CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Internet représente une révolution majeure du fait de sa nature et de son ampleur : outil de communication et d'édition ouvert à tous les usagers, il a des répercussions dans tous les domaines de la société. La littérature n'échappe pas à ce bouleversement ; bien au contraire, la coexistence papier/Internet marque un tournant dont les effets apparaissent sous nos yeux au niveau de la textualité, des genres, de la réception et de la légitimité. Pour saisir les aspects principaux des changements intervenus sur les normes de communication littéraire, notre réflexion intégrera des notions issues à la fois des Sciences de l'information et de la communication et de l'Analyse du discours. Notre travail présentera des cas concrets par l'étude d'une activité marquée par la cohabitation papier/Internet : des blogs d'écrivain, c'est‑à-dire des blogs tenus à jour par des auteurs reconnus. Nous nous demanderons en quoi cette activité témoigne d'un phénomène d'hybridation du fait littéraire. Plus concrètement, nous poserons la question de savoir quelles sont les caractéristiques du statut de l'écrivain sur Internet et quelle forme de légitimité celui‑ci peut y revendiquer. Une fois ces aspects traités, nous élargirons notre réflexion en essayant de comprendre en quoi la multiplication d'auteurs entraînée par l'apparition d'Internet peut avoir des répercussions sur la forme de légitimité caractéristique de la littérature.

Importance du support et de l'auteur

2 Avant de commencer l'analyse des blogs, il convient de donner quelques précisions sur l'approche de la littérature qui sera la nôtre et de poser les jalons théoriques de cette étude. Dans notre conception du fait littéraire, la question de la légitimité est un élément central ; c'est un présupposé que partagent les domaines de l'Analyse du discours et des Sciences de l'information et de la communication. Nous considérons ici la littérature comme un discours produit par la société, plus précisément comme un ensemble de discours en évolution permanente et non comme une pratique auto-suffisante, immuable et coupée des réalités extérieures. Au-delà de l'apparition d'Internet et du développement de pratiques littéraires numériques, la littérature connaît une transformation constante, comme il en va de la communication en général.

3 Dans un idéal scientifique, l'étude de la communication littéraire pourrait donc s'approcher du domaine de la linguistique et plus précisément de l'étude de la langue en contexte. Cependant, la littérature est une interaction autrement plus complexe à appréhender que par exemple des requêtes de clients dans un commerce, notamment parce que le contexte d'un texte littéraire ne se détermine pas si facilement. De très nombreux facteurs sont à prendre en compte ; parmi ceux‑ci, la question du support est, comme nous allons le voir, un aspect fondamental. Dans cette contribution, nous mettrons en parallèle le régime littéraire issu de l'édition traditionnelle et un nouveau régime de production littéraire issu d'Internet, dans le but de cerner une évolution globale du fait littéraire. Les blogs d'écrivain montrent de manière évidente que ces deux régimes de production littéraire ne sont pas coupés l'un de l'autre mais sont au contraire étroitement liés.

4 L'analyse des transformations médiatiques nécessite de s'intéresser au fonctionnement d'Internet mais aussi de questionner l'inscription de la littérature dans la société [1]. Ce genre de questionnement se trouve au cœur des travaux d'Yves Jeanneret sur la « trivialité », qui étudient le « caractère transformateur et créatif de la transmission et de la réécriture des êtres culturels à travers différents espaces sociaux » [2] et Internet en particulier. L'idée de trivialité veut mettre l'accent sur le fait que les discours, ou les objets culturels, selon l'appellation qu'on leur donne, – ne sont pas figés mais en mutation permanente. Dans ce travail, nous chercherons à mettre en évidence des évolutions majeures survenues dans l'activité littéraire, qui n'est plus uniquement réductible à la littérature imprimée, mais qui est toujours grandement marquée par celle‑ci.

5 En plus du constat d'une transformation constante des faits culturels dans le temps, la notion de trivialité développée par Jeanneret insiste sur un point qui nous semble crucial pour saisir l'ancrage de la littérature dans la société et les enjeux qui en découlent ; il s'agit de l'idée que le pouvoir (qui recoupe la question de la légitimité) est prédominant dans la communication et qu'il en façonne les contours. Ainsi, Jeanneret définit son programme de recherche de la façon suivante :

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[son enquête] retient l'hypothèse de Foucault selon laquelle « le discours n'est pas seulement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pourquoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s'emparer [3] » : deux partis pris qui gardent toute leur actualité. Ce livre voudrait donner un contenu concret, bien qu'évidemment partiel, à la formule le pouvoir dont on cherche à s'emparer [4].

7 Nous souscrivons pleinement à ce programme de recherche et nous appuierons également sur Foucault pour définir la notion d'auteur et essayer de mieux comprendre les processus de légitimation sur lesquels elle repose sur Internet. Dans notre étude, nous mettrons l'accent sur la dimension hautement stratégique et symbolique de la culture, qui se présente comme un espace de quête de pouvoir, autant pour les acteurs, qui tentent de se faire entendre, que pour les institutions qui encadrent les pratiques culturelles (journalistes, universitaires, éditeurs, conservateurs de musée, entreprises travaillant dans le domaine de la culture). En littérature, cette quête touche également les lecteurs qui forment une communauté à la fois réelle et imaginaire. On peut dire qu'ils constituent une communauté abstraite – puisqu'ils ne représentent pas un groupe à proprement parler, et réelle, du fait qu'ils peuvent rencontrer leurs auteurs préférés durant des salons, ou se servir de l'outil informatique pour interagir entre eux à travers différentes plateformes, voire ouvrir leurs propres blogs et sites pour mettre en ligne leurs écrits. On touche ici à une facette essentielle de la littérature qui, en tant que discours, existe à travers une communauté partageant des croyances et des valeurs ; un phénomène sur lequel Emmanuël Souchier apporte un éclairage en remarquant

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[u]n texte ne tisse […] pas uniquement des relations “intertextuelles” avec les autres textes qui constituent l'horizon culturel dans lequel il se meut, au sens où l'entendait Julia Kristeva, il est également le creuset d'une énonciation collective derrière laquelle s'affirment des fonctions, des corps de métier, des individus…, et où fatalement se nouent des enjeux de pouvoir [5].

9 Comme le note Souchier, la littérature n'est pas seulement en effet une activité de création ; il s'agit d'un dispositif de communication qui implique des rôles, des canaux, des thèmes et aussi, au‑delà de la question de l'intertextualité, un imaginaire agissant puissamment. Le développement d'Internet n'a pas par conséquent seulement des effets pour les professionnels du livre et les acteurs institutionnels, il en a aussi sur l'univers de croyance qui accompagne la circulation de la littérature dans la société. La coexistence de deux canaux de communication littéraire engendre des effets de tension particulièrement intéressants à étudier pour comprendre les forces en présence dans le domaine de la littérature.

