1La « managérialisation » aujourd’hui à l’œuvre dans l’institution judiciaire française a profondément modifié le fonctionnement des parquets, que ce soit en interne ou vis-à-vis de l’extérieur [1]. À travers ce néologisme, c’est tout un ensemble de mesures et de procédures, de nature différente, qui s’applique désormais au sein des juridictions, et qui ne touche d’ailleurs pas seulement le parquet, mais aussi le siège : l’imposition de normes de gestion de plus en plus prégnantes, l’exigence de rapidité, l’obligation de réponse à un nombre croissant d’affaires, l’application contrainte de sanctions sont devenus des impératifs auxquels sont soumis les tribunaux. Pendant un temps, on a pu croire que ces transformations ne relevaient que de l’amélioration du contexte organisationnel et qu’elles n’avaient qu’un impact limité sur le travail des magistrats. Mais on constate que, désormais, celui-ci a profondément changé non seulement dans sa forme, mais également sur le fond. Des principes fondamentaux qui rythmaient la vie de l’institution judiciaire et qui constituaient traditionnellement ses fondements sont ainsi ébranlés.
2En particulier, l’accélération du rythme de travail et les normes de productivité qui se sont imposées dans les parquets ont entraîné des changements tout à fait notables, que ce soit dans la manière dont les substituts voient et conçoivent leur travail, dans les rapports entre les membres des parquets, ou dans les relations entre ces mêmes magistrats et leurs partenaires policiers, pour ne citer que ceux-là. Nous nous proposons, en mobilisant les outils de la sociologie du travail [2] et ceux de la sociologie des organisations [3], d’analyser d’une part le fonctionnement interne des parquets dès lors qu’ils sont soumis à ces impératifs de productivité et de rapidité, et d’autre part les conséquences de ces modes de fonctionnement tout au long de la chaîne pénale. En effet, l’adaptation progressive à cette justice « rapide et efficace » par des acteurs situés aussi bien en amont du parquet – policiers et gendarmes – qu’en aval – juges du siège – a amené progressivement la constitution d’un système – humain – de production des décisions en nette rupture avec ce qui se faisait auparavant. Si tous ont adhéré ou se sont vus contraints d’adhérer à cette justice rapide, il devient intéressant de voir si le parquet a acquis, à la faveur de ces changements, une place centrale qui lui donnerait la maîtrise de l’ensemble. La question du rôle et du pouvoir du procureur doit donc être examinée au regard du fonctionnement de ce système.
3C’est en partant de l’observation du travail des substituts plongés dans le traitement rapide des procédures que l’on perçoit le mieux les transformations en cours. En effet, la justice garde aux yeux des profanes une image de lenteur et de conservatisme. Or cette institution, sous l’impulsion de quelques-uns de ses membres, a su créer un mouvement de modernisation qui, parti d’initiatives locales, a essaimé dans l’ensemble des juridictions, d’abord par capillarité [4] puis par un mouvement plus général et plus centralisé. L’évolution du traitement rapide des procédures en témoigne particulièrement bien. Cette politique de modernisation a rencontré un véritable succès, ne serait-ce que parce qu’elle a été véritablement appliquée, et c’est en observant sa traduction concrète sur le terrain que l’on mesure le mieux les écarts entre les parquets « d’avant », c’est-à-dire jusqu’au début des années 2000, et ceux d’aujourd’hui. La réflexion sur le travail nous permettra de réfléchir sur l’organisation interne du parquet et sur les modifications concrètes qu’ont entraînées les changements intervenus. Ceci dans un temps relativement bref.
4Dans un second temps, nous nous proposons de regarder les autres acteurs du système, en examinant tour à tour les relations police-parquet et l’impact de la justice rapide sur les décisions des juges. Car si les parquets ont changé, les tribunaux dans leur ensemble ne sont pas restés à l’écart : ils ont subi les conséquences des mouvements de transformation à l’œuvre ou, souvent, s’y sont associés. Quant aux policiers et aux gendarmes, ils se situent à l’intersection entre, d’une part, les nouvelles exigences du parquet et, d’autre part, les contraintes et directives émanant du ministère de l’Intérieur. Il convient dès lors de comprendre ce qu’il résulte d’une telle conjonction et de savoir qui dirige l’action publique en ce domaine.
I. L’impact du changement sur les parquets : le traitement en temps réel, un exemple paradigmatique
5L’histoire du traitement rapide des procédures, appelé aussi traitement direct ou traitement en temps réel (TTR) est à la fois une illustration parfaite du type d’évolutions en cours dans les tribunaux et un élément essentiel dans la recomposition de la justice pénale. Ce dispositif, expérimental à ses débuts puis généralisé progressivement à l’ensemble des juridictions, y compris les plus petites, représente l’exemple type de la réforme a priori nécessaire et indolore, limitée et maîtrisable, qui pourtant génère des effets inattendus et débouche sur la prévalence des impératifs gestionnaires au sein des tribunaux.
I.1. Le changement nécessaire : les limites du travail « à l’ancienne »
6Avant d’examiner les effets concrets de la généralisation des procédures rapides dans les parquets, il convient de revenir sur les conditions de travail antérieures à la création du TTR et à sa large diffusion. Deux séries de raisons expliquent l’émergence de cet impératif de changement dans les parquets. La première se fonde sur une intégration, au sein de l’institution, des critiques émises à son encontre depuis de nombreuses années. Considérant la mauvaise image de la justice dans la population, parmi ses interlocuteurs policiers et dans la classe politique, l’administration de la Chancellerie a considéré, au milieu des années 1990, qu’il fallait répondre à ces préoccupations. Elle le devait d’autant plus que l’ouverture des parquets sur la cité, dans le cadre de la politique de la Ville, plaçait ceux-ci en position d’accusés dans les réunions publiques [5]. Identifiant la lenteur de la justice pénale comme un des facteurs essentiels d’insatisfaction à son égard, le ministère de la Justice mit l’accent sur la rapidité de la réponse comme solution, généralisant des pratiques expérimentales ayant débuté au début des années 1990. Ce type de solution s’inscrivait tout à fait dans l’air du temps, non seulement parce qu’elle montrait l’image d’une institution judiciaire inflexible et efficace, mais également parce qu’elle s’insérait dans le développement des nouveaux outils de mesure de la performance qui se mettaient en place à travers la montée en puissance de la LOLF notamment. Parmi les indicateurs retenus, citons entre autres la durée de passage des dossiers dans les parquets et le taux de poursuite des affaires dites « poursuivables », c’est-à-dire essentiellement les dossiers avec auteur identifié par les services de police. Avant la mise en place de ces « nouvelles » politiques de gestion, l’institution judiciaire était réputée être excessivement lente, mais également totalement dépassée par la multiplication des contentieux soumis à son appréciation et auxquels elle n’apportait pas de réponse. Il lui fallait réagir vivement.
