CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En France comme dans les autres pays occidentaux, les modes de traitement des ruptures d’union se sont considérablement diversifiés depuis les années 1970. Lorsqu’ils se séparent, les couples peuvent, ou non, recourir aux tribunaux pour régler les conséquences de leur rupture et, le cas échéant, demander aux juges d’homologuer leur accord ou bien de trancher leur litige. Ces différentes procédures reflètent la pluralité des types d’union (avec la montée de l’union libre puis l’instauration du PACS [1]) mais aussi la valorisation des choix individuels en matière de vie privée. Légitimées par la responsabilisation des ex-conjoint·e·s et la promotion publique et professionnelle du modèle du « bon divorce négocié » [2], les procédures familiales s’ajusteraient ainsi aux besoins variables des couples en fonction de leur situation (mariés ou non, avec ou sans enfant à charge, avec ou sans patrimoine) et des conflits plus ou moins aigus qui les traversent.

2Ces modalités variées de recours à la justice restent insuffisamment étudiées sous l’angle des inégalités. Comme le souligne Rebecca Sandefur, « il existe pourtant des preuves qui révèlent que l’expérience de la justice civile peut être un moteur important de la reproduction des inégalités sociales ». Parce qu’il concerne un large public et a des conséquences pratiques et économiques importantes sur la vie quotidienne des justiciables, « l’accès à cette justice mérite une attention plus soutenue de la part des spécialistes des inégalités » [3]. Dans la littérature américaine, cette question a surtout été traitée sous l’angle de la capacité inégale des citoyens à recourir à la justice. Cet article se centre, en aval, sur le processus judiciaire lui-même et sur les formes variées que prennent les procédures aux affaires familiales selon les caractéristiques des justiciables, pour mettre en évidence l’existence d’inégalités procédurales déjà observées dans d’autres domaines du droit [4].

3Ni les besoins ni les choix en matière de recours aux tribunaux ne sont socialement neutres : ils dépendent des conditions matérielles d’existence et d’aspirations socialement construites, de même que des formes institutionnelles édifiées par les pouvoirs publics et les professions juridiques. Ainsi, le taux de divortialité a longtemps été très variable d’une catégorie sociale à l’autre [5]. Aujourd’hui encore, les différents groupes sociaux ne se saisissent pas des mêmes procédures [6]. Ce « choix » procédural est le produit d’arrangements complexes entre ancien·ne·s partenaires en amont de la séparation comme en aval, au contact d’intermédiaires du droit aux statuts variés – avocat·e·s, personnels d’accueil des tribunaux, éventuellement médiateur·rice·s, etc [7]. Or l’accès aux procédures peut être considéré comme la forme élémentaire d’inégalité face à la justice, orientant la façon dont les professionnel·le·s traitent les histoires familiales et bornant le pouvoir qu’ils et elles exercent sur la vie privée des justiciables. Ces mécanismes inégalitaires, analysés dans des travaux antérieurs [8], méritent à présent d’être mieux quantifiés. Pour ce faire, cet article s’appuie sur une base inédite, tant par la taille de l’échantillon que par la variété des sujets traités, de 4 000 dossiers judiciaires (encadré 1, voir infra). En complément, il mobilisera ponctuellement des données qualitatives issues d’enquêtes de terrain réalisées dans plusieurs juridictions et cabinets d’avocat·e·s.

4Cette base permet d’appréhender trois sources interdépendantes d’inégalités procédurales : la durée des procédures, la conformité [9] institutionnelle (c’est-à-dire la capacité des justiciables à respecter les attentes de l’institution judiciaire) et la complexité des affaires (qui détermine l’investissement des professionnel·le·s dans les dossiers). La durée des procédures est l’indicateur le plus proche des statistiques officielles : à l’heure où la réduction des délais judiciaires est un objectif prioritaire du ministère de la Justice [10], on peut considérer que les justiciables qui attendent le moins sont les mieux servi·e·s par l’institution. La conformité institutionnelle des justiciables est appréhendée par le fait d’assister à l’audience et d’être représenté·e par un·e avocat·e. Nos enquêtes de terrain ont en effet montré que les personnels des tribunaux valorisent ces deux pratiques. Ils les considèrent comme des gages d’investissement dans la procédure, qui facilitent leur propre travail, en évitant les renvois et en préparant les pièces requises [11]. Enfin, un dossier est considéré comme « complexe » dès lors qu’une expertise a été ordonnée par les juges : les professionnel·le·s qualifient volontiers ces dossiers de « lourds » ; ils et elles tendent à s’y investir et à y passer du temps.

Encadré 1. La base « 4 000 Affaires familiales », une base originale de dossiers judiciaires

Entre 2015 et 2017, l’équipe Ruptures, désormais Justines [12] (dont nous faisons partie), a saisi 2 983 dossiers en matière familiale dont la dernière décision a été rendue en 2013 par les juges aux affaires familiales (JAF) de sept tribunaux de grande instance (TGI [13]) relevant de deux cours d’appel. Nous avons anonymisé ces tribunaux, à l’exception de Paris, dont les propriétés sont très spécifiques. La base comprend également un millier de dossiers de cours d’appel qui ne sont pas exploités ici.
Quatre TGI sur les sept du ressort de la cour d’appel de Paris ont été considérés : Paris, Naverty en petite couronne (1,5 million d’habitant·e·s), Vrin en grande couronne (près de 700 000) et Murs, hors Île-de-France (moins de 200 000). Les trois TGI relevant de la cour d’appel de Besson, dans l’Ouest de la France, ont également été étudiés : Besson (800 000), Monteau (près de 600 000), Lutré (300 000). L’échantillonnage, à hauteur de 10 % des jugements rendus durant l’année 2013 dans ces tribunaux, a été effectué par tirage au sort à partir des numéros de dossiers du Répertoire général civil fournis par le ministère de la Justice.
Suivant les types de procédure, trois bases ont été constituées : divorce par consentement mutuel ; divorce contentieux (autre que par consentement mutuel) ; hors ou post-divorce (pour les parents jamais marié·e·s ou déjà divorcé·e·s). Selon la base, entre 800 et 2 500 variables ont été saisies pour chaque affaire. Ces variables renseignent les caractéristiques sociodémographiques des justiciables et de leurs éventuel·le·s enfants (y compris activité professionnelle et situation résidentielle), les caractéristiques de leurs dossiers (présence ou non d’avocat·e·s, taille des conclusions, pièces versées, etc.), les demandes des justiciables et les décisions rendues. Nous avons également renseigné les expertises, les auditions d’enfant, les procédures familiales antérieures ainsi que les autres procédures judiciaires dans lesquelles sont impliquées les parties. 10 % des dossiers de la base « 4 000 Affaires familiales » correspondent à des procédures interrompues avant qu’un·e juge ait statué sur le fond des demandes – ces dossiers étant exclus de l’analyse.
La catégorie socioprofessionnelle des justiciables a été codée à partir des différentes sources présentes dans les dossiers, en privilégiant la plus récente. 82 % des justiciables ont pu être classé·e·s selon la nomenclature agrégée des professions et catégories socioprofessionnelles de l’INSEE [14] (PCS). Sur les 18 % dont on ne connaît pas la PCS, 5 % sont des inactif·ve·s non retraité·e·s ; 8 % des personnes en emploi, chômeuses ou retraitées dont on ne connaît pas la dernière profession. Les justiciables dont on ne connaît ni la profession ni l’activité représentent 5 % de l’échantillon. Le genre des justiciables a toujours été saisi par leur sexe (masculin ou féminin) à l’état civil.