10 Pour interroger les changements médiatiques qu'opère le développement d'Internet sur la littérature, nous essaierons d'abord de montrer de quelle manière le web modifie les codes littéraires en prenant le cas de trois blogs d'écrivain, puis nous élargirons notre réflexion à la notion d'auteur et aux nouveaux dispositifs de légitimation liés à la communication numérique. Si la notion d'auteur a déjà été largement débattue concernant le cas d'auteurs doués d'une autorité forte, et dont la démarche littéraire s'inscrit dans le contexte de l'édition traditionnelle, cette notion est en revanche encore assez peu étudiée pour des auteurs pratiquant dans le cadre d'Internet [6]. Le point de vue que nous développerons, pour notre part, sera cependant plus général que celui de l'ethos numérique, puisqu'il portera sur les effets d'Internet sur la notion plus large d'auteur. Dans notre approche, nous ferons apparaître la coexistence de plusieurs types d'auteurs et un phénomène d'hybridation dans le cas des écrivains-blogueurs choisis pour cette étude. Ce questionnement implique de considérer la littérature instituée et les multiples pratiques d'écriture apparues avec Internet comme des éléments imbriqués et non comme des éléments distincts. Sortir du cadre restreint de la littérature pour mener une réflexion élargie sur la notion d'auteur, permettra de montrer en quoi le dispositif numérique modifie radicalement le rapport pouvoir-savoir qui sous-tend l'inscription de la littérature dans la société.

Analyser les blogs d'écrivain

Le format blog

11 Afin de comprendre les enjeux de l'inscription de la littérature sur Internet, nous allons dans un premier temps nous pencher sur le cas de trois blogs tenus par des écrivains reconnus. Il s'agit d'une pratique d'écriture qui pose de nombreuses questions, à commencer par savoir quel est le statut littéraire de ces blogs et des écrivains qui investissent le web.

12 On peut tout d'abord remarquer que le format blog n'est pas un genre en soi, mais un moule formel « mobilisable pour tout type d'énonciateur et donc pour tout type de projet textuel [7] ». Les blogs se distinguent non seulement des genres textuels par leur mode d'inscription, mais également d'autres formats numériques. On peut distinguer deux grands types de cybergenres [8] : d'une part, ceux qui répondent à des objectifs relativement bien définis et qui engagent un protocole de lecture facilement reconnaissable par les internautes. C'est le cas par exemple des moteurs de recherche, des sites de vente, des journaux en ligne, etc. D'autre part, il existe des cybergenres qui n'ont pas d'objectifs communicationnels stables et unifiés, tel le format blog.

13 Pour cette raison, il nous semble préférable de considérer les blogs comme une activité, qui implique que le blogueur construise sa page en se servant de pratiques génériques, issues non seulement du web ou de genres textuels, mais également de domaines variés (littérature, histoire, sport, politique, etc.) [9]. Ce procédé confère au format blog des traits caractéristiques changeants et instables. Le simple fait que le blog ne soit plus tenu à jour peut d'ailleurs en modifier profondément la perception, et plus concrètement faire perdre l'intérêt des internautes pour celui‑ci. Plutôt que sur des caractéristiques génériques précises, le format blog suscite des attentes sur des aspects communicationnels d'un ordre plus général, à avoir notamment le contact direct et la régularité de la publication.

14 Les blogs d'écrivain que nous avons choisis de prendre comme exemple témoignent de cette grande flexibilité du format. Il s'agit de François Bon, d'Éric Chevillard et de Chloé Delaume, qui, comme nous allons le voir, font un usage très différent de leurs blogs et plus généralement d'Internet [10]. Cette différence n'est pas gênante pour notre étude, puisque notre objectif en comparant ces trois écrivains-blogueurs est de mettre en évidence certains aspects du phénomène d'hybridation qu'entraîne la coexistence du régime éditorial traditionnel et du régime numérique.

Un imaginaire littéraire

15 Considérons à présent de plus près les trois blogs d'écrivains retenus. L'intérêt de François Bon pour Internet est ancien, puisqu'en 1997 il a créé un site consacré à la littérature, Remue. net, qui est devenu un site collectif. En 2000, il a ouvert Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/), un blog personnel dans lequel il écrit de manière active et publie également ses propres photographies. Éric Chevillard tient à jour presque quotidiennement un blog nommé L'Autofictif (http://autofictif.blogspot.fr/), qui, depuis son ouverture le 18 septembre 2007, a la particularité d'être publié ensuite en livre par la maison d'édition l'Arbre vengeur, sans retouches ni modifications. Le blog de Chloé Delaume (http://www.chloedelaume.net/) a connu de nombreuses évolutions : tout d'abord, celui‑ci a été un site contenant des informations sur son activité d'écrivaine ; puis elle l'a tenu à jour, pendant une période que l'on peut situer approximativement entre 2003 et 2013, avec de longs intervalles de temps durant lesquels elle n'a plus posté d'articles ; enfin, en septembre 2013, elle a refait son site qui présente désormais seulement son actualité littéraire et artistique. Depuis quelques années, Delaume se sert essentiellement de son compte Twitter (@chloe_delaume) pour communiquer avec ses lecteurs et ses amis.

16 Si l'attitude que ces trois auteurs expriment face à l'apparition du nouvel espace de communication diffère, leurs blogs s'apparentent cependant à des « journaux extimes [11] », dans lesquels ils parlent de manière plus ou moins directe de leur travail d'écriture et de leurs livres. On peut commencer par évoquer le cas de Delaume, écrivaine qui range son blog dans les productions textuelles périphériques à son œuvre et qui cherche à faire de celui‑ci une vitrine pour ses performances littéraires (lecture publique, séminaire, etc.). De son côté, Chevillard a une approche un peu plus ambiguë, car il ne classe pas explicitement son blog dans les textes d'accompagnement, mais affirme que son activité principale est la production de livres et garde ses distances avec les internautes. Enfin, à la différence des deux autres auteurs, Bon entend faire de son site une œuvre littéraire et n'hésite pas à se mêler à la communauté de blogueurs qu'il côtoie et à répondre aux réactions des internautes – une approche qui repose sur le constat d'une nécessité de se servir des nouvelles technologies pour permettre à la littérature de s'adapter à son temps.

17 Les usages radicalement différents que ces trois écrivains font de leurs blogs témoignent de la nature complexe du lien qui se tisse entre régime éditorial traditionnel et nouveau régime de publication. Il semblerait que, du fait de leur statut d'écrivain, ces trois auteurs se trouvent face à un certain dilemme : en se servant du web, ils adhèrent, implicitement ou explicitement, à une communication immédiate et directe qui s'écarte de la norme de la littérature imprimée. Quel que soit leur rapport au nouvel espace de publication, ces trois écrivains sont amenés à proposer chacun à leur manière une sorte de performance qui se réalise dans le périmètre de leur notoriété et se nourrit de ce qu'est la littérature traditionnelle, fondée sur la production d'œuvres et la publication de livres. Cette situation les amène à se mettre en scène dans leurs blogs, mais également à travers les réseaux sociaux, comme le font par exemple Bon et Delaume.