7Une autre série de raisons qui explique le succès de la généralisation de cette justice rapide réside dans la popularité en interne qu’elle a pu rencontrer, après quelques réserves d’usage, auprès des membres du parquet. On retrouve dans les entretiens avec les procureurs et les plus anciens des parquetiers une explication à ce succès qui certes peut paraître à première vue résiduelle et anecdotique, mais qui, lorsque l’on examine la situation sous l’angle de la sociologie du travail et celui des motivations individuelles, s’avère essentielle. Ces magistrats confient sans peine leur aversion pour l’ancien système de travail essentiellement fondé sur le papier. La plupart d’entre eux racontent les souvenirs presque horrifiés des piles de dossiers poussiéreux qui s’entassaient auparavant dans leur bureau, leur lassitude à lire des affaires désincarnées transmises par des services de police ou de gendarmerie à des dates souvent anciennes, leur difficulté à « entrer » dans les histoires souvent présentées de manière officielle et sans reliefs et à en tirer la substance nécessaire pour des jugements satisfaisants. A contrario, comme nous le verrons, le travail tel qu’il est décrit actuellement apparaît bien plus motivant et stimulant.
8Si l’on peut montrer les limites de ces descriptions, notamment en se référant à nos propres observations et entretiens menés il y a plusieurs années [6], il n’en reste pas moins que l’amoncellement des dossiers en souffrance a de plus en plus constitué un repoussoir pour les jeunes magistrats davantage enclins à être dans l’action que dans la « gestion du papier ». À cet égard, l’émergence du TTR et l’accélération de la chaîne pénale, depuis l’amont – la police – jusqu’à l’aval – la décision de sanction –, a suscité si ce n’est un enthousiasme du moins une adhésion totale chez des jeunes magistrats pour qui le téléphone a remplacé le papier.
9C’est pourquoi, parti des plus grosses juridictions métropolitaines, le mouvement d’accélération des circuits de traitement des affaires pénales s’est répandu jusque dans les plus petites, y compris au sein de ressorts ruraux que rien ne prédisposait à entrer dans un tel mouvement.
I.2. Les outils du changement
10Il serait fastidieux d’énumérer en détail toutes les modifications, dans le matériel, dans les habitudes de travail, dans les procédures [7], qui ont permis de répondre à cette exigence à la fois interne et externe de transformation de la justice pénale. Nous nous contenterons de souligner les points principaux qui témoignent des transformations dans le travail des substituts et dans les relations internes au parquet. Tout d’abord, en termes de rythme et de cadre de travail, l’environnement des substituts, et surtout de ceux affectés aux permanences chargées du traitement des appels policiers, a totalement changé. Si auparavant il existait déjà des substituts chargés de répondre aux appels les plus pressants des policiers – « le petit parquet » –, la majorité des dossiers était néanmoins traitée via le circuit papier, suscitant les lenteurs et le manque d’enthousiasme déjà décrits. Désormais, à partir de ce tournant du début des années 2000, les normes de travail sont inversées : priorité est donnée à une gestion rapide, en temps réel, des demandes de la police. Concrètement, cela se traduit par la mise en place de sections spécialisées focalisées sur la réponse aux appels téléphoniques émanant des commissariats et gendarmeries pour les plus grosses juridictions, ou bien par le détachement d’un substitut à temps complet – souvent pour une durée d’une semaine – chargé des mêmes missions dans les moyennes et les petites. Des centres d’appels, des standards sont installés pour faciliter l’accès des policiers aux magistrats, qui se retrouvent équipés d’oreillettes de type « centre d’appel ». Aux murs sont affichés des tableaux d’enregistrement des dates de rendez-vous judiciaires que les substituts remplissent au fur et à mesure afin que leur réponse ne tarde pas et surmonte les classiques problèmes d’enregistrement. Tout est fait pour que les demandes de la police envers le parquet soient traitées le plus rapidement possible. Dans l’idéal, un policier qui a interpellé une personne la nuit présente le matin les faits au parquet qui statue sur le devenir judiciaire de l’individu en quelques minutes.
11L’échange oral, au téléphone, entre le policier et le substitut devient le vecteur essentiel sur lequel se fonde toute la suite de la procédure. En effet, il subsiste – encore pour quelque temps – un dossier papier transmis au tribunal en même temps que la personne déférée, lorsque c’est le cas. Mais les parquetiers reconnaissent aisément, d’une part, qu’ils prennent l’essentiel de leurs décisions au téléphone et qu’il est difficile de revenir sur une décision prise même si elle est susceptible d’aménagement et, d’autre part, qu’ils n’ont pas toujours le temps et l’envie de se plonger dans les détails des procès-verbaux policiers [8].
12La généralisation de la prise de décision au téléphone s’accompagne de tout un contexte plus général amené à favoriser le traitement rapide. Les jeunes substituts sortant de l’école nationale de la magistrature (ENM) sont tout à fait entraînés à ce type d’exercice, enseigné en conditions réalistes. Ils sont entourés par des greffiers ou des personnels administratifs entièrement voués à la gestion de ce système. Dans les plus grosses juridictions, les sections du traitement rapide se situent dans des salles qui apparaissent comme de véritables centres opérationnels, et qui sont de ce fait plus protégés de l’extérieur que le reste du tribunal.
13Un autre outil essentiel s’impose dans cette nouvelle organisation. Face à la nécessité de répondre vite aux sollicitations policières dans un contexte de multiplication des orientations pénales possibles (comparution immédiate, COPJ [9], défèrement sans comparution, toutes les possibilités offertes par la troisième voie, composition pénale ou CRPC [10]), les substituts de permanence sont très demandeurs de tableaux ou de barèmes leur permettant de répondre vite et de manière normée. Alors que, jusque dans les années 1990, une telle standardisation était tout à fait inconcevable pour des parquetiers avant tout soucieux de défendre, à tort ou à raison, leur autonomie de décision et leur indépendance à l’égard de toute autorité [11] – ce qu’ils justifiaient en soulignant l’importance d’une réponse pénale au cas par cas, adaptée à la personnalité de chaque interpellé et aux circonstances particulières de chaque situation –, une échelle de réponse pénale équipe désormais toutes les juridictions. L’adhésion des substituts à cet égard ne fait aucun doute, puisqu’ils s’y réfèrent constamment. Plusieurs facteurs expliquent un tel développement : la multiplication des voies d’orientation, qui rendent les choix plus complexes ; la nécessité de répondre vite à un nombre croissant de demandes, donc avec un temps limité pour chaque cas ; la volonté d’une certaine équité dans le traitement des dossiers. À cela s’ajoutent d’autres raisons : les substituts du temps réel, des jeunes le plus souvent, disent eux-mêmes que, peu sûrs d’eux dans leurs premiers postes, disposant, pour beaucoup d’entre eux de connaissances en droit pas toujours affirmées, ils préfèrent de loin s’insérer dans des organisations normées. Ils évitent ainsi, disent les autres magistrats plus critiques, d’assumer les responsabilités qu’implique un exercice plus solitaire de la magistrature.