5Chacune de ces dimensions est rapportée à trois opérateurs de différenciation entre justiciables : la classe, le genre et le territoire. L’analyse des différences entre dossiers confirme d’abord le poids des inégalités de classe dans les usages de l’institution judiciaire. Ces inégalités de classe s’articulent à celles de genre [15] : l’expérience judiciaire des femmes et des hommes diffère notablement, particulièrement dans les classes populaires. Pour aborder ces effets croisés, nous nous appuyons sur la « PCS Ménage », récemment proposée par l’INSEE pour appréhender la position sociale des ménages au-delà de la catégorie socioprofessionnelle de la seule personne de référence (encadré 2). Enfin, l’échelle du territoire – entendu comme la juridiction où ces dossiers ont été traités – montre que les juridictions n’ont pas toutes affaire aux mêmes publics, mais surtout que ceux-ci n’ont pas accès aux mêmes services d’un tribunal à l’autre. Territoriales, en plus d’être structurées par la classe et le genre, les inégalités procédurales renvoient à des processus multidimensionnels et souvent cumulatifs. De telles observations mettent clairement en doute ce ciment idéologique [16] du service public à la française qu’est l’égalité de traitement des citoyen·ne·s.

Encadré 2. Saisir l’appartenance sociale des ex-conjoint·e·s

La « PCS Ménage » pour situer socialement les dossiers
Incluse dans l’actuelle refonte des professions et catégories socioprofessionnelles [17], la nouvelle nomenclature de la « PCS Ménage » tient compte de la PCS et de l’activité du ou des deux adultes qui composent le ménage. Elle comprend 7 catégories agrégées et 16 catégories détaillées (tableau 1). Tout en la reprenant largement, notre catégorisation des dossiers se distingue de deux points de vue de cette nomenclature :
  • nous ne saisissons pas la position sociale de ménages, mais de « couples » qui n’en sont plus ou n’en ont jamais été (les affaires hors divorce peuvent opposer des pères et des mères qui n’ont jamais vécu ensemble, pour peu que le père ait reconnu l’enfant) ;
  • nous n’avons saisi la PCS des individus qu’au niveau le plus agrégé. Nous ne pouvons donc distinguer les chef·fe·s d’entreprise des artisan·e·s et commerçant·e·s, tandis que la « PCS Ménage » assimile les premier·e·s aux cadres et les second·e·s aux « petit·e·s indépendant·e·s ». Nous regroupons donc les chef·fes d’entreprise avec les artisan·e·s et commerçant·e·s au sein des « indépendant·e·s ».
Comparer la position sociale des hommes et des femmes dans leurs « couples »
Pour saisir les inégalités au sein de ces « couples », nous avons construit huit groupes à partir du niveau détaillé de la « PCS Ménage ». Toutefois, cette construction s’en écarte pour saisir la plus ou moins grande homogamie, en tenant compte du sexe des conjoint·e·s (tableau 2) :
  • couple à dominante cadre : deux cadres, cadre avec profession intermédiaire, ou indépendant·e avec cadre ou profession intermédiaire ;
  • couple à dominante intermédiaire : deux professions intermédiaires, ou un·e profession intermédiaire avec un·e employé·e ou un·e ouvrier·e ;
  • couple à dominante populaire : deux ouvrier·e·s, un·e employé·e et un·e ouvrier·e, deux employé·e·s ou un·e indépendant·e avec un·e employé·e ou un·e ouvrier·e ;
  • couple avec un homme cadre et une femme employée ou ouvrière ;
  • couple avec une femme cadre et un homme employé ou ouvrier ;
  • couple avec un homme actif et une femme inactive ;
  • couple dont les deux membres sont inactifs ;
  • autres couples (femme active et homme inactif, couple d’indépendant·e·s) et couples dont la PCS de l’un des membres n’est pas connue.

I. Aux affaires familiales : une justice de classe

I.1. D’une procédure à l’autre : les délais vont du simple au double

6En 2012, une publication du ministère de la Justice parlait de « procédure à deux vitesses » [18] pour qualifier l’évolution contrastée des durées de traitement des consentements mutuels et des divorces contentieux. D’après nos données, la première s’est raccourcie pour atteindre 104 jours en moyenne, tandis que la seconde s’allongeait à 873 jours [19]. Cet écart s’explique par la priorité, fixée par la Chancellerie, d’accélérer la procédure aujourd’hui la plus valorisée, celle du divorce par consentement mutuel (CM), dans laquelle les justiciables s’accordent non seulement sur le principe du divorce mais aussi sur toutes ses conséquences, par opposition aux différentes formes de divorce contentieux (DC). L’accélération du temps judiciaire est donc loin d’être un processus uniforme.

7Certes, les exigences des procédures sont variables et elles ne portent pas sur le même type de litige. Les couples non mariés, ou déjà divorcés, ne peuvent saisir les juges aux affaires familiales que pour régler les conditions de prise en charge de leurs enfants. Par comparaison, les divorces, amiables ou contentieux, règlent un ensemble plus vaste de questions : outre la prise en charge des éventuel·le·s enfants, le partage du patrimoine, la prestation compensatoire entre ex-époux·s·e, voire l’usage du nom marital, peuvent être traités. À l’époque de l’enquête, la procédure du consentement mutuel prévoyait une seule audience, à l’issue de laquelle le ou la juge homologuait (presque toujours) la convention de divorce des parties réglant l’ensemble de ces points [20]. Par contraste, les divorces contentieux impliquent au moins deux décisions : d’abord l’ordonnance de non-conciliation (dite ONC) établit, à l’issue d’une audience [21], les mesures provisoires dans l’attente du prononcé du divorce (éventuelle prise en charge des enfants, attribution du domicile conjugal, éventuel devoir de secours) ; ensuite le jugement de divorce règle l’ensemble des conséquences du divorce, au terme d’une procédure principalement écrite.

8Le fait que le divorce contentieux comporte deux décisions ne suffit pas à expliquer les délais plus longs : les différences avec les autres procédures demeurent quand on ne prend en compte que le délai pour obtenir la première décision, l’ONC. Ainsi, 168 jours en moyenne s’écoulent entre la requête et l’ONC alors que, dans les divorces par consentement mutuel, ce délai n’est que de 104 jours entre la requête et le jugement définitif, soit deux mois de moins. Les procédures hors divorce sont les plus longues (198 jours en moyenne entre requête et jugement), alors qu’elles portent sur une variété moindre de questions. Le fait que les procédures en consentement mutuel visent à faire homologuer un accord négocié en amont (via la requête conjointe) n’explique pas non plus cet écart : dans les procédures hors divorce avec requête conjointe où les justiciables viennent aussi faire entériner un accord, le délai moyen pour obtenir une décision reste beaucoup plus élevé (171 jours). Autrement dit, pour bénéficier de l’accélération du temps judiciaire, mieux vaut être marié·e, et quand on est marié·e, ne solliciter les juges qu’a minima, après avoir négocié toutes les conséquences de sa rupture hors des tribunaux. Cette rapidité des divorces s’expliquerait-elle par le fait que ceux-ci impliquent moins systématiquement des enfants ? Nos données montrent qu’il n’en est rien puisque les affaires avec ou sans enfants à charge ont des durées proches au sein de chaque type de procédure. C’est donc bien la priorité de la politique judiciaire en faveur des divorces par consentement mutuel qui explique ces écarts.

