CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le niveau d’éducation des femmes a progressé de manière spectaculaire dans la plupart des pays du monde depuis plusieurs décennies. Cette évolution a entraîné une inversion de la tendance à la supériorité du diplôme de l’homme sur celui de la femme au sein des couples, c’est-à-dire de l’hypergamie féminine [1] en termes d’éducation (Esteve, García-Román et Permanyer, 2012 ; Esteve et al., 2016 ; De Hauw, Grow et Van Bavel, 2017). Ce phénomène est particulièrement net en France, où les couples dans lesquels la femme est plus diplômée que son conjoint sont devenus plus fréquents que le cas inverse à partir de l’an 2000 (Bouchet-Valat, 2014), reflétant une inversion qui s’est produite dès les générations nées dans les années 1950 (Bouchet-Valat, 2015a).

2Pour autant, la signification réelle de ce retournement reste incertaine. S’est-elle accompagnée d’évolutions équivalentes dans d’autres domaines, susceptibles de remettre en cause les rôles de genre au sein du couple ? En dépit de leur récente supériorité en termes d’éducation, les femmes continuent de suivre des carrières nettement moins favorables que celles des hommes (Meurs et Ponthieux, 2006 ; Albouy, Djider et Mainguené, 2012 ; Minni, 2015). On pourrait donc penser que l’activité professionnelle constitue le véritable support des rôles de genre et de leur persistance, et que le niveau d’éducation n’y prend qu’une part mineure.

3C’est pourquoi cet article vise à étendre l’analyse de l’hypergamie à des dimensions autres que l’éducation, en se penchant sur l’évolution de l’écart entre femmes et hommes au sein des couples en France depuis 1969 en termes à la fois de diplôme, de classe sociale et d’origine sociale. La classe sociale (classification Erikson-Goldthorpe-Portocarero, ou en d’autres termes la position professionnelle) présente plusieurs intérêts pour l’étude des inégalités de genre au sein du couple. En plus d’être associée à des dimensions matérielles (revenu, stabilité de l’emploi, conditions de travail), elle indique une position dans l’organisation du travail source de prestige et de pouvoir, et dont les effets peuvent se faire ressentir dans la sphère privée. En exigeant et en légitimant un investissement fort, une position professionnelle élevée peut fournir aux femmes et aux hommes des ressources dans la négociation des rôles au sein du couple, par exemple du point de vue de la répartition des tâches domestiques (Ponthieux et Schreiber, 2006 ; Bauer, 2007 ; Brugeilles et Sebille, 2009 ; Brousse, 2015 ; Champagne, Pailhé et Solaz, 2015 ; pour une revue de littérature internationale, voir Van Bavel, Schwartz et Esteve, 2018). Enfin, contrairement au diplôme, la profession évolue au cours du temps et reflète donc des processus à l’œuvre après la mise en couple, tout en étant plus stable que le revenu.

4Par ailleurs, il est intéressant de retenir un critère supplémentaire, l’origine sociale. Rarement étudiée, cette dimension permet de faire ressortir des asymétries genrées qui ne peuvent s’expliquer par des contraintes liées à la structure de la population, puisque les distributions des femmes et des hommes en termes d’origine sociale sont identiques à l’échelle de la société dans son ensemble. L’étude de l’hypergamie d’origine sociale dévoile donc le caractère genré des processus de formation du couple en lien avec les différences de socialisation primaire et de conditions de vie durant la jeunesse (Battagliola, Brown et Jaspard, 1997).

5Au-delà de l’étude des couples, il importe de prêter attention aux variations du taux de célibat des femmes et des hommes selon les trois dimensions citées. En effet, le phénomène de l’hypergamie féminine au sein des couples va classiquement de pair avec un célibat asymétrique selon le sexe, plus fort parmi les femmes au statut social le plus élevé et parmi les hommes au statut social le plus faible. On sait que à la suite de l’inversion de l’hypergamie féminine de diplôme au fil des cohortes en France, le célibat définitif [2] est devenu moins fréquent parmi les femmes les plus diplômées, au point de ne plus se distinguer des autres groupes (Bouchet-Valat, 2015a). On peut se demander si cette évolution se retrouve du point de vue de la classe sociale et de l’origine sociale, ce qui signalerait une transformation des rôles de genre plus profonde que ce qu’une analyse fondée sur le seul diplôme pourrait laisser penser.

6Nous commençons par rappeler le cadre d’interprétation classique de l’hypergamie, ainsi que les résultats établis par la littérature, qui porte principalement sur le diplôme. Nous montrons ensuite à partir des enquêtes Emploi annuelles de 1969 à 2016 de l’Insee que les couples dans lesquels la femme est la plus diplômée sont devenus majoritaires en France, et que la proportion de couples dans lesquels la femme occupe une position professionnelle plus élevée que son conjoint a nettement augmenté. En revanche, aucune tendance à l’hypergamie ne peut être relevée du point de vue de la classe sociale d’origine. Ces tendances sont allées au-delà de ce qu’explique l’évolution des positions sociales des femmes et des hommes dans la population générale (hypergamie relative). En cohérence avec ces résultats, nous mettons ensuite en évidence une convergence entre hommes et femmes de la distribution des taux de célibat par diplôme, classe et origine sociales, confirmant ainsi les liens entre célibat et hypergamie. Finalement, une synthèse de l’hypergamie relative et du célibat réalisée à l’aide du modèle log-multiplicatif à association anti-symétrique indique une disparition et parfois une inversion des asymétries de genre dans la mise en couple une fois tenu compte de la structure de la population.

7Ces résultats révèlent une transformation profonde des liens entre genre, statut social et mise en couple. Ils soulèvent aussi un paradoxe, tant la disparition des différences genrées de célibat et d’hypergamie relative contraste avec la lenteur de la réduction des inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail.

Encadré 1. Définitions de l’homogamie et de l’hypergamie

L’homogamie désigne le fait que les conjoints sont proches du point de vue d’un ensemble de caractéristiques (ici, la classe sociale, le diplôme et la classe sociale des parents). L’hétérogamie correspond au contraire de l’homogamie. Ces deux concepts ignorent la dimension genrée de la composition des couples. On définit ici comme homogames les couples dans lesquels les conjoints appartiennent à la même catégorie sur la dimension considérée (homogamie stricte), et par conséquent comme hétérogames tous ceux qui sont dans une autre configuration, sans distinguer de nuances d’homogamie et d’hétérogamie. Dans le cas de la classe sociale et de la classe sociale des parents, l’égalité des positions des conjoints est évaluée après regroupement des classes (voir tableau 1).
L’hypergamie féminine, que l’on peut aussi désigner comme hypogamie masculine, décrit la situation d’un couple hétérosexuel au sein duquel la position sociale de la femme est inférieure à celle de son conjoint (mise en couple « vers le haut »), du point de vue d’une dimension particulière. Son inverse est la situation d’hypogamie féminine, ou hypergamie masculine. Il est d’usage dans la littérature de retenir le point de vue de la femme : hypergamie sans plus de précisions fait alors référence à l’hypergamie féminine.
L’hypergamie relative désigne le fait que les couples à hypergamie féminine sont sur-représentés, et les couples à hypergamie masculine sous-représentés, par rapport à ce que l’on attendrait dans une situation où les couples seraient formés totalement au hasard. Ce concept permet de distinguer l’effet des positions sociales occupées de manière générale par les hommes et les femmes dans la population, de ce qui s’explique en propre par l’appariement des conjoints.

1 – L’hypergamie et le célibat dans la littérature

1.1 – La signification sociologique de l’hypergamie

8La tendance à la supériorité du statut de l’homme au sein du couple (ou hypergamie féminine) est un résultat classique de la sociologie. Alors que l’homogamie peut être considérée comme le reflet de la stratification sociale (Bouchet-Valat, 2014), l’hypergamie est l’un des éléments clés du maintien de la domination masculine (Bouchet-Valat, 2015a). Elle en est d’abord un symptôme, puisqu’elle reflète les normes et les structures sociales qui influencent la mise en couple, le parcours scolaire et la carrière des individus. Elle contribue aussi à la reproduction de l’ordre de genre, en influençant de nombreuses dimensions de la vie des conjoints, et à travers la socialisation familiale des nouvelles générations.

9Le phénomène de l’hypergamie féminine peut être schématiquement divisé en trois dimensions distinctes. Premièrement, les hommes et les femmes n’occupent pas des positions sociales égales (effet de structure), ce qui produit nécessairement des écarts au sein des couples. En termes éducatifs, les filles ont longtemps été moins diplômées que les hommes, mais cette situation s’est inversée au cours du XXe siècle (Duru-Bellat, 1990 ; Baudelot et Establet, 1992). En revanche, en termes professionnels, les femmes continuent à occuper des positions inférieures en moyenne à celles des hommes, même si cet écart tend à se réduire lentement (Albouy, Djider et Mainguené, 2012 ; Minni, 2015). Finalement, les origines sociales des femmes et des hommes sont identiques à l’échelle de l’ensemble de la population : les asymétries structurelles ne jouent pas dans ce dernier cas.

