Introduction
1L’évaluation précoce de la relation mère-nouveau-né est un objectif prioritaire en maternité, en raison de son importance pour le développement psychoaffectif et somatique de l’enfant et pour la prévention de la maltraitance (Kochanska, 2004 ; Burgess, 2003 ; Page, 2010). Ainsi, la réduction de la durée du séjour hospitalier de la mère et du nouveau-né dans les pays industrialisés au cours des dernières décennies (Brown, 2002) complexifie cette tâche et incite au développement d’outils pratiques pour aider les équipes à effectuer précocement cette évaluation.
2Le terme « relation mère-enfant » est généralement utilisé pour définir les échanges, au sens large, entre la mère et l’enfant. Il s’agit d’un domaine très complexe car composé de multiples dimensions et soumis à l’influence de nombreux facteurs. L’évaluation codifiée de la relation mère-enfant devrait, théoriquement, comprendre une évaluation des comportements observables ou interactions mère-enfant (vidéo-filmées) mais ce type d’évaluation n’est pas compatible avec les pratiques quotidiennes.
3Le lien mère-enfant ou bonding représente la dimension affective de la relation mère-enfant, appartenant au domaine des représentations maternelles. Il s’agit des émotions et sentiments ressentis par la mère vis-à-vis de son enfant (Crouch, 1995). Comme chez l’animal, l’établissement du bonding après la naissance est perçu comme ayant un substratum biologique, impliquant particulièrement l’ocytocine (Feldman, 2007), et une origine adaptative. Ce processus, favorisé par le contact physique entre la mère et son nouveau-né, est soumis à l’influence de nombreux facteurs, certains émanant du nouveau-né comme la prématurité, une pathologie somatique, un « tempérament irritable » (Brazelton, 1989, 2001) et d’autres provenant de la mère comme son style d’attachement, la survenue d’une pathologie somatique, la dépression du post-partum ou d’autres pathologies psychiatriques.
4De nombreux travaux ont été consacrés aux troubles ou pathologies du bonding au cours des trente dernières années (Kumar, 1996 et 2001 ; Tessier, 1998 ; Taylor, 2005 ; Brockington, 2006 ; Klier, 2006 ; Moehler, 2006 ; Wittkowski, 2007). Ils se définissent, selon Klier (2006), par « un manque de sentiment maternel, une irritabilité, une hostilité et des pulsions agressives, des idées pathologiques et un rejet de l’enfant ». Toutefois, pour d’autres auteurs, les troubles du lien ne correspondent pas à une entité distincte mais plutôt à un groupe d’états cliniques se « chevauchant entre eux » avec des éléments pathologiques variés dans la relation avec l’enfant (Brockington, 2006). En conséquence, la prévalence des troubles du lien en population générale reste difficile à établir du fait de l’hétérogénéité des tableaux cliniques et du manque de critères diagnostiques précis. Les troubles du lien sont fréquemment associés à une pathologie psychiatrique, le plus souvent la dépression. Ils peuvent également se rencontrer, dans 20 à 30 % des cas, en dehors de tout contexte psychiatrique (Kumar, 2001) soulignant l’importance de l’évaluation postnatale précoce du lien mère-enfant.
5En 2012, une étude (O’Higgins, 2012) établissait une corrélation importante entre les scores au MIBS dans les premières semaines du post-partum et les scores à 9 semaines, à 16 semaines et à 1 an, ce qui incite à une démarche de prévention et de prise en charge des difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant, le plus tôt possible.
6Alors qu’il existe un outil bien connu et validé en français pour repérer la dépression du post-partum, l’EPDS (Guedeney, 1998), un outil validé en français pour évaluer le lien mère-fœtus, le PAI, Prenatal Attachment Inventory (Muller, 1993 ; Jurgens, 2009), il n’existe pas actuellement d’outil d’utilisation aisée en pratique quotidienne traduit en français pour évaluer le lien précoce mère-enfant en postnatal.
7L’autoquestionnaire maternel MIBS (Mother-to-Infant Bonding Scale) (Taylor, 2005) a été initialement élaboré dans une perspective de recherche sur les perturbations du sentiment maternel envers le nouveau-né. Il s’agit d’un questionnaire court, simple et immédiatement utilisable après la naissance ou à l’issue d’une brève période rétrospective. Une revue de la littérature référençant les outils d’évaluation du bonding mère-enfant (Perelli, 2014) qualifie la validité interne du questionnaire MIBS d’« acceptable » (0,71). En 2013, une étude japonaise (Kitamura, 2013) définit une structure en deux facteurs de l’outil (LA : lack of affection, et AR : anger and rejection). D’autres auteurs japonais ont proposé une validation de la version japonaise du MIBS en 10 items (Yoshida, 2012).
8Dans l’étude présentée, nous avons fait l’hypothèse que l’utilisation de l’autoquestionnaire MIBS pourrait fournir à l’équipe de néonatologie en maternité une aide pratique dans le repérage des mères ayant des difficultés dans la mise en place du lien à leur enfant. Ainsi, elle permettrait de leur proposer une prise en charge individualisée lors du séjour en maternité.
