1 le lien d’interdépendance entre le développement des démocraties et la mise en place des administrations bureaucratiques dans les pays occidentaux, du début du XIXe siècle au milieu du XXe, constitue un phénomène largement repéré. La réflexion sur cette articulation est au coeur de nombreux travaux de sociologie historique de l’État inspirés des propositions initiales de Max Weber. Dans la perspective wébérienne, la mise en place d’une administration professionnalisée, dépolitisée et rationalisée est, on le sait, l’instrument constitutif de la formation des États parce qu’elle rend possible le monopole de la violence physique légitime mais elle est aussi ce par quoi se met en place la démocratie . La bureaucratie, par sa forme organisationnelle ordonnée, prévisible et légale, est en effet le fondement d’un traitement égal et impersonnel de tous les citoyens sur la base de règles générales, préétablies et connues de tous. Elle est également un agent de la démocratisation sociale parce qu’en valorisant le diplôme, dans l’accès aux positions administratives, elle participe au nivellement des différences sociales et à l’expansion du système éducatif [1]. Beaucoup de travaux classiques ont étayé et théorisé les formes d’interdépendance entre les dynamiques de démocratisation (extension du suffrage universel, développement des partis politiques et extension du marché politique, clientélisme, etc.) et la bureaucratisation de l’État (professionnalisation des recrutements, autonomisation des fonctions administratives, etc.) pour éprouver historiquement la réalité de ce modèle de développement idéal-typique [2]. Loin de décrire une articulation mécanique ou téléologique entre les deux dynamiques, ces recherches ont permis de comprendre à quel point les réformes des systèmes administratifs étaient indissociables et constitutives des enjeux de construction et d’entretien d’un « ordre politique », c’est-à-dire de construction et d’entretien de coalitions de soutien, de mécanismes de légitimation et de capacités d’exercice du pouvoir.
2Cette interdépendance entre les changements de régime et les réformes de la fonction publique (modes de recrutement et de carrière, loyauté à l’égard des élus) et du système administratif (règles d’organisation) est un enjeu tout aussi crucial dans les processus contemporains de « transition » et de « consolidation » démocratiques [3] ou dans les contextes de mise en place de « régimes hybrides » mêlant des règles démocratiques à des formes caractéristiques des régimes autoritaires [4]. D’un côté, comme le rappellent Juan J. Linz et Alfred Stepan, la construction d’une bureaucratie d’État professionnelle peut apparaître, théoriquement et empiriquement, comme un prérequis du processus de démocratisation parce qu’elle permet de mettre en place ou de rationaliser des activités de collecte de l’impôt, de distribution de services publics et de réglementation [5]. De l’autre, l’adoption de mécanismes démocratiques renforce le poids des forces politiques partisanes, parfois assises sur des fondements clientélistes, et accentue la propension des gouvernants, quels qu’ils soient, à vouloir façonner la machinerie administrative pour asseoir leur pouvoir et leur légitimité : elle peut alors limiter les chances de professionnalisation de la fonction publique. On comprend mieux l’attention cruciale qu’il faut porter aux administrations (plus ou moins autonomes) héritées du régime autoritaire et aux temporalités institutionnelles : y a-t-il antériorité d’isolats bureaucratiques développés dans le cadre des régimes non démocratiques ou, au contraire, prépondérance de puissants mécanismes de politisation [6] ? À l’opposé de l’image parfois véhiculée par l’ingénierie des réformes décrite par les think tanks ou les consultants internationaux, les transformations de l’organisation administrative ne constituent donc pas une simple opération technique et dépolitisée. Au-delà des bénéfices collectifs attendus de « la réforme de l’État », elles sont au contraire particulièrement controversées et conflictuelles dans les processus de démocratisation, car insérées dans les stratégies des forces partisanes, les jeux bureaucratiques, les mécanismes de légitimation et le poids des héritages.
3L’objet commun des contributions rassemblées dans ces Variations est d’explorer les enjeux, les dynamiques d’élaboration et les orientations des réformes de l’administration dans le cadre de processus de démocratisation toujours inachevés. Ces réformes sont étudiées dans des contextes nationaux et géoculturels variés (Thaïlande, Argentine et Brésil, Hongrie, Russie et Malawi) des années 1970 aux années 2000. Elles mettent en jeu les intérêts d’une multitude d’acteurs que la redéfinition des règles constitutives de l’appareil d’État favorise ou menace : nouvelles élites politiques cherchant à stabiliser leur pouvoir ; hauts fonctionnaires fraîchement nommés ou reconvertis au nouveau régime ou au nouveau leader ; groupes variés d’agents publics affectés par les réformes ; gouvernements infranationaux souvent relégitimés avec la démocratisation ; entrepreneurs économiques favorables à la réduction des coûts de transaction dans les relations avec l’administration ; principales institutions internationales de financement (Banque mondiale, FMI, Banque interaméricaine de développement, etc.), de coopération ou de développement (OCDE, ONU, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Union européenne dans le cadre de l’élargissement) imposant la conditionnalité des prêts pour promouvoir des réformes institutionnelles, etc. Bien qu’appartenant à des champs de recherche distincts, les cinq articles de ce dossier inscrivent leurs analyses dans des questionnements de sociologie politique qui mettent l’accent sur trois dimensions essentielles du phénomène : les luttes de pouvoir entre élites politico-administratives, groupes d’intérêt et experts internationaux ; les influences idéologiques concurrentes (modèle wébérien, New Public Management, État décentralisé) ; le poids des héritages administratifs (legacies). Ce n’est pas un moindre paradoxe que d’observer, dans un premier temps, que ces questions suscitent un intérêt encore trop faible dans le champ de la science politique.
La « mise en forme » des systèmes administratifs dans les processus de démocratisation : un point aveugle des recherches et des expertises tardivement redécouvert
4Il est frappant de relever, dans les études de « transitologie », que la réforme des systèmes administratifs n’a pas occupé le même statut déterminant ni suscité la même attention empirique que les variables politiques. Indubitablement, les analystes des transitions/consolidations ont largement privilégié les facteurs explicatifs politiques et économiques au détriment des facteurs administratifs. La littérature a ainsi mobilisé l’analyse des interactions entre les élites politiques, notamment à travers l’étude de leurs soutiens (réseaux, ressources) et de leurs stratégies (de pacte, de reconversion, de circulation ou de reproduction). Elle s’est également beaucoup intéressée aux variables liées au développement socioéconomique, aux crises budgétaires et fiscales et aux pressions internationales. Elle a enfin largement privilégié l’analyse des trajectoires de démocratisation, pris en compte le poids des héritages politiques en insistant sur l’influence structurante des régimes autoritaires antérieurs ou focalisé son attention sur les activités de « design institutionnel » des systèmes constitutionnels. Dans ces travaux, le déficit d’attention accordée aux enjeux liés aux réformes administratives dans les transitions est largement constaté. Juan Linz et Alfred Stepan insistent ainsi sur l’insuffisante prise en compte des processus de légitimation de l’État et de restructuration de l’appareil administratif [7]. Plusieurs analystes ont confirmé le diagnostic et commencé à remédier à cette carence [8]. Dans son ouvrage classique sur les réformes administratives en Amérique du Sud (Brésil, Chili, Venezuela, Colombie, Uruguay), Barbara Geddes relève que si de nombreux travaux de sociologie historique comparative insistent sur l’importance de la mise en place d’une administration bureaucratique autonome renforçant les capacités de l’État, rares sont ceux qui analysent les contraintes et les processus concrets à travers lesquels ces réformes sont effectivement produites [9]. À bien des égards, les enjeux liés aux transformations des systèmes administratifs ont longtemps été minimisés ou mal perçus. En mettant l’accent sur « ce qui change », les recherches sur les transitions démocratiques accordent d’autant moins d’attention aux administrations que celles-ci ne sont pas perçues, parfois à tort, comme les acteurs majeurs de ces processus de changement. Leur rôle est d’autant moins considéré que les systèmes administratifs survivent souvent, dans un premier temps, aux transitions parce que les nouvelles élites n’ont pas toujours immédiatement intérêt, une fois la loyauté des fonctionnaires (ré)assurée, à se lancer dans des réformes qui fragilisent l’instrument d’exercice de leur action.
