CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Le développement des politiques de réforme de l’État depuis les années 1960 constitue un fait social contemporain dont il faut souligner l’originalité. Contrairement à ce que la récurrence historique de ces programmes peut laisser penser, il ne va pas de soi que les élites politiques et administratives proclament publiquement l’importance des défaillances de la machinerie étatique, rendent visibles les enjeux de réorganisation de l’appareil d’État et fassent de la réforme de l’Étatle leitmotiv de leur action. Depuis plusieurs décennies pourtant, la formalisation d’une interrogation réflexive sur l’État, sur sa rationalité, ses fonctionnements et son organisation, la croissance de politiques publiques destinées à prendre en charge les dysfonctionnements administratifs et la forte publicité accordée à ces programmes ont acquis une importance inédite. Ce phénomène singulier revêt plusieurs facettes [1].

2 L’essor de savoirs et d’instruments qui prennent l’État et son administration comme objets d’investigation est, d’abord, indissociable de ce mouvement : la science des organisations, l’économie de l’administration et surtout le New Public Management (NPM)  [2] ont opérationnalisé et rendu légitimes le recours à de nouvelles formes d’administration supposées permettre de mieux gouverner ou mieux administrer. C’est à travers ces savoirs théoriques et pratiques que les règles historiques de l’administration bureaucratique ont été progressivement constituées en objet d’enquêtes et, progressivement, en objet d’interventions, donc à la fois en enjeu politique (politics) et en enjeu de politique publique (policy). Objet d’appropriations variées, le NPM alimente particulièrement la construction de diagnostics critiques sur l’administration (coûts élevés, insuffisante sensibilité aux demandes des politiques et des citoyens, centralisation excessive, etc.), propose des images et des valeurs (impératif d’efficacité, de transparence, de redevabilité, etc.), promeut des normes générales d’action (changer l’organisation, développer un gouvernement par la performance, réformer la procédure budgétaire, etc.) et des instruments en très grand nombre : contractualisation, indicateurs de performance, allocation de ressources par enveloppe globale, formes renouvelées du contrôle, standards de qualité pour les usagers, nouvelles structures ministérielles prenant la forme d’agences, etc. Quoique mis en œuvre de manière variée, ces préceptes déstabilisent et souvent remettent en cause les manières de faire historiques des administrations de type bureaucratique, patiemment stabilisées depuis le XIXe siècle.

3 La deuxième caractéristique du phénomène renvoie à son institutionnalisation. La réforme administrative est une politique de plus en plus ancrée dans l’État. D’une part, parce que des ministères transversaux s’y sont engagés de manière répétée et, pourrait-on dire, croissante, en particulier les ministères de l’Intérieur, des Finances et de la Fonction publique dans le contexte français. D’autre part, parce que les commissions ad hoc autrefois créées pour prendre en charge momentanément ces enjeux ont été remplacées par des instances spécialisées plus pérennes, internes à l’État et aux rattachements évolutifs : le Premier ministre (le Commissariat à la réforme de l’État de 1995 à 1998 ; la direction interministérielle à la réforme de l’État de 1998 à 2002) ; désormais le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique (la direction générale de la Modernisation de l’État créée en 2005).

4 La troisième facette du phénomène est sa matérialisation en « politique publique ». L’intensification des politiques de réforme de l’administration, notamment dans leurs vocations transformatrices, touche la plupart des pays occidentaux mais n’a jamais épargné la France, comme en témoignent les initiatives historiques marquantes telles la rationalisation des choix budgétaires (RCB), les lois des années 1970 en faveur des administrés ou la décentralisation.

5 Plus récemment sont apparues des réformes aux objectifs de transformation plus soutenus : la loi organique relative aux lois de Finances (dite LOLF), lancée en 2001, réforme les modes d’allocation et de gestion des ressources aux administrations et introduit des instruments de suivi par la performance ; le dispositif de révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007-2009 porte avec lui un vaste programme de réorganisation de l’État territorial par fusion de structures.

6 Depuis les années 1960 donc, ces programmes ont acquis une véritable autonomie, au point de constituer un domaine d’action gouvernementale à part entière, qui n’existait pas de manière aussi systématiquement institutionnalisée il y a quarante ans. Les relations entre administration et pouvoir politique, le champ de compétences de l’administration, l’organisation et la division du travail des ministères et des bureaux, la structure d’allocation et de gestion des ressources, le système d’emploi et d’incitation des agents publics et le système de légitimation des bureaucraties constituent autant de domaines affectés par les programmes de réforme. Quoique devant être considérée avec prudence, une « orientation » historique semble se dégager. Si la longue période allant du début du XIXe siècle aux années 1950 était marquée, dans la plupart des pays occidentaux, par un processus de bureaucratisation des systèmes administratifs d’État, c’est-à-dire par la lente adoption de principes et de règles d’administration « bureaucratique » que Max Weber a présentés sous leur forme idéale-typique [3], le mouvement contemporain semble désormais remettre en cause ces principes, au nom de nouveaux savoirs économiques et gestionnaires fondus dans la doctrine « managérialiste »  [4].

7 Quel rôle les acteurs politiques jouent-ils dans ces processus ? Soulignons d’abord qu’ils sont loin d’en être les seules parties actives. Des experts, savants ou profanes, élaborent et publicisent des diagnostics et des recommandations analysant les dysfonctionnements de l’administration. Ils se concurrencent au sein d’un marché des savoirs sur le changement administratif, avec des statuts variables selon les périodes : hauts fonctionnaires généralistes en position d’expertise ; spécialistes porteurs de connaissances sur la bureaucratie (juristes, économistes, gestionnaires, sociologues, consultants) ; analystes des partis politiquesou de groupes d’intérêt mobilisés et intéressés par l’État, profanes voulant faire prévaloir leur diagnostic d’usagers ou de contribuables, etc. Tous cherchent à détenir et accentuer leur influence dans l’appareil administratif d’État. De même, les acteurs administratifs transversaux ou centralistes, seuls légitimes à édicter des règles valant pour l’ensemble des ministères, jouent un rôle crucial. En France, on l’a dit, le ministère des Finances (et particulièrement la direction du Budget ou plus anciennement celle de la Prévision), le ministère de la Fonction publique (et son unique direction générale de l’Administration et de la fonction publique) ou le ministère de l’Intérieur (la direction générale des collectivités locales, la direction de la modernisation et de l’action territoriale) portent, avec des conceptions d’ailleurs différentes, les politiques de réforme du système administratif et jouent un rôle d’impulsion, de soutien mais aussi parfois de blocage. Ces ministères sont en concurrence pour l’imposition, dans l’État, de schémas de réforme et de standards de fonctionnement qui favorisent leurs intérêtsrespectifs.

8 Pour autant, les acteurs politiques constituent un troisième groupe incontournable, d’autant plus central que les programmes de réforme de l’administration sont souvent identifiés/articulés à la figure personnalisée de l’exécutif. Ainsi, les décrets de 1964 créant le préfet de région et renforçant le pouvoir des préfets de départements sont liés à l’apparition du nouveau régime gaulliste et aux Premiers ministres Michel Debré puis Georges Pompidou [5]. Le « Renouveau du service public » lancé en février 1989est attaché au Premier ministre Michel Rocard. La circulaire « Juppé » désigne le large programme de réforme de l’État annoncé le 26 juillet par le Premier ministre. Plus récemment, la « Révision générale des politiques publiques » est associée à la présidence et au leadership de Nicolas Sarkozy. De manière encore plus marquée, les expériences de réformes administratives étrangères ont bien montré que l’inscription à l’agenda des réformes de la bureaucratie était fortement indexée sur l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité, d’un nouveau gouvernement et d’un leader qui s’empare de l’enjeu administratif avec son équipe. Les gouvernements conservateurs dits de la « nouvelle droite » (Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Ronald Reagan aux États-Unis, Brian Mulroney au Canada)  [6] sont porteurs de programmes néo-libéraux drastiques à l’encontre des bureaucraties dans les années 1980 tandis que ce sont des gouvernements travaillistes en Nouvelle-Zélande (le premier ministre Labour David Lange) ou en Australie (les premiers ministres Labour Bob Hawke puis Paul Keating) qui mettent en œuvre des réorganisations systématiques des structures administratives [7]. De la même manière, en Suède, c’est le parti social-démocrate et son leader Olof Palme, devenu Premier ministre, qui relance la politique de réforme administrative de 1982 à 1986 [8]. Les appropriations politiques restent encore de mise dans les périodes plus récentes, qu’il s’agisse de la présidence démocrate de Bill Clinton aux États-Unis où le programme de réforme de l’État est notamment porté par le vice-président Al Gore [9] ou des mandats successifs du Premier ministre Tony Blair en Grande-Bretagne qui investit particulièrement la thématique du « joined-up » government[10].

