1La question de la distance à laquelle se tient la justice par rapport au justiciable constitue aujourd’hui l’une des principales thématiques qui servent d’enjeu, de guide, de critère, voire de topos, dans l’établissement des politiques judiciaires. Avoir une justice proche du justiciable, autrement dit avoir des juges, professionnels ou laïcs, localisés à faible distance des usagers et/ou capables de comprendre les intérêts en présence, de s’appuyer sur les forces venues du « terrain », semble s’imposer comme une nécessité pour garantir l’efficacité, la crédibilité, la pertinence ou la modernité de la pratique judiciaire.
2Cette question du positionnement « spatial » de la justice fait pendant à celle de son positionnement temporel. Avoir le bon « tempo » est une autre catégorie de la rhétorique qui s’applique à la justice. Le bon tempo est rapide, bien sûr. On pense à la dénonciation des lenteurs de la justice, à la question de l’urgence, ou plus généralement au temps judiciaire.
3La problématique de la distance est donc actuellement récurrente. Elle prend différentes formes et la question de l’espace s’avère être plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Elle mobilise, certes, des aspects « géographiques », voire écologiques, mais aussi bien d’autres dimensions : des problèmes de gestion, les relations entre les acteurs impliqués dans l’exercice de la justice, la nature des conflits à résoudre et, au-delà encore, la question des modèles de justice qui vont avec l’éloignement et la proximité.
4L’accent n’a pas toujours été placé sur la proximité. Nos systèmes judiciaires modernes sont le résultat d’un effort visant précisément à éloigner les juges des contextes locaux de leur pratique de manière à les lier plus étroitement au pouvoir central qui a
5gagné ainsi en consistance, ce mouvement s’accompagnant de la formation des magistrats et du développement du contrôle de leur activité [1]. De plus, les travaux sur la carte judiciaire, en France notamment, montrent aussi que l’éloignement de la justice du justiciable s’est imposé plus récemment comme une manière de rationaliser le fonctionnement des tribunaux et d’épargner les deniers de l’État : supprimer les justices proches a eu pour objectif de réduire les coûts de fonctionnement de la justice et d’éviter que ne subsistent des établissements désuets et peu occupés [2].
6La thématique du rapprochement est peu à peu revenue sur le devant de la scène, avec différentes figures. Dans les années 1970, rapprocher la justice du justiciable, c’est créer des « services d’accueil » (travaux sur la modernisation des juridictions). Dans le même sens, l’invention des services d’aide aux victimes a constitué une autre façon de participer au même mouvement de la proximité [3].
7Puis, dans les années 1980, les choses se précipitent au moment où la visibilité accrue des difficultés sociales et de l’exclusion impose de trouver des palliatifs aux absences du droit. Le mouvement qui se fait jour alors apporte une nouvelle conception plus sociale et plus locale de la présence des juridictions. Les maisons de la justice et du droit en sont une manifestation concrète (voir les travaux d’Anne Wyvekens, ainsi que la contribution d’Aude Lejeune au présent dossier) et, plus généralement, la naissance et la diffusion des politiques de la ville, auxquelles les magistrats – notamment ceux du parquet – s’associent en même temps que les élus locaux, les services de police et de gendarmerie ou les associations du champ social.
8Plus près de nous, et alors que la politique de la ville s’essouffle, la thématique de la proximité revêt une nouvelle forme, étant étroitement associée au développement des dispositifs alternatifs de gestion des conflits. Ce paradigme, en s’imposant à l’échelle de la planète entière [4], renouvelle la question des modèles de justice, ainsi que, par là même, celle de la proximité.
9La rhétorique de la proximité n’est pas seulement une question d’écologie (la proximité fonctionnant comme garantie de l’adéquation des décisions aux problématiques locales) ni une question d’idéologie (la proximité étant associée à l’idée de responsabilisation des parties et d’encouragement à l’autorégulation). Elle est aussi, comme naguère, mais dans un sens nouveau, associée à des intentions et à des décisions en matière de gestion, qu’il s’agisse de la rationalisation du fonctionnement des juridictions ou de la réorganisation des corps professionnels qui contribuent à l’œuvre de justice. La création des juges de proximité, en France, pourra faire figure d’illustration : une réforme décriée, moins parce qu’elle vise à faire échapper un contentieux sans cesse croissant aux juridictions ordinaires que parce qu’elle aboutit à la création d’un corps de juges qui ne présentent ni les qualités, ni peut-être l’indépendance des magistrats recrutés jusqu’alors.