5Quand elles ne sont pas méconnues, les administrations sont analysées comme les acteurs qui freinent le changement politique ou bien comme les fauteurs de corruption, ces institutions à travers lesquelles se maintiennent et se développent les réseaux de clientèles. Même les travaux récents qui mettent l’accent sur le poids des héritages institutionnels, comme ceux de Linz et Stepan [10], leur accordent une attention « en creux » : il s’agit avant tout de comprendre comment les institutions administratives du régime antérieur non démocratique favorisent ou au contraire « bloquent » les réformes politiques dans les contextes ultérieurs.
6S’ils peuvent être en partie imputés à l’influence rémanente du paradigme du développement et de la modernisation, ces biais d’interprétation ne renvoient pas uniquement à un problème théorique. Ils tiennent également au fait que les hommes politiques eux-mêmes et les experts des organisations internationales ont longtemps témoigné d’un intérêt inégal et tardif pour les réformes de l’administration. Dans de nombreux pays, jusqu’au milieu des années 1990, le système administratif n’a pas été l’objet des premières vagues de réformes. Les raisons de cette absence sont multiples. Dans les nouveaux régimes d’Europe centrale et orientale (Pologne, République tchèque), la « modernisation » et la démocratisation du régime se sont initialement traduites par la critique et le démantèlement de l’appareil d’État centralisé hérité du système communiste, à travers des mesures de libéralisation économique (privatisation) et d’importants programmes de décentralisation marqués par la volonté de rééquilibrer les pouvoirs entre le centre et la périphérie [11]. Si la Hongrie s’est distinguée en adoptant la première législation sur la fonction publique de la région, entre 1990 et 1992, la plupart des autres « PECO » ont attendu la toute fin des années 1990 pour légiférer dans ce domaine, sans que l’effectivité de mise en œuvre des réformes soit d’ailleurs assurée. En Amérique du Sud, comme le montre Barbara Geddes, la structure des intérêts politiques (président, parlementaires) n’a pas souvent été favorable à la transformation des administrations dans le sens d’une plus grande autonomie et d’une plus forte impartialité, et ce en raison des pertes électorales qu’occasionne le démantèlement des réseaux clientélistes. Dans les pays asiatiques, la situation est peu propice aux remises en cause et plutôt favorable au maintien de la centralisation : le poids historique des systèmes administratifs, centralisés et hiérarchiques, qu’ils soient hérités des régimes coloniaux (Indonésie, Malaisie, Philippines) ou des constructions nationales (Thaïlande, Corée du Sud), se manifeste par une forte légitimité et par un rôle interventionniste majeur dans la modernisation économique, ce qui les rend résistants aux réformes [12].
7Confortant ou favorisant ces constructions « négatives » du problème administratif, les préconisations des organisations internationales de financement et de développement n’ont accordé pendant longtemps que peu d’importance aux institutions administratives. À cet égard, le cycle des paradigmes ayant successivement structuré les interventions de la Banque mondiale et du FMI est significatif [13]. La doctrine a ainsi évolué des recommandations dominées par la croyance en un État développementaliste modernisateur porté par ses élites (1960-1975) à celles fondées sur un tournant néolibéral orthodoxe (1975-1992) et reposant sur un modèle de développement centré sur le secteur privé qui valorise le marché, l’idée d’un État minimal et la critique de fonctionnaires jugés inefficaces et responsables de la corruption. Instruments de cette doctrine et souvent focalisés sur la résolution de crises fiscales et financières, les plans d’ajustement structurel se sont accompagnés de préconisations réduisant systématiquement le rôle du secteur public (downsizing or rolling back the state) à travers des privatisations, des réductions d’effectifs, des créations d’agences et des politiques de décentralisation. À bien des égards, jusqu’au milieu des années 1990, la réduction du rôle de l’État a fait office de cadre théorique et prescriptif dans l’appréhension des systèmes administratifs.
8Le changement qui s’opère à partir du milieu des années 1990 apparaît d’autant plus net. En raison de critiques et d’échecs imputés au « consensus de Washington » et d’un certain renouvellement des économistes des organisations internationales, un tournant s’opère dans les recommandations des organismes de financement et de coopération mais également dans les recherches universitaires puis finalement dans les réformes effectivement menées. Dans le cadre d’un modèle de développement plus global affichant l’objectif de lutte contre la pauvreté, les experts de la Banque mondiale et d’autres organismes internationaux constatent l’échec des solutions fondées sur le marché et attribuent cet échec à la « défaillance des institutions publiques » et à une « crise de la gouvernance ». Ils redécouvrent alors la nécessité des activités de capacity building par la mise en place de règles (pour la fonction publique, la procédure budgétaire, la justice ou le contrôle) destinées à garantir l’autonomie des institutions publiques afin d’accroître la faisabilité des réformes et de produire une « bonne gouvernance » [14]. Sans renoncer aux plaidoyers en faveur de la concurrence et de la participation des acteurs locaux au pouvoir via la décentralisation, les organisations internationales défendent désormais la mise en place d‘administrations publiques professionnelles et « bureaucratiques » [15]. En anticipation ou en écho, un certain nombre de travaux scientifiques soulignent que les capacités administratives, inégales selon les pays, jouent un rôle crucial dans le développement et la conduite de politiques publiques favorisant le développement [16]. L’influence du changement de paradigme se fait sentir, dans les réformes, à la fin des années 1990. C’est par exemple à partir de 1997, avec la crise financière qui secoue les économies du Sud-Est asiatique, que la réforme du système administratif devient un enjeu des agendas publics, souvent rhétorique, parfois suivi de réformes effectives.
