CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le berceau vide : Deuil périnatal et travail du psychanalyste. Marie-José Soubieux, Préface de Fernand Daffos et volte-face de Michel Soulé, (La vie de l’enfant, Erès, 2008, 189 pages)

1Que se passe t-il dans le cœur et la tête d’une femme qui perd un fœtus ? Que font ce père en devenir et cette mère face à ce projet qui s’interrompt, à cet enfant qu’ils ont vu à l’échographie, dont ils ont rêvé, et qui leur conférait le statut de parent ? Le livre de Marie-José Soubieux est nourri de sa longue expérience de psychiatre de liaison dans le service de Fernand Daffos, à l’Institut de puériculture de Paris. Fernand Daffos est un pionnier de la médecine fœtale et il a donné dès le début une place importante aux psychiatres dans son service, en choisissant de faire appel à des pédopsychiatres, comme Marie-José Soubieux, Michel Soulé et François Sirol, pour aider les parents à prendre des décisions vitales, ou à survivre psychiquement à des morts fœtales. Ce livre est bien écrit, et donne la parole aux parents, en montrant comment leur cheminement peut être aidé, comment cette douleur peut être entendue, et comment elle avive souvent des traumatismes antérieurs. Il existe d’autres ouvrages sur le sujet, mais peu avec autant d’expérience clinique, et de tact dans la façon d’intervenir. Il parcourt la question du deuil, de la nature du fœtus, du rôle des grands-parents et de la fratrie, de l’enfant de remplacement. Le livre est enrichi de références aux travaux récents sur le sujet, français et étrangers, des textes de loi utiles à connaître. Superbe, et indispensable aux cliniciens travaillant en médecine fœtale.

Prévenir la violence dès la petite enfance, Richard E. Tremblay, (Odile Jacob, 2008, 269 pages)

2Dans cet ouvrage longtemps attendu, commandé à Richard Tremblay par Bertrand Cramer, on a enfin, dans une langue claire et précise, illustrée de façon vivante, érudite mais souvent drôle, un exposé des raisons pour lesquelles le comportement physiquement violent fait partie du répertoire humain, et comment il peut, ou non, donner lieu à la délinquance de l’adolescent et de l’adulte. La violence physique est un comportement qui apparaît et se développe bien avant l’adolescence, avec un pic montré dès 1920 par Goodenough entre 17 et 23 mois ; ce comportement s’installe durablement s’il n’est pas pris en charge tôt. Richard Tremblay est un lecteur des classiques, de Saint Augustin à Sénèque, Rousseau et Darwin, et c’est avec eux qu’il ouvre son propos sur la violence humaine. Il nous montre d’abord qu’elle a plutôt tendance à décroître, et que par conséquent l’exposition croissante à la violence dans les médias ne peut rendre compte de l’augmentation des comportements violents des adolescents. Cette violence des adolescents ne commence pas à l’adolescence, mais bien plus tôt, et sa persistance est déterminée par des éléments qui nous sont maintenant accessibles, grâce à des études prospectives. Il nous montre clairement que la colère est une stratégie très précocement mise en place, et que la petite enfance a tendance à être physiquement violente, avec une décroissance à partir de 3 ans. Débutant comme jeune psychologue dans une prison de grands délinquants, Richard Tremblay retrace son intérêt pour les racines de la violence et les possibilités de prévention, sans se mettre en avant, comme acteur de cette révolution des concepts. Il aurait de quoi, étant devenu le responsable d’une des plus grandes études prospectives sur les comportements violents, et l’auteur d’un nombre impressionnant de publications de tout premier plan, pionnières dans le champ de l’intervention précoce, du lien gène-environnement et du devenir des comportements agressifs précoces et de leurs déterminants relationnels et biologiques.

3Son livre est étayé par non moins de 294 références et de 38 figures, et nous donne un aperçu d’une littérature scientifique encore largement méconnue en France. Participant au rapport INSERM sur les troubles des conduites, il décrit dans une postface combien il a été stupéfait de la polémique menée par « zéro de conduite » et combien ces attaques et ces craintes sont infondées, et bien idéologiques.

4Un ouvrage essentiel pour saisir les enjeux de la prévention précoce, avec une somme d’informations récentes de toute première importance, et une analyse critique, pour comprendre la révolution de la psychologie développementale par un acteur majeur dans ce domaine, un des grands scientifiques de ce siècle, doté d’un remarquable don pédagogique.

Cerveau et psychanalyse. Tentative de réconciliation, Bruno Falissard, Préface de Daniel WiIdlocher, (L’Harmattan, 2008, 103 pages)

5Voilà un petit livre dense, étrange et étonnant, que nous donne Bruno Falissard, notre pédopsychiatre, professeur des universités, ancien élève de l’école polytechnique, méthodologiste et amateur d’évaluations qualitatives, directeur de l’unité INSERM U 669 PSIGIAM à la maison des adolescents de Cochin. Il se penche ici sur l’agencement des connexions cérébrales élémentaires, et cherche à se représenter comment une représentation mentale peut être issue d’un réseau neuronal. La brillante préface de Daniel Widlocher – quand enfin enverra-t-on notre plus grand psychiatre à l’Académie ? – nous rappelle que cette démarche matérialiste n’est pas nouvelle. Mais elle est ici renouvelée, et illustrée de belle manière. La langue de Bruno Falissard est charnue, drôle parfois, vivante et rend agréable la lecture de ce petit ouvrage de grande pensée.

Comment être psychanalyste d’enfants, Hélène Brunschwig, (Coll. 1001 bébés, Eres, 237 pages)

6Grâce aux Editions Erès sont rassemblés ici plusieurs articles de Hélène Brunschwig, dans un petit volume épais, que l’on peut aisément mettre dans sa poche. Les livres de technique psychothérapeutique sont rares, et encore plus quand il est question de thérapie parent-enfant. Voilà pourquoi il me semble indispensable que tout thérapeute, tout interne en pédopsychiatrie, s’offre ce petit volume bourré d’humanité, d’expérience, par celle qui est une des rares pionnières vivante de la thérapie parent-enfant. Et en plus, elle écrit merveilleusement bien, de façon directe et vivante, et ne cache pas sa façon de penser quand elle travaille avec des enfants. Comme elle n’a pas caché qu’elle a d’abord été une patiente d’Alice Doumic Girard et que cette expérience l’a déterminée à être thérapeute à son tour. On a le récit d’une séance détaillée de thérapie mère-enfant, ce qui est remarquable et indispensable à lire. Indispensable.

Antoine Guédeney
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Mis en ligne sur Cairn.info le 19/08/2008
https://doi.org/10.3917/dev.083.0275
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