I.2. Des procédures aux justiciables : des expériences socialement situées de la justice

9Si les consentements mutuels représentent plus de la moitié des divorces prononcés (59 %), ils constituent moins du tiers (31 %) de l’ensemble des jugements portant sur des ruptures conjugales et leurs conséquences. De surcroît, c’est une procédure socialement sélective. Près de la moitié des anciens couples à dominante cadre saisissant la justice y ont recours (46 %), contre moins du tiers de ceux à dominante ouvrière ou employée (30 %). Ces derniers se présentent plus souvent au tribunal en tant que parents non marié·e·s (41 et 46 % contre 34 % des justiciables à dominante cadre) ou pour des divorces contentieux (29 et 25 % contre 20 %). Parmi les dossiers où l’un·e des partenaires est ouvrier·e ou employé·e et l’autre inactif·v·e, seulement 15 % sont des divorces amiables. La conséquence de cette segmentation sociale des procédures est claire : la priorité donnée aux consentements mutuels est loin d’avoir bénéficié à l’ensemble des justiciables : celles et ceux des classes populaires attendent plus longtemps avant d’obtenir une décision (tableau 1) [22].

Tableau 1. Délai d’attente du premier jugement selon la « PCS Ménage »

« PCS Ménage » du « couple » de justiciablesDurée moyenne entre la requête et le premier jugement (en jours)
Dominante cadre130
cadre avec cadre119
cadre avec profession intermédiaire147
Dominante intermédiaire155
cadre avec employé·e ou ouvrier·ère146
cadre avec inactif·ve168
profession intermédiaire ou cadre avec petit·e indépendant·e153
profession intermédiaire avec profession intermédiaire167
Dominante employée169
profession intermédiaire avec employé·e ou ouvrier·ère171
profession intermédiaire avec inactif·ve188
employé avec employée165
Dominante indépendante163
indépendant·e avec indépendant·e ou inactif·ve147
indépendant·e avec employé·e ou ouvrier·ère169
Dominante ouvrière161
ouvrier·ère avec employé·e160
ouvrier avec ouvrière161
Un·e employé·e ou ouvrier·ère203
employé·e avec inactif·ve198
ouvrier·ère avec inactif·ve206
Deux inactifs171
Non renseigné173
Total général162
Tableau 1. Délai d’attente du premier jugement selon la « PCS Ménage »

Tableau 1. Délai d’attente du premier jugement selon la « PCS Ménage »

Lecture : dans les dossiers impliquant un « couple » à dominante cadre, la durée entre la requête et le premier jugement rendu est en moyenne de 130 jours.
Source : base « 4 000 Affaires familiales ».
Champ : dossiers de première instance dont la procédure n’a pas été interrompue. N = 2 600.

10Ces écarts de durée sont même sensibles au sein d’une procédure donnée. En hors divorce, les anciens couples composés de deux cadres attendent 84 jours de moins que ceux composés d’un·e ouvrier·e ou employé·e et d’un·e inactif·ve. La représentation par avocat·e, la présence des justiciables à l’audience et le recours à des expertises sont autant de facteurs explicatifs de cet écart. D’abord, les dossiers dans lesquels il y a au moins un·e avocat·e sont traités en 40 jours de moins que ceux dans lesquels il n’y en a aucun·e. Inversement, le recours à l’aide juridictionnelle – qui prend en charge la rémunération des avocat·e·s des justiciables les plus modestes, après examen de leur dossier par le bureau dédié du TGI – prolonge les procédures des parents non marié·e·s de 35 jours en moyenne. Ensuite, le délai s’allonge de 10 jours lorsqu’une des deux parties est absente de l’audience. Enfin, lorsqu’une enquête sociale ou une expertise comptable est ordonnée, l’incidence temporelle est encore plus marquée (respectivement + 50 jours et + 56 jours).

11Or, ces pratiques sont aussi indexées sur la position sociale des justiciables. Dans 80 % des dossiers à dominante cadre, les deux justiciables ont un·e avocat·e, alors que c’est le cas dans à peine la moitié des dossiers impliquant des ouvrier·e·s, employé·e·s ou inactif·ve·s. Dans les procédures hors divorce, où la représentation n’est pas obligatoire, ce taux tombe même de 52 à 24 % entre cadres et ouvrier·e·s. De surcroît, l’absence à l’audience est plus fréquente en milieu populaire et parmi les inactif·ve·s : au moins un·e justiciable manque à l’appel dans près de 20 % des audiences qui concernent des couples à dominante ouvrière ou employée, contre seulement 6 % de celles impliquant deux cadres. Enfin, les deux formes d’expertise – psychosociale et comptable – sont polarisées socialement. Les enquêtes sociales, conduisant un·e professionnel·le de la psychologie ou du travail social nommé·e par les juges à se rendre à domicile pour interroger parents et enfants et observer leurs conditions de vie, sont nettement plus fréquentes dans les milieux populaires et indépendants (elles apparaissent dans 10 à 15 % de leurs procédures hors CM) que chez les cadres (5 %). À l’inverse, une expertise comptable est présente dans 5 % des procédures hors CM impliquant deux cadres, mais dans… aucune procédure où l’un·e des partenaires est ouvrier·e ou employé·e et l’autre inactif·ve.

12En somme, les cadres, et dans une moindre mesure les couples « intermédiaires », sont les principaux bénéficiaires de la politique d’efficience judiciaire, ayant en général accès à des procédures rapides, dans lesquelles ils et elles choisissent les professionnel·le·s qui les entourent. Par contraste, les membres de classes populaires (particulièrement les ouvrier·e·s et inactif·ve·s), et dans une moindre mesure les indépendant·e·s, ont beaucoup moins de latitude dans l’organisation de leurs procédures, lesquelles sont plus longues et plus souvent intrusives [23] : ils et elles pâtissent des délais de recours à l’aide juridictionnelle et plus largement des difficultés d’accès aux avocat·e·s. D’un bout à l’autre de l’échelle sociale, tout le monde se sépare, mais les expériences de la justice familiale continuent de varier notablement.

II. Femmes et hommes en justice : des expériences différenciées de l’institution

13À ces inégalités de classe, entre familles, se combinent des inégalités entre ex-conjoint·e·s. Du fait de la division du travail professionnel et domestique, des écarts de revenu entre femmes et hommes ainsi que de la différenciation des rôles parentaux, les conséquences des séparations conjugales diffèrent selon le genre : les femmes s’appauvrissent davantage que les hommes [24], tout en ayant plus souvent la charge quotidienne des enfants [25]. Ces disparités dans les conditions et les modes de vie après la rupture se combinent à des usages différenciés de la justice familiale.

II.1. Des femmes plus conformes que les hommes

14Les femmes sont en effet plus conformes aux attentes institutionnelles que les hommes : elles sont deux fois moins souvent absentes à l’audience et ont plus souvent un·e avocat·e (79 % sont représentées à un moment de la procédure, contre 69 % des hommes). Les justiciables absent·e·s à l’audience sans avoir d’avocat·e sont aux trois quarts des hommes. Ce double manquement limite vraisemblablement leur capacité à faire valoir leurs droits, tout en compliquant les démarches de leurs ex-conjointes (qui ont bien du mal, par exemple, à prouver leurs revenus lorsqu’ils ne fournissent pas les pièces requises).