9L’intérêt des travaux récents pour le capacity building rejoint ainsi les recherches menées sur les réformes administratives dans le champ très prolifique de la Public Administration [17] ou dans celui des aires géoculturelles. À partir du milieu des années 1990, les réorganisations administratives sont inscrites sur les agendas publics dans presque tous les pays sous l’effet conjoint, et souvent concurrent, des stratégies des élites politiques, des visées de hauts fonctionnaires technocrates convertis aux idées de réforme et de l’influence des organisations internationales de financement et de développement. La première caractéristique frappante de ces politiques dans les processus de démocratisation des années 1990-2000 tient à la concurrence des paradigmes qui les alimentent et à leurs contradictions, dans leurs principes et dans leurs effets.
L’ambiguïté des reformatages administratifs : construire des bureaucraties wébériennes avec les recettes du New Public Management ?
10Trois « modèles » (au moins) d’organisation et leurs standards sont mobilisés : des solutions valorisant la redistribution territoriale des pouvoirs ; des préconisations « classiquement » bureaucratiques et des recettes issues du New Public Management. Ces trois répertoires de réformes n’ont pas les mêmes propriétés institutionnelles : ils ne présentent donc pas le même intérêt pour les réformateurs et ne répondent pas aux mêmes enjeux, anticipations et stratégies. Même si elle résulte de dynamiques de transferts et de diffusion, leur adoption tient moins à des choix idéologiques qu’à des formes d’instrumentalisation. Ajoutons que les réformes combinent, le plus souvent, des éléments des trois modèles en fonction des stratégies d’innovation et d’emprunt et du poids des administrations héritées.
11Chronologiquement, un premier répertoire de réformes administratives fréquemment adopté dans le cadre de changements de régime est constitué de mesures de décentralisation du système politico-adminis-tratif. Ces politiques réinstaurent des mécanismes de représentation démocratique dans les collectivités locales et, simultanément, transfèrent des compétences de l’administration nationale vers les échelons territoriaux. Comme l’illustrent de nombreux travaux sur l’Amérique du Sud [18], les pays d’Europe centrale et orientale [19], l’Afrique ou l’Asie du Sud [20], la ligne adoptée consiste à ne pas réformer l’administration centrale mais d’abord à rééquilibrer les pouvoirs entre le centre et la périphérie afin de renforcer la légitimité, l’autonomie et les compétences des pouvoirs locaux, souvent mis à mal dans les régimes autoritaires [21]. Ces mesures sont populaires pour plusieurs raisons. Elles portent d’abord en elles une double critique, de l’appropriation politique du pouvoir par les élites du régime antérieur et de l’administration d’État qui a souvent été l’instrument du régime autoritaire. Elles sont également perçues comme des mesures démocratiques allant dans le sens du renforcement de la participation des citoyens, d’une plus grande sensibilité aux demandes et d’un appui sur la société et ses multiples communautés locales. Pour autant, ces réformes ne sont pas sans ambiguïtés ni limites. Elles accentuent la fragmentation du pouvoir et des responsabilités, favorisent l’expression (déjà forte) des régionalismes et soulèvent d’importants problèmes de coordination et souvent d’efficacité, faute d’avoir résolu les problèmes de financement de la décentralisation. Ces effets pervers diagnostiqués conduisent à revaloriser le modèle wébérien d’administration.
12L’importation ou la réinvention de règles empruntées au modèle rationnellégal de bureaucratie constitue en effet un autre répertoire de réforme des systèmes administratifs dans les processus de démocratisation. Largement critiquée dans les années 1970-1980 dans les pays occidentaux comme étant un modèle dépassé et inefficace, « l’administration bureaucratique » a connu récemment un net regain d’intérêt dans le nouveau cadre doctrinal des organisations internationales prônant le renforcement des capacités institutionnelles (state capacities). La solidité des mécanismes clientélistes et patrimoniaux, le poids important des groupes d’intérêt dans les décisions politiques, la fragmentation du pouvoir et les défaillances de mise en œuvre des politiques publiques ont favorisé le retour en grâce des recettes proposant de construire une fonction publique autonome et professionnelle supposée garantir l’efficacité de l’État. Dans le cas des pays postcommunistes d’Europe centrale et orientale, la pression normative liée au processus d’adhésion à l’Union européenne (Agenda 2000 publié en 1997) valorise la mise en place de règles « classiquement » bureaucratiques. Avec le soutien convergent de la Banque mondiale et des experts OCDE du SIGMA [22], l’Union a imposé une logique de conditionnalité exigeant que les pays candidats adoptent des lois mettant en place des règles bureaucratiques dans leurs fonctions publiques afin de rendre possible la mise en œuvre des directives européennes et d’améliorer leurs performances [23]. Dans le contexte très différent des États africains, les préconisations des agences internationales reprennent également à leur compte des éléments du « modèle wébérien » sur la base des rapports de la Banque mondiale depuis la fin des années 1980 [24]. La construction de « capacités administratives » repose sur des programmes prônant la structuration de « hiérarchies » et la mise en place de règles rationnelles légales. Ce leitmotiv est justifié par le diagnostic fréquent de « délabrement matériel, financier et humain des appareils administratifs et plus généralement [d]’échec flagrant des pratiques administratives produites par des États affaiblis » [25]. Les solutions bureaucratiques sont cependant loin d’être pleinement légitimes sur le marché concurrentiel des recettes et des standards d’ingénierie administrative. Objet de nombreuses critiques dans les contextes occidentaux où sont dénoncées ses supposées pathologies (lourdeur, inefficacité, poids budgétaire, etc.), le modèle wébérien est aussi parfois assimilé, à tort, aux « bureaucraties » pléthoriques des régimes antérieurs, par exemple dans les pays asiatiques ou d’Europe de l’Est [26]. D’où son attractivité relative. Les usages du modèle wébérien sont d’autant plus contraints et limités qu’ils rencontrent la concurrence d’une doctrine florissante, le New Public Management, dont la légitimité et l’influence ont été acquises, dans les États occidentaux, durant les années 1980-1990. Développé par sédimentation et strates successives, véritable « puzzle doctrinal » [27], le NPM s’est précisément construit comme une critique des règles de l’administration bureaucratique. Il défend de nouvelles manières de penser l’organisation administrative à partir d’un ensemble hétérogène d’axiomes tirés de théories économiques, de prescriptions issues de savoirs de management, de descriptions de pratiques expérimentées dans des réformes (notamment dans les pays anglo-saxons) et de systématisations produites par des organismes comme l’OCDE. Ses préconisations, qui ont quelque peu varié en vingt ans, avancent cinq principes d’organisation, déclinés en différentes mesures : la séparation entre les fonctions de stratégie, de pilotage et de contrôle et les fonctions opérationnelles de mise en œuvre et d’exécution ; la fragmentation des bureaucraties verticales par création d’unités administratives autonomes (des agences), par décentralisation ou par empowerment de groupes d’usagers ; le recours systématique aux mécanismes de marché (concurrence entre acteurs publics et avec le secteur privé, individualisation des incitations, externalisation de l’offre) ; la transformation de la structure hiérarchique de l’administration en renforçant les responsabilités et l’autonomie des échelons en charge de la mise en œuvre de l’action de l’État ; la mise en place d’une gestion par les résultats fondés sur la réalisation d’objectifs et la mesure et l’évaluation des performances dans le cadre de programmes de contractualisation.