9L’objectif principal était d’évaluer l’intérêt du MIBS, dans sa version française, pour le dépistage des difficultés du lien mère-enfant dans une unité de néonatologie en maternité. Les objectifs secondaires étaient d’analyser les facteurs susceptibles d’influencer les réponses des mères au questionnaire et de déterminer son acceptabilité par les mères et les professionnels.
Matériels et méthodes
10Cette étude prospective a été menée de février à avril 2008 dans une unité de néonatologie (unité « Kangourou » ou unité de soins en berceaux) située dans la maternité du Centre hospitalier universitaire de Montpellier.
Patients
Critères d’inclusion
11L’étude était proposée à des mères qui réunissaient les critères suivants :
Critères de non-inclusion
- refus de participation d’un des deux parents ;
- couples ne pouvant lire les documents dans la langue proposée ;
- mères dont les bébés étaient hospitalisés moins de 48 heures.
Protocole
Autoquestionnaires remplis par les mères
13A partir de 48 heures du post-partum, l’étude était présentée oralement aux parents et un document écrit de présentation leur était remis. Les mères devaient le remplir dans les 24 heures suivantes :
- Le questionnaire MIBS (Taylor, 2005), (tableau 1), dont les scores vont de 0 à 24, un score élevé étant en faveur d’un trouble du lien mère-enfant. Le questionnaire MIBS a été traduit en français par accord de trois pédopsychiatres et un pédiatre de langue française. Une rétrotraduction a ensuite été réalisée par une personne de langue anglaise.
- Un questionnaire, à réponses fermées, évaluant l’acceptabilité du MIBS par les mères, réalisé par les auteurs.
- L’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS (Cox, 1987 ; Guedeney, 1998)), coté de 0 à 30.
- L’Adult Attachment Questionnaire, (AAQ (Bartholomew, 1998 ; Bouthillier, 1996)), composé de 13 items évaluant le style d’attachement adulte de la mère.
- Le Mother’s Assessment of her Infant’s Behavior (MAIB [Field, 1978]), outil dérivé de l’échelle Neonatal Behavioral Assessment Scale de Brazelton (NBAS (Brazelton, 2001)) et conçu pour l’évaluation par les mères du comportement de leur bébé. Les items y sont cotés de 1 (score optimal) à 3 scores (minimal).
Mother-to-Infant Bonding Scale (MIBS)
Vraiment beaucoup | Beaucoup | Un peu | Pas du tout | |
---|---|---|---|---|
Affection pour mon bébé | 0 | 1 | 2 | 3 |
Sentiment d’en vouloir à mon bébé | 3 | 2 | 1 | 0 |
Neutre, je ne ressens rien, pas d’émotion | 3 | 2 | 1 | 0 |
Joie | 0 | 1 | 2 | 3 |
Sentiment de ne pas être attirée par mon bébé | 3 | 2 | 1 | 0 |
Protectrice | 0 | 1 | 2 | 3 |
Déçue | 3 | 2 | 1 | 0 |
Aggressive | 3 | 2 | 1 | 0 |
Mother-to-Infant Bonding Scale (MIBS)
Note d’accompagnement. Ces questions concernent vos sentiments pour votre enfant depuis qu’il est né. Quelques adjectifs sont listés ci-dessus qui décrivent quelques-uns des sentiments que les mères ont envers leur bébé durant les premières semaines qui suivent la naissance. Faites une croix en face de chaque mot, dans la case qui décrit le mieux comment vous vous êtes sentie depuis la naissance de votre bébé.14Pour les grossesses gémellaires, les mères remplissaient un questionnaire MIBS et un questionnaire MAIB par enfant.
Entretien pédopsychiatrique
15Au minimum 24 heures après avoir rempli les questionnaires, un entretien pédopsychiatrique était réalisé avec les mères, en présence du bébé, qui permettait d’évaluer le lien mère-enfant et de porter ou non un diagnostic de difficulté dans le lien.
16Il s’agissait d’un entretien semi-structuré, par un pédopsychiatre avec une grille d’entretien définie avant le début de l’étude.
17Les réponses de la mère au questionnaire MIBS étaient précisées ainsi que son vécu du questionnaire MIBS et de l’entretien.
Questionnaires remplis par les puéricultrices
18Conjointement, la puéricultrice remplissait le questionnaire MIBS en imaginant les sentiments ressentis par la mère à propos de son bébé, à partir de ce qu’elle avait pu observer ou de ce que la mère avait pu lui confier.
19Deux autres questionnaires étaient proposés aux puéricultrices, avant le début et après la fin de l’étude portant sur :
- les pratiques dans l’évaluation de la relation mère-enfant et du lien mère-enfant ;
- leur perception du MIBS.