15Les procédures sont genrées dès leur commencement. Hors requêtes conjointes (soit tous les consentements mutuels et un dossier hors divorce sur dix), la requête est deux fois plus souvent déposée par une femme que par un homme. Sans surprise, les requérant·e·s se conforment davantage aux attentes de l’institution judiciaire : la quasi-totalité (99 %) se présente à l’audience et/ou a un·e avocat·e. La surreprésentation des femmes parmi les requérant·e·s tient pour partie au fait qu’elles ont un intérêt plus immédiat aux procédures : 87 % de celles qui ont déposé seules la requête ont des enfants mineurs (contre 72 % pour l’ensemble). Bien souvent, avant même que la séparation soit officialisée devant la justice, elles en ont la charge quotidienne. Par conséquent, elles doivent engager des démarches pour demander aux pères une contribution à l’entretien de ces enfants [26]. Lorsqu’elles sont allocataires du revenu de solidarité active (RSA), ou demandent l’allocation de soutien familial (ASF – destinée aux enfants dont un des parents ne peut contribuer), elles sont fortement incitées par les administrations sociales à déposer une requête en justice [27].

16La plus grande familiarité des femmes avec les administrations [28], notamment dans les classes populaires, explique sans doute pourquoi elles se plient davantage aux attentes institutionnelles que les hommes, même quand elles ne sont pas à l’origine de la procédure. 84 % des femmes non requérantes sont présentes à l’audience (contre 78 % des hommes), et 62 % sont représentées (contre 51 %). Leurs moindres ressources et la présence plus fréquente d’enfants dans leur foyer rendent plus probable leur éligibilité à l’aide juridictionnelle (le plafond de ressources permettant d’y avoir accès est alors plus élevé), dont elles sont 2,6 fois plus nombreuses à bénéficier. En somme, plusieurs facteurs combinés conduisent les femmes à se conformer aux attentes des professionnel·le·s, quand une proportion significative d’hommes en reste à distance.

II.2. Des différences de genre surtout marquées dans les classes populaires, des différences de classe surtout sensibles chez les hommes

17La non-conformité masculine est d’abord une question de classe et de situation d’emploi, puisque les chômeurs, ouvriers et employés sont quatre fois plus souvent sans avocat·e et absents à l’audience que les cadres (9 % contre 2 %). Même en omettant les consentements mutuels (qui supposent requête conjointe et représentation par avocat·e), les hommes des classes moyennes et supérieures sont toujours plus conformes que ceux des classes populaires… notamment parce qu’ils sont plus souvent à l’initiative des procédures. Près de la moitié des professions intermédiaires (47 %) et cadres (43 %) ont initié la requête, seuls ou avec leur ex-conjointe. Autrement dit, quand on monte dans l’échelle sociale, les écarts entre femmes et hommes se réduisent, principalement parce que les usages masculins de la justice changent : leur plus grande solvabilité, leur volonté plus fréquente d’obtenir la résidence des enfants [29], voire leur souhait de réduire la pension alimentaire encouragent leur implication dans la procédure.

18La conformité des femmes est moins sensible aux différences de classe. Quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle, plus de 90 % assistent à l’audience. L’absence de représentation est plus rare chez les femmes cadres que chez les autres (12 % contre 23 %), mais les inactives sont plus souvent représentées que les cadres dans les procédures hors divorce. Ceci confirme l’importance de l’intérêt à agir en justice – particulièrement pour ces femmes qui n’ont pas de revenu du travail et pour qui les conséquences financières des séparations peuvent être dramatiques [30] – et de l’accès à l’aide juridictionnelle (plus de la moitié des inactives en bénéficient, soit deux fois plus que la moyenne des femmes).

II.3. Le poids des inégalités professionnelles entre ex-conjoint·e·s

19Du fait de la fréquence de l’homogamie [31] et de l’augmentation du taux d’activité féminin [32], la majorité des ex-conjoint·e·s ont des positions relativement proches sur le marché du travail : 80 % constituent des couples biactifs ; 60 % appartiennent à des PCS identiques ou voisines. En revanche, quand les positions des deux ex-conjoint·e·s sont asymétriques, c’est en général la femme qui est désavantagée sur le marché du travail, qu’elle soit inactive tandis que son ex-conjoint est actif (10 % des dossiers, contre 2 % en sens inverse), ou qu’elle soit ouvrière ou employée tandis qu’il est cadre (4 % des dossiers, contre 2 % en sens inverse). Reflétant la structure genrée du marché du travail, ces configurations inégalitaires affectent le processus de séparation : ces femmes risquent de voir leur niveau de vie chuter drastiquement, et sont amenées à solliciter plus systématiquement la justice pour limiter cette perte de niveau de vie (contribution à l’entretien des enfants, devoir de secours, prestation compensatoire). Régulièrement, l’asymétrie conjugale débouche ainsi sur une implication asymétrique dans la procédure (tableau 2, voir infra).

20La position relative des justiciables pèse dès l’orientation entre les procédures, se combinant au type d’union existant en amont [33]. Les anciens couples biactifs sont surreprésentés en consentement mutuel. Ici, la position professionnelle de la femme est plus déterminante que celle de l’homme : quel que soit le statut de ce dernier, les dossiers impliquant une femme en emploi cadre ou profession intermédiaire sont des CM dans près d’un cas sur deux ; ceux impliquant une employée ou une ouvrière dans un tiers des cas, et ceux impliquant une inactive dans seulement un cinquième.

21L’hétérogamie joue sur les autres dimensions de la procédure. En divorce contentieux et en hors divorce, les employées ou ouvrières qui étaient en couple avec un cadre initient seules la procédure dans une proportion inégalée (71 %). Leurs ex-conjoints sont trois fois plus souvent absents à l’audience que les autres hommes de classe supérieure (9 % contre 3 %) et ils sont plus nombreux à ne pas être représentés (25 % contre 17 %).

Tableau 2. Rapport à la procédure selon la position professionnelle relative des ex-conjoint·e·s

Ensemble10072,116231,321,846,810022,441,635,910094,489,278,969,1
Autre ou non renseigné21,669,915822,618,958,510029,443,127,210087,981,771,962,3
Deux inactifs1,877,117118,831,350,010027,154,218,810099,181,385,464,6
Homme actif Femme inactive10,079,219618,127,454,410025,154,820,110094,585,383,861,4
Forte hétérogamieHomme cadre avec employée ou ouvrière4,265,514133,621,844,510014,547,338,210097,990,079,174,5
Femme cadre avec employé ou ouvrier2,163,615741,821,836,410027,325,547,310095,8100,085,585,5
Homogamie ou faible hétérogamieDominante populaire25,571,116330,027,742,310019,746,733,610097,389,678,866,6
Dominante intermédiaire13,780,117032,616,351,510023,937,938,210095,091,072,865,2
Dominante cadre2168,913447,017,935,11001729,653,410097,396,586,582,8
ModalitésCM *DC *HD *TotalHomme seulFemme seuleRequête conjointeTotalFemmeHommeFemmeHomme
VariablesPart de l’échantillonPart ayant au moins un enfant mineurDurée requête – première décision (jours)ProcéduresJusticiable(s) ayant déposé la requêtePart des justiciables présent·e·s à l’audiencePart des justiciables ayant un·e avocat·e
Tableau 2. Rapport à la procédure selon la position professionnelle relative des ex-conjoint·e·s

Tableau 2. Rapport à la procédure selon la position professionnelle relative des ex-conjoint·e·s

* CM : divorce par consentement mutuel ; DC : divorce contentieux ; HD : hors divorce.
Lecture : 21 % des dossiers ininterrompus impliquent un « couple » à dominante cadre.
Source : base « 4 000 Affaires familiales ».
Champ : dossiers de première instance dont la procédure n’a pas été interrompue. N = 2 600.