10Autrement dit, la question de la proximité résume tout un ensemble de problématiques qui caractérisent et définissent les conditions de l’exercice de la justice : au-delà du dessin de la carte judiciaire, c’est le renouvellement des figures de la justice qui est en jeu et, plus prosaïquement, son coût et la qualité du service rendu.
11Le présent dossier réunit quatre études qui illustrent le développement de justices « proches » des justiciables en matière civile dans différents États [5]. En s’appuyant sur différentes approches de sciences sociales – la science du politique, la sociologie, l’ethnologie –, ces études reposent les questions que suscitent les nouveaux avatars de cette forme d’action.
12— Antoine Pelicand étudie la réforme française de 2002, fort contestée, qui a instauré les nouveaux juges de proximité. Il prend le contre-pied de la dénonciation ambiante qui consiste à qualifier la réforme de « politique » au sens où elle s’inscrirait dans le cadre d’un ensemble de mesures prises dans l’urgence au lendemain des élections présidentielles de 2002. En adoptant une vision de sciences politiques pour analyser la création de cette instance, il souligne que les nouvelles juridictions sont le résultat d’un processus de gestation bien antérieur à 2002, et qu’elles prennent, malgré tout, leur place dans le paysage judiciaire. Il montre par ailleurs les changements, induits par cette réforme, qui touchent aux rapports entre les différentes professions juridiques. On retiendra de ses analyses le message suivant : les travaux qui conduisent à la réforme, menés principalement par des politiques (il est vrai juristes de formation), n’abordent pourtant guère la question des liens entre fonction judiciaire et conception de l’État.
13— Barbara Truffin rend compte des efforts de réforme, de relance et de maintien de la justice de proximité en Belgique, dont la figure de base, le « juge de paix », est un élément caractéristique du système judiciaire depuis l’indépendance, en 1831. L’enquête de terrain présentée, qui s’inspire des démarches interactionniste et ethno-méthodologique, s’interroge à la fois sur les espaces de la justice de paix et sur les formes de travail qu’elle propose – notamment, comment la parole circule. L’article suggère que ces juges ont beau être non professionnels, ils n’en restent pas moins des juges qui s’inspirent du/qui sont structurés par le cadre légal, qui se servent de la loi comme outil, qui développent des manières d’être, des formes de discours et sont influencés par leur relation avec d’autres acteurs judiciaires, en particulier les avocats. De sorte qu’en définitive, la proximité, même si elle va de pair avec des modalités de travail plus informelles, ne constitue pas une alternative, mais ressemble beaucoup à la « vraie » justice. Tout se passe ici comme si la justice de proximité, tant valorisée dans les discours, ne trouvait sa légitimité et sa pérennité qu’en prenant, dans la pratique, ses distances vis-à-vis du justiciable.
14— Pierre Guibentif présente la synthèse d’une recherche sociologique portant sur les premiers mois de fonctionnement de juridictions de paix introduites au Portugal en 2001. Il rappelle aussi la genèse politique de ces institutions et situe les enjeux des débats que suscite actuellement leur développement. L’étude du processus de création et de développement montre le rôle prépondérant des instances politiques (gouvernement, partis) dans l’impulsion et la conception de la réforme, et l’importance des références comparatives et internationales. La dynamique de ce processus explique la distance considérable qui existe entre la nouvelle juridiction et les tribunaux « classiques ». Au sein même de la nouvelle juridiction, cependant, l’apparition de professionnels dotés de nouvelles qualifications (juges de paix, médiateurs) et les réactions des usagers face aux alternatives procédurales qui leur sont proposées concourent à l’émergence de nouvelles pratiques, voire d’une nouvelle culture judiciaire.
15— Aude Lejeune, enfin, nous ramène en France pour étudier le processus de mise en place des maisons de la justice et du droit. Dans une optique qui s’inspire de la sociologie politique, et tirant parti des résultats de nombreux entretiens réalisés sur le terrain, elle reconstitue les tensions, dans ce processus, entre les différents acteurs judiciaires, de la Chancellerie aux magistrats locaux, ainsi qu’entre acteurs judiciaires et intervenants locaux « profanes » : élus locaux, dirigeants associatifs, etc. C’est dans ces rapports de tension, au niveau local, que se définissent les missions des maisons et que se construit leur légitimité, en même temps que s’affirment et se confrontent des conceptions différentes de la justice – autorité ou service public – et du territoire – carte judiciaire ou carte « des quartiers ». Et l’on retrouve ici l’opposition entre l’appel à la distance, garantie d’autorité et d’impartialité, et l’appel à la proximité, condition d’accès au droit et d’une action de « restauration du lien social ».