I.3. Le travail des substituts standardisé
14L’environnement ainsi décrit pèse sur le travail des divers acteurs qui interviennent dans les salles de traitement direct ou dans les bureaux spécialement affectés à cet effet. Au premier abord, il est difficile de reconnaître les magistrats des autres intervenants, greffiers et assistants de justice. Tous sont affairés, répondent au téléphone, remplissent les cases dédiées aux rendez-vous judiciaires : médiation, composition pénale, CRPC ou audiences correctionnelles de divers types, comparution immédiate ou bien COPJ. Il arrive que le greffier, plus expérimenté, téléguide l’action du magistrat. L’observation des pratiques, surtout le matin, révèle une automatisation certaine des modes de travail au quotidien. Le(s) substitut(s) traite(nt) en flux continu tous les appels qui parviennent au parquet et décide(nt) immédiatement, dans la plupart des cas, de l’orientation à donner à l’affaire pour laquelle l’officier de police judiciaire (OPJ) l’a sollicité. Ces décisions se prennent en quelques minutes, sur le fondement des rapports faits oralement par le policier ou le gendarme. Comme nous l’avons déjà souligné, des tableaux d’aide à la décision et des barèmes facilitent le travail du magistrat : il se reporte à ces « échelles » afin d’adopter une orientation conforme aux politiques locales mises en place. À un taux d’alcoolémie donné, dans le cas d’une conduite en état d’ébriété, correspond par exemple une ordonnance pénale délictuelle (OPD). Avec quelques grammes d’alcool supplémentaire, vient une composition pénale, puis une COPJ. Il en est de même pour les stupéfiants, ou pour les violences, avec une échelle élaborée cette fois en fonction des journées d’interruption de travail (ITT). Chaque juridiction a ses propres barèmes, et préserve donc une part d’autonomie, mais toutes en ont élaboré.
15Certes, ces normes de pratiques facilitent grandement le travail des substituts, mais elles ne peuvent prendre en compte que des situations de base et ne peuvent pas recouvrir toute la diversité des affaires, eu égard aux circonstances atténuantes – ou aggravantes – éventuelles. Dès lors, la décision et, de ce fait, le dialogue avec l’OPJ qui la précède ne s’attardent pas sur les conditions du délit, ni sur la personnalité de l’intéressé, si ce n’est à travers ses antécédents judiciaires et policiers. Les divers fichiers sont alors mobilisés pour étayer les argumentaires.
16Cependant, les principaux intéressés – les substituts – ne se plaignent pas du rythme extrêmement soutenu qui leur est imposé, ni des marges de manœuvre très restreintes dont ils disposent. Au contraire, tous, du moins ceux qui n’ont pas prématurément abandonné ce type de fonctions, en tirent manifestement un certain enthousiasme et une fierté peu dissimulée. En substance, ils revendiquent leur appartenance à cette « nouvelle » justice rapide, synonyme pour eux de nouveauté, d’efficacité et de progrès, par comparaison avec le passé. Ils insistent longuement sur les capacités physiques nécessaires pour « tenir » de telles cadences, en les associant étroitement à l’idée de jeunesse. La métaphore sportive, la comptabilité du nombre de décisions prises, les records, la résistance physique, les temps de récupération, jaillissent spontanément dans les entretiens. Les cas particuliers sont moins évoqués que ne le sont les questions de flux, de masse, de productivité.
17Un autre facteur d’enthousiasme réside dans l’impression que ressentent ces mêmes substituts d’être « dans l’action ». Pour eux, le traitement en temps réel signifie qu’ils sont dans le temps policier, qu’ils vivent les événements à l’origine de l’appel en direct, ou en léger différé. De ce fait, nombre d’entre eux pensent qu’ils contrôlent mieux l’activité policière. Et pour eux s’impose l’idée que cette intervention au plus tôt permet de traiter les dossiers à chaud, ce qui est profitable non seulement pour la victime, mais aussi pour l’auteur, qui n’a pas à attendre plusieurs mois avant que l’on statue sur son sort. Mais elle s’avère aussi bienvenue pour le magistrat qui parle de « matière vivante » au téléphone, plutôt que de situations dépassées entrevues à travers des dossiers plus ou moins anciens et décalés par rapport à la date de commission des faits.
18Pour l’observateur extérieur, il ressort de cet ensemble une image de rapidité certes, mais également de standardisation, qui s’exprime à travers les barèmes, les temps courts consacrés à l’exposé des affaires, qu’elles le méritent ou non, et également par le recul que manifestent les substituts à l’égard des cas qui leur sont soumis. Il ne s’agit pas de regretter un manque d’implication de ces jeunes magistrats, ni d’exagérer le degré d’investissement de leurs prédécesseurs. Il apparaît seulement que ces derniers, quelle que soit l’appréciation faite sur leur travail, se posaient davantage de questions sur les finalités de celui-ci. Aujourd’hui, cette dimension de réflexion sur la nature de la mission, sur ses finalités, sur les conséquences des décisions semble singulièrement mise de côté, comme le reconnaissent d’ailleurs les substituts interrogés précisément sur ce point. Tout se passe comme s’ils ne pouvaient pas, ou ne voulaient pas, être confrontés à ces interrogations. Dans ce cadre, la productivité et la gestion des masses et des flux servent d’objectif affiché. Faut-il y voir des outils qui évitent de poser d’autres questions relevant davantage du fond ? Les magistrats concernés ont-ils réellement substitué cette finalité gestionnaire aux thèmes plus essentiels sur lesquels réfléchissaient leurs aînés ? Quoi qu’il en soit, il en résulte une impression de désincarnation de la figure du magistrat, et un renforcement de l’image d’automatisation qu’apportent déjà les éléments matériels participant au fonctionnement de la justice rapide. En d’autres termes, l’émergence d’une « taylorisation » du travail de substitut s’accompagnerait d’un glissement de celui-ci vers un positionnement d’exécutant, dénué de la fonction de réflexion sur ses propres tâches.
I.4. Le parquet : un nouveau collectif de travail
19Cette transformation de la fonction s’accompagne d’une modification notable des rapports de travail au sein des organisations que sont les parquets. En effet, les entretiens menés dans les années 2000 diffèrent, sur ce point aussi, de ceux conduits dans les années 1990. Les plus anciens soulignaient avant toute autre chose leur attachement au statut de magistrat, qui à leur yeux signifiait une certaine indépendance à l’égard de la hiérarchie, par analogie avec les juges, qui relèvent du même corps. Prompts à insister sur leur formation, semblable à celle de leurs collègues du siège, et sur les principes du droit [12] qui leur allouaient une certaine liberté vis-à-vis de leur hiérarchie, ces « anciens » pointaient également l’originalité de chaque cas qu’ils avaient à traiter – personnalité de l’auteur et de la victime, circonstances particulières, environnement spécifique –, ce qui fondait selon eux leur nécessaire autonomie de décision. En d’autres termes, face à la déclinaison infinie de facteurs entourant le crime ou le délit, des règles de décisions établies a priori n’étaient selon eux d’aucune utilité. Étaient valorisées avant tout la capacité à prendre les décisions les plus adaptées face aux situations les plus complexes et la prise de responsabilités. Ce type de discours justifiait et renforçait l’autonomie de chacun. Il offrait une marge de liberté plus grande au substitut. En tout cas, celle-ci était revendiquée, et utilisée soit officiellement soit discrètement, même si elle servait parfois aussi à masquer des incompétences ou une certaine inertie.
20La situation actuelle se révèle de ce point de vue très différente. Sans même entrer dans la question des pratiques effectives, on note que les parquetiers, du moins ceux qui exercent dans cette logique de l’urgence, sont peu diserts quant à l’idée d’autonomie. Celle-ci n’est absolument pas mise en avant dans les entretiens portant sur le travail et les relations professionnelles internes. Bien au contraire, une partie des jeunes substituts souligne son manque d’expérience et se satisfait pleinement d’intégrer une organisation qui leur offre d’exercer une mission qui demande davantage, selon leurs propres dires, de l’enthousiasme, un souci d’efficacité, un engagement sans faille, plutôt que la recherche d’une quelconque autonomie. Au moins sur le court terme, ils valorisent l’aspect collectif de la mise en place des différents tableaux et barèmes d’aide à la décision et insistent sur la responsabilité collective, ou hiérarchique, qui doit régner dans leur organisation.