9 Ces exemples montrent que les exécutifs politiques sont un moteur essentiel des réformes administratives, ne serait-ce que parce qu’ils sont généralement, constitutionnellement, en charge de l’administration et qu’on leur impute, sous l’effet d’un biais de personnalisation qui tend parfois à survaloriser leur rôle, la responsabilité et surtout la dynamique de la réforme. En tout état de cause, les modalités d’investissement et les formes d’appropriation politiques des réformes de l’administration méritent d’être examinées en suggérant de « dénaturaliser » l’engagement pour en briser la fausse évidence. Il ne va pas de soi, après tout, que les exécutifs fassent de l’administration, instrument d’action et relais du pouvoir politique, un problème de gouvernement.

10 Aussi, je me propose ici d’identifier quatre rationalités politiques distinctes caractéristiques des engagements des titulaires des positions exécutives dans les politiques de réforme de l’administration. Ces réformes s’inscrivent, de manière et pour des raisons très différentes, au cœur des constructions identitaires et des stratégies de gouvernement des exécutifs politiques. Après avoir souligné les limites de ces rationalités, je conclurai en envisageant la possibilité que le succès des politiques de réforme de l’État puisse aussi constituer un nouveau registre de légitimation dans l’art de gouverner contemporain.

LES RATIONALITÉS ÉLECTORALISTES DANS LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION

11 Un premier type de rationalité politique au cœur des engagements dans la réforme de l’administration est lié aux spécificités du champ politique et de la compétition électorale qui le caractérise. Dans ce cadre, la construction d’une « marque politique » sur le marché électoral constitue une activité centrale des hommes politiques, particulièrement dans le cadre des « campagnes ». Parmi d’autres, le thème de la réforme administrative peut participer à la construction de « l’identité stratégique »  [11] d’un parti lors d’élections législatives ou d’un candidat dans le cadre de l’élection présidentielle, destinée à rassembler des soutiens dans un champ électoral concurrentiel. Cette identité stratégique constitue une « marque » symbolique (une représentation de soi) par laquelle l’acteur politique se distingue de ses concurrents. La réforme de l’administration est ainsi susceptible de constituer un thème porteur pour « entrer en politique », pour se faire élire ou dans la perspective d’une réélection. Dans ce cas, et sous certaines conditions, porter une critique de l’administration et appeler à sa réforme peuvent être un moyen investi (parmi d’autres) pour constituer une coalition électorale et pour se démarquer. La mobilisation de la critique de la bureaucratie et la défense des administrés par le parti giscardien des Républicains indépendants constituent un bon exemple de cette rationalité [12].

12 Après la démission du Général de Gaulle en 1969, la mise en œuvre du nouveau mode de scrutin présidentiel, voté en 1962, renforce la bipolarisation de la vie politique française. Après le Congrès d’Epinay et l’unification des socialistes (avec ralliement aux institutions de la Ve République) mais surtout après la signature du programme commun de la gauche le 26 juin 1972, cette bipolarisation renforcée va favoriser la construction de l’administration et des fonctionnaires en enjeu électoral dans le cadre des affrontements partisans entre la gauche et la droite. Le Parti communiste français et le Parti socialiste investissent particulièrement la thématique dans le cadre de l’édification d’un programme de gouvernement et dans la perspective d’un retour au pouvoir. Les partis de droite ne sont pas en reste et la défense des administrés est au cœur des jeux de démarcation et de la concurrence qui opposent la Fédération nationale des républicains indépendants, le parti giscardien, le parti gaulliste (UDR) au pouvoir et les nombreux partis centristes, le Centre Démocratie et Progrès (le CDP de Jacques Duhamel) ou le Mouvement réformateur (associant le Parti radical et le Centre démocrate, et leurs deux leaders Jean-Jacques Servan-Schreiber et Jean Lecanuet). Dans cette lutte, la monopolisation du signe de la « réforme » et du changement constitue un enjeu important dans le contexte de l’après-1968 dont l’union de la gauche autour du programme commun accentue la saillance à partir de juin 1972. Le parti giscardien des RI, notamment, cherche à incarner une « stratégie de soutien et de relève », appelant à un fonctionnement plus libéral des institutions [13]. Le programme électoral des RI de 1972 [14] comme les textes ultérieurs de Valéry Giscard d’Estaing, en particulier Démocratie française publié en 1976, offrent un parfait aperçu de la « marque politique » défendue par les élites giscardiennes [15]. La priorité accordée aux réformes de société et au renforcement des droits individuels dans tous les domaines (travail, information, égalité des chances, etc.) est justifiée par l’existence supposée d’un « groupe central » dans la stratification sociale française, « porteur de valeurs modernes » et dont la « croissance numérique exceptionnellement rapide » appellerait des réformes libérales [16]. Si la réalité sociologique de ce groupe est évidemment discutable [17], son importance politique n’est pas hasardeuse : il sert à décrédibiliser la rhétorique de l’Union de la gauche en contestant l’idée marxiste de lutte des classeset en justifiant que l’on cherche des appuis auprès de groupes sociaux « neutralisés ». Dans l’idéologie giscardienne, l’existence de ce « groupe central » alimente aussi la critique explicite d’un État dominé par un seul parti (l’État-UDR) ou un seul groupe social (les technocrates), qui exercerait le pouvoir en faveur de groupes d’intérêt et de féodalités. Il sert, enfin, de justification à une conception spécifique de l’administration : celle-ci ne doit pas constituer « un obstacle à l’épanouissement des groupes sociaux »  [18] au risque de se transformer alors en « bureaucratie ». Sous couvert du leitmotiv affirmé en octobre 1972 dans le discours de Charenton ( « on gouverne la France au centre »), le programme des Républicains Indépendants met l’accent sur la « débureaucratisation » de l’administration et sur la réaffirmation du pouvoir de contrôle des élus. Sont dénoncés l’excessive centralisation de l’État et son effet, la « bureaucratisation de la nation »  [19] caractérisée par la multiplication des externalités négatives produites par l’appareil d’État. Les mesures préconisées, qui déboucheront quelques années plus tard sur une série de lois en faveur des administrés, proposent notamment de renforcer les pouvoirs des administrés par la « possibilité, pour tout citoyen, de bénéficier d’un droit de recours rapide, clair et gracieux au cas où il se considérerait comme victime d’une décision abusive de l’administration, initiative déjà ancienne des Républicains indépendants, aujourd’hui unanimement reconnue »  [20]. La défense des administrés et la dénonciation de la « bureaucratie technocratique » deviennent la marque distinctive du parti giscardien. Cherchant à occuper une position centrale qui séduise à la fois les électorats du parti gaulliste et du Parti socialiste et qui fédère la nébuleuse des partis centristes, les Républicains indépendants investissent massivement les réformes de société. La défense des administrés est au cœur de cette stratégie révélatrice de la concurrence à droite.

