CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Peu de domaines culturels sont considérés avec autant de suspicion et fourmillent autant de conseils éducatifs que celui du rapport des enfants aux écrans. Aux paniques morales anciennes sur la télévision [1] s’ajoutent désormais celles qui portent plus spécifiquement sur le numérique, les jeux vidéo ayant été les plus ciblés par les critiques [2]. De nombreuses recommandations officielles et conseils à la parentalité centrés sur la maîtrise du temps consacré aux divers écrans ont proliféré depuis les années 1990 et ont atteint leur pic au tournant des années 2000 avec la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein des foyers [3]. Ces réflexions normatives sur le rapport des enfants aux écrans ont débouché sur la règle d’or du « pas d’écran avant 3 ans », dans laquelle domine la double crainte des addictions et du développement de pathologies, voire de comportements enfantins déviants, et où se donnent à voir de nombreuses réticences sur les effets des consommations médiatiques des jeunes enfants.

2 Un précédent travail portant sur le temps passé devant les divers écrans par des enfants en bas âge (de la naissance à l’âge de 2 ans) à partir de la cohorte Elfe (voir encadré 1), avait montré que la télévision, l’ordinateur, la tablette et le smartphone prenaient une place importante dans les emplois du temps enfantins [4]. Le présent travail prolonge ces analyses en investiguant les transformations des rapports aux écrans durant les six premières années de la vie. Il permet de mettre en évidence que les consommations des divers écrans n’obéissent pas toutes aux mêmes dynamiques, les rapports enfantins à la télévision et aux écrans numériques se distinguant nettement avec l’avancée en âge.

Encadré 1. Présentation de la cohorte de naissance de l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe)

Les cohortes de naissance existent depuis la Seconde Guerre mondiale à travers le monde – la plus ancienne est anglaise et a été créée en 1946 (The 1946 National Birth Cohort[5]) – mais elles se sont particulièrement développées depuis les années 1990 aux États-Unis, au Canada et en Australie. Les premières avaient des objectifs médicaux – comprendre les raisons de la baisse de la fécondité par exemple – tandis que les plus récentes adoptent des perspectives pluridisciplinaires et tentent de répondre à des questions telles que l’analyse des conditions de vie dans la prime enfance, le développement psychomoteur, le lien entre santé et contexte familial, social, culturel et économique, etc. Les cohortes internationales lancées le plus récemment témoignent de cette double orientation : en Allemagne, The National Educational Panel Study/NEPS, créée en 2010, est centrée sur les questions éducatives, tandis qu’aux États-Unis, The National Children Study/NCS, mise en œuvre en 2009 et 2012, se focalise sur les questions de santé.
Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), première étude longitudinale française consacrée au suivi des enfants, de la naissance à l’âge adulte, a été créée à titre pilote en 2007 (elle concernait alors 500 familles) et en vraie grandeur en France métropolitaine en 2011 (elle concerne alors 18 000 enfants). Son originalité tient au fait qu’elle aborde de multiples aspects de la vie de l’enfant, notamment sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de l’environnement.
Soutenue par les ministères de la Recherche, de la Santé, et du Développement durable, ainsi que par un ensemble d’organismes de recherche et d’autres institutions, l’enquête Elfe mobilise plus de 80 équipes de recherche. L’enquête Elfe est une réalisation conjointe de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Établissement français du sang (efs), de l’Institut de veille sanitaire (InVS), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de la Direction générale de la santé (dgs, ministère de la Santé), de la Direction générale de la prévention des risques (dgpr, ministère de l’Environnement), de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministères de la Santé et de l’Emploi), du Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (deps, ministère de la Culture) et de la Caisse nationale des allocations familiales (cnaf), avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du Comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales (ccdshs). Dans le cadre de la plateforme RE-CO-NAI, elle bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-11-EQPX-0038.
Les enfants Elfe ont été recrutés à la naissance et choisis, après accord de leurs parents, selon leur date et leur maternité de naissance. Pour obtenir une représentativité de la démographie des naissances, le processus de choix a été le suivant : quatre périodes de l’année 2011 ont été sélectionnées pour représenter chaque saison (du 1er avril au 4 avril, du 27 juin au 4 juillet, du 27 septembre au 4 octobre et enfin du 28 novembre au 5 décembre) et tous les enfants nés pendant ces périodes dans l’une des maternités métropolitaines associées à Elfe ont pu participer à l’étude. Ont été exclus les enfants nés avant trente-trois semaines d’aménorrhée, les naissances multiples de plus de deux enfants, les enfants nés de parents mineurs ou n’étant pas en mesure de donner un consentement éclairé, les enfants de familles ne résidant pas en France métropolitaine ou ayant prévu de déménager dans les trois ans. La sélection des maternités est issue d’un tirage aléatoire stratifié en France métropolitaine, proportionnelle à la taille des maternités (en fonction du statut juridique, du niveau et de la région des maternités : au total 349 maternités ont été retenues sur les 544 existantes au moment du démarrage de l’enquête).
L’enquête est réalisée en français, arabe, turc ou anglais, langues qui sont le plus souvent parlées par les mères étrangères accouchant en France.

Pour en savoir plus :
  • www.Elfe-france.fr
  • Claudine Pirus, Corinne Bois, Marie-Noëlle Dufourg, Jean-Louis Lanoë, Stéphanie Vandentorren, Henri Leridon et l’équipe Elfe, « La construction d’une cohorte : l’expérience du projet français Elfe », Population, vol. 65, no 4, 2010, p. 637-670.
  • Claudine Pirus et Henri Leridon, « Les grandes cohortes d’enfants dans le monde », Population, vol. 65, no 4, 2010, p. 671-730.
  • Marie-Aline Charles, Henri Leridon, Patricia Dargent, Bertrand Geay et l’équipe Elfe, « Le devenir de 20 000 enfants. Lancement de l’étude de cohorte Elfe », Population et Sociétés, no 475, février 2011.

De l’exposition aux écrans à l’organisation temporelle des usages

3 Plusieurs types d’approches du temps dédié aux divers écrans par les enfants existent dans la littérature scientifique, que l’on rappellera ici à grands traits. Ces approches sont liées à des conceptions différenciées ou spécifiques de l’enfance : la première considère l’enfant comme un être vulnérable qu’il faut nécessairement protéger (souvent relativement indépendamment de son âge et de son genre ou de sa position sociale, posture que Erik Neveu appelle « enfantisme [6] »), tandis que la seconde valorise son autonomie [7].

L’enfance à protéger

4 De nombreux travaux de médecine, de santé publique et de science cognitive [8] ont montré des liens entre surexposition aux écrans et développement de diverses pathologies, au rang desquelles : une moins bonne motricité à l’entrée à l’école parce qu’ils n’ont pas assez couru, sauté, lancé, dessiné ou découpé ; de plus faibles habiletés sociales en raison d’un manque d’interactions humaines ; des capacités cognitives moins élevées, particulièrement en ce qui concerne la mémoire à court terme ; un moindre développement du langage et des difficultés d’apprentissage de la lecture et des mathématiques ; un mauvais contrôle des émotions et des comportements (agressivité, difficulté à se calmer seul et passivité) ; des difficultés d’attention, des problèmes de sommeil, une mauvaise estime de soi ; et, enfin, des problèmes de santé lié à un manque d’activités physiques (surpoids, obésité, fatigue, maux de tête, problèmes oculaires, problèmes de posture, mauvaise alimentation, hypertension, diabète de type 2, problèmes cardiovasculaires à long terme, etc.).

5 C’est cette approche pathologiste et protectrice qui prédomine dans les avis institutionnels concernant les rapports des enfants et de ce qu’il est convenu d’appeler « les écrans », catégorie qui agrège en réalité des pratiques de consommation très différentes sans se pencher sur les contenus effectivement consommés. Ainsi, l’avis de l’Académie des sciences daté de 2013 et intitulé L’Enfant et les écrans[9] critique les écrans, et plus particulièrement les écrans « passifs » au premier rang desquels la télévision, au motif que leurs effets sont négatifs tant sur le plan du développement physique que du développement psychique. Dans cet avis, où il n’est question que d’exposition, sans précision des contenus consommés, et rarement des modalités de consommation (avec ou sans adultes par exemple), les écrans interactifs – tablettes par exemple – sont moins sévèrement critiqués, sauf s’ils se substituent à d’autres activités sensorimotrices nécessaires pour le développement. Mais même si l’« interactivité » du numérique est toujours préférée à la « passivité » de la télévision, l’ensemble des écrans est bien considéré comme devant être mis à distance des très jeunes enfants. L’avis rendu le 9 avril 2019 par les Académies de médecine, des sciences et des technologies [10] prolonge cette vision critique, en arguant du fait qu’une surexposition augmente le risque de troubles du sommeil et du développement (notamment cérébral). Il en appelle à une régulation par les familles – elles-mêmes fortement immergées dans les écrans comme le rappellent les trois Académies – et par les personnels d’encadrement de l’enfance, en particulier les enseignants. La Société française de pédiatrie déconseille de même l’usage des écrans avant l’âge de 3 ans [11]. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel reprend ces précautions et dispense des conseils pratiques à l’intention des parents visant à promouvoir un usage éducatif des écrans, fondé sur une restriction des moments et durées d’exposition (voir encadré 2). Le ministère de l’Éducation nationale diffuse de son côté un « Guide de la famille tout-écran » dans lequel une rubrique est consacrée à la maîtrise familiale du temps dédié aux écrans [12]. Dans tous les cas, c’est la règle dite des « 3-6-9-12 pour apprivoiser les écrans », développée par le psychiatre Serge Tisseron [13], qui semble prévaloir (voir encadré 3).

Encadré 2. Les conseils du csa[14]

Les conseils suivants valent aussi bien pour la télévision que les ordinateurs, tablettes et téléphones portables.
  • Évitez d’installer la télévision dans la chambre de l’enfant. Cela contribue à l’isoler de la vie familiale et vous empêche de savoir ce qu’il regarde.
  • Quand vous le pouvez, essayez d’être présent aux côtés de votre enfant lorsqu’il regarde des images sur écran.
  • Évitez que votre enfant ne pratique trop le « zapping » d’un programme à l’autre. Déterminez (avec lui, lorsqu’il en a l’âge) un moment précis et limité pour qu’il regarde la télévision et favorisez le visionnage d’un programme en entier plutôt que de couper l’histoire.
  • Prenez soin du confort de visionnage de votre enfant (éclairage et distance).
  • N’oubliez pas de réserver des moments d’échange en famille sans écran : jeux, activités physiques, repas, discussions, sorties, etc.

Encadré 3. La règle des 3-6[15]

Moins de 3 ans
Une « règle d’or » : pas d’écran avant 3 ans.
Veillez à préserver votre enfant des écrans (télévision, tablette et smartphone). L’interaction avec le monde qui l’entoure est essentielle au bon développement du tout-petit (langage, motricité, etc.).
Pour le csa, le ministère de la Santé et plusieurs experts, la télévision n’est pas adaptée aux enfants de moins de 3 ans car elle peut freiner leur développement, même lorsqu’il s’agit de chaînes qui s’adressent spécifiquement à eux. Avant 3 ans, l’enfant se construit en agissant sur le monde : la télévision risque de l’enfermer dans un statut passif de spectateur à un moment où il doit apprendre à devenir acteur du monde qui l’entoure.

3-6 ans
Privilégiez des programmes adaptés sur un temps limité.
Une consommation excessive d’écrans peut entraîner des troubles du sommeil, de la vue ou encore de la concentration.
À partir de 3 ans, les émissions adaptées peuvent stimuler certaines capacités de l’enfant, comme la mémoire ou la reconnaissance des lettres de l’alphabet. Mais attention à la durée : dix minutes passées devant la télévision représentent un temps de concentration élevé pour un jeune enfant. Il est conseillé de privilégier des sessions courtes, avec la possibilité de revoir plusieurs fois le même programme afin de comprendre l’action et les intentions des personnages et donc d’éviter de « zapper » entre plusieurs émissions !

