L'irruption des technologies digitales menace la souveraineté de la monnaie par l'ouverture des systèmes de paiement à des acteurs non bancaires, les Bigtechs. Ceux-ci tirent des rentes énormes de leur accaparement des plateformes du e-commerce, donc de la capture des données des consommateurs. En l'absence de toute régulation, ils exercent une concurrence déloyale vis-à-vis des banques. Le projet Libra de Facebook, prétendant établir une monnaie mondiale sous le contrôle d'un monopole privé a attiré l'attention des autorités monétaires et des régulateurs financiers. Hormis l'établissement d'une réglementation pour rétablir la concurrence dans les services de paiement, l'affirmation de la souveraineté monétaire au sein des nations conduit à l'émergence de la monnaie digitale de banque centrale. Cette innovation apparaît à des rythmes différents selon les pays, en rapport avec la rapidité de la disparition du cash dans les pays les plus avancés, au premier chef la Chine, les dispositions sont prises dans l'organisation des paiements, pour éviter de déstabiliser les banques commerciales. Le problème le plus épineux concerne la transformation du système monétaire international. Car le code digital qui identifie la monnaie numérique de banque centrale permet à celles-ci de conserver le contrôle de l'usage transfrontalier des liquidités qu'elles émettent. Cela remet en cause fondamentalement le principe de la devise clé. Une réforme devra s'ensuivre avec deux possibilités : une mise en comptabilité des codes digitaux pour établir une devise synthétique mondiale ou, plus vraisemblablement, la promotion du DTS digital en tant que liquidité ultime. cela permettrait d'instaurer le multilatéralisme monétaire en faisant du FMI le prêteur international en dernier ressort.
Classification JEL : E40, E50, E52, E58, E60
Article
La monnaie : un bien public et politique par définition ? Est-ce la bonne manière d'adresser la question du futur de la monnaie ? Si la monnaie a un avenir, c'est qu'elle a une histoire qui nous permet de percevoir ce qu'est la souveraineté de la monnaie. Elle est aussi une expérience quotidienne. Nous éprouvons qu'en être privé attente à notre dignité, que la monnaie est un lien social fondamental.
Cerner la nature de la monnaie requiert une démarche pluridisciplinaire, où l'histoire doit jouer le premier rôle, mais aussi le politique, le droit, la sociologie et l'économie. Penser la monnaie, c'est chercher à comprendre la complexité du système de paiements. Cette pluridisciplinarité est d'autant plus requise que nous vivons les premières décennies du xxie siècle, soumises à l'avènement de l'ère numérique qui a déjà provoqué un bouleversement des systèmes de paiements et qui promet des innovations encore plus considérables, à l'impact géopolitique majeur. Il ne s'agit rien de moins que du passage d'un système monétaire international hiérarchisé sous la prépondérance hégémonique d'une devise clé, en l'espèce le dollar, à un système multilatéral de coopération institutionnalisée. Une telle transformation est cruciale pour affronter la menace existentielle du défi climatique et écologique global. L'enjeu est donc la monnaie pour une écologie politique.
C'est pourquoi nous allons procéder à une exposition en trois parties. En premier lieu, nous devons faire comprendre ce qu'est la souveraineté de la monnaie…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 05/04/2022
- https://doi.org/10.3917/ecofi.144.0203

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