18 Le statut établi de ces trois écrivains introduit dans une certaine mesure une forme d'autorité propre à la littérature traditionnelle qui peut expliquer le relatif succès que les blogs de ces auteurs ont rencontré. On trouve d'ailleurs sur le web de nombreux sites et blogs qui portent les traces d'un attachement à la littérature imprimée et témoignent que celle‑ci demeure, dans l'imaginaire collectif, un gage de légitimité littéraire à laquelle de nombreux auteurs de blog aspirent. Le pouvoir d'attraction suscité par la littérature imprimée ne se réduit pas uniquement à une recherche d'autorité ; l'intérêt pour celle‑ci s'exprime aussi à travers des idées comme l'authenticité par exemple, ainsi qu'en témoignent des blogs de critique littéraire et des blogs qui rendent hommage à des auteurs reconnus.

19 Derrière ces plateformes se dessinent les contours d'une communauté partageant un certain nombre de valeurs et de références, qui deviennent explicites quand les internautes se font également auteurs. On peut citer le cas intéressant d'un blog participatif nommé Les 807, dans lequel est proposé aux contributeurs un exercice d'écriture collectif dans le prolongement de L'Autofictif, le blog de Chevillard, et plus précisément d'écrire des billets littéraires construits à partir du nombre 807 [12]. Dans Les 807, de nombreux fragments se présentent comme des hommages directs à l'auteur, comme par exemple « histoire vraie », qui emprunte la scénographie du dialogue et met en scène une lectrice de Chevillard (voir fig. 1).

Figure 1 : « Histoire vraie ». Capture d'écran du blog Les 807 [13].

Figure 1 : « Histoire vraie ». Capture d'écran du blog Les 807 [13].

20 Ce blog participatif n'a pas seulement pour fonction de rendre hommage à Chevillard sous forme de pastiches ; il se nourrit de la notoriété de cet auteur pour inviter les internautes à jouer eux-mêmes l'écrivain. Ces derniers profitent du site pour écrire et toucher des lecteurs, à l'image d'Estelle Ogier qui a écrit le billet « histoire vraie », et qui intègre dans un autre article de sa production un lien vers son propre blog [14].

21 La présence de la littérature sur Internet ne dépend pas seulement des écrivains ; elle repose sur une communauté, ou plutôt, on le voit avec Les 807, sur des communautés. Dans ce cas particulier, il y a des lecteurs mais également de nombreux auteurs qui mènent un travail d'écriture dans le prolongement d'une idée plutôt traditionnelle de la littérature. Par sa référence explicite au blog de Chevillard et par sa scénographie, ce site accorde une place centrale au travail stylistique pour définir ce qu'est un authentique écrivain. De ce point de vue, Les 807 se fait l'écho direct de Chevillard qui, dans de nombreux billets, caractérise son travail d'écrivain par contraste avec les « mauvais écrivains » qui n'ont pas de style, comme par exemple Frédéric Beigbeder fréquemment cible de railleries. Par ailleurs, l'auteur apporte une preuve de son exigence stylistique en choisissant de publier tous les jours sur Internet ses courts textes à teneur poétique qu'il fait par la suite publier tels quels par une petite maison d'édition ; ce qui chez cet écrivain renforce la dimension de « performance littéraire » de sa pratique du blog.

22 La question de l'authenticité littéraire va plus loin que la question du style ; elle est étroitement liée à une conception répandue de la littérature. Comme le notent Étienne Candel et Gustavo Gomez-Mejia à propos de François Bon, on voit apparaître sur la toile une « idéologie de l'auteur des réseaux ». Celle‑ci, précisent‑ils,

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occulte tout ce qui n'est pas l'auteur comme figure institutionnalisée : éditeur, imprimeur, correcteurs, typographes, promoteurs marchands, libraires et critiques, soit tous les coproducteurs, tous les logisticiens de la littérature. Le média de réseau est conçu comme l'occasion de déployer un idéal littéraire remontant au moins au romantisme, celui de l'autonomie radicale de la création et de l'asservissement à une écriture épurée des différents dispositifs et acteurs qui, en réalité, composent la médiation littéraire [15].

24 Ainsi qu'on peut l'observer dans le blog de Bon et dans celui de Chevillard, ou encore dans la communauté d'auteurs des 807, la littérature imprimée véhicule un imaginaire puissant qui se retrouve à différents niveaux. Celui‑ci, comme le soulignent Candel et Gomez-Mejia, puise ses racines dans l'idée d'autonomie de la création littéraire, une croyance qui structure ce discours et qui lui donne la capacité de traverser le temps mais aussi les supports.

L'écrivain-blogueur

25 Nous serons amené à relativiser cette autonomie en montrant en quoi Internet modifie le statut des écrivains qui tiennent à jour un blog. Dans ce but, nous pouvons commencer par établir une distinction entre image d'auteur, instance auctoriale et ethos. Cette distinction est utile pour faire apparaître la différence entre des écrivains qui utilisent le web et de « simples » blogueurs.

26 Bon, Chevillard et Delaume ont une image d'auteur plus développée que des blogueurs anonymes [16]. Cette image, ils l'ont acquise par la publication de livres et par leur notoriété dans la sphère littéraire (qui comprend des journalistes, des universitaires, etc.). Cependant, dans leurs blogs, nous n'avons pas affaire à une image d'auteur, mais à une instance auctoriale, puisque ce sont les écrivains en personne qui les tiennent à jour. Alors que l'image d'auteur est un effet de réception, l'instance auctoriale est directement liée au geste d'écrire et renvoie aux problèmes posés par l'ethos auctorial et, plus généralement, par la mise en scène de soi. De nature discursive, le concept d'ethos insiste sur le fait qu'un ethos n'est jamais une émanation totalement singulière du sujet parlant, mais que les images de soi s'inscrivent pleinement dans la dimension normée des échanges verbaux où les individus sont amenés à jouer des rôles. De nombreux facteurs déterminent la mise en place d'un ethos, dont la « représentation sociale qui catégorise le locuteur, sa réputation individuelle, l'image de sa personne qui dérive d'une histoire conversationnelle ou textuelle, son statut institutionnel et social [17] » ; à cela s'ajoutent d'autres facteurs étroitement liés au cadre où se déroule l'interaction qui, d'une part, apportent des informations sur le locuteur et qui, d'autre part, contraignent fortement sa présentation de soi [18].

