1Comme pour d’autres délits, les statistiques des services de police et de gendarmerie ont longtemps constitué la seule information chiffrée sur les usages de drogues illicites (classés dans la catégorie ILS : Infractions à la Législation sur les Stupéfiants [1] ). Ainsi le rapport sur la lutte contre la toxicomanie remis au Premier ministre en 1990 s’appuyait-il encore quasi exclusivement sur les chiffres de l’OCRTIS (Office Central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants) pour décrire les usagers de drogue (Trautman, 1990). Pourtant, policiers et gendarmes sont les premiers à souligner que ces chiffres sont avant tout des statistiques d’activité, qui mesurent l’activité des services de police et de gendarmerie, et non celle des délinquants [2]. Cela n’empêche pas que l’activité des premiers soit confondue avec l’activité des seconds, en particulier lorsque les médias ou les politiques s’en emparent pour s’alarmer de l’explosion des usages de drogue, ou, plus rarement, pour se féliciter de leur recul. Au-delà, l’approche par les données policières est jugée insuffisante parce qu’elle ne permettrait pas de rendre compte de la diversité des usages de drogues (Ehrenberg, 1992). De fait, les statistiques policières reprises dans le rapport Trautman décrivaient des individus en situation de précarités, « à problèmes », le premier d’entre eux étant d’avoir eu à en découdre avec l’autorité répressive.
2À la même époque, les données d’enquêtes en population générale ou scolaire étaient à la fois rares et frustes, et ne constituaient donc pas forcément une source d’information alternative : avant la fin des années quatre-vingt, ces enquêtes ne distinguaient ni les produits, ni les usages, en posant par exemple la seule question « Vous est-il déjà arrivé de prendre de la drogue ?» (Davidson et al., 1980). Cette formulation agrégeait les niveaux d’usage aujourd’hui couramment distingués, l’expérimentation, l’usage occasionnel, régulier, l’abus ou la dépendance : par conséquent, le fait d’avoir déjà consommé une substance illicite ne serait-ce qu’une fois au cours de sa vie suffisait à être catégorisé comme « drogué » (Fréjaville et al., 1977), et plus tard comme individu « à risque » (Choquet et al., 1988) [3]. L’usage de drogue était ainsi considéré comme une pathologie, une « sociopathie » (Fréjaville et al., 1977), contractée dès le premier usage, et correspondant à un profil psychologique « à problèmes » (non-conformisme, mésestime de soi, signes dépressifs), ce qui contribuait à noircir le portrait des usagers interpellés.
3Toutefois, au cours des années 1990, les enquêtes en population générale abordant la question des usages de produits illicites ont évolué vers une approche plus compréhensive et plus attentive à la variété des produits et des usages (Beck, 2003). Elles conduisent aujourd’hui à dresser un portait des usagers de drogues illicites sensiblement différent de celui que proposent les statistiques établies par la police et la gendarmerie. Le présent article vise à comparer les informations fournies par ces deux sources, statistiques policières et enquêtes en population générale, en se centrant sur les usagers de cannabis. En effet, ces derniers constituent désormais la très large majorité des personnes interpellées en France pour usage ou usage-revente de stupéfiants (ils en représentaient la moitié en 1980, les deux tiers en 1990, environ les neuf dixièmes en 2002). Parallèlement, la banalisation de l’usage de cannabis facilite son questionnement dans les enquêtes, tout en permettant d’obtenir des effectifs d’usagers suffisants pour réaliser des croisements statistiques. Dans l’ensemble de l’article, nous utiliserons les statistiques publiées chaque année par l’OCRTIS, et les données issues d’enquêtes conduites en population générale ou centrées sur les jeunes, présentées en détail en annexe [4].
4Nous verrons d’abord que le « biais d’activité » et son appropriation médiatico-politique sont sans doute davantage prononcés dans le cas des ILS que pour d’autres délits, ce biais contribuant probablement aux évolutions différenciées observées au cours des années 1990, lorsque sont juxtaposées données policières et données d’enquête. Il s’agira ensuite de comparer les portraits des usagers de cannabis que brossent ces deux sources, en termes socio-démographiques. Enfin, les données d’enquête permettront d’illustrer la variété des profils socio-comportementaux des adolescents consommateurs de cannabis, en distinguant ces derniers selon qu’ils sont plus ou moins exposés à une interpellation.
Statistiques d’interpellation pour usage de cannabis et données de cadrage issues des enquêtes en population générale
Des statistiques qui reflètent l’activité mais aussi les stratégies policières
5L’usage de stupéfiant est un délit sans victime [5] : la plupart du temps, les services de police et de gendarmerie n’interviennent pas après le dépôt d’une plainte, mais de leur propre initiative. Examinant dans le détail près de deux cents procédures de police judiciaire faisant suite à la constatation d’une ILS, Barré et al.(2000) observent ainsi que, dans 90% des cas, l’interpellation pour usage ou pour détention en vue d’usage se fait soit en flagrant délit, soit suite à un contrôle d’identité ou un contrôle routier justifiés par un soupçon d’infraction. Pour les 10% restants, l’intervention policière est provoquée par une dénonciation, un signalement ou une plainte. Dès lors, le nombre d’ILS constatées dépend avant tout de l’activité déployée par les services de police et de gendarmerie, elle-même déterminée par les moyens et les priorités qui leur sont donnés.
