L’auteur de ces lignes réfléchit depuis quelques années maintenant à ce qu’il appelle l’intelligence de la bande dessinée. Certes, le lecteur amateur de bande dessinée sait bien qu’elle existe, mais il peut difficilement la définir. J’ai écrit un livre sur la dimension subversive de son intelligence, je voudrais explorer ici la forme synthétique de cette intelligence. Car ce qui caractérise la bande dessinée comme forme d’expression narrative c’est justement sa concision, sa capacité à dire beaucoup dans un format très ramassé. Je vais ainsi revenir à nouveaux frais sur deux planches d’Astérix en Corse. Pour en déplier pleinement le sens je vais faire appel à deux théories puissantes de sciences sociales à travers des analyses somme toute assez longues. Cette bande dessinée ne dit pourtant rien d’autre, mais en deux planches seulement ; et le dit avec humour. Voilà donc une forme d’intelligence qui n’est ni longue, ni triste, ni lourde, bref, qui ne renvoie guère aux canons de l’intelligence, littéraire ou scientifique, dominants dans notre société. Subversion là aussi.
Appréhender la forme d’intelligence de ce mode singulier d’expression exige un détour. Un détour par deux postures théoriques déjà connues et pratiquées – mais pas forcément rapprochées en l’état actuel des choses : celle de l’école de Palo Alto et celle de la sémiotique narrative et discursive. C’est peut-être la première fois qu’on les met au travail en parallèle sur le même objet. Les concepts de Palo Alto permettent de décrypter ce qui se joue entre différents protagonistes en termes de communication interpersonnelle…