Autres données
20Les informations suivantes étaient recueillies à partir du dossier obstétrical de la mère, ou de l’interrogatoire :
- le caractère programmé ou non de la grossesse ;
- les antécédents de la mère, notamment les difficultés de procréation et deuils périnataux, représentés par un passé d’infertilité, des antécédents d’IVG, de fausse couche, d’interruption médicale de grossesse, de mort fœtale in utero ou de décès précoce d’un bébé en période néonatale ;
- le déroulement de la grossesse, qualifié d’« anormal » si la grossesse avait été marquée de la survenue d’événements médicaux notamment un test biologique de dépistage de la trisomie 21 positif, la découverte d’une malformation, un diabète gestationnel, un retard de croissance intra-utérin, une infection, une menace d’accouchement prématuré ;
- le vécu de la grossesse, qualifié de « difficile » lorsqu’une fragilité figurait sur le dossier obstétrical de la mère ou lorsque les mères exprimaient avoir été particulièrement anxieuses ou déprimées à un moment de la grossesse ;
- le déroulement de l’accouchement, qualifié de « compliqué » en cas de manœuvres obstétricales, d’annotations sur le partogramme spécifiant que l’accouchement avait été particulièrement long ou douloureux, de réalisation d’une césarienne en urgence, de délabrement périnéal noté sur le compte-rendu obstétrical ;
- l’évolution médicale du nouveau-né, qualifiée de « compliquée » si le nouveau-né avait subi des actes médicaux tels des injections IV, des ponctions veineuses répétées ou une ponction lombaire.
Aspects éthiques
21L’étude était acceptée par le comité d’éthique local. Tous les parents donnaient un consentement signé de participation à l’étude, après information sur le protocole.
Analyses statistiques
22Les variables quantitatives sont exprimées en médiane (Q25-75). Les variables qualitatives sont exprimées par leur effectif et leur pourcentage. La comparaison des variables qualitatives était étudiée par le test du ou par le test exact de Fisher lorsque les effectifs théoriques étaient insuffisants (< 5). Pour les variables quantitatives, la comparaison entre les différents groupes était réalisée par le test de Student ou par des tests non paramétriques (Mann-Whitney, Wilcoxon ou Kruskal-Wallis tests) lorsque les distributions étaient anormales ou les variances inégales.
23La relation entre les différents scores était recherchée par le coefficient de corrélation non paramétrique de Spearman qui était testé contre la valeur 0. La concordance item par item du MIB était estimée par le coefficient Kappa et son intervalle de confiance à 95 %. La discordance était étudiée par le test de McNemar.
24La valeur diagnostique des scores était analysée à l’aide de courbes ROC (Receiver Operating Characteristic). Pour chacune des valeurs du score, nous avons calculé la sensibilité et la spécificité d’un test qui utiliserait ce seuil par rapport à la méthode de référence (entretien). Cette méthode a permis de déterminer les seuils utiles pour chaque score. Pour les seuils retenus, les sensibilités, spécificités, valeurs prédictives positives et négatives ont été calculées ainsi que leur intervalle de confiance à 95 %.
25Le seuil de signification était fixé à 5 % pour tous les tests réalisés. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SAS version 9 (SAS Institute, Cary, N.C.).
26Pour les mères qui avaient eu une grossesse gémellaire, un des jumeaux était choisi au hasard pour l’analyse statistique.
Résultats
27Cent quatre couples mère-enfant ont été admis dans l’unité de néonatologie en maternité pendant la durée de l’étude. Des critères de non-inclusion ont été retrouvés dans 26 cas : 7 refus de participation, 11 couples ne sachant pas lire les documents, 8 nouveau-nés hospitalisés moins de 48 heures.
28L’étude a porté sur 78 couples mère-enfant, dont 6 issus d’une grossesse gémellaire.
29Des résultats complémentaires ont été obtenus sur une population de 26 mères ayant souhaité relever d’une sortie précoce au domicile (entre J0 et J2 après l’accouchement) : elles ont rempli le questionnaire MIBS mais n’ont pas bénéficié de l’entretien du fait de la brièveté de leur séjour en maternité. Les sorties précoces ne s’adressent, en principe, qu’à des couples mère-enfant à bas risque médical, social et psychologique (critères ANAES, 2004).