6Barré et al. (2000) montrent aussi que le nombre et les caractéristiques des usagers interpellés dépendent de la stratégie des forces de l’ordre. Trois cas peuvent être distingués. D’abord, lorsqu’il s’agit de démanteler un trafic, l’interpellation d’usagers acheteurs vise à recueillir des témoignages qui mettront en cause les revendeurs : ces usagers apparaissent alors comme un « vivier à témoins », nécessaire pour remonter le circuit de distribution illégale, des détaillants au grossiste. Ensuite, les usagers de stupéfiants en général, et de cannabis en particulier, fournissent parfois un moyen commode d’atteindre les objectifs d’activité fixés aux services en termes de nombre de personnes mises à disposition de la police judiciaire, et donc de préserver les crédits pour l’exercice budgétaire suivant [6]. Enfin, au-delà de ces considérations budgétaires, toujours selon la même étude, les interpellations pour usage simple, d’individus connus dans des endroits connus, pourraient procéder d’une forme de contrôle de populations et de lieux considérés comme étant « à problèmes ».
7Ainsi, selon la stratégie poursuivie, les policiers et les gendarmes interpellent plutôt des usagers-acheteurs, des usagers visibles et prévisibles, ou des usagers perçus comme à problèmes, susceptibles de commettre des nuisances : il n’y a donc aucune raison pour que la statistique policière fournisse un échantillon représentatif des usagers de drogues illicites.
De l’usager simple au simple usager
8Pour les ILS comme pour les autres catégories de délits, l’unité de compte des statistiques policières reste le fait constaté [7]. Toutefois, le comptage des faits devient ici rapidement un comptage des usagers, puisque pour observer un usage ou une détention en vue d’usage, il faut un usager, interpellé en même temps que l’infraction est établie et le fait élucidé. En outre, les informations relatives aux ILS font l’objet d’un enregistrement spécifique dans le Fichier National des Auteurs d’Infractions à la Législation sur les Stupéfiants (FNAILS). Ainsi, si l’usage de stupéfiant est un délit sans victime, c’est en revanche un délit pour lequel les coupables ne manquent pas : alors que les statistiques policières comptent des cambriolages, pas des cambrioleurs, des agressions, pas des agresseurs, des vols, pas des voleurs, le comptage des ILS débouche automatiquement sur un comptage des individus interpellés. Il est donc plus facile de confondre ces statistiques d’activité avec des données de prévalence comptant des délinquants d’un type particulier au sein de la population générale.
9D’ailleurs, le ministère de l’Intérieur contribue à entretenir cette confusion : dans l’avant-propos du rapport annuel intitulé Usage et trafic de produits stupéfiants en France en 2001, il est écrit que ce document « a pour objectif de présenter l’état de l’usage et du trafic illicites de produits stupéfiants en France, tel qu’il se dégage des interpellations et des saisies effectuées par l’ensemble des services de police, de douane et de la gendarmerie nationale » (OCRTIS, 2002). Littéralement, cette formulation implique que l’objectif n’est pas juste d’exposer des statistiques d’activité, mais de fournir un point de vue sur l’usage de drogues illicites en général, à travers le prisme d’un outil particulier, en l’occurrence les comptages policiers. À l’intérieur du rapport, ce glissement est patent : le texte rappelle sans cesse que les données présentées concernent des usagers interpellés, mais la construction des phrases laisse à penser que l’interpellation n’est qu’un moyen d’accéder à la population des usagers, et non que ce sont les usagers interpellés qui seraient seuls l’objet du rapport. Par exemple, il y est écrit « L’usage de cannabis est masculin à 93,63%, avec 59 635 hommes interpellés » (OCRTIS, 2002, p.48), au lieu d’une formulation moins ambiguë telle que « 93,63% des personnes interpellées pour usage simple de cannabis sont des hommes ».
10Ainsi, l’« usage simple », unité de compte de la statistique policière, est converti dans le FNAILS en « usager simple » lequel tend à se substituer, par abus de langage, au « simple usager », celui auquel s’intéressent les enquêtes en population générale. Pour l’OCRTIS, la description du premier sert alors souvent à caractériser le second; pourtant nous verrons que les différences entre ces deux populations sont nombreuses.
Usagers simples et simples usagers : évolutions dans les années 1990
11Avant de s’intéresser aux caractéristiques des usagers de cannabis interpellés, voyons l’évolution de leur effectif. L’examen des statistiques policières montre que le nombre d’interpellations pour usage simple et usage-revente de cannabis a régulièrement augmenté au cours des années quatre-vingt, cette tendance s’accélérant lors de la décennie suivante, avec deux « creux », en 1993 et 2001 (cf. figure 1). Le creux de 2001 est une conséquence directe du « biais d’activité »: de l’aveu des instances policières elles-mêmes (Sénat, 2003), la baisse des interpellations enregistrée cette année-là résulte d’une baisse d’activité des forces de l’ordre faisant suite à une relative démobilisation de leur part et à l’absence de directives claires en matière de lutte contre l’usage de stupéfiants. Inversement, la hausse de 2002 serait un effet de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de l’été 2002 qui clarifie les objectifs de cette lutte.
