La responsabilité sociétale des banques centrales fait écho à la responsabilité sociale des entreprises. La différence de qualificatif traduit le fait que les banques centrales sont responsables vis-à-vis de l'ensemble de la société et non simplement vis-à-vis de partenaires avec lesquels elles entretiennent des relations contractuelles. Nous nous attachons dans cet article à décrypter les forces à l'œuvre dans la déconstruction du mythe d'une banque centrale uniquement dédiée à la préservation de la valeur de la monnaie et déconnectée des grands enjeux et débats sociétaux. Nous développons l'idée que depuis la crise financière, les banques centrales réencastrent de leur politique dans la vie de la cité. Nous illustrons cette assertion à travers deux questions intensément débattues : d'une part, les effets en termes d'inégalités de la politique monétaire et, d'autre part, le rôle des banques centrales dans la transition écologique. Enfin, nous pointons des questions qui restent en suspens en matière de responsabilité sociétale des banques centrales.
Classification JEL : E40, E50, E52, E58, E60
Article
Les banques centrales, et tout particulièrement la BCE (Banque centrale européenne), ne cessent d'être interpellées depuis la crise financière par des ONG (organisations non gouvernementales), des think tanks ou d'autres représentants de la société civile, sur les effets induits de leur politique dans des champs qui, a priori, ne relèvent pas directement de leur mandat. Qu'ils s'agissent des effets redistributifs des politiques monétaires non conventionnelles impactant les inégalités patrimoniales mais également la stabilité financière, de l'impact différencié de la politique monétaire sur l'accès à l'emploi selon l'appartenance ethnique aux États-Unis, du principe de neutralité de marché analysé comme une entrave à la transition écologique ou de la mise à distance d'une crise de la dette souveraine dans la zone euro par la fermeture des spreads souverains, tous ces sujets ont pour dénominateur commun leur impact majeur sur les systèmes socioéconomiques. D'où la nécessité de s'interroger sur la responsabilité sociétale des banques centrales. Pourtant, une rapide recherche sur Internet est édifiante : cette question passe totalement sous les radars. Cette thématique n'existe pas ! Ou, du moins, n'est pas formulée en ces termes. Seule exception de taille : le 21 mai 2021, Isabel Schnabel, membre du Comité exécutif de la BCE, prononça un discours intitulé « La responsabilité sociétale et l'indépendance des banques centrales ». Elle y constate que « les vifs débats publics sur les conséquences distributives et sociétales plus larges des mesures de politique non conventionnelles témoignent de la méfiance naissante à laquelle sont aujourd'hui confrontées les banques centrales »…
Résumé
Plan
- L'effritement du mythe d'une responsabilité sociétale circonscrite à la préservation de la valeur de la monnaie
- Un écart intenable entre responsabilité sociétale de jure et de facto
- La reconnaissance par les banques centrales des effets redistributifs de la politique monétaire
- Les appels pressants au verdissement de la politique monétaire
- Des avancées, mais des progrès restent à faire
- Conclusion
Auteur
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 05/04/2022
- https://doi.org/10.3917/ecofi.144.0215

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