Caractéristiques sociodémographiques et cliniques de la population (tableaux 2, 3 et 4)
Données prénatales chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien avec leur nouveau-né*
Difficulté du lien (n = 10) | Absence de difficulté (n = 68) | OR (95 CI) | |
---|---|---|---|
Âge (ans) | 33 (23-37) | 30* (26-34,5) | |
Primiparité | 7 (70) | 37 (54) | 1,95 (0,47-8,21) |
Grossesse non programmée | 3 (30) | 11 (16) | 2,21 (0,50-9,94) |
Difficultés à la procréation et deuils périnataux | 7 (70) | 28 (41) | 3,33 (0,79-14,02) |
Déroulement anormal de la grossesse | 5 (50) | 25 (37) | 1,72 (0,45-6,53) |
Vécu difficile de la grossesse | 6 (60) | 35 (51) | 1,41 (0,37-5,47) |
Césarienne | 5 (50) | 22 (32) | 2,09 (0,55-7,98) |
Accouchement compliqué | 4 (40) | 27 (40) | 1,21 (0,30-4,94) |
Données prénatales chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien avec leur nouveau-né*
Les valeurs sont exprimées en médiane (Q25-75) ou en nombre (%).* p = 0,55
Motifs d’hospitalisation des nouveau-nés et évolution médicale chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Difficulté du lien (n=10) | Absence de difficulté (n=68) | OR (95 CI) | |
---|---|---|---|
Gestational age 34-37 SA et/ou poids de naissance 1800-2200 g | 6 (60) | 36 (53) | 1,33 (0,35-5,15) |
Suspicion d’infection materno-foetale | 1 (10) | 10 (15) | 0,64 (0,07-5,66) |
Antécédents psychiatriques ou contexte psychologique | 3 (30) | 5 (7) | 5,4 (1,06-27,59) |
Prévention syndrome de sevrage | 0 (0) | 7 (10) | 0,39 (0,02-7,37) |
Évolution médicale compliquée | 1 (10) | 26 (38) | 0,18 (0,01-1,50) |
Allaitement maternel exclusif | 8 (80) | 43 (63) | 2,33 (0,46-11,83) |
Motifs d’hospitalisation des nouveau-nés et évolution médicale chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Les valeurs sont exprimées en nombre (%).SA : Semaines d’aménorrhée
Données sociales périnatales chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Difficulté du lien (n=10) | Absence de difficulté (n=68) | OR (95 CI) | |
---|---|---|---|
Absence de vie maritale | 1 (10) | 8 (12) | 0,83 (0,09-7,48) |
Réseau sociofamilial pauvre | 1 (10) | 22 (32) | 0,23 (0,03-1,95) |
Absence de soutien perçu du compagnon | 1 (10) | 6 (9) | 1,15 (0,12-10,68) |
Absence d’autre soutien | 0 (0) | 11 (16) | 0,24 (0,01-4,36) |
Données sociales périnatales chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Les valeurs sont exprimées en nombre (%).30L’âge médian des mères était de 30 (26-35) ans, avec des valeurs extrêmes de 17 et 40 ans. Dans 56 % des cas, il s’agissait de primipares. Les difficultés à la procréation ou les antécédents de deuil périnatal étaient fréquents (45 %), ainsi que les déroulements anormaux (39 %) et les vécus difficiles (54 %) de la grossesse. L’accouchement était compliqué pour 40 % des patientes, avec un taux de césarienne de 35 % dans cette population.
31Le principal motif d’hospitalisation (54 %) était une prématurité de 34 à 37 SA ou un poids de naissance compris entre 1800 et 2200 g (tableau 3). Les autres motifs d’admissions étaient une suspicion d’infection materno-fœtale (14 %), des antécédents psychiatriques ou un contexte psychologique maternel nécessitant une surveillance de la relation mère-enfant (10 %), la prévention d’un syndrome de sevrage chez un nouveau-né de mère toxicomane ou prenant un traitement psychotrope (9 %). La plupart des mères vivaient maritalement et disaient être soutenues par leur conjoint et leur réseau sociofamilial.
Scores MIBS des mères (figure 1)
Répartition des scores MIB des patientes (n = 78)

Répartition des scores MIB des patientes (n = 78)
32Les scores sont répartis entre les valeurs 0 et 6 avec une médiane à 1 (0-2) ; 88 % des mères avaient un score inférieur ou égal à 2.
33Les scores supérieurs à 1 à un item étaient rares, trouvés dans 11 cas soit 1,6 % des réponses aux items.
34On ne retrouvait pas de différence statistiquement significative entre les scores au MIBS des mères « sorties précoces » et les autres mères.
Difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant
35La durée moyenne de l’entretien pédopsychiatrique, qui permettait de repérer la présence d’éventuelles difficultés dans le lien mère-enfant, était de 60 (45-90) minutes.
36La prévalence des difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant était de 13 %, soit 10 mères de notre échantillon. Les éléments principaux pour porter le diagnostic de difficultés dans le lien précoce étaient les suivants :
- le fait pour une mère de présenter ou d’avoir présenté une difficulté dans la mise en place du lien avec son bébé, génératrice d’une souffrance exprimée (8 cas) ;
- des éléments d’observation au cours de l’entretien comme une discordance perçue entre les propos de la mère et son attitude lors d’une séquence d’interaction avec le bébé en notre présence (2 cas).
37Aucune caractéristique sociodémographique ou clinique présentée dans les tableaux 2 à 4 n’était statistiquement différente entre les mères avec ou sans difficulté dans le lien avec leur nouveau-né. L’existence d’antécédents psychiatriques ou une vulnérabilité psychologique maternelle tendaient cependant à être plus souvent associés à un lien mère-enfant difficile (p = 0,06).
Valeur diagnostique du MIBS, comparée à l’entretien, dans le dépistage des difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant (figure 2)
Courbe ROC utilisée pour déterminer la valeur seuil du MIBS de détection des difficultés dans le lien mère-enfant (évaluées par le pédopsychiatre lors de l’entretien)

Courbe ROC utilisée pour déterminer la valeur seuil du MIBS de détection des difficultés dans le lien mère-enfant (évaluées par le pédopsychiatre lors de l’entretien)
38Les scores MIBS étaient significativement plus élevés dans le groupe de mères qui présentaient des difficultés dans le lien, que dans le groupe sans difficulté : 3 (2-5) versus 0 (0-1), p < 0,001. Les items les plus représentés parmi ceux pouvant refléter les difficultés dans le lien étaient « joie » avec le score 1 à 4 reprises, « agressive » avec 3 fois le score 1, « sentiment de ne pas être attirée par mon bébé » et « protectrice » où le score 1 était présent 2 fois.