Nombre d’interpellations pour usage simple ou usage-revente, pour le cannabis et les autres stupéfiants, 1980-2001.

Nombre d’interpellations pour usage simple ou usage-revente, pour le cannabis et les autres stupéfiants, 1980-2001.
12Au-delà des « creux » momentanés, entre 1990 et 2000 les interpellations ont triplé, de 30000 à 90000. Sur la même période, les évolutions observées par les enquêtes en population générale ou scolaire sont moins spectaculaires : en population adulte (les 18-44 ans) [8], la prévalence de l’usage dans l’année a « seulement » doublé sur la même période : 7% en 1992 contre 12% en 2001. Certes, la police et la gendarmerie interpellent surtout des jeunes mais, à 17 ans, là encore, la prévalence de l’usage au cours de l’année n’a pas été multipliée par 3 entre 1993 et 2002, mais par 2,5 (de 18% à 45%). En outre, pour affiner la comparaison, comme les personnes interpellées sont des hommes neuf fois sur dix, on pourrait se focaliser sur la prévalence masculine, mais il apparaîtrait alors que celle-ci a seulement doublé sur cette période.
13Un autre moyen de rapprocher les deux sources consiste encore à prendre en compte la fréquence des usages au cours de l’année, puisque chaque usage expose théoriquement à une interpellation, et que cette fréquence peut avoir augmenté plus rapidement que la prévalence de l’usage dans l’année. C’est ce que nous ferons dans la partie suivante pour caractériser les usagers déclarés. Quoi qu’il en soit, si les données d’enquêtes et les données policières s’accordent à diagnostiquer une nette augmentation de l’usage de cannabis en France au cours des années quatre-vingt-dix, le rythme de cette croissance n’est pas le même pour ces deux sources.
Nombre d’interpellations pour usage simple ou usage-revente, pour le cannabis et les autres stupéfiants, 1980-2001.

Nombre d’interpellations pour usage simple ou usage-revente, pour le cannabis et les autres stupéfiants, 1980-2001.
Profil sociodémographique des usagers interpellés et déclarés
L’âge
14En 1999, d’après l’OCRTIS les services de police et de gendarmerie ont interpellé 78804 personnes pour usage ou usage-revente de cannabis, âgés en moyenne de 21,6 ans. Dans l’enquête téléphonique Baromètre Santé, réalisée fin 1999 auprès d’un échantillon représentatif des 12-75 ans, 7% des répondants ont déclaré avoir consommé du cannabis au moins une fois dans l’année (soit 997 personnes sur 13685), et leur âge moyen atteignait 24,8 ans.
15La figure 3 compare la distribution par âge des usagers interpellés et des usagers déclarés dans l’année en 1999, sur une tranche d’âge commune, les 15-40 ans [9]. Étant donné que, toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’être interpellé augmente avec la fréquence des usages, une troisième série de données répartit par tranches d’âge les usagers réguliers de cannabis du Baromètre Santé (personnes qui déclarent au moins dix usages de cannabis au cours des 30 derniers jours, soit 197 enquêtés) [10]. Si la prise en compte de la fréquence des usages permet de rapprocher données policières et données d’enquête de façon marginale, en particulier sur la tranche des 15-17 ans, globalement elle ne permet pas de résorber deux disparités majeures. D’une part, le pic des interpellations est atteint entre 18 et 20 ans, tandis que dans le Baromètre Santé les 21-25 ans sont les plus nombreux. D’autre part, au-delà de 25 ans les proportions d’usagers interpellés sont toujours en deçà des proportions d’usagers déclarés : au total, 15,9% des usagers interpellés ont plus de 25 ans, contre 32% des usagers déclarés dans l’année (29% des usagers réguliers).
Répartition par âge des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé), 15-40 ans, 1999

Répartition par âge des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé), 15-40 ans, 1999
16Ces résultats restent valables si l’on compare les données OCRTIS 2001 avec les déclarations d’usage dans l’année recueillies lors de l’Enquête sur les Représentations, Opinions et Perceptions sur les Psychotropes (EROPP), réalisée par l’OFDT en décembre 2001 sur un échantillon représentatif de 2 009 personnes âgées de 15 à 75 ans (Beck et al., 2003a): dans cet échantillon, l’âge moyen des usagers dans l’année atteint 25,9 ans (contre 22 ans pour les interpellés).
