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Rôles du père

1Les rôles et apports du père sont de différents niveaux. D’une part, il peut jouer un rôle directement au sein de sa relation avec son enfant, en construisant avec lui une relation chaleureuse, qui se manifestera entre autres dans la qualité de leurs échanges dyadiques, qui, comme nous le verrons plus bas, ont des caractéristiques spécifiques. D’autre part, dans la relation qu’il entretient avec la mère de l’enfant, il peut coconstruire un coparentage coopératif, fait de chaleur, de soutien, et permettant une négociation efficiente des conflits. Le soutien ainsi donné à la mère allège les tâches de cette dernière. En outre, l’enfant voit ainsi ses parents collaborer en tant qu’équipe, ce qui sera pour lui un modèle positif de relations interpersonnelles ; cela lui évitera aussi d’être objet de conflit ou de compétition et ainsi de se trouver placé dans d’autres positions que celle d’enfant, sujet en développement, nécessitant soins et attention (Fivaz-Depeursinge et Philipp, 2016).

Spécificités dans les interactions père-enfant

2

« The father has been viewed by some as a substitute for mother, or for mother’s ability to meet the baby’s needs. Doing so overshadows his actual role as a loving available father in his own right. (…) While the roles of the loving mother and father are not the same, they are complementary and both play a part in the development of their children [2] ».
(Thomas, 2010 ; p. 71)

3Sur bien des plans, les pères apportent des soins similaires à ceux que prodiguent les mères. Lors des premières études sur la paternité, la question de leurs compétences vis-à-vis des jeunes enfants, comparées à celles des mères, était posée et elle a reçu une réponse positive (Parke, 1978). En effet, la littérature sur la paternité indique que les pères sont aussi chaleureux et capables d’ajustement aux besoins de leurs jeunes enfants que le sont les mères (Tissot, et al., 2016 ; Udry-Jorgenson, et al., 2015).

4Il existe toutefois une certaine spécificité paternelle, qui s’observe tant au niveau comportemental que neuropsychologique. En effet, alors que la sensitivité et la synchronie, soit l’ajustement aux signaux sociaux de l’enfant, sont pour les mères liées aux systèmes cortical et sous-cortical, elles ne sont liées qu’au système cortical pour le père (Feldman, 2015) ; le système sous-cortical de la mère serait sensibilisé par les hormones produites pendant la grossesse. Relevons que pour les deux parents, il y a un lien entre les contacts corporels ainsi que le temps passé avec l’enfant et l’activation cérébrale. Toutefois, comme signalé précédemment, ces différences neurologiques ne transparaissent pas dans leurs capacités respectives d’ajustement.

5Quant aux différences comportementales, comparativement aux mères, les pères d’enfants de moins de deux ans utilisent, par exemple, moins de jouets et s’engagent dans des jeux plus physiques (Yogman, 1981 ; Clarke-Stewart, 1978 ; Forbes, et al., 2004). De plus, les pères font davantage d’interférences, par exemple en interrompant l’activité de l’enfant en le chatouillant soudainement. En outre, ils promeuvent moins de jeux de faire-semblant (Power, 1985) et proposent des jeux moins conventionnels par exemple en utilisant des objets de façon incongrue ou en usant de taquineries (Alber-Labrell, 1989). Ils exciteraient ainsi davantage l’enfant et seraient moins apaisants que les mères (Clarke-Stewart, 1978 ; Honig, 2008 ; Paquette, 2004). De cette manière, les pères jouent un rôle important en ce qui concerne le développement cognitif des enfants (Bergonnier-Dupuy, 1997 ; Labrell, 1997) et tendent à promouvoir l’autonomie et la sociabilité de leurs enfants, en particulier durant leurs premières années (Frascarolo, 2004).