6 On retrouve la même prudence à l’étranger : l’Académie américaine de pédiatrie [16] recommande ainsi d’éviter tout type d’écran avant 18 mois (à l’exception des conversations vidéo avec des proches), d’initier les enfants de plus de 18 mois uniquement à des contenus de qualité et sous accompagnement parental (covisionnage), et de limiter le temps consacré aux divers écrans à une heure par jour jusqu’à l’âge de 5 ans, tandis que les recommandations australiennes et britanniques fixent à 2 ans l’âge minimal d’introduction des écrans dans le quotidien des enfants [17]. Plus récemment, le gouvernement chinois a même limité le temps que les enfants peuvent passer à jouer aux jeux vidéo [18].

L’enfant usager

7 Une deuxième approche, plus ancrée dans les sciences sociales, entend considérer les usages des écrans. Elle replace tout d’abord les consommations d’écrans dans les dynamiques familiales et prend en compte les manières dont les enfants s’approprient la télévision, le smartphone, les ordinateurs ou tablettes, en s’interrogeant sur la place que les écrans occupent dans les interactions familiales. Les écrans servent-ils à décharger les parents – et notamment les mères – dans des situations de sur-occupation en « distrayant » les enfants, et les aident-ils à faire face à la « lassitude éducative [19] » ou à créer des temps « calmes » pour l’enfant comme pour ses parents [20] ? Que disent-ils des interactions familiales et de leur « qualité » [21] ? Dans les familles très nombreuses, la charge pratique de la gestion des enfants, et leurs attentes éventuellement différentes eu égard à leurs âges respectifs, expliquent-elles le recours aux écrans pour que chacun puisse trouver « un temps à soi [22] » ?

8 Cette perspective d’analyse se penche aussi sur la contribution des écrans au façonnage des rapports au monde social, dès le plus jeune âge, et se caractérise par un intérêt pour les contenus consommés. Dans ce domaine, les travaux de recherche contredisent le plus souvent l’hypothèse courante de la « seringue hypodermique », selon laquelle les contenus médiatiques injecteraient à tous et très précocement des comportements modélisés, stéréotypés et éradiquant les libertés individuelles [23] (ce que le qualificatif « média passif » accolé à la télévision suggère, et qui ne désigne en réalité pas tant le média lui-même que la situation dans laquelle celui-ci est supposé placer son récepteur). Les travaux de recherche mettent non seulement en évidence la puissance socialisatrice des médias, tour à tour vitrine des normalités, support de construction de soi et de négociation des rôles, et objets de partage et support d’éducation, mais soulignent aussi leur place, rôle et importance variables selon les contextes sociaux et familiaux [24].

9 Cette perspective d’analyse se penche enfin sur la contribution des écrans à la construction des rapports au(x) temps [25]. Comme l’ont montré plusieurs travaux [26], le rapport au temps différencie les catégories sociales et les stratégies d’éducation des familles en opposant d’un côté, une rationalisation du temps présent, plus caractéristique des catégories populaires, où s’imposent des formes de nécessités qui transforment parfois la vie « en jeu de hasard [27] », et de l’autre, une projection temporelle, plus caractéristique des catégories supérieures, qui mettent en œuvre de multiples stratégies (scolaire, professionnelle, de loisir, etc.) de long terme. Par ailleurs, cette construction temporelle dépend également des conditions matérielles des familles : outre la position sociale, le nombre d’enfants compte, et plus largement la composition de la famille, mais aussi le temps disponible des parents (en fonction de leur activité professionnelle et de leurs choix de loisirs autant que de leurs stratégies éducatives).

10 C’est dans cette perspective que s’inscrit l’approche présentée ici, puisqu’elle se focalise sur une double analyse temporelle : d’une part, le temps passé sur les divers écrans et, d’autre part, ses évolutions au cours des six premières années de la vie de l’enfant. Cette période se trouve par ailleurs marquée par une transformation majeure des temps des enfants, avec l’irruption du temps institutionnel scandé par l’école, qui vient contredire ou conforter les socialisations temporelles familiales [28]. Non seulement l’école encadre le temps des enfants et des parents – dans la mesure où les divers temps (amicaux, familiaux, ludiques) des familles s’organisent autour du temps scolaire qui les rythme tous –, mais elle diffuse dans l’ensemble des temps sociaux ses normes pédagogiques, normes appropriées de manière variable selon les catégories sociales [29].

Des écrans très présents dans la vie des jeunes enfants

11 Comme l’indique le tableau 1, seuls 12 % des enfants à 2 ans et 2 % à 5 ans et demi sont tenus à l’écart des écrans et, dès l’âge de 2 ans, la télévision fait partie de la vie de la quasi-totalité des enfants. La place des ordinateurs ou tablettes, quant à elle, augmente considérablement entre l’âge de 2 ans et l’âge de 5 ans et demi, puisque la part d’enfants utilisateurs est multipliée par deux : en fin de période, plus de la moitié des enfants les utilisent alors qu’ils n’étaient qu’un quart à en avoir une consommation en début de période. L’utilisation de smartphone reste plus réduite que celle des autres écrans : elle ne concerne qu’un enfant sur cinq à 2 ans, et un enfant sur quatre à 5 ans et demi. Plus intéressant encore, on observe que, pour certains enfants, la télévision est le seul écran disponible, quand d’autres sont déjà entrés dans un monde multi-écrans. Toutefois cette consommation d’un écran unique diminue au fil du temps au profit d’une consommation plus éclectique : ainsi, en moins de quatre années, la part d’enfants qui n’utilisent qu’un seul écran (en général la télévision) baisse de 17 points tandis que la part de ceux qui en utilisent trois (la télévision, un ordinateur ou une tablette et un smartphone) double.

Tableau 1

Utilisation des différents écrans durant les six premières années de la vie

En %
Âge des enfants
2 ans3,5 ans5,5 ans
L’enfant regarde-t-il la télévision ?
Oui839498
Non1762
Non équipéNRNRNR
L’enfant utilise-t-il une tablette/ordinateur ?
Oui274254
Non685644
Non équipé522
L’enfant joue-t-il sur un smartphone au moins une fois par semaine ?
Oui201826
Non808274
Non équipéNRNRNR
Nombre d’écrans utilisés par l’enfant
Aucun1232
1555138
2253545
381115
Total100100100

Utilisation des différents écrans durant les six premières années de la vie

NR : non renseigné.
Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : à 2 ans, 5 % des enfants vivent dans un foyer sans tablette ou ordinateur. Ils sont 2 % dans ce cas à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

12 L’analyse des durées d’utilisation de chaque écran (tableau 2) confirme la suprématie de la télévision, à laquelle les enfants consacrent en moyenne 47 minutes par jour à 2 ans, et 62 minutes à 5 ans et demi. La durée d’utilisation des tablettes et ordinateurs est nettement plus faible à 2 ans : la moyenne est de 6 minutes par jour, soit près de huit fois inférieure à celle d’utilisation de la télévision. En moins de quatre ans cependant, la progression du temps qui leur est consacré est considérable : la durée moyenne de leur utilisation est multipliée par quatre pour s’établir à 23 minutes par jour, soit « seulement » deux fois et demi de moins que le temps consacré à la télévision au même âge. Le temps consacré au smartphone est en moyenne de 4 minutes par jour à 3 ans et demi, âge à partir duquel la question est posée dans l’enquête. Ce temps augmente quant à lui plus faiblement : + 3 minutes seulement en deux ans. Au total, le temps moyen consacré aux écrans passe d’un peu moins d’une heure à 2 ans (hors smartphone) à plus d’une heure et demie à 5 ans et demi (smartphone compris). On est donc très éloigné des injonctions normatives.

Tableau 2

Évolution des durées d’utilisation des écrans par les enfants durant les six premières années de la vie

En %
Âge des enfants
2 ans3,5 ans5,5 ans
Télévision
Jamais (non-équipement non renseigné)1762
Moins de 20 minutes par jour201512
Entre 20 et 40 minutes par jour232626
Entre 41 et 60 minutes par jour171921
Plus de 60 minutes par jour233539
 Entre 61 et 90 minutes91719
 Entre 61 et 120 minutes7911
 Plus de 120 minutes par jour799
Tablette et/ou ordinateur
Jamais (non-équipement inclus)715847
Moins de 10 minutes par jour1165
Entre 10 et 30 minutes par jour122022
Plus de 30 minutes par jour51626
Smartphone
Jamais (non-équipement non renseigné)808275
Moins de 10 minutes par jourNR66
Entre 10 et 20 minutes par jourNR79
Plus de 20 minutes par jourNR510
Total100100100
 Temps moyen (en min par jour) de visionnage de la télévision475962
 Temps moyen (en min par jour) d’utilisation de la tablette et/ou l’ordinateur61423
 Temps moyen (en min par jour) d’utilisation du smartphoneNR47
 Temps moyen (en min par jour) dédié aux écrans53*7792
 Nombre moyen d’écrans utilisés1,31,51,8

Évolution des durées d’utilisation des écrans par les enfants durant les six premières années de la vie

NR : non renseigné, car la question n’a pas été posée.
Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
* Le temps moyen calculé ne tient pas compte de l’utilisation du smartphone en raison de la non-disponibilité des données à cet âge.
Note de tableau : les temps moyens d’utilisation des différents écrans ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 2 ans, 20 % des enfants regardent la télévision moins de 20 minutes par jour. Ils sont 12 % dans ce cas à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

13 Et cet éloignement est plus visible encore si l’on cesse de raisonner sur les moyennes. Dès 2 ans, deux enfants sur dix consacrent plus d’une heure par jour à la télévision, un peu plus d’un sur vingt consacre plus de 30 minutes par jour à l’ordinateur ou à la tablette. Et à 5 ans et demi, la part des enfants forts consommateurs d’écrans s’accroît considérablement : près de quatre enfants sur dix passent au moins une heure par jour devant la télévision (et un sur dix plus de deux heures par jour), environ trois enfants sur dix utilisent un ordinateur ou une tablette plus de 30 minutes par jour et un sur dix, un smartphone plus de 20 minutes par jour. À cet âge, la part des très forts usagers est donc d’ores et déjà loin d’être négligeable.

Des écrans diversement appropriés selon les milieux sociaux

Distance ou insertion des écrans dans le quotidien : des stratégies éducatives variables selon les milieux sociaux

14 Le maintien de la distance aux écrans ou leur insertion précoce dans le quotidien des enfants sont des stratégies éducatives socialement situées [30]. Les enfants sont en effet très inégalement maintenus à distance des écrans (graphique 1) et les causes de cette distance sont à rechercher dans les effets combinés des professions et catégories socioprofessionnelles (pcs) et du niveau de diplôme de leurs parents, tels qu’agrégés dans l’analyse proposée par fractions de classes (voir encadré 4 « Méthodologie », p. 36).