Le sexe
17Parmi les usagers interpellés, on compte 93,1% d’hommes en 1999 et 93,6% en 2001, contre respectivement 67% et 62% parmi les usagers dans l’année du Baromètre Santé et d’EROPP. En 2001, la proportion de femmes parmi les personnes interpellées culmine à 15 ans et moins (13,8%) et 16 ans (12,2%), puis passe sous les 10% dès 17 ans. Sur le long terme, la proportion d’hommes interpellés, tous produits confondus, est à la hausse : 79,3% en 1972,83,3% en 1980,89,4% en 1990,92,1% en 2000 [11]. Pourtant, la hausse de l’usage de cannabis au cours de l’année observée dans les enquêtes en population adulte ou jeune au cours de la dernière décennie est peu sexuellement différenciée, ou révèle une hausse plus rapide chez les femmes. Par exemple, de 1993 à 2002 la prévalence de l’usage au cours de l’année à 17 ans a doublé chez les garçons (de 23% à 50%) et triplé chez les filles (de 14% à 39% chez les filles).
18En se restreignant aux usagers réguliers, dans le Baromètre Santé, la proportion d’hommes augmente (elle atteint 80%), mais reste inférieure à celle des données policières. On observe le même phénomène en population adolescente : dans l’enquête ESCA-PAD 2001 (Beck et al., 2002b), à 18 ans 57% des usagers au cours de l’année sont des garçons, contre 62% pour les usagers au cours du mois, 74% pour les usagers réguliers et enfin 79% pour les usagers quasi-quotidiens (plus de vingt consommations par mois).
La catégorie socioprofessionnelle
19Les données du FNAILS indiquent la profession des usagers interpellés. En 1999, un tiers était sans profession déclarée, un autre tiers élève ou étudiant, près d’un sur cinq ouvrier, et un sur dix employé (tableau I). Au cours de la seconde moitié des années 1990, la ventilation des interpellations pour usage de cannabis par profession montre que la part relative des élèves et étudiants a doublé, tandis que celle des ouvriers a triplé. En se rapportant cette fois à l’ensemble des usages de stupéfiants, sur la période 1990-1999 les interpellations d’élèves et d’étudiants ont presque décuplé, leur part relative passant de 10,2 à 29,4%, tandis que la proportion de cadres, commerçants, artisans, professions libérales et artistiques interpellés est restée stable, autour de 3%. Pour 1999, la comparaison entre données d’interpellations et données d’enquête montre que les élèves et les étudiants sont plus nombreux parmi les usagers déclarés, tandis que les « sans profession » sont plus nombreux parmi les interpellés. Usagers interpellés et usagers déclarés n’ont donc pas le même statut socioprofessionnel.
20Concernant l’écart très important observé pour les « sans profession déclarée », plusieurs explications complémentaires peuvent être évoquées. D’abord, il est certain que les policiers atteignent plus facilement que les enquêtes des populations vivant dans la marginalité, sans domicile ni profession. Toutefois, il faut aussi imputer en partie cet écart à la piètre qualité des données policières sur ce point précis : il n’est pas facile de déterminer avec précision la catégorie socioprofessionnelle d’un individu, même pour des enquêteurs professionnels (Chenu et Guglielmetti, 2000). Policiers et usagers interpellés ne font pas forcément la différence entre la profession et l’emploi : un ouvrier au chômage interpellé est-il classé ouvrier ou « sans profession »? Le rapport de l’OCRTIS manque ici de précision. Si l’on agrège les élèves, étudiants et les « sans profession » interpellés d’une part, et les inactifs, les chômeurs et les non-réponses du Baromètre Santé d’autre part, on obtient des proportions proches, même si l’écart ne se résorbe pas totalement : respectivement 66,2% et 59% (62% pour les usagers réguliers).
21Une autre explication a trait à la stratégie des personnes interpellées. Chacun de nous construit son identité et s’aménage des espaces de liberté en veillant à ce que les différentes sphères de son existence quotidienne ne se télescopent pas (Goffman, 1973). Or l’interpellation peut mettre en péril ce cloisonnement [12], avec des conséquences dommageables pour l’individu : si celui-ci exerce un emploi considéré comme tout à fait incompatible avec l’usage de cannabis (parce qu’il pilote ou manœuvre des appareils dangereux, ou parce qu’il est en contact avec des jeunes : enseignant, éducateur…), il a tout intérêt à ne pas divulguer sa profession ni son lieu d’exercice, pour protéger le crédit dont il dispose dans son milieu professionnel, surtout si son emploi est précaire. Cette stratégie pourrait expliquer que de nombreuses personnes interpellées préfèrent se déclarer « sans profession » [13].
Activité professionnelle des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé), 1999

Activité professionnelle des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé), 1999
22Enfin il ne faut pas négliger la nature du travail des forces de police et leurs stratégies déjà évoquées plus haut : il est plus facile d’interpeller des usagers visibles dans les lieux publics que des usagers disposant des ressources pour consommer chez eux ou à l’abri des regards. De plus, l’inscription au FNAILS peut procéder d’une interpellation pour un autre motif que l’usage ou la détention, par exemple à la suite de plainte pour nuisance sonore ou d’un simple contrôle d’identité. Ainsi, ce sont les personnes qui cumulent les stigmates ou les comportements déviants qui multiplient les occasions d’être arrêtées. Mécaniquement, les usagers inscrits au FNAILS appartiennent donc, plus souvent que la moyenne, aux classes populaires, défavorisées, parmi lesquelles le taux de chômage est élevé. D’une certaine façon, l’accès plus facile des forces de police aux populations marginales échappant aux enquêtes déclaratives est donc inscrit dans la nature de leur travail.
