Dans cet article, je propose une analyse des identifications collectives que mobilisent des diplômé·es du supérieur d’ascendance subsaharienne parisien·nes et londonien·nes pour politiser leurs expériences de discrimination. Celles-ci font directement écho aux politiques et débats publics propres à chacun des pays étudiés. Si elle est affirmée de façon claire dans le contexte race-conscious britannique, une identification raciale, noire, peine à être pleinement politisée dans le cadre colour-blind français. Elle n’est politiquement investie que par des enquêté·es très conscientisé·es sur les enjeux de race quand d’autres privilégient un « Nous » descendant·es immigré·es ou un « Nous » de quartier pour dénoncer l’injustice. En effet, en raison d’une spatialisation des problèmes sociaux propre au contexte hexagonal, la politisation des discriminations émerge plus aisément via une identification de quartier, mais dans laquelle s’imbrique de fait une dimension raciale. À l’inverse, cette appartenance territoriale n’est pas politisée au Royaume-Uni, où la ségrégation raciale n’est pas constituée en enjeu public.
Article
À l’issue d’un entretien collectif réalisé à Londres avec quatre participant·es britanniques et au cours duquel la « question raciale » a occupé une
place centrale, Aïssata, témoin de ces échanges, me confie : « En France, c’est
plus la question des banlieues... On ne voit pas les choses de la même manière ».
Ce constat reflète les différences nationales observées dans le cadre de cette
recherche sur les expériences de racisation de diplômé·es du supérieur d’ascendance subsaharienne : lorsqu’il s’agit de politiser des injustices attribuées aux
institutions publiques, les Français·es et les Britanniques interrogé·es n’ont pas
la même façon d’articuler ni de prioriser leurs identifications de race ou de quartier qui se trouvent d’ailleurs imbriquées au statut migratoire et à la classe. Dans
cet article, j’analyse l’influence du contexte national sur les mécanismes qui
sous-tendent une telle différence de cadrage. Face à une littérature comparative
franco-britannique essentiellement centrée sur une approche institutionnelle et
critique au regard de l’opposition schématique entre ces deux « modèles » nationaux, j’en esquisse les contrastes à partir des discours individuels de citoyen·nes
« ordinaires ».
Pour cela, je fais dialoguer une approche phénoménologique des discriminations
et la littérature sur la politisation (dans son acception élargie). Ces travaux ne
se sont pas véritablement penchés sur les raisons qui déterminent la mobilisation
de certaines identifications collectives plutôt que d’autre…
Résumé
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Auteur
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/03/2022
- https://doi.org/10.3917/crii.094.0102

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