13 Cet investissement peut surprendre si l’on considère le capital précisément très technocratique du personnel ministériel giscardien, en grande partie composé de personnalités issues de l’ENA désormais ministres RI (J.-P. Fourcade, J.-P. Soisson, M. Poniatowski, B. Destrumeau), en plus des représentants du monde des affaires (M. D’Ornano, P.-C. Taittinger). Valéry Giscard d’Estaing, lui-même, a affiché et s’est servi de la compétence technique (en particulier économique) comme ressource distinctive en politique [21]. Ses nombreux titres (énarque, polytechnicien, inspecteur des Finances) en ont fait le modèle exemplaire de la conversion du haut fonctionnaire dans la carrière politique. Loin d’être une surprise, la mobilisation de ce répertoire résulte au contraire, nous semble-t-il, d’une stratégie de conversion des ressources d’accession des giscardiens (la spécialité, la compétence technique) en ressources d’occupation (la généralité, les symboles politiques). Pour viser des postes politiques, il s’agit, au contraire, pour des hauts fonctionnaires qui ont valorisé un temps le registre de la compétence et mobilisé les savoirs économiques sur la question administrative, de faire désormais primer les qualités « politiques » du généraliste. Cet enjeu de reconversion explique l’appropriation d’un répertoire de réforme qui valorise la différenciation politique dès lors qu’il ne s’agit plus de confirmer la maîtrise d’une compétence technique mais de se constituer une légitimité politique et électorale. Dans leurs présentations de soi, mobilisant le thème de la débureaucratisation ou en défendant la décentralisation, les élites giscardiennes n’ont de cesse de marquer leur distinction et leur différenciation d’avec l’appareil d’État, opposant ainsi les « élus » aux fonctionnaires. La dénonciation (paradoxale) de la technocratie constitue une habile inversion du stigmate. Par le moyen de cette stratégie externe, l’homme politique se pose en instance de recours contre l’appareil d’État et restaure symboliquement la médiation directe aux administrés/électeurs. L’utilisation de la thématique de la réforme de l’État et la stigmatisation de la « technocratie » dans les discours de campagne du candidat Chirac en 1995 relèvent du même schéma d’analyse [22].

LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION ET LA CONSTRUCTION D’UN RÔLE OU D’UNE « FONCTION » POLITIQUE

14 La détermination d’un « rapport à l’administration » par le biais d’un programme de réforme est aussi un enjeu qui peut entrer, positivement ou négativement, dans le processus de légitimation d’un Premier ministre dont une partie de l’assise repose sur la construction de son autorité et l’affirmation de ses capacités de réalisation. Les réformes administratives s’inscrivent ainsi, pour un Premier ministre, au cœur d’un double processus de construction de son autorité (la manière dont il définit son action, sa « vision » politique, une représentation de soi et de son action à venir) et de structuration de son pouvoir[23] compte tenu des ressources, des capacités et des soutiens dont il dispose. Une réforme de l’administration peut ainsi participer de la construction d’une identité politique (un Premier ministre réformateur) et de l’exercice d’un pouvoir (qui passe largement par l’administration et ses capacités de mise en forme et de mise en œuvre). La contrainte électorale est ici dépassée par le souci de « construire son rôle »  [24] et sa fonction. L’investissement de la réforme administrative, et particulièrement du programme de Rationalisation des choix budgétaires (RCB) par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, s’inscrit parfaitement dans cette deuxième rationalité [25]. Tandis que le décret de lancement de la RCB date de janvier 1968 et que cette dernière n’est mise en œuvre qu’à partir de 1969, le Premier ministre l’endosse totalement dans son discours de politique générale, le 17 septembre 1969. Véritable programme post-1968, son célèbre discours réformateur sur la « nouvelle société » est d’abord connu pour les annonces de nombreuses réformes sociales (création du SMIC, mensualisation des salaires, lois sur la formation professionnelle, réforme des enseignements technologiques, etc.) mais il contient aussi une vigoureuse mise en cause de la machine administrative étatique qui reprend à son compte les thématiques du dernier ouvrage de membres du Club Jean Moulin, Pour nationaliser l’État[26]. La charge contre l’État, accusé d’être « tentaculaire par l’extension indéfinie de ses responsabilités » et « inefficace car souvent les modalités de ses interventions ne lui permettent pas d’atteindre ses buts », est particulièrement rude. Le procès est instruit sans concession : gonflement des masses budgétaires, encouragement à la passivité et à l’irresponsabilité pour les partenaires de l’État, conservatisme des structures sociales entretenant l’extrémisme des idéologies [27]. Les solutions prônées par le Premier ministre mêlent les propositions de réforme des années 1960, notamment défendues par le Club Jean Moulin de la première période (participation, décentralisation), aux arguments « libéraux » de Pour nationaliser l’État : face à l’État tentaculaire et centralisé, il faut recentrer l’État sur ses missions essentielles en transférant des compétences aux collectivités locales (décentralisation) ; en renforcer le centre en le dotant de fonctions de contrôle et de pilotage (la RCB) ; assouplir sa gestion en déléguant les prises de décision aux acteurs étatiques locaux (déconcentration vers les préfets, éventuellement les services extérieurs) ; en assainir la gestion interne à travers la mise en place d’une politique contractuelle dans le secteur public fondée sur la négociation et le dialogue ; améliorer les relations entre administrations et administrés. La RCB est explicitement revendiquée par le Premier ministre qui en reprend presque entièrement les orientations budgétaireset ordonne aux ministres de lui remettre, sous trois mois, un plan de réorganisation de leur ministère avec des suppressions de bureaux [28]. La réforme administrative est défendue comme une politique de gouvernement à part entière. Dans son programme total, Jacques Chaban-Delmas s’empare en outre de la troisième voie réformiste : l’idée d’une participation des fonctionnaires et le renforcement des droits des organisations syndicales.

15 On peut analyser cette appropriation de plusieurs façons. D’un côté, elle résulte d’abord d’un simple mécanisme de circulation des idées via les réseaux réformistes. Simon Nora, haut fonctionnaire modernisateur, membre actif du Club Jean Moulin de la dernière époque, devient, en avril 1969, un influent chargé de mission du Premier ministre, d’abord chargé de constituer son cabinet puis d’en devenir directeur. Nora est un inspecteur des Finances mendésiste, auteur d’un rapport remarqué sur les entreprises publiques. Il forme une équipe hybride sur le plan partisan qui consacre l’investissement des jeunes hauts fonctionnaires modernisateurs voyant une situation favorable où leurs idées pourront être incarnées politiquement par un Premier ministre ouvert. Simon Nora et Jacques Delors [29], qui fait aussi partie du cabinet, sont mendésistes. Yves Cannac, plus libéral [30], en est également membre. Écrit à plusieurs mains, mais particulièrement par Nora, Delors et Cannac, le discours de la « nouvelle société » puise donc largement dans les thèmes et les dernières synthèses du Club Jean Moulin mais aussi dans les idées de Michel Crozier du Phénomène bureaucratique. Sont ainsi articulées la Rationalisation des choix budgétaires, la politique de régionalisation et une politique de la fonction publique (via la contractualisation).