27 Parce qu'ils peuvent faire valoir une image d'auteur construite par des tiers ayant une certaine légitimité, les blogs d'écrivain ont un ethos littéraire potentiellement plus fort que celui d'autres sites littéraires, notamment que ceux tenus par des anonymes. Pour mieux saisir l'importance de l'image d'auteur dans les blogs d'écrivain, on peut se servir de la typologie de Dominique Maingueneau, qui propose d'aborder l'auteur de littérature à travers la tripartition suivante : il distingue, tout d'abord, la personne, l'individu doté d'un état civil et d'une vie privée, l'écrivain, qui est l'acteur de l'espace littéraire, et enfin l'inscripteur, qui se réfère aux « formes de subjectivité énonciative » convoquées à l'intérieur d'un texte particulier et qui est, « […] qu'il le veuille ou non, le Ministre de l'Institution littéraire qui donne sens aux contrats impliqués par la scène générique et s'en porte garant » [19].

28 Notons que la distinction entre « personne », « écrivain » et « inscripteur » établie par Maingueneau pour expliquer le processus de subjectivation caractéristique de l'énonciation littéraire, est uniquement théorique, puisque les instances ne forment pas des entités autonomes qui peuvent être séparées les unes des autres ; chacune d'elles traverse les deux autres dans un « processus d'enveloppement réciproque qui, d'un même mouvement, disperse et rassemble la subjectivité irréductible de l'auteur [20] ». À partir de cette typologie, il est cependant possible de faire apparaître des jeux de dominance selon les situations d'énonciation.

29 Les blogs d'écrivain, qui s'apparentent à des journaux extimes, témoignent clairement d'« un enveloppement réciproque » entre l'instance de l'« écrivain » et celle de la « personne », phénomène que l'on trouve dans les textes littéraires où les auteurs mènent un travail de figuration de soi. C'est le cas des récits de voyage et des textes autobiographiques, pour lesquels Maingueneau distingue une constante : « Si l'espace canonique prétend séparer l'“inscripteur” de la scène d'énonciation, de la “personne” et de l'“écrivain”, l'espace associé implique un brouillage qui structure l'instance énonciative [21]. »

30 Afin de faire ressortir les mécanismes de subjectivation à l'œuvre dans les blogs d'écrivain, il semble préférable de parler d'« écrivain-blogueur », terme qui permet d'envisager une pratique étroitement liée à la mise en scène de la figure d'auteur et à l'investissement du support numérique [22]. La superposition des deux instances, la « personne » et l'« écrivain », se trouve amplifiée du fait que l'auteur acquiert une présence sur la toile. Par cette formule d'écrivain-blogueur, on désigne une manifestation de l'auteur différente de l'instance qui se trouve dans les livres. Sur la page numérique, l'écrivain n'est en effet plus une instance auctoriale qui se manifeste par son absence, comme c'est le cas dans le circuit éditorial qui instaure une coupure entre le manuscrit produit par l'écrivain et l'écrit destiné au public, et donne l'impression que le texte se soustrait à tout processus de communication directe [23].

Perte d'autonomie du champ littéraire

31 Sur le web, on assiste à l'affaiblissement de l'instance de l'« inscripteur », dépendante de l'institution littéraire (qui repose sur des genres, des éditeurs, des imprimeurs, des journalistes, etc.). L'inscription dans l'espace numérique prend une dimension collective et se trouve dans la dépendance de l'action de l'internaute, acteur central qui, au fur et à mesure de sa navigation, construit l'hypertexte qu'il lit ; une action qui fait d'Internet un édifice global en évolution constante. En outre, une page numérique est une mosaïque, résultat du travail de nombreux acteurs [24] : l'auteur ou les auteurs du contenu (vidéo, textuel, etc.), l'internaute qui laisse un commentaire ou qui, par sa simple visite, contribue au « succès » de la page, l'éditeur de la plate-forme (YouTube, Facebook, etc.), ou encore les annonceurs (si la page contient de la publicité). Pour saisir le changement qui intervient dans la chaîne communicationnelle, il faut considérer que la forme de verticalité textuelle induite par le support papier, espace fermé et sélectif, laisse place à une horizontalité hypertextuelle, espace ouvert et participatif.

32 Si l'instance de l'« inscripteur » semble en retrait, celles de l'« écrivain » et la « personne » ressortent en revanche de manière plus nette dans cette subjectivation nouvelle de l'auteur que nous avons proposé de nommer écrivain-blogueur. Cette manifestation de l'auteur se distingue par une dimension hybride qui provient de l'inscription des écrivains-blogueurs dans le régime éditorial traditionnel et dans le régime numérique. Des marqueurs de subjectivité dans les blogs nous apprennent sur quel mode cette double inscription s'effectue. Les blogs d'écrivain que nous avons pris comme exemple fonctionnent en partie sur le modèle traditionnel de l'édition : c'est parce que les écrivains ont atteint une sphère sélective qu'ils peuvent faire entendre une certaine autorité sur la toile, selon un effet de transposition. Cela apparaît à travers la récurrence des marques d'appartenance institutionnelle, dont les écrivains se servent pour construire la scénographie du blog qui les représente. Les blogs d'écrivain ne se distinguent pas d'autres blogs littéraires par leur originalité mais par la présence de différents signes d'auctorialité, autrement dit par le fait que Bon, Chevillard et Delaume peuvent faire valoir une image d'auteur. En outre, contrairement à de nombreux blogueurs, ces trois auteurs n'ont pas seulement un ethos numérique ; ce dernier vient s'ajouter à d'autres construits par leurs ouvrages publiés, régime où, nous l'avons constaté, l'instance de l'« inscripteur » peut se déployer pleinement. Par ricochet, leur activité d'écriture dans l'espace traditionnel est ainsi susceptible d'étoffer l'instance auctoriale qui s'exprime dans leurs blogs.

33 Si les écrivains-blogueurs bénéficient de leur notoriété pour toucher directement un public, ils ne peuvent cependant profiter de cette position privilégiée qu'en jouant le jeu d'Internet dont les règles ne sont pas celles de l'édition traditionnelle. Concrètement, cela signifie que les écrivains-blogueurs doivent se soumettre au rythme du web, c'est‑à-dire à un renouvellement permanent qui les force à publier de manière régulière du contenu pour être suivis par des internautes. Cette liberté de publication et cette visibilité quotidienne ne remplacent pas une publication traditionnelle. Cette dernière peut leur apporter un autre regard sur leur travail, notamment de la part des journalistes et des critiques, ainsi que des ressources financières, dont l'importance est non négligeable pour des écrivains qui cherchent à vivre de leur plume, ou en tout cas, on peut le penser, à consacrer un temps conséquent à l'écriture. Chevillard et Bon publient régulièrement des parties de leurs blogs en livre, mais aussi des romans et des essais dont ils font eux-mêmes la promotion dans leurs blogs. La complémentarité des deux espaces de publication s'observe également dans le cas des 807 ; il ne s'agit pas seulement d'un blog de pastiches, mais d'une plateforme sur laquelle se rencontre une communauté d'auteurs en recherche d'audience, comme les écrivains-blogueurs le sont eux aussi ; une communauté qui semble en outre aussi en recherche de légitimité comme le laisse penser la publication en livre du blog collectif [25]. Ces auteurs font ainsi le parcours inverse des écrivains-blogueurs, passant d'Internet au livre imprimé, chemin possible pour renforcer leur image d'auteur.