22Les écarts procéduraux entre femmes et hommes sont également marqués quand la femme est inactive et l’homme actif. Ces configurations sont surreprésentées dans les procédures hors divorce, ainsi que dans les procédures où la requête est initiée par la femme seule. Ces femmes viennent tout autant à l’audience que les autres et elles sont même davantage représentées (83 % contre 79 % en moyenne). En miroir, leurs ex-conjoints sont les moins représentés (61 % d’entre eux, contre 69 % en moyenne) et assistent moins à l’audience que les autres (85 % contre 89 %). Enfin, le taux d’enquête sociale est plus élevé dans ces dossiers (18 % contre 11 % en moyenne dans les dossiers non interrompus avec enfants, à l’exclusion des divorces par consentement mutuel). Les conflits relatifs à la résidence ou au droit de visite des enfants seraient-ils plus fréquents entre ces parents dont le travail domestique est tendanciellement très inégalement réparti [34] ? Toujours est-il que la non-conformité masculine et les enquêtes sociales contribuent à allonger le délai de traitement (196 jours, contre 162 en moyenne, entre la requête et le premier jugement), alors même que ces femmes inactives ont, du fait de leur précarité financière, un besoin vraisemblablement pressant d’une décision de justice, et ce d’autant plus qu’elles ont plus souvent des enfants mineurs (79 % d’entre elles contre 72 % en moyenne).

23Les inégalités professionnelles et domestiques entre ex-conjoint·e·s pèsent sur les ressources que chacun·e peut mobiliser à l’issue de la séparation, ainsi que sur les intérêts qu’il ou elle cherche à y faire valoir. En tendant à faire diverger les conséquences de la séparation, les situations les plus inégalitaires sont ainsi celles qui débouchent sur les expériences de l’institution judiciaire les plus polarisées entre femmes et hommes.

III. Des territoires inégaux face à la justice

24Ces inégalités structurées par la classe et le genre tiennent-elles aussi au territoire où vivent les justiciables et donc à la juridiction compétente pour entendre leur affaire [35] ? Autrement dit, une femme de classe populaire aura-t-elle la même expérience de la justice familiale selon qu’elle réside à Paris, dans un département de petite couronne parisienne ou dans une zone rurale ? En France, les travaux sur les inégalités territoriales portent principalement sur la justice pénale [36]. En s’appuyant sur les déterminants identifiés par ces travaux, notre recherche met en évidence des inégalités territoriales majeures du point de vue des délais de traitement et du recours aux avocat·e·s.

III.1. Derrière le territoire, la classe ?

25En premier lieu, les procédures diffèrent parce que les publics des tribunaux n’ont pas les mêmes caractéristiques sociales. Si l’âge médian des justiciables varie peu (de 40 ans à Besson à 43 ans à Paris), la structure par catégorie sociale est contrastée. Dans les trois TGI de l’Ouest (Lutré, Monteau, Besson) et dans deux TGI de la cour d’appel de Paris (Naverty et Murs), les justiciables de classes populaires représentent près des deux tiers du public des affaires familiales (entre 63 % à Naverty et 65 % à Monteau) alors que la part des cadres est inférieure à 15 %. Toutefois, la biactivité conjugale est plus fréquente à Murs (90 % des dossiers) que dans les autres tribunaux à dominante populaire (80 %). Le public de Vrin, en grande banlieue parisienne, est moins populaire que celui des cinq autres tribunaux (55 % des justiciables), et connaît un taux intermédiaire de couples biactifs. Enfin, le TGI de Paris se distingue fortement des autres puisqu’à peine un tiers des justiciables appartiennent aux classes populaires et que près de la moitié sont cadres. Cette surreprésentation des classes supérieures explique pourquoi les divorces par consentement mutuel y sont bien plus fréquents (41 % des procédures, contre moins de 30 % partout ailleurs, graphique 1).

Graphique 1. Répartition par type de procédure achevée selon les tribunaux

Graphique 1. Répartition par type de procédure achevée selon les tribunaux

Graphique 1. Répartition par type de procédure achevée selon les tribunaux

Source : base « 4 000 Affaires familiales ».
Champ : dossiers de première instance dont la procédure n’a pas été interrompue. N = 2 600.

26En revanche, d’autres disparités territoriales peuvent difficilement être vues comme un simple effet de la composition sociale des publics et tiennent à des facteurs propres aux juridictions.

III.2. Des inégalités territoriales irréductibles aux publics

27Les contrastes entre les juridictions aux publics socialement proches sont en effet notables du point de vue des délais comme de l’accès aux avocat·e·s (tableau 3).

Tableau 3. Caractéristiques des procédures selon le tribunal

Tribunal de grande instanceEffectif (individus)Délai requête/ 1er jugement (en jours)Part des justiciables avec avocat·e, toutes procédures (en %)Part des justiciables avec avocat·e, hors divorce (en %)Aide juridictionnelle parmi l’ens emble des justiciables (en %)Aide juridictionnelle parmi les justiciables avec avocat·e (en %)
Besson61215678644050
Lutré25815771583345
Monteau29413372513143
Paris1 96013578551012
Naverty1 22020367401521
Vrin67817365401726
Murs18021073533344
Ensemble5 20216273501925
Tableau 3. Caractéristiques des procédures selon le tribunal

Tableau 3. Caractéristiques des procédures selon le tribunal

Lecture : 612 justiciables sont impliqués dans les dossiers du TGI de Besson de la base. Ils et elles ont attendu en moyenne 156 jours le premier jugement qui a suivi leur requête. 78 % avaient un·e avocat·e, dont 64 % de celles et ceux qui effectuaient une procédure hors divorce. 40 % bénéficiaient de l’aide juridictionnelle, soit 50 % des justiciables représentés par avocat·e.
Source : base « 4 000 Affaires familiales ».
Champ : justiciables impliqués dans une procédure de première instance non interrompue. N = 5202.

28Toutes procédures confondues, le délai moyen d’obtention d’une décision va de 133 et 135 jours à Monteau et Paris à 203 et 210 jours à Naverty et Murs. Les écarts sont encore plus frappants lorsqu’on compare la durée pour chaque type de procédure : de 50 à 127 jours en consentement mutuel, de 86 à 209 jours pour l’ordonnance de non-conciliation en divorce contentieux, et de 162 à 258 jours pour un jugement hors divorce. Les tribunaux les plus rapides ne sont pas les mêmes selon la procédure considérée : Lutré pour le consentement mutuel, Monteau pour l’ordonnance de non-conciliation, Besson pour le hors divorce. Mais quelle que soit la procédure, c’est à Naverty – gros tribunal de la région parisienne implanté dans un département dense à dominante populaire – et à Murs – petit tribunal situé dans un territoire industriel à faible densité, limitrophe de l’Île-de-France – que l’on attend le plus. La rapidité de traitement des consentements mutuels (à laquelle les courts délais parisiens sont en partie imputables) n’explique pas pourquoi le TGI de Monteau, où seulement 18 % des procédures sont des CM, rend des décisions aussi promptement.

29De surcroît, la place et les caractéristiques des avocat·e·s varient beaucoup d’un tribunal à l’autre. Les TGI franciliens hors Paris se distinguent par un taux de représentation plus faible qu’ailleurs : 65 % et 67 % à Vrin et Naverty contre 78 % à Paris et Besson. Les deux juridictions d’appel se distinguent aussi par le taux de recours à l’aide juridictionnelle (AJ) : 10 % à 17 % des justiciables en bénéficient dans les TGI franciliens, contre 30 à 40 % dans les autres juridictions. Les différences entre Besson et Naverty, deux tribunaux fréquentés par des classes populaires et par des femmes inactives, sont particulièrement frappantes en ce qui concerne la représentation par avocat·e. Alors que leurs publics sont socialement proches, du point de vue de l’appartenance sociale comme des configurations conjugales, celle-ci est bien moins fréquente à Naverty qu’à Besson (40 % contre 64 % dans les procédures hors divorce). En revanche, la part des justiciables bénéficiant de l’AJ varie plus que du simple au double (15 % contre 40 % parmi l’ensemble des justiciables).

