CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le bébé philosophe, Alison Gopnik (Trad.fr. Sarah Gurcel), (Editions « Le Pommier », coll. Essais et Documents, Paris, 2009/2010)

1L’étude des bébés et des jeunes enfants apporte de nouvelles réponses à des questions fondamentales sur l’imagination, la vérité, l’identité, l’amour, la conscience, la moralité. Autant que son précédent livre Comment pensent les bébés ? avec Andrew Meltzoff et Patricia Kuhl, cet ouvrage d’Alison Gopnik, professeur de psychologie cognitive et de philosophie à l’Université de Berkeley, Californie, est à la fois amusant et indispensable à lire.

2Comment les expériences de la vie de la petite enfance influencent-elles nos vies d’adulte?? Pourquoi les enfants passent-ils tous une bonne partie de leur temps dans un monde de créatures imaginaires??

3Chercheuse en développement et philosophe, Alison Gopnik a aussi un don d’écriture et de pédagogie. Elle peut ainsi nous transmettre les sens et les limites des découvertes considérables sur le développement cognitif et émotionnel des jeunes enfants qui ont révolutionné notre façon de comprendre le développement, en nous aidant à réaliser que nous ne comprenons pas encore grand-chose.

4Son apport spécifique est de montrer à quel point les jeunes enfants, mais aussi les enfants plus âgés, utilisent l’imagination et particulièrement le faire semblant, la fiction, pour comprendre les mécanismes de l’échange social et intersubjectif.

5Les bébés sont le département recherche et développement de l’espèce humaine, nous rappelle Alison Gopnik?: ils nous sont à la fois profondément familiers et totalement étrangers?; ils sont incroyablement capables de changer, d’apprendre dans cette période de la petite enfance qui évoque, plus qu’autre chose, une métamorphose. Dans les mécanismes de ce développement, le jeu, marque de l’enfance, joue un rôle essentiel.

6Un petit livre indispensable au clinicien et à l’enseignant.

Orage à l’aube de la vie. Lien précoce, pathologie puerpérale et développement des nourrissons dans les unités parents/bébé, Sous la direction de François Poinso et Nine Glangeaud-Freudenthal, (Coll. La vie de l’enfant, Erès, Toulouse, 2009)

7Cet ouvrage collectif est un bilan actualisé des recherches, des pratiques, des théorisations auxquelles donnent lieu les unités parents/bébé, soin innovant au carrefour du développement précoce, du soutien à la parentalité, de la psychiatrie d’adultes et d’enfants et de la prévention.

8Il reprend, sous l’égide de la société Marcé francophone, les actes du colloque consacré aux unités mère/bébé et organisé à Marseille par l’équipe de François Poinso en 2003.

9Dans une seconde partie, les contributions proviennent d’un groupe de travail mis en place par Odile Cazas et Bernard Durand autour des unités mères/bébés.

10On ne peut citer ici l’ensemble des contributions, mais le premier article écrit par l’ensemble des responsables d’unités mère/bébé donne un tableau précis des usagers et des soins sur des données nationales 2001/2007.

11On trouvera encore des articles faisant la revue de la littérature sur le retentissement des pathologies psychiatriques parentales, sur le développement de l’enfant par Anne-Laure Sutter-Dalley et sur les soins en unité mère/bébé à la lumière de la théorie de l’attachement par Annick Chauvin.

12Un article sur les pères dans ces unités d’hospitalisation mère/bébé, sur les liens et les réseaux entre les services de maternité et les UMB, sur les indications de placement à la naissance et de signalement.

13L’ensemble conclut, comme le reprend Catherine Isserliss, que «?si les UME n’existaient pas il faudrait sûrement les inventer?». Et cet ouvrage, bourré d’informations, de réflexions cliniques et de recherche clinique est réellement indispensable à tous les acteurs du champ.

Retour à la vie. Guérir de la Shoah, entre témoignage et résilience, Henri Parens, préface de Boris Cyrulnik, (Trad. fr. Catherine Petitjean), (Editions Tallandier, Paris, 2010)

14Pédopsychiatre et psychanalyste, Henri Parens raconte avec pudeur son expérience de la Shoah depuis sa captivité au camp de Rivesaltes à sa fuite aux Etats-Unis. Professeur de psychiatrie à Philadelphie à la Thomas Jefferson University, c’est un penseur très original du développement précoce qui s’est centré sur le développement émotionnel, sur le développement de la violence et des actions de prévention.

15Il a bien voulu revoir pour Devenir la traduction d’un de ses articles majeurs concernant la nécessité de réviser la théorie freudienne classique des motivations tant sur le plan pulsionnel de recherche du plaisir que de l’agression.