16 D’un autre côté, la mobilisation du thème de la réforme de l’État s’explique par les fonctions que le thème remplit, pour Chaban-Delmas, dans la construction du rôle de Premier ministre compte tenu de ses ressources et de la structure de pouvoir dans laquelle il se trouve enchâssé. Membre de l’Union des Démocrates pour la République (UDR), gaulliste de longue date, mais à l’écart des responsabilités gouvernementales depuis la IVe République, prisonnier du carcan dans lequel l’enferme Georges Pompidou, J. Chaban-Delmas est, dès le départ, dans la position de l’héritier empêché, limité par un concurrent, Georges Pompidou, qui cherche également à s’approprier son rôle présidentiel. La situation est compliquée par la fragilité des soutiens dont le Premier ministre bénéficie au sein du parti gaulliste (UDR) face à Georges Pompidou qui en a été l’infatigable organisateur électoral [31] et qui bénéficie d’un important capital politique en raison des sept années de Premier ministre du Général de Gaulle. De surcroît, Chaban-Delmas est dans une position minoritaire au sein de son propre gouvernement [32]. La définition du rôle présidentiel et de la relation avec le Premier ministre constitue un enjeu précoce que Georges Pompidou s’efforce de prendre à son compte en insistant, dès juillet 1969, sur la subordination du Premier ministre. André Fontaine souligne d’ailleurs cette ambiguïté en écrivant que si le Président de la République a tenu une conférence de presse de Premier ministre en juillet, le Premier ministre vient de faire, avec le discours sur la « nouvelle société » une déclaration de chef d’État [33]. Face à celui qui maîtrise mieux les rouages de l’État et les réseaux partisans au sein de l’UDR, le Premier ministre s’efforce donc de se démarquer : la construction de son leadership est tout entière organisée autour de sa tentative de maîtriser un ordre institutionnel qui lui offre, a priori, peu de soutiens. Partant avec peu de ressources, Jacques Chaban-Delmas cherche donc à définir son rôle en dehors de l’affiliation présidentielle. Aux grands ministres du Général de Gaulle qui lui sont imposés dans son gouvernement, il oppose une cohorte de vingt secrétaires d’État. Dans ce contexte, il construit sa démarcation à l’égard de l’ordre institutionnel et revendique d’ « engager (le pays) à fond dans la voie du changement », en faisant émerger une « nouvelle société » et en réformant l’État puisqu’il est le principal obstacle au changement :

17

« De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels, au demeurant liés les uns aux autres de la façon la plus étroite : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’État, enfin l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales »  [34].

18 C’est dans ce processus de construction de soi que l’investissement de la réforme de l’État prend tout son sens. La thématique présente en effet plusieurs avantages. Face à un Georges Pompidou qui cherche plutôt à incarner l’héritage gaulliste et à le conserver, J. Chaban-Delmas utilise la thématique critique de la réforme de l’État comme un moyen de se démarquer de l’ordre étatique gaullien et d’en critiquer les arrangements institutionnels rémanents. Le travail de présentation de soi – en réformateur de l’État – est en phase avec le capital politique dont il dispose. Par cette appropriation, il s’attire les grâces des hauts fonctionnaires réformateurs (souvent mendésistes à l’origine) et peut concurrencer un Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Économie et des Finances, plus libéral, plus sensible aux questions macro-économiques et moins intéressé par la rationalisation de l’appareil d’État. La position défensive du Premier ministre, au sein de son propre gouvernement, explique ainsi les injonctions autoritaires de la « nouvelle société » qui apparaissent comme un programme d’enrôlement des ministres, une manière de soumettre les membres du gouvernement, via la réforme (et le souci de contrôle) de l’État, à l’autorité du Premier ministre. En s’appropriant la RCB et un réformisme de l’organisation administrative, le Premier ministre revendique le monopole de ce qu’elle porte : l’exercice d’un pouvoir de maîtrise de l’État. Dans l’agencement du leadership de Chaban-Delmas, « réforme de l’État » et « réforme de société » se renforcent mutuellement. La reconstruction et l’avènement de la « nouvelle société » nourrissent et justifient la critique de l’ordre institutionnel. À l’inverse, la force de la critique de l’État légitime les réformes de société. Comme le théorise finement le politiste américain Stephen Skowronek, « le pouvoir de récréer l’ordre dépend de l’autorité à le délégitimer »  [35]. L’engagement du Premier ministre Michel Rocard dans un programme de modernisation administrative intitulé « Renouveau du service public » ou celui d’Alain Juppé dans la « réforme de l’État » peuvent faire l’objet d’analyses comparables [36].

RÉFORMER POUR S’EMPARER DU POUVOIR ET PRODUIRE DE LA LOYAUTÉ POLITIQUE

19 La troisième rationalité politique au cœur des politiques de réforme de l’État correspond assez bien à ce que Max Weber appelle la « direction de l’administration bureaucratique ». Certaines modalités de réformes de l’administration peuvent permettre, en effet, de s’assurer de la loyauté de l’appareil d’État au nouveau projet politique (notamment ses rangs supérieurs) à travers plusieurs initiatives qui renforcent les capacités de l’exécutif à « gouverner l’administration » et à s’assurer qu’elle constitue un relais robuste des objectifs politiques. Bref, la réforme de l’administration peut participer (sans que cela soit son seul objectif) à une stratégie visant à « s’emparer du pouvoir »  [37]. Cette stratégie est cardinale dans un certain nombre de régimes postcommunistes en Europe centrale et orientale lorsque l’épuration des personnels considérés comme politiquement compromis constitue un axe primordial des réformes (on parle alors de décommunisation)  [38] ou, dans les contextes d’Europe occidentale, lorsque les réformes, sous couvert des objectifs néo-managériaux de responsabilisation, renforcent le poids des nominations politiques. De fait, des instruments caractéristiques des réformes de l’État récentes, influencées par le New Public Management, traduisent (aussi) cette visée de s’emparer ou d’exercer le pouvoir grâce aux effets attendus de la réforme. Que ce but en soit l’objectif affiché ou une fonction latente ne change rien à l’enjeu. Ainsi, une réorganisation des structures administratives entraînant une réduction du nombre de postes de direction ou modifiant les modalités de nomination, la mise en place de lettres de mission ou de quasi-contrats pour les hauts fonctionnaires nommés par le pouvoir et spécifiant les objectifs qu’ils doivent poursuivre ou même le renforcement explicite de formes de politisation par élargissement des nominations à la discrétion du gouvernement, constituent autant de mesures favorisant l’activité de gouvernement.

20 La lecture de la réorganisation récente des administrations centrales et des services déconcentrés de l’État offre une belle illustration de cette rationalité dans le cadre de la présidence Sarkozy et du gouvernement Fillon. Lancée en juin 2007, la révision générale des politiques publiques (RGPP) s’inspire d’expériences comparables menées au Canada (Canadian Program Review en 1995-1996) ou en Grande-Bretagne (spending reviews depuis 2002). Son principe initial est de faire examiner les objectifs, les dépenses, les résultats et les manières de faire des grandes politiques publiques ministérielles et transversales par des équipes d’audit composées de membres des inspections et, dans certains cas, de consultants. Le questionnement en sept points de la RGPP revendique explicitement un tour néo-managérial, une focalisation sur les enjeux budgétaires et le souci de redimensionner l’État en recourant, chaque fois que nécessaire, à l’externalisation et au secteur privé : « Que faisons-nous ? Quels sont les besoins et les attentes collectives ? Faut-il continuer à faire de la sorte ? Qui doit le faire ? Qui doit payer ? Comment faire mieux et moins cher ? Quel scénario de transformation ? »  [39]. Formellement « dispositif contenant » fabriquant des diagnostics, des solutions et de la légitimité pour l’action, la RGPP constitue avant tout une machine à produire symboliquement de multiples décisions de réforme. Elle est aussi un dispositif au service de l’exécutif. Le rattachement institutionnel de la RGPP traduit en effet l’implication, inédite, du Président de la République. Les travaux sont pilotés par un comité de suivi placé sous l’autorité conjointe du secrétaire général de la Présidence de la République et du directeur de cabinet du Premier ministre. Les décisions de réorganisation sont prises par un Conseil de la modernisation des politiques publiques présidé par le Président de la République lui-même et dont le rapporteur général est le ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. La mise en avant de l’exécutif présidentiel renforce le poids des annonces et semble vouloir circonvenir les limites des exercices de réforme antérieurs marqués par l’isolement relatif du Premier ministre dans la phase de mise en œuvre [40]. Si l’on s’en tient aux mesures transversales, les décisions annoncées semblent devoir concerner la totalité des dimensions constitutives du système étatique français. Au total, 332 décisions ont été annoncées [41], destinées à être engagées sur la période 2009-2011, à faire l’objet d’une loi de finances pluri-annuelle et à dessiner les fondations d’un « Service Public 2012 ». La dimension rationalisatrice du grand mécano organisationnel et managérial n’a jamais été aussi forte sous la Ve République. Le processus de décision apparaît très vertical.