6Ainsi, pères et mères sont aussi capables les uns que les autres de prendre soin de leurs enfants et de combler leurs besoins, mais ils le font de façon différente et complémentaire. Les pères inviteraient davantage leurs enfants à sortir de leur zone de confort alors que les mères seraient plus « contenantes » et rassurantes. Il serait dès lors essentiel pour l’enfant d’avoir une relation privilégiée non seulement avec sa mère mais également avec son père. Il faut toutefois noter que la plupart des travaux sur la spécificité paternelle ont été menés dans les années 1970 et 1980 ; ils datent ainsi quelque peu et mériteraient d’être répliqués de nos jours, vu l’évolution des rôles parentaux.

Coparentage et développement de l’enfant

7Comme mentionné plus haut, le père joue également un rôle actif dans l’établissement de la relation coparentale, définie comme le soutien que s’apportent les adultes en charge d’élever des enfants. Le coparentage est un véritable pilier du fonctionnement familial qui a une influence particulière sur le développement de l’enfant, qui va au-delà des influences spécifiques propres aux relations père-enfant et mère-enfant (Minuchin, 1974).

8Un coparentage caractérisé par la coopération et la chaleur prédit une bonne adaptation socio-émotionnelle de l’enfant (Favez, et al., 2013). A l’inverse, un coparentage marqué par la compétition ou l’absence de soutien influence négativement le développement de l’enfant (Belsky, et al., 1996 ; Favez, et al., 2009 ; McHale et Rasmussen, 1998). Dans leur méta-analyse portant sur une soixantaine d’études transversales et longitudinales sur des enfants de 7 mois à 16 ans, Teubert et Pinquart (2010) ont montré que les problèmes « internalisés » (comme l’anxiété, la dépression ou le retrait social) et les problèmes « externalisés » (comme les problèmes comportementaux, les violences et les passages à l’acte) sont moins susceptibles d’apparaître lorsqu’il y a coopération et accord entre les parents, alors qu’ils seront plus probables lorsqu’il y a des conflits et des triangulations, dans lesquelles l’enfant sert d’intermédiaire dans le conflit entre ses parents. Relevons encore qu’en observant les interactions entre ses parents, l’enfant construit des modèles mentaux d’interaction dont il use et usera lors de ses interactions avec les autres.

Gatekeeping : des mères aux professionnels

9Allen et Hawkins (1999) définissent le gatekeeping (littéralement : action du garde-barrière) comme la manière dont la mère régule l’investissement ou l’accès du père auprès de l’enfant. Le concept du gatekeeper (gardien) a été introduit par Lewin (1947) qui étudiait, pendant la Seconde Guerre mondiale, le moyen d’amener la population à consommer du ris de veau et autres bas morceaux de viandes pour en éviter le gaspillage. Il a réalisé que les ménagères jouaient le rôle clé dans le choix des aliments qui parviennent sur la table familiale. Il a ensuite élargi cette observation et élaboré la théorie du gatekeeper, soit celui qui ouvre ou non l’accès à des informations ou à des activités à d’autres personnes. Ensuite, ce terme a beaucoup été utilisé pour qualifier les comportements des mères qui, après un divorce, entravaient les relations entre leurs enfants et leur père (Ihinger-Tallman, et al., 1993).

10Les comportements de gatekeeping de la mère comprennent la fermeture (aspect limitatif) mais également l’ouverture (ou promotion). En effet, elle peut soit faciliter l’engagement du père en lui donnant de l’espace, des encouragements, des compliments, du soutien, et de l’approbation bienveillante ou au contraire viser à contrôler et restreindre son investissement en l’excluant, en le critiquant, en le disqualifiant ou en occupant tout l’espace. Ce concept est maintenant largement utilisé en recherche et en clinique de la famille pour décrire le processus par lequel le père peut se trouver écarté de la relation à l’enfant. Dans les sociétés occidentales, il est généralement attendu des mères qu’elles soient les principales responsables des soins à l’enfant, ce qui favorise leur rôle de gatekeeper.

