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Pour illustrer, à l'occasion du coup de théâtre du Brexit, la profondeur de l'éclairage que la littérature apporte sur les rapports de forces idéologiques et matériels qui font et défont l'histoire, je ne saurais mieux commencer que par un texte de Chateaubriand. Ce texte, extrait de son Histoire de la littérature anglaise, l'auteur de René y tenait assez pour l'avoir reproduit, presque termes pour termes, dans ses Mémoires d'Outre-tombe. Il met en évidence, avec une altitude rarement égalée, le problème européen majeur hérité des Lumières, auquel, depuis deux siècles, la France et l'Angleterre se trouvent également confrontées, mais à termes renversés : l'aspiration à l'égalité, d'un côté, l'autorité, d'un autre côté. La France surmonte, non sans mal, cette contradiction en cherchant à concilier son modèle unitaire, vertical, qui a dominé l'organisation des institutions européennes, et le modèle du marché anglo-saxon, hérité de Locke, qui prévaut dans la multiplication des droits subjectifs reconnus par les deux juridictions de Luxembourg et, surtout, de Strasbourg. Le paradoxe est que l'Angleterre n'a plus supporté, pour son compte, l'épreuve de ce « double bind », qui paraissait pourtant jouer en sa faveur : loin d'être un symptôme de la « décadence de l'Angleterre », thème favori de notre littérature, le Brexit est peut-être un réflexe de survie. En tout cas, il ne s'explique pas autrement. Pour l'heure, si l'on suit Chateaubriand, notre pays devrait sa « résistance » à l'héritier de Bonaparte qu'aura été, en partie, de Gaulle…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 30/01/2023
- https://doi.org/10.3917/ecofi.148.0243

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