formelle, mais maintien de la division du travail)…

39 Il n’en va pas autrement, au demeurant, lorsqu’on aborde sous un éclairage similaire le travail-emploi. Le constat est suffisamment connu pour ne pas s’y attarder. Les piliers de la forme « normale » d’emploi ont été progressivement érodés : le temps plein, le contrat à durée indéterminée, la subordination et la dépendance à l’égard d’un employeur unique ne constituent plus les termes incontournables qui servent à informer la relation d’emploi pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail. En dépit de la récente reprise économique, et de ses effets bénéfiques en termes d’embauches, la « précarisation » reste toujours une réalité massive : en France, entre 1990 et 2000, les contrats à durée déterminée ont augmenté de 60%, les stages et contrats aidés de 65% et l’intérim de 130%, tandis que les formes « normales » d’emploi (emplois stables, contrats à durée indéterminée) n’ont crû que de 2%. Ajoutons, en guise de conclusion intermédiaire, que ces métamorphoses de l’emploi touchent inégalement la population active : si l’ensemble des titulaires d’un travail salarié ressentent aujourd’hui les coups de boutoir des politiques de flexibilité, les jeunes, les femmes et les populations peu qualifiées en sont malgré tout les premières victimes. Pour certains, le désenchantement à l’égard du travail est alors un des nombreux prix à payer pour mieux faire son deuil des espoirs qu’une société du travail continue de susciter.

LES ANAMORPHOSES DU TRAVAIL

40 La métamorphose du travail n’est pas le seul processus intéressant à observer. Les espaces sur lesquels se projettent les ombres de cette activité particulière ont également varié. Dire cela, c’est signifier que les salariés ne sont plus les mêmes et que les frontières du travail salarié sont poreuses et mouvantes. Les salariés ne sont plus les mêmes : on en conviendra aisément à l’observation du retrait forcé d’une partie des travailleurs hors de l’activité et de l’accès continu des femmes au marché du travail, deux faits majeurs qui ont complètement bouleversé la donne du marché du travail au cours de ces trois dernières décennies. Le chômage a aiguisé le désir de travail et, surtout, il a donné un visage à cette société de « travailleurs sans travail » qu’évoque H.Arendt, société où, pour la grande majorité des chômeurs, le sens accordé au « hors travail » (sentiment de manque, tendance au repli… ) reste saturé par les valeurs du travail. La montée du travail des femmes, quant à elle, a facilité la marchandisation de certaines activités domestiques et justifié la création de nouvelles formes d’emplois familiaux [Kauffman, 1996]. Mais la conséquence majeure de cette révolution silencieuse est certainement le déplacement ou, plus exactement, la reconfiguration des inégalités entre les genres [Maruani, 1998]. La dernière enquête budget-temps montre bien par exemple, que l’inscription croissante de l’activité féminine sur le registre du travail-emploi ne se traduit pas pour autant par un rééquilibrage équivalent de l’allocation des tâches domestiques entre conjoints [Brousse, 1999].

41 Pour évoquer la seconde anamorphose ( i.e. la construction de nouvelles frontières du travail), on peut, avec A. Supiot [ 1998], distinguer quatre lignes de démarcation qui ont informé le travail d’un point de vue institutionnel.

42 Ces lignes opposent travail dépendant et travail indépendant, travail à titre onéreux et travail à titre gratuit, travail salarié et fonction publique et, enfin, travail et formation. Ces frontières sont aujourd’hui de plus en plus perméables. On assiste en effet à « un mouvement de pénétration du modèle salarié dans les sphères d’activité qui lui échappaient : développement de la formation par le travail; intrusion du rapport salarial dans la sphère économique; privatisation du secteur public; intégration juridique des travailleurs indépendants dans des structures dont ils dépendent économiquement; et un mouvement réciproque d’assimilation par le droit du travail des valeurs qui étaient l’apanage du travail non salarié : droit à la formation et à la qualification professionnelle; droit de suspendre son travail à des fins privées (congés spéciaux : parentaux, sabbatiques, etc.); revendication par des entreprises de leurs responsabilités sociales et environnementales (exprimée maladroitement par l’idée d’entreprise citoyenne); développement des “salariés indépendants” (dirigeants salariés, salariés par détermination de la loi, salariat des professions libérales, et plus généralement affadissement continu de la notion de lien de subordination)» [Supiot, 1998, p. 6-7].