11Il s’avère que ce processus d’exclusion opère également dans les structures de la petite enfance. En effet, que ce soit dans les maternités, chez les pédiatres, les pédopsychiatres, les infirmières à domicile, ou encore dans les consultations « mère-enfant », on constate généralement une absence plus ou moins marquée des pères. Les noms mêmes de certaines de ces institutions laissent entendre qu’elles sont réservées aux mères (maternité, Protection maternelle et infantile, etc.). En n’impliquant peu ou pas les pères dans les consultations et les soins aux enfants, les professionnels pratiquent donc eux aussi une forme de gatekeeping restrictif. Les témoignages suivants illustrent concrètement ce gatekeeping : « Le pédiatre ne s’est jamais adressé à moi durant toute la consultation. Toutes ses questions n’étaient adressées qu’à ma femme. Je me suis senti totalement invisible ! » (John, 33 ans) ; ou encore : « L’auxiliaire en crèche m’a dit, quand je suis venu chercher ma fille, que je devais dire à ma femme que Nathalie avait vomi ce matin mais qu’elle a fait une bonne sieste. J’ai eu l’impression de devoir donner un rapport à mon supérieur ! Je doute qu’elle aurait fait pareille injonction à ma femme si celle-ci avait été à ma place ! » (Terry, 29 ans) ; enfin : « Après la fausse couche, tout le monde a été très gentil avec ma femme et l’a bien entourée… mais personne ne m’a demandé comment j’allais. La seule personne qui me l’a demandé c’est mon beau-frère qui avait traversé une épreuve de ce type » (Philip, 39 ans).

12Le gatekeeping des professionnels peut également avoir un effet néfaste sur le coparentage. Laisser entendre que l’implication du père est secondaire et optionnelle en mettant systématiquement en avant l’importance de la mère (voir par exemple le label « Protection maternelle et infantile ») peut fragiliser l’établissement du coparentage. À titre préventif, et non seulement en cas d’intervention, il serait souhaitable de souligner l’importance de la coopération au sein de l’équipe coparentale et de favoriser sa construction (Feinberg, 2002) ; ce d’autant plus que c’est bien dans leur conjoint que les parents (aussi bien les pères que les mères) voient leur première source de soutien, au moins sur le plan affectif (de Montigny, et al., 2006). Soutenir le parentage, tant de la mère que du père devrait aller de pair avec un renforcement du coparentage (déjà au niveau des représentations de chacun) et non à son détriment.

13Le gatekeeping des professionnels, résulte probablement du respect de ces derniers pour le rôle traditionnel des mères comme responsables principales des soins aux jeunes enfants. Et il est sans doute renforcé par la surreprésentation des femmes dans les professions liées au premier âge, engendrant probablement un malaise des hommes dans ces environnements à dominance féminine, voire leur fuite de ces endroits où ils ne sont guère bienvenus. Ce gatekeeping découle également des théories développementales focalisées sur les mères, en particulier en ce qui concerne la petite enfance, et le manque, en miroir, de théories cohérentes quant aux contributions spécifiques du père (Truc, 2006 ; Turcotte, 2014 ; Thomas, 2010). Ajoutons que les pères, comme membres du système familial, contribuent eux-mêmes à ce type de relations et de comportements. En effet, leurs croyances en une supériorité « naturelle » des femmes à s’occuper des jeunes enfants, conjuguées à une crainte de mal faire, peuvent inciter certains pères à une position de retrait, voire de fuite.

14Les mères sont plus facilement enclines à participer aux consultations et interventions. La valorisation des émotions dans l’éducation des filles pourrait expliquer la plus grande proximité des femmes avec la culture du travail social qui elle aussi valorise l’affect et la communication (Dulac, 1998). Par ailleurs, ce sont généralement elles qui sollicitent les interventions. Les pères seraient moins demandeurs d’aide et moins habitués à l’accepter. Le fait qu’ils apprécient le soutien des pédiatres, comme l’a observé Montigny, et al. (2006), vient peut-être du focus des consultations pédiatriques qui est davantage sur l’enfant que sur le(s) parent(s) et ne s’inscrit pas dans un rapport aidant-aidé. Mais encore faut-il que les pères soient conviés à ces consultations. Etre invité ou au moins encouragé à venir aux rendez-vous de l’enfant est effectivement une motivation identifiée par les pères (Ahmann, 2006).