10Deuxièmement, au-delà de ces inégalités structurelles, on relève classiquement que les couples dans lesquels le statut de l’homme est supérieur à celui de sa conjointe sont sur-représentés par rapport à ce que l’on attendrait si les individus choisissaient leur conjoint au hasard parmi les individus en couple du sexe opposé. Ce phénomène, désigné sous le nom d’hypergamie féminine relative, peut tenir tout d’abord au fait que les individus ont tendance à former des couples à hypergamie féminine dès le départ de la relation. Cette situation peut elle-même résulter d’un décalage de calendrier de mise en couple entre hommes et femmes selon leur niveau de diplôme, d’une préférence directe pour les appariements qui respectent la norme de supériorité masculine, ou encore d’une réticence des femmes au statut le plus élevé à se plier à ce modèle inégalitaire du couple (voir Bouchet-Valat, 2015a pour une discussion). Ces différents facteurs ont nettement évolué sur la période étudiée. Des études ont notamment documenté un rapprochement des préférences des femmes et des hommes concernant les conjoints potentiels au cours des dernières décennies (Bozon, 1990 ; Buss et al., 2001 ; Zentner et Eagly, 2015), ainsi qu’une plus grande acceptation de la supériorité du revenu perçu par la femme par rapport à celui perçu par son conjoint parmi les cohortes les plus récentes (Esteve et al., 2016).

11Dans le cas de la profession, l’hypergamie relative peut aussi résulter de l’évolution de la situation des conjoints après la mise en couple (Nicole-Drancourt, 1989) : l’écart entre conjoints comporte une composante endogène. En effet, les progressions de carrière des femmes sont moins favorables que celles des hommes (Bozio, Dormont et García-Peñalosa, 2014), du fait notamment du recours au temps partiel et des interruptions de carrière liés aux charges familiales (Le Minez et Roux, 2002 ; Dupray et Moullet, 2005 ; Couppié et Epiphane, 2007 ; Meurs, Pailhé et Ponthieux, 2010). La supériorité de la profession de l’homme, déjà repérable à la mise en couple, tend donc à se renforcer au cours du temps (Bouchet-Valat et Grobon, 2019). S’il existe une norme d’hypergamie féminine selon laquelle la position professionnelle de la femme doit être inférieure à celle de son conjoint, alors on observera une tendance à l’hypergamie relative, reflétant le fait que les carrières des femmes, en plus d’être moins favorables de manière générale que celles des hommes, sont plus spécifiquement bridées de manière à ne pas faire d’ombre à celle de leur conjoint (Testenoire, 2008).

12Troisièmement, l’hypergamie féminine a des conséquences sur la distribution sociale du célibat, qui est dans le schéma classique fortement asymétrique entre femmes et hommes (Singly, 1987 ; Bouchet-Valat, 2015a). Les femmes tendant à prendre pour conjoints des hommes situés plus haut qu’elles dans la hiérarchie sociale (et vice-versa), deux groupes situés aux extrêmes se trouvent en situation particulièrement défavorable sur le marché conjugal : les femmes au statut social le plus élevé, et les hommes au statut social le plus faible sont plus fréquemment célibataires que les femmes des autres groupes. On peut s’attendre à ce que ce schéma ait perdu de sa validité au cours du temps, dans un contexte où les progrès de l’emploi des femmes diminuent l’incompatibilité perçue entre engagements familial et professionnel (Esteve et al., 2016), et où l’emploi de la femme peut s’avérer un atout pour stabiliser la situation économique du couple face au risque de chômage (Oppenheimer, 1994). En revanche, on peut douter que la situation professionnelle de l’homme ait perdu en importance pour la vie en couple, le modèle dominant étant désormais celui du couple de deux actifs. Au contraire de l’hypergamie, ces différences de taux de célibat ne s’expliquent par aucune contrainte structurelle, et leur étude constitue donc un complément essentiel pour mesurer les effets des normes de genre. C’est pourquoi nous proposons ci-dessous une méthode permettant d’analyser de manière conjointe les évolutions temporelles de ces deux phénomènes.

1.2 – L’évolution de l’hypergamie et du célibat dans la littérature

13La littérature sur l’hypergamie féminine s’est très largement concentrée sur la dimension éducative du phénomène, négligeant ses dimensions de classe et d’origine sociale. Comme noté en introduction, on sait que la récente supériorité des femmes en termes de diplôme s’est traduite dans la plupart des pays par une inversion de l’hypergamie féminine (Esteve, García-Román et Permanyer, 2012 ; Esteve et al., 2016 ; De Hauw, Grow et Van Bavel, 2017). La France ne fait pas exception : l’hypergamie féminine de diplôme s’étant inversée à partir des cohortes nées dans les années 1950, allant au-delà de ce que l’évolution de la structure de la population impliquait (Bouchet-Valat, 2015a).

14Parallèlement, la plus forte fréquence du célibat définitif parmi les femmes les plus diplômées a disparu (Bouchet-Valat, 2015a). Cette nouvelle situation contraste fortement avec celle qui prévalait parmi les générations nées avant-guerre en France, pour lesquelles le niveau de diplôme présentait des effets opposés selon le sexe, augmentant les chances de vivre en couple chez les hommes et les diminuant chez les femmes (Desplanques, 1987 ; Courgeau, 1987, p. 65 ; Robert-Bobée et Mazuy, 2005, p. 185 ; Winkler-Dworak et Toulemon, 2007, p. 294). Une évolution similaire s’est produite en ce qui concerne le célibat à un instant donné, puisqu’on n’observait plus guère de différences de taux de célibat entre femmes selon leur diplôme à la fin des années 2000, à l’exception des non diplômées, qui étaient plus fréquemment célibataires (Daguet et Niel, 2010 ; Albouy et Breuil-Genier, 2012). La distribution du célibat parmi les femmes a donc convergé vers celle des hommes.

15Le même mouvement a été relevé dans d’autres pays (Van Bavel, Schwartz et Esteve, 2018). Dans une étude portant sur 25 pays européens dans les années 2000, Kalmijn (2013) a relevé que le niveau d’éducation avait un effet positif sur la probabilité de vivre en couple des femmes de 40 à 49 ans dans les pays les plus égalitaires en termes de genre, mais un effet négatif dans les pays les plus inégalitaires (la France se situant dans la moyenne). Chez les hommes, aucun effet n’est présent dans les pays inégalitaires, mais un effet positif apparaît chez les pays égalitaires. Parmi 23 pays développés, Bertrand et al. (2016) ont observé que les femmes diplômées du supérieur de 35 à 44 ans étaient désormais aussi souvent mariées que les autres en 2010 en France et en Norvège, et même plus souvent que les autres dans les pays anglo-saxons, alors que c’était le contraire en 1995 (voir aussi Goldstein et Kenney, 2001 ; Rose, 2004 ; Fry, 2010 ; Heard, 2011 ; Torr, 2011). En Suède et en Finlande, les plus diplômées vivaient déjà plus fréquemment en couple en 1995 (voir aussi Jalovaara, 2012), l’inversion s’étant produite bien plus tôt dans ces deux pays (Sandström, 2017). En revanche, les diplômées du supérieur vivent toujours moins fréquemment en couple que les autres en 2010 dans le reste de l’Europe de l’Ouest et du Sud, ainsi qu’en Asie (voir aussi Domínguez-Folgueras et Castro-Martín, 2008 ; Dykstra et Poortman, 2009). Les opinions favorables au travail des femmes apparaissent corrélées au niveau national avec un taux de vie en couple élevé des plus diplômées par rapport aux moins diplômées. Du côté des hommes, on peut noter que si un diplôme du supérieur augmente généralement les chances de vivre en couple, ce n’est pas le cas dans plusieurs pays d’Europe du Sud et de l’Ouest. Enfin, De Hauw et al. (2017) ont montré que parmi 28 pays européens dans les années 2000, le taux de vie en couple augmente pour les femmes les plus diplômées et diminue pour les moins diplômées lorsque la proportion de femmes parmi les diplômés du supérieur croît. En revanche, cette proportion est négativement associée au taux de vie en couple des hommes, quel que soit leur niveau d’éducation.

16Seule une poignée de travaux se sont penchés sur la question de l’hypergamie en termes de profession. Pour le cas de la France, Guichard-Claudic, Testenoire et Trancart (2009) ont relevé à partir de l’enquête Familles et employeurs (Ined, 2004-2005) que l’homme appartient à une catégorie socioprofessionnelle (PCS en six catégories) supérieure à celle de sa conjointe dans 19 % des couples, contre 12 % pour le cas inverse. Concernant les évolutions temporelles de l’hypergamie socioprofessionnelle, une étude plus ancienne de Vallet (1986), fondée sur les recensements de la population de 1962, 1968, 1975 et 1982, concluait à un léger affaiblissement de l’hypergamie féminine à la fois en termes absolus, mais aussi au-delà de ce que l’évolution de la structure de la population exigeait (hypergamie relative). Nous n’avons pas connaissance de travaux étrangers mesurant les évolutions d’ensemble de l’hypergamie professionnelle.

17Concernant le célibat, comme pour le diplôme, un statut professionnel élevé tendait à augmenter les chances de vie en couple chez les hommes, mais à les diminuer chez les femmes en France des années 1960 aux années 1980 (Roussel, 1971, 1975 ; Villac, 1984). En particulier, dans une société française restée assez tardivement très rurale, le célibat des hommes agriculteurs, dû à l’exode des filles issues de ce groupe, a longtemps été la conséquence de l’hypergamie féminine la plus importante en termes d’effectifs (Bourdieu, 1962 ; Jegouzo, 1972 ; Courgeau et Lelièvre, 1986). Cependant, au cours des dernières décennies, les différences selon la profession se sont atténuées pour les femmes, au point que les cadres vivaient aussi souvent en couple que les autres salariées en 2009 (Albouy et Breuil-Genier, 2012), voire un peu plus souvent parmi les trentenaires (Buisson et Daguet, 2012). Le célibat continuait en revanche de s’élever avec le statut social des salariés chez les hommes.