13Ces recettes sont au cœur des multiples politiques de réforme administrative conduites dans les États occidentaux [28]. Par importation et mimétisme, elles ont aussi alimenté les discours et les réformes des États en cours de démocratisation, comme le montrent dans ces Variations les contributions sur la Thaïlande, le Malawi et la Russie. Les emprunts à la rhétorique et aux recettes du NPM dans les programmes de développement datent de la seconde moitié des années 1990. Ils se développent sous la forme de slogans (responsabilisation des fonctionnaires, impératif d’efficacité, gestion par la performance, transparence, etc.) déclinés en instruments (mécanismes de contractualisation et de mesure des résultats, obligation de rendre des comptes, réforme des procédures budgétaires, standards de qualité pour les usagers, création d’agences, etc.). Les organisations internationales de financement et de coopération ne sont pas étrangères à la diffusion de ces standards. Connues pour constituer une doctrine particulièrement « transportable » et all-purpose [29], les recettes néomanagériales sont en effet intégrées aux projets inspirés du paradigme de la « bonne gouvernance » et largement compatibles avec les préconisations prônant le renforcement de capacités institutionnelles. Ces usages, au moins rhétoriques, sont d’autant plus nombreux que le New Public Management constitue l’idéologie globale idéale pour faire le lien entre les programmes néolibéraux initiaux de réduction de l’État et les discours récents proposant de reconstruire de véritables capacités étatiques. S’il s’agit bien de plaider pour une fonction publique qualifiée et neutre, il s’agit aussi de conserver l’objectif d’un État réduit et d’ajouter celui de l’efficacité administrative. Les gouvernants des nouveaux régimes seront d’autant plus enclins à puiser dans les recettes du New Public Management qu’ils pourront simultanément afficher les objectifs de réduction de l’administration héritée du régime antérieur, de renforcement de son centre, d’amélioration de son efficacité, de réduction de ses coûts et de conformité aux impératifs budgétaires des bailleurs de fonds. Au cœur des normes internationales préconisées par la Banque mondiale ou le FMI, le NPM constitue un « langage » commun aux réseaux internationaux qui mêlent consultants, technocrates nouvellement nommés dans les hautes administrations et élites politiques, parfois issues des milieux d’affaires [30].
14À l’image des deux autres répertoires, les usages du NPM sont lourds d’ambiguïtés. D’une manière générale, le New Public Management est souvent mal adapté aux contextes institutionnels qu’il est supposé réformer et génère d’importants effets pervers dans la phase de mise en œuvre. Comme le montrent les cas russe, thaïlandais ou malawien, les réformes qui s’en revendiquent ne sont parfois pas entièrement appliquées ou sont simplement abandonnées. Elles relèvent alors de changements formels sans effet réel sur les pratiques. Appliquées dans certains pays de l’Est et du Sud-Est asiatiques (Corée du Sud, Singapour, Taiwan, Thaïlande), les recettes du NPM qui défendent les vertus des mécanismes de marché pour réformer le secteur public cadrent mal avec des réalités sociopolitiques dans lesquelles la réussite économique des firmes capitalistes s’est appuyée sur les soutiens des puissantes administrations d’État à travers des formes de corporatisme et de patronage [31]. Dans d’autres circonstances (les pays africains), l’importation du NPM va à contre-courant des exigences affichées de renforcement des capacités institutionnelles en affaiblissant l’administration de trois manières [32] : par diffusion d’une idéologie libérale hostile à l’État ; par développement d’enclaves bureaucratiques en symbiose avec les consultants internationaux mais qui laissent intact le reste du système administratif ; par renforcement d’une autonomie gestionnaire qui favorise, dans les faits, les pratiques politico-adminis-tratives informelles alimentant la corruption. Les effets pervers sont importants et les organisations internationales elles-mêmes ont parfois réalisé qu’il était dangereux de promouvoir les instruments du NPM avant le développement de formes administratives wébériennes. En Russie, par exemple, les objectifs hétérogènes prônant la rationalisation de la fonction publique, la création de nouveaux échelons administratifs régionaux et l’obligation de résultats à tous les niveaux renforcent la « bureaucratisation » en conférant plus de pouvoirs de contrôle discrétionnaires à l’encadrement supérieur. Dans tous les contextes, en revanche, les recettes néomanagériales se prêtent bien à l’instrumentalisation politique. À l’instar des stratégies de Thaksin en Thaïlande ou de Poutine en Russie, l’idéologie du NPM sert les intérêts des exécutifs qui, simultanément, veulent renforcer leur contrôle sur l’administration, revendiquer des « résultats » pour l’action publique ou améliorer la satisfaction des usagers/électeurs. Les campagnes de lutte anti-corruption, l’usage croissant des nominations politiques dans l’administration, les discours sur la performance, la transparence et la participation des usagers ou les grands plans de restructuration ministérielle font partie des instruments mobilisés pour asseoir un leadership.
15Quelles soient décentralisatrices, wébériennes ou néomanagériales ou qu’elles combinent des éléments de ces trois répertoires, les recettes mobilisées dans les réformes doivent donc être analysées à partir de leurs usages et de leurs significations dans les contextes nationaux. Elles suscitent « naturellement » des luttes d’intérêt et des conflits de pouvoir parce qu’elles répartissent potentiellement des coûts et des bénéfices entre acteurs internes à l’État (leaders politiques, ministres, ministères, administrations centrales, services territoriaux, organismes publics, groupements multiples de fonctionnaires, etc.) en redistribuant effectivement les ressources, les pouvoirs, les compétences et les responsabilités dans le cadre de mesures de réorganisation. De même, elles recomposent les règles du jeu entre acteurs étatiques et acteurs « extérieurs » à l’État (collectivités locales dans le cadre des politiques de décentralisation, entreprises privées bénéficiaires de mesures de privatisation, bailleurs de fonds dans le cadre des négociations de prêts et de financement, etc.). Cependant, si elles sont bien des contraintes, elles constituent aussi des ressources pour tous les acteurs qui s’en saisissent comme des opportunités pour orienter la redistribution du pouvoir en leur faveur ou limiter leurs pertes. On comprend qu’il en résulte – comme dans les pays occidentaux d’ailleurs mais de manière plus visible – la formation de systèmes administratifs hybrides, combinant choix innovants, emprunts institutionnels et modes de fonctionnement hérités qui, sans être complètement détruits, se redéploient. Réinscrites dans la cartographie des relations de pouvoir des régimes, les réformes administratives sont ainsi particulièrement « disputées » et instrumentalisées en fonction des usages dont elles font l’objet et des enjeux qui les traversent.
Comprendre les usages de la réforme de l’administration : la force des enjeux politiques
16Quatre enjeux politiques peuvent être mis en exergue dans les rapports entre les gouvernants au pouvoir et leur système administratif dans les transitions démocratiques. Ils se révèlent bien souvent antinomiques ou, du moins, contradictoires.