39L’aire sous la courbe ROC était de 0,93 (IC 95 % : 0,82-1). Un score égal à 2 était retenu comme valeur seuil optimale, avec une sensibilité de 0,9 et une spécificité de 0,8. La valeur prédictive positive pour ce seuil était de 40,9 % (IC 95 % : 20,36-61,45) et la valeur prédictive négative de 98,1 % (IC 95 % : 89,93-99,95).
Facteurs pouvant influencer les réponses des mères au MIBS
Relation entre les réponses au questionnaire MIBS et le niveau de dépression maternelle ou intensité du baby-blues, évalué par le questionnaire EPDS
40Chez les mères avec difficulté du lien, les valeurs de l’EPDS étaient plus élevées : 14 (8-16) versus 8 (4-12), p = 0,049. Cependant, il n’existait pas de corrélation significative entre les scores MIBS et les scores EPDS (r = 0,11 ; p = 0,29).
Relation entre les réponses au questionnaire MIBS et le style d’attachement adulte de la mère, évalué par le questionnaire AAQ
41Les médianes des scores AAQ n’étaient pas différentes chez les mères avec ou sans difficulté du lien, avec un score AAQ Avoidance de 32,5 (23-34) versus 30 (23-37), p = 0,55 et un score AAQ Anxiety de 17,5 (13-20) versus 14,5 (11-18), p = 0,62. Nous n’avons pas retrouvé de corrélation entre les scores MIBS et le score AAQ Avoidance (r = 0,05 ; p = 0,6) ou le score AAQ Anxiety (r = -0,02 ; p = 0,8).
Relation entre les réponses au questionnaire MIBS et les caractéristiques comportementales du bébé, évaluées par le MAIB
42Les scores MAIB étaient comparables entre les mères présentant ou non des difficultés du lien avec leur nouveau-né (tableau 5). Cependant, il existait une corrélation entre les scores MIBS et les scores MAIB Total (r = 0,3 ; p = 0,01). De plus, une corrélation était retrouvée entre les scores MIBS et les scores MAIB State Control (r = 0,24 ; p = 0,04).
Scores MAIB chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Difficulté du lien (n=10) | Absence de difficulté (n=68) | p | |
---|---|---|---|
MAIB Total | 8 (7-8) | 8 (7-8) | 0,83 |
MAIB Interactive Process | 2 (2-2) | 2 (2-2) | 0,22 |
MAIB Motoric Process | 2 (2-2) | 2 (2-2) | 0,25 |
MAIB State Control | 2 (2-2) | 2 (2-2) | 0,55 |
MAIB Response to Stress | 2 (2-2) | 2 (2-2) | 0,49 |
Scores MAIB chez les mères avec ou sans difficulté dans la mise en place du lien
Les valeurs sont exprimées en médiane (Q25-75).MAIB : Mother’s Assessment of her Infant’s Behavior
Vécu du questionnaire MIBS par les mères
4377,8 % des mères avaient trouvé le MIBS agréable et facile à remplir. Sa passation avait été à l’origine d’un sentiment d’intrusion pour 8,9 % des mères et d’anxiété pour 6,9 % ; 85 % des mères trouvaient bénéfique d’avoir pu aborder leurs émotions au cours de leur séjour, par le biais du questionnaire et de l’entretien, et 99 % trouvaient que ce type de questionnaire, et/ou un entretien, pouvait être bénéfique pour d’autres mères. En effet, le questionnaire leur avait permis de « mettre des mots » sur ce qu’elles ressentaient et pour certaines d’être rassurées, prenant conscience que leur vécu était de l’ordre de sentiments « normaux » après une naissance.
Pertinence du questionnaire pour la pratique des puéricultrices
Corrélations scores des mères et des scores des puéricultrices
44Les scores MIBS des puéricultrices allaient de 0 à 11 avec une médiane à 1 (0-3). Il existait une corrélation entre l’autoévaluation maternelle et l’hétéro-évaluation par la puéricultrice (r = 0,31 ; p = 0,004). Cependant, la concordance item par item n’était pas statistiquement significative.
Perception de l’outil par les puéricultrices
45Deux questionnaires anonymes soumis aux 14 puéricultrices de l’équipe, portant sur les thèmes de la représentation du lien mère-enfant d’une part, et de la perception du MIBS d’autre part, permettaient de retenir :
• Concernant le lien et la relation mère-enfant
- La complexité de l’évaluation de la relation mère-enfant par les puéricultrices, qui se disaient influencées par de nombreux facteurs autres que l’observation, notamment leur intuition (71 %), les antécédents de la mère (57 %), leur degré d’empathie à son égard (50 %), leurs représentations (29 %), l’opinion des autres membres de l’équipe (29 %) et la situation sociale de la mère (29 %).