18En dehors du cas français, on ne dispose pas d’études portant sur les professions, mais de plusieurs concernant les revenus. Aux États-Unis, Sweeney (2002) a montré qu’une relation positive entre niveau de revenu et mariage était apparue chez les femmes à partir des cohortes nées dans les années 1960, se rapprochant ainsi de la situation valable pour les hommes. Une évolution similaire s’est produite dix ans plus tard au Japon (Fukuda, 2013). Sans que l’on puisse savoir si une inversion a eu lieu, le lien entre revenu et vie en couple est aussi positif en Suède pour les deux sexes (Jalovaara, 2012).

19Finalement, l’hypergamie d’origine sociale ne semble pas avoir fait l’objet d’études quantitatives en France sur la période récente. Une étude portant sur la Suède (Chudnovskaya et Kashyap, 2017) a récemment souligné l’absence d’une tendance à l’hypergamie d’origine sociale parmi les cohortes nées entre 1950 et 1982.

2 – Données et méthode

2.1 – Source et champ

20Les analyses se fondent sur une série de 47 enquêtes Emploi annuelles menées par l’Insee de 1969 à 2016. L’ensemble des couples hétérosexuels cohabitants (mariés ou non) sont retenus. Le célibat est défini négativement comme l’absence d’un conjoint au sein du ménage [3]. Les unions non cohabitantes ne sont pas prises en compte, ce qui pourrait augmenter légèrement le taux de célibat apparent des femmes cadres, qui sont plus fréquemment dans une situation « ni seul ni en couple » (6 %, contre 3 % parmi les 18-79 ans des deux sexes en 2011, voir Régnier-Loilier, 2018, p. 179). Cependant, la prévalence des unions non cohabitantes semble être restée stable au cours du temps (Régnier-Loilier, Beaujouan et Villeneuve-Gokalp, 2009).

21Afin de limiter l’effet des variations au cours du temps de l’âge de première mise en couple d’un côté, et de départ à la retraite de l’autre, l’échantillon est restreint aux couples dans lesquels l’un des conjoints a entre 30 et 59 ans. Les estimations de la proportion de personnes en couple obtenues sur cet échantillon sont proches de celles calculées à partir du recensement de la population (Daguet et Niel, 2010) : elle passe de 83 % chez les hommes et 8 % chez les femmes dans les années 1970 à 72 % chez les deux sexes en 2016.

22L’échantillon final est composé de 1 160 000 individus et de 510 000 couples. La proportion de valeurs manquantes est inférieure à 6 %. Dans le cas de la classe sociale, les couples dans lesquels l’un des conjoints n’a jamais travaillé sont exclus (soit 10 % des couples).

2.2 – Variables

23Trois dimensions de la stratification sociale sont étudiées : le diplôme, la classe sociale et la classe sociale d’origine. Le diplôme est mesuré en 7 catégories : Aucun diplôme ; CEP ; CAP/BEP/BEPC ; Baccalauréat général, technologique ou professionnel ; 1er cycle ; 2e/3e cycles ; Grande école.

24La classe sociale est mesurée dans la classification internationale Erikson-Goldthorpe-Portocarero (EGP) en 11 catégories : Cadres et professions libérales et intellectuelles de niveau supérieur (I), Cadres et professions libérales et intellectuelles de niveau inférieur (II), Employés de niveau supérieur (administrations et affaires, IIIa), Employés de niveau inférieur (commerces et services, IIIb), Indépendants avec salariés (IVa), Indépendants sans salariés (IVb), Agriculteurs exploitants (IVc), Techniciens de niveau inférieur et contremaîtres (V), Ouvriers qualifiés (VI), Ouvriers non qualifiés (VIIa), Ouvriers agricoles (VIIb). Cette variable est construite à partir de la PCS à deux chiffres, du statut (salarié ou indépendants), du nombre de salariés, de la qualification et parfois de la profession détaillée ou du secteur d’activité. Les chômeurs et les inactifs sont placés dans la classe correspondant à la dernière profession qu’ils ont occupée : nous ne cherchons pas à mesurer ici l’activité effective au moment de l’enquête, mais une position professionnelle reflétant le statut social des individus et leurs conditions potentielles d’entrée sur le marché du travail. L’étude de l’activité effective, tenant compte du temps de travail des conjoints, peut être réalisée en s’intéressant aux revenus du travail (Bouchet-Valat, 2017).

25La classe sociale d’origine est mesurée dans la même classification à partir de la profession du père (ou, à défaut, de la mère ou du tuteur) au moment où le répondant ou la répondante a cessé de fréquenter régulièrement l’école ou l’université. Cependant, les indépendants avec et sans salariés (IVa et IVb) ont été regroupés puisque les données ne permettent pas de réaliser cette distinction.

2.3 – La définition de l’hypergamie : hiérarchiser les classes sociales

26L’identification de configurations de couple à hypergamie ou à hypogamie féminine exige de se doter d’un ordre hiérarchique des caractéristiques des conjoints. La définition de l’hypergamie de diplôme est immédiate, étant donné que le diplôme est une variable ordonnée. Celle de l’hypergamie de classe sociale et de classe sociale d’origine est plus délicate à établir, puisque la classification EGP, qui comprend des catégories d’indépendants, n’est pas intégralement construite suivant une échelle de statut. Nous définissons donc une classification des configurations de couple selon qu’elles apparaissent comme homogames (conjoints de même niveau), à hypergamie féminine (la femme a la position la moins élevée), à hypogamie féminine (la femme a la position la plus élevée), ou non ordonnées. Tous les cas dans lesquels la hiérarchie entre classes des conjoints n’est pas absolument claire ont été classés dans ce dernier groupe.

27Nous nous sommes inspirés pour l’établissement de ce classement de l’« ordre de dominance » utilisé par Erikson et Goldthorpe (1992, p. 266) afin d’identifier la classe sociale d’un ménage à partir de celle des deux conjoints, ainsi que de la matrice de mobilité socioprofessionnelle construite par Peugny (2008) pour mesurer la mobilité sociale intergénérationnelle descendante. Nous avons cependant dû apporter quelques ajustements. En effet, l’approche des deux premiers auteurs ne vise pas à retenir la classe sociale la plus élevée des deux, mais celle qui définit le plus profondément la position sociale du ménage. Pour cela, les classes d’indépendants sont toujours considérées comme dominantes par rapport à celles d’employés qualifiés ou de techniciens et contremaîtres, ce qui ne paraît pas le plus approprié dans notre cas.

28La solution retenue par le second auteur est quant à elle fondamentalement intergénérationnelle, et elle vise à tenir compte de l’évolution du statut social des professions au cours du temps. Pour cela, la matrice n’est pas parfaitement symétrique : un enfant d’employé ou ouvrier qualifié devenu artisan ou commerçant est ainsi considéré comme immobile alors que la trajectoire inverse est considérée comme descendante. Même si les hommes et les femmes n’occupent généralement pas les mêmes postes au sein d’une même classe sociale, il ne nous semble pas justifié de retenir ici ce type de distinction. La matrice que nous retenons est donc parfaitement symétrique, et nous faisons l’hypothèse que la ségrégation genrée entre professions au sein d’une classe sociale ne remet pas en cause leur hiérarchie.

29La partie supérieure de la table est l’inverse de sa partie inférieure.

30La matrice retenue (tableau 1) suit quelques principes simples. Le classement des catégories salariées ne pose pas de difficulté particulière. Du fait de la très forte ségrégation genrée au sein des classes populaires, nous considérons ouvriers et employés qualifiés d’un côté, ouvriers et employés non qualifiés de l’autre, comme étant de même statut. Ce regroupement, aussi retenu par Peugny (2008), apparaît pleinement justifié par les travaux portant sur les professions non qualifiées (Burnod et Chenu, 2001 ; Amossé et Chardon, 2006).

Tableau 1

Matrice d’hypergamie de classe sociale

Tableau 1
Femmes Hommes I II V IIIa & VI IIIb & VIIab IVa IVb IVc I : Cadres de niveau sup. H=F II : Cadres de niveau inf. F>H H=F V : Techniciens F>H F>H H=F IIIa & VI : Employés et ouvriers qualifiés F>H F>H F>H H=F IIIb & VIIab : Employés et ouvriers non qualifiés F>H F>H F>H F>H H=F IVa : Indép. avec salariés – F<H F<H F<H F<H H=F IVb : Indép. sans salariés F>H – – – F<H F>H H=F IVc : Agriculteurs F>H – – – F<H F>H – H=F

Matrice d’hypergamie de classe sociale

« H=F » indique que les classes sociales des deux conjoints sont considérées comme approximativement de même statut. « F<H » indique que le statut social de la femme est inférieur à celui de son conjoint (hypergamie féminine), alors que F>H indique la situation inverse (hypogamie féminine). « – » indique l’absence de classement.
La partie supérieure du tableau et l’inverse de sa partie inférieure.

31Le classement des configurations comprenant un indépendant est plus délicat. Les indépendants avec salariés ont été considérés comme de statut supérieur à toutes les autres catégories, à l’exception des cadres et professions intellectuelles supérieures, avec lesquels ils forment une paire non ordonnée : en effet, une partie importante de ce groupe est constituée de chefs d’entreprises de taille relativement modeste. De leur côté, les indépendants sans salariés et les agriculteurs ont été traités de manière identique : étant donné la grande hétérogénéité de ces groupes, nous avons renoncé à les considérer comme hiérarchiquement ordonnés par rapport aux cadres et professions intellectuelles de rang inférieur, aux techniciens et contremaîtres ainsi qu’aux ouvriers et employés qualifiés. Ces deux dernières classes ne sont pas non plus ordonnées entre elles ; en revanche, elles sont considérées comme de rang inférieur aux cadres et professions intellectuelles supérieures et aux indépendants avec salariés, ainsi que de rang supérieur aux ouvriers et employés non qualifiés.