15Considérer la mère comme la principale responsable de l’enfant, ou la seule indispensable à son bon développement, amène ces professionnels, peut-être peu à l’aise avec les pères, à ne pas les inclure dans leurs pratiques. D’ailleurs, nombre de formulaires administratifs (fiches de suivi de nourrisson ou d’enfant par des professionnels) ne mentionnent même pas son existence, où uniquement dans son rôle de pourvoyeur. En cas de non-mariage des parents, le manque d’information à son sujet est encore accru (Turcotte, 2014).

16Une relative absence du père au début de la vie présente un risque pour l’établissement des liens père-enfant qui, comme ceux entre la mère et l’enfant, se construisent dès la naissance. Comme le soulignent de Montigny et Lacharité (2005) parlant de la périnatalité : « La participation du père à cette période de transition est cruciale pour établir son implication future dans la vie de l’enfant. » Il est donc important de veiller à favoriser l’émergence de ces liens en soutenant les pères dans leurs interactions avec leur nouveau-né et leur conjointe, et en les renforçant dans leurs croyances en leurs capacités ; de simples commentaires positifs ont déjà un impact apprécié des pères. Un gatekeeping positif et valorisant des professionnels serait donc vivement souhaitable et pourrait avoir des effets à long terme, comme d’éviter que les liens père-enfants soient totalement rompus en cas de divorce. Si le père a pu nouer, dès les premiers jours, des liens suffisamment solides avec ses enfants, le divorce n’entraînerait alors effectivement pas l’effacement d’un homme déjà très absent de la vie de l’enfant (Olivier, 1994).

17Si la responsabilité de l’implication des pères est laissée aux mères, cela renforce le pouvoir de ces dernières et on peut même se demander si elles les invitent aux rendez-vous ; il a par exemple été remarqué que les pères reportant de moins bonnes relations conjugales participent moins aux consultations (Cowan, et al., 1996) ; on peut dès lors se demander si les femmes insatisfaites maritalement demandent à leurs partenaires d’y participer. Il serait donc essentiel que ce soit les professionnels eux-mêmes qui les contactent en soulignant l’importance de leur contribution au développement de leur enfant et au travail clinique, s’il y a lieu (Ahmann, 2006). Etant donné les pressions professionnelles, réelles ou imaginées (contraintes horaires, degré d’implication et taux de présence requis pour la réussite du plan de carrière et l’ascension dans la hiérarchie), inviter les pères à s’impliquer ne va pas forcément entraîner l’investissement attendu. Une douce persistance peut s’avérer nécessaire pour encourager les pères à participer dans les settings professionnels. Leur motivation à venir peut aussi être renforcée en soulignant l’importance de leur rôle pour le développement de leur enfant, ce dont beaucoup de pères ne sont pas convaincus, surtout s’agissant des premières années.

18Dans leur étude sur l’implication des pères dans l’intervention en protection de la jeunesse, Pouliot et Saint-Jacques (2005) notent que les intervenants qu’ils ont interrogés expliquent la difficulté à impliquer les pères en soulignant qu’en cas de divorce, le plus souvent, la mère est la responsable légale. Ces auteurs relèvent que ce titre ne lui donne pas tous les droits, que cela ne justifie pas l’éviction du père et que le discours des intervenants semble indiquer une reconnaissance implicite d’une certaine forme de supériorité de la mère dans le rôle de parent. Cela constituerait un fondement essentiel du gatekeeping des professionnels.

19Dans certains cas, en soulignant implicitement leur « inutilité », le gatekeeping des professionnels à l’encontre des pères, par une prise en charge de la seule dyade mère-enfant, peut conduire à l’éviction du père, stigmatisée par le divorce (Lebovici, communication personnelle, 1999). Cet écartement du père, comment l’enfant le vit-il ? L’enfant ne serait-il pas amené à se juger de peu d’importance aux yeux de son père ? Enfin, si la problématique de l’enfant, amené en consultation par la mère, est en lien avec la qualité du coparentage ou l’absence émotionnelle du père, le gatekeeping des professionnels vis-à-vis de ce dernier ne risque-t-il pas de renforcer les causes des difficultés, en plus de se priver du point de vue du père sur son enfant ?