34 Ce passage d'un support à l'autre est une conséquence de la perte d'autonomie du champ littéraire entraînée par l'apparition d'Internet [26]. L'outil informatique donne accès à une audience qui peut potentiellement permettre d'acquérir le statut d'écrivain pour peu que l'on arrive à faire reconnaître des qualités d'écriture auprès de ses lecteurs. Cependant, en l'absence d'instance de légitimation, comme par exemple les éditeurs de renom dans le système éditorial traditionnel, on ne peut pas réellement parler de champ littéraire numérique. Aussi le dispositif numérique n'est‑il pas une extension du champ littéraire traditionnel, ou un calque qui le concurrence frontalement ; c'est un espace de communication élargie qui, en revanche, joue de manière directe sur l'« autonomie » du champ littéraire [27]. Cette « autonomie » du champ n'est pas consubstantielle à la littérature, elle a été rendue possible au cours de l'histoire par des changements politiques, juridiques et économiques qui ont permis l'émergence de l'idée de propriété privée et le développement d'éditeurs de plus en plus influents. Avec Internet, l'« autonomie » du champ se trouve englobée dans une autonomie plus large : celle des individus maîtres de communiquer directement leurs écrits à d'autres individus disposant de la même liberté de communication et de création. Si ces individus sont en recherche de reconnaissance, voire de légitimité, l'institution littéraire n'a que peu de prise sur cette masse d'auteurs, épars et autonomes.

35 Par sa dimension hypertextuelle et collective, Internet renouvelle les pratiques d'écriture. Sur la toile, l'écriture littéraire est un type d'activité qui côtoie de nombreuses pratiques, esthétiques ou autres, sans que l'on puisse toujours faire aisément une distinction entre celles‑ci. Il existe de nombreux blogs littéraires que rien ne distingue ou presque d'une multitude de pages personnelles, qui présentent un travail d'écriture et de mise en forme pouvant plus ou moins faire penser aux genres littéraires [28]. C'est le cas par exemple de beaucoup de blogs qui s'apparentent à des journaux intimes. En l'absence de processus de sélection, l'écriture y est même omniprésente, protéiforme, voire dans une certaine mesure banalisée. En plus de la présence d'une multitude d'individus qui se livrent à des pratiques de création variées, combinant texte, image, son et vidéo, il y a l'aspect visuel et construit des pages ; celui‑ci leur confère une dimension esthétique constituant déjà une forme d'écriture en soi.

Évolutions de la notion d'auteur

Élargissement de la notion d'auteur

36 Comme nous venons de le voir, l'écrivain-blogueur est marqué par sa double appartenance à l'espace traditionnel et numérique. La reconnaissance institutionnelle dont il bénéficie lui confère une certaine autorité et le rapproche en cela d'un blogueur scientifique, ou économique, reconnu. La majorité des auteurs du web ne bénéficie pas aujourd'hui de notoriété ou de légitimé institutionnelle, et rien n'indique que cela pourrait changer dans l'avenir. Les questions que nous aimerions à présent soulever et explorer concernent les formes de légitimité qui se développent sur Internet. En quoi celles‑ci diffèrent‑elles de celle constitutive de l'édition traditionnelle ? Internet ne modifie-t‑il pas la notion même d'auteur ?

37 L'espace numérique ne transforme pas seulement le statut des écrivains qui investissent le web, mais aussi, de manière plus générale, celui d'auteur, puisqu'Internet donne les moyens à tout le monde de publier des contenus de manière instantanée. Comme le souligne José-Luis Diaz, « […] si l'on y prend garde, cette notion [l'auteur], comme tout concept aussi général, risque de fonctionner comme un universel allant de soi, autorisé à ce titre à échapper à la suspicion historienne [29]. » Sur la toile, on peut ainsi tout d'abord constater qu'il reste certains traits essentiels de l'auctorialité, à savoir que celui qui produit un énoncé est l'origine et en même temps l'instance qui doit en répondre. Dans ce premier degré d'auctorialité, se trouve un mécanisme que Foucault décrit par le terme d'« appropriation-attribution [30] », et que Maingueneau a défini comme : « assignation d'origine (X est la cause de l'énoncé) et dimension éthique (X doit pouvoir “en répondre”) » [31]. Pour désigner cette dimension de la notion d'auteur la plus évidente, c'est‑à-dire « l'instance qui répond d'un texte » et qui n'a « rien de spécifiquement littéraire », Maingueneau propose d'employer le terme d'« auteur-répondant » [32]. Individuelle ou collective, c'est une instance qui prend les traits d'une « auctorialité ponctuelle » et limitée, comme par exemple le journaliste qui signe des articles dans des journaux ou l'homme politique qui ouvre un blog en rapport avec les fonctions qu'il occupe et l'action citoyenne qu'il mène [33]. C'est également le cas de la grande majorité des blogueurs.

38 Les trois écrivains-blogueurs que nous avons présentés ne sont pas seulement des auteurs-répondants. Comme ils sont doués d'une image d'auteur, ils ont une autorité plus forte. Pour marquer cette différence, on peut, comme le propose Maingueneau, distinguer un deuxième niveau d'auctorialité par le terme « auteur-acteur ». Cette instance auctoriale organise « son existence autour de l'activité de production de textes » et « doit gérer une trajectoire, une carrière » [34]. Cette forme d'auctorialité n'est pas réservée au discours littéraire, elle peut se trouver dans le discours politique ou journalistique, mais dans des circonstances particulières. Pour devenir un auteur-acteur, l'instance auctoriale doit en effet constituer une figure d'auteur. Pour cela, l'auteur a le choix entre « produire un ou plusieurs textes dans des genres qui le qualifient comme auctor potentiel (un roman par exemple, un essai) » ou « rassembler des textes dispersés pour les convertir en Opus » [35]. Ce dernier cas concerne le journaliste qui choisit de rassembler dans un ouvrage des articles qu'il a publiés séparément dans divers journaux. Le regroupement peut être le résultat d'une coopération entre un auteur et un éditeur, ou seulement l'entreprise d'un tiers s'il s'agit de textes d'un auteur mort.