32Cette hiérarchie est appliquée de manière identique aux classes d’origine des conjoints, la classe des indépendants avec ou sans salariés étant considérée comme celle des indépendants sans salariés, et le croisement avec les cadres et professions intellectuelles supérieures comme non ordonné.

3 – L’évolution de l’hypergamie : entre affaiblissement et inversion

33Nous commençons par mesurer l’évolution de la prévalence de l’hypergamie parmi les couples cohabitants depuis 1969. Nous mettons en évidence une inversion de l’hypergamie féminine de diplôme, un affaiblissement de l’hypergamie de classe sociale, mais une absence d’hypergamie selon la classe sociale d’origine.

3.1 – L’inversion de l’hypergamie de diplôme

34Les évolutions de l’hypergamie de diplôme (graphique 1) confirment les résultats des études précédentes (Esteve, García-Román et Permanyer, 2012 ; Bouchet-Valat, 2014, 2015a). La proportion des couples dans lesquels la femme est plus diplômée que son conjoint a doublé depuis 1969, passant de 18 % à 37 %. À l’inverse, la proportion de couples dans lesquels l’homme est le plus diplômé a légèrement augmenté puis a stagné entre 1969 et le début des années 1980, avant de diminuer lentement, passant de 35 % en 1980 à 25 % en 2016. Ainsi, l’hypergamie féminine de diplôme est devenue moins fréquente que la situation inverse autour de l’an 2000. On peut par ailleurs relever que la proportion de couples de même diplôme a quelque peu diminué, reflétant une tendance à l’affaiblissement de l’homogamie (Bouchet-Valat, 2014).

Graphique 1

Évolution des taux d’homogamie, d’hypergamie et d’hypogamie observés et attendus en situation d’appariement aléatoire

Graphique 1

Évolution des taux d’homogamie, d’hypergamie et d’hypogamie observés et attendus en situation d’appariement aléatoire

Champ : couples cohabitants dans lesquels l’un des deux conjoints est âgé de 30 à 59 ans pour les proportions observées ; individus âgés de 30 à 59 ans pour les proportions attendues (et ayant déjà travaillé dans le cas de la classe sociale).
Source : enquêtes Emploi 1969-2016 (Insee).

35Ces évolutions s’expliquent en grande partie par l’augmentation du niveau de diplôme des femmes par rapport aux hommes. En effet, les proportions attendues sous l’hypothèse d’une mise en couple au hasard des individus (célibataires inclus) ont suivi les mêmes grandes tendances que celles réellement observées. Sur toute la période, les couples homogames sont plus fréquents que ce que l’on attendrait en cas de mise en couple aléatoire, alors que les couples à hypogamie et à hypergamie féminines sont au contraire moins fréquents qu’attendu. On peut cependant relever que la proportion de couples dans lesquels la femme est la plus diplômée a augmenté plus rapidement qu’attendu, signalant une évolution au-delà des contraintes structurelles que nous confirmerons plus bas.

3.2 – Le développement de l’hypogamie féminine de classe sociale

36La matrice d’hypergamie définie plus haut nous permet de réaliser la même analyse concernant la classe sociale des conjoints (graphique 1). La proportion de couples dans lesquels la femme a un statut professionnel supérieur à celui de son conjoint est restée stable autour de 13 % entre 1969 et le milieu des années 1980. Elle a ensuite progressé de manière régulière, jusqu’à atteindre 23 % en 2016. Ce mouvement provient principalement du développement des couples dans lesquels la femme appartient aux cadres et professions intellectuelles au sens large (I et II, la seconde catégorie recoupant en partie les professions intermédiaires dans la nomenclature des PCS), dont la proportion double entre 1985 et 2016, passant de 18 % à 37 % de l’ensemble des couples. On relève par ailleurs une certaine stabilité de la proportion de couples dans lesquels l’homme appartient à une classe sociale supérieure à celle de sa conjointe, qui croît quelque peu jusqu’en 1990 jusqu’à atteindre 45 % [4], avant de redescendre à 40 % en 2016. Finalement, on peut noter comme pour le diplôme une diminution du taux d’homogamie (Bouchet-Valat, 2014). Dans l’ensemble, si les tendances se révèlent très proches de celles déjà commentées concernant le diplôme, il importe de souligner que les couples à hypergamie féminine demeurent nettement majoritaires en termes de classe sociale [5].

37Ces évolutions correspondent globalement à celles qui seraient attendues en situation de mise en couple aléatoire, mais elles vont légèrement au-delà. Tout d’abord, les couples homogames sont nettement sur-représentés. La proportion de couples dans lesquels la femme appartient à une classe sociale plus élevée que son conjoint est restée sur toute la période sensiblement inférieure à celle qui serait attendue en situation de mise en couple au hasard, mais, cette configuration de couple s’est développée un peu plus rapidement qu’attendu. Au contraire, les couples dans la situation inverse ont longtemps été un peu plus fréquents qu’attendu, mais ils sont depuis quelques années moins fréquents que si les couples se formaient au hasard. On voit donc que, comme celle de diplôme, l’hypergamie féminine de classe sociale s’est affaiblie au-delà des contraintes structurelles.

3.3 – L’absence d’hypergamie selon la classe sociale d’origine

38La classe sociale d’origine offre une entrée pour l’étude de l’hypergamie assez différente des deux dimensions précédentes. Les origines des hommes et des femmes étant par définition égales à l’échelle de l’ensemble de la population, l’hypergamie et l’hypogamie féminines seraient également fréquentes en situation de mise en couple au hasard. Toute différence entre hypergamie et hypogamie féminines dans les données observées serait donc le reflet des mécanismes genrés de choix du conjoint, et plus particulièrement du célibat différencié entre hommes et femmes selon leur origine sociale.

39Mais aucun phénomène de ce type n’apparaît (graphique 1). Les couples dans lesquels la femme est d’une origine supérieure à celle de son conjoint sont pour toutes les années aussi fréquents que ceux dans lesquels l’inverse est vrai, aussi bien en termes de proportions attendues en situation de choix aléatoire du conjoint que de proportions observées. Ainsi, lorsque les contraintes structurelles ne l’imposent pas, les couples ne se forment pas suivant un modèle dans lequel l’homme doit avoir un statut supérieur à celui de sa conjointe. Les différences de taux de célibat selon l’origine sociale, dont nous confirmerons ci-dessous la réalité, ne sont pas assez marquées pour avoir un effet notable sur la composition des couples. Ce résultat négatif est cohérent avec les observations réalisées ci-dessus à propos du diplôme et de la classe sociale, qui indiquaient que l’hypergamie féminine s’explique essentiellement par l’influence de la structure de la population : l’appariement des conjoints ne joue qu’un rôle très limité, et la norme d’hypergamie ne s’exprime que de manière ténue.

4 – La distribution du célibat des femmes a convergé vers celle des hommes

40Si le cadre d’interprétation décrit dans la première section est correct, les évolutions majeures de l’hypergamie féminine que nous venons de mettre en évidence concernant le diplôme et la classe sociale ont dû s’accompagner d’une transformation profonde de la distribution sociale du célibat chez les deux sexes. On l’a vu, dans le modèle classique de l’hypergamie, les hommes aux positions sociales les moins élevées et les femmes aux positions sociales les plus élevées sont les groupes les plus frappés par le célibat, du fait de leur situation défavorable sur le marché conjugal. Nous montrons dans cette section que ce modèle a été largement remis en cause par une convergence de la distribution sociale du célibat parmi les femmes vers celle qui prévalait parmi les hommes.

41La série d’enquêtes 1969-1974 fournissant des estimations de la proportion de personnes en couple étant incohérentes avec les séries suivantes, nous retenons dans ce qui suit l’année 1975 comme point de départ.

4.1 – Une convergence des taux de célibat par diplôme des femmes vers ceux des hommes

42Comme on s’y attendait, les taux de célibat par diplôme se sont très nettement rapprochés entre hommes et femmes entre 1975 et 2016, au point de devenir presque identiques. Alors que l’hypergamie féminine de diplôme s’est inversée, on observe ici une égalisation entre hommes et femmes.

43La répartition du célibat par diplôme en 1975 (graphique 2) correspondait bien au schéma classique déjà décrit. Chez les femmes, le célibat progressait de manière plutôt régulière avec le diplôme, passant de 16 % pour les titulaires du certificat d’études à 27 % pour les diplômées des 2e et 3e cycles du supérieur, avec comme exception les non diplômées, qui présentaient un taux de célibat équivalent à celui des diplômées du CAP, du BEP ou du BEPC (20 %). Chez les hommes, en revanche, seuls les moins diplômés se distinguaient véritablement des autres par un célibat plus fréquent (25 %, contre de 12 % à 17 % pour les autres groupes).