21Pour les plus anciens parmi ceux qui participent à la justice rapide, le débat sur l’autonomie semble obsolète, tant apparaît comme un repoussoir cette justice à l’ancienne, associée aux piles de dossiers en retard, à la négation du droit des justiciables à travers les politiques de classement, et à l’inefficacité chronique. L’autonomie est dès lors étroitement associée à l’idée d’arbitraire et de dysfonctionnement : comment accepter qu’une personne, ou un cas, fasse l’objet d’une orientation variant en fonction de la personnalité du substitut ? Par ailleurs, l’individualisme des anciens est également jugé partiellement responsable de la « faillite » du système judiciaire. A contrario, l’action collective entourée par des principes gestionnaires et de management doit déboucher sur une utilisation plus efficace des moyens – toujours limités – de la justice. Dans ce cadre, la revendication d’autonomie fait figure de positionnement égoïste, conservateur et de toute façon indéfendable.
22La conception nouvelle, « moderne » diraient ses thuriféraires, de la position du parquetier débouche tout naturellement sur un repositionnement du procureur. Celui-ci n’est pas – plus – seulement considéré comme un « ancien » disposant d’expérience et comme une autorité formelle plus que véritable. Il lui est désormais reconnu un rôle hiérarchique effectif, qui ne se limite pas à la production de déclarations de politique pénale, mais s’ancre dans une légitimité de gestionnaire et de manager des parquets. Ainsi, ce ne sont plus ses capacités de juriste qui comptent, mais les objectifs de productivité qu’il assigne à ses personnels, et ses innovations en termes techniques ou opérationnels qui leur permettent d’atteindre ces objectifs. En outre, ce procureur se doit d’avoir un rôle d’animateur à l’intérieur du parquet, soit en s’impliquant personnellement dans l’élaboration des barèmes et autres outils d’aide à la décision, dont les permanents au téléphone sont demandeurs, soit en déléguant cette construction aux intermédiaires que sont les chefs de sections du parquet. Dans le mode de fonctionnement collectif qui prévaut aujourd’hui, on attend d’un meilleur partage des tâches et d’une meilleure organisation une efficacité accrue, qui se traduit par une amélioration de la productivité, mesurable à travers des indicateurs chiffrés, le tout à un moindre coût. C’est en cela que les nouveaux modes de fonctionnement tranchent également avec ceux d’autrefois, et c’est pour cela aussi que les substituts acceptent de mettre de côté leurs velléités d’autonomie.
23Certes le procureur conserve ses attributs honorifiques et ses fonctions symboliques antérieures, notamment vis-à-vis des interlocuteurs extérieurs. Au sein du parquet, ses subordonnés n’attendent plus qu’il élabore des politiques pénales très détaillées qui ne sont de toute façon pas applicables car perpétuellement remises en cause par l’actualité. Celles-ci sont reléguées au second plan, derrière les impératifs gestionnaires qui constituent également un objet essentiel de discussions et d’échanges avec l’échelon hiérarchique supérieur, c’est-à-dire le parquet général. Ce dernier ayant désormais la haute main sur l’attribution des ressources dans les juridictions, le procureur est fortement encouragé à endosser son rôle de manager afin de justifier ses dépenses et d’obtenir des moyens supplémentaires.
24Plus généralement, l’affirmation de la logique hiérarchique va de pair avec la prééminence des impératifs de gestion. Le renforcement du poids des normes imposées depuis le sommet – la Chancellerie – s’est appuyé sur la montée en puissance de la gestion dans les parquets. Et chaque échelon hiérarchique s’est trouvé renforcé lorsqu’il s’est emparé de ce thème. Ainsi, la gestion, qui s’est imposée petit à petit comme incontournable dans un monde judiciaire longtemps rétif à son égard, a « naturellement » permis de restaurer – ou d’instaurer – une relation d’autorité tout le long de la pyramide hiérarchique, avec de surcroît, comme nous l’avons dit, une adhésion assez remarquable de l’ensemble des membres des parquets.
25Dans une certaine mesure, ce qui se joue entre les parquetiers et le procureur se retrouve dans les relations qu’entretient ce dernier avec ses autorités de tutelle. L’indépendance passe au second plan par rapport à l’inscription de chacun dans des directives que chacun réclame, à la fois au nom de l’homogénéité des décisions et de l’égalité face à la justice, mais aussi, peut-être, parce que chaque acteur se dégage ainsi de ses responsabilités face à un système qu’il ne maîtrise finalement que très peu et qui est parsemé de contradictions : juger plus avec moins ou autant de moyens ; associer égalité de traitement et individualisation des sanctions ; décider de politiques pénales alors qu’il ne maîtrise ni les flux d’entrée au parquet, ni les ressources pour les traiter. L’insistance des autorités et, dans une large mesure, de la société civile pour l’affirmation d’une justice plus répressive s’insère dès lors relativement facilement dans un tel cadre. Accepter une telle orientation permet de répondre aux injonctions du sommet comme à ceux des partenaires, à moyens presque constants. Dès lors, la justice n’est pas que rapide, elle est aussi plus univoque, tranchant plus systématiquement en faveur de la sanction.
II. L’impact des changements sur les partenaires de travail
26L’un des moteurs du changement à l’intérieur des parquets a été de manière paradoxale l’ouverture de ceux-ci vis-à-vis de l’extérieur. Les interlocuteurs multiples que les parquetiers ont côtoyés ont été les premiers à leur renvoyer l’image d’une institution obsolète et en partie responsable des crises et de l’insécurité. Parmi ceux-ci, certains élus [13] mais avant tout les policiers. Les relations entre policiers et magistrats ont toujours été complexes : autrefois fondées sur la confiance [14], elles ont dans la plupart des cas changé de nature. Aux critiques des policiers, les magistrats ont répondu par cette montée en puissance de la justice rapide que nous venons de décrire. Une grande partie des dispositifs installés dans les parquets s’explique avant tout par la volonté de répondre aux sollicitations des commissariats et des gendarmeries, eux-mêmes engagés dans des transformations de fond de leur travail. Il semble dès lors fondé, pour mieux appréhender le sens du travail des substituts, de replacer celui-ci dans le prolongement des « inputs » initiés par les organisations policières.
Dans le même ordre d’idées, la productivité des parquets doit être examinée dans ses conséquences, et notamment quant à son impact auprès des magistrats du siège qui interviennent à la suite des parquets. L’activité des juges peut éventuellement corriger certains des aspects les plus excessifs de l’accélération des procédures, avec même des effets rétroactifs sur l’activité des parquetiers. Mais est-ce vraiment le cas ? Un regard attentif sur le travail de ces juges s’avère donc également nécessaire pour répondre à cette interrogation.