39 On trouve des auteurs-acteurs sur Internet mais il semble difficile de voir apparaître ce type d'auteurs uniquement par une activité sur le support web. Comme nous l'avons constaté avec les blogs d'écrivain, la légitimité vient du circuit éditorial traditionnel, et notamment du prestige de certaines maisons d'édition, qui peuvent en outre ouvrir la porte aux médias et offrir ainsi une visibilité plus large aux auteurs. L'espace numérique n'en reste pas moins attractif et remet en question l'ancien modèle avec quelques auteurs doués d'une forte autorité, au profit d'un nouveau modèle, caractérisé par une profusion d'auteurs. Ce qui prime pour un blogueur, nous l'avons vu, c'est que des internautes visitent sa page plus ou moins régulièrement, en fonction de son rythme de publication. Sur le web, ce n'est pas en premier lieu une légitimité institutionnelle qui est recherchée par les différents acteurs ; on cherche à se faire entendre dans des proportions variables grâce à la puissance de l'outil numérique ; une audience qui, quand elle atteint un certain degré, peut même s'apparenter à une forme d'autorité limitée et permettre à un acteur de se faire remarquer. On peut par exemple mentionner le blog de Quentin Leclerc et Michel Pimpant, Les boloss des belles lettres, qui présente des extraits de textes classiques de la littérature française dans un style familier et argotique [36]. Le succès de ce dernier a permis à leurs auteurs de faire publier une version papier par la maison d'édition J'ai lu en 2014. Parallèlement, certains de leurs textes ont été lus par le comédien Jean Rochefort, des séquences vidéo qui ont d'abord été diffusées sur YouTube puis sur France 5 en 2016, et qui ont participé à faire connaître le projet des deux blogueurs auprès d'un large public.

Déclin de la fonction auteur et apparition de l'auteur nomade

40 L'élargissement de l'auctorialité, dont nous venons d'exposer le cadre général, marque un tournant dans les processus de légitimation qui accompagnent la communication. Pour mieux en saisir les enjeux, on peut de nouveau se tourner vers le célèbre article de Foucault sur l'auteur. L'idée-force de ce texte est que l'auteur, en tant que représentation imaginaire, ne se situe pas uniquement dans l'œuvre, mais trouve aussi son origine dans les caractéristiques de la société qui a rendu possible son apparition : « La fonction auteur est caractéristique du mode d'existence, de circulation et de fonctionnement de certains discours à l'intérieur d'une société [37]. » La notion de fonction auteur n'est donc pas synonyme d'auteur pour Foucault. C'est une notion complexe, étroitement liée à sa conception des « formations discursives [38] » et à son approche du pouvoir, dont Foucault s'est servi pour définir un phénomène limité dans le temps. Par cette notion, il entend plus précisément déterminer un dispositif de régulation de sens – un principe « par lequel, dans notre culture, on délimite, on exclut, on sélectionne : bref le principe par lequel on entrave la libre circulation, la libre manipulation, la libre décomposition, recomposition de la fiction [39] ». Ainsi établit‑il une corrélation entre la nécessité d'attribuer à tout discours une origine (« un tel est l'auteur de… ») et l'émergence de la littérature dans la société :

41

[…] le fait que l'on puisse dire « ceci a été écrit par un tel », ou « un tel en est l'auteur », indique que ce discours n'est pas une parole quotidienne, indifférente, une parole qui s'en va, qui flotte et passe, une parole immédiatement consommable, mais qu'il s'agit d'une parole qui doit être reçue sur un certain mode et qui doit, dans une culture donnée, recevoir un certain statut [40].

42 Foucault rattache la fonction auteur à une période de l'histoire en particulier, où « on a instauré un régime de propriété pour les textes, lorsqu'on a édicté des règles strictes sur les droits d'auteur, sur le rapport auteurs-éditeurs, sur les droits de reproduction, etc. – c'est‑à-dire à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle [41] ». Ce que voulait mettre en évidence Foucault par la notion de fonction auteur, c'est que le règne de l'auteur concorde avec une certaine configuration du pouvoir-savoir. Ce système décrit par Foucault a été remis en question par l'apparition d'Internet qui instaure un nouveau type de contrôle sur la communication, avec de nouveaux modes de production et de sélection de l'information ainsi que de nouveaux processus de légitimation [42].

43 Si l'apparition d'Internet n'a pas fait disparaître l'ancien système comme on a pu le constater avec les blogs d'écrivain, l'auteur des réseaux témoigne d'une nouvelle logique. D'une logique de circuit fermé, où la circulation des discours était fortement restreinte et le nombre d'acteurs réduit, on est passé à un régime ouvert où les échanges ne sont pas limités. Blogs, sites internet, applications pour téléphone, forums, réseaux sociaux et autres plateformes de partage, définissent un nouveau type d'auteur qui n'est plus élu par un intermédiaire donnant plus ou moins de prestige à ses écrits, voire une postérité ; cet auteur choisit de capter directement de l'attention, comme dans une conversation. Ce dispositif de parole implique une forme de nomadisme. L'auteur du web doit se manifester pour exister et doit le faire plus ou moins fréquemment s'il veut entretenir l'intérêt sur lui ; son inactivité ou son manque d'engagement pourrait lui faire perdre son public, lui aussi nomade.

44 Ce nomadisme, qui n'a rien de foncièrement littéraire ou artistique, est propre au mode de fonctionnement du réseau, où il n'y a pas vraiment de centre, le centre et la périphérie étant partout. Dans cet espace globalisé, les usagers sont en effet amenés à être des auteurs pluriels, par leurs correspondances privées, leur présence sur les réseaux sociaux, leurs avatars dans les jeux vidéo, ou encore leur pratique des blogs ; mais aussi par le simple fait de consulter des sites Internet, puisque cette activité laisse des traces sous forme de métadonnées exploitées par les grandes entreprises d'Internet.

45 Les traces produites volontairement ou involontairement par les auteurs nomades du web n'échappent pas aux enjeux de pouvoir qui façonnent la communication. Elles ne font pas l'objet du même traitement que les traces laissées dans le système éditorial traditionnel. Les entreprises du web cherchent à capter l'attention des usagers, laquelle est devenue un bien rare avec la surabondance d'informations. Pour reprendre la formule employée par Louise Merzeau, on pourrait ainsi parler d'« industries de l'attention [43] ». Dans le cas des blogs, l'attention prend les traits d'une audience, et plus précisément d'un groupe de « suiveurs ». Par leurs blogs les trois écrivains n'ont accès qu'à un nombre restreint de suiveurs, en comparaison d'autres blogueurs qui arrivent parfois à fédérer autour d'eux une telle communauté qu'ils peuvent en faire commerce, comme c'est le cas dans le domaine de la mode ou du bien-être où des blogueurs parviennent à se faire sponsoriser par des marques, mais également dans la littérature pour adolescents [44].