17Le premier est lié à l’activité qui consiste, pour reprendre à notre manière les termes de Tulia Falleti dans sa contribution, à « s’emparer du pouvoir » et/ou « à créer du pouvoir » au moment du changement de régime ou de l’élection d’un nouveau leader. L’action sur le système administratif peut refléter deux exigences distinctes : le souci de s’assurer de la loyauté de la machine administrative (notamment de ses rangs supérieurs) au nouveau projet politique, mais aussi, dans un autre esprit, la volonté de distribuer des droits et des responsabilités aux institutions territoriales en transférant, entre autres, des compétences administratives. Dans le premier cas, « s’emparer du pouvoir » suppose d’épurer les administrations ayant servi les anciens maîtres. Cet enjeu est particulièrement cardinal dans un certain nombre de régimes postcommunistes en Europe centrale et orientale [33], avec des exceptions notables comme la Russie où le choix est fait de ne pas renouveler le personnel administratif. En République tchèque ou en Allemagne de l’Est, le poids de l’intervention des partis communistes dans la sélection et la gestion des personnels dans des régimes structurés par les logiques de « Parti-État » ont conduit à des purges. On distingue ainsi la « désoviétisation », centrée sur la remise en cause du modèle d’organisation administrative soviétique pour mettre en place des structures compatibles avec les nouvelles formes juridiques, de la « décommunisation » axée sur l’épuration des personnels considérés comme politiquement compromis [34]. Dans une perspective comparable, le renforcement des nominations politiques dans l’administration, parfois pratiquées sous couvert des objectifs néomanagériaux comme en Thaïlande ou en Russie ou par survivance des pratiques antérieures de politisation comme en Hongrie, fait partie des usages politiques de la réforme de l’appareil d’État. Dans le second cas, « créer du pouvoir » revient à décentraliser en renforçant la représentation des échelons infranationaux mais aussi en transférant des compétences de l’administration d’État vers les collectivités locales [35]. La décentralisation est également au cœur de jeux politiques parce qu’elle est un moyen de créer des coalitions de soutien au nouveau régime en changeant les bases de désignation des élites locales mais aussi, comme le montre Tulia Falleti [36] pour l’Amérique du Sud, parce que l’ordonnancement temporel des types de décentralisation (politique, administrative, fiscale) et les modalités, inégales, de leur financement reflètent les stratégies politiques à l’œuvre.
18La recherche d’une efficacité de l’organisation administrative pour distribuer des bénéfices collectifs à travers les politiques publiques et afin de résoudre les problèmes rencontrés par les multiples groupes sociaux constitue un deuxième objectif des réformes administratives. Cet enjeu est défendu par les élites politiques pour entretenir leur crédibilité et s’assurer des gains électoraux ultérieurs en fournissant, via une administration fiable, des biens publics (éducation, santé, etc.), mais il reflète les demandes de nombreux autres groupes. Les milieux économiques sont en attente de politiques publiques permettant l’essor d’infrastructures (transports, communication, etc.) pour favoriser le marché mais aussi de programmes prenant en charge les externalités négatives du développement capitaliste et le régulant. Des coalitions sociales se constituent en faveur de politiques d’État providence qui supposent une administration capable d’offrir un traitement égal dans l’accès aux droits. Les bailleurs de fonds internationaux défendent la création d’isolats bureaucratiques efficaces en charge des politiques économique, fiscale et financière et de la gestion des aides au développement. Tardivement formalisé tant que prévalaient les visions purement libérales et le downsizing, l’objectif d’efficacité administrative se traduit donc par des préoccupations organisationnelles qui empruntent, selon les contextes, au modèle wébérien ou aux idées néomanagériales. Lorsque les jeux politiques l’emportent sur des administrations patrimonialisées (comme dans de nombreux États africains) ou que l’héritage communiste a institutionnalisé de forts mécanismes de politisation partisane (comme dans les PECO), la recherche de l’efficacité repose sur l’importation de règles bureaucratiques visant à couper les administrations de leurs clientèles et de l’influence des hommes politiques. Au contraire, lorsqu’un système administratif solide et légitime est en place (comme dans les États asiatiques) – et quand bien même il est également pris dans des jeux clientélistes –, c’est l’usage des recettes néomanagériales qui prévaut pour accroître l’efficacité administrative mais aussi renforcer le poids des leaders politiques élus. Dans tous ces cas, l’enjeu de bon fonctionnement du système administratif pour remplir les fonctions de l’État apparaît comme un objectif conforme à « l’intérêt général ». Comme tel, il se heurte cependant aux stratégies politiques privilégiant, à travers les réformes administratives, la distribution de biens divisibles sous la forme de pratiques clientélistes.
19Le troisième enjeu au cœur des réformes est en effet, pour les gouvernants au pouvoir, le maintien de l’accès aux positions offertes par l’administration et le contrôle des ressources que celle-ci procure. Particulièrement visible en Amérique du Sud, la prégnance du patronage pratiqué par les pouvoirs exécutifs, législatifs et les partis politiques est au cœur des problèmes d’action collective qui bloquent les législations mettant en place des fonctions publiques d’inspiration rationnelle légale. Seules quelques rares configurations politiques favorables permettent des avancées : il s’agit de périodes dans lesquelles les parties prenantes contrôlent des parts égales de clientèles et peuvent donc accepter les pertes occasionnées par la mise en place de règles wébériennes renforçant l’autonomie [37]. Dans le contexte asiatique, les réformes administratives constituent souvent un moyen de défendre les intérêts politiques et la continuation des relations privilégiées qu’entretiennent, d’une part, les sphères politiques et administratives, d’autre part, les gouvernants et les milieux économiques. Loin de réduire le rôle et l’influence de l’État, les privatisations d’entreprises publiques constituent par exemple un moyen de maintenir, sous une autre forme, les rentes d’intérêts entre acteurs économiques, politiques et administratifs [38].
20Le dernier enjeu des réformes du système administratif est un enjeu de légitimation. S’y trouvent confrontés les élites politiques et les hauts fonctionnaires qui adoptent (et ainsi souvent importent) les standards et les réformes prônés par les experts sur la scène internationalisée des négociations financières et des savoirs de développement. Comme le résume bien Dominique Darbon pour les pays africains, « jouer le registre de la réforme apparaît comme une option favorable à une consolidation du pouvoir » permet, en conférant le statut de « bon élève », d’attirer les ressources et de renforcer sa légitimité dans les réseaux internationaux [39]. Plus généralement, les mécanismes d’isomorphisme [40] conduisant à adopter les recettes préconisées par les organismes internationaux sont particulièrement opérants, qu’ils reposent sur des pressions coercitives (dans le cadre de crises financières aigues imposant de strictes conditionnalités), mimétiques (par adoption de pratiques « testées » dans d’autres pays) ou normatives (par socialisation aux idées dominantes en vertu des réseaux de sociabilité mêlant les experts des banques aux élites nationales). Comme l’illustrent les contributions sur la Thaïlande, la Russie et plus fortement encore le Malawi, les agendas prescriptifs des bailleurs de fonds interfèrent avec les agendas gouvernementaux des États à travers les mécanismes de conditionnalité c’est-à-dire dans le cadre d’aides et de prêts indexés à des demandes de réformes structurelles, notamment des systèmes administratifs. Si elle est fréquemment dénoncée, à juste titre, au nom de son caractère anti-étatiste et apolitique [41], l’influence de l’ingénierie institutionnelle des organismes internationaux ne doit cependant pas être trop simplifiée. Les travaux empiriques informés [42] montrent en effet que les interactions entre élites nationales et consultants ne peuvent être décrites sur le mode univoque de la contrainte. D’abord, parce que les organismes internationaux n’imposent pas les mêmes conditionnalités et les mêmes pressions : le FMI, par exemple, est plus « dur » et plus financier que la Banque mondiale, qui, elle-même, est plus stricte que la Banque interaméricaine de développement. Ensuite, parce que l’adoption des prêts et des plans de réforme conditionnés est l’enjeu de négociations entre les organismes et les élites politico-administratives, lesquelles « jouent » des rivalités existant entre les organisations internationales en faisant valoir les différences qui opposent les rationalités respectives de ces dernières [43]. Les élites en question se servent également de ces organisations comme de boucs émissaires dans les cas de mesures impopulaires. Enfin, la signature des plans et l’obtention des aides laissent toujours incertaine la mise en œuvre effective des mesures recommandées. Malgré ces nuances, il reste que l’influence des organisations internationales conduit parfois les dirigeants à privilégier la légitimité externe du régime auprès des bailleurs de fonds au détriment de sa légitimité interne [44]. Ces choix fragilisent alors les institutions politiques et administratives.