Quels modes de travail et d’emploi aujourd’hui ?

43 Aujourd’hui, ce grand brassage est porteur de nombreuses confusions et ambiguïtés. Soit, pour première illustration d’un tel théorème, le cas de la recomposition des frontières qui séparent travail onéreux et travail gratuit. C’est bien souvent au nom de la quête de l’emploi que les bouleversements ont été promus et validés. Que l’on songe à toute la politique en faveur du développement des « petits boulots », des activités de service de proximité, des emplois familiaux… L’hypothèse explicite qui incite régulièrement les autorités politiques à promouvoir le développement de telles activités est fondée sur le pari de l’existence de « gisements d’emplois ».

44 En dépit du succès réel de ces nouvelles formes de travail, on peut toute-fois douter de l’entière efficacité des dispositifs et de leur pertinence pour les salariés concernés. Il est d’autant moins aisé, en effet, d’externaliser des fonctions domestiques que les formes de travail, d’aide et de solidarité au sein des réseaux de parenté relèvent de principes d’action qui ne sont pas nécessairement compatibles avec une logique marchande. Parce qu’être proche signifie aussi ne vouloir jamais être vraiment quitte, le modèle du don/contre-don est le plus adapté pour expliciter dans bien des cas la manière dont, sous le voile de la mauvaise foi partagée, les individus peuvent gérer les sentiments d’obligation et de dépendance qui les lient et se défaire ainsi à bon compte de toute obligation de calcul [Godbout, 1994]. Autre exemple : toutes les études menées sur le cas des « aides à domicile » montrent la difficulté, pour ces salariés qui interviennent au sein des espaces privés, à gérer le partage des territoires entre neutralité et affectivité, entre rôle marchand et investissement gratuit [9]. Et ce type d’ambiguïté est propice à l’expression de fortes violences symboliques qui opposent travailleurs et bénéficiaires, violences dont les salarié(e)s à domicile ne ressortent pas toujours indemnes [Lallement, 1998].

45 Il est d’autres frontières encore qui se déplacent et qui, à l’occasion, font surgir autant de formes inédites de travail. Considérons le couple travail/formation. Si, de facto, certaines situations comme l’apprentissage plaçaient déjà les intéressés dans un entre-deux, l’effacement des frontières entre situations de travail et de formation s’est largement accentué au cours des deux dernières décennies avec la promotion d’outils de la politique d’emploi destinés simultanément à former les jeunes et les chômeurs pour mieux les insérer sur le marché du travail. Bien qu’aujourd’hui remplacé par d’autres formules parentes, le dispositif des stages d’insertion à la vie professionnelle (SIVP) mérite considération car il est bien représentatif de cette tendance de moyen terme. Le SIVP constitue en effet un objet hybride d’un point de vue strictement juridique [Enclos, 1991]. Promu par l’ANPE et conclu entre un organisme de formation ou de suivi conventionné, une entreprise d’accueil et un jeune, la convention SIVP avait bien un statut public; mais, dans le même temps, certaines décisions judiciaires estimaient que l’action en paiement d’indemnités consécutives à la rupture du contrat pouvait ne mettre en cause que des personnes privées et ressortir dès lors de la compétence de l’autorité judiciaire (et non des conseils de prud’hommes).

46 La convention SIVP pouvait donc être simultanément privée et publique !

47 Mieux encore : bien que, de jure, elles ne soient pas formellement assimilables à des contrats de travail, les conventions SIVP avaient conduit de facto de nombreux jeunes à occuper un véritable poste dans l’entreprise, à se situer en situation de subordination face à l’employeur, à respecter les règles en vigueur (les horaires de travail par exemple), et cela sans toujours bénéficier d’une véritable formation et initiation à la vie professionnelle.

48 Cas de figure étonnant donc où l’on voit, en toute légalité, des individus détenir un emploi mais sans pour autant bénéficier d’un travail (ou, plus exactement, d’un contrat de travail)!

GILDA, JE T ’AIME, VIVE LE TRAVAIL !