- La difficulté d’évaluation du lien mère-enfant par les puéricultrices : 79 % des professionnelles interrogées trouvaient « difficile » d’imaginer les sentiments de la mère à l’égard de son nouveau-né.
- La demande de repères, de critères précis, de plus de « rigueur » dans l’évaluation de la relation mère-enfant évoquée par 86 % des professionnelles.
• Concernant l’outil
- Dans 79 % des cas, « l’objectivité » associée au MIBS était vécue comme plus valide que la « subjectivité » associée à l’évaluation clinique.
- L’acceptabilité du MIBS était bonne puisque 100 % des professionnelles interrogées l’accueillaient favorablement.
- Dans 71 % des cas, le MIBS était perçu comme pouvant servir de point de départ pour aborder le lien mère-enfant auprès d’une mère perçue en difficulté.
Discussion
Difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant dans notre population
48Compte tenu de nos critères diagnostiques, la prévalence dans notre échantillon des difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant, repérées lors de l’entretien clinique, était de 13 %. Certains estiment la prévalence des mères présentant un trouble du lien à leur nouveau-né, tous degrés confondus, entre 6 et 7 % deux semaines après l’accouchement (Reck, 2006) alors qu’un trouble sévère avec rejet de l’enfant affecterait 0,5 à 1 % des mères (Brockington, 2006). En réalité, notre objectif était de repérer des difficultés dans la mise en place du lien précoce, plutôt que d’identifier une pathologie avérée du lien mère-enfant. En effet, la contrainte temporelle de l’hospitalisation habituelle en maternité permet rarement le diagnostic de pathologie du lien mère-enfant qui nécessite une durée des symptômes au moins supérieure à 1 semaine selon Brockington (2006). Ainsi, les difficultés précoces du lien que nous avons identifiées n’ont pas de signification univoque : certaines pourront faire le lit d’un trouble de la relation et d’autres se normaliseront, puisque l’établissement du sentiment maternel ou bonding peut nécessiter quelques jours à quelques semaines, ce délai constituant une des variations de la normale (Kumar, 2001 ; Brockington, 2006).
49Dans notre population, le fait de présenter des difficultés dans la mise en place du lien n’était pas associé à certaines situations qualifiées comme à risque (Kumar, 2001). Ces situations correspondent à des événements périnataux variés comme une grossesse non désirée, un accouchement difficile, une séparation temporaire de la dyade mère-enfant, une très mauvaise santé ou de graves malformations du nouveau-né. Plusieurs arguments peuvent être avancés. Tout d’abord, nous avons recensé les grossesses non programmées plutôt que réellement non désirées et notre définition des accouchements difficiles ne se limitait pas à des accouchements extrêmement douloureux, situation pouvant être associée à un retard de manifestation de l’affection maternelle pour le nouveau-né (Kumar, 2001). De plus, le dispositif d’hospitalisation des nouveau-nés auprès de leur mère évitait la séparation du couple et l’état de santé ou les malformations des nouveau-nés n’étaient pas particulièrement graves.
50Par contre, un contexte psychiatrique ou de vulnérabilité psychologique était plus clairement associé à des difficultés dans la mise en place du lien, atteignant pratiquement le seuil de significativité. Les scores EPDS, plus élevés en cas de difficulté dans la mise en place du lien mère-enfant (repérée par l’entretien pédopsychiatrique), indiquaient que ces mères avaient un blues du post-partum plus intense. L’intensité du post-partum blues est prédictive d’un risque dépressif ultérieur puisqu’il existe une corrélation hautement significative entre les scores EPDS au cinquième jour du post-partum et à la sixième semaine (Guedeney, 1998). Le score EPDS, seuil pour le dépistage de la dépression du post-partum, varie entre 9,5 et 12,5 selon les études (Guedeney, 1998 ; Chabrol, 2002 ; Teissedre, 2004), et l’étude de validation de la version française avait suggéré un seuil de 10,5 (Guedeney, 1998), nettement inférieur au score médian de 14 mesuré dans notre étude chez les mères avec difficulté de lien avec leur nouveau-né.
51Les résultats complémentaires obtenus sur la population de mères relevant d’une sortie précoce suggèrent que la répartition des difficultés dans la mise en place du lien précoce mère-enfant chez ces mères est équivalente à celle de la population principale étudiée.
52Les recommandations sur le sujet (ANAES, 2004) définissent parmi les contre-indications à une sortie précoce la présence de facteurs de risque de perturbation du lien mère-enfant ». Dans notre étude, les mères « sorties précoces » ne présentaient pas moins de difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant que les autres.
Autoquestionnaire MIBS : score, vécu des mères et des puéricultrices, pertinence
53Notre population était constituée de mères qui présentaient, dans tous les cas, au moins un facteur périnatal pouvant potentiellement affecter la relation précoce avec leur nouveau-né. Malgré cela, les scores MIBS étaient plutôt faibles dans notre étude, si l’on considère que le score peut théoriquement aller de 0 à 24. Dans deux études précédentes portant spécifiquement sur le MIBS (Taylor, 2005 ; Wittkowski, 2007), les médianes étaient à 1, comme dans notre population, et la distribution des scores comparable avec des scores inférieurs à 2 chez environ deux tiers des patientes. Par contre, les valeurs extrêmes sont variables selon les études : le score maximum que nous avons observé était égal à 6, alors qu’il atteignait 10 dans une étude (Wittkowski, 2007) et 13 dans l’autre (Taylor, 2005).