21 Dans ce cadre, l’un des chantiers-clés qu’engage la RGPP est une importante réorganisation des structures de l’administration centrale et territoriale de l’État. Les réorganisations annoncées en 2008 sont régies par une logique dominante : la fusion de structures à tous les étages. Ces fusions touchent les administrations centrales des ministères, d’une part, mais surtout, d’autre part, les services territoriaux de l’État aux niveaux régional et départemental. Sont ainsi créées, en partie par fusion de services existants, huit vastes directions régionales, largement calquées sur les grands ministères mis en place en 2007 au sein du gouvernement Fillon mais aussi, au niveau départemental, trois directions interministérielles dont le pilotage est confié aux préfets de département. Défendue au nom de l’efficacité et des économies budgétaires, cette réorganisation est porteuse d’un « dispositif politique implicite » sous l’effet des nouvelles formes de verticalisation et de clarification des lignes hiérarchiques. En fusionnant des directions départementales et des directions régionales, on réduit le nombre de fonctions de direction et on « repyramide » l’organisation administrative [42]. La réorganisation renforce presque mécaniquement les enjeux de loyauté et la politisation des nominations à des postes de direction d’autant plus stratégiques qu’ils sont en nombre réduit et qu’ils constituent des relais essentiels dans l’exercice du pouvoir. Le repositionnement des préfets et le renforcement de leur pouvoir, au niveau régional comme départemental où ils deviennent les chefs de structures fusionnées interministérielles, va dans le même sens, même si la réalité de leur nouveau pouvoir restera à analyser de près en raison des rapports de forces complexes, caractéristiques de l’État territorial. Les nominations de préfets à plusieurs postes clés dans l’administration, par la Présidence de la République, confortent cette interprétation. Qu’il s’agisse d’un grand corps dont on sait combien ses membres sont dépendants des décisions politiques corroborent l’analyse. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) opère de manière assez similaire. Elles intègrent un grand nombre d’organisations (hospitalières, médico-sociale, etc.) et les placent sous l’égide des directeurs d’ARS, qui apparaissent comme des équivalents de préfets sanitaires. La dimension pyramidale de l’administration française semble donc réinventée, restaurée, avec pour conséquence la réaffirmation de lignes hiérarchiques plus claires, au moins sur le principe.

LA RÉFORME POUR « CRÉER DU POUVOIR » ET EN DISTRIBUER

22 Une quatrième rationalité politique dans la réforme de l’administration peut être observée : elle consiste à agir sur l’administration, non pour « s’emparer du pouvoir » en renforçant la maîtrise sur l’appareil d’État, mais pour « créer du pouvoir ». Par là, suivant Tulia Falleti [43], on entend le fait d’ouvrir de nouveaux espaces politiques, d’introduire de nouvelles modalités de représentation et de participation des communautés politiques, de transférer, parfois, les capacités électorales aux acteurs infranationaux, de décentraliser en renforçant la représentation des échelons infranationaux mais aussi en transférant des compétences de l’administration d’État vers les collectivités locales, bref de distribuer du pouvoir en créant de nouvelles scènes ou institutions légitimes (d’) où il puisse s’exercer.

23 L’investissement politique dans la décentralisation en 1981 correspond bien à cette rationalité. En 1981, la victoire à l’élection présidentielle de François Mitterrand marque une rupture politique : l’alternance renouvelle largement les équipes et les savoirs et bouleverse en partie les enjeux relatifs au système administratif. La nouvelle majorité politique de gauche ne cherche pas à modifier les fonctionnements administratifs internes. Elle cherche, d’une part, à s’emparer du pouvoir et à s’assurer de la loyauté de la machinerie administrative au nouveau projet politique (troisième rationalité, cf. supra). Mais aussi, d’autre part, elle crée du pouvoir par la décentralisation en distribuant des droits et des responsabilités aux institutions territoriales et en transférant, entre autres, des compétences administratives.

24 Dans cette logique, la politique de décentralisation initiée par le gouvernement Mauroy repose d’abord sur l’érection de contre-pouvoirs face à l’administration plus qu’elle ne vise à modifier les fonctionnements internes de cette dernière par une redistribution radicale et nette des compétences entre État et collectivités locales. La politique de décentralisation se concrétise d’ailleurs dans la loi du 2 mars 1982 sur les libertés locales. Elle y incarne avant tout une politique à dimension constitutionnelle qui vise à corriger les dissymétries provoquées par la Constitution de 1958, la confiscation des pouvoirs parlementaires et la « mise sous tutelle » des élus locaux par les hauts fonctionnaires technocrates [44]. Ces enjeux, bien loin des questions d’efficacité administrative, sont au cœur des débats parlementaires relatifs au projet de loi sur les droits et libertés des communes, des départements et des régions, discuté à l’Assemblée nationale dès le 27 juillet 1981. La stratégie réformatrice délibérément choisie, décisive dans la réussite de la décentralisation, privilégie le renforcement des libertés et droits des collectivités locales (suppression de la tutelle, renforcement des pouvoirs des élus locaux) avant toute réflexion sur les transferts de compétences. Cette tactique politique, théorisée au cabinet du ministre de l’Intérieur Gaston Defferre sous le nom « d’onde de choc », correspond aux croyances et aux ressources des réformateurs. Indubitablement, la présence d’hommes de la IVe République (François Mitterrand, Gaston Defferre) et de maires de grandes villes (le même Defferre ou Pierre Mauroy) explique qu’on accorde la priorité à la levée des contrôles de l’État et au transfert de l’exécutif départemental ou régional (du préfet au président de l’assemblée élue) plus qu’à la clarification des transferts. Les nouvelles élites au pouvoir ont d’abord conquis des postes locaux : la décentralisation reflète leurs expériences et leurs intérêts de grands élus. La stratégie du cabinet Defferre est marquée par le souci d’obtenir le plein soutien des élus locaux. Les sujets qui fâchent sont écartés : rationalisation des communes, hiérarchisation entre niveaux territoriaux, réforme de la fiscalité locale et, ce qui est lié, réorganisation de l’administration territoriale de l’État. La décentralisation « version 1981 » constitue moins une réforme de l’administration qu’une réforme pour les collectivités locales. Elle est une réforme à caractère démocratique qui porte avec elle une plus large distribution du pouvoir. Cette rationalité dans la réforme n’est évidemment pas dénuée de toute considération électorale ou de gouvernement. En distribuant du pouvoir, la décentralisation est également au cœur de jeux politiques parce qu’elle est un moyen de créer, d’entretenir ou d’accroître des coalitions de soutien au nouveau régime en changeant les bases de désignation des élites locales.