20Il est vrai que dans beaucoup de séparations ou de divorces, l’inclusion des deux parents dans les rendez-vous peut engendrer de sérieux conflits et accroître certaines difficultés. D’une part, les fournisseurs de prestations devraient recevoir un entraînement pour gérer ces conflits et maintenir la primauté de l’intérêt sur l’enfant et ses besoins. D’autre part, l’intérêt supérieur de l’enfant peut nécessiter que les partenaires, qui sont trop gravement en conflit, n’assistent pas ensemble aux rendez-vous mais soient tous les deux convoqués et entendus, ce qui entraîne un surcroît de travail. L’importance des liens entre le père et ses enfants est si vitale pour leur devenir (Corneau, 1989 ; Brillon, 1998 ; Prahin et Tournier, 2007).

21Relevons que ce gatekeeping professionnel s’inscrit dans un « gatekeeping sociétal », comme le montre la rareté ou la brièveté du congé paternel pour la naissance d’un enfant qui ne favorise guère la construction précoce du lien père-enfant. Par exemple, en France, il est de onze jours calendaires depuis le 1er janvier 2002, mais en Suisse, il n’est que d’un jour ; d’ailleurs, en avril 2016, le Conseil national a rejeté un congé paternité de deux semaines. Autre exemple, certes plus anecdotique mais non moins révélateur : cherchant « rapport sur la paternité » à l’aide d’un moteur de recherche sur Internet, il nous a été demandé « vouliez-vous dire “MATERNITE” ? » !

Coûts de l’absence des pères

22Le fait qu’une corrélation n’implique pas une relation de cause à effet est souvent l’argument avancé pour rejeter les conclusions d’études indiquant un effet négatif de l’absence de père. Suite à leur méta-analyse, McLanahan, et al. (2013) concluent pourtant clairement que l’absence de père est responsable de divers troubles dans le développement socio-émotionnel de l’enfant, et en particulier un accroissement des troubles de comportements externalisés (agitation, agressivité, troubles de l’attention, indiscipline, etc.). Par ailleurs ces troubles sont plus prononcés si c’est dans les premières années de l’enfance qu’il y a absence, comparativement aux âges scolaires. Notons que ces effets persistent à l’adolescence avec l’apparition de comportements à risque (McLanahan, et al., 2013). Des effets sur les compétences cognitives sont aussi observés mais le lien est plus faible que pour les troubles dans le développement socio-émotionnel si ce n’est, qu’à l’adolescence, les auteurs trouvent un lien très fort entre l’absence de père et un plus bas niveau d’étude (Howard, et al., 2006).

23Beaucoup de travaux sur l’impact négatif de l’absence du père concernent l’adolescence, ce qui sort de notre propos, mais invite à s’interroger sur les origines et la précocité de son absence. Relevons que le père peut demeurer impliqué et favoriser le développement de son enfant même en cas de divorce. C’est donc bien son engagement et son investissement dans son rôle paternel qui est en cause et qui devrait être soutenu.

Bénéfices liés à l’implication du père dans les services à la petite enfance

24Il serait utile d’inclure le père dans les consultations et dans tout ce qui se rapporte à leurs enfants (qu’ils vivent sous le même toit ou non), non seulement pour ses apports spécifiques dans le développement de l’enfant et pour le coparentage, mais aussi pour la mère. En effet, impliquer le père pourrait réduire le mother blaming (la culpabilisation, ou l’autoculpabilisation des mères) car de ce fait elle ne serait plus considérée (ou amenée à se considérer) comme seule responsable de l’éducation et du devenir de ses enfants.