54L’acceptabilité du MIBS était bonne tant auprès des mères que des puéricultrices.
55La faible corrélation entre les scores MIBS des puéricultrices et des mères soulignait cette difficulté à inférer les émotions d’une mère à partir de l’observation des comportements, ce qui confirme la nécessité d’interroger directement les mères sur leurs sentiments pour leur nouveau-né.
Valeur diagnostique du MIBS, comparée à l’entretien, dans le dépistage des difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant
56Le post-partum précoce est une période de fluctuation émotionnelle majeure où la qualité du lien mère-enfant, donc les réponses au MIBS, peuvent varier d’un jour à l’autre. Ainsi avons-nous distribué le MIBS 48 heures après l’accouchement, les mères rapportant plus de sentiments positifs à l’égard de leur nouveau-né entre le deuxième et le quatrième jour du post-partum qu’immédiatement après la naissance (Wittkowski, 2007). Les autoquestionnaires sont également soumis au biais de désirabilité sociale (Gooden, 1990) : les mères ont conscience que certaines réponses sont « mieux perçues » que d’autres. Leur sécurité affective contribue à leur possibilité de confier ou non des émotions négatives et également de les percevoir (Bowlby, 1969). Les mères capables d’évoquer des difficultés sous-entendent qu’elles peuvent accepter de l’aide d’autrui : un score à 0, théoriquement rassurant, peut dans certains cas correspondre à une réponse d’évitement. Ce point souligne l’importance de conserver une évaluation globale de la relation mère-enfant intégrant les éléments apportés par l’observation des professionnels qui permettront de repérer, parfois, des difficultés non exprimées par les mères.
57Prenant en compte ces limites, nous avons confronté les résultats du MIBS à l’entretien avec un pédopsychiatre en partant du présupposé que ce dernier représentait le gold standard. Ces deux méthodes explorant le domaine déclaratif, notre étude n’a pas évalué tous les aspects de la relation mère-enfant, ce qui aurait nécessité, entre autres, l’observation des interactions mère-enfant (Brockington, 2006), méthode longue, rarement intégrée dans l’activité quotidienne d’un service de néonatologie en maternité comme le nôtre.
58Quoi qu’il en soit, ces entretiens nous ont permis de déterminer une valeur seuil au questionnaire MIBS pour le dépistage de difficultés dans la mise en place du lien mère-enfant. Cette valeur nous paraissait importante à établir, puisqu’elle n’avait pas été précisée dans l’étude de validation de l’autoquestionnaire (Taylor, 2005). D’autres auteurs ont d’ailleurs utilisé cette valeur seuil dans une étude sur le lien mère-enfant à 1 an (O’Higgins, 2012). Nos résultats incitent à proposer un entretien, afin de compléter l’évaluation du lien et d’offrir un soutien aux difficultés exprimées, tout particulièrement pour les mères présentant un score au MIBS supérieur ou égal à 2. Comme pour la plupart des tests de dépistage, nous avons donné priorité à la sensibilité du test, considérant aussi que le repérage de difficultés précoces serait susceptible de prévenir l’installation de troubles plus importants et pourrait être ainsi facteur de prévention pour la santé de la mère et de son enfant.
Facteurs pouvant influencer les réponses des mères au MIBS
Le niveau de « dépression » maternelle ou intensité du baby-blues, évalué par le questionnaire EPDS
59Nous n’avons pas trouvé de corrélation entre les scores MIBS et EPDS, alors qu’une corrélation faible a été rapportée entre les scores MIBS et l’humeur maternelle, mesurée non par l’EPDS mais par le Kennerley Blues Scale (Wittkowski, 2007). Taylor et ses collaborateurs (2005) observaient une corrélation entre MIBS et EPDS, mais plus tardivement dans le post-partum. Les différences entre ces deux études et la nôtre peuvent provenir du remplissage précoce du questionnaire EPDS dans notre étude, et de la taille limitée de notre échantillon.
Le style d’attachement adulte de la mère, évalué par le questionnaire AAQ
60Dans le modèle de compréhension du développement proposé par la théorie de l’attachement, le style d’attachement des mères influence le style de caregiving, la sensibilité maternelle et les représentations maternelles (Bowlby, 1969). Il a donc paru pertinent de s’y intéresser en tant que facteur pouvant influencer la mise en place du lien mère-enfant, mais aussi en tant que facteur pouvant influencer la manière de répondre à un autoquestionnaire. Le AAQ, dérivé des énoncés originaux de Hazan et Shaver en 1987 (Bouthillier, 1996), dont la structure bidimensionnelle est théoriquement la plus en accord avec les connaissances actuelles sur l’attachement (Bartholomew, 1998 ; Mikulincer, 2007 ; Crowell, 1995), appartient toutefois à un type d’autoquestionnaires critiqués, notamment quant à leur manque de correspondance avec l’Adult Attachment Interview (AAI) (Cassidy, 1999 ; George, 1985), entretien semi-dirigé représentant le gold standard en matière d’évaluation du style d’attachement adulte (Bartholomew, 1998). Nous n’avons pas retrouvé de corrélation entre le MIBS et le AAQ alors que nous pouvions attendre une corrélation inverse. En effet, les mères présentant un haut niveau d’évitement de l’expression des émotions auraient pu fournir des réponses au questionnaire MIBS suggérant un lien « idéal ». Toutefois, il est possible d’imaginer que les mères présentant un haut niveau d’évitement fassent également preuve de stratégies évitantes dans leurs réponses à l’AAQ.