La zone géographique
23De 1998 à 2001, la hiérarchie des dix départements où se produisent le plus d’interpellations pour usage de cannabis est restée quasiment identique, le Nord étant classé premier devant les départements de la région parisienne (hormis Paris et l’Essonne), les BouchesduRhône, le Rhône et le Pas-de-Calais. Le tableau II compare les données d’interpellation en 1999 et 2001 aux données du Baromètre Santé et de l’enquête EROPP.
24La banlieue parisienne (hors Essonne) et surtout le Nord pèsent plus lourd dans les données d’interpellations que dans les données déclaratives, ce qui traduit peut-être une stratégie policière de contrôle de populations « à problèmes », à laquelle s’ajouterait dans le Nord la répression du « narco-tourisme » à la frontière belge (empruntée par les touristes revenant des Pays-Bas). À l’inverse, à Paris la proportion d’usagers interpellés est plus faible que la proportion d’usagers déclarés, ce qui pourrait être dû au fait que la police de la capitale a d’autres priorités, ou que les usagers parisiens ont davantage de ressources culturelles et sociales que les provinciaux pour protéger leur consommation (d’après le Baromètre Santé, à Paris les usagers de cannabis dans l’année sont trois fois plus souvent cadres supérieurs ou professions libérales).
Répartition géographique des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé, EROPP), 1999,2001

Répartition géographique des usagers interpellés (OCRTIS) et déclarés (Baromètre Santé, EROPP), 1999,2001
25Le profil socio-démographique des personnes interpellées pour usage de cannabis diffère donc sensiblement de celui que brossent les enquêtes en population générale. En forçant à peine le trait, l’usager vu par le prisme des interpellations est un jeune homme de moins de 25 ans, désœuvré (sans profession), encore scolarisé ou alors ouvrier, qui réside en banlieue parisienne ou dans le Nord. Les données d’enquête nuancent ce profil : même si les hommes et les moins de 25 ans sont majoritaires parmi les usagers déclarés de cannabis, ces derniers comptent une proportion non négligeable de femmes et de plus de 25 ans, y compris à des niveaux de consommation élevés. De même, les enquêtes en population générale suggèrent que l’usage de cannabis est un phénomène qui concerne uniformément les diverses catégories socioprofessionnelles sur tout le territoire.
Des usagers diversement exposés à l’interpellation et à l’enquête déclarative
Problèmes avec la police et achat de cannabis parmi les usagers déclarés
26Dans l’enquête ESCAPAD 2002,11% des 17-18 ans (parmi 15 563 individus) déclarent avoir déjà été confrontés à un problème lors d’un usage de cannabis, et 30% mentionnent un problème avec la police ou la gendarmerie, sans doute une interpellation [14]. Ce faible effectif permet seulement de brosser un portrait sommaire. Il s’agit pour la plupart de garçons usagers réguliers de cannabis, plus souvent sortis du système scolaire et au chômage. Ces usagers se distinguent surtout des autres enquêtés par leur comportement : la majorité a participé à une bagarre au cours de l’année et cumule des sorties très fréquentes, en particulier dans la rue, dans des parcs ou d’autres lieux publics ouverts.
27L’exercice 2001 d’ESCAPAD (Beck et al., 2002) permet de décrire les usagersde cannabis du point de vue d’une variable a priori très corrélée au risque d’interpellation : la fréquence des achats de cannabis. En effet, dans le cadre de la lutte contre le trafic, l’interpellation d’usagers acheteurs est une stratégie courante visant à constituer un vivier de témoins susceptibles de mettre en cause les revendeurs. Parmi les 12512 jeunes de 18 ans interrogés cette année-là, les 43% d’usagers dans l’année se répartissent entre ceux qui n’en ont jamais acheté, qui l’ont fait rarement ou de temps en temps, ou enfin assez souvent ou très souvent (tableau III).
28Les 17% d’usagers dans l’année qui n’ont jamais acheté de cannabis présentent un profil presque identique à celui des non-usagers, en particulier pour la proportion de filles, la participation à une bagarre ou le temps passé dehors avec des amis. La plupart n’est pas usager régulier de cannabis, et les prises seul ou avant-midi restent très rares. Les 15% qui déclarent avoir acheté du cannabis rarement ou de temps en temps diffèrent peu des précédents, si ce n’est qu’il s’agit en majorité de garçons, et d’usagers réguliers une fois sur cinq. En revanche, les enquêtés déclarant au moins un usage de cannabis dans l’année et de fréquents achats, qui risquent sans doute davantage d’être interpellés, présentent un profil plus contrasté : davantage de garçons et d’usagers réguliers, la majorité ayant déjà souvent fumé du cannabis seul ou avant-midi (signes d’un usage potentiellement problématique, (Beck, Legleye, 2003). En outre, la prévalence des bagarres et des sorties dans des lieux publics expose sans doute encore davantage ces enquêtés à une interpellation.