Graphique 1

Évolution de la part d’enfants n’utilisant aucun écran durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 1

Évolution de la part d’enfants n’utilisant aucun écran durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : à 2 ans, 6 % des enfants des fractions non qualifiées des classes populaires n’utilisent aucun écran, ils sont 1 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

Encadré 4. Méthodologie

Les données mobilisées sont issues de trois vagues d’enquêtes (2 ans, 3 ans et demi et 5 ans et demi) collectées sur l’échantillon cylindré des questionnaires référents complets, soit 9 798 enfants. Les données sont pondérées longitudinalement (pondération calculée par l’équipe Elfe).
Les variables retenues pour les analyses sont les suivantes.
1. Les durées d’utilisation des écrans (ordinateur ou tablette) des enfants. Ces variables ont été créées pour chacune des vagues à partir de quatre mêmes questions posées à la fois pour les tablettes et pour les ordinateurs (soit huit questions au total). Il était tout d’abord demandé aux parents d’indiquer si une ou plusieurs personnes du foyer utilisent une tablette (oui ou non), puis un ordinateur (oui ou non) à la maison. À l’affirmative, ils devaient préciser, pour les deux objets numériques, si l’enfant Elfe le ou les utilise (oui ou non), puis déclarer combien de temps (en heures et en minutes) celui-ci passe devant ces deux écrans les jours de semaine et pendant le week-end. Pour chaque vague, les durées d’utilisation de la tablette et de l’ordinateur ont été sommées et moyennées afin d’obtenir un temps quotidien moyen sur toute la semaine, week-end y compris. Pour faciliter les comparaisons à travers le temps, la durée totale d’utilisation des écrans numériques à 2 ans a été divisée en trois terciles : moins de 10 minutes (durée « faible »), entre 10 et 30 minutes (durée « moyenne ») et plus de 30 minutes par jour (durée « élevée »). Ce sont ces terciles qui ont servi de base pour décrire les trajectoires des pratiques numériques des enfants au cours des six premières années de la vie.
2. Les durées d’utilisation des écrans des pères et des mères pour le loisir. Ces variables, issues de l’enquête à 2 ans, ont été créées à partir de trois questions posées aux mères et aux pères, soit six au total. La première interrogeait les unes et les autres sur la fréquence (tous les jours ou presque, 1 à 2 fois par semaine, 1 à 2 fois par mois, jamais ou presque jamais) à laquelle elles et ils ont utilisé un ordinateur, une tablette ou un smartphone pour leurs loisirs au cours des 12 derniers mois. La seconde et la troisième portaient sur le temps (en heures et en minutes) consacrés par les pères et les mères à ces différents écrans, en semaine et le week-end. Comme pour les enfants, les durées d’utilisation de la tablette, de l’ordinateur et du smartphone ont été sommées et moyennées afin d’obtenir un temps quotidien moyen de consommation d’écran sur une semaine entière. Les durées quotidiennes moyennes de consommation ont été divisées en terciles : moins d’1 h par jour en moyenne (durée « faible ») ; entre 1 h et 1 h 30 par jour (durée « moyenne ») ; et plus de 1 h 30 par jour (durée « élevée »).
3. La classe sociale de la famille. Cette variable a été créée à partir des professions et catégories socioprofessionnelles (pcs) des parents (ou beaux-parents) vivant sous le même toit que l’enfant Elfe. La classe sociale de la famille est attribuée en fonction de la position sociale la plus élevée du parent ou du beau-parent vivant avec l’enfant. Ainsi, un enfant dont la mère fait partie des classes supérieures et le père des classes moyennes sera catégorisé comme vivant dans une famille appartenant aux classes supérieures. Pour les familles monoparentales, la classe sociale de la famille est celle du parent vivant avec l’enfant. Les classes sociales ont été divisées en cinq catégories : les fractions économiques des classes supérieures (rassemblant les chefs d’entreprise, les professions libérales et les cadres administratifs, techniques et commerciaux d’entreprise) ; les fractions intellectuelles des classes supérieures (regroupant les professions scientifiques, les professions de l’information, des arts et des spectacles et les cadres des services publics) ; les classes moyennes (comprenant les professions intermédiaires de la santé [infirmier], de l’éducation [professeur des écoles], les professions intermédiaires administratives [secrétaire de direction] et commerciales [conseillers commerciaux, ainsi que les techniciens]) ; les classes populaires qualifiées (rassemblant les ouvriers et employés qualifiés : employés de la fonction publique, employés administratifs d’entreprise comme les agents d’accueil) ; et, enfin les classes populaires non qualifiées (regroupant les ouvriers et employés non qualifiés : les vendeurs, les caissiers, ou personnels des services aux particuliers).
Les autres variables mobilisées sont les variables sociodémographiques fournies par l’équipe Elfe pour les différentes vagues d’enquêtes.
Les profils de ces enfants et de leurs familles sont présentés dans l’encadré 5.

Encadré 5. Présentation de la population enquêtée

Description de la population enfantine enquêtée

En % pondérés
Présentation de la population enquêtée
Sexe enfant Elfe
Masculin50
Féminin50
Niveau d’études de la mère
Inférieur ou égal au bepc8
cap-bep20
Bac19
Bac + 219
Supérieur à Bac + 234
Classe sociale de la famille
Classes supérieures (fraction économique)16
Classes supérieures (fraction intellectuelle)15
Classes moyennes37
Classes populaires (fraction qualifiée)24
Classes populaires (fraction non qualifiée)7
Nombre de frères et sœurs
Aucun36
140
217
3 ou plus7

Description de la population enfantine enquêtée

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : 36 % des enfants n’ont aucun frère ou sœur.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

15 À 2 ans, les enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures sont ainsi trois fois plus nombreux que ceux des classes populaires (qualifiées ou non) à ne pas utiliser d’écrans. C’est entre 2 ans et 3 ans et demi que la part des enfants non utilisateurs baisse le plus dans toutes les catégories sociales, mais là encore avec des pentes variables : les enfants des catégories supérieures (intellectuelles ou économiques), plus nombreux à ne pas utiliser d’écrans à 2 ans, opèrent un « rattrapage », passant respectivement de 21 % à 6 % et de 16 % à 4 % de non-utilisateurs, quand les enfants des classes populaires (qualifiées et non qualifiées) passent respectivement de 7 % ou 6 % à 1 % de non-utilisateurs sur la même période. Toutefois, rattrapage ne signifie pas homogénéisation des pratiques numériques : les écarts entre catégories sociales perdurent, et ce, même si la non-utilisation des écrans se réduit fortement et devient relativement marginale. Que ce soit à 2 ans ou à 5 ans et demi, il y a toujours quatre à cinq fois plus d’enfants non utilisateurs parmi les enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures que parmi les enfants des fractions non qualifiées des catégories populaires.

16 L’insertion de nombreux écrans dans le quotidien des enfants n’est pas le décalque inversé des stratégies de maintien de la distance aux écrans commentée précédemment. Son analyse indique que ce qui préside à l’insertion des écrans est d’ordre éducatif et pas seulement économique (graphique 2). Ainsi, les enfants des fractions économiques des catégories supérieures – les plus à l’aise financièrement – sont ceux parmi lesquels on trouve le plus d’utilisateurs de tous les écrans dès 2 ans, aux côtés des enfants des fractions qualifiées des catégories populaires – qui sont les moins à l’aise financièrement. Dans ces deux milieux sociaux inégalement dotés en ressources économiques et culturelles, les consommations numériques enfantines sont proches puisque environ un enfant sur dix de ces deux catégories utilise tous les écrans dès 2 ans.

Graphique 2

Évolution de la part d’enfants utilisant trois écrans ou plus durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 2

Évolution de la part d’enfants utilisant trois écrans ou plus durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : à deux ans, 7 % des enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures utilisent tous les écrans. Ils sont 12 % à cinq ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

17 La généralisation de l’insertion des écrans dans les loisirs affecte tous les enfants, selon des proportions variables : entre 2 ans et 5 ans et demi, la part de ceux qui les utilisent est multipliée par 1,3 pour les enfants de fractions économiques des classes supérieures, par 1,7 pour les enfants de fractions intellectuelles des classes supérieures, par 1,8 pour ceux des fractions qualifiées des catégories populaires, par 2 pour ceux des classes moyennes et par 2,4 pour ceux des fractions non qualifiées des classes populaires. Deux éléments jouent donc pour expliquer les progressions : d’une part, le niveau d’insertion des écrans dès 2 ans (si celui-ci est fort, la pente de progression peut être plus faible, comme c’est le cas pour les enfants des fractions économiques des classes supérieures), d’autre part, un effet chronologique dans l’avancée en âge de l’enfant (certains enfants augmentent leur consommation entre 2 ans et 3 ans et demi, et d’autres plus tardivement). Ainsi, la part des enfants qui utilisent de nombreux écrans progresse à partir de 2 ans parmi les enfants des classes moyennes et populaires, tandis que les enfants des catégories supérieures semblent pour leur part présenter un effet retard de la progression, qui n’intervient qu’après 3 ans et demi.

18 À 5 ans et demi, les enfants qui utilisent le plus tous les écrans se recrutent principalement parmi les enfants des classes populaires (qualifiées ou non) : près d’un sur cinq est concerné, contre environ un sur sept pour les classes moyennes et les fractions économiques des classes supérieures et un sur huit pour les fractions intellectuelles des classes supérieures. Si les écarts entre les catégories sociales qui fournissent le plus et le moins d’enfants utilisateurs de tous les écrans sont stables dans le temps (elles correspondent à un coefficient multiplicateur de l’ordre de 1,6), ce ne sont pas les mêmes enfants qui se distinguent le plus à 2 ans et à 5 ans et demi : à deux ans, le plus grand écart d’utilisation de tous les écrans distingue les enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures (les moins concernées par l’usage de plusieurs écrans) et les fractions économiques des classes supérieures (les plus concernées), tandis qu’à 5 ans et demi, l’opposition la plus forte s’observe entre enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures (qui restent les moins concernées par l’usage de tous les écrans) et enfants des fractions non qualifiées des classes populaires (qui deviennent les plus concernées).

La télévision et les écrans numériques : deux logiques distinctes

19 On l’a déjà signalé, la télévision est intégrée au quotidien des enfants dès 2 ans, tandis que les autres écrans s’y insèrent plus tardivement et avec des niveaux de diffusion moins importants. À cette première distinction chronologique s’ajoute une seconde distinction, liée au milieu d’origine cette fois, les différents écrans n’étant pas soumis aux mêmes normes et règles éducatives, aux mêmes dynamiques familiales, ni aux mêmes représentations. On sait par exemple que, dans les milieux populaires, le numérique est auréolé des vertus de la modernité – dans la mesure où les parents en sont éloignés professionnellement et les perçoivent comme un outil de cadres ou de professions intellectuelles – tandis que la télévision est vue comme un « invité permanent [31] ». Ces mêmes travaux ont également montré que dans les catégories populaires, la logique familiale structure le rapport aux médias : la télévision y est privilégiée car elle permet de « faire famille » via les audiences partagées, notamment au moment des repas ou en soirée. Dans ces familles, des usages « familialistes » des « nouveaux médias » (ordinateur, tablette, smartphone) se développent également [32], alors que dans les classes moyennes et supérieures, le multi-équipement a favorisé des usages individualisés [33], qui contribuent à redéfinir la frontière entre la sphère de l’intime et du privé et l’espace commun familial [34].

20 L’observation de l’évolution de la part de non-consommateurs de télévision parmi les enfants de la cohorte Elfe entre 2 et 5 ans et demi (graphique 3), comparée à celle de la part de non-utilisateurs d’ordinateur ou de tablette (graphique 4) et de smartphone (graphique 5), indique que les écrans sont très diversement appropriés dans les stratégies éducatives selon les milieux sociaux.