Le poids des héritages administratifs (legacies) sur les réformes
21La prégnance de ces enjeux montre à quel point les réflexions sur l’organisation administrative sont au cœur des dynamiques de construction et d’entretien de l’ordre politique. À ces logiques s’ajoute l’importance des héritages administratifs qui confirment qu’en matière de réforme de l’État la tabula rasa n’existe pas. Les réformes interviennent en effet dans et sur des systèmes administratifs qui continuent à peser, par leurs structurations, leurs coalitions de soutien ou les comportements stratégiques qu’ils génèrent, sur les options gouvernementales à l’égard de l’appareil d’État. Quels que soient leurs contenus, les réformes administratives sont des actions situées au cœur d’une réalité complexe faite de nombreux ministères, d’échelons hiérarchiques, d’agents publics aux modalités de groupement et d’appartenance hétérogènes, de rationalités divergentes et de multiples interdépendances. Ces divisions sociales informent les enjeux, les formulations et la mise en œuvre des réformes et elles pèsent d’autant plus qu’elles émanent d’administrations héritées qui ont souvent joué un rôle important dans les régimes autoritaires antérieurs qu’ils soient communistes, militaires, coloniaux. La forte contrainte exercée par les systèmes administratifs existants doit être d’autant plus considérée que les logiques administratives, politiques et sociales étaient souvent interpénétrées dans les régimes autoritaires et qu’elles le demeurent dans les situations démocratiques ou hybrides.
22Bien sûr, les réflexions sur la dépendance au passé, sur le poids des institutions caractéristiques des régimes autoritaires et sur l’influence du chemin emprunté (path dependency) ne sont pas inédites dans le champ des études sur les transitions même si elles n’y sont pas majoritaires [45]. Dans les contributions de ce dossier, la perspective est cependant plus resserrée : il s’agit de s’interroger sur la solidité et l’influence des institutions administratives héritées des régimes autoritaires dans les réformes de l’appareil d’État en contexte démocratique. Sans chercher à s’inscrire systématiquement dans les perspectives générales du néo-institutionnalisme historique [46] ou dans l’application qui en est faite pour les réformes administratives dans les pays occidentaux [47], les cinq contributions réunies ici offrent de nombreuses illustrations des modalités d’influence des héritages administratifs. Les modes de fonctionnement et d’organisation des administrations des régimes antérieurs non démocratiques ont souvent sédimenté une distribution du pouvoir, favorisé des divisions sociales, légitimé et diffusé des représentations collectives, structuré des intérêts, des soutiens, des incitations et des ressources, développé des formes de loyauté reposant sur le clientélisme et informé les pratiques de groupes sociaux en développant des façons de répondre à la société et aux opposants. Pour ces raisons, on peut s’attendre à ce que ces institutions se révèlent suffisamment robustes et/ou résistantes au changement pour exercer une contrainte sur les réformes dans le nouveau contexte démocratique. En mobilisant les théories de la path dependency, Tulia Falleti en offre une illustration. Pour elle, les différences dans l’organisation du pouvoir, l’occupation de l’appareil d’État et les relations intergouvernementales dans les régimes militaires en Argentine (1976-1983) et au Brésil (1964-1985) ont influencé le séquençage et la trajectoire des politiques de décentralisation initiées par les militaires puis poursuivies par les gouvernants élus dans la période démocratique. Dans une autre perspective, Gerhard Anders montre comment la réforme de la fonction publique au Malawi reste largement dépendante des arrangements patrimoniaux existants et ne fait qu’accentuer la séparation rigide, héritée de la colonisation britannique, entre les « patrons », fonctionnaires de haut rang représentant 5 % de la fonction publique du Malawi et les autres agents publics (les « juniors »), objets et enjeux des pratiques clientélistes. La force des réseaux, des liens informels et des topographies politiques et sociales qui tissent les institutions administratives en Afrique et en Amérique du Sud influencent les réformes en en refaçonnant les objectifs dans leurs phases de mise en œuvre [48]. La résistance de nombreux fonctionnaires thaïlandais ou russes aux recettes du New Public Management confirme la dimension « culturelle » des systèmes administratifs comme du changement qui les implique.
23Bien évidemment, l’identification des causalités précises qui lient l’héritage du passé et les réformes du système administratif reste un objet d’enquête et ne doit pas être mécaniquement réifiée. Jan-Hinrik Meyer-Sahling le rappelle fort justement dans sa contribution en soulignant la variété des héritages susceptibles d’influence ou d’appropriation dans les contextes postcommunistes. S’il montre le poids de la « partocratie » héritée du régime communiste dans le maintien de formes intensives de politisation dans la Hongrie démocratique, il insiste également sur les usages cognitifs du passé : l’influence et la ressource que constitue le modèle administratif qui dominait durant la période précommuniste et qui retrouve sa légitimité dans l’ère postcommuniste ; la menace que les institutions du passé peuvent inspirer pour ceux qui ont des desseins démocratiques. Les arrangements administratifs hérités peuvent aussi façonner négativement les options gouvernementales en marginalisant des solutions jugées inadaptables au contexte institutionnel. Gilles Favarel-Garrigues et Iaroslav Startsev soulignent ainsi que certaines mesures, appartenant au « kit » des préceptes néomanagériaux, ne sont tout simplement pas envisagées en Russie parce qu’elles sont incompatibles avec les structures et les modes de fonctionnement hérités et pérennes. Les mécanismes d’influence sont donc multiples mais tous révèlent que les dirigeants politiques ne choisissent pas en toute liberté les formes de leur système administratif : ils composent avec celles que l’histoire leur a léguées et infléchissent leurs modes d’organisation sous la double influence des contraintes issues des héritages et de leurs propres intérêts.