Profils des usagers déclarés et consommation en extérieur
29L’enquête CADIS 2000 réalisée auprès de 6231 lycéens illustre encore la diversité des profils d’usagers de cannabis, en fournissant un autre indicateur de l’exposition au risque d’interpellation : le lieu du dernier usage. En effet, l’essentiel des interpellations est opéré dans des lieux publics, et les services de police justifient d’ailleurs la jeunesse de la population interpellée en rappelant que « au-delà de 30 ans l’usage se fait en milieu fermé »(OCRTIS, 2002, p. 52), donc hors de portée des forces de l’ordre.
Profil des jeunes de 18 ans selon l’usage et l’achat de cannabis (ESCAPAD 2001)

Profil des jeunes de 18 ans selon l’usage et l’achat de cannabis (ESCAPAD 2001)
30Le tableau IV décrit les lycéens, selon leur consommation de cannabis dans l’année et le lieu du dernier usage : le lycée (sous surveillance adulte, mais hors de portée de la police), le domicile (sans doute à l’insu ou en l’absence des parents), une fête (souvent l’occasion d’échapper au contrôle adulte) ou l’extérieur (rue, parc, etc. : c’est là que l’interpellation serait la plus probable).
31Un usager au cours de l’année sur dix localise la dernière prise au lycée. C’est dans cette catégorie que les garçons sont le plus nettement majoritaires. Ces enquêtés sont plus souvent consommateurs réguliers que les autres usagers, hormis ceux dont le dernier épisode de consommation a eu lieu au domicile. Ils sont aussi plus souvent étrangers, sans différer toutefois sur ce point de la population des non-consommateurs. Leur principal trait distinctif est la fréquence des actes délinquants (dégradations, vols, racket).
Profil des lycéens selon l’usage de cannabis et le lieu du dernier usage (CADIS 2000)

Profil des lycéens selon l’usage de cannabis et le lieu du dernier usage (CADIS 2000)
32Un usager au cours de l’année sur dix situe le dernier usage de cannabis au domicile : sans doute les plus à l’abri de l’interpellation, ce sont les plus âgés et les plus gros consommateurs. Un tiers a déjà dégradé des matériels ou des locaux, mais c’est surtout par leur propension à consommer du cannabis seul qu’ils se distinguent.
33Une majorité relative situe le dernier usage lors d’une fête. C’est dans cette catégorie que les filles, les Français et les enfants de cadres sont les plus nombreux. Parmi eux, moins d’un cinquième est usager régulier, presque tous ont consommé en groupe la dernière fois, et les prévalences observées pour les actes délictueux sont proches de celles des non-usagers.
34Enfin, un tiers des usagers dans l’année a pris du cannabis en extérieur la dernière fois. Relativement aux autres usagers, ils sont plus jeunes et plus souvent issus d’un milieu populaire. Cette catégorie, sans doute la plus exposée à l’interpellation, ne correspond donc ni à la minorité qui rapporte davantage d’actes délictueux (dernier usage au lycée), ni à la minorité des plus gros consommateurs les plus susceptibles d’avoir un usage problématique (dernier usage au domicile).
Ces usagers qui échappent aux enquêtes déclaratives
35Si les enquêtes montrent que les usagers ont des profils contrastés, il faut reconnaître leurs limites, concernant en particulier certaines marges de la population qu’elles n’atteignent pas [15]. Échappent ainsi au Baromètre Santé les personnes ne parlant pas français, absentes du foyer (hospitalisées, en déplacement, etc.), sans téléphone filaire, ou encore sans domicile fixe. Sont exclus d’ESCAPAD les jeunes n’ayant pas la nationalité française, qui ne se sont pas fait recenser en mairie, ou qui refusent la JAPD. En milieu scolaire, il manque les absents le jour de l’enquête, ceux dont le chef d’établissement a refusé l’enquête (parfois pour des raisons directement liées à un « problème de drogue » au sein de l’établissement). Bien que l’impact de ces marges sur les prévalences globales soit minime (Beck et al., 2003b), il peut être crucial si l’on s’intéresse aux usagers qui ont eu des démêlés avec les forces de l’ordre, ou à ceux qui ont développé une dépendance. Ainsi, les jeunes déscolarisés, les absentéistes, les personnes issues de foyers sans téléphone fixe, les sans domicile fixe, ou ceux dont le mode de vie très peu centré sur le foyer, sont autant de « petites » sous-populations susceptibles de présenter des proportions élevées d’usagers déjà interpellés ou dépendants. De ce point de vue, les sources statistiques policières permettraient de décrire très brièvement une population en partie complémentaire de celle qui est couverte habituellement par les enquêtes.