49 « Gilda, je t’aime, à bas le travail ! » Peint en vert, ce slogan ornait les murs d’une usine à Sochaux en mai 1968 [Barou, 1975]. C’est au nom des mêmes exigences du « bien-vivre » que l’on peut aujourd’hui inverser le propos pour mieux acclamer le travail. Le retournement n’a rien de paradoxal : il se trouve simplement que le travail a changé et que les travailleurs ne sont plus les mêmes.

Travail et modernisation réflexive

50 Cette grande mutation participe directement de ce que P.Wagner [ 1996] nomme la deuxième crise majeure de la modernité, celle qui signe une déconventionnalisation et une pluralisation des pratiques, et qui conduit à associer autrement différence et pluralité, socialité et solidarité. Le travail n’échappe pas aux ambivalences de cette « modernisation réflexive » qui accouche aujourd’hui de nouvelles figures du travail et du travailleur : celle de salariés à qui l’on confie des responsabilités mais sans avoir de responsabilités effectives dans la définition du travail [Clot, 2001], celle de travailleurs qui, sans cesser de la valoriser, vivent l’expérience d’un travail éclaté puisque le travail n’assume plus l’association systématique entre intégration sociale, bénéfice économique et mode de réalisation de soi [Nicole-Drancourt, Roulleau-Berger, 2001; Dubet, 2001], celle de communautés de travail sommées de s’autoréguler mais au risque de l’anomie la plus complète [Lallement, 1999], celle d’un travail-emploi marqué tout à la fois par une précarisation accrue des statuts et par la possibilité accrue de construire soi-même son propre destin professionnel (le changement d’employeur et de qualification est devenu un impératif dans le discours de nombreux acteurs publics et managériaux [10])…

51 La novation du temps présent se lit encore mieux à l’énoncé des grands moments qui ont scandé le mouvement de rationalisation du travail. Avanthier, les entrepreneurs protestants modelaient leur conduite de vie au nom d’un espoir religieux. Et si douloureuse que fût la révélation d’appartenir au clan des réprouvés, la faute en incombait avant tout à Dieu. Hier, la bonne fortune des salariés était aux mains des grandes organisations politiques et syndicales en charge de mener le combat pour l’émancipation collective et responsables, par voie de conséquence, des succès et des échecs de la lutte sociale. Aujourd’hui, la fabrique du destin devient une affaire de plus en plus individuelle. Le message véhiculé par la culture entrepreneuriale en vogue à compter du début des années quatre-vingt est peut-être l’expression la plus « vulgaire » – au sens où K. Marx entendait ce terme – de la morale de cesièclenaissant : celle qui, en apparence du moins, confie à l’individu les clefs de son propre devenir avec charge d’en assumer toutes les responsabilités et conséquences, y compris les plus néfastes. C’est pourquoi le travail n’a jamais autant ressemblé au couple infernal Dr Jekill et Mr Hyde : source d’épanouissement et de sociabilité d’un côté, instrument de souffrance et de culpabilisation de l’autre.

52 Les transformations à l’œuvre dans les temporalités du travail témoignent à l’envi de l’importance et des contradictions de cette nouvelle vague rationalisatrice [11]. Comme nous l’avons suggéré précédemment, dans les versions les plus optimistes de l’organisation post-taylorienne [Zarifian, 2001], le temps dans le travail n’est plus le même : c’est un temps de l’événement, un temps de l’initiative, un temps-devenir…, bref un temps qui oblige à plus d’initiative et de responsabilité, avec ce que ce surplus d’autonomie engage comme plaisir et comme souffrance. Le temps de travail est également en plein bouleversement. Dans les entreprises de l’industrie comme dans celles du tertiaire, le modèle traditionnel de l’horaire régulier, calé sur la semaine et à temps plein, laisse place aujourd’hui à une gestion temporelle de l’activité de plus en plus souple et éclatée. Au temps de travail taylorien, linéaire, borné et étroitement planifié, succède un temps cyclique, perméable aux aléas de la demande sociale et de plus en plus différencié selon les salariés. Si une telle évolution peut présenter quelques avantages, les contrepoints sont parfois douloureux : vie à contre-temps pour certains salariés, épuisement physique et moral, planification de son emploi du temps parfois complexe… [Lallement, 2000b]. Le temps du travail, enfin, n’obéit plus à la séquence école/entreprise/retraite qui, hier, rythmait les parcours biographiques. Les nouvelles frontières entre éducation et travail, formation et emploi, école et entreprise, etc., font du travail une activité qui, tout au long de la vie, s’enchâsse différemment dans le reste de nos activités.