25Impliquer le père serait en outre bénéfique pour le père lui-même, que sa paternité soit ou non problématique, mais surtout si elle l’est. En effet, dans le désir d’être bon parent dont font preuve quasiment tous les parents : « Men and women are struggling with the type of experiences that they had as children, while at the same time trying to raise children of their own, bent on not repeating the mistakes they felt that their fathers had made[3] » (Thomas, 2010, p. 64). Or, en reproduisant le modèle du père « absent » que facilite le gatekeeping des professionnels, les pères ne sont pas soutenus dans leur recherche de leur propre manière d’être père mais plutôt poussés dans la répétition du modèle reçu. Donc si le père a, ou a eu, des difficultés avec son propre père ou avec sa paternité, l’écarter ne va pas faciliter la construction de sa relation avec son enfant, dont nous avons souligné l’importance plus haut (Honig, 2008). A l’inverse, la valorisation de son rôle peut renforcer sa motivation à s’impliquer (Benzies et Magill-Evans, 2015).

26Différentes stratégies peuvent être mises en œuvre pour promouvoir l’implication des pères comme le suggèrent entre autres Turcotte (2014) ainsi que Pouliot et Saint-Jacques (2005) :

  1. aménagement des horaires des centres de consultation ;
  2. cadre d’accueil avec images de pères sur les murs, inclusion des pères dans les dépliants d’information et publicité relatives aux services ;
  3. ajout de demande d’informations sur le père dans les formulaires ;
  4. invitation systématique des pères (vivant ou non sous le même toit que l’enfant).

27A cela nous pourrions ajouter :

  1. inclusion des pères par téléphone/skype lors de consultations si leur présence réelle s’avère impossible ;
  2. label des institutions ou services qui inclut le père, la famille ou les parents, et ne se limite pas à la mère et l’enfant (par exemple Protection parentale et infantile, maison de naissance, etc.).

28Enfin, comme le soulignent Pouliot et Saint-Jacques (2005), les auteurs se penchant sur la question de l’engagement paternel insistent généralement sur l’importance de développer des projets axés sur la complémentarité parentale visant à reconnaître les compétences spécifiques des pères, aux yeux des professionnels comme des mères qui sont souvent complices dans le gatekeeping (Dubeau, et al., 1997 ; 1999 ; Rogé, 1997). Ainsi, un travail de sensibilisation et de formation des professionnels visant aussi le développement d’une expertise pour se sentir mieux outillés dans l’intervention avec ou auprès des pères devrait être fait pour pouvoir répondre à ces besoins (Plouffe, 2007).

29Dans le cas des thérapies, les pères apprécient peut-être des qualités différentes chez les professionnels comparativement à celles valorisées par les mères (Ahmann, 2006). Alors que les mères jugent favorablement la connexion émotionnelle avec le thérapeute, beaucoup de pères aiment le voir comme compétent, actif, et prodiguant des conseils clairs et directs, ce qui rendrait la thérapie plus efficace comme l’indique Carr (1998). En effet, la conclusion de ce dernier est : « Engaging fathers early in the therapeutic process, through the adoption of a competent and directive style, should be a priority[4] » (p. 249). Enfin, le point de vue du père sur son enfant serait un avantage de plus (Foote, et al., 1998).

Conclusion

30L’absence du père, considérée comme non seulement normale mais aussi comme non nocive, en partant du principe que quelque chose d’absent ne peut être délétère, ne prend pas en compte le manque face à l’absence (Herzog, 2014), et la souffrance exprimée par certains adultes en thérapie (Corneau, 1989). Ne pas inclure le père en consultation va dans le même sens, transmettant, non seulement aux pères eux-mêmes, mais aussi aux mères et aux enfants, le message de son inutilité. Dès lors pourquoi s’impliqueraient-ils ? Pourtant une importante source de motivation des pères pour s’impliquer réside dans leur perception que leurs enfants en bénéficieraient (Smith Stover, 2016). Brisons dès lors ce cercle vicieux et redonnons sa place au père en reconnaissant son apport. Ajoutons enfin que si le rôle paternel principal reconnu par beaucoup de « séparateur de la dyade mère-bébé » est important, le gatekeeping dont il est l’objet ne lui facilite pas la tâche !

31Voici trois raisons pour lutter contre le gatekeeping limitant le rôle des pères qui est pratiqué de facto par trop de professionnels, ou dont ces derniers sont complices : risquer de priver l’enfant de l’apport spécifique du père, saper le coparentage (et à terme l’unité familiale) et renforcer la responsabilité de la mère (culpabilisation des mères).

