Les immigrés et descendants d’immigrés chinois en France ont été affectés par la pandémie de Covid-19 à plusieurs titres. Indépendamment des désagréments qu’ils ont subis au même titre que l’ensemble de la population dans ce contexte de crise, ils ont été confrontés à des comportements de stigmatisation, voire de rejet ou de racisme, qui ont provoqué chez nombre d’entre eux un sentiment de malaise. Par ailleurs, pris en étau entre un discours médiatique régulièrement antichinois et la rhétorique triomphante du gouvernement chinois concernant sa lutte contre le virus, ils ont été ébranlés dans leurs sentiments d’appartenance et leurs représentations de soi. Nous documentons les processus à l’œuvre dans la fabrique d’une stigmatisation sur des bases a priori sanitaires, et restituons les manières dont nos interlocuteurs se sont positionnés en termes d’appartenance identitaire. Nous nous appuyons pour cela sur des entretiens qualitatifs réalisés pendant le premier confinement en France, et dont le contenu est confirmé par des extraits d’articles de presse. Dans ce contexte de crise, les personnes interrogées ont témoigné de vécus personnels différents selon la nature de leur lien avec la Chine. L’enjeu est d’examiner les différentes formes de ce sentiment d’appartenance face aux catégorisations véhiculées par les interactions avec la société majoritaire et les médias.
Article
Au début de l’année 2020, les immigrés et descendants d’immigrés chinois en France ont vécu non pas une, mais deux crises du Covid-19 : celle qui a frappé la Chine dès les premiers jours de janvier, et celle qui a débuté officiellement en France le 16 mars avec la décision annoncée par le président Emmanuel Macron d’un confinement national. Nombre d’entre eux ont donc été doublement affectés, et sur une durée bien plus longue que le reste de la population française. Les liens maintenus avec leur pays d’origine, grâce aux membres de leurs familles et/ou via les médias en langue chinoise, leur ont fait prendre conscience beaucoup plus tôt du risque épidémique. Et bien que mieux préparés à faire face à la crise en France, ils en ont subi des conséquences plus lourdes. À la crainte d’une contamination et aux désagréments d’un confinement plus long, spontané dans un premier temps, puis imposé par le gouvernement français, se sont en effet ajoutées, notamment durant les semaines qui ont précédé le 16 mars, d’autres sources de tensions. Celles-ci ont été suscitées, d’une part, par le décalage de perception du risque épidémique, perception généralement aiguë chez eux mais encore floue à ce moment-là dans le reste de la société française, d’autre part, par des pratiques alors souvent jugées incongrues en France – le port d’un masque de protection ou le stockage de produits de première nécessité – et très éloignées des préoccupations du reste de la population. De nouveaux comportements de stigmatisation, voire de rejet ou de racisme, ont alors émergé, provoquant un sentiment de malaise chez nombre d’immigrés et descendants d’immigrés chinois en France…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/06/2021
- https://doi.org/10.3917/crii.091.0140

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