30Ces écarts nous conduisent à formuler l’hypothèse d’un « effet tribunal » : parce que les tribunaux n’ont pas tous les mêmes moyens, et n’adoptent pas la même organisation pour régler ce contentieux, parce que les caractéristiques des marchés locaux du conseil juridique sont elles aussi contrastées, le déroulement des procédures varie notablement d’un « territoire de justice » [37] à l’autre.

III.3. Les organisations juridictionnelles et les marchés du conseil juridique pèsent sur les inégalités procédurales

31Les inégalités de ressources entre juridictions se mesurent d’abord par la charge de travail qui pèse sur les juges aux affaires familiales. Ceux de Naverty traitent beaucoup plus de dossiers que les autres (718 par an en moyenne, contre 537 à Paris et moins de 500 dans les autres TGI [38]) – ce qui pourrait expliquer la sur-attente qu’y subissent les justiciables.

32Cette explication est cependant insuffisante puisque, dans le tribunal de Murs, les délais sont très longs alors que les trois JAF ont traité moins de dossiers qu’ailleurs (389 en moyenne). En fait, dans ce tribunal de petite taille (le plus petit des sept enquêtés), ces juges sont polyvalents et doivent prendre en charge une partie du contentieux pénal. D’un tribunal à l’autre, la division du travail adoptée entre chambre de la famille et autres chambres, mais aussi entre les procédures familiales, varie significativement. À Monteau, Lutré ou Besson, trois tribunaux aux délais réduits, la spécialisation est plus poussée qu’ailleurs : un ou plusieurs juges sont quasi exclusivement affectés au traitement d’une procédure donnée. Les entretiens que notre équipe a menés à Besson montrent que cette spécialisation par procédure participe d’une politique plus globale, portée par le président et les vice-président·e·s, pour diffuser des outils gestionnaires dans leur juridiction.

33Enfin, les trajectoires professionnelles des juges peuvent contribuer aux variations observées. Murs et Vrin sont les juridictions où les postes de JAF semblent les moins attractifs puisque les juges qui y exercent sont en début de carrière (4 et 5 ans d’ancienneté en moyenne [39]) et restent peu de temps dans la juridiction (un peu plus de deux ans en moyenne). À l’opposé, les juridictions de l’Ouest sont celles où les juges aux affaires familiales sont à la fois les plus avancés dans la carrière (13, 14 et 19 ans à Monteau, Besson et Lutré) et restent en poste le plus longtemps. Charge de travail, division du travail, expérience et stabilité des juges se combinent de façon spécifique dans chacun des territoires étudiés, mais certains territoires cumulent les facteurs favorables à un traitement rapide des affaires (les tribunaux de l’Ouest), tandis que d’autres juridictions, en banlieue populaire (Naverty) ou en territoire rural (Murs), présentent un voire plusieurs handicaps qui contribuent à l’allongement des procédures.

34Pour expliquer les inégalités dans l’accès aux avocat·e·s et à l’aide juridictionnelle, il faut explorer d’autres hypothèses. La première tient aux disparités locales dans l’accessibilité financière du conseil juridique. Dans la juridiction de Besson, où notre équipe a conduit une enquête approfondie, la très grande majorité des avocat·e·s œuvrant aux affaires familiales accepte la clientèle de l’aide juridictionnelle et travaille au forfait. Par contraste, une bonne partie des avocat·e·s du barreau de Paris exclut de sa clientèle les ayants droit à l’aide juridictionnelle et pratique des honoraires à l’heure travaillée à la fois élevés et incertains [40]. On peut alors se demander si ce constat ne vaut pas plus largement pour la région parisienne, contribuant aux faibles taux de représentation observés à Vrin et Naverty.

35Les modes de recours à l’aide juridictionnelle doivent également être pris en compte. À Paris, Naverty et Vrin, les justiciables ayant un·e avocat·e rémunéré·e par l’AJ attendent en moyenne 55, 52 et 37 jours de plus pour obtenir une décision que les justiciables qui paient leurs frais d’avocat·e, tandis que cette sur-attente est comprise entre 12 et 21 jours dans les juridictions de l’Ouest. Si demander l’AJ signifie attendre encore plus longtemps, qui plus est dans un territoire comme Naverty où les délais sont déjà longs, il est possible qu’une partie des justiciables éligibles renoncent à avoir un avocat·e ou se résolvent à le payer par eux-mêmes. Enfin, l’origine nationale pèse sans doute aussi. À Naverty, les justiciables sont plus souvent étranger·ères [41] ou né·e·s à l’étranger, ce qui peut compliquer la constitution de dossiers d’aide juridictionnelle, qui requièrent plusieurs pièces d’état civil. Plus généralement, la précarité administrative des justiciables (situation régulière ou non, logement stable ou non, travail sous contrat ou au noir, et ainsi accès plus ou moins aisé aux justificatifs demandés) se fait sentir sur le fonctionnement des juridictions tout en informant l’expérience judiciaire des justiciables.

Conclusion

36Les usages de la justice familiale varient selon l’appartenance sociale, mesurée à partir des configurations professionnelles au sein des couples. Les justiciables de classes populaires attendent le plus longtemps, et ce pour plusieurs raisons : ils passent par des procédures traitées moins rapidement par les juges, qui sont en revanche plus prompt·e·s à diligenter des enquêtes sociales pour explorer leurs situations. De surcroît, ils et elles sollicitent plus souvent l’aide juridictionnelle, tout en étant moins conformes aux attentes institutionnelles. Les récentes réformes de la justice familiale l’ont certes rendue plus efficace pour certain·e·s justiciables, mais au prix d’une accentuation des inégalités.

37Les inégalités au sein des couples de sexe différent comptent elles aussi. Les femmes inactives se trouvent face à des conjoints peu diligents, y compris lorsqu’ils sont cadres. Ces situations de fortes inégalités conjugales semblent conduire à des procédures plus conflictuelles : ces ex-conjoint·e·s passent moins par le consentement mutuel et font davantage l’objet d’expertises qui allongent les procédures. Les femmes inactives sont ainsi celles qui, malgré la précarité de leur situation, attendent le plus longtemps le règlement judiciaire de leur rupture.

38Les expériences de la justice familiale, des plus rapides et mieux conseillées aux plus longues et intrusives, varient donc indissociablement en fonction de la classe et du genre. S’y articule la variabilité des expériences d’un tribunal à l’autre : dans certaines juridictions, les difficultés rencontrées par les justiciables des classes populaires, et en particulier les femmes, sont renforcées par le manque de moyens des tribunaux et par l’élitisme du marché du conseil juridique. Cette étude confirme à quel point les expériences de l’institution judiciaire – et plus largement des services publics – sont territorialisées dans la France contemporaine.

39Ces constats quantitatifs encouragent à mettre en œuvre des outils statistiques plus élaborés pour mieux décrire comment ces inégalités se cumulent, se recoupent ou s’articulent, mais aussi à mobiliser des enquêtes de terrain, du côté des professionnel·le·s et des ex-conjoint·e·s, pour rendre compte des expériences socialement et territorialement situées de la justice.