Conclusion
36Les statistiques des ILS reflètent l’activité des services de police et de gendarmerie, mais aussi leurs stratégies : l’interpellation peut cibler les clients d’un revendeur, aider au contrôle d’une population jugée « à problèmes », ou servir à atteindre des objectifs d’activité. Dès lors, il n’y a aucune raison pour que ces données soient représentatives des usagers de cannabis, même si les institutions et les médias ont tendance à convertir « l’usage simple » de la statistique policière en « simple usager ». Dans une certaine mesure, cette conversion contribue à renforcer la légitimité de l’activité des forces de l’ordre : assimiler les usagers interpellés à l’ensemble des usagers revient à supposer que la police et la gendarmerie sont en mesure d’interpeller n’importe quel consommateur, les usagers étant en quelque sorte égaux devant le risque d’interpellation. La comparaison des usagers interpellés et des usagers déclarés dans les enquêtes en population générale révèle des différences très marquées, en particulier du point de vue de l’âge et du sexe, avec des usagers interpellés plus jeunes et de sexe masculin pour la plupart, mais aussi plus souvent au chômage ou sans emploi. Même si le recueil de cette information est sujet à caution, cela signifie que les ressources socioéconomiques d’un usager de cannabis pourraient déterminer en partie son exposition au risque d’interpellation. C’est en effet parmi certaines de ces catégories défavorisées que se recrutent d’importants effectifs de personnes incarcérées, et donc très certainement d’importants effectifs d’auteurs d’infractions d’usage et de revente de stupéfiants (Sénat, 1999, pour le cas français; Wacquant, 2001, pour l’exemple américain), la population carcérale échappant bien sûr aux enquêtes en population générale.
37Au-delà de la comparaison entre données policières et données déclaratives, les enquêtes en population générale illustrent la diversité des usagers de cannabis, et suggèrent que les consommateurs les plus exposés à l’interpellation présentent des caractéristiques qui sont loin d’épuiser cette diversité. Il apparaît aussi qu’une majorité d’usagers, qui a priori risquent peu d’être interpellés (ils n’ont jamais acheté de cannabis, consomment au domicile ou lors de fêtes), est à bien des égards très proche de la population des non-usagers, en termes de profil sociodémographique et comportemental. Ce résultat, qui étaie le constat d’une normalisation des usages de cannabis (Parker et al., 1998), contredit le discours qui tend à présenter les usagers de cannabis dans leur ensemble comme une population « à problèmes », regroupant des marginaux censés accumuler les conduites délictueuses.
ANNEXE Présentation des enquêtes en population générale
Baromètre Santé
38Enquête téléphonique centrée sur la santé, réalisée fin 1999 auprès des 12-75 ans (Guilbert et al., 2001). L’échantillon est obtenu par sondage aléatoire à deux degrés (tirage des ménages, puis des individus). Une lettre-annonce a été envoyée à tous les ménages afin de minorer les refus. Si l’individu sélectionné (celui dont l’anniversaire était le plus proche) était absent ou indisponible, un rendez-vous téléphonique lui était proposé, et en cas de refus le ménage était abandonné. Les taux de refus ont été les suivants : 25% pour les ménages, 7% pour les individus, puis 2% d’abandons. L’échantillon comprend in fine 13 685 personnes.
EROPP
39L’enquête EROPP a été menée fin 2001 par téléphone. Elle repose sur un échantillon par quotas (critères : sexe, âge, profession de la personne de référence, région, catégorie d’agglomération) de 2 009 personnes âgées de 15 à 75 ans, représentatives de la population française métropolitaine (grâce à un redressement sur les données du recensement 1999). Un autre échantillon comprenant 201 individus possédant un téléphone portable mais pas de ligne fixe a été interrogé, pour évaluer l’impact d’une telle lacune de la base de sondage (Beck et al., 2003b).
ESCAPAD
40L’enquête ESCAPAD (Enquête – annuelle – sur la santé et les comportements lors de l’appel de préparation à la défense) repose sur un questionnaire auto-administré strictement anonyme. La passation est confiée à l’un des deux intervenants encadrant les appelés. La procédure de convocation, qui limite les risques que les jeunes convoqués résidant dans une même commune se retrouvent dans la même salle, garantit une très bonne confidentialité. La JAPD est de fait quasi obligatoire : les participants se voient remettre un certificat dont la présentation est nécessaire à l’inscription aux examens ou contrôles soumis à l’autorité publique. Les dates de la passation sont choisies de façon à éviter les examens scolaires.
CADIS 2000
41L’enquête CADIS (Centre d’Analyse et D’Intervention Sociologique), financée par la MAIF et l’OFDT, a été réalisée sous la direction scientifique de Robert Ballion, par questionnaire auto-administré, de janvier à mai 2000, sur un échantillon total de 6 231 lycéens scolarisés dans 14 lycées d’enseignement général et technique, dans 9 lycées polyvalents et dans 10 lycées professionnels de l’enseignement public (Ballion, 2001). La passation, d’une durée de 50 minutes, a eu lieu pendant une heure de cours.