16Cet ouvrage est l’un des rares existant qui raconte une trajectoire depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte face au traumatisme de la Shoah. Nous connaissons bien en France celle de Boris Cyrulnik, qui préface cet ouvrage, et en Israël celle de Avi Sagi Schwartz qui a travaillé sur la transmission intergénérationnelle du traumatisme.

17Mais il existe très peu de récits détaillés, écrits à la première personne, d’une telle trajectoire de vie, servie par une langue particulièrement élégante et parfaitement transcrite par la traduction de Catherine Petitjean.

18Il s’agit donc d’une exceptionnelle transcription d’une auto-analyse et des effets dans la vie et l’œuvre scientifique du traumatisme.

Sent before my time, A child psychotherapist’s view of life on a neonatal intensive care unit, Margaret Cohen, (Collection Tavistock Clinic Series, Edition Karnac Books London/New York, 2003. Nouvelle édition, 2010)

19Voici un livre original. Remarquablement écrit et superbement illustré, il concerne la vie des équipes et des bébés dans une unité de soins intensifs pour enfants prématurés. Son originalité est de rassembler des travaux scientifiques sur ce que nous connaissons du développement du prématuré et en quoi il éclaire le développement normal, mais aussi d’y adjoindre une description émouvante et parfois bouleversante du traumatisme vécu par les parents en parallèle au traumatisme du bébé.

20L’ouvrage détaille les méthodes d’observation du bébé, et évoque la question du respect et de l’intégrité, concept rarement cité dans ce contexte. Il détaille la bataille qui peut se livrer chez les parents, dans l’équipe, entre les vœux de vie et ceux de mort et le processus du deuil d’un bébé encore vivant ou près de mourir.

21Il est basé sur une adaptation de la technique d’observation directe des bébés d’Esther Bick, débutée dans les années 40 à la Tavistock Clinic.

22Le livre est écrit à la première personne et commence par un récit de la propre naissance de l’auteur, racontée par sa mère. Margaret Cohen est en effet née à Canterbury en mai 1942 pendant le bombardement de cette ville. La sage-femme avait dit à la maman prête à accoucher que si les bombes touchaient la maternité, elle devrait rouler sous son lit avec son bébé. Elle note aussi que son frère n’avait aucune idée de l’endroit où était passée sa mère qui était à la maternité.

23Il est fondé sur l’échange triangulaire entre les bébés, les parents et l’équipe dans une unité de soins intensifs pour prématurés, et basé sur l’idée que cette expérience de la prématurité est traumatique pour chacun d’entre eux, et que ceci influence tout ce qui se passe dans une telle unité.

24Le titre est emprunté à Shakespeare, Richard III?: «?Sent before my time. Into this breathing world, scarce half made up…?» (Envoyé avant que je ne sois prêt. Dans ce monde qui respire, à peine à moitié fini…)

25Pour tous celles et ceux qui travaillent dans de telles unités, ce livre est indispensable à lire et je dirais à vivre. Il devrait être traduit en français.

Les dépressions périnatales?: évaluer et traiter, Sous la direction de Jacques Dayan, (Collection Médecine et psychothérapie, Masson, Paris, 2008)

26Il s’agit d’un livre remarquable et indispensable, déjà difficile à trouver et qu’il faudrait absolument rééditer.

27Le directeur de la publication, Jacques Dayan, dont on connaît l’action et l’expérience, a déjà signé différents ouvrages sur la psychiatrie périnatale. Il s’est entouré de Gisèle Apter, de Jean-Marc Baleyte, d’Annick Le Nestour, de Jeannette Milgrom, d’Anne-Catherine Rolland, de Christiane Robert-Tissot, d’Yroshi Yamashita et de Keiko Yoshida.

28La préface de Jean-François Allilaire rappelle l’œuvre fondamentale de Louis-Victor Marcé et son traité de la folie des femmes enceintes, nouvelles accouchées et des nourrices (1858). Thérèse Lemperierre nous a parlé dans un article tout récent des Annales Médico-Psychologiques de cette comète de la psychiatrie française, méconnue, en dépit de son œuvre si novatrice.

29La dépression périnatale est la complication majeure de la grossesse. Cet ouvrage de 122 pages en détaille les aspects diagnostiques, thérapeutiques, et les problèmes d’un type particulier s’étendant aux personnalités borderline et aux psychoses puerpérales.

30Il contient des références précises en français et en anglais et représente donc un véritable ouvrage de référence sur ce sujet essentiel en psychiatrie périnatale.

Antoine Guédeney
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/09/2010
https://doi.org/10.3917/dev.103.0273
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène © Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...