Notes

  • [1]
    Pacte civil de solidarité.
  • [2]
    Irène Théry, Le démariage. Justice et vie privée, Paris : Odile Jacob, 2001 [1993].
  • [3]
    Rebecca Sandefur, « Access To Civil Justice and Race, Class, and Gender Inequality », Annual Review of Sociology, 34, 2008, p. 340, notre traduction.
  • [4]
    Alexis Spire et Katia Weidenfeld, « Le tribunal administratif : une affaire d’initiés ? Les inégalités d’accès à la justice et la distribution du capital procédural », Droit et Société, 79, 2011, p. 689-713.
  • [5]
    Anne Boigeol et Jacques Commaille, « Divorce, milieu social et situation de la femme », Économie et Statistique, 53, 1974, p. 3-21.
  • [6]
    Le Collectif Onze, Au tribunal des couples. Enquête sur des affaires familiales, Paris : Odile Jacob, 2013, p. 63. Anne Lambert, « Des causes aux conséquences du divorce : histoire critique d’un champ d’analyse et principales orientations de recherche en France », Population, 64, 2009, p. 155-182.
  • [7]
    Voir par exemple, pour la pratique du divorce pour faute en France et du divorce pour cause objective en Hongrie : Veronika Nagy, « Guerre et paix dans le divorce. La négociation sur les conséquences de la désunion au cœur des procédures ? », Négociations, 13, 2010, p. 63-75.
  • [8]
    Émilie Biland, Gouverner la vie privée. L’encadrement inégalitaire des séparations conjugales en France et au Québec, Lyon : ENS-Éditions, 2019.
  • [9]
    Cette expression est forgée à partir du terme anglais compliance, dans le sens utilisé pour décrire les comportements des malades : est dit compliant celui ou celle qui suit les prescriptions des médecins (notamment en matière de prise des médicaments). Ici, cette conformité ne renvoie pas à des prescriptions au sens strict, mais aux normes d’implication dans les procédures, au sujet desquelles juges et avocat·e·s tendent à s’accorder.
  • [10]
    Benoit Bastard, David Delvaux, Christian Mouhanna et Frédéric Schoenaers, Justice ou précipitation. L’accélération du temps dans les tribunaux, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2016. Angèle Christin, Comparutions immédiates. Enquête sur une pratique judiciaire, Paris : La Découverte, 2008 ; Anne-Cécile Douillet, Thomas Léonard, Thomas Soubiran et Helena Yazdanpanah, Logiques, contraintes et effets du recours aux comparutions immédiates. Étude de cinq juridictions de la cour d’appel de Douai, rapport de recherche, Mission de recherche Droit et Justice, 2015.
  • [11]
    Patricia Benech-Le Roux, « Les rôles de l’avocat au tribunal pour enfants », Déviance et Société, 30, 2006, p. 155-177 ; Philip Milburn, « La compétence relationnelle : maîtrise de l’interaction et légitimité professionnelle. Avocats et médiateurs », Revue française de sociologie, 43 (1), 2002, p. 47-72 ; Abel Sarat, William L. F. Felstiner, Divorce Lawyers and Their Clients: Power and Meaning in the Legal Process, New York : Oxford University Press, 1995 ; Céline Bessière, Muriel Mille et Gabrielle Schütz, « Les avocat·e·s en droit de la famille face à leur clientèle. Variations sociales dans la normalisation de la vie privée », Sociologie du travail, 62 (3), 2020.
  • [12]
    Voir : <justines.cnrs.fr>. Ce travail a été financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-12-JSH1-003-01-RUPTURES) puis par la Mission de recherche Droit et Justice (« Justice et inégalités au prisme des sciences sociales », 2018-2020) et la Ville de Paris (programme Émergence, 2018-2022).
  • [13]
    Aujourd’hui tribunaux judiciaires.
  • [14]
    Institut national de la statistique et des études économiques.
  • [15]
    Les procédures étudiées ont été initiées avant que le mariage soit ouvert aux couples de même sexe, et que ceux-ci puissent être reconnus comme les deux parents d’enfants commun·ne·s. Elles opposent donc systématiquement un homme à une femme, et notre base recense autant de justiciables enregistré·e·s comme femmes que comme hommes.
  • [16]
    Jacques Chevallier, Le service public, Paris : PUF, 2010.
  • [17]
    Pour une description du groupe de travail constitué par le Conseil national de l’information statistique autour de la rénovation de cette nomenclature : <https://www.cnis.fr/instances/groupe-de-travail-renovation-de-la-nomenclature-des-professions-et-categories-socio-professionnelles-pcs-2018-2019/>.
  • [18]
    Zakia Belmokhtar, « Divorces : une procédure à deux vitesses », Infostat Justice, 117, 2012.
  • [19]
    Ces durées sont sensiblement plus longues que celles observées en 2010 pour l’ensemble de la France par Zakia Belmokhtar (art. cité) : 80 jours et 685 jours en moyenne. Cette différence peut être liée à la poursuite des évolutions antérieures des durées des procédures, à un engorgement conjoncturel de la justice aux affaires familiales en 2013 comme à la spécificité des tribunaux où nous avons enquêté. S’il ne faut pas généraliser à l’échelle nationale les valeurs absolues des durées que nous observons, les écarts de durée entre les procédures sont en revanche comparables avec les écarts observés au niveau de la France entière.
  • [20]
    La possibilité de divorce non judiciaire a été introduite en 2017 pour les consentements mutuels. Ce divorce par acte d’avocats n’est pas pris en compte dans cet article, qui repose sur des données antérieures à cette réforme.
  • [21]
    Cette audience devrait être supprimée à compter du 1er janvier 2021, en application des lois n° 2019-222 du 23 mars 2019 et n° 2020-734 du 18 juin 2020, ainsi que du décret n° 2020-950 du 30 juillet 2020.
  • [22]
    Une autre différence entre groupes sociaux concerne les interruptions de procédure. Celles-ci sont les plus rares dans les dossiers des couples à dominante cadre (6 %) et les plus fréquentes dans les dossiers des couples à dominante indépendante et ceux dans lesquels l’un·e des partenaires est ouvrier·e ou employé·e et l’autre inactif·ve (14 %).
  • [23]
    Julie Minoc, « (Dés)ordres familiaux à la loupe. Les normes maternelles et paternelles au prisme de l’enquête sociale », Droit et Société, 95, 2017, p. 71-86.
  • [24]
    Carole Bonnet, Bertrand Garbinti et Anne Solaz, Gender Inequality after Divorce: The Flip Side of Marital Specialization Evidence from a French Administrative Database, Document de travail G 2016 / 03, Direction des études et synthèses économiques, INSEE, 2016.
  • [25]
    Valérie Carrasco et Clément Dufour, « Les décisions des juges concernant les enfants de parents séparés ont fortement évolué dans les années 2000 », Infostat Justice, 132, 2015.
  • [26]
    La « pension alimentaire » compte pour 18 % du revenu médian que déclarent les mères séparées. Carole Bonnet, Bertrand Garbinti et Anne Solaz, « Les conditions de vie des enfants après le divorce », Insee Première, 1536, 2015, p. 3.
  • [27]
    Depuis 2017, les pouvoirs accrus des caisses d’allocations familiales en matière de pension alimentaire ont sans doute limité ce motif de recours.
  • [28]
    Yasmine Siblot, « “Je suis la secrétaire de la famille !’’ La prise en charge féminine des tâches administratives entre subordination et ressource », Genèses, 64, 2006, p. 46-66.
  • [29]
    La résidence alternée concerne moins de 2 % des enfants dans les foyers fiscaux les plus pauvres. Elle dépasse 3 % à compter du cinquième décile. Élisabeth Algava, Sandrine Penant et Leslie Yankan, « En 2016, 400 000 enfants alternent entre les deux domiciles de leurs parents séparés », Insee Première, 1728, 2019.
  • [30]
    Céline Bessière et Sibylle Gollac, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, Paris : La Découverte, 2020, p. 235-267.
  • [31]
    Milan Bouchet-Valat, « Les évolutions de l’homogamie de diplôme, de classe et d’origine sociale en France (1969-2011) : ouverture d’ensemble, repli des élites », Revue française de sociologie, 55 (3), 2014, p. 459-505.
  • [32]
    Dans les couples avec enfant(s), l’écart de taux d’activité des femmes et des hommes est de 10 points en 2016 (69 % contre 79 %). Le taux d’activité des « mères monoparentales » est légèrement inférieur à celui des mères en couple (65 %). INSEE, Tableaux de l’économie française, « Femmes et hommes », 2018, p. 39.
  • [33]
    La corrélation entre état matrimonial et position sociale est imparfaitement documentée. En 2005, les personnes diplômées de l’enseignement supérieur avaient plus de chances de vivre en union libre que les personnes moins ou pas diplômées. Toutefois, l’âge était le déterminant le plus significatif du statut matrimonial (France Prioux, « Les couples non mariés en 2005 : quelles différences avec les couples mariés ? », Politiques sociales et familiales, 96, 2009, p. 87-95). La répartition entre les procédures de divorce et hors divorce n’est cependant pas le strict reflet de l’état matrimonial. Les couples non mariés peuvent plus facilement s’arranger officieusement que les couples mariés, mais les divorcé·e·s peuvent revenir en justice dans le cadre de procédures hors divorce.
  • [34]
    Cécile Brousse, « Travail professionnel, tâches domestiques, temps “libre” : quelques déterminants sociaux de la vie quotidienne », Économie et statistique, 478-480, 2015, p. 119-154.
  • [35]
    Pour qu’une juridiction soit compétente pour traiter un dossier, il faut qu’au moins un·e des deux justiciables réside sur le territoire de leur ressort (le plus souvent le département).
  • [36]
    Étienne Cahu, « Géographie de la justice pénale en France. L’équité à l’épreuve des territoires », thèse de doctorat en géographie, Université de Rouen, 2017 ; Anne-Cécile Douillet et al., Logiques, contraintes et effets du recours aux comparutions immédiates. Étude de cinq juridictions de la cour d’appel de Douai, op. cit.
  • [37]
    Jacques Commaille, Territoires de justice : une sociologie politique de la carte judiciaire, Paris : PUF, 2000 ; Camille François, « Déloger le peuple. L’État et l’administration des expulsions locatives », thèse de doctorat en sociologie, Saint-Denis : Université Paris 8, 2017.
  • [38]
    Ce ratio correspond au nombre de JAF exerçant dans la juridiction en 2013 rapporté au nombre de dossiers traités devant la chambre de la famille au cours de cette même année. Nous l’avons calculé à partir du nom des juges, renseigné dans chaque dossier (en tenant compte des nominations en cours d’année et en excluant les juges n’ayant rendu qu’un très petit nombre de décisions, qui ne sont vraisemblablement pas JAF mais ont « dépanné » occasionnellement la chambre de la famille).
  • [39]
    Nous avons reconstitué les carrières des juges à partir des mesures nominatives disponibles sur le site Legifrance (complétées par les données disponibles sur le site <https://jorfsearch.steinertriples.fr>).
  • [40]
    Céline Bessière, Muriel Mille et Gabrielle Schütz, « Les avocat·e·s en droit de la famille face à leur clientèle. Variations sociales dans la normalisation de la vie privée », article cité.
  • [41]
    76 % des justiciables dont la nationalité est connue ont la nationalité française à Naverty, contre 85 % dans l’ensemble de l’échantillon.
Français