46 La capacité de cerner l'intérêt des internautes et de créer chez eux des attentes est un élément essentiel dans l'activité de l'auteur des réseaux. Il s'agit non seulement d'éveiller l'intérêt d'un public mais en plus de savoir le garder. Dans une autre mesure, la capacité de se mettre en scène semble être un élément déterminant pour attirer l'attention sur son projet, comme nous pouvons l'observer avec les blogs d'écrivain pris comme exemple ; cette importance peut s'expliquer par le lien direct qu'instaure le dispositif numérique entre les usagers et par le sentiment de proximité qui en découle. La prédiction, ou l'art de mettre à disposition, est une force dominante dans cet espace marqué par un nomadisme généralisé ; cette force semble se développer au détriment de la prescription, autrement dit l'art de la sélection, qui est le modèle sur lequel repose l'édition traditionnelle [45].

47 Internet, nous avons pu le constater à partir d'exemples concrets d'écrivains-blogueurs, a des effets sur tous les aspects de l'écrit, par la textualité, les genres et ses effets sur l'auteur. Nous avons vu que l'apparition d'un système de publication ouvert à tous a amplifié et accéléré un mouvement sans doute en cours depuis le développement des médias de masse : la perte d'autonomie du champ littéraire. Si le champ des possibles de la littérature se trouve considérablement étendu par l'outil numérique, son champ de force est en revanche diminué par la multiplication des auteurs et des pratiques d'écriture. Nous avons par ailleurs montré que ce changement s'accompagne d'un phénomène d'hybridation de l'auteur qui trouve son origine dans la cohabitation des supports papier et numérique. L'imprimé a permis le développement d'un processus de prescription et favorisé ainsi pendant des siècles l'émergence d'auteurs et d'œuvres pouvant faire autorité, grâce à l'intervention de tiers, notamment d'éditeurs. Récemment, la technologie informatique a entraîné l'apparition d'un nouveau type d'auteur : l'auteur nomade qui doit élaborer ses propres conditions de visibilité en intégrant une communauté, ou en créant lui-même sa propre communauté de suiveurs s'il parvient à toucher des internautes en nombre. Ces deux formes d'auctorialité cohabitent, comme on peut l'observer avec le cas des blogs d'écrivain, dont la particularité est de présenter une instance auctoriale hybride qui joue sur deux tableaux, l'espace numérique et le circuit traditionnel. La coexistence des deux espaces de publication pose finalement la question de savoir si l'auteur des réseaux n'est pas en train d'affaiblir l'auteur traditionnel qui devient moins visible et qui, dans l'avenir, pourrait le devenir encore moins.

