CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Robert Emde est né en 1935. Il a fait ses études de médecine à l’université du Colorado, où il est toujours professeur de psychiatrie, et responsable du centre d’étude du développement de l’enfant. (University of Colorado Health Science Center, Department of Psychiatry, C268 -69, 4200 East Ninth Avenue, Denver, Colorado 80111, USA).

2Ce numéro spécial de Devenir est en hommage à un clinicien, un psychanalyste, un chercheur du développement du jeune enfant, un organisateur, un conférencier et un professeur d’exception. L’étendue des talents de Robert N. Emde est proprement impressionnante, ce d’autant qu’elle s’exerce de façon exceptionnelle dans tous ces différents domaines. La carrière de Robert Emde s’étend sur une quarantaine d’années. Elle est toujours active, et productive. Il n’est donc pas étonnant qu’un autre clinicien psychanalyste engagé dans l’exploration du développement du jeune enfant, organisateur et animateur, Serge Lebovici, ait pu dire que Robert N. Emde était le collègue qu’il admirait le plus. Robert Emde a précédé Serge Lebovici à la présidence de la WAIPAD, et c’est entre ces deux hommes que s’est réalisé le passage de témoin entre l’Amérique et l’Europe, ce qui n’avait rien d’évident. Et de fait, Robert Emde est un consultant très recherché aux États-Unis : conseiller du National Institute for Mental Health, le puissant NIMH dispensateur de crédits de recherche, et du comité d’évaluation du programme « Early Head Start », pour ne citer que les plus importants. Il a présidé ou fait partie du comité d’administration des sociétés scientifiques les plus recherchées : American Psychiatric Association (APA), International Psychoanalytic association (IPA), International Conference on Infant Studies (ISIS), World Association for Infant Psychiatry (WAIPAD), qui a précédé la WAIMH, la Society for Research on Child Development (SRCD). Tous ces sigles sont bien connus des chercheurs et des cliniciens de la petite enfance, qui savent combien il est difficile de publier dans les revues de ces associations de haut niveau scientifique, et d’avoir une communication acceptée dans leurs congrès. Mais Robert N. Emde continue d’être un psychanalyste et un chercheur, un clinicien et un professeur. La liste de ses publications est saisissante, tant par le nombre : plus de 265, que par le niveau. Elles associent des travaux de recherches de très haut niveau à des rapports qui ont fait date, comme celui pour l’International Psychoanalytical Association sur le rôle des émotions dans le développement précoce. Il est difficile de choisir les publications les plus remarquables. Ses premiers travaux ont eu trait à la réaction du sourire, avec René Spitz, 1964. Il raconte, dans son interview pour Devenir en 1990, comment il a « appâté » René Spitz avec une observation de dépression anaclitique qui allait à l’encontre de la théorie de Spitz, selon laquelle une telle dépression ne pouvait survenir que sur la base d‘une relation antérieurement bonne avec la mère. Ceci aboutit à un article en 1965 sur un cas de dépression anaclitique chez un enfant élevé en institution. En 1966, c’est un travail de psycho-pharmacologie « pointu » avec Metcalf, un grand nom de la neurophysiologie. Cependant, il écrit la même année un article sur le processus thérapeutique dans les groupes. Au début 70, il poursuit des études sur le sommeil néonatal et sur les mouvements oculaires. Ceci aboutit à des publications majeures, avec Campos et Gaensbauer, dans les prestigieuses Archives of General Psychiatry. Mais au même moment, on trouve un travail sur la naissance d’un enfant trisomique et le processus de deuil et d’attachement maternel, à une période où la question de l’attachement est loin d’être à la mode. À la fin des années 70 se place la réflexion sur le rôle des émotions dans le développement précoce, leur modélisation par les interactions parents-enfant, et les prises de position sur le point de vue développemental et ce qu’il apporte en psychanalyse. Le premier travail sur le processus de la référence sociale se situe en 1982 : les expressions émotionnelles sont des régulateurs du comportement. Parallèlement, Emde poursuit sa réflexion sur la critique de la notion de « bonding », sur l’attachement, sur les troubles anxieux du jeune enfant, sur le processus de la reconnaissance des émotions. En 1988 apparaît dans le Journal International de Psychanalyse les articles sur le « développement terminé et le développement interminable : les facteurs innés et les facteurs motivationnels dans la petite enfance ». En 1998 paraît le premier travail sur les pré-formes du sens moral, et en 1989 l’ouvrage avec Arnold Sameroff, traduit en français aux PUF, sur les troubles des relations dans la première enfance. Tout au long de son œuvre, on voit en parallèle les travaux expérimentaux et psychanalytiques se développer : en 1990 paraît à la fois le travail sur la révision développementale du complexe d’Œdipe, et le travail avec Plomin Campos et Kagan sur les différences individuelles dans la petite enfance. En 1993 paraissent travaux sur la procédure du « I Feel », test projectif sur la reconnaissance des émotions, et aussi les réflexions sur le processus de classification diagnostique de la petite enfance. En 1994, l’article sur l’individualité, le contexte et la recherche du sens est aussi très représentatif du point de vue original de Robert Emde sur les processus-clefs du développement psychique. L’article reproduit dans ce numéro, sur la Honte, la culpabilité et le drame œdipien, paraît en 1995. Il reflète bien l’intégration des points de vue psycho-dynamiques, psychanalytiques et développementaux dans la pensée de Emde. En 1996 apparaît le thème de l’étude des récits, leurs liens avec l’expérience de l’enfant dans les interactions, le développement des histoires à compléter de Mac Arthur, mais aussi la réflexion avec Charley Zeanah sur les troubles de l’attachement. Les chapitres de livres seraient tout simplement trop longs à citer dans leur diversité. Je ne peux que mentionner le fait que Robert Emde a préfacé et organisé l’édition des œuvres choisies de Selma Fraiberg. Pendant tout ce temps, Robert Emde a été invité dans presque tous les pays du monde pour des conférences et des cycles d’enseignement. Il y montre sa discrétion, son sincère intérêt de l’autre, sa capacité à jouer et à s’amuser, son sens développé de l’humour, et son intérêt pour la culture, la littérature des pays qu’il visite. C’est donc un homme et une œuvre formidables, peut-être méconnus des francophones, et à qui ce numéro veut rendre hommage. D’une façon qui lui ressemble, Robert Emde a souhaité associer son groupe de recherche. On trouvera dans ce numéro la reproduction d’un entretien fait à Chicago en 1990 suivi d’un entretien tout récent en juillet 2002, à Amsterdam, lors du récent congrès de la WAIMH, dont R.N. Emde est le conseiller scientifique.

Notes

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    Rédacteurs.
Antoine Guedeney [*]
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    Rédacteurs.
Frédérique Le Houezec-Jacquemain [*]
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    Rédacteurs.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 30/11/-0001
https://doi.org/10.3917/dev.024.0317
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