16Les quatre études ainsi réunies mettent en évidence une dynamique dont on constate ici qu’elle dépasse les frontières nationales et qu’elle s’affirme avec une vigueur particulière depuis les années 1990. Cette dynamique marque de plus en plus nettement la différence entre deux types d’appareils de justice, en distinguant les juridictions de proximité et les autres. Au plan des idées, elle conduit à mettre en valeur la pluralité des modèles de justice (Commaille, Ost) ou des paradigmes du droit (Habermas), cependant qu’elle est accompagnée de discours dont les arguments, au fil des ans, connaissent des changements considérables. En s’inspirant des éléments de fait réunis dans le présent dossier, on peut avancer quelques réflexions sur la signification de ce mouvement.
17Dans les procédures de réforme observées, il est bien entendu fait référence – de manière particulièrement explicite dans le cas français – à des changements qui affecteraient la réalité sociale génératrice de la demande de justice. La capacité de « la société » à prévenir et, le cas échéant, à gérer certains types de conflits aurait diminué, ce qui aurait entraîné une augmentation et un changement qualitatif de la demande enregistrée par les tribunaux [6]. On ne trouvera pas, cependant, dans le présent dossier, de références à des recherches qui aient mesuré une telle tendance sur la base d’indicateurs concrets. Le rôle de telles recherches, dans l’élaboration des politiques judiciaires, semble mineur. Un autre facteur affectant la demande de justice, implicite dans les discours sur la justice de proximité, est celui de l’évolution des exigences des citoyens. Ceux-ci ne seraient plus satisfaits d’une justice qui se contenterait de traiter leurs problèmes en des termes abstraits et impersonnels, et exigeraient une attention plus personnalisée de la part des services de l’État, donc aussi de la part de la justice – un argument qui sous-tend en particulier le discours sur la « qualité de la justice ». La réalité d’un tel facteur pourrait être démontrée sur la base de sondages concernant la satisfaction des usagers face aux services de l’État. Dans le cas de la justice, et sans doute d’autres fonctions de l’État, il conviendrait cependant d’approfondir les dimensions des représentations des citoyens ainsi mesurées. Il peut, en effet, s’agir du traitement de la personne au long de la procédure (une dimension pour laquelle il est permis d’admettre que les « attentes de proximité » se sont renforcées au long des dernières années), mais il s’agit aussi de mesurer le degré d’acceptation, quant au fond, des décisions prises (une dimension pour laquelle l’argument de la proximité peut perdre une partie de sa pertinence) [7].
18Enfin, les observations recueillies en Belgique attirent l’attention sur une limite de l’argument des changements de la demande judiciaire. De considérables inégalités de fait subsistent entre les parties dans de nombreux litiges, y compris des litiges portés devant les juridictions de proximité. Au Portugal, le législateur comptait éviter au moins une bonne partie de ces cas en obligeant les grands opérateurs économiques à s’adresser à d’autres juridictions. Or la question des inégalités sociales, ou encore celle des inégalités entre demandeurs institutionnels et demandeurs individuels [8], est peu présente dans les débats concernant la justice de proximité. On y entrevoit bien plus souvent, en filigrane, l’image du conflit de voisinage entre personnes en situations comparables, situation appelant typiquement une médiation « dans laquelle il ne doit pas y avoir de perdant ».