Apprendre à écrire autrement le travail

53 Il découle de cela une conséquence forte dont les implications restent à évaluer : celle en vertu de laquelle notre façon d’écrire le travail est obsolète et peut-être tout entière à réinventer. Parce qu’elle est concomitante à l’invention des premières formes d’organisation scientifique du travail, la tradition sociologique a utilisé un langage qui n’est pas sans rapport avec les rationalisations qui se sont imposées dans le monde industriel. Comme le suggère R. Sennett [ 1999], le sociologue, à la façon des peintres et des critiques d’art, a tôt voulu figer des morceaux de réalité pour mieux disserter sur les peintures ainsi constituées. Un des outils les plus couramment utilisés en sociologie – l’idéaltype wébérien en l’occurrence – relève bien de cette palette d’instruments dont l’intérêt premier est de confectionner des tableaux de pensée qui correspondent à autant d’états plus ou moins stabilisés de la réalité sociale. Dans cet univers descriptif, le temps sociologique n’est alors que succession d’images. Une telle construction n’est peut-être pas sans lien avec la structure des mondes décrits, à commencer – pour prendre des illustrations actuelles – par ces continuums de positions sociales constitutifs de la société salariale ou encore ces maillages de postes et d’emplois qui servent à ordonner les marchés internes du travail.

54 Le paradoxe est alors le suivant : c’est au moment même où les socio-logues français se sont enfin convaincus de l’intérêt des études longitudinales, des récits de vie, etc., que, en raison des nouvelles politiques de rationalisation du travail, la narration devient plus complexe que jamais.

55 Parce que l’histoire et le sens des trajectoires individuelles ne sont plus réductibles à une série d’événements prévisibles, parce que les parcours dans l’emploi sont devenus plus chaotiques et incertains, parce que la précarité et la « désaffiliation » sont sources d’angoisse, de frustration et d’amertume…, il devient plus difficile que jamais de raconter son cheminement [12].

56 Dès lors, les histoires de vie ressemblent davantage aux récits de P. Modiano qu’à ceux de S. Brussolo. Elles s’apparentent encore davantage aux narrations à coloration fortement autobiographique de J. Joyce plutôt qu’à celles de G. Flaubert, au destin de Stephen Daedalus plutôt qu’à celui de Frédéric Moreau. Les héros des grands romans de J. Joyce se meuvent en effet dans un univers marqué par l’absurdité et l’incohérence. Mais « dans le monde de Joyce, le déficit d’explication a pour effet paradoxal de souder les personnages entre eux; ils cessent de porter des jugements et s’affairent simplement à vivre ensemble. La difficulté à rendre compte du monde réel du travail est, en revanche, une tâche que les travailleurs doivent prendre en charge seuls » [Sennett, 1999, p. 10]. Telle est la tragédie du travail aujourd’hui. Parce qu’il a cessé d’être vocation, obligation morale et instrument du destin, le travail emporte avec lui toutes les contradictions d’une société d’individus et d’un monde désenchanté. Pour le meilleur comme pour le pire.