Graphique 2

Proportion d’hommes et de femmes célibataires selon le diplôme, la classe et l’origine sociales en 1975 et en 2016 (en %)

Graphique 2

Proportion d’hommes et de femmes célibataires selon le diplôme, la classe et l’origine sociales en 1975 et en 2016 (en %)

Champ : individus âgés de 30 à 59 ans (et ayant déjà travaillé dans le cas de la classe sociale). Sont considérés comme célibataires les individus ne vivant pas en couple cohabitant à la date de l’enquête. Les proportions sont estimées à l’aide d’une régression locale de degré 1 (LOESS).
Source : enquêtes Emploi 1975-2016 (Insee).
Graphique 2bis

Proportion d’hommes et de femmes célibataires selon le diplôme, la classe et l’origine sociales en 1982 et en 2016 (en %)

Graphique 2bis

Proportion d’hommes et de femmes célibataires selon le diplôme, la classe et l’origine sociales en 1982 et en 2016 (en %)

Champ : individus âgés de 30 à 59 ans. Sont considérés comme célibataires les individus ne vivant pas en couple cohabitant à la date de l’enquête. Les proportions sont estimées à l’aide d’une régression locale de degré 1 (LOESS).
Source : enquêtes Emploi 1982-2016 (Insee).

44Si ce tableau est resté valable jusqu’aux années 1990 [6], le célibat s’est fortement développé depuis parmi les femmes les moins diplômées, tout en restant stable chez les plus diplômées, au point que le taux de célibat des femmes décroît désormais avec leur niveau d’éducation. L’échelle du taux de célibat selon le diplôme s’est donc totalement inversée chez les femmes. Chez les hommes, le célibat s’est développé dans tous les groupes, quoiqu’un peu moins nettement chez les non diplômés. Au total, en 2016, les taux de célibat par diplôme sont presque exactement identiques entre les deux sexes.

4.2 – Une atténuation des différences genrées de célibat selon la classe sociale

45Les évolutions sont presque aussi profondes du point de vue de la classe sociale. Chez les hommes, les mêmes traits se retrouvent au début et à la fin de la période, le développement du célibat ayant affecté de manière similaire la plupart des groupes. On observe ainsi une diminution du célibat à mesure que l’on progresse dans l’échelle de statut parmi les salariés, avec un taux de 37 % en 1975 et de 40 % en 2016 parmi les ouvriers agricoles, mais de seulement 10 % en 1975 et 21 % en 2016 parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures [7]. Les agriculteurs se distinguaient par un taux de célibat élevé en 1975 (24 % ; voir aussi Bourdieu, 1962 ; Jegouzo, 1972, 1991 ; Courgeau et Lelièvre, 1986), mais qui, stable sur toute la période, apparaît désormais moyen en 2016 (à 27 %) du fait du développement du célibat dans les autres groupes.

46Les différences entre groupes salariés sont moins marquées chez les femmes, mais les évolutions temporelles sont plus importantes. En 1975, l’échelle du célibat était approximativement l’inverse de celle relevée chez les hommes, quoique bien moins marquée : le célibat devenait plus fréquent à mesure que l’on s’élevait dans la hiérarchie, passant de 16 % pour les ouvrières non qualifiées à 28 % pour les cadres et professions intellectuelles supérieures, et même 38 % pour les indépendantes avec salariés [8]. Le célibat des agricultrices était faible (14 %) du fait en particulier de la faible proportion de femmes gérant seules une exploitation, liée elle-même à l’exode rural des filles d’agriculteurs.

47De manière analogue à l’évolution relevée pour le diplôme, le célibat féminin s’est surtout développé parmi les classes salariées les moins qualifiées, qui vivaient le plus souvent en couple en 1975. Une égalisation entre classes sociales a donc pris place dans un premier temps (Buisson et Daguet, 2012), qui s’est dans la dernière décennie transformée en inversion de l’échelle. Désormais, comme chez les hommes, les femmes cadres et professions intellectuelles supérieures vivent plus souvent en couple que les ouvrières qualifiées et non qualifiées, avec 26 % de célibataires, contre respectivement 32 % et 35 %.

4.3 – Une atténuation des différences selon la classe sociale d’origine chez les femmes

48Les variations du taux de célibat selon la classe d’origine sont moins importantes que selon le diplôme et la classe sociale, en particulier chez les hommes. Chez ces derniers, seuls les individus issus du monde agricole (agriculteurs et ouvriers agricoles), et ceux issus des classes supérieures se distinguaient en 1982 par un taux de célibat plus élevé que les autres groupes (respectivement 19 % et 17 %, contre 15 % pour les autres).

49Les écarts étaient plus marqués chez les femmes. Ils faisaient écho en 1982 à ceux déjà observés selon la classe sociale : le célibat augmentait avec le statut social, passant de 15 % et 16 % chez les filles d’agriculteurs et d’ouvriers agricoles à 27 % chez les filles de cadres et professions intellectuelles supérieures.

50Dans les dernières décennies, les taux de célibat selon l’origine sociale se sont rapprochés entre les deux sexes. Désormais, les enfants d’agriculteurs se distinguent par un célibat moins fréquent que la moyenne (à 25 % pour les hommes et 22 % pour les femmes), de même que les enfants d’indépendants chez les hommes (à 25 %), alors que les autres groupes présentent des taux proches (de 27 % à 31 %). L’augmentation du taux de célibat avec l’élévation du statut social du père que l’on observait chez les femmes a donc complètement disparu.

51Le fait que les écarts de taux de célibat liés à l’origine sociale étaient plus forts en 1982 chez les femmes que chez les hommes, alors que c’était l’inverse pour la classe sociale, semble indiquer que la mise en couple était plus affaire de normes sociales liées au milieu d’origine et moins de situation professionnelle chez les premières que chez les seconds. Selon cette interprétation, l’atténuation des écarts de taux de célibat entre femmes selon l’origine sociale et l’augmentation de ceux selon la classe sociale pourrait être ici encore l’indice d’une convergence des normes de mise en couple des deux sexes.

52Dans l’ensemble, l’hypothèse d’un lien entre évolution de l’hypergamie féminine et des taux de célibat est très clairement confirmée. À l’inversion de l’hypergamie de diplôme correspond une inversion de l’échelle des taux de célibat par diplôme chez les femmes, qui est désormais identique à celle valable de longue date chez les hommes. À la disparition de l’hypergamie de classe sociale fait écho un mouvement de convergence similaire, mais de moindre ampleur que pour le diplôme. Enfin, l’absence d’hypergamie de classe sociale d’origine se traduit par un effet peu marqué de l’origine sociale sur le célibat chez les hommes, et une certaine augmentation du célibat avec le statut social du père chez les femmes qui a disparu depuis 1982. À chaque fois, le célibat suit les mêmes tendances temporelles que l’hypergamie, quoique de manière moins affirmée.

53À la différence de l’hypergamie, pour laquelle un sexe constitue par définition l’image inversée de l’autre, le célibat nous permet d’observer lequel des deux sexes a connu les évolutions les plus significatives. On assiste de ce point de vue à la convergence de la distribution du célibat des femmes par diplôme et par classe sociale (et moins nettement par classe sociale d’origine) vers celle des hommes. En effet, l’échelle sociale du célibat est restée assez stable chez ces derniers, à l’exception de groupes bien particuliers comme les agriculteurs. L’augmentation du niveau d’éducation des femmes et de leur activité professionnelle a donc eu pour conséquence de rapprocher les facteurs de la vie en couple des femmes de ceux des hommes.

5 – Une synthèse de l’hypergamie et du célibat : le modèle d’association anti-symétrique

54L’étude séparée des évolutions de l’hypergamie et du célibat a confirmé la relation qu’entretiennent ces deux phénomènes, visible aux tendances parallèles qu’ils suivent. Pour conclure cette analyse, nous chercherons dans cette section à synthétiser ces deux faces d’une même pièce – la détermination genrée du choix ou du non-choix du conjoint – dans une représentation commune. Pour cela, nous construisons des tables d’homogamie combinant les caractéristiques des conjoints pour les personnes en couple avec le célibat pour celles qui ne le sont pas. L’absence de conjoint est considérée comme un type de conjoint supplémentaire, ce qui permet de tenir compte de la distribution sociale du célibat.

55Alors que nous avions mesuré plus haut l’hypergamie en la définissant à partir d’un classement établi a priori, il s’agira ici de décrire les asymétries entre hommes et femmes telles qu’elles apparaissent dans l’association mesurée à partir des tables d’homogamie, sans préjuger de l’existence d’une hiérarchie. Cette représentation libre sera confrontée aux résultats déjà obtenus, fournissant une épreuve supplémentaire du cadre théorique élaboré ci-dessus. En outre, allant au-delà des résultats présentés plus haut, nous mesurons l’hypergamie relative, c’est-à-dire les asymétries entre hommes et femmes une fois contrôlée la structure de la population de chaque sexe chaque année d’enquête.

56Un modèle peu utilisé est parfaitement adapté à cette étude (Bouchet-Valat, 2015b) : le modèle d’association lignes-colonnes anti-symétrique, proposé par van der Heijden et Mooijaart (1995), permet de résumer les différences genrées dans l’appariement des couples et le célibat de la meilleure manière possible sur une paire de dimensions, sur lesquelles chaque catégorie se voit attribuer un score (encadré 2). Ce modèle de type log-multiplicatif cherche ainsi à décrire la composante de l’association dans la table d’homogamie (augmentée du célibat) qui ne s’explique ni par la répartition des femmes et des hommes entre les différentes catégories, ni par la plus grande proximité ou distance sociale entre groupes. Seules sont considérées les asymétries entre hommes et femmes, c’est-à-dire le fait qu’une configuration de couple (par exemple, un cadre en couple avec une employée) est sur- ou sous-représentée par rapport à son symétrique (une cadre en couple avec un employé), une fois tenu compte de la distribution des hommes et des femmes dans les différentes catégories.