II.1. La logique de l’amont : les policiers et la justice rapide
27Bien que, en théorie, les policiers et les gendarmes, lorsqu’ils exercent en matière de police judiciaire, soient placés sous l’autorité du parquet, les interactions entre les deux institutions ne se limitent pas à une dépendance des premiers à l’égard du procureur ou de ses substituts. Les entretiens et observations menés montrent que si, d’un point de vue formel et légal, les policiers et gendarmes gardent une certaine déférence vis-à-vis de l’institution judiciaire et de ses représentants, ils ne sont pas pour autant soumis à ses directives. Au contraire, il semble que, dans une large mesure, ce sont les institutions policières qui maîtrisent le rythme de la chaîne pénale et qui « possèdent » le mieux le fond des dossiers. Plusieurs arguments peuvent être avancés pour conforter cette idée d’une justice pénale désormais positionnée en situation de dépendance par rapport aux policiers, surtout en ce qui concerne ces petits et moyens dossiers qui sont le quotidien des uns et des autres.
28En premier lieu, on peut rappeler que les dispositifs mis en place dans le cadre du traitement en temps réel sont avant tout une réponse aux multiples sollicitations des OPJ qui se plaignaient naguère de ne pas pouvoir joindre facilement le parquet. Certes, à travers cette facilitation, les promoteurs de la justice rapide visaient à un meilleur contrôle des policiers : il s’agissait de rendre plus crédible l’injonction, répétée à maintes reprises, de signaler incessamment au parquet toute affaire portée à la connaissance des services de police. Sur ce point, on assiste à l’émergence d’un véritable cercle vicieux : plus le parquet met à disposition de ce traitement rapide des procédures des éléments matériels et du personnel, magistrats et fonctionnaires, et plus les policiers transmettent des affaires, générant de nouveaux aménagements et élargissant le registre des types de délits concernés. La montée en puissance des demandes policières à l’égard du parquet ne sont pas seulement stimulées par celui-ci : elles s’inscrivent dans un vaste mouvement de réforme qui a touché la police et qui l’a poussée à entrer elle aussi dans une logique de productivité, avec comme corollaire la pression de l’évaluation par le chiffre et, pour ce qui nous concerne ici, le nombre de personnes mises à disposition de la justice comme point de mire [15]. L’accroissement du nombre d’OPJ dans la police va dans le même sens.
29Les entretiens conduits avec les policiers et gendarmes montrent d’ailleurs que ceux-ci sont beaucoup moins critiques sur le rôle du parquet, qui « suit » plus leurs demandes, réservant leurs récriminations pour les autres magistrats qui « remettent les voyous dehors ». Pour leur part, les parquetiers, ayant l’impression d’être associés de très près à l’action policière, s’enthousiasment pour cette dimension très motivante, selon eux, de leur travail. Il est de moins en moins acceptable pour eux de questionner le travail policier et de remettre en cause des affaires transmises par les OPJ, même si certains sont parfois critiques sur la qualité des procédures transmises. Le contrôle du parquet sur les policiers sort-il renforcé de l’accélération de la transmission des procédures ? On peut répondre par la négative : non seulement les bureaux de suivi des enquêtes [16] prévus par les promoteurs de la justice rapide n’ont que rarement vu le jour, mais encore ces bureaux n’ont la capacité de suivre qu’une part infime des dossiers transmis. Le caractère essentiellement oral – et très bref, quelques minutes – des échanges OPJ-parquetier laisse peu de traces, même si le dossier papier subsiste encore et qu’une connexion informatique directe des parquets sur les procédures policières est en cours. Le substitut a très peu de temps pour réfléchir et s’imprégner des affaires. Et il n’en a pas l’envie, préférant faire confiance au policier, dans un contexte de coopération renforcée entre les institutions. Concrètement, cela se traduit, au cours des interactions, par une demande de l’avis du policier, qui s’appuie sur des fichiers de police pour émettre une opinion, très souvent suivie par le substitut, même si le caractère légal de l’utilisation de tels fichiers, et non du seul casier judiciaire, est sujet à caution.
30Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur la maîtrise par les policiers eux-mêmes de cette chaîne pénale. Contraints à une productivité croissante, avec des taux d’élucidation des délits comme indicateur, ils ont de moins en moins le temps de « monter » des « beaux » dossiers et interpellent beaucoup pour des infractions suscitant un intérêt médiocre de la part des uns ou des autres. Dans le cas de la police, les OPJ qui traitent les dossiers d’interpellation sont rarement les personnels qui ont procédé aux opérations d’arrestation, souvent le fait de brigades de rue ou d’autres services : polices municipales, sécurité privée… La multiplication des intermédiaires rend illusoire ce désir de « coller » au plus près au moment où surviennent les faits.
31Globalement donc, les moyens de contrôle qui permettraient au parquet de contrôler l’activité des services de police et de gendarmerie sont faibles, voire inexistants dans les faits. Dans ces services, les politiques pénales sont méconnues, elles pèsent peu au regard des directives du ministère de l’Intérieur. Localement aussi, l’autorité des parquets peine à s’affirmer : par exemple, les demandes, par les parquetiers, d’actes supplémentaires dans les procédures ne sont pas exécutées si les policiers les jugent inutiles. Cette faiblesse n’est pas récente et n’est pas inhérente à l’émergence de la justice rapide. Néanmoins, elle a été indiscutablement renforcée par celle-ci. La logique de productivité et de réponse rapide aux délits restreint les capacités qu’a le parquet d’examiner en détail les faits, les circonstances, les personnalités des protagonistes dans chaque dossier, s’il le voulait encore. « L’air du temps », « la demande sociale » – autant d’arguments entendus de la part de substituts – invitent les magistrats du parquet à se rallier sans trop d’esprit critique aux arguments des policiers. Il s’agit plus de « soutenir » les policiers que de les contrôler, comme le montre par exemple le consensus qui règne dans les parquets autour du suivi des dossiers pour outrage à agent de la force publique. En ce sens, et cela éclaire d’un jour nouveau les descriptions faites du travail au sein du parquet, ce sont bien les services de police et de gendarmerie qui imposent le rythme et les priorités du parquet. Cela ne signifie pas que les policiers cherchent à contrôler sa production et sa décision, mais simplement que les logiques organisationnelles qui s’exercent placent de facto les parquetiers dans le prolongement du fonctionnement et des orientations policières.
II.2. Le siège confronté aux conséquences de la justice rapide : la logique de l’aval
32Il reste alors à observer les conséquences pratiques de cette justice rapide, initiée par les parquets, sur les juges qui siègent en audiences et à qui incombe la décision finale concernant la décision. Plusieurs remarques préliminaires s’imposent. Tout d’abord, un nombre croissant de décisions entraînant des sanctions échappe aux juges du siège. C’est l’un des résultats de la multiplication des « voies » de traitement des affaires pénales. L’émergence de la troisième voie (classement sous conditions, médiation, réparation, rappel à la loi) est concomitante de la création de la justice rapide qui n’aurait jamais pu engager les parquetiers à assurer une réponse systématique aux sollicitations policières sans disposer de dispositifs autres que l’alternative traditionnelle audience/classement. Dans ce cadre, le siège ne joue aucun rôle dans la décision ou dans le déroulement de la sanction. La création de la composition pénale et de la CRPC, si elle laisse une place au juge, s’organise autour du parquet qui décide et propose une sanction. Les magistrats du siège n’y occupent qu’une position marginale.