Graphique 3

Évolution de la part de non-utilisation de la télévision durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 3

Évolution de la part de non-utilisation de la télévision durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : à 2 ans, 28 % des enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures ne regardent pas la télévision. Ils sont 4 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022
Graphique 4

Évolution de la part de non-utilisateurs d’ordinateur ou tablette durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 4

Évolution de la part de non-utilisateurs d’ordinateur ou tablette durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de graphique : pour ces variables, les informations sur le non-équipement étaient disponibles. Les foyers non équipés ont été ajoutés à ceux qui répondaient « 0 minute » aux questions relatives à la fréquence des usages de l’ordinateur ou de la tablette, et ce afin de rendre les différents taux de non-utilisation des écrans comparables (les variables non équipement n’étant pas disponibles pour la télévision et le smartphone). Ce choix méthodologique a eu pour effet de réduire (légèrement) les différenciations entre classes sociales dans la mesure où les enfants non utilisateurs équipés sont plus souvent issus des fractions intellectuelles des classes supérieures, alors que les enfants non utilisateurs non équipés sont davantage issus des classes populaires (8 % des fractions qualifiées et non qualifiées contre 2 % des fractions intellectuelles des classes supérieures).
Note de lecture : à 2 ans, 75 % des enfants des classes moyennes n’utilisent pas d’ordinateur ni de tablette. Ils sont 49 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022
Graphique 5

Évolution de la part de non-utilisateurs du smartphone durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 5

Évolution de la part de non-utilisateurs du smartphone durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : à 2 ans, 84 % des enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures n’utilisent pas de smartphone. Ils sont 81 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

21 Les classes supérieures (fractions intellectuelles ou économiques) restent durablement les plus rétives à insérer la télévision dans le quotidien de leurs enfants, alors que les catégories populaires (qualifiées ou non) y sont les moins opposées, même si leurs comportements finissent par converger, puisque la quasi-totalité des enfants de 5 ans la regardent. En matière de smartphone, les enfants des catégories supérieures et des classes moyennes sont durablement moins utilisateurs que les enfants des classes populaires, mais cette fois-ci sans que les comportements des uns et des autres ne convergent : on observe au contraire un accroissement des écarts au fil du temps entre les comportements des enfants des fractions non qualifiées des classes populaires et ceux des fractions intellectuelles des classes supérieures (l’écart est de 17 points à 5 ans et demi contre 7 points à 2 ans). Il en va encore différemment en matière de tablette et d’ordinateur, puisque l’attitude de distance est nettement plus spécifique aux fractions intellectuelles des catégories supérieures et aux classes moyennes, et relativement moins courante parmi les fractions économiques des catégories supérieures en début de période et aux classes populaires en fin de période, les comportements des uns et des autres ayant là encore tendance à converger (les écarts entre les taux de non-utilisation des enfants des fractions intellectuelles des classes supérieures et ceux des fractions économiques des classes supérieures sont de 11 points à 2 ans tandis que les écarts entre les diverses catégories d’enfants sont de 4 points au maximum en fin de période).

22 L’analyse comparée de l’évolution de la forte consommation de ces divers écrans (graphiques 6, 7 et 8) présente un autre visage : pour tous les écrans, les enfants des catégories populaires sont plus nombreux à figurer parmi ceux qui y consacrent un temps élevé, à 2 ans et plus encore à 5 ans et demi, indiquant non seulement que les normes éducatives familiales à 2 ans divergent, mais que l’entrée à l’école ne provoque pas chez les uns et chez les autres le même effet selon le type d’écran. Ainsi, si la part d’enfants qui consacrent plus d’une heure par jour à la télévision en moyenne augmente avec l’avancée en âge dans toutes les catégories sociales, les enfants des catégories populaires sont toujours plus enclins à en être de forts consommateurs que les enfants des catégories supérieures. Les premiers sont en proportion plus de trois fois plus nombreux que les seconds à figurer parmi de forts consommateurs de télévision à 2 ans, et deux fois plus à 5 ans et demi, avec des écarts de 27 points dans les deux cas. Les deux fractions des classes populaires se comportent de manière similaire tandis que les fractions des classes supérieures se distinguent de manière croissante, notamment avec l’entrée à l’école, celle-ci limitant la progression des forts consommateurs plus nettement dans les fractions intellectuelles que dans les fractions économiques.

Graphique 6

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne de télévision (60 min par jour) durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 6

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne de télévision (60 min par jour) durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de graphique : les temps moyens d’utilisation de la télévision ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 2 ans, 38 % des enfants des fractions non qualifiées des classes populaires consacrent plus d’une heure par jour à la télévision. Ils sont 50 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022
Graphique 7

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne d’ordinateur ou tablette durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 7

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne d’ordinateur ou tablette durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de graphique : les temps moyens d’utilisation de l’ordinateur ou de la tablette ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 2 ans, 7 % des enfants des fractions qualifiées des classes populaires consacrent plus de 30 minutes par jour à l’ordinateur ou la tablette. Ils sont 31 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022
Graphique 8

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne de smartphone (30 minutes par jour) durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Graphique 8

Évolution de la part des durées élevées d’utilisation quotidienne de smartphone (30 minutes par jour) durant les six premières années de la vie en fonction de la classe sociale de la famille

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de graphique : les temps moyens d’utilisation du smartphone ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 2 ans, 10 % des enfants des fractions non qualifiées des classes populaires consacrent plus de 30 minutes par jour au smartphone Ils sont 17 % à 5 ans et demi.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

23 Les mêmes oppositions entre catégories supérieures et populaires s’observent en matière de forte durée d’utilisation d’ordinateur ou de tablette, avec cette fois un net accroissement des inégalités de consommation au fil du temps : alors qu’à 2 ans, la proportion de forts utilisateurs (durées d’utilisation quotidienne supérieures à 30 minutes) est similaire dans tous les milieux sociaux (entre 4 % et 7 %), à 5 ans et demi, les écarts se sont nettement creusés, notamment entre les enfants de catégories populaires non qualifiées et ceux des fractions intellectuelles des classes supérieures (17 points d’écart, soit un rapport multiplicateur de près de 2 en faveur des catégories populaires).

24 Le fort usage de smartphone (plus de 20 minutes par jour) obéit aux mêmes effets : les enfants des catégories populaires sont plus nombreux que ceux des catégories supérieures à être de forts utilisateurs dès 3 ans et demi, et les oppositions les plus saillantes s’observent entre les fractions non qualifiées des premières et les fractions intellectuelles des secondes (8 points d’écart, soit un coefficient multiplicateur de 5). Avec l’avancée en âge, ces écarts perdurent avec une différence de 13 points à 5 ans et demi, et un coefficient multiplicateur de 4.

L’espace des pratiques numériques à 2 ans et à 5 ans et demi

25 Bien entendu, les variations selon le milieu social n’épuisent pas l’explication des rapports différenciés aux écrans. Une analyse des correspondances multiples (acm) à 2 ans, puis à 5 ans et demi, suivie de classifications ascendantes hiérarchiques, permet d’en saisir les multiples dimensions et de mieux rendre compte des divers rapports aux écrans aux différents âges [35].

Quatre rapports aux écrans à 2 ans

26 À 2 ans, on voit se mettre en place quatre types de rapports aux écrans, selon le nombre d’écrans que les enfants utilisent et le temps qu’ils y consacrent (tableau 3). Nous les présenterons par ordre d’importance.

Tableau 3

Quatre types de rapports aux écrans à 2 ans

En %
Les enfants téléspectateursLes enfants découvreursLes enfants forts utilisateursLes enfants non utilisateursEnsemble des enfants
51 %23 %15 %11 %100 %
Nombre moyen d’écrans utilisés à 2 ans1,01,92,50,01,3
Nombre médian d’écrans utilisés à 2 ans1,02,03,00,01,0
Durée moyenne de consommation de TV en minutes à 2 ans55,545,259,00,046,9
Durée médiane de consommation de TV en minutes à 2 ans38,630,047,10,030,0
Durée moyenne d’utilisation de la tablette en minutes à 2 ans0,09,127,00,06,0
Durée médiane d’utilisation de la tablette en minutes à 2 ans0,04,315,70,00,0
Sexe enfant Elfe
Masculin5150505150
Féminin4950504950
Rang dans la fratrie
Aîné58776
Cadet6351496058
Unique3242443336
Nombre de frères et sœurs
Aucun3242443336
14238354340
21914151717
3 ou plus76677
Classe d’âge de la mère
< =259101039
26-303027332329
31-353636344236
36-401921182420
> 4066686
Situation familiale
Le référent vit en couple (pas forcément avec le père)9394949694
Le référent ne vit pas en couple (ou ne cohabite pas avec le/la conjoint·e)76646
Classe sociale de la famille
Classes supérieures (fraction économique)1119182015
Classes supérieures (fraction intellectuelle)1214112514
Classes moyennes3834293435
Classes populaires (fraction qualifiée)2421251322
Classes populaires (fraction non qualifiée)151218714
Quintiles du revenu du ménage par unité de consommation
1er quintile2924251726
2e quintile2521242124
3e quintile1818162018
4e quintile1616172117
5e quintile1221182116
Situation professionnelle de la mère
Est en activité professionnelle7274688273
Est au chômage101014710
Autre (femme au foyer, retraitée, autre inactive…)151313713
Étudiante, apprentie34544
Situation professionnelle du père
Est en activité professionnelle9292899392
Est au chômage55735
Autre (homme au foyer, retraité, autre inactif…)22222
Étudiant, apprenti11222
Travail à temps partiel de la mère
Oui5864705761
Non4236304439
Niveau de diplôme de la mère
Aucun diplôme981049
cap-bep2318191120
Bac2019211519
Bac +22019161919
Supérieur à Bac +22937335134
Niveau de diplôme du père
Aucun diplôme11814410
cap-bep2520201622
Bac2220201721
Bac +21719151617
Supérieur à Bac +22534314730
Différence de niveau de diplôme entre les parents
Celui de la mère est égal à celui du père4750465348
Le père a un niveau de diplôme plus élevé2222241822
La mère a un niveau de diplôme plus élevé3129302930
Durée moyenne d’utilisation des écrans numériques (tablette, smartphone, ordinateur) pour le loisir chez les mères
Jamais106598
1 ou 2 fois par mois66376
moins d’1 h par jour3737314437
Entre 1 h et 1 h 30 par jour2020201920
Plus de 1 h 30 par jour2731412129
Durée moyenne d’utilisation des écrans numériques (tablette, smartphone, ordinateur) pour le loisir chez les pères
Jamais97498
1 ou 2 fois par mois63455
moins d’1 h par jour3229233430
Entre 1 h et 1 h 30 par jour2125202322
Plus de 1 h 30 par jour3335482935
Durée moyenne d’utilisation de la télévision chez les mères
Jamais1314102514
1 h ou moins par jour2022192921
Entre 1 h et 1 h 30 par jour1615151616
Entre 1 h 30 et 2 h par jour2324231422
Entre 2 h et 3 h par jour1918211218
Plus de 3 h par jour10913510
Durée moyenne d’utilisation de la télévision chez les pères
Jamais1312102414
1 h ou moins par jour2223202823
Entre 1 h et 1 h 30 par jour1718191617
Entre 1 h 30 et 2 h par jour2424221723
Entre 2 h et 3 h par jour1817201117
Plus de 3 h par jour67847
Fréquence à laquelle les mères regardent la TV ou un autre écran avec leur enfant à leur 1 an
Jamais5046338050
De temps en temps3133351630
Souvent192132520
Fréquence à laquelle les pères regardent la TV ou un autre écran avec leur enfant à leur 1 an
Jamais4746318049
De temps en temps3332391432
Souvent202230620
Total100100100100100

Quatre types de rapports aux écrans à 2 ans

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de tableau : les temps moyens d’utilisation des différents écrans ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 2 ans, dans le groupe des enfants téléspectateurs, on compte 51 % de garçons et 49 % de filles.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

27 Les enfants téléspectateurs : un premier groupe, le plus important puisqu’il rassemble plus de la moitié des enfants, se caractérise par le fait que le seul écran présent dans les univers enfantins à 2 ans est la télévision. La durée moyenne de visionnage de ce groupe, qui s’établit à 56 minutes, cache en réalité des comportements variables, puisque la moitié des enfants y consacre moins de 39 minutes par jour : mais dans tous les cas, ces enfants utilisent plus les écrans que ne le voudraient les normes institutionnelles à leur âge. Ces enfants sont un peu plus que les autres issus des classes moyennes, ainsi que des fractions qualifiées des classes populaires (+ 3 et + 2 points par rapport à la moyenne respectivement). Par ailleurs, ils vivent dans des familles où les écrans numériques et télévisuels sont très présents et s’insèrent à la fois dans les loisirs adultes et ceux partagés avec l’enfant. Non seulement 47 % de leurs mères et 54 % de leurs pères consacrent plus d’une heure par jour aux tablette, smartphone, ordinateur pour leur propre loisir, et 52 % des mères et 48 % des pères regardent la télévision plus d’une heure et demie par jour durant leurs propres loisirs, mais plus de la moitié des mères et la moitié des pères regardaient la télévision avec l’enfant Elfe à 1 an, et un sur cinq le faisait souvent (ce qui est dans la moyenne à cet âge).