24Les contributions réunies dans ces Variations ne prétendent pas couvrir la grande diversité des contextes, par pays, par enjeu et par type d’héritage, qui caractérise les réformes des systèmes administratifs dans les transformations démocratiques. Pourtant, par leur perspective et la richesse des terrains étudiés, elles permettent d’éclairer la réalité de ces processus. Toutes montrent à quel point les réformes de l’appareil d’État, pour renforcer les capacités administratives et poursuivre des fins collectives, ne relèvent d’aucune évidence technique ou idéologique. Elles sont insérées dans des jeux politiques, institutionnels et sociaux qui en rendent les résultats particulièrement imprévisibles et souvent peu conformes aux objectifs. Pour autant, les enjeux de ces réformes restent cruciaux. Les défaillances administratives ne permettent pas de répondre aux demandes et aux problèmes sociaux. Et l’incapacité de long terme à produire des biens réellement collectifs sape les fondements d’une légitimité politique déjà entamée par le maintien de pratiques clientélistes et par la dépendance à l’égard des organisations internationales. C’est donc peu dire que la réforme de l’administration a un bel avenir devant elle [49].
Notes
-
[1]
Max Weber, « Chapter XI: Bureaucracy », Economy and Society , Berkeley, University of California Press, 1978, vol. 2 (édité par Guenther Roth et Claus Wittich).
-
[2]
Voir notamment Martin Shefter, Political Parties and the State : The American Historical Experience, Princeton, Princeton University Press, 1994 ; Bernard S. Silberman, Cages of Reason : The Rise of the Rational State in France, Japan, The United States and Great-Britain, Chicago, Chicago University Press, 1993.
-
[3]
Selon la terminologie discutée de la sociologie comparative, cf. Michel Dobry, « Les voies incertaines de la transitologie : choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path-dependence », Revue française de science politique, 50 (4-5), 2000, p. 585-614 ; voir également Thomas Carothers, « The End of the Transition Paradigm », Journal of Democracy, 13 (1), janvier 2002, p. 1-20, et le débat sur le paradigme transitionnel dans le numéro 3, juillet 2002 de cette même revue.
-
[4]
Larry Diamond, « Thinking about Hybrid Regimes », Journal of Democracy, 13 (2), avril 2002, p. 21-35.
-
[5]
Juan J. Linz, Alfred Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1996, p. 11 et 17-19. Pour le même argument, cf. Ezra Suleiman, Le démantèlement de l’État démocratique, Paris, Le Seuil, 2003, p. 49-58.
-
[6]
Nous adaptons ici l’argument de Martin Shefter, Political Parties and the State : The American Historical Experience, op. cit..
-
[7]
J. J. Linz, A. Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, op. cit.., p. 26.
-
[8]
Ben Ross Schneider, Blanca Heredia (eds), Reinventing Leviathan : The Politics of Administrative Reform in Developping Countries, North-South Center Press, Miami, University of Miami, 2002 ; Françoise Dreyfus (dir.), L’administration dans les processus de transition démocratique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004 ; Randall Baker (ed.), Transitions from Authoritarianism : The Role of the Bureaucracy, Westport, Conn., Praeger, 2002.
-
[9]
Barbara Geddes, Politician’s Dilemma : Building State Capacity in Latin America, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 14.
-
[10]
J. J. Linz, A. Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, op. cit., p. 56 et 63.
-
[11]
Michal Illner, « Territorial Decentralisation : A Stumbling Block of Democratic Reforms in East Central Europe », Polish Sociological Review, 1,1997, p. 23-45.
-
[12]
Anthony B. L. Cheung, Ian Scott (eds), Governance and Public Sector Reform in Asia : Paradigm Shifts or Business as Usual ?, Londres, Routledge, 2003.
-
[13]
Diane Stone, Christopher Wright (eds), The World Bank and Governance, Londres, Routledge, 2007 ; Rita Abrahamsen, Disciplining Democracy : Development Discourse and Good Governance in Africa, Londres, Zed Books, 2000 ; I. Scott, « International Agencies and Public Sector Reform in Post-Crisis Asia », dans A. B. L. Cheung, I. Scott, Governance and Public Sector Reform in Asia : Paradigm Shifts or Business as Usual ?, op. cit. ; Peter Spink, « Possibilities and Political Imperatives : Seventy Years of Administrative Reform in Latin America », dans Luiz Carlos Bresser Pereira, Peter Spink (eds), Reforming the State : Managerial Public Administration in Latin America, Boulder, Lynne Rienner, 1999.
-
[14]
Voir les rapports scandant ces évolutions à la Banque mondiale : World Bank, Governance and Development, 1992 ; World Development Report, The State in a Changing World, 1997 et « Reforming Public Institutions and Strengthening Governance », A World Bank Strategy, novembre 2000.
-
[15]
Pour une analyse critique de ce changement de paradigme, voir Béatrice Hibou, « Économie politique du discours de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne. Du catéchisme économique au fait (et méfait) missionnaire », Les Études du CERI, 39, mars 1998.
-
[16]
Merilee S. Grindle, Getting Good Government : Capacity Building in the Public Sectors of Developing Countries, Harvard Studies in International Development, Harvard University Press, 1997 ; Peter Evans, Embedded Autonomy : States and Industrial Transformation, Princeton, Princeton University Press, 1995.
-
[17]
Par exemple, A. B. L. Cheung, I. Scott, Governance and Public Sector Reform in Asia : Paradigm Shifts or Business as Usual ?, op. cit. ; A. B. L. Cheung, « The Politics of Administrative Reforms in Asia : Paradigms and Legacies, Paths and Diversities », Governance, 18 (2), avril 2005, p. 257-282 ; Klaus G. Goetz, « Making Sense of Post-Communist Central Administration : Modernization, Europeanization or Latinization ? », Journal of European Public Policy, 8 (6), décembre 2001, p. 1032-1051 ; Tony Verheijen (ed.), Civil Service Systems in Central and Eastern Europe, Cheltenham, Edward Elgar, 1999 ; Ali Farazmand (ed.), Handbook of Comparative and Development Public Administration, New York, Dekker, 1991.
-
[18]
Tulia G. Falleti, « A Sequential Theory of Decentralization : Latin American Cases in Comparative Perspective », American Political Science Review, 99 (3), août 2005, p. 327-346 ; Kent Eaton, Politics Beyond Capital : The Design of Subnational Institutions in South America, Stanford, Stanford University Press, 2004.
-
[19]
M. Illner, « Territorial Decentralisation : A Stumbling Block of Democratic Reforms in East Central Europe », art. cité ; Hellmut Wollmann, « Institution Building and Decentralization in Formerly Socialist Countries : The Cases of Poland, Hungary, and East Germany », Government and Policy, 15 (4), 1997, p. 463-480.
-
[20]
Richard C. Crook, James Manor, Democracy and Decentralisation in South Asia and West Africa : Participation, Accountability and Performance, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
-
[21]
Voir E. Suleiman, Le démantèlement de l’État démocratique, op. cit., p. 351 et suivantes.
-
[22]
Support for Improvement in Governance and Management in Central and Eastern European countries.