LES LIMITES DES ENGAGEMENTS POLITIQUES

25 Ces quatre rationalités typiques ne sont évidemment pas les seules à l’œuvre. On peut doit rappeler que les réformes administratives traduisent aussi des enjeux de pouvoir liés au reformatage de capacités administratives, conditions indispensables au développement de politiques publiques. On réforme (aussi) l’administration pour (mieux) gouverner. Cet objectif est défendu par les élites politiques qui veulent entretenir leur crédibilité et s’assurer de gains électoraux ultérieurs en fournissant, grâce à une administration fiable, des politiques et des biens publics. Mais il reflète aussi les demandes de nombreux groupes que les acteurs politiques vont relayer. Les milieux économiques peuvent plaider en faveur d’une administration plus efficace, plus resserrée ou moins procédurière parce qu’ils sont en attente de politiques publiques réduisant les prélèvements obligatoires ou qu’ils veulent reconquérir des domaines où l’État était devenu le seul offreur de biens collectifs. Des coalitions favorables à l’État-providence défendront, elles, une administration capable d’offrir un traitement égal dans l’accès aux droits. D’un autre point de vue, l’engagement dans la réforme peut résulter de défaillances perçues et objectivées du système administratif. Confrontées à son coût excessif, à son inefficacité ou à ses dysfonctionnements internes, les gouvernants sont alors contraints de prendre en charge le problème. En tout état de cause, l’engagement dans la réforme du système administratif ne va pas de soi parce que les acteurs politiques ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour réaliser leurs intentions affichées et parce que ces réformes peuvent tout aussi bien affermir l’autorité et le pouvoir politique qu’en saper les fondements.

26 L’attention accordée aux rationalités politiques dans la réforme ne doit donc conduire ni à exagérer l’influence du leader ni à considérer que l’engagement politique est un gage de « succès », nécessairement « payant ». Plusieurs limites doivent être mentionnées. L’appropriation politique n’est évidemment pas réductible au seul leader de l’exécutif mais résulte largement du travail réalisé par son cabinet et les entourages (clubs de réflexion, commissions de réforme, think tank, etc.). Les acteurs politiques sont placés en situation d’interdépendance au cœur de « configurations de réforme » qui les mettent en relation avec au moins deux autres groupes d’acteurs détenteurs de ressources indispensables à la structuration d’une activité de réforme : experts porteurs de diagnostics et de solutions ; ministères transversaux (Finances, Intérieur, Fonction publique) seuls à mêmes de mobiliser de véritables capacités administratives réformatrice dans la durée. Les stratégies des trois groupes d’acteurs sont souvent distinctes et autonomes et ils se contraignent respectivement. Les stratégies des élites politiques vont être influencées par la disponibilité d’une expertise qu’ils peuvent mobiliser (par exemple, les travaux du club Jean Moulin pour le Premier ministre Chaban-Delmas). À certaines périodes, les initiatives vont être significativement limitées par l’absence de véritable relais de la part des acteurs administratifs transversaux. Les exécutifs politiques se heurtent aussi à des institutions administratives robustes (organisation territoriale, système des corps, droit administratif, etc.), que de nombreux groupes (fonctionnaires, grands corps, syndicats, etc.) préservent et dont les valeurs et les manières de faire sont toujours solidement défendues. Les initiatives politiques de réformes du système administratif sont donc influencées par les contraintes qu’exercent, en retour, les institutions qu’elles cherchent à transformer.

27 Dans ce jeu, les ressources dont dispose le pouvoir exécutif pour transformer les manières de faire antérieures sont cruciales, comme le sont les rapports qu’il entretient avec l’ordre institutionnel administratif. Sur ce point, l’analyse des réformes menées sous la Ve République débouche sur un double constat : l’incertaine viabilité politique des postures de Premier ministre qui remettent en cause le système administratif ; la relative faiblesse des ressources dont dispose le Premier ministre face aux ministères sectoriels (largement autonomes) et aux « grands ministères » (Finances et Intérieur) en raison, notamment, des effets limitatifs du bicéphalisme de l’exécutif. Les exemples de Jacques Chaban-Delmas de 1969 à 1972 ou d’Alain Juppé de 1995 à 1997 montrent que la construction d’une identité stratégique en opposition à l’administration n’est pas aisée. Par contraste, les stratégies d’articulation s’appuyant sur la réaffirmation des valeurs collectives historiques de l’administration couplée à l’introduction prudente d’instruments nouveaux – celles de Michel Rocard de 1988 à 1991 – apparaissent plus pérennes. Dans le contexte français, affirmer les défaillances de la machine administrative fait courir un risque : celui de s’isoler, d’emblée, de ce qui doit constituer le soutien de l’organe politique et de se couper, simultanément, des soutiens politiques qui revendiquent et défendent la solidité et les vertus de telle ou telle dimension du système administratif. Pour Jacques Chaban-Delmas, par exemple, faire la critique de l’ordre étatique existant c’est faire la critique d’une composante centrale de l’héritage gaulliste (l’État) que va revendiquer le Président Pompidou. Tout oppose donc les deux membres de l’exécutif. Là où J. Chaban-Delmas diagnostique la crise de l’État et revendique sa réforme, Georges Pompidou vante la solidité des règles existantes et propose d’en adapter les traits à la « modernisation ». L’identité politique du Président, qualifiée de « réformisme conservatoire »  [45], est construite sur l’idée de préserver l’ordre institutionnel en l’adaptant simplement aux évolutions naturelles de la société industrielle. Georges Pompidou se fait le chantre d’un projet de modernisation où priment toujours la représentation symbolique de l’action de l’État et la célébration, dans des domaines plus ciblés que par le passé, de sa grandeur comme en témoignent ses projets industriels. En réaffirmant la solidité de l’État, le Président sape donc le fondement du processus de légitimation du Premier ministre qui diagnostique sa mise en cause. De 1969 à 1972, les interventions du Président, symboliques ou directes, se multiplient en faveur de la « conservation de l’État » et se démarquent systématiquement de son Premier ministre qui critique l’État. Sur des enjeux précis de réforme administrative (par exemple sur le projet de régionalisation des collectivités locales), le Président ne cesse de s’opposer à son Premier ministre.

28 Ce schéma conflictuel au sein même de la dyarchie est récurrent sous la Ve République. Si le Premier ministre est bien, en vertu de la Constitution, celui qui doit effectivement porter ces politiques de direction de l’administration, le caractère bicéphale de l’exécutif français introduit du jeu et fragilise sa position. À plusieurs reprises, non réductibles aux cas de cohabitation, la concurrence entre le Premier ministre et le Président de la République joue contre la mise en œuvre de politiques de réforme administrative en en limitant l’ampleur ou en en sapant la viabilité politique. La rivalité Chaban-Delmas/Pompidou s’est matérialisée dans la définition d’un rapport différent à l’administration et à l’État ; le président Mitterrand a défendu les revendications catégorielles de certaines organisations syndicales de la fonction publique (FO) contre les réformes de son Premier ministre Rocard ; le Premier ministre Juppé a lancé un programme de réforme de l’État pour maîtriser un gouvernement pléthorique et s’est trouvé dans la situation d’imposer des mesures à des ministres que lui avait imposés le Président Chirac pour rétributions de campagne. En d’autres termes, le Premier ministre dépend du soutien du Président de la République pour imposer les réformes ; or celui-ci ne s’intéresse pas toujours à ces enjeux ou développe des stratégies d’opposition à l’égard de son Premier ministre. La configuration propre à la présidence Sarkozy semble, sur ce point, singulière puisqu’elle repose sur un leadership présidentiel affirmé et sur un effacement du Premier ministre.

29 La relation entre le Premier ministre, et plus largement l’exécutif, et l’administration constitue donc un enjeu politiquement sensible qui débouche souvent sur le choix de stratégies défensives plus que sur des stratégies de rupture. Mettre en cause l’administration fait toujours courir le risque de fragiliser la structure de son autorité et les ressources dont il dépend.

GOUVERNER À LA RÉFORME DE L’ÉTAT : UNE NOUVELLE RATIONALITÉ POLITIQUE ?