28 Les enfants découvreurs : un deuxième groupe, qui rassemble près d’un enfant sur quatre, est composé de ceux qui découvrent deux types d’écrans, la télévision et la tablette, et en font une utilisation modérée : en moyenne, ils regardent près de 45 minutes par jour la télévision, et utilisent un peu plus de 9 minutes la tablette (mais la moitié d’entre eux les utilisent respectivement moins de 30 et moins de 4 minutes par jour). Ces enfants sont plus souvent que les autres des enfants uniques (+ 6 points), vivent dans des familles plus souvent issues des fractions économiques des classes supérieures (+ 4 points), où les pères et les mères sont plus souvent titulaires d’un diplôme supérieur à Bac + 2 (respectivement + 3 et + 5 points). Les ressources élevées du ménage – ces familles figurent plus souvent parmi le quintile le plus élevé de revenu (+ 5 points) – s’accompagnent d’une pression temporelle particulièrement aiguë pour les mères (c’est dans ce groupe que l’on trouve le moins de mères qui travaillent à temps partiel). Le cumul de la pression temporelle sur le temps parental et de l’absence de compagnons de jeux de son âge pour l’enfant à domicile fait jouer aux écrans un rôle d’occupation de l’enfant, tant pour le distraire que pour alléger la pression éducative. Par ailleurs, ces parents se distinguent peu des parents précédents pour ce qui concerne la socialisation par l’exemple ou par le partage : tout au plus, les mères paraissent être un peu plus fortes consommatrices d’écrans numériques (+ 3 points pour celles qui passent plus d’une heure et demi par semaine sur une tablette, un smartphone ou un ordinateur pour leur loisir) et les deux parents sont un peu plus nombreux à avoir regardé la télévision avec leur enfant à 1 an (+ 4 points pour les mères et + 3 points pour les pères).

29 Les enfants forts utilisateurs : ce troisième groupe rassemble moins d’un enfant sur six et se caractérise par le fait que les garçons et les filles utilisent tous les écrans (télévision tablette/ordinateur et smartphone) et y consacrent, dès 2 ans, un temps important, à savoir une heure par jour pour la télévision en moyenne (même si la moitié de ces enfants y consacrent moins de 47 minutes) et près d’une demi-heure par jour pour la tablette ou l’ordinateur (la moitié des enfants y consacrant plus de 15 minutes). C’est dire si ces enfants sont, dès 2 ans, de forts utilisateurs des écrans. Pour avoir une vision complète du temps consacré aux divers écrans par ces enfants, il faudrait ajouter la fréquence à laquelle ils jouent ou utilisent le smartphone, ce qui n’est malheureusement pas documenté à cet âge dans l’enquête. C’est dans ce groupe que l’on trouve le plus d’enfants uniques (+ 8 points), mais aussi de mères jeunes (+ 5 points pour les mères ayant moins de 30 ans à la naissance de l’enfant), de familles des classes populaires, notamment des fractions non qualifiées (+ 4 points). C’est aussi dans ce groupe que l’on trouve le plus de mères qui travaillent à temps partiel (+ 9 points) et de pères sans diplôme (+ 4 points). Par ailleurs, les parents sont particulièrement investis dans les consommations d’écrans, et ce sont leurs usages des écrans numériques qui les distinguent le plus. Les mères et les pères sont plus souvent de très forts utilisateurs de tablette, smartphone ou ordinateur, y consacrant nettement plus souvent que les autres plus d’une heure et demie par jour (respectivement + 11 points pour les mères et + 13 points pour les pères). Les parents sont aussi des téléspectateurs plus assidus : les mères consacrent plus souvent que la moyenne plus de deux heures par jour à la télévision (+ 6 points), de même que les pères (+ 5 points). Les enfants forts utilisateurs ont donc été et continuent à être exposés à des exemples parentaux de forte consommation. À cela s’ajoute le fait que, dans ce groupe, la télévision est plus fréquemment intégrée parmi les loisirs partagés entre parents et enfant lorsqu’il avait 1 an que dans les autres groupes (+ 12 points pour la mère et + 10 points pour le père).

30 Les enfants non utilisateurs : un dernier groupe, le plus petit, rassemble un peu plus d’un enfant sur dix. Ces enfants n’utilisent aucun écran, et ont donc des comportements conformes aux normes institutionnelles pour cet âge. Ces enfants se recrutent plutôt parmi les familles de classes supérieures, notamment leurs fractions intellectuelles (+ 11 points par rapport à la moyenne). Les mères ou les pères sont plus souvent titulaires d’un diplôme supérieur à Bac + 2 (+ 17 points par rapport à la moyenne dans les deux cas) et les couples parentaux sont plus souvent homogames en matière de diplômes (+ 5 points). Les mères de ces enfants sont plus que la moyenne en activité (+ 9 points) et moins souvent en temps partiel (– 5 points). Les revenus de la famille sont plus élevés que ceux des autres groupes : les pères et les mères sont plus nombreux à déclarer un revenu situé dans les 4e et 5e quintiles (+ 10 points). Enfin, les études longues des mères ont non seulement repoussé la naissance de l’enfant, puisque la part de celles qui ont eu l’enfant Elfe après l’âge de 31 ans est plus élevée que la moyenne (+ 11 points), mais elles ont aussi favorisé une porosité aux normes institutionnelles et une distance aux écrans qui se lit dans les exemples parentaux. En effet, ces derniers sont placés sous le signe de la retenue : les mères comme les pères utilisent moins que la moyenne des autres parents tablette, smartphone ou ordinateur durant leurs loisirs. La part des mères qui y consacrent plus de une heure et demie est inférieure de 8 points à la moyenne des mères, et celle des pères de 6 points par rapport à la moyenne des pères. De plus, les unes et les autres consacrent également moins de temps à la télévision au quotidien : la part des mères ou des pères qui regardent plus d’une heure et demie par jour la télévision est respectivement inférieure de 19 et 14 points à celle des autres groupes. Ils intègrent également moins que les autres parents cette activité dans les loisirs partagés avec leur enfant (– 16 et – 14 points respectivement pour les mères et pour les pères), les mères se situant plus en retrait encore que les pères sur ces divers indicateurs de socialisation culturelle.

Cinq rapports aux écrans à 5 ans et demi

31 Près de quatre années plus tard, les choses ont changé et on distingue non plus quatre rapports aux écrans mais cinq (tableau 4), parmi lesquels aucun ne domine dans les mêmes proportions qu’à 2 ans. On les présentera par ordre d’importance parmi les enfants.

Tableau 4

Cinq types de rapports aux écrans à 5 ans et demi

Tableau 4
Description

En % Les enfants téléspectateurs Les enfants découvreurs (durée moyenne, deux écrans) Les enfants forts utilisateurs éclectiques (durée d’utilisation élevée, grand nombre d’écrans) Les enfants faibles utilisateurs mais éclectiques (durée d’utilisation faible, grand nombre d’écrans) Les enfants utilisateurs éclectiques modérés (durée d’utilisation moyenne, grand nombre d’écrans) Ensemble des enfants 37 % 23 % 18 % 13 % 9 % 100 % Nombre moyen d’écrans utilisés à 5 ans et demi 0,9 2,0 2,3 2,3 2,6 1,7 Nombre médian d’écrans utilisés à 5 ans et demi 1,0 2,0 2,0 2,0 3,0 2,0 Durée moyenne de consommation de TV en minutes à 5ans et demi 60,1 52,4 98,2 43,0 70,2 62,1 Durée médiane de consommation de TV en minutes à 5ans et demi 49,3 42,9 83,6 31,4 60,0 55,7 Durée moyenne d’utilisation de la tablette en minutes à 5ans et demi 0,0 33,7 60,3 15,3 26,9 23,1 Durée médiane d’utilisation de la tablette en minutes à 5ans et demi 0,0 25,7 55,7 7,9 17,1 7,1 Durée moyenne d’utilisation du smartphone en minutes à 5ans et demi 0,0 0,0 25,3 3,6 15,1 6,5 Durée médiane d’utilisation du smartphone en minutes à 5ans et demi 0,0 0,0 6,4 2,9 15,0 0,0 Sexe enfant Elfe Masculin 50 50 53 49 49 50 Féminin 50 50 47 51 51 50 Rang dans la fratrie Aîné 23 16 15 17 16 18 Cadet 53 63 62 59 58 58 Unique 24 22 24 25 27 24 Nombre de frères et sœurs Aucun 15 13 16 15 15 15 1 52 56 46 53 51 52 2 24 24 26 23 26 25 3 ou plus 9 7 12 9 8 9 Classe d’âge de la mère < =25 5 2 8 3 3 5 26-30 22 20 25 18 26 22 31-35 40 38 36 39 36 39 36-40 22 28 23 29 26 25 > 40 10 12 10 10 9 10 Situation familiale Le référent vit en couple (pas forcément avec le père) 88 89 86 85 86 87 Le référent ne vit pas en couple (ou ne cohabite pas avec le/la conjoint·e) 12 11 14 16 14 13 Classe sociale de la famille Classes supérieures (fraction économique) 15 16 11 20 15 15 Classes supérieures (fraction intellectuelle) 16 15 7 19 10 14 Classes moyennes 37 36 31 33 34 35 Classes populaires (fraction qualifiée) 21 23 28 16 26 22 Classes populaires (fraction non qualifiée) 12 11 22 13 16 14 Quintiles du revenu du ménage par unité de consommation 1er quintile 26 23 44 22 31 29 2e quintile 23 22 24 17 22 22 3e quintile 20 19 13 18 18 18 4e quintile 18 18 11 21 17 17 5e quintile 14 18 8 22 12 15 Situation professionnelle de la mère Est en activité professionnelle 77 79 65 81 74 75 Est au chômage 9 8 14 8 9 10 Autre (femme au foyer, retraitée, autre inactive…) 11 10 19 9 13 12 Étudiante, apprentie 3 3 3 3 4 3 Situation professionnelle du père Est en activité professionnelle 92 94 89 94 92 92 Est au chômage 5 4 8 4 6 5 Autre (homme au foyer, retraité, autre inactif…) 2 2 2 1 2 2 Étudiant, apprenti 2 1 2 2 0 1