-
[23]
K. G. Goetz, « Making Sense of Post-Communist Central Administration : Modernization, Europeanization or Latinization ? », art. cité, p. 1034-1035 ; Antoaneta L. Dimitrova, « Enlargement, Institution-Building and the EU’s Administrative Capacity Requirement », West European Politics, 25 (4), octobre 2002, p. 171-190.
-
[24]
Le rapport charnière de la Banque mondiale critiquant les orientations économicistes des plans d’ajustement structurel en Afrique et en imputant l’échec aux défaillances des institutions publiques est celui de 1989 intitulé Sub-Saharan Africa : From Crisis to Sustainable Growth. D’importantes polémiques ont accompagné les rapports de la première moitié des années 1990 au sein de la Banque.
-
[25]
Dominique Darbon, « Réformer ou reformer les administrations projetées des Afriques ? Entre routine antipolitique et ingénierie politique contextuelle », Revue française d’administration publique, 105-106,2003, p. 135-152.
-
[26]
Pour une clarification des différences entre les conceptions soviétique et wébérienne de la bureaucratie, voir par exemple Jan Pakulski, « Bureaucracy and the Soviet System », Studies in Comparative Communism, printemps 1986, p. 3-24. Sur la confrontation des deux modèles professionnels en Allemagne, voir Valérie Lozac’h, « Jeux de miroirs dans l’administration est-allemande. Les usages croisés du stéréotype bureaucratique après l’unification », Sociétés contemporaines, 57,2005, p. 83-104.
-
[27]
Christopher Hood, « A Public Management for all Seasons ? », Public Administration, 69, printemps 1991, p. 3-19 ; François-Xavier Merrien, « La nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques, 41, printemps 1999, p. 95–103.
-
[28]
Pour une synthèse, voir Christopher Pollitt, Geert Boukaert, Public Management Reform : A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press, 2004 (2e édition).
-
[29]
C. Hood, « A Public Management for all Seasons ? », art. cité.
-
[30]
Pour une analyse du marché d’import-export des savoirs d’État (droit, économie) en Indonésie, aux Philippines, en Inde et en Corée du Sud, cf. Yves Dezalay, Bryant G. Garth, « Les usages sociaux d’une science « globale » : la diffusion de nouveaux paradigmes économiques comme stratégie hégémonique et enjeu domestique dans les champs nationaux de reproduction des élites d’État », Sociologie du travail, 48 (3), 2006, p. 308-329.
-
[31]
A. B. L. Cheung, I. Scott, Governance and Public Sector Reform in Asia : Paradigm Shifts or Business as Usual ?, op. cit., p. 12-14.
-
[32]
B. Hibou, « Économie politique du discours de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne. Du catéchisme économique au fait (et méfait) missionnaire », cité.
-
[33]
Magali Gravier, « Dénazification et décommunisation dans la fonction publique allemande : deux politiques d’épuration ? » et Magdaléna Hadjiisky, « “Démocratiser” un système administratif. Les paradoxes de la réforme des administrations publiques centrales dans la République tchèque », dans F. Dreyfus (dir.), L’administration dans les processus de transition démocratique, op. cit..
-
[34]
Cette distinction est proposée par M. Hadjiisky, ibid., p. 95.
-
[35]
Pour les « PECO », voir M. Illner, « Territorial Decentralisation : A Stumbling Block of Democratic Reforms in East Central Europe », art. cité ; H. Wollmann, « Institution Building and Decentralization in Formerly Socialist Countries : The Cases of Poland, Hungary, and East Germany », art. cité ; sur l’influence décisive des processus d’européanisation dans les étapes de la décentralisation, voir le chapitre « Décentralisation de l'action publique et fonds structurels », dans François Bafoil, Europe centrale et orientale. Mondialisation, européanisation et changement social, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 281-318. Voir aussi Catherine Perron, « L’impact de la politique régionale européenne sur la gestion territoriale de l’État tchèque », Revue internationale de politique comparée, 13 (2), 2006, p. 321-341.
-
[36]
T. G. Falleti, « A Sequential Theory of Decentralization : Latin American Cases in Comparative Perspective », art. cité.
-
[37]
B. Geddes, Politician’s Dilemma : Building State Capacity in Latin America, op. cit..
-
[38]
A. B. L. Cheung, « The Politics of Administrative Reforms in Asia : Paradigms and Legacies, Paths and Diversities », art. cité, p. 270.
-
[39]
D. Darbon, « Réformer ou reformer les administrations projetées des Afriques ? Entre routine antipolitique et ingénierie politique contextuelle », art. cité, p. 135.
-
[40]
Paul J. DiMaggio, Walter W. Powell, « The Iron Cage Revisited : Institutionalized Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields », American Sociological Review, 48,1983, p. 147-160. En ligne
-
[41]
D. Darbon, « Réformer ou reformer les administrations projetées des Afriques ? Entre routine antipolitique et ingénierie politique contextuelle », art. cité ; B. Hibou, « Économie politique du discours de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne. Du catéchisme économique au fait (et méfait) missionnaire », art. cité ; James Fergusson, The Anti-Politics Machine : Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
-
[42]
I. Scott, « International Agencies and Public Sector Reform in Post-Crisis Asia », cité ; Martin Lardone, « Coercition et politique. Les processus de transfert des réformes de l’État entre deux banques internationales de développement et l’Argentine », mémoire de DEA, Sciences Po, 2004.
-
[43]
La déclaration de Paris, adoptée le 2 mars 2005, par les représentants de 27 organismes d’aide et par les responsables de quelque 90 pays développés et en développement, vise précisément à harmoniser les interventions des organisations internationales pour accroître l’efficacité des politiques. Je remercie Martin Lardone pour cette information.
-
[44]
B. Guy Peters, « The Civil Service in the Consolidation of Democracy », International Social Sciences Journal, 143, 1995, p. 127-140.
-
[45]
Voir J. J. Linz, A. Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, op. cit. ; David Stark, Laszlo Bruszt, Post-Socialist Pathways : Transforming Politics and Property in East Central Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; Grzegorz Ekiert, Stephen E. Hanson (eds), Capitalism and Democracy in Central and Eastern Europe : Assessing the Legacy of Communist Rule, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.
-
[46]
Paul Pierson, Politics in Time : History, Institutions and Social Analysis, Princeton, Princeton University Press, 2004.En ligne
-
[47]
Pour un aperçu, voir Philippe Bezes, Martin Lodge, « Historical Legacies and Dynamics of Institutional Change in Civil Service Systems », dans Jos Raadschelders et al., The Civil Service in the 21st Century. Comparative Perspectives, New York, Palgrave Macmillan, 2007, à paraître.
-
[48]
Pour l’Afrique, voir Catherine Boone, Political Topographies of the African State : Territorial Authority and Institutional Choice, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.
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[49]
Je remercie chaleureusement Gilles Favarel-Garrigues, Vincent Foucher, Martin Lardone et Patrick Le Lidec pour leurs commentaires sur une première version de ce texte. Un remerciement particulier à Catherine Perron pour sa lecture et pour son efficacité bienveillante dans l’accompagnement du projet.