Notes
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[*]
Observatoire Régional de la Santé PACA, Inserm U379.
-
[**]
Centre de recherche Psychotropes, Santé Mentale, Société (CESAMES), Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT).
-
[***]
OFDT.
-
[1]
Dans la nomenclature de la statistique officielle « 4001 », les ILS sont codées en quatre positions : trafic/revente sans usage, usage-revente, usage simple, autres infractions à la législation sur les stupéfiants.
-
[2]
Cette mesure pèse parfois sur les évolutions observées, selon les objectifs poursuivis par les institutions. Celles-ci peuvent avoir intérêt à observer une baisse d’un phénomène donné si l’objectif est de démontrer l’efficacité d’une politique de diminution ou d’éradication de ce phénomène, ou au contraire une hausse, cette fois pour justifier un budget en vue de sa reconduction pour l’exercice suivant (Padieu, 1994; Matelly, 2002).
-
[3]
En revanche, dans la même enquête, le label « à risque » était décerné pour les fumeurs à partir de dix cigarettes par jour, et pour les consommateurs d’alcool à partir d’un usage quotidien (pour le vin et la bière) ou pluri-hebdomadaire (pour les alcools forts).
-
[4]
Pour différencier les deux sources, les comptages policiers comporteront toujours une décimale, celle-ci étant d’autant plus légitime que le comptage est exhaustif, tandis que les chiffres des enquêtes n’en comporteront pas.
-
[5]
Au sens juridique, du moins. On peut bien sûr considérer que l’usager est sa propre victime, mais alors le sens donné à ce mot n’est plus le même (d’ailleurs les usagers ne portent pas plainte contre eux-mêmes). Dans certains cas l’usage entraîne des nuisances pour autrui, qui serait alors une victime, mais il ne faut pas confondre l’usage et la nuisance, laquelle peut constituer une circonstance aggravante de l’usage.
-
[6]
Selon Barré et al. (2000), ce rôle de « bûchette » ou de « bâton », termes souvent utilisés dans les commissariats, est notamment illustré par les circonstances des interpellations telles qu’elles sont détaillées dans les procédures, circonstances qui précisent fréquemment que le « ramassage » a eu lieu dans un « lieu connu ». De même, au cours des années quatre-vingt-dix, le nombre de « multi interpellés » (usagers interpellés plus d’une fois dans la même année) a augmenté plus vite que le nombre total d’interpellations (ENSAE-JE, 1998), ce qui suggère une possible « clientélisation » de certains usagers.
-
[7]
Lequel peut impliquer plusieurs usagers, mis en cause de diverses façons, la qualification retenue pour le fait (usage simple ou revente-trafic ?) pouvant ne pas être la même que celle retenue pour les diverses personnes interpellées. En outre, l’usage est parfois avoué et non concrètement constaté, certains usagers sont seulement auditionnés et non mis en cause, ou alors l’interpellation fait seulement l’objet d’une main courante (ces diverses pratiques n’étant pas homogènes d’un service à l’autre), de sorte qu’au final il peut s’avérer très délicat de définir « l’usager » à partir de la lecture, même attentive, de la procédure (Barré et al., 2000).
-
[8]
Au-delà de 44 ans les usages de cannabis dans l’année sont en effet rarissimes : 1% (45-54 ans), 0,4% (55-64 ans), 0,1% (65-75 ans) (Beck et al., 2002a).
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[9]
Cette tranche d’âge conserve 91% des usagers dans l’année du Baromètre et 97,5% des usagers interpellés.
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[10]
On peut aussi pondérer les enquêtés par la fréquence déclarée de l’usage au cours de l’année. Cela a l’inconvénient d’aboutir à des écarts de pondérations très élevés (de 1 à 365, sans compter les enquêtés qui déclarent plusieurs usages quotidiens). Cette technique a également été mise en œuvre afin d’éprouver la robustesse de la méthode : elle aboutit à des résultats similaires à ceux présentés ici.
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[11]
Les données pour le cannabis seul ne sont ici pas disponibles, mais cette approximation n’est pas gênante étant donné le poids de ce produit dans le total des interpellations.
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[12]
Une enquête déclarative peut aussi, à sa manière, menacer ce cloisonnement (Beck et Peretti-Watel, 2001).
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[13]
Elle pourrait aussi se doubler d’une volonté de souligner la faiblesse des ressources économiques et sociales pour susciter la compassion.
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[14]
Certains usagers enquêtés ont sans doute déjà été interpellés par la police mais ne l’ont pas mentionné, ne souhaitant pas revenir sur cet événement, par oubli (car la question ne portait pas explicitement sur l’interpellation), ou parce qu’ils ne le considèrent pas comme un véritable problème.
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[15]
En outre, pour sérieuses et représentatives qu’elles soient, ces enquêtes sont déclaratives : les usages sont volontairement déclarés. Si le questionnaire auto-administré semble la meilleure technique de recueil parmi les jeunes (Beck, Peretti-Watel, 2001), le téléphone s’avère, en France, un bon mode pour les adultes.