33Mais l’accélération du rythme de traitement des procédures a également eu des répercussions sur les audiences correctionnelles. Dans le cadre du traitement en temps réel, le parquet, via les tableaux remplis directement par le substitut qui est au téléphone, maîtrise l’audiencement et la programmation des audiences. Il y impose ses impératifs de productivité. Ceci se fait d’ailleurs avec l’acquiescement du siège, qui est lui aussi de plus en plus incité à intégrer des objectifs de rendement dans ses modes de fonctionnement. De l’avis général, non seulement les séances sont plus denses, mais de surcroît elles sont également plus normées et plus courtes. En d’autres termes, alors qu’autrefois le temps des audiences semblait « élastique », avec des prolongations qui n’étaient pas rares et faisaient que certaines se terminaient au-delà de minuit, désormais la tendance est à une plus stricte limitation du temps consacré à chaque cas traité. Tout le monde se satisfait de cette normalisation qui permet à chaque acteur, juge, procureur, ou avocat, de mieux planifier son temps de travail. Reste à savoir si le coût de cette nouvelle régulation n’est pas à rechercher du côté du justiciable, auteur ou victime.
34L’archétype de ce nouveau modèle d’organisation des audiences se trouve dans les comparutions immédiates – ex-flagrants délits – qui se multiplient dans certains tribunaux afin de parachever ce système de justice rapide. Le temps effectivement consacré à chaque cas est bref, les dossiers sont transmis très peu de temps avant l’audience, ce qui rend difficile un examen minutieux, les juges, plus ou moins spécialisés dans la matière – cela varie en fonction de la taille du tribunal – sont soumis au traitement de multiples délits peu passionnants qui génèrent lassitude et ennui. Tout converge pour déboucher sur une production de décisions rapide, normée, sans toujours l’implication nécessaire des magistrats pour intégrer toutes les dimensions de l’affaire, comme le soulignent nombre d’entre eux. Ils pointent les dérives déjà en cours : lecture en diagonale des dossiers, non-intégration des enquêtes de personnalité, parfois très complètes, réalisées par les enquêteurs sociaux, obligation de faire confiance au parquet, et donc par extension à la police, soumission à l’air du temps qui encourage la répression. Par habitude, par capillarité, ce mode de fonctionnement se décline dans les autres audiences correctionnelles, et en particulier celles consacrées aux COPJ (convocation par officier de police judiciaire). Seuls quelques juges résistent avec difficulté à cette pression, qui est davantage le produit d’un système que d’une volonté individuelle.
35Qu’ils soient favorables, au nom de l’efficacité, à ce système, ou au contraire réticents, les magistrats du siège adhèrent pour la plupart à ce modèle. Par défaut, parce qu’ils n’ont pas d’alternative à proposer. Un retour aux méthodes du passé n’est pas envisageable, tant celles-ci semblent obsolètes aujourd’hui. Même les avocats de la défense sont partagés entre les avantages – notamment matériels – que leur procure un tel système, avec une gestion plus efficace des audiences, et les inconvénients que celui-ci peut représenter pour leurs clients : prééminence de l’opinion du parquet, prise en compte limitée des circonstances atténuantes, ou manque d’écoute des arguments des auteurs comme des victimes.
36Le manque de temps disponible, tant pour lire de manière approfondie les dossiers que pour entendre les différents protagonistes, place donc les juges dans une position assez proche de celle du parquet. Faute d’une connaissance suffisante et d’un recul nécessaire, soucieux de ne pas se distancier d’une opinion publique aux préoccupations relayées par le parquet, les magistrats qui siègent en correctionnelle sont très souvent dans une attitude peu critique et peu distanciée par rapport au dossier tel qu’il est présenté par le procureur ou son substitut. Ils sont loin de constituer un contrepouvoir véritable. Contraints de faire confiance au parquet, ils sont, face à lui, dans une situation similaire à celle dans laquelle ce parquet se trouve à l’égard de la police. Tout le processus décisionnel est dès lors indexé sur la construction du dossier par les OPJ. Certes, ce mode de fonctionnement n’est pas neuf. En revanche, ce qui l’est davantage, c’est le manque de distanciation dont peuvent faire preuve les juges, phénomène dû tout autant au manque de moyens qu’à cet accroissement de la productivité qui s’exerce sur tous les acteurs de la chaîne pénale.
37Dans ce cadre, les magistrats du siège ne cherchent nullement à s’opposer au parquet, ou à se positionner en critique de son activité. Tout indique que les uns comme les autres, dépassant les rôles assignés traditionnellement par la symbolique judiciaire, se tournent désormais vers un objectif commun, qui est celui de la production accrue et accélérée de décision.
II.3. Le parquet, acteur majeur du système
38Le parquet occupe bien une position centrale dans cette chaîne pénale qui part du policier ou du gendarme dans la rue puis qui mène jusqu’à la décision de sanction en salle de permanence ou lors d’une audience correctionnelle. Il est positionné à l’interface entre l’intérieur du tribunal et l’extérieur. Il est celui qui dirige officiellement la police judiciaire, qui oriente les dossiers, qui requiert en audience, et qui suit l’exécution des sanctions, qu’elles se situent dans le cadre de condamnations ou dans celui des alternatives aux poursuites classiques.
39De plus, par son investissement conséquent et précoce dans les politiques de l’efficacité et de la gestion, le parquet a encore accru son influence au sein des tribunaux, du moins en ce qui concerne le pénal. C’est en effet avant tout sous son impulsion que s’est développée la justice rapide, principe repris ensuite de manière plus générale. Né d’expérimentations isolées et regardées au départ avec prudence, voire réticence, par la majorité des magistrats, le traitement en temps réel des procédures pénales s’est avéré un succès, à maints égards. Il permet d’apporter une réponse aux reproches de lenteur et d’inefficacité adressés à la justice, de remotiver des magistrats lassés par le traitement de piles de dossiers, et d’inscrire l’institution judiciaire dans un mouvement plus vaste de modernisation de l’état par des instruments de management [17]. En se portant à la tête de cette transformation de l’institution judiciaire, les procureurs innovateurs ont gagné en importance au sein des juridictions. Le pénal n’y est plus considéré comme le parent pauvre.
40Mais la centralité et l’importance relative du parquet par rapport aux autres acteurs ne signifient pas que celui-ci maîtrise l’ensemble du système. Bien au contraire, alors qu’autrefois son action consistait à sélectionner, à travers le mécanisme de l’opportunité des poursuites, les affaires sur lesquelles il désirait porter son attention, désormais il est inséré dans un système de flux dont il n’est pas totalement maître. Les directives du ministère de l’Intérieur adressées aux services de police et de gendarmerie, les pressions des élus locaux et nationaux, les éruptions médiatiques sont plus susceptibles d’expliquer la nature et le rythme de ces flux que les politiques pénales élaborées par les parquets, quand elles existent. Le procureur lui-même, qui se consacrait auparavant à la gestion personnalisée des affaires signalées, conserve certes encore cet attribut, mais doit avant tout se positionner, tant vis-à-vis de sa hiérarchie que pour ses partenaires, en gestionnaire des flux. Tous les magistrats du parquet, et surtout les plus jeunes, ont glissé progressivement d’une logique professionnelle privilégiant le traitement au cas par cas des affaires vers une logique plus quantitative, soucieuse d’une production de masse. En d’autres termes, on pourrait dire que l’on est passé d’une situation où chacun s’investissait dans un nombre restreint de dossiers, traités à fond, quitte à sacrifier les autres –la majorité –, à un nouveau paradigme, avec une justice qui a pour ambition de répondre à toutes les sollicitations dont elle est l’objet, quitte à perdre en approfondissement.
