Les articles de cette livraison de la RHMC forment le second volet du dossier « Race, sang et couleur à l’époque moderne : histoires plurielles » et cette introduction est la suite de celle qui ouvre le numéro 68-2 d’avril-juin. Un rappel des principes qui ont guidé la confection de ces numéros est nécessaire avant de passer à la mise en perspective des articles qui suivent.
Nous proposons de faire un pas de côté par rapport au débat éruptif qui agite la vie politique et intellectuelle en France depuis quelques années, et particulièrement ces derniers mois, autour de la notion de race. Il s’agit pour cela de suivre une méthode d’historicisation radicale de la catégorie elle-même. Comme on l’a vu dans l’introduction du précédent numéro, le débat politique et intellectuel porte sur le caractère souhaitable ou non de l’utilisation de la notion de race comme outil critique visant à révéler des formes de discrimination invisibilisées par le système social et l’idéologie dominante. Les partisans de l’usage de cette catégorie arguent de l’existence de discriminations fondées sur la race au même titre qu’il y a des discriminations fondées sur la classe ou le genre. S’ils rejettent tout essentialisme dans cette utilisation du concept, ils lestent cependant celui-ci d’un poids d’existence considérable et, parfois, transhistorique. Les opposants à cet usage, pour certains refusent les logiques qu’ils qualifient d’« identitaires » voire de « racialistes », lesquelles seraient caractéristiques des mouvements porteurs de cette utilisation du terme de race, pour d’autres considèrent qu’elle écrase les complexités sociales et historiques des formes de domination, rabattues sous un terme unique, et vont parfois jusqu’à rejeter toute possibilité d’importer dans les études françaises un concept qui serait issu des réalités de la société nord-américaine…