Notes

  • [1]
    Je remercie A. Jacob pour sa lecture attentive et pour ses remarques et suggestions.
  • [2]
    Lors de la dernière polémique du genre, les ouvrages détonateurs ont été, en France, ceux de D. Méda [ 1995], J. Rifkin [ 1996] et, à un degré moindre, celui de R. Sue [ 1994]. S’ils ont suscité discussion, les thèses défendues par les uns et par les autres ne sont cependant pas réductibles à une même et unique ligne d’argumentation.
  • [3]
    Dans l’échantillon de l’enquête, 43% des chômeurs évoquent le travail comme condition du bonheur contre 45% des salariés à emploi précaire et 31% des titulaires d’emploi stable.
  • [4]
    En raison du foisonnement qui caractérise l’œuvre de K. Marx, il n’est pas étonnant par exemple, que celle-ci permette de rayonner vers les quatre quadrants à la fois.
  • [5]
    Le présent bloc pourrait également accueillir en son sein certains travaux de psychodynamique du travail (mais aussi de médecine et d’ergonomie) qui font du travail-action une activité qui convoque ingéniosité, coopération et mobilisation subjective au service de la construction de soi (le travail comme capacité objective d’extériorisation de soi) et du lien social [Dejours, Molinié, 1994]. L’ergologie promue par Y. Schwartz [ 2000] s’inscrit dans une perspective similaire puisque le travail y est pensé comme une activité qui articule valeurs, activités et savoirs dans des milieux variés et contingents.
  • [6]
    À ce titre, le travail domestique mérite tout autant considération en raison d’une part, du rapport de genre ( gender ) qui l’informe, et d’autre part, de l’importance qu’il peut représenter en termes d’heures de travail dépensées. Une remarque du même ordre vaut bien évidemment pour les autres formes de travail comme le travail indépendant, le travail contraint (travail des prisonniers), le travail bénévole de type associatif, etc. Pour éviter la dérive vers une improbable synthèse d’ensemble qu’entraîne toute tentation d’exhaustivité, nous nous en tenons à cette forme de travail « dominante » qu’est le travail salarié.
  • [7]
    Pour des développements plus conséquents sur la notion de forme appliquée à la sociologie, cf. R. Ledrut [ 1984].
  • [8]
    Pour expliquer ce « retourdes petits chefs », il faudrait en fait raisonner à moyen terme et considérer les effets de frustration relative liés à la déstabilisation des marchés internes du travail, au ralentissement de la mobilité professionnelle et par conséquent à la diminution de l’espérance de promotion pour la frange inférieure du monde social des cadres.
  • [9]
    Il est intéressant, à l’inverse, de constater que les thèmes de la gratuité et des relations de confiance sont aussi venus hanter le discours de l’entreprise. Et cela n’est pas que pure rhétorique : hier réservé aux cadres, le fait de travailler sans compter le temps mis à la disposition de l’entreprise est une pratique qui a tendance à se généraliser aujourd’huiaux autres salariés.
  • [10]
    Pour faire face à la remise en cause des anciens modèles de carrière professionnelle, les réponses actuelles sont à la fois pragmatiques et prospectives. Pragmatiques : la politique de l’emploi ne cesse d’inventer de nouveaux statuts d’insertion et de formation qui visent à occuper les jeunes et les chômeurs dans les périodes où le marché du travail les refoule. Le PARE n’est à ce titre qu’une tentation parmi d’autres, même si elle traduit de façon plus contestable que jamais un souci avoué de quadrillage social et une volonté affichée de faire porter sur les chômeurs la responsabilité de leur situation. Prospectives : comme en témoignent les nombreux ouvrages sur l’activité, l’avenir de l’emploi ou encore les marchés du travail transitionnels [Boissonnat, 1995; Godet, 1994; Schmid, 1995; Supiot, 1999], une nouvelle forme de travail-emploi est encore en gestation.
  • [11]
    Les raisons à l’invention de nouvelles temporalités sont multiples : usage diffus des nouvelles technologies de l’information et de la communication, exigence accrue de compétitivitéqualité et de réactivité côté entreprise, raccourcissement des horizons qui servent aux investisseurs pour évaluer les performances des entreprises – trois ans, selon R. Sennett [ 1999] pour les entreprises américaines des années soixante, trois mois aujourd’hui –, transformation des modes de vie (demande de nouveaux services, nouvelles formes d’implication parentale… ), etc.
  • [12]
    Lorsqu’il explique que, en raison du processus d’« individualisation » qui travaille les sociétés modernes, les individus sont désormais « renvoyés à leur sort sur le marché du travail », U.Beck [ 1984, p. 55] n’a donc pas tout à fait tort. Le bilan des recherches françaises consacrées aux trajectoires sur le marché du travail met ainsi en évidence la pluralité des mondes vécus et des destins sociaux, mais également la multiplicité des facteurs explicatifs proposés par les sociologues : rôle de la socialisation primaire, poids de la contingence liée à la trajectoire scolaire ou à la force des liens sociaux, effets de genre, place de la négociation de l’individu avec ses proches, logique endogène des enchaînements dans le parcours…

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Michel Lallement [1]
  • [1]
    Je remercie A. Jacob pour sa lecture attentive et pour ses remarques et suggestions.
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