19Le flou des données concernant la demande sociale renvoie aux modes de production et de valorisation des arguments qui les invoquent, et appelle donc une analyse attentive des processus où interviennent ces arguments, c’est-à-dire des processus de production des politiques publiques de justice. Si, dans ces arènes, la perception des transformations concrètes de la demande de justice joue sans doute un rôle, d’autres facteurs ont une importance indiscutable. L’un des plus importants est sans doute la nécessité, pour les gouvernements, de réagir face aux données et débats concernant le fonctionnement de la justice en général : surcharge des tribunaux (France), affaires ayant provoqué des scandales publics (Belgique), lenteur des procédures (Portugal), etc., eu égard aux conséquences électorales possibles de ces débats. Dans ces circonstances, le thème d’une justice de proximité, implicitement distincte d’une justice « classique », est apparu comme un argument efficace. Il peut d’ailleurs s’appuyer sur la comparaison avec d’autres États. Mentionnée explicitement dans le cas du Portugal, celle-ci a certainement joué un rôle en France et en Belgique – ne serait-ce que par la circulation du thème de la proximité dans la littérature juridique et dans la presse francophone. Il peut aussi s’autoriser de références internationales [9]. On ne saurait se dispenser de s’interroger sur ce qui donne une telle force à cet argument. Les études réunies ici suggèrent en tout cas deux pistes de réflexion. D’une part, le choix de créer une « justice de proximité » semble bien lié au fait que celle-ci (sauf dans le cas de la Belgique) constitue un appareil nouveau dont les spécifications peuvent être précisées sans que les acteurs de l’appareil de justice en place aient les moyens d’une intervention trop directe. Il s’agit donc d’améliorer les conditions de l’action du gouvernement sur un système qui a son histoire et sa dynamique propres. On notera que, dans le cas de la Belgique, le thème de la justice de paix est aussi mobilisé pour rendre évidente une alternative au mode de fonctionnement d’autres secteurs de la justice, au moyen cependant d’une représentation de la justice de paix construite en fonction des débats en cours plus que sur la base de la réalité de ces juridictions. D’autre part, séparer la « justice de proximité » d’autres activités des tribunaux pourrait correspondre aussi à une logique de différenciation entre un secteur de la justice consacré à la gestion des rapports inter-personnels (telle est la vocation légale de la justice de paix portugaise) et un secteur répondant aux besoins d’activités économiques et administratives dans lesquelles opèrent des organisations [10].
20D’une manière plus générale, on pourrait soutenir que le mouvement observé tient au fait que les gouvernements nationaux sont aujourd’hui soumis à des exigences d’évaluation de plus en plus contraignantes de la part d’instances internationales et de la part de l’opinion telle qu’elle est représentée et construite par les médias. Ils sont amenés de ce fait à soumettre les organes qui opèrent sous leur responsabilité à ces mêmes exigences. Une manière de répondre à celles-ci dans de meilleures conditions consiste à sectorialiser les fonctions traditionnelles de l’État – ici en différenciant une justice « de proximité » – pour faciliter à la fois l’évaluation et des actions plus ciblées d’amélioration des résultats.
21Le débat politique sur la justice de proximité se déroule évidemment en présence d’un appareil de justice préexistant. On peut donc se demander quelle est l’incidence de dynamiques propres à cet appareil sur le développement des justices de proximité. Une première constatation que permettent les recherches présentées ici est que les milieux judiciaires n’ont guère pris d’initiatives en ces matières. Ils ont réagi face à des initiatives gouvernementales. En revanche, une fois les réformes engagées, on observe des interventions qui ont des effets considérables sur les formules finalement mises en pratique (voir en particulier le cas français). Par ailleurs, les réformes en cours font surgir de nouvelles catégories professionnelles qui, à mesure qu’elles s’organisent et se donnent les moyens de réfléchir sur leur pratique, interviennent comme de nouveaux interlocuteurs dans les débats et peuvent en modifier l’agenda. Enfin, les milieux juridiques représentent des arènes de discussion ayant leur vitalité propre, et la manière dont ils reprendront, dans les prochaines années, les thèmes rendus incontournables par les réformes en cours, notamment celui de la distinction entre la justice de proximité et son contraire, conditionnera sans doute les évolutions à venir.
22Parmi les questions qui pourront être revisitées à la lumière de cette distinction figure celle, qui ressurgit avec insistance ces dernières années dans les débats publics, de la légitimité de la justice. Peut-on fonder une justice sur la proximité – de la même façon qu’on voit aujourd’hui, dans un autre registre, fonder une politique de la justice sur la rapidité de l’évacuation des affaires ? On sait que la réponse à cette question ne va pas de soi. S’agissant de la proximité géographique ou sociale, on en vient parfois à considérer qu’elle nuit à la sérénité de la justice et à la tranquillité des juges – en France, ceux-ci n’ont-ils pas cessé de fréquenter les maisons de la justice ou du droit, que ce soit à tort ou à raison ? S’agissant des modèles de justice, on se demande aujourd’hui ce qu’il en est de la pertinence et de l’efficacité des dispositifs qui visent à un traitement de proximité des petits litiges – au Brésil, notamment, des critiques sont adressées, à cet égard, aux solutions alternatives qui ont été développées à une très grande échelle. Enfin, s’agissant de la question de la professionnalité des juges, elle n’est pas sans rester en débat, et on ne manquera pas, à cet égard, de suivre l’évolution des juges de proximité en France.