Encadré 2. Équations des modèles log-linéaires et log-multiplicatifs

Tous les modèles prennent pour base le modèle d’indépendance (M0), qui contrôle la structure de la population pour chaque année, mais suppose qu’il n’existe aucune association entre les caractéristiques des conjoints (ou le célibat). En notant mhft les effectifs prédits par le modèle pour la cellule à l’intersection de la ligne h (catégorie de l’homme), de la colonne f (catégorie de la femme) et de la couche t (année d’enquête), dans une table de dimensions H×F×T, ce modèle s’écrit :
equation im5
Le modèle de quasi-symétrie stable (M1) ajoute une association symétrique, qui revient à postuler que l’association entre les caractéristiques des conjoints est parfaitement symétrique et stable dans le temps une fois contrôlée la structure de la population. Il s’écrit :
equation im6
avec equation im7 les paramètres d’association symétriques.
Le modèle de quasi-symétrie à forme de régression (M2) étend le précédent en combinant une évolution temporelle à forme de régression (Goodman et Hout, 1998) à une association symétrique. Il suppose que cette dernière varie d’un état de départ à un état d’arrivée, un paramètre étant estimé entre 0 et 1 pour situer chaque année dans cette transition. Il s’écrit :
equation im8
Avec equation im9 les paramètres d’association symétriques décrivant l’état de départ, equation im10 ceux décrivant la variation entre le départ et l’arrivée, et ψt les coefficients annuels indiquant la position dans la transition entre les deux.
Le modèle d’association lignes-colonnes anti-symétrique utilisé ici est une extension à des tables à trois dimensions du modèle proposé par van der Heijden et Mooijaart (1995 ; voir aussi Falguerolles et van der Heijden, 2002). Fondée sur une décomposition de Gower (Constantine et Gower, 1978, p. 301302 ; Greenacre, 2000), cette spécification de l’association vise à décrire la composante anti-symétrique de l’association, c’est-à-dire la part de l’association qui échappe aux coefficients symétriques inclus dans les modèles précédents. Nous ne retenons ici qu’une seule paire de dimensions anti-symétriques. Étendant le précédent, le modèle quasi-symétrique à forme de régression sans évolution temporelle (M3) s’écrit :
equation im11
Le modèle avec évolution temporelle (M3) s’écrit :
equation im12
Les paramètres μ et v représentent respectivement les scores des catégories sur chaque dimension de la paire, et ϕ l’intensité de l’association anti-symétrique sur les deux dimensions. Pour être identifiables, les scores sont centrés et réduits en retenant une pondération par la moyenne des marges de la table. Soit, en notant Phft les effectifs observés dans la cellule à l’intersection de la ligne h, de la colonne f et de la couche t :
equation im13
Les modèles sont estimés dans l’environnement R, à l’aide des paquets gnm (Turner et Firth, 2015) et logmult (Bouchet-Valat, 2018).

57Contrairement aux plans factoriels calculés par l’analyse en composantes principales ou l’analyse des correspondances, les plans représentant les positions des catégories sur une paire de dimensions ne se lisent pas par les oppositions sur chaque axe (coordonnées cartésiennes), mais de manière orientée (coordonnées polaires), en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre (ou dans le sens inverse). C’est le sens de l’angle formé par un point, l’origine des axes, et un autre point, qui indique si les configurations dans lesquelles l’homme appartient à la première catégorie et la femme à la seconde sont sur- ou sous-représentées (en termes d’odds ratios) par rapport à leur symétrique. En prenant pour référence une catégorie donnée, les catégories d’appartenance des conjoints se trouvent divisées en deux groupes : dans le sens horaire, et jusqu’à 180°, se trouvent les groupes plus fréquemment associés aux hommes de la catégorie ; dans le sens inverse, ceux plus fréquemment associés aux femmes de la catégorie. Enfin, un groupe présente son asymétrie maximale avec les groupes dont les points forment un angle droit avec le sien ; il présente au contraire une association symétrique et des appariements similaires avec les points qui forment un angle nul avec le sien ; et enfin une association symétrique, mais des appariements opposés, avec les points qui forment un angle de 180° avec le sien (ceux qui lui sont diamétralement opposés).

58Ces critères sont résumés par une figure plus intuitive à manier : plus l’aire du triangle reliant deux points à l’origine est grande, plus deux points présentent une forte asymétrie hommes-femmes ; la comparaison du sens de l’angle avec celui indiqué par la flèche donne le sens de l’asymétrie. Ainsi, les points les plus éloignés de l’origine des axes correspondent aux catégories présentant les asymétries les plus fortes entre hommes et femmes, alors qu’un point situé sur l’origine ne présente aucune asymétrie. L’angle du segment reliant les points à l’origine n’a aucune signification en lui-même : il n’a de sens que relativement aux autres points. Le plan peut ainsi subir des rotations arbitraires sans modifier l’association décrite.

59Les statistiques d’ajustement des modèles permettant de vérifier la significativité des asymétries genrées et de leur évolution temporelle sont présentées dans le tableau 2. Le modèle d’indépendance (M0, voir encadré 2), qui suppose l’absence d’association entre caractéristiques des conjoints (ou le célibat) décrit assez mal les données. En revanche, les modèles postulant une association parfaitement symétrique une fois tenu compte de la structure de la population (quasi-symétrie, M1 et M2) ne classent de manière incorrecte qu’entre 3 % et 7 % des observations (indice de dissimilarité) selon que l’on considère le diplôme, la classe sociale ou l’origine sociale. Les modèles d’association anti-symétrique (M3 et M4) permettent cependant d’aller légèrement au-delà de cette description déjà précise. La comparaison des indicateurs AIC et BIC [9] entre les différents modèles emboîtés indique l’existence d’une association anti-symétrique statistiquement significative (M3), qui varie dans le temps (M4) [10]. Nous présentons ci-dessous les résultats du modèle le plus complet, comprenant une variation temporelle (M4), pour le diplôme, la classe sociale et l’origine sociale.

Tableau 2

Indicateurs d’ajustement des modèles

DL*DévianceΔ (%)BICAIC
Diplôme :
M0 : Indépendance1 645193 69717,6171 520190 407
M1 : M0 + quasi-symétrie stable1 62513 2954,6-8 61210 045
M2 : M1 + quasi-sym. à forme de régression1 5607 7163,5-13 3144 596
M3 : M2 + association anti-symétrique stable1 5516 1983,2-14 7113 096
M4 : M3 + association anti-symétrique variable1 5052 7442,1-17 546-266
Classe sociale :
M0 : Indépendance5 640270 90920,9195 345259 629
M1 : M0 + quasi-symétrie stable5 57525 1986,2-49 49614 048
M2 : M1 + quasi-sym. à forme de régression5 46519 3535,2-53 8668 423
M3 : M2 + association anti-symétrique stable5 44611 5954,0-61 370703
M4 : M3 + association anti-symétrique variable5 40010 3483,8-62 001-452
Classe sociale d’origine :
M0 : Indépendance3 46577 20512,131 50270 275
M1 : M0 + quasi-symétrie stable3 4116 4203,9-38 571-402
M2 : M1 + quasi-sym. à forme de régression3 3244 9043,3-38 940-1 744
M3 : M2 + association anti-symétrique stable3 3074 5033,1-39 117-2 111
M4 : M3 + association anti-symétrique variable3 2734 3833,1-38 788-2 163

Indicateurs d’ajustement des modèles

DL : degrés de liberté. Δ : indice de dissimilarité.

5.1 – L’inversion des asymétries selon le diplôme

60En ce qui concerne le diplôme, la paire de dimensions identifiée par le modèle (graphique 3) dessine un plan clairement divisé en deux parties. Sa moitié droite contient exclusivement la catégorie des célibataires (« Pas de conjoint ») ; sa moitié gauche déroule l’échelle des diplômes dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ainsi, parmi les individus non diplômés, les hommes présentent une tendance au célibat bien plus forte que les femmes, l’angle droit entre ces deux catégories correspondant à l’asymétrie la plus forte possible dans le sens horaire. En revanche, les hommes non diplômés se mettent plus rarement en couple que les femmes du même groupe avec un conjoint diplômé (sens anti-horaire).

Graphique 3

La paire de dimensions anti-symétriques pour le diplôme

Graphique 3

La paire de dimensions anti-symétriques pour le diplôme

Champ : individus âgés de 30 à 59 ans. Une pondération par la moyenne des marges est utilisée, et la taille des points est proportionnelle aux effectifs moyens des catégories correspondantes.
Source : enquêtes Emploi 1969-2016 (Insee).

61En s’élevant dans l’échelle des diplômes, on retrouve une opposition similaire : les femmes tendent à prendre des conjoints plus diplômés, les hommes des conjointes moins diplômées. Mais au-delà du CAP et du BEP, ce sont les femmes qui ont le plus de chances d’être célibataires, l’angle avec la catégorie « Pas de conjoint » passant du sens horaire au sens anti-horaire. La différence entre célibat féminin et célibat masculin atteint son maximum parmi les diplômés du supérieur, dont les points forment approximativement un angle droit avec la catégorie « Pas de conjoint ».

62Ces résultats illustrent bien le lien entre hypergamie féminine et distribution genrée du célibat. Ils mettent clairement en évidence que le célibat a des caractéristiques opposées chez les hommes et les femmes : chez les premiers, il est le fait de ceux qui ne peuvent trouver une conjointe moins diplômée qu’eux ; chez les secondes, de celles qui ne peuvent trouver de conjoint plus diplômé qu’elles.