Cinq types de rapports aux écrans à 5 ans et demi

Tableau 4
Description

Les enfants téléspectateurs Les enfants découvreurs (durée moyenne, deux écrans) Les enfants forts utilisateurs éclectiques (durée d’utilisation élevée, grand nombre d’écrans) Les enfants faibles utilisateurs mais éclectiques (durée d’utilisation faible, grand nombre d’écrans) Les enfants utilisateurs éclectiques modérés (durée d’utilisation moyenne, grand nombre d’écrans) Ensemble des enfants 37 % 23 % 18 % 13 % 9 % 100 % Niveau de diplôme de la mère Aucun diplôme 5 7 17 6 11 8 cap-bep 19 18 28 14 19 20 Bac 18 19 21 14 23 19 Bac +2 19 20 15 20 20 19 Supérieur à Bac +2 38 36 19 46 27 34 Niveau de diplôme du père Aucun diplôme 8 8 17 8 13 10 cap-bep 21 20 29 19 23 22 Bac 21 21 20 17 21 21 Bac +2 17 18 14 20 20 17 Supérieur à Bac +2 33 33 20 37 24 30 Différence de niveau de diplôme entre les parents Celui de la mère est égal à celui du père 51 49 46 49 41 49 Le père a un niveau de diplôme plus élevé 19 21 27 18 27 22 La mère a un niveau de diplôme plus élevé 30 30 27 33 33 30 Durée moyenne d’utilisation des écrans numériques (tablette, smartphone, ordinateur) pour le loisir chez les mères Jamais 9 7 8 9 8 8 1 ou 2 fois par mois 6 5 7 5 6 6 moins d’1 h par jour 40 38 27 42 34 37 Entre 1 h et 1 h 30 par jour 20 21 18 19 20 20 Plus de 1 h 30 par jour 25 29 40 25 32 29 Durée moyenne d’utilisation des écrans numériques (tablette, smartphone, ordinateur) pour le loisir chez les pères Jamais 9 7 8 7 9 8 1 ou 2 fois par mois 5 5 5 4 5 5 moins d’1 h par jour 32 30 24 35 28 30 Entre 1 h et 1 h 30 par jour 23 24 19 22 18 22 Plus de 1 h 30 par jour 32 34 44 33 40 35 Durée moyenne d’utilisation de la télévision chez les mères Jamais 15 13 13 14 12 14 1 h ou moins par jour 22 22 17 24 20 21 Entre 1 h et 1 h 30 par jour 17 16 12 18 16 16 Entre 1 h 30 et 2 h par jour 22 21 22 20 24 22 Entre 2 h et 3 h par jour 17 19 21 17 21 18 Plus de 3 h par jour 8 9 16 8 7 10 Durée moyenne d’utilisation de la télévision chez les pères Jamais 14 13 14 14 13 14 1 h ou moins par jour 24 23 19 26 21 23 Entre 1 h et 1 h 30 par jour 17 18 14 20 21 17 Entre 1 h 30 et 2 h par jour 24 24 22 22 16 23 Entre 2 h et 3 h par jour 16 16 21 15 21 17 Plus de 3 h par jour 5 6 10 5 8 6 Fréquence à laquelle les mères regardent la TV ou un autre écran avec leur enfant à leur un an Jamais 59 52 28 55 41 50 De temps en temps 27 32 36 27 34 30 Souvent 14 16 36 18 25 20 Fréquence à laquelle les pères regardent la TV ou un autre écran avec leur enfant à leur un an Jamais 56 50 30 55 40 49 De temps en temps 28 34 36 29 33 32 Souvent 16 16 35 16 27 20 Total 100 100 100 100 100 100

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de tableau : les temps moyens d’utilisation des différents écrans ont été calculés sur l’ensemble des enfants et non sur les seuls consommateurs.
Note de lecture : à 5 ans et demi, dans le groupe des enfants téléspectateurs, on compte 50 % de filles et 50 % de garçons.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

32 Les enfants téléspectateurs : ce premier groupe, qui rassemble plus d’un enfant sur trois à 5 ans et demi, se caractérise par le fait que ses membres utilisent un seul écran, principalement la télévision (comme leurs homologues à 2 ans), et de manière relativement modérée par rapport à leurs camarades du même âge. En moyenne, ils y consacrent une heure par jour et la moitié d’entre eux y consacrent moins de 50 minutes, soit, dans les deux cas, près de 5 minutes de moins que l’ensemble des enfants en moyenne (différences significatives). Ils ont pour particularité d’être plus souvent des aînés (+ 5 points). Leurs profils sociaux ne sont pas très marqués, même s’ils sont légèrement plus souvent issus des fractions intellectuelles des classes supérieures et des classes moyennes (+ 2 points dans les deux cas). Ils ont plus souvent des parents titulaires d’un diplôme supérieur à Bac + 2 (+ 4 points pour les mères et + 3 points pour les pères) et vivent plus souvent dans des familles homogames sur le plan du diplôme (+ 2 points). Dans ces familles, la socialisation familiale n’incite pas les enfants à intégrer les écrans dans leurs loisirs, puisque les parents ont des consommations modérées des écrans dans leurs propres loisirs et ont moins intégré que les autres parents les écrans dans les loisirs partagés avec l’enfant à 1 an. Les mères et les pères sont en effet plus nombreux que la moyenne des parents à indiquer ne jamais regarder la télévision avec leur enfant (+ 9 points pour la mère et + 7 points pour le père). Il y a donc bien là une stratégie éducative de maintien de la distance aux écrans.

33 Les enfants découvreurs : ce groupe, qui rassemble près d’un enfant sur quatre à 5 ans et demi, se distingue par le fait que les enfants qui le composent découvrent le monde des écrans, mais pas dans son intégralité puisqu’ils n’utilisent pas le smartphone, mais uniquement la télévision, et l’ordinateur ou la tablette, auxquels ils consacrent un temps quotidien modéré comparativement à leurs homologues au même âge (un peu plus de 50 minutes en moyenne pour la télévision, et un peu plus d’une demi-heure pour l’ordinateur ou la tablette). Ces enfants ont plus souvent des mères qui avaient plus de 36 ans à leur naissance (+ 4 points), qui sont détentrices d’un Bac + 2 ou plus (+ 3 points), de même que les pères (+ 3 points). Ces enfants sont également plus souvent des cadets ou cadettes (+ 5 points), dont les parents sont plus souvent en emploi (+ 4 points pour les mères et + 2 points pour les pères) et vivant dans des foyers aux revenus élevés (+ 3 points pour le 5e quintile de revenus). Ces enfants ont été moins socialisés aux écrans puisqu’ils ont été moins nombreux à regarder souvent la télévision ou un autre écran avec leurs parents quand ils avaient 1 an (– 4 points pour la mère et le père).

34 Les enfants forts utilisateurs éclectiques : ce groupe, qui rassemble un peu moins d’un enfant sur cinq, regroupe ceux qui ont une durée d’utilisation élevée de tous les écrans. Ils consacrent ainsi plus d’une heure et demie à la télévision, une heure à l’ordinateur ou la tablette et 25 minutes au smartphone par jour (contre respectivement 1 heure, 23 minutes, et 7 minutes en moyenne pour les autres enfants au même âge). C’est le seul groupe qui soit marqué par un effet de genre, puisque les garçons y sont plus nombreux (+ 3 points) : cette observation corrobore ce que d’autres travaux ont montré du caractère masculin des technologies et des sciences [36], atteste de la précocité de ces différenciations genrées des comportements et montre que les pères y jouent un rôle. En effet, si les deux parents ont des durées de consommation des écrans largement supérieures à la moyenne des parents des enfants des autres groupes – ils sont plus nombreux à passer plus d’une heure et demie par jour sur la tablette ou l’ordinateur pour leurs loisirs (+ 9 points pour les pères et + 11 points pour les mères) – les pères des enfants de ce groupe ont pour particularité d’être les plus grands consommateurs en matière d’écrans numériques devant tous les autres parents, mères y compris. Mais ces pères et ces mères figurent surtout parmi les plus forts consommateurs de télévision : ils et elles sont respectivement 10 et 16 % à regarder la télévision plus de trois heures par jour, soit respectivement 4 points et 6 points de plus que la moyenne des pères et des mères.

35 Dans ces familles, non seulement les écrans tiennent une grande place dans les loisirs des parents, mais ils font aussi intégralement partie des pratiques familiales d’éducation. D’une part, plus d’un tiers des mères et des pères regardaient souvent la télévision avec leur enfant à ses 1 an (soit respectivement + 16 et + 15 points par rapport à la moyenne). D’autre part, ces enfants vivent plus souvent dans des familles très nombreuses (12 % ont 3 frères ou sœurs ou plus, soit 3 points de plus que la moyenne), dans lesquelles les écrans peuvent jouer le rôle de « temps calme » pour occuper des enfants d’âges et de besoins différents.

36 Ces familles sont plus souvent de classes populaires qualifiées (+ 6 points) ou non qualifiées (+ 8 points), disposant d’un revenu limité (+ 15 points pour le quintile de revenu le plus bas). Les mères sont plus souvent sans activité professionnelle (+ 11 points) de même que les pères (+ 3 points), même si c’est dans une mesure moindre. Les parents sont aussi plus souvent sans diplôme (+ 9 points pour la mère et + 7 points pour le père). Ce sont enfin des enfants qui, plus que les autres, ont une mère jeune, c’est-à-dire qui avait moins de 30 ans à leur naissance (+ 6 points).

37 Les enfants faibles utilisateurs mais éclectiques : ces enfants, qui représentent un enfant sur huit à cet âge, utilisent tous les écrans, mais y consacrent relativement peu de temps. En moyenne, ils consomment un peu moins de trois quarts d’heure de télévision par jour, environ un quart d’heure de tablette ou d’ordinateur, et moins de 5 minutes de smartphone. Ils ont pour particularité de vivre plus souvent dans des familles issues des fractions économiques et intellectuelles de classes supérieures (+ 5 points dans les deux cas). Ils ont des parents nettement plus diplômés que la moyenne : les parts des mères et des pères titulaires d’un diplôme supérieur à Bac + 2 sont respectivement de 12 et 7 points supérieures à la moyenne des autres groupes. Ces enfants vivent par ailleurs dans des familles relativement aisées (ces familles figurent plus souvent dans les 4e et 5e quintiles de revenus, respectivement + 4 et + 7 points), avec des mères plus souvent en activité (+ 5 points). Les parents ont un rapport relativement distant aux écrans et ont une consommation modérée des ordinateurs, tablettes ou smartphones en dehors de leur travail, pour leurs loisirs : 42 % des mères et 35 % des pères consacrent moins d’une heure par jour aux écrans numériques pour leurs loisirs (soit dans les deux cas 5 points de plus que la moyenne) –, mais surtout, les pères sont moins consommateurs de télévision (45 % d’entre eux y consacrent moins d’une heure et demie par jour, soit 5 points de plus que la moyenne). En outre, ces parents intégraient moins que les autres la télévision aux loisirs partagés avec l’enfant à ses un an (– 6 points pour les mères comme pour les pères). L’éducation aux médias se traduit donc dans ces familles par une découverte large des outils disponibles mais strictement encadrée.

38 Les enfants utilisateurs éclectiques modérés : ce groupe est le plus réduit en taille et rassemble environ un enfant sur dix. Il présente la particularité de réunir ceux qui ont une utilisation modérée de tous les écrans numériques et télévisuels. Ces enfants se distinguent de ceux des deux groupes précédents car ils ont un volume de consommation intermédiaire, c’est-à-dire à la fois nettement plus important que celui des enfants faibles utilisateurs (30 minutes de plus pour la télévision et 10 minutes de plus pour la tablette ou l’ordinateur comme pour le smartphone), mais qui reste bien moindre que celui des forts utilisateurs (en y consacrant près de 30 minutes de moins pour la télévision comme pour la tablette ou l’ordinateur et 10 minutes de moins pour le smartphone). Ils utilisent ainsi en moyenne 70 minutes par jour la télévision, un peu moins d’une demi-heure la tablette ou l’ordinateur, et près d’un quart d’heure le smartphone.