Les caractéristiques comportementales du bébé évaluées par le MAIB
61L’évaluation de l’état d’éveil prédominant du nouveau-né, de son degré d’excitabilité, de labilité et de sa capacité à se calmer, a été réalisée par le score MAIB, proposé par Field (1978). Ce score, réalisable dès le troisième jour, a permis de relever une bonne concordance dans l’appréciation des caractéristiques comportementales du nouveau-né entre les professionnels et les mères. Notre étude permettait d’observer des corrélations entre les scores MIBS et MAIB Total, et les scores MIBS et MAIB Contrôle de l’état d’éveil. Autrement dit, les mères évoquaient davantage de sentiments négatifs concernant le lien à leur nouveau-né quand celui-ci était « irritable ». L’irritabilité a été définie comme véritable dimension tempéramentale (Brazelton, 1989, 2001). Soulignons d’une part qu’il était impossible de préciser le sens de la corrélation retrouvée dans notre étude, c’est-à-dire si l’attitude du nouveau-né influençait la perception maternelle ou inversement (Hart, 1999). Par ailleurs, la faiblesse des corrélations observées suggérait que de nombreux facteurs autres que les caractéristiques du bébé peuvent aussi influencer la mise en place du lien mère-enfant.
Conclusion
62Le MIBS, utilisé en post-partum précoce, apparaît comme un outil pertinent pour évaluer, en première intention, le lien mère-enfant en maternité. Il pourrait ainsi être utilisé comme outil de prévention qui contient, en lui-même, un effet thérapeutique, comme l’ont exprimé de nombreuses mères. Il peut, de plus, fournir une aide aux soignants de terrain, en tant que point de départ pour susciter un échange, une rencontre autour des difficultés exprimées par les mères.
63Des travaux futurs sont nécessaires pour déterminer quels sont les professionnels les plus adaptés pour réaliser les entretiens spécifiques auprès des mères ayant un score MIBS suggérant une difficulté dans le lien avec leur enfant. L’intervention de puéricultrices ou de sages-femmes pourrait s’envisager, sous réserve d’une formation préalable dans le domaine. Les perspectives de recherche sont aussi relatives à la formalisation et l’évaluation de la prise en charge précoce des difficultés repérées.
64Les résultats annexes obtenus dans la population des mères relevant d’une « sortie précoce » argumentent la nécessité d’une attention particulière au lien précoce mère-enfant de la part des professionnels qui assurent le suivi de ces mères.
65En vue de dépister les mères à risque de développer une dépression du post-partum, il est recommandé d’utiliser de manière systématique l’EPDS (ANAES, 2004). Un outil comme le MIBS pourrait également être utilisé dans ce contexte. De plus, un nombre non négligeable de troubles du lien peut avoir un début tardif, qui ne sera alors pas repéré pendant le séjour à la maternité. La place des professionnels qui suivront la mère et l’enfant au domicile, de l’obstétricien, du pédiatre et du médecin généraliste prend toute son importance pour le repérage de tels troubles.
Points à retenir
- L’attention précoce portée à la mise en place du lien mère-enfant et la prise en charge des difficultés repérées sont des facteurs de prévention pour la santé ultérieure de la mère et de son enfant.
- L’autoquestionnaire MIBS peut représenter un outil de dépistage de difficultés précoces en pratique quotidienne, simple d’utilisation et bien accepté par les mères et les professionnels.
- L’évaluation globale de la relation précoce mère-enfant en maternité s’appuie sur l’observation des professionnels mais devrait également comporter un recueil des sentiments et représentations maternels qui ne sont pas nécessairement perçus par les professionnels.
Remerciements
Nous remercions les Drs F. Molénat et R. M. Toubin, pédopsychiatres au CHU de Montpellier, pour leurs conseils lors de la conception de l’étude.Notes
-
[*]
Cette étude a été menée au sein du Service de Néonatalogie de la maternité de l’Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU Montpellier, 34000 Montpellier, France.
Conflit d’intérêts : aucun.
L’étude présentée a été acceptée par le comité d’éthique du CHU de Montpellier.
La présentation d’une partie des résultats de cette étude a donné lieu à un article publié dans la revue Early Human Development (Bienfait, 2011).
Experts statistiques : Dr Jean-Luc Faillie et Dr Clémentine Combes. Correspondance : Marjorie Bienfait, centre d’action médico-sociale précoce,