63En cohérence avec les résultats déjà obtenus plus haut, ce schéma n’est pas resté stable au cours des quarante dernières années (graphique 4). Si la description du plan que nous venons de détailler s’appliquait bien au début de la période, l’intensité de la paire de dimensions a continûment diminué depuis 1969, au point de s’inverser au début des années 2000 : le coefficient d’association intrinsèque anti-symétrique passe ainsi de 0,15 à -0,05. Ce résultat confirme donc l’inversion de l’hypergamie féminine déjà observée plus haut, tout en l’élargissant par la prise en compte simultanée du célibat et le contrôle de l’effet mécanique de l’augmentation du niveau d’éducation des femmes (hypergamie relative).

Graphique 4

Évolution de l’intensité des paires de dimensions anti-symétriques

Graphique 4

Évolution de l’intensité des paires de dimensions anti-symétriques

Légende : Un coefficient d’association intrinsèque anti-symétrique nul (encadré 2) correspond à une absence d’asymétrie hommes-femmes (au-delà des contraintes structurelles) selon la paire de dimensions considérée ; une valeur négative indique l’inversion du sens de l’asymétrie par rapport à ce qui est décrit sur le plan (graphique 3, graphique 5 et graphique 6). Une pondération par la moyenne des marges est utilisée.
Champ : individus âgés de 30 à 59 ans (et ayant déjà travaillé dans le cas de la classe sociale).
Source : enquêtes Emploi 1969-2016 (Insee).

5.2 – La disparition des asymétries selon la classe sociale

64L’application du modèle d’association anti-symétrique à la classe sociale fait apparaître un plan relativement différent de celui concernant le diplôme : alors que la moitié gauche suit approximativement une échelle sociale, la moitié droite suit une logique bien plus complexe.

65Comme pour le diplôme, on observe qu’au sein des groupes au statut le plus élevé (cadres et professions intellectuelles supérieures, indépendants avec salariés), les femmes sont plus souvent célibataires et les hommes prennent plus souvent des conjointes plus bas dans la hiérarchie. Mais l’échelle sociale qui se dessine en suivant le sens des aiguilles d’une montre est relativement atypique. Ainsi, les techniciens et contremaîtres apparaissent avant les cadres et professions intellectuelles de rang inférieur. Mais ce sont surtout les groupes qui apparaissent en dernier, juste avant la catégorie des célibataires, qui brisent la régularité de l’échelle : professions agricoles et employés non qualifiés se trouvent bien après les ouvriers non qualifiés et les employés qualifiés. Cette position reflète un célibat plus fréquent parmi les hommes que parmi les femmes de ces catégories (notamment dans le monde agricole), dont on voit maintenant qu’il va de pair avec une tendance des femmes à prendre des conjoints au statut professionnel inférieur au leur [11]. En effet, les configurations dans lesquelles l’homme appartient à ces groupes, et sa conjointe aux cadres et professions intellectuelles sont sur-représentées en termes d’odds ratios par rapport aux configurations inverses. Au contraire, les configurations dans lesquelles les conjointes sont ouvrières sont sous-représentées par rapport à leurs inverses.

Graphique 5

La paire de dimensions anti-symétriques pour la classe sociale

Graphique 5

La paire de dimensions anti-symétriques pour la classe sociale

Champ : individus âgés de 30 à 59 ans et ayant déjà travaillé. Une pondération par la moyenne des marges est utilisée, et la taille des points est proportionnelle aux effectifs moyens des catégories correspondantes.
Source : enquêtes Emploi 1969-2016 (Insee).

66La différence de position entre ouvriers non qualifiés et employés non qualifiés est frappante. Alors que les ouvriers non qualifiés évitent de prendre pour conjointes des femmes placées plus haut qu’eux dans la hiérarchie des professions, et se mettent très fréquemment en couple avec des employées non qualifiées, les hommes de ce dernier groupe ne sont que rarement dans la situation inverse d’être en couple avec des ouvrières non qualifiées. L’asymétrie entre ces deux configurations va bien au-delà de ce que la structure de la population exige. Puisqu’elle ne peut s’expliquer par les situations respectives des ouvriers et employés non qualifiés sur le marché du travail, relativement similaires (Amossé et Chardon, 2006), elle semble devoir être interprétée en termes d’interaction entre identités professionnelles et rôles de genre. En effet, les employés non qualifiés sont parmi les professions les plus féminisées, qui ne se prêtent sans doute pas au maintien d’une identité masculine très affirmée, qui passerait notamment par le respect de la norme d’hypergamie féminine. Ils travaillent aussi plus souvent dans de petites structures dans lesquelles la chaîne hiérarchique est plus courte (voire absente) et les normes de travail peu formalisées (Gollac, 1989 ; Burnod et Chenu, 2001), ce qui pourrait faciliter les rencontres allant à l’encontre de l’hypergamie féminine en rendant ce critère moins visible.

67Pour autant, ce tableau a lui aussi radicalement évolué au cours des quarante dernières années (graphique 4) : les asymétries hommes-femmes en termes de classe sociale ont presque complètement disparu, le coefficient d’association intrinsèque anti-symétrique passant de près de 0,17 à 0,03. Ce résultat est cohérent avec le développement des couples dans lesquels la femme a le statut professionnel le plus élevé et avec l’atténuation des différences genrées de célibat en termes de classe sociale, mais il est plus marqué que ces deux évolutions, ce qui peut s’expliquer par le fait que la distribution inégalitaire des hommes et des femmes en termes de classes sociales est ici contrôlée. La tendance ne semble pas s’essouffler, indiquant une possible inversion de l’asymétrie comme dans le cas du diplôme à relativement brève échéance.

5.3 – La fin des faibles asymétries selon la classe sociale d’origine

68Finalement, le modèle d’association anti-symétrique permet de mettre en évidence des asymétries hommes-femmes qui étaient restées invisibles plus haut lors de l’utilisation d’une hiérarchie a priori des classes sociales et sans tenir compte du célibat. Cependant, ces asymétries sont faibles, et le modèle n’améliore pas aussi clairement la description des données que dans le cas du diplôme et de la classe sociale des conjoints (tableau 2).

69Le plan décrit par la paire de dimensions anti-symétriques est relativement similaire à celui déjà obtenu pour la classe sociale des conjoints (graphique 6). On retrouve, dans sa moitié gauche, l’échelle de statut déroulée approximativement dans le sens des aiguilles d’une montre. Néanmoins, les enfants d’employés apparaissent bien plus haut que ceux d’ouvriers et de techniciens et contremaîtres – ce qui contraste nettement avec la position des employés non qualifiés, en bas de la hiérarchie, obtenue du point de vue de la classe sociale des conjoints. Cette différence entre effet de l’origine sociale et effet de la profession occupée peut s’expliquer par le fait que l’on compare ici les professions de deux hommes (les pères), alors que l’analyse à partir de la classe sociale des intéressés met en regard celle d’un homme et d’une femme. Du fait de la ségrégation genrée des professions, les hommes issus de ce groupe sont rarement devenus eux-mêmes employés non qualifiés, contrairement aux femmes de même origine (Vallet, 1999, p. 27, 29).

Graphique 6

La paire de dimensions anti-symétriques pour la classe sociale d’origine

Graphique 6

La paire de dimensions anti-symétriques pour la classe sociale d’origine

Champ : individus âgés de 30 à 59 ans. Une pondération par la moyenne des marges est utilisée, et la taille des points est proportionnelle aux effectifs moyens des catégories correspondantes.
Source : enquêtes Emploi 1982-2016 (Insee).

70L’évolution temporelle des asymétries hommes-femmes selon la classe sociale d’origine est moins marquée que selon les deux autres dimensions (graphique 4), ce qui est cohérent avec la faible amélioration apportée par le modèle. Néanmoins, elle indique une baisse relativement régulière de l’importance de la paire de dimensions, qui disparaît même après 2010. Moins clairement significative, cette tendance est donc néanmoins parfaitement cohérente avec les deux précédentes.

6 – Conclusion

71Les évolutions de l’hypergamie de diplôme, de classe et d’origine sociales ont été majeures en France depuis 1969. La supériorité scolaire des filles s’est récemment traduite par une supériorité des femmes par le diplôme au sein du couple, qui est allée au-delà des contraintes imposées par la structure par diplôme de la population (hypergamie féminine relative). En 2016, les femmes sont plus diplômées que leur conjoint dans 37 % des couples cohabitants âgés de 30 à 59 ans, et les hommes dans seulement 25 % des couples.

72L’évolution a été moins spectaculaire, mais cependant notable, du point de vue de la classe sociale des conjoints. Les femmes occupent désormais une profession plus élevée que leur conjoint dans 23 % des couples, contre environ 13 % entre 1969 et 1990. En revanche, les hommes occupent toujours une profession plus élevée que leur conjointe dans près de 40 % des couples, et cette proportion a attendu les années 1990 pour commencer à décroître lentement. Ces évolutions ont été plus fortes que ce qu’exigeait l’augmentation de la proportion de femmes dans les professions les plus qualifiées.

73Enfin, aucune hypergamie en termes de classe sociale d’origine n’a pu être relevée. Ce résultat confirme que l’hypergamie résulte avant tout de l’existence d’inégalités structurelles entre femmes et hommes, plus que l’appariement des conjoints proprement dit : lorsque, comme c’est le cas pour l’origine sociale, les positions des hommes et des femmes ne diffèrent pas en moyenne, l’hypergamie disparaît.