39 Ce sont un peu plus souvent des enfants uniques (+ 3 points), ayant des mères plutôt jeunes, c’est-à-dire âgées de 26 à 30 ans à la naissance de l’enfant (+ 4 points), et vivent plus souvent dans des familles de classes populaires (+ 5 points), aux moyens réduits (+ 3 points pour le 1er quintile de revenus). Plus intéressant, c’est dans ces familles que l’on observe la forte hétérogamie de diplômes entre les parents (seuls 41 % d’entre eux ont des diplômes similaires, soit 8 points de moins qu’en moyenne) : ces parents sont à la fois plus souvent sans diplômes (notamment pour le père + 3 points) et titulaires d’un diplôme Bac ou Bac + 2 (+ 6 points pour la mère et + 3 pour le père). C’est aussi dans ces familles que les parents ont des consommations médiatiques intenses : 32 % des mères consacrent plus d’une heure et demie par jour à l’ordinateur ou la tablette et 40 % des pères (soit respectivement 3 et 5 points de plus que la moyenne), et les pères sont plus fortement consommateurs de télévision que la moyenne (29 % des pères la regardent plus de deux heures par jour, soit 6 points de plus que la moyenne). Enfin, ces parents intègrent fortement la télévision dans les activités réalisées avec leur enfant, puisque plus d’un quart des mères et des pères la regardaient souvent avec lui à ses 1 an (soit + 5 et + 7 points).

Les dynamiques de rapports aux écrans avec l’avancée en âge

40 Lorsque l’on compare les rapports aux écrans à 2 ans et à 5 ans, deux choses sont à retenir. D’abord, la distance aux écrans qui existait, même marginalement, à 2 ans, n’existe plus à 5 ans et demi. Ensuite, certains rapports semblent, de prime abord, similaires, si on veut bien intégrer à l’analyse l’augmentation tendancielle des temps consacrés aux écrans avec l’avancée en âge : ainsi, à 2 ans comme à 5 ans et demi, certains enfants n’utilisent que la télévision, quand d’autres sont des utilisateurs éclectiques. Mais ces ressemblances ne doivent pas faire croire à l’intangibilité des rapports aux écrans et un croisement des deux typologies convainc assez vite de la richesse et de la diversité des mutations (tableau 5).

Tableau 5

Les dynamiques des rapports aux écrans entre 2 ans et 5 ans et demi

En %
À 2 ansLes enfants téléspectateursLes enfants découvreurs (durée moyenne, deux écrans)Les enfants forts utilisateurs (durée élevée, grand nombre d’écrans)Les enfants non utilisateurs
À 5 ans et demi51 %23 %15 %11 %
Les enfants téléspectateurs37 %42291854
Les enfants découvreurs
(durée moyenne, deux écrans)
23 %22272320
Les enfants forts utilisateurs éclectiques
(durée d’utilisation élevée, grand nombre d’écrans)
18 %1721298
Les enfants faibles utilisateurs mais éclectiques
(durée d’utilisation faible, grand nombre d’écrans)
13 %11131613
Les enfants utilisateurs éclectiques modérés
(durée d’utilisation moyenne, grand nombre d’écrans)
9 %810145
Total100100100100

Les dynamiques des rapports aux écrans entre 2 ans et 5 ans et demi

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : parmi les enfants qui à 2 ans se rangeaient parmi les enfants téléspectateurs, 42 % le sont restés à 5 ans et demi, 22 % sont devenus des « initiés » (ils consacrent un temps moyen à un nombre d’écrans moyens), 17 % des forts utilisateurs éclectiques (ils utilisent tous les écrans en y consacrant beaucoup de temps), 11 % des faibles utilisateurs éclectiques (ils utilisent tous les écrans mais y consacrent peu de temps), et 8 % des utilisateurs éclectiques modérés (ils utilisent tous les écrans mais y consacrent un temps moyen).
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

41 En effet, même si certaines trajectoires semblent majoritaires (telles que le passage des non-utilisateurs à la découverte de la télévision ou la pérennité du groupe des téléspectateurs), la diversité des trajectoires de rapports aux écrans entre 2 ans et 5 ans et demi ne peut que frapper, et certaines évolutions, bien que minoritaires, ne peuvent que surprendre. Ainsi, 8 % des non-utilisateurs à 2 ans deviennent des forts utilisateurs éclectiques à 5 ans et demi : alors qu’à 2 ans, ces enfants étaient tenus à l’écart des écrans, moins de quatre années plus tard, ils utilisent tous les écrans et y consacrent un temps important (en moyenne près d’une heure quarante pour la télévision, une heure pour la tablette ou l’ordinateur et 25 minutes pour le smartphone). De même, on ne peut qu’être étonné de découvrir que 18 % des enfants qui, à 2 ans, figuraient parmi les enfants forts utilisateurs d’un grand nombre d’écrans deviennent de « simples » téléspectateurs à 5 ans et demi.

Tableau 6

Profils des enfants qui suivent une trajectoire atypique de rapport aux écrans durant les six premières années de leur vie

Tableau 6
Description

En % Trajectoire de forte hausse de consommation d’écrans Trajectoire de réduction de consommation d’écrans Trajectoire d’augmentation et de diversification de la consommation Autres trajectoires Ensemble des enfants 2 % 3 % 8 % 87 % 100 % p Sexe enfant Elfe 0.441 Masculin 59 53 51 50 50 Féminin 41 47 49 50 50 Rang dans la fratrie < 0.001 Aîné 22 46 21 28 28 Cadet 65 37 67 58 58 Unique 13 17 13 15 14 Situation familiale 0.235 Le référent vit en couple (pas forcément avec le père) 82 88 85 87 87 Le référent ne vit pas en couple (ou ne cohabite pas avec le/la conjoint•e) 18 12 15 13 13 Classe sociale de la famille < 0.001 Classes supérieures (fraction économique) 12 18 9 16 15 Classes supérieures (fraction intellectuelle) 18 13 5 15 14 Classes moyennes 37 31 34 35 35 Classes populaires (fraction qualifiée) 20 25 29 22 22 Classes populaires (fraction non qualifiée) 13 14 23 13 14 Quintiles du revenu du ménage par unité de consommation < 0.001 1er quintile 32 23 49 27 29 2e quintile 22 22 25 22 22 3e quintile 20 21 13 18 18 4e quintile 15 15 8 18 17 5e quintile 11 19 6 16 15 Situation professionnelle de la mère < 0.001 Est en activité professionnelle 76 79 65 76 76 Est au chômage 5 8 13 9 10 Autre (femme au foyer, retraitée, autre inactive…) 16 10 21 11 12 Étudiante, apprentie 3 4 2 3 3 Situation professionnelle du père 0.152 Est en activité professionnelle 94 89 89 92 92 Est au chômage 5 7 8 5 5 Autre (homme au foyer, retraité, autre inactif…) 0 3 2 2 2 Étudiant, apprenti 1 1 1 1 1 Niveau de diplôme de la mère < 0.001 Aucun diplôme 13 6 21 7 8 cap-bep 12 17 32 19 20 Bac 13 21 20 19 19 Bac +2 23 21 14 19 19 Supérieur à Bac +2 40 35 13 36 34 Niveau de diplôme du père < 0.001 Aucun diplôme 6 13 19 9 10 cap-bep 28 15 34 21 22 Bac 21 24 21 20 21 Bac +2 17 14 12 18 17 Supérieur à Bac +2 28 33 14 32 30 Total 100 100 100 100 100

Profils des enfants qui suivent une trajectoire atypique de rapport aux écrans durant les six premières années de leur vie

Champ : ensemble des enfants de l’enquête Elfe nés en 2011 (n = 9 798).
Note de lecture : parmi les enfants qui suivent une trajectoire atypique de forte hausse de la consommation (ils étaient non utilisateurs à 2 ans et deviennent soit des forts utilisateurs soit des utilisateurs éclectiques modérés à 5 ans et demi), on compte 59 % de garçons et 41 % de filles.
Source : deps, Ministère de la Culture, 2022

42 Nous voudrions donc pour finir nous pencher sur ces trajectoires minoritaires – et logiquement improbables – et tenter de cerner leurs facteurs explicatifs. Nous nous intéresserons donc aux 2 % d’enfants qui suivent une trajectoire de forte hausse de leur consommation (c’est-à-dire les enfants non utilisateurs à 2 ans qui deviennent soit des forts utilisateurs, soit des utilisateurs éclectiques modérés à 5 ans et demi) ; les 3 % d’enfants qui suivent une trajectoire de baisse de la consommation (ils étaient de forts utilisateurs à 2 ans et sont de simples téléspectateurs à 5 ans et demi, ce qui veut dire qu’ils se sont détournés des écrans numériques) ; et enfin les 8 % d’enfants qui voient leurs consommations se diversifier et s’intensifier (ils étaient uniquement des téléspectateurs à 2 ans et deviennent des utilisateurs intensifs de tous les écrans à 5 ans et demi).

43 L’observation des profils des enfants qui suivent des trajectoires atypiques indique l’existence d’effets que les analyses précédentes n’avaient pas mis au jour aussi clairement. Tout d’abord, un effet lié au sexe de l’enfant apparaît : les garçons sont nettement plus nombreux parmi les enfants qui suivent une trajectoire de forte hausse de consommation (+ 9 points par rapport à la moyenne), ce qui vient corroborer les écarts observés à des âges ultérieurs entre les investissements des deux sexes dans les outils numériques [37]. Ensuite, un effet du rang dans la fratrie émerge : les aînés ont tendance à voir leur consommation diminuer (+ 18 points par rapport à la moyenne), car avec la naissance de leurs frères ou sœurs, ils trouvent des camarades de jeu qui les détournent des écrans, tandis que les cadets ont à l’inverse plus de chances de suivre une trajectoire d’augmentation des temps d’écrans (+ 7 points pour la trajectoire de forte hausse et + 9 points pour celle de hausse et diversification), à la fois parce que leurs aînés leur servent d’initiateurs, mais aussi parce que l’on sait que les parents consacrent plus de temps aux aînés qu’aux suivants, et concentrent sur les premiers plus d’efforts éducatifs [38]. Par ailleurs, l’observation des trajectoires atypiques confirme la différenciation des fractions de classes : les enfants des fractions économiques des classes supérieures sont surreprésentés dans la trajectoire de réduction de la consommation d’écrans (+ 3 points par rapport à la moyenne) tandis que les enfants des classes populaires, et tout particulièrement les enfants des fractions non qualifiées, sont surreprésentés dans les trajectoires d’augmentation et de diversification des consommations d’écrans (respectivement + 7 et + 9 points par rapport à la moyenne). La trajectoire de hausse avec diversification est aussi empruntée plus souvent que la moyenne par des enfants dont les mères sont au foyer (+ 9 points) et peu ou très peu diplômées (+ 13 points pour les sans aucun diplôme et + 12 points pour les bep-cap par rapport à la moyenne), et dont les pères ont également un faible niveau d’études (respectivement + 9 points et + 12 points pour les sans diplômes et les titulaires d’un cap ou bep). De même, la trajectoire de baisse des consommations est plus fréquente dans les familles les plus aisées (+ 4 points pour le 5e quintile de revenus par rapport à la moyenne), et la trajectoire d’augmentation avec diversification chez les ménages les moins aisés (+ 20 points pour le 1er quintile de revenus par rapport à la moyenne).