30 Les rationalités politiques qui viennent d’être décrites invitent aussi à dépasser le strict cadre des appropriations répétées mais localisées des réformes administratives par les exécutifs pour réfléchir à la signification politique plus large que revêt la constance de ces programmes. La publicité systématiquement accordée aux discours et aux mesures de réforme de l’État ainsi que la fréquence du thème dans les modes de légitimation des hommes politiques (et des hauts fonctionnaires), invitent à envisager une hypothèse. Cet intérêt pour la machinerie administrative semble acquérir une signification politique inédite dans le contexte démocratique contemporain et marquer une évolution des processus de légitimation du politique. L’art de gouverner contemporain n’exige plus seulement de connaître, de discipliner et de contrôler la société pour maintenir et accroître le pouvoir de l’État mais aussi de développer des savoirs spécifiques destinés à améliorer l’efficacité de l’appareil d’État lui-même, de rendre visible les fonctionnements de l’administration et de publiciser les enjeux d’efficacité et d’obtention de résultats. Nous avons appelé cette attention inédite pour la transparence, l’accessibilité et la mesurabilité de l’appareil administratif, le « souci de soi de l’État »  [46]. Les enjeux d’exercice du pouvoir ne sont plus seulement liés à la revendication de gouverner la société et ses populations (le cas échéant grâce à une administration efficace) mais également à l’impératif hautement publicisé de « se gouverner soi-même », c’est-à-dire de « gouverner l’administration », de montrer en permanence que l’administration est exposée aux mêmes normes démocratiques que celles qui pèsent sur les élus et de garantir la production de « résultats »  [47]. Certes, la légitimation des gouvernants se joue toujours dans les conflits internes au champ politique (la politique électorale et la mobilisation de soutiens) mais elle se fabrique aussi, désormais, dans les arcanes des fonctionnements administratifs, autour d’enjeux de résolution des problèmes sociaux et de revendication de « résultats ». Ce « souci de soi de l’État » et l’avènement de l’État néo-managérial traduisent cette nouvelle attention que les gouvernants doivent témoigner aux arcanes et mécanismes de fonctionnement de l’appareil administratif et à leur mise en visibilité.

31 Cette rationalité politique inédite est portée et matérialisée par la production de savoirs et d’instruments réflexifs sur l’administration et l’activité de gouvernement (affichage d’objectifs, contrôle de gestion, mesure de la performance) mais aussi par la publicisation et la mise en scène indéfiniment répétée de leur réformabilité (commissions, évaluation, révision générale des politiques publiques, etc.). L’exercice du pouvoir reposerait ainsi, désormais, sur la mise en visibilité des incertitudes de l’action publique, sur l’aveu médiatisé de ses limites voire de ses défaillances, et sur la revendication d’une capacité à gouverner en adaptant indéfiniment l’appareil d’État aux changements de l’environnement, aux demandes des usagers-citoyens et aux impératifs d’optimisation des performances. Cette exigence ne doit pas tromper. Elle ne s’explique pas, d’abord, par une charge idéologique extérieure contre l’État mais beaucoup plus subtilement par le développement et l’organisation de nouveaux modes de légitimation dit « par les outputs » (les réalisations) selon les termes du politiste Fritz Scharpf  [48]. L’exigence de publicité et de visibilité, auparavant articulée à la société, serait ainsi, en quelque sorte, progressivement internalisée au sein de l’État. Tout se passe comme si, désormais, une condition du gouvernement des autres, par l’État, supposait de pouvoir afficher les signes d’un gouvernement de soi c’est-à-dire d’une régulation de l’administration et de l’activité de gouvernement elle-même, bref d’une constante « politique de l’organisation administrative ».

32 C’est aller dans le sens des analyses de Michel Senellart sur les arts de gouverner, qui identifie bien la tension entre deux formes de rationalité gouvernementale : « celle qui pense la société à partir de l’État, et celle qui pense l’État comme une fonction de la société ». Or, ajoute-t-il, dans cette seconde perspective qu’on pourrait dire démocratique, la publicité, loin de s’opposer à la technicisation administrative de l’action politique, en constitue, au contraire, le double [49]. La réflexion sur un nouveau registre de légitimation faisant publicité de la réforme du gouvernement s’inscrit aussi dans la perspective tracée, dès 1985, par Marcel Gauchet lorsqu’il diagnostique que la préoccupation pour « l’administratif » et les moyens du pouvoir, matérialisée dans la montée en puissance du point de vue gestionnaire en politique, est une conséquence fonctionnelle de l’extension de l’activité de l’État dans le cadre des États-Providence et de l’accroissement des demandes sociales qui lui sont adressées [50]. L’extension du rôle des acteurs administratifs au sens large va de pair avec la multiplication des dispositifs de régulation, de contrôle, de mesure et de mise en visibilité de l’appareil d’Etat. L’affichage constant de normes de l’État idéal (efficacité, transparence, accessibilité, faible coût, etc.) par les acteurs politiques, le développement d’une industrie de la performance administrative destinée à réguler les pratiques administratives par le biais d’objectifs et d’indicateurs de mesure et la publicisation de l’administration en réforme donnent ainsi consistance à ce souci de soi de l’État, infiniment répété. L’activité de « gouvernement de l’administration » semble ainsi devenue une fin en soi.