32L’envie de favoriser la paternité et d’étayer l’envie des pères d’assumer leurs rôles, donc de mettre en place un gatekeeping professionnel encourageant son implication, ne s’inscrit en aucun cas dans un désir de restaurer le patriarcat des siècles passés mais bien de promouvoir les relations père-enfant et le coparentage, pilier de la famille, et ainsi de favoriser l’égalité des hommes et des femmes (Olivier, 1994), sans gommer leurs spécificités propres. Dans les services relatifs à l’enfant, espérons qu’un jour viendra où les parents seront d’abord perçus comme parent avant d’être père ou d’être mère, sans pour autant dissoudre leurs contributions respectives spécifiques.

Points importants

  • Pères et mères contribuent de façon spécifique et complémentaire au développement de leur enfant, et ce dès sa naissance.
  • Ne pas inclure le père dans les entretiens ou les consultations des services d’accueil et de soins n’est ni « neutre » ni sans conséquence et c’est un message négatif pour l’enfant et pour le père lui-même.
  • Promouvoir l’implication des pères, pour favoriser la coopération entre les parents et le développement de l’enfant, fait partie des responsabilités des professionnels, vis-à-vis de l’enfant et ce dès sa naissance.

Notes

  • [*]
    La majeure partie du présent article a initialement paru en anglais : Frascarolo, F., Feinberg, M., Albert Sznitman, G., et Favez, N. Professional gatekeeping toward fathers : A powerful i nfluence on family and child development. Perspectives in Infant Mental Health, Summer 2016, p. 4-7. Soumis le 15 décembre 2016 ; révisé et accepté 23 janvier 2017.
  • [1]
    Nous garderons le terme anglo-saxon gatekeeping qui renvoie à une action (littéralement celle du garde-barrière) et qui n’est traduisible en français qu’à l’aide d’une périphrase.
  • [2]
    Le père a été vu par certains comme un substitut maternel ou comme un remplaçant pour combler les besoins du bébé. Ceci relègue au second plan son rôle de père disponible et affectueux, soit son rôle de père à part entière. Bien que les rôles aimant de la mère et du père ne sont pas les mêmes, ils sont complémentaires et tous deux jouent un rôle spécifique dans le développement de leur enfant. [Traduction des auteurs]
  • [3]
    Hommes et femmes se débattent avec leur vécu d’enfants, tentant d’éduquer leurs enfants sans répéter les erreurs commises selon eux par leurs pères. [Traduction des auteurs]
  • [4]
    Impliquer précocement les pères dans le processus thérapeutique en adoptant un style directif et compétent devrait être une priorité. [Traduction des auteurs]
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Français

Après quelques mots sur le rôle du père et sur le gatekeeping maternel, qui régule l’engagement paternel, ce papier a pour objectif d’inviter à réfléchir sur le rôle des professionnels dans ce processus, qui généralement restreint l’implication des pères et peut avoir des conséquences néfastes non seulement pour le développement de l’enfant, mais aussi pour le fonctionnement familial dans son ensemble.

Mots-clés

  • fonction garde-barrière
  • rôle des professionnels vis-à-vis des pères
  • fonctionnement familial

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France Frascarolo
PhD et Chargée de cours,
Psychologue
Institut de Psychologie, FADO, Université de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse & Codirectrice de l’Unité de Recherche du Centre d’Etude de la Famille, CHUV, 1008 Prilly-Lausanne, Suisse
Mark Feinberg
PhD, Professor of Health and Human Development Université de Pennsylvanie, Philadelphie, PA 19104, Etats-Unis
Gillian Albert Sznitman
Assistante, Psychologue Institut de Psychologie, FADO, Université de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse
Nicolas Favez
PhD, Professeur en Psychologie Clinique et Relations Interpersonnelles Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université de Genève & Codirecteur de l’Unité de Recherche du Centre d’Etude de la Famille, CHUV, 1008 Prilly-Lausanne, Suisse
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/09/2017
https://doi.org/10.3917/dev.173.0185
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