Notes
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[*]
Centre de Sociologie des Organisations (CSO), 19 rue Amélie, F-75007 Paris. <bastard@mipplus.org>
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[**]
Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa (ISCTE), Avenida das Forças Armadas, P–1649-026 Lisbonne. <pierre.guibentif@iscte.pt>
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[1]
Voir par exemple les travaux d’António Manuel Hespanha, notamment « Savants et rustiques. La violence douce de la raison juridique », Ius Commune, 10, 1983, p. 1-48.
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[2]
Jacques Commaille, Territoires de justice. Une sociologie politique de la carte judiciaire, Paris, PUF, coll. « Droit et justice », 2000.
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[3]
Renaud Dulong, Werner Ackermann, L’aide aux victimes. Premières initiatives, première évaluation, Paris, MSH, 1984.
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[4]
Rappelons notamment, quelques années auparavant, l’arrivée en force de ce thème : Richard Abel (ed.), The Politics of Informal Justice, vol. 1, New York, Academic Press, 1982.
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[5]
Pour le domaine pénal, ici effleuré dans la contribution d’Aude Lejeune, voir Anne Wyvekens et Jacques Faget (dir.) La justice de proximité en Europe, Paris, Érès, 2001 ; ou encore, dernièrement, les communications de Laura Aubert, « Les alternatives aux poursuites pénales » et Sandrine Lefranc, « Le mouvement pour la justice restaurative : “an idea whose time has come” » (cette dernière publiée entre-temps dans Droit et Société, 63/64, 2006, p. 393-409) au congrès de l’Association française de sociologie à Bordeaux en septembre 2006. En ligne
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[6]
On pourrait aussi soutenir que certains types de conflits sont devenus plus probables et plus fréquents, ce qui aurait entraîné une « surcharge » des mécanismes sociétaux de composition des litiges, mais cet argument, qui affleure parfois dans le domaine pénal (thème de la montée des violences interpersonnelles), n’est pas énoncé spécifiquement dans les débats étudiés ici.
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[7]
Il est vrai que les recherches menées ces dernières années sur le « sentiment de justice » décèlent une importance croissante des considérations procédurales. L’expérience de la proximité, comme celle d’autres caractéristiques procédurales valorisant la position du justiciable, pourrait donc contribuer à une valorisation globalement positive des décisions judiciaires.
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[8]
L’inégalité entre ces deux catégories d’usagers de la justice est un argument fort du grand rapport sur la justice au Portugal publié sous la direction de Boaventura de Sousa Santos en 1996 (synthétisé dans Boaventura de Sousa Santos, Maria Manuel Leitão Marques et João Pedroso, « Les tribunaux dans les sociétés contemporaines : le cas portugais », Droit et Société, 42/43, 1998, p. 311-331). Il se base à la fois sur toute une lignée de recherches menées notamment aux États-Unis et sur les résultats de l’analyse détaillée des statistiques judiciaires au Portugal. Il est permis d’admettre que l’importance donnée à ce point dans ces recherches a directement inspiré la législation portugaise concernant l’accès des personnes morales à la juridiction de paix.
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[9]
La Recommandation Rec (2002)10 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 18 septembre 2002, sur la médiation en matière civile, rappelle la nécessité de développer “un bon système judiciaire juste, efficace et facilement accessible” et invite à la “promotion de procédures de médiation rapides et facilement accessibles”. Selon la Recommandation Rec (2003)20 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 24 septembre 2003, concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile, la justice des mineurs doit être « appuyée sur les structures de proximité ».
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[10]
Pour la France, voir Marie Valliers, La juridiction de proximité (mémoire de DESS présenté à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, 2002-2003, p. 183), qui constate que « finalement, le juge de proximité apparaît avant tout comme le “juge des consommateurs” sans être pour autant un juge de tous les litiges liés à la consommation ». La différenciation entre deux publics de la justice est aussi opérée par la terminologie des instances communautaires : voir la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (COM[2004] 718 final) du 22 octobre 2004, qui pose comme objectif l’amélioration de l’accès à la justice pour « les particuliers et les entreprises ». Une question à approfondir sur ce point serait de savoir quels rapports cette différenciation entretient avec la distinction traditionnelle entre civil et commercial.