Notes

  • [1]
    Cette contribution reprend largement des arguments et des exemples tirés de Philippe BEZES, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, PUF, 2009. En ligne
  • [2]
    Constitué d’un ensemble hétérogène d’axiomes tirés de théories économiques, de prescriptions issues de savoirs de management, de descriptions de pratiques expérimentées dans des réformes (notamment dans les pays anglo-saxons) et de systématisations produites par des organismes comme l’OCDE, le NPM est un puzzle doctrinal particulièrement influent.
  • [3]
    Max WEBER, Économie et société, Paris, Pocket, 1995, vol. 1, chap. III-2 : « La domination légale à direction administrative bureaucratique », p. 290-301. Pour une vue d’ensemble de ce mouvement de bureaucratisation/professionnalisation, voir Françoise DREYFUS, L’invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècles), Paris, La Découverte, 2000 et Bernard S. SILBERMAN, Cages of Reason. The Rise of the Rational State in France, Japan, The United States and Great-Britain, Chicago, Chicago University Press, 1993.
  • [4]
    Christopher HOOD, « Economic rationalism in public management : from progressive public administration to new public management ? », in C. HOOD, Explaining Economic Policy Reversals, Buckingham, Open University Press, 1994, p. 125-141.
  • [5]
    Catherine GRÉMION, Profession : décideurs. Pouvoir des hauts fonctionnaires et réforme de l’État, Paris, Gauthiers-Villars, 1979.
  • [6]
    Donald J. SAVOIE, Thatcher, Reagan, Mulroney : in Search of a New Bureaucracy, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1993 ; du même auteur, « Les réformes de la fonction publique : l’empreinte de la nouvelle droite », Politiques et Management Public, 3, septembre 1994, p. 65-89 ; Philippe KERAUDREN, Les modernisations de l’État et le Thatchérisme, Bruxelles, Bruylant, 1994.
  • [7]
    Joel D. ABERBACH, Tom CHRISTENSEN, « Radical reform in New Zealand : crisis, windows of opportunity and rational actors », Public Administration, 79-2, 2001, p. 404-422. En ligne
  • [8]
    Rune PREMFORS, « Reshaping the democratic State : Swedish experiences in a comparative perspective », Public Administration, 76-1, 1998, p. 141-159. En ligne
  • [9]
    Donald KETTL, « Beyond the rhetoric of reinvention : driving themes of the Clinton administration’s management reforms », Governance, 7-3, July 1994, p. 307-314. En ligne
  • [10]
    Vernon BOGDANOR (éd.), Joined-up Government, Oxford, Oxford University Press, 2005. En ligne
  • [11]
    On reprend ici l’expression d’Annie COLLOVALD, « Identités stratégiques », Actes de la recherche en sciences sociales, 73, 1988, p. 30-40.
  • [12]
    Pour une présentation plus détaillée, voir P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit., p. 127-203.
  • [13]
    Voir Jean-Claude COLLIARD, Les Républicains indépendants, Paris, PUF, 1972.
  • [14]
    Fédération nationale des républicains indépendants, Un sens à la vie, 1972.
  • [15]
    Le giscardisme comme idéologie a fait l’objet de quelques études. Jean-Claude PETITFILS, La démocratie giscardienne, Paris, PUF, 1981. Voir également Pouvoirs, 9, 1979 : « Le Giscardisme ».
  • [16]
    Valéry GISCARD D’ESTAING, Démocratie française, Paris, Fayard, 1976, p. 56.
  • [17]
    Colette YSMAL, « Le groupe central giscardien » dans G. LAVAU, G. GRUNBERG, N. MAYER (éd.), L’univers politique des classes moyennes, Paris, Presses de la FNSP, 1983, p. 241-257.
  • [18]
    V. GISCARD D’ESTAING, Démocratie française, op. cit., p. 147-150.
  • [19]
    Fédération nationale des républicains indépendants, Un sens à la vie, op. cit., p. 37.
  • [20]
    Ibidem.
  • [21]
    C’est la thèse que défend Brigitte GAÏTI, « Des ressources politiques à valeur relative : le difficile retour de Valéry Giscard d’Estaing », Revue française de science politique, 40-6, 1990, p. 902-917. En ligne
  • [22]
    Voir P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit., p. 391-400.
  • [23]
    On emprunte ces deux notions à S. Skowronek dans le très riche ouvrage qu’il consacre aux présidents américains. Voir particulièrement son chapitre sur le pouvoir et l’autorité : Stephen SKOWRONEK, The Politics Presidents Make. Leadership from John Adams to George Bush, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1993, p. 17-32.
  • [24]
    « “On ne subit pas son rôle”. Entretien avec Jacques Lagroye », Politix, 1997, volume 10, numéro 38, p. 7-17.
  • [25]
    P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit., p. 9-126.
  • [26]
    Réflexion d’un groupe d’études, Pour nationaliser l’État, Paris, Seuil, 1968. Sur la production de ce texte, voir P. BEZES, Réinventer l’État, p. 96-99 et Claire ANDRIEU, Pour l’amour de la République. Le Club Jean Moulin (1958-1970), Paris, Fayard, 2002, p. 413-414.
  • [27]
    Politique générale. Déclaration du gouvernement, J. O., A. N., 1re séance du 16 septembre 1969, p. 2251.
  • [28]
    Ibidem, p. 2253.
  • [29]
    Après avoir travaillé de 1945 à 1962 à la Banque de France et avoir été membre de la section du Plan et des investissements du Conseil économique et social, Jacques Delors est chef du service des Affaires sociales du Commissariat général au Plan (1962-1969) lorsqu’il entre au cabinet du Premier ministre.
  • [30]
    Yves Cannac (Ena, 1965) est auditeur au Conseil d’État. De 1968 à 1969, il est chargé de mission au Commissariat général au Plan. Dès avril 1973, il deviendra le directeur-adjoint du cabinet de Valéry Giscard d’Estaing ministre de l’Economie et des Finances avant d’être secrétaire général adjoint de la Présidence de la République de 1974 à 1978.
  • [31]
    Georges Pompidou, au contraire, autre héritier, bénéficie d’une forte légitimité au sein de l’UDR (il a mené l’UDR à la bataille électorale) et d’un capital politique plus important, lui qui a occupé pendant sept ans le poste de Premier ministre du Général de Gaulle.
  • [32]
    Valéry Giscard d’Estaing redevient ministre de l’Économie dans le gouvernement Chaban-Delmas. Dès l’été 1969, la dévaluation court-circuite le Premier ministre nouvellement nommé. « La décision de dévaluer, c’est lui [le chef de l’État, N.d.a.] et lui seul qui la prend vers le 14 juillet, en plein accord avec Valéry Giscard d’Estaing. Délibérément Jacques Chaban-Delmas est mis, semble-t-il, hors-circuit, il n’en sera informé que quelques jours plus tard », Eric ROUSSEL, Georges Pompidou, Paris, Jean-Claude Lattès, 1984, p. 344-345.
  • [33]
    Cité par Jacques CHABAN-DELMAS, L’ardeur, Paris, Stock/Le Livre de Poche, 1975, p. 361-362. L’histoire de l’écriture de ce discours est relatée dans la biographie de Georges Pompidou. E. ROUSSEL, Georges Pompidou, op. cit., p. 349-353.
  • [34]
    Politique générale. Déclaration du gouvernement, J. O., A. N., 1re séance du 16 septembre 1969, p. 2250.
  • [35]
    « The power to recreate order hinges on the authority to repudiate it », in Stephen SKOWRONEK, The Politics Presidents Make. Leadership from John Adams to George Bush, op. cit., p. 27.
  • [36]
    Voir P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit., p. 327-339 et p. 391-400.
  • [37]
    Voir T. G. FALLETI, « S’emparer du pouvoir ou créer du pouvoir ? Les héritages des régimes militaires dans la décentralisation en Argentine et au Brésil », Critique internationale, 35, avril-juin 2007, p. 101-120. En ligne
  • [38]
    M. GRAVIER, « Dénazification et décommunisation dans la fonction publique allemande : deux politiques d’épuration ? » et M. HADJIISKY, « “Démocratiser” un système administratif. Les paradoxes de la réforme des administrations publiques centrales dans la République tchèque », dans F. DREYFUS (éd.), L’administration dans les processus de transition démocratique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004.
  • [39]
    Revue générale des politiques publiques, Guide méthodologique, p. 4.
  • [40]
    Sur ce point, P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit., p. 439-442.
  • [41]
    Voir la liste des décisions en ligne au cours des trois réunions du Conseil de la modernisation des politiques publiques, les 12 décembre 2007, 4 avril et 11 juin 2008 : www.rgpp.modernisation.gouv.fr
  • [42]
    Voir P. BEZES et P. LE LIDEC, « Steering from the Centre in France in the 2000s. When Reorganizations meet Politicization », in Carl DAHLSTROM, B. Guy PETERS, Jon PIERRE (éd.), Steering from the Centre, Toronto, Toronto University Press (2010, à paraître).
  • [43]
    Pour cette définition, voir T. FALLETI, « S’emparer du pouvoir ou créer du pouvoir ? », art. cit., p. 103.
  • [44]
    Cette interprétation est reprise de P. LE LIDEC, « Les maires dans la République. L’Association des maires de France, élément constitutif des régimes politiques français depuis 1907 », thèse de science politique, Université Paris-1, 2001, p. 504-513.
  • [45]
    Stéphane RIALS, Les idées politiques du président Georges Pompidou, Paris, PUF, 1977, p. 85-87.
  • [46]
    P. BEZES, Réinventer l’État, op. cit.
  • [47]
    On lira avec profit Jean LECA, « La “gouvernance” de la France sous la Cinquième République : une perspective de sociologie comparative », in François D’ARCY, Luc ROUBAN (éd.), De la Cinquième République à l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1996
  • [48]
    Fritz SCHARPF, Gouverner l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 20-24.
  • [49]
    Michel SENELLART, Les arts de gouverner. Du régimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995, p. 280-284.
  • [50]
    Marcel GAUCHET, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985, p. 260-268.
Philippe BEZES
CERSA, UMR 7106-CNRS 10 rue Thénard 75005 PARIS
philippe.bezes@ cersa.cnrs.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rhmc.565.0054
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Belin © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...