41Cette logique gestionnaire – productiviste – qui s’est imposée a profondément ébranlé les symboles et les fondements de la justice : la personnalisation de la décision judiciaire, l’importance de l’audience et de l’écoute, l’adaptation de la sanction à chaque situation. Comme le montre le développement des barèmes, la rapidité de la réponse rend la personnalisation très secondaire. La multiplication des mesures alternatives sans audience, puis la réduction du temps consacré à chaque affaire lors des audiences restantes ont relativisé l’importance de celles-ci. Quant à l’adaptation de la sanction, elle est mise à mal tant par la rapidité de réponse exigée à toutes les étapes du processus que par les vagues répressives qui ont gagné les tribunaux.
42Si l’on conçoit le procureur comme le promoteur essentiel, même s’il n’est pas le seul, des politiques de gestion dans sa juridiction, il se retrouve lui aussi soumis aux impératifs nés du développement de ces logiques. Cela se traduit de plusieurs manières. D’une part, on assiste, à l’échelle nationale, à un renforcement de la place de la hiérarchie des parquets. Le pouvoir de la Chancellerie et celui des parquets généraux sur les parquets se sont accrus, essentiellement sur la base de ce développement de la gestion fondé sur des indicateurs chiffrés. D’autre part, localement, nous avons vu que les flux que doit gérer le parquet sont largement imposés par les policiers, sans concertation poussée avec le procureur ou ses substituts. Ces derniers composent avec les directives venues d’en haut, la pression de l’amont qu’exercent les services enquêteurs et les possibilités de traitement qu’offre l’aval, qu’il s’agisse des mesures alternatives ou des audiences. Pour répondre à ces injonctions, dans un contexte de moyens quasiment constants, la seule issue consiste dans la standardisation des réponses, avec la création de barèmes. Ceux-ci peuvent-ils être identifiés à une politique pénale ? Dans une certaine mesure, ils correspondent partiellement à la définition qu’on peut en avoir. Pour autant, ces barèmes, outre le fait qu’ils traduisent l’affaiblissement des principes fondateurs de la justice, rendent l’activité du parquet plus prévisible pour les policiers qui s’y adaptent. Ils restreignent dans le même temps les capacités d’action du substitut qui hésitera à ne pas les appliquer, sous peine de contestation policière et/ou de reproches par sa propre hiérarchie. En quelque sorte, en appliquant cette politique standardisée, le parquet se lie les mains.
43À l’échelle individuelle, le substitut de permanence s’apparente de plus en plus à un simple exécutant, et de moins en moins à un knowledge worker [18], comme le montrent aussi bien l’observation des pratiques que ses propres réflexions sur son travail, qui se réfèrent davantage à des notions de flux et de performance qu’à des plus values intellectuelles. Le partage des tâches dans certains parquets – essentiellement les plus importants – renforce cette vision. Ainsi, lorsque plusieurs substituts du service de permanence interviennent sur un même dossier, l’un étant en charge de la réponse au téléphone, le second assurant le suivi des personnes déférées au parquet et un troisième assistant à l’audience, chacun compte sur l’autre pour corriger les erreurs éventuellement commises, mais chacun hésite simultanément à remettre en cause les choix faits par les autres. Cette distribution des responsabilités conduit à une déresponsabilisation collective. Chacun ne participe qu’à une partie de la mise en œuvre de la décision, il dépend des informations données par les autres et des grilles de choix élaborées antérieurement. Ce mode de fonctionnement fractionné se retrouve à une échelle plus large, qui va du policier qui interpelle dans la rue au juge qui prononce une peine, en passant par le policier « procédurier » qui mettra en forme le procès-verbal de son collègue et par le substitut qui orientera le dossier. Chacun s’appuie sur les orientations données en amont et compte simultanément sur l’aval pour corriger les erreurs. Il s’ensuit une remarquable convergence entre la notion de chaîne pénale et celle de travail à la chaîne.
44Si l’on considère comme pertinent un tel rapprochement, il reste à mieux définir le positionnement du procureur dans ce système de production des décisions. Si le parquet dans son ensemble semble subir plus que gérer l’ensemble, le procureur occupe une place soumise, elle aussi, à de fortes tensions. Son rôle en interne s’est affermi et l’on peut considérer qu’il est aujourd’hui, davantage qu’avant, l’autorité reconnue du collectif que constitue le parquet. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant qu’il maîtrise l’ensemble du système. Fort de son autorité, il lui est possible de négocier sur certains aspects, de proposer des orientations aux policiers, de mettre en place des groupes réunissant magistrats, policiers et autres partenaires pour résoudre ponctuellement certains problèmes clairement identifiés. Mais les effets concrets de ses décisions et ses capacités à modifier les stratégies des différents acteurs restent très limités. Il est lui-même soumis aux logiques gestionnaires de plus en plus centralisées qui se sont imposées. Certains procureurs, y compris parmi les promoteurs de ces nouvelles politiques, s’avouent dépassés par les systèmes qui se sont mis en place et même surpris par l’investissement finalement peu critique qu’y consacre une partie des jeunes magistrats issus des nouvelles générations, socialisés dès l’école au traitement en temps réel. Y compris dans l’élaboration des barèmes, le procureur conserve une voix importante, mais il doit composer avec les directives venues « d’en haut », avec les capacités que lui offrent la composition de ses services et la disponibilité des différents prestataires qui interviennent dans l’exécution des sanctions : médiateurs, délégués du procureur, associations. Il lui reste, certes, une autonomie, mais celle-ci se trouve écornée par les systèmes de gestion centralisés qui se mettent en œuvre. Et, face à ses subordonnés, il est confronté à un modèle classique de la bureaucratie et des indicateurs de travail [19] : à partir du moment où un exécutant suit les directives, en l’occurrence les barèmes, et atteint des niveaux de productivité satisfaisants, le pouvoir concret du supérieur hiérarchique s’avère peu contraignant dans les faits et donc peu opérationnel. Il est difficile d’affirmer que les parquets sont tous arrivés à ce point, les situations étant très variables d’une juridiction à l’autre. Mais il faut néanmoins souligner que l’autorité des procureurs ne constitue pas une préoccupation essentielle pour les substituts. De là à dire que celle-ci est désormais affaiblie…
45Acteur central du système, le parquet l’est indiscutablement. Mais son rôle ne risque-t-il pas de muter vers celui d’une simple « courroie de transmission », ou plus exactement vers celui d’un exécutant dans le travail à la chaîne pénal ? Bien entendu, la réalisation d’une telle hypothèse dépend du type de dossiers auxquels les parquets sont confrontés. Notre description et nos analyses se sont focalisées sur les affaires du quotidien, ce qui évacue de la problématique les affaires sensibles, les crimes les plus graves, et d’une manière générale toutes les affaires médiatiques. Mais justement leur manque de visibilité médiatique fait de ces affaires « courantes » des cas banals qui peuvent entrer dans une logique de gestion des flux, même si les peines ou sanctions encourues sont loin d’être négligeables ou symboliques. Or, ce type d’affaires constitue la masse des affaires soumises à la justice. Sans compter que la tentation d’étendre le paradigme de la justice rapide se retrouve partout, et à tous les échelons. À titre d’illustration, on relève que dans l’une des juridictions de grande taille où ont été menées nos investigations, le traitement en temps réel avait gagné la justice des mineurs, ainsi que la justice financière pénale. Dans la plupart des juridictions, y compris les plus petites, on recherche systématiquement des gains de productivité. Les réformes annoncées des assises ou de l’instruction s’inscrivent elles aussi dans un tel mouvement. La question de la qualité de la décision et surtout celle de ses conséquences sur les justiciables restent ouvertes. Alors que la justice rapide prétendait résorber la mauvaise image de l’institution judiciaire auprès des citoyens, il n’est pas sûr qu’elle y soit parvenue. Il se peut même que la justice rapide ait, malgré ses succès par ailleurs, généré en ce domaine de multiples effets pervers.