74Comme nous en avons fait l’hypothèse, les évolutions de l’hypergamie ont eu pour conséquence une nette diminution des différences genrées dans la distribution sociale du célibat. Que ce soit pour le diplôme, la classe sociale ou la classe d’origine, c’est à chaque fois la distribution des femmes qui s’est rapprochée de celle des hommes.

75Ce rapprochement est d’autant plus marqué que l’hypergamie féminine a diminué du point de vue de la dimension considérée. Ainsi, la distribution du célibat selon le niveau d’éducation est aujourd’hui complètement identique entre hommes et femmes. Les moins diplômés sont désormais le groupe le plus affecté par le célibat chez les deux sexes, alors que, du côté des femmes, cette place était occupée par les plus diplômées il y a à peine deux décennies. Cette convergence se relève aussi du point de vue de la classe sociale, même si l’évolution est moins radicale. En 2016, les femmes cadres et professions intellectuelles supérieures vivent un peu plus souvent en couple que les employées et les ouvrières, alors que c’était l’inverse encore dans les années 1990. Finalement, du point de vue de la classe sociale, les écarts plus modérés entre femmes de différentes origines se sont réduits au point de ressembler à ceux valables chez les hommes, alors que le célibat était plus fréquent parmi les femmes d’origine sociale élevée en début de période.

76Combinant l’analyse de l’hypergamie et celle du célibat, le modèle log-multiplicatif d’association anti-symétrique (van der Heijden et Mooijaart, 1995) nous a finalement permis de synthétiser les différences entre femmes et hommes du point de vue de la vie en couple en un seul indicateur tout en contrôlant l’évolution de la structure de la population. Celui-ci révèle une inversion des asymétries genrées en termes de diplôme entre 1969 et 2016, leur quasi-disparition en termes de classe sociale, et une disparition complète des faibles asymétries qui existaient en termes d’origine sociale. Il est donc clair que l’on assiste à un retournement historique de l’hypergamie féminine dans toutes ses composantes.

77Au total, ces résultats montrent que l’élévation du niveau d’éducation des femmes par rapport à leurs conjoints a eu son équivalent en termes professionnels, même si les évolutions sont bien moins rapides. Ce constat fait écho à la lente réduction de l’écart de salaires entre conjoints que l’on observe en France (Bouchet-Valat, 2017), reflet non seulement de l’élévation des positions professionnelles des femmes, mais aussi de l’augmentation de leur temps de travail. Il est cohérent avec le fait que les femmes plus diplômées que leur conjoint sont plus fréquemment les principales pourvoyeuses de revenus du couple (Klesment et Van Bavel, 2017).

78On peut penser que ces évolutions seront porteuses à terme d’une remise en cause des rôles de genre au sein du couple (Testenoire, 2008), puisque le fait d’exercer une activité professionnelle et la position sociale de l’emploi occupé jouent un rôle dans la réduction du temps accordé par les femmes aux tâches domestiques (Bauer, 2007 ; Evertsson et Nermo, 2007 ; Champagne, Pailhé et Solaz, 2015, p. 218219), de même que le salaire et le temps de travail (Gershuny, Bittman et Brice, 2005 ; Ponthieux et Schreiber, 2006 ; Brugeilles et Sebille, 2009 ; Raley, Bianchi et Wang, 2012). Cependant, la lenteur du mouvement exige de nuancer ce pronostic.

79Pour finir, on peut relever deux paradoxes dans ces résultats. Le premier est que la disparition des différences entre hommes et femmes en termes de célibat et d’hypergamie relative selon la classe sociale s’est réalisée sans que – c’est un euphémisme – les inégalités de genre en termes de carrières professionnelles ne se soient résorbées. Le marché conjugal semble de ce point de vue nettement en avance sur le marché du travail, qui est pourtant fortement dépendant de la définition genrée des rôles au sein du couple (Pailhé et Solaz, 2009). De fait, lorsque la structure de la population n’impose pas une supériorité masculine (comme c’est le cas du point de vue du diplôme et de l’origine sociale), on ne relève aucune tendance à l’hypergamie féminine. Ce décalage entre mise en couple et carrières professionnelles fait écho de la lenteur de l’évolution des rôles au sein du couple en dépit de normes égalitaires (Kaufmann, [1992] 2014 ; Singly, 2007).

80Le second paradoxe des évolutions de la vie en couple mises en évidence ici tient à ce que la diminution des inégalités de genre s’est accompagnée d’un renforcement des inégalités de classe du point de vue du célibat. Si vivre en couple était déjà plus fréquent pour les hommes occupant une position sociale élevée dans les années 1960, c’est bien l’inverse qui était vrai chez les femmes. Or, l’augmentation du taux de célibat a frappé d’abord les femmes et les hommes les moins socialement favorisés, mettant fin à ce qu’on peut considérer comme une anomalie dans le système des inégalités sociales. Désormais, les individus des deux sexes disposant de moins de ressources culturelles et économiques sont aussi ceux qui mettent le moins en commun ces ressources au sein d’un couple. On peut craindre que cette évolution ne renforce les inégalités entre ménages, et que ceux ne percevant qu’un seul revenu décrochent par rapport aux ménages de deux actifs, de plus en plus fréquents (McLanahan et Percheski, 2008). Le cas des familles monoparentales, qui concerne avant tout des femmes peu diplômées et à la situation professionnelle précaire, en est l’illustration la plus nette (Chardon, Daguet et Vivas, 2008).

Notes

  • [1]
    Se référer à l’encadré 1 pour les définitions des concepts d’homogamie et d’hypergamie.
  • [2]
    C’est-à-dire le fait de ne jamais avoir vécu en couple à la fin de sa vie ou du moins à un âge avancé.
  • [3]
    Plus précisément, certaines séries d’enquête ne permettant de repérer que le couple formé par la personne de référence du ménage et sa conjointe, seuls ces couples sont considérés ici. Cette restriction augmente le taux de célibat d’environ 1,5 point de pourcentage en début de période (du fait de l’existence de ménages comprenant plusieurs couples), surtout parmi les agriculteurs (+5 points), et ne fait aucune différence dans les années récentes.
  • [4]
    L’écart avec 1969 tient en grande partie à la rupture de série intervenue en 1982.
  • [5]
    Une analyse portant sur les seuls couples bi-actifs donne des résultats très proches, avec pour seule différence une plus grande proportion de couples homogames et une moindre représentation des couples à hypergamie féminine, aboutissant à une légère plus grande égalité entre conjoints.
  • [6]
    Cette situation est très récente : au milieu des années 2000, on n’observait pas de différences de taux de célibat systématiques entre femmes suivant le niveau de diplôme (Daguet et Niel, 2010 ; Prioux, Mazuy et Barbieri, 2011 ; Albouy et Breuil-Genier, 2012).
  • [7]
    Les techniciens et contremaîtres se distinguaient cependant en 1975 par un taux de célibat aussi faible que les indépendants employant des salariés (7 %).
  • [8]
    On peut noter l’exception des techniciennes et contremaîtres, et des ouvrières qualifiées, deux groupes de faibles effectifs chez les femmes et qui présentaient des taux de célibat élevés en 1975.
  • [9]
    Le critère d’information d’Akaike (AIC) et le critère d’information bayésien (BIC) mesurent l’adéquation d’un modèle aux données en mettant en regard la qualité de la description avec la complexité en termes de nombre de paramètres. Une valeur inférieure (ou plus négative) indique qu’un modèle doit être préféré à un autre, la comparaison entre deux modèles emboîtés étant équivalente à un test de significativité.
  • [10]
    L’indicateur BIC, plus parcimonieux que l’AIC, incite à considérer qu’aucune variation temporelle n’a pris place du point de vue de l’origine sociale.
  • [11]
    Cette interprétation est confirmée par le fait que la position de ces groupes au bas de la hiérarchie persiste lorsque le modèle est estimé sur la table excluant les célibataires (voir Bouchet-Valat, 2015b pour une analyse fondée sur la PCS à deux chiffres).
Français

À la suite de l’augmentation du niveau d’éducation des femmes, les couples dans lesquels la femme est plus diplômée que son conjoint sont désormais majoritaires en France : l’hypergamie féminine s’est inversée. Cet article actualise ce résultat à partir des enquêtes Emploi de l’Insee, et met en évidence une tendance similaire quoique de moindre ampleur sur le plan professionnel : la proportion de femmes appartenant à une classe sociale (classification EGP) plus élevée que leur conjoint est passée de 13 % en 1969 à 23 % en 2016. Ces tendances sont allées au-delà de ce que l’évolution de la structure de la population impliquait (hypergamie relative). En revanche, on ne relève aucune hypergamie en termes d’origine sociale. La théorie classique liant l’hypergamie à une distribution asymétrique du célibat selon le sexe est pleinement confirmée. Ainsi, si le célibat augmentait à mesure que le diplôme, la classe sociale et l’origine sociale s’élevaient chez les femmes en début de période, cette échelle s’est inversée pour les deux premières dimensions et a disparu pour la dernière. La distribution du célibat des femmes s’est globalement rapprochée de celle des hommes.

Mots-clés

  • hypergamie
  • célibat
  • couple
  • inégalités de genre
  • choix du conjoint

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Milan Bouchet-Valat
Institut national d’études démographiques (INED) et CREST-LSQ
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/02/2019
https://doi.org/10.3917/reof.160.0005
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