44 Cette analyse montre aussi qu’il est trop simpliste d’opposer, comme on le fait souvent, les milieux populaires aux milieux favorisés dans l’analyse de la socialisation précoce aux écrans. Entre activités ludo-éducatives – éventuellement réalisées avec un enfant plus grand (ou un adulte) – et gestion parentale des temps « calmes » de l’enfant, voire de la « lassitude éducative », les écrans s’insèrent de multiples manières dans le quotidien des enfants en fonction des milieux sociaux, des configurations familiales et des pratiques éducatives, ainsi que des rapports aux écrans des parents.

45 Ces éléments mettent également en évidence le fait que, dès l’âge de 2 ans, bon nombre d’enfants ont des rapports aux écrans très distincts des normes institutionnelles, notamment dans les catégories populaires et dans les fractions économiques des catégories supérieures. L’enquête prévue l’année des 10 ans de l’enfant apportera de nombreuses informations sur les rapports aux écrans qui permettront de connaître les usages à cet âge, mais aussi d’analyser les effets durables de la construction précoce des appropriations des écrans que nous avons décrites ici.

Notes

  • [1]
    Ségolène Royal, Le Ras-le-bol des bébés zappeurs, Paris, Robert Lafont, 1989 ; Serge Tisseron, Enfants sous influence. Les écrans rendent-ils les jeunes violents ?, Paris, Armand Colin, 2000.
  • [2]
    Tony Fortin, Philippe Mora et Laurent Trémel, Les Jeux vidéo. Pratiques, contenus et enjeux sociaux, Paris, L’Harmattan, 2006.
  • [3]
    Brigitte Le Grignou et Érik Neveu, Sociologie de la télévision, Paris, La Découverte, 2017.
  • [4]
    Nathalie Berthomier et Sylvie Octobre, Enfants et écrans de 0 à 2 ans à travers le suivi de cohorte Elfe, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2019-1.
  • [5]
    Trois autres cohortes anglaises se sont succédé, créées respectivement en 1958 et en 1970. La plus récente, la Millennium Cohort Study, a été lancée en 2000-2001.
  • [6]
    Erik Neveu, « Pour en finir avec l’“enfantisme” », Réseaux, no 92-93, 1994, p. 175-201
  • [7]
    François de Singly, Les Adonaissants, Paris, Armand Colin, 2006.
  • [8]
    Voir par exemple Rachel Jones, Trina Hinkley, Anthony D. Okely et Jo Salmon, “Tracking physical activity and sedentary behavior in childhood : A systematic review”, American Journal of Preventive Medecine, vol. 44, no 6, 2013, p. 651-658 ; Yolanda Reid Chassiakos, Jenny Radesky, Dimitri Christakis, Megan A. Moreno et Corinn Cross, “Children and Adolescents and Digital Media”, Pediatrics, vol. 138, no 5, 2016 (https://pediatrics.aappublications.org/content/138/5/e20162593) ; Tom Baranowski, Dina Abdelsamad, Janice Baranowski, Teresia Margareta O’Connor, Debbe Thompson, Anthony Barnett, Ester Cerin et Tzu-An Chen, “Impact of an active video game on healthy children’s physical activity”, Pédiatrics, vol. 129, no 3, mars 2012 (https://pediatrics.aappublications.org/content/143/4?current-issue=y).
  • [9]
    Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna et Serge Tisseron, L’Enfant et les écrans, avis de l’Académie des sciences, 2013 (https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/avis0113.pdf).
  • [10]
  • [11]
    Georges Picherot et al., « L’enfant et les écrans : les recommandations du Groupe de pédiatrie générale (Société française de pédiatrie) à destination des pédiatres et des familles », Perfectionnement en pédiatrie, vol. 1, no 1, 2018, p. 19-24 (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2588932X1830010X).
  • [12]
  • [13]
  • [14]
  • [15]
  • [16]
    “Media and young minds : Council on communications media”, Pediatrics, vol. 138, no 5, 2016 (https://pediatrics.aappublications.org/content/138/5/e20162591).
  • [17]
    Voir par exemple : Australian Government Department of Health and Ageing, Move and Play Every Day : National Physical Activity Recommendations for Children 0-5 Years, Canberra, Commonwealth of Australia, 2010 ; United Kingdom Department of Health and Social Care, Start Active, Stay Active : A Report on Physical Activity from the Four Home Countries’, Chief Medical Officers, 2011.
  • [18]
    Philippe Escande, « Interdiction des jeux vidéo en ligne pour les mineurs : “La décision de l’État chinois pourrait marquer un tournant” », Le Monde, 6 septembre 2021.
  • [19]
    Julien Bertrand, Géraldine Bois, Martine Court, Gaëlle Henri-Panabière et Olivier Vanhée, « Scolarité dans les familles nombreuses populaires et conditions matérielles d’existence », Informations sociales, no 173, 2012, p. 74-80.
  • [20]
    Manuel Boutet et Laurence Le Douarin, « La famille et les tic au cours des épreuves et des célébrations » [en ligne], RESET, no 2, 2014 (http://journals.openedition.org/reset/349) ; Corinne Martin, Le Téléphone portable et nous. En famille, entre amis, au travail, Paris, L’Harmattan, 2007.
  • [21]
    Voir par exemple N. Berthomier et S. Octobre, Enfants et écrans de 0 à 2 ans, op. cit., et Nathalie Berthomier et Sylvie Octobre, Primo-socialisation culturelle par les climats familiaux, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2019-2.
  • [22]
    Helga Nowotny, Un temps à soi. Genèse et structuration d’un sentiment du temps, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1995.
  • [23]
    Daniel Dayan, « À propos de la théorie des effets limités », Hermès, vol. 1, no 4, 1989, p. 93-95 ; Dominique Pasquier, « Vingt ans de recherche sur la télévision : une sociologie postlazarsfeldienne ? », Sociologie du travail, no 1, 1994, p. 63-94 ; B. Le Grignou et E. Neveu, Sociologie de la télévision, op. cit.
  • [24]
    Anne Cordier, « Squeezie, TikTok, maman, papa et moi ! Quand le numérique vient agrandir la famille », dans Vincent Meyer et Salvatore Stella (sous la dir. de), Parentalité(s) et après ?, Toulouse, Érès, 2021, p. 257-276.
  • [25]
    Pierre Bourdieu notait ainsi que « la pratique n’est pas dans le temps mais qu’elle fait le temps » (Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, coll. « Liber », 1997, p. 299).
  • [26]
    Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers, Paris, Presses universitaires de France, 1990 ; Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger et Ionela Roharik, « Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale », Économie et Statistique, no 352-353, 2002, p. 39-55.
  • [27]
    P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, op. cit., p. 318.
  • [28]
    Gilles Pronovost décrit la famille comme « une vaste entreprise de socialisation au temps » (G. Pronovost, « Le rapport au temps des adolescents : une quête de soi par-delà les contraintes institutionnelles et familiales », Informations sociales, no 153, 2009, p. 22-28).
  • [29]
    C’est ce que montre très clairement l’ouvrage de Sandrine Garcia, Le Goût de l’effort. La construction familiale des dispositions scolaires, Paris, Presses universitaires de France, 2018.
  • [30]
    Nous privilégions ici une analyse par la classe sociale de la famille (voir encadré 4) en mobilisant deux dimensions de l’espace social, la pcs et le niveau de diplôme. Voir Remi Sinthon, Repenser la mobilité sociale, Paris, Éditions de l’Ehess, 2018, pour une discussion des critères statistiques les plus aptes à saisir de manière dynamique les positions dans l’espace social.
  • [31]
    Olivier Masclet, L’Invité permanent. La réception de la télévision dans les familles populaires, Paris, Armand Colin, 2018 ; O. Masclet, « Permanences et ruptures dans la relation à la télévision des ménages populaires », Réseaux, no 229, 2021, p. 75-106.
  • [32]
    Voir Dominique Pasquier, L’Internet des familles modestes. Enquête dans la France rurale, Paris, Presses des Mines, 2018.
  • [33]
    Voir Julie Denouël « Faire, défaire, refaire famille. Les usages et les sociabilités numériques à l’épreuve des bifurcations biographiques », Dialogue, no 217, 2017, p. 31-44 ; Hervé Glévarec, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l’espace familial, Paris, La Documentation française, 2009 ; Claire Balleys, « Comment les adolescents construisent leur identité avec YouTube et les médias sociaux. », Nectart, no 6, 2018, p. 124-133.
  • [34]
    Voir Anne-Sophie Pharabod, « Territoires et seuils de l’intimité familiale. Un regard ethnographique sur les objets multimédias et leurs usages dans quelques foyers franciliens », Réseaux, no 123, 2004, p. 85-117.
  • [35]
    Ces deux techniques statistiques permettent de cartographier les rapports des enfants aux écrans. L’une et l’autre rassemblent dans une même catégorie ou dans un même plan factoriel les enfants qui ont des consommations proches des différents écrans, et dans le même temps, opposent les enfants qui en ont des utilisations différentes. La combinaison de ces deux méthodes nous permet de brosser une typologie des rapports aux écrans qui maximise la variance inter-groupes et minimise la variance intra-groupe.
  • [36]
    Voir Josiane Jouët, « Technologies de communication et genre. Des relations en construction », Réseaux, no 120, 2003, p. 53-86 ; Unesco, “I’d blush if I could : Closing gender divide in digital skills through education”, 2017 (https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000367416.page=1) ; Clémence Perronnet, La bosse des maths n’existe pas. Rétablir l’égalité des chances dans les matières scientifiques, Paris, Autrement, 2021 ; Catherine Marry, Les Femmes ingénieurs. Une révolution respectueuse, Paris, Belin, 2004.
  • [37]
    Voir Sylvie Octobre, Christine Détrez, Pierre Mercklé et Nathalie Berthomier, L’Enfance des loisirs. Trajectoires communes et parcours individuels de la fin de l’enfance à la grande adolescence, Paris, Ministère de la Culture, deps, 2010.
  • [38]
    Voir Dalton Conley, “Sibship sex composition : Effects on educational attainment”, Social Science Research, vol. 29, no 3, 2000, p. 441-457 ; Joseph Price, “Parent-child quality time : Does birth order matter ?”, The Journal of Human Resources, vol. 43, no 1, 2008, p. 240-265 ; Russell Travis, Vandana Kohli, “The birth order factor : Ordinal position, social strata, and educational achievement”, The Journal of Social Psychology, vol. 135, no 4, 1995, p. 499-507.
Français

Le rapport des enfants aux écrans suscite autant de suspicions que de conseils éducatifs, insistant dans les deux cas sur les risques d’addictions, de développements de pathologies ou de comportements déviants. Aux paniques morales anciennes sur la télévision s’ajoutent désormais celles qui portent sur le numérique.
Le présent travail prolonge de quatre ans l’analyse des temps passés devant les écrans par des enfants en bas âge (de la naissance à l’âge de 2 ans) à partir de la cohorte de naissance de l’étude longitudinale française (Elfe). Constituée d’un panel de 18 000 enfants nés en 2011, elle décrit, à l’échelle nationale, l’équipement des foyers et la fréquence d’exposition des enfants aux différents écrans.
À 5 ans et demi, les écrans sont présents dans le quotidien de tous les enfants et la consommation d’écran unique (celui de la télévision) diminue au profit d’un monde multi-écrans, dans lequel la télévision demeure centrale. Les rapports des enfants à la télévision et aux écrans numériques (ordinateur, tablette, smartphone) se distinguent toutefois nettement durant les six premières années de la vie, ce qui témoigne d’une appropriation différente des normes éducatives selon les milieux sociaux, les configurations familiales, les pratiques éducatives ou les rapports aux écrans des parents eux-mêmes.

Kevin Diter
Post-doctorant panels (Plateforme analyse Elfe sur la socialisation), deps, ministère de la Culture/Ined.
Sylvie Octobre
Chargée d’études, deps, ministère de la Culture.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/03/2023
https://doi.org/10.3917/cule.227.0001
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