Au moins un couple sur deux se sépare et le traitement judiciaire de ces séparations ne cesse de se diversifier. Analyser les inégalités face à ces procédures est essentiel pour questionner tant l’égalité de traitement dans les services publics que la différenciation des trajectoires sociales à l’issue de ces transitions familiales. Cet article mobilise une base inédite de 4 000 dossiers judiciaires en matière familiale, constituée dans sept tribunaux de grande instance, pour examiner les interdépendances entre les inégalités de classe, de genre et de territoire, au regard des délais de jugement, de la représentation par avocat·e et du recours à l’expertise. Les expériences de la justice familiale des hommes et des femmes qui se séparent sur le territoire français métropolitain varient significativement, tant en fonction de leurs propriétés sociales que de l’organisation des différents tribunaux et des marchés locaux du conseil juridique.

Mots-clés

  • Classe
  • Conseil juridique
  • Genre
  • Inégalités
  • Justice familiale
  • Territoire
Émilie Biland
Émilie Biland est professeure de sociologie à Sciences Po, membre du CSO et de l’Institut universitaire de France. Au sein des groupes Ruptures, Collectif Onze puis Justines, elle travaille depuis 2008 sur le traitement judiciaire des séparations conjugales, et plus largement sur l’encadrement public de la vie privée, et ses incidences sur la structuration des rapports sociaux. Elle a récemment publié :
Gouverner la vie privée. L’encadrement inégalitaire des séparations conjugales en France et au Québec, Paris : ENS-Éditions, 2019.
Centre de sociologie des organisations (CSO).
Sibylle Gollac
Sibylle Gollac est sociologue au CNRS au sein de l’équipe « Culture et sociétés urbaines » du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris. Membre du groupe de recherche Justines et du Collectif Onze, ses recherches portent sur le rôle du patrimoine dans la reproduction des rapports sociaux de classe et de sexe, ainsi que sur la place du juridique dans les relations de parenté et les inégalités de genre. Elle a notamment publié :
Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités (avec Céline Bessière), Paris : La Découverte, 2020.
Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris (CRESPPA).
Hélène Oehmichen
Hélène Oehmichen est doctorante en sociologie au laboratoire du CESSP-CSE (EHESS) et membre du groupe de recherche Justines. Sa thèse porte sur le placement d’enfants en milieu familial suite à une décision judiciaire. Elle s’intéresse aux rapports entre les institutions judiciaires, les institutions administratives, les parents d’origine et les familles d’accueil, et étudie plus particulièrement la genèse sociale des sentiments de filiation.
Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP, EHESS).
Nicolas Rafin
Nicolas Rafin est maître de conférences en sociologie à l’Université de Nantes et membre du CENS. Ses travaux de recherche portent principalement sur la justice familiale, les professions judiciaires et les représentations de la Justice et du droit. Membre du collectif Justines, il coordonne, par ailleurs, avec Marion David une recherche sur la judiciarisation des châtiments corporels à visée éducative.
Centre nantais de sociologie (CENS), Université de Nantes.
Hélène Steinmetz
Hélène Steinmetz est maîtresse de conférences en sociologie à l’Université du Havre et membre de l’UMR IDEES. Ses recherches relèvent initialement de la sociologie de l’action publique appliquée aux questions de logement et elle travaille actuellement, au sein de l’équipe de recherche Voisinages (CMW/INED) sur la régulation institutionnelle des relations de voisinage. Depuis 2008, elle appartient à l’équipe de recherche Ruptures puis à l’équipe Justines.
Identité et Différenciation de l’Espace, de l’Environnement et des Sociétés (IDEES).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/01/2021
https://doi.org/10.3917/drs1.106.0547
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