Une enquête dans neuf tribunaux de grande instance
46Le présent article tire les enseignements d’une enquête réalisée en 2004 et 2005 auprès de neuf tribunaux de grande instance présentant des caractéristiques contrastées : deux juridictions de grande taille, l’une dans la région parisienne et l’autre dans une grande agglomération urbaine, cinq juridictions de taille moyenne et deux tribunaux à une chambre. L’enquête, placée sous la responsabilité de Benoit Bastard, Christian Mouhanna et de notre regretté collègue Werner Ackermann, a été menée avec le concours de 18 étudiants du DEA de sociologie de l’action organisée de Sciences Po et de 4 doctorants qui ont contribué à leur encadrement lors du travail de terrain (Thomas Basset, Benoit Cret, Thomas Debril et Pierre Veiss). Elle a comporté, après les premiers contacts avec les responsables de juridictions, la réalisation de 250 entretiens auprès des acteurs concernés de près ou de loin par le traitement en temps réel : substituts, policiers, gendarmes, délégués du procureur, associations diverses, avocats, magistrats du siège. Ces entretiens ont porté sur l’activité des personnes enquêtées dans son rapport avec le traitement en temps réel ainsi que sur leurs attitudes à l’égard de ce changement de l’organisation des tribunaux. Ils ont été complétés, dans chaque tribunal, par l’étude des documents relatifs au traitement des affaires pénales. Enfin, des observations ont été réalisées dans les permanences du traitement en temps réel, portant sur les conversations entre les membres du parquet et leurs interlocuteurs au stade de la décision initiale sur la suite à donner aux affaires. L’exploitation des données recueillies a pris la forme d’une analyse de contenus des entretiens et a conduit à une première analyse monographique pour chaque juridiction. Les analyses faites ont ensuite fait l’objet d’une synthèse d’ensemble [20].
Les auteurs
Christian Mouhanna
47Sociologue, chargé de recherche au CNRS, membre du CESDIP (Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales). Ses travaux portent sur la police, la justice pénale et les politiques de sécurité.
48Il a publié notamment :
49— Police, des chiffres et des doutes. Regard critique sur les statistiques de la délinquance (avec Jean-Hugues Matelly), Paris : Michalon, 2007 ;
50— Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales (avec Benoit Bastard), Paris : PUF, coll. « Droit et justice », 2007.
Benoit Bastard
51Sociologue, directeur de recherche au CNRS, membre de l’ISP (Institut des Sciences Sociales du Politique, ENS Cachan). Ses travaux portent sur le fonctionnement de la justice et l’intervention sociale, notamment dans le secteur de la famille.
52Parmi ses publications :
53— L’avenir du juge des enfants. Éduquer ou punir ? (avec Christian Mouhanna), Toulouse : érès, coll. « Trajets », 2010 ;
54— Les démarieurs. Enquête sur les nouvelles pratiques du divorce, Paris : La Découverte, coll. « Alternatives sociales », 2002 ;
55— Innovation et gestion dans l’institution judiciaire (avec Werner Ackermann), Paris : LGDJ, 1993.
Notes
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[*]
Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP), Immeuble Edison, 43 boulevard Vauban, F-78280 Guyancourt. <mouhanna@ cesdip. fr>
-
[**]
Institut des Sciences Sociales du Politique (ISP), école Normale Supérieure de Cachan, Bâtiment Laplace, 61 avenue du Président Wilson, F-94235 Cachan cedex. <bastard@ mipplus. org>
-
[1]
.Cécile Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, 63/64, 2006, p. 425-455 ; Antoine Vauchez et Laurent Willemez, La justice face à ses réformateurs (1980-2006), Paris : PUF, coll. « Droit et justice », 2007.
-
[2]
.Claude Dubar et Pierre Tripier, La sociologie des professions, Paris : A. Colin, 1998.
-
[3]
.Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’acteur et le système, Paris : Seuil, 1977.
-
[4]
.Werner Ackermann et Benoit Bastard, Innovation et gestion dans l’institution judiciaire, Paris : LGDJ, coll. « Droit et Société », 1993.
-
[5]
.Anne Wyvekens, L’insertion locale de la justice pénale. Aux origines de la justice de proximité, Paris : L’Harmattan, coll. « Logiques sociales. Déviance et Société », 1997.
-
[6]
.Christian Mouhanna, Polices judiciaires et magistrats, une affaire de confiance, Paris : La Documentation française, coll. « Perspectives sur la justice », 2001.
-
[7]
.Sur ces aspects, cf. les articles de Philip Milburn et autres auteurs dans le présent dossier.
-
[8]
.Des dispositifs permettant la transmission des procédures par Internet sont en cours d’expérimentation. Il reste que le principe d’une décision prise sur la foi d’un rapport oral semble aujourd’hui acquis, le substitut n’ayant ni le temps ni l’envie de lire les procédures.
-
[9]
.Convocation par officier de police judiciaire à une date d’audience.
-
[10]
.Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, appelée aussi « plaider coupable ».
-
[11]
.Christian Mouhanna, Polices judiciaires et magistrats, une affaire de confiance, ibid.
-
[12]
.En invoquant, par exemple, le principe selon lequel, pour le parquet, « la plume est serve, mais la parole est libre ».
-
[13]
.Tanguy Le Goff, Les maires, nouveaux patrons de la sécurité ?, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2008.
-
[14]
.Christian Mouhanna, « Les relations police-parquet en France : un partenariat mis en cause ? », Droit et Société, 58, 2004 (dossier « Vers une transformation des relations entre la police et le parquet ? La situation en Angleterre, Belgique, France, Italie et Pays-Bas », coordonné par Yves Cartuyvels et Massimo Vogliotti).
-
[15]
.Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna, Police : des chiffres et des doutes, Paris : Michalon, 2007.
-
[16]
.Les promoteurs du traitement en temps réel avaient prévu que des substituts détachés dans des bureaux des enquêtes chargés du suivi du travail policier seraient susceptibles de mieux encadrer ce travail et de donner véritablement au parquet la direction de la police judiciaire, ce qui s’avère aujourd’hui un objectif loin d’être atteint.
-
[17]
.Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, Gouverner par les instruments, Paris : Presses de Sciences Po, 2004 ; Philippe Bezes, « L’état et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France », in François Lacasse et Pierre-éric Verrier (dir.), Trente ans de réformes de l’État, Paris : Dunod, 2005.
-
[18]
.Peter Ferdinand Drucker, The Age of Discontinuity : Guidelines to our Changing Society, New York : Harper and Row, 1969.
-
[19]
.Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique, Paris : Seuil, 1963.
-
[20]
.Benoit Bastard et Christian Mouhanna, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, coll. « Droit et justice », 2007.