Notes

  • [1]
    Comme le propose Jeanneret, on peut définir la notion d'inscription comme : « […] la dimension logistique de l'écriture et de la médiatisation, les conditions de collecte, de circulation et de reproduction des documents : c'est elle, par exemple, qui distingue le fonctionnement d'une bibliothèque de celui d'un site Internet diffusant des références textuelles […] ». Voir : Yves Jeanneret, « Complexité de la notion de trace. De la traque au tracé », in Béatrice Galinon-Mélénec (dir.), L'Homme trace : Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, Paris, CNRS Éditions, 2011.
  • [2]
    Yves Jeanneret, Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Paris, Éditions Non Standard, 2014, p. 15. Notre approche est également proche des travaux d'Étienne Candel et de Gustavo Gomez-Mejia, et notamment de leur article « Écrire l'auteur : la pratique éditoriale comme construction socioculturelle de la littérarité des textes sur le Web », in Sylvie Ducas et Oriane Deseilligny (dir.), L'Auteur en réseau, les réseaux de l'auteur : du livre à Internet, Paris, Presses universitaires de Paris-Ouest, 2013, p. 49-72.
  • [3]
    L'auteur fait référence à L'Ordre du discours (1971) de Michel Foucault.
  • [4]
    Yves Jeanneret, op. cit., 2014, p. 25.
  • [5]
    Voir Emmanuël Souchier, « L'image du texte pour une théorie de l'énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, n6, 1998/2, http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1998-2-page-137.htm.
  • [6]
    On peut citer un ouvrage collectif paru sous le titre Ethos numériques, qui offre, à ce titre, des éléments de réflexion intéressants. Christèle Couleau, Oriane Deseilligny et Pascale Hellégouarc'h (dir.), Ethos numériques, in Itinéraires, no 3, 2015, en ligne, https://itineraires.revues.org/2953, consulté le 12 juin 2017. Nous avons nous-même travaillé sur ce sujet et publié un article sur un des trois écrivains-blogueurs que nous introduirons par la suite. Voir Ugo Ruiz, « Ethos et blog d'écrivain : le cas de L'Autofictif d'Éric Chevillard », Contextes, no 13, 2013, https://contextes.revues.org/5830.
  • [7]
    Étienne Candel, « Penser la forme des blogs, entre générique et génétique », Itinéraires, no 2, 2010, p. 28.
  • [8]
    Pour éviter toute confusion entre genres textuels et genres numériques, nous avons proposé de parler de cybergenres. Pour plus de précisions voir : Ugo Ruiz, « De la communication sur Internet : le format blog », in Johannes Angermuller et Gilles Philippe (dir.), Analyse du discours et dispositifs d'énonciation. Autour des travaux de Dominique Maingueneau, Limoges, Lambert-Lucas, 2015, p. 281-291.
  • [9]
    Les blogs d'écrivain, que nous avons pris pour exemple, témoignent eux-mêmes, dans une certaine mesure, de cette variété de formes et de normes caractéristique de la communication littéraire sur le web.
  • [10]
    Pour une étude des blogs d'écrivain, et notamment des blogs de Chevillard et de Delaume, voir l'article de Sylvie Ducas, « Faire écouter la littérature avec les yeux », Itinéraires, no 3, 2015, http://itineraires.revues.org/3031. On pourra également se référer à notre article consacré à la question de l'ethos dans le blog de Chevillard mentionné précédemment.
  • [11]
    Nous empruntons le terme « extimité » à Serge Tisseron, qui le définit comme « le processus par lequel des fragments du soi intime sont proposés au regard d'autrui afin d'être validés ». Voir Serge Tisseron, « Intimité et extimité », Communications, no 88, 2011, p. 84.
  • [12]
    Ce site, ouvert par Franck Garot, se présente comme une déclinaison d'aphorismes sur le modèle de ceux où Chevillard inclut le chiffre 807. Ce genre de billet apparaît au moins une fois par an dans L'Autofictif lorsque l'écrivain, après avoir retiré son blog, en commence un nouveau : « J'ai compté 807 brins d'herbe, puis je me suis arrêté. La pelouse était vaste encore », publié le 18/07/2007.
  • [13]
    Source : http://les807.blogspot.fr/2013_09_01_archive.html, consulté le 28/06/2017.
  • [14]
    URL : http://lesdecouvertesdutetard.over-blog.com/, consulté le 28/06/2017.
  • [15]
    Etienne Candel et Gustavo Gomez-Mejia, op. cit., p. 54.
  • [16]
    Comme l'a montré Ruth Amossy, l'image d'auteur possède trois caractéristiques : (1) l'image d'auteur est toujours construite par quelqu'un d'autre que l'auteur ; (2) l'image d'auteur est une production discursive (faite d'images, de textes ou de sons) ; (3) il n'y a pas une image d'auteur, mais une multiplicité d'images souvent diverses et contradictoires qui circulent en proposant du même auteur un « kaléidoscope mouvant ». Si l'on parle malgré tout d'image d'auteur au singulier, c'est qu'on considère celle‑ci comme étant la somme de ces différentes représentations. Voir Ruth Amossy, « La double nature de l'image d'auteur », Argumentation et Analyse du Discours, no 3, 2009, https://aad.revues.org/662.
  • [17]
    Ruth Amossy, La Présentation de soi : Ethos et identité verbale, Paris Puf, 2010, p. 73.
  • [18]
    L'approche de la notion de « présentation de soi », développée par Amossy, apporte un éclairage intéressant sur la manière dont fonctionne l'ethos. Par cette formule, elle entend croiser les « notions de “présentation de soi”, empruntée à la sociologie, et d'“ethos” empruntée à la rhétorique et à l'analyse du discours » (ibid., p. 6).
  • [19]
    Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire : paratopie et scène d'énonciation, Paris, Armand Colin, 2004, p. 108.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Maingueneau, ibid., p. 115.
  • [22]
    Notons que l'activité d'un écrivain-blogueur est susceptible de modifier son image d'auteur, surtout si l'écrivain milite pour l'usage des nouvelles technologies dans le domaine littéraire, comme Bon, ou que son blog rencontre un certain succès.
  • [23]
    Vincent Kaufmann (2017) souligne également que les médias de masse ont tendance à gommer ce schéma traditionnel.
  • [24]
    Candel et Gomez-Mejia remarquent à ce propos que « les médiations sociales et éditoriales du texte, les circuits et les voies classiques par lesquels il s'institue comme œuvre, se trouvent aujourd'hui formalisés et routinisés parce qu'ils sont écrits dans les architextes », op. cit., 2013, p. 52.
  • [25]
    Voir cette page qui présente la version papier du blog : http://versminuit.blogspot.fr/2010/04/les-807-le-livre.html?m=0, consulté, le 31/11/2017.
  • [26]
    Rappelons d'ailleurs que la notion de champ définie par Bourdieu se rapporte à une période limitée dans le temps de la littérature, entre le xixe et le xxsiècle, et aussi à un lieu, la France.
  • [27]
    Nous mettons le terme entre guillemets car il s'agit d'une autonomie partielle, même lorsque la littérature a gagné en indépendance.
  • [28]
    Parmi des études qui se sont attachées à faire apparaître les particularités de formes d'écriture numérique, pas seulement littéraire, on peut citer deux ouvrages collectifs qui abordent des cas particuliers variés et qui rendent bien compte du phénomène d'élargissement de la sphère esthétique provoqué par Internet : Christelle Couleau et Pascale Hellégouarc'h (dir), Les Blogs. Écriture d'un nouveau genre ?, Itinéraires, no 2, 2010 et Oriane Deseilligny et Jean Clément (dir.), L'Écriture au risque du réseau, Communication & langages, no 155, 2008.
  • [29]
    José-Luis Diaz, « La notion d'“auteur” (1750-1850) », in Nicole Jacques-Lefèvre et Frédéric Regard (dir.), Une histoire de la fonction-auteur est‑elle possible ?, Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, 2001, p. 169.
  • [30]
    Michel Foucault, « Qu'est-ce qu'un auteur ? », conférence publiée dans le Bulletin de la Société française de philosophie, 63e année, no 3, juillet-septembre, p. 73-104. [Repris dans Michel Foucault, Dits et écrits I, 1954-1975, Paris, Gallimard, 1994, p. 789-821.]
  • [31]
    Maingueneau, « Auteur et image d'auteur en analyse du discours », Argumentation et analyse du discours, no 3, 2009, en ligne, https://aad.revues.org/660, p. 17.
  • [32]
    Idem.
  • [33]
    Voir par exemple l'étude sur les blogs de politicien de Lotta Lehti : « Blogging politics in various ways : a typology of French politician's blogs », Journal of Pragmatics, vol. 43, no 6, 2011, p. 1610-1627.
  • [34]
    Maingueneau, ibid., p. 25.
  • [35]
    Idem.
  • [36]
    URL : http://bolossdesbelleslettres.tumblr.com/, consulté le 18/02/2018.
  • [37]
    Michel Foucault, Dits et écrits I, 1954-1975, Paris, Gallimard, 1994, p. 798.
  • [38]
    Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 153.
  • [39]
    Michel Foucault, Dits et écrits I, 1954-1975, op. cit., p. 811.
  • [40]
    Ibid., p. 798.
  • [41]
    Ibid., p. 799.
  • [42]
    Foucault prédisait d'ailleurs lui-même la fin de la fonction auteur.
  • [43]
    Louise Merzeau, « De la surveillance à la veille », Cités, no 39, 2009/3, p. 75.
  • [44]
    Nous pensons à John Green qui est à la tête d'une importante communauté nommée « nerdfighteria », qu'il a constituée avec son frère grâce notamment à la plateforme YouTube.
  • [45]
    Un modèle déjà mis à mal par la marchandisation de la littérature qui voit de nombreux éditeurs s'efforcer de répondre à la demande de lecteurs-consommateurs.
Français

Cet article s'intéresse aux reconfigurations du domaine littéraire sur Internet. Entre ce qu'il propose d'appeler le « régime éditorial traditionnel » et le « nouveau régime éditorial », l'auteur établit une distinction qui est mise en perspective par l'étude des blogs de trois écrivains reconnus. Cette pratique littéraire du blog d'écrivain semble symptomatique d'un phénomène que l'auteur propose de désigner par le terme d'hybridation, en ce qu'il provient de la coexistence des deux régimes éditoriaux en tension. Au-delà du statut des écrivains-blogueurs, cette hybridation littéraire est la manifestation d'un changement plus radical qui engage une réflexion sur le pouvoir de la littérature et sur la notion d'autorité.

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  • auctorialité
Español

Blogs de escritores y escritores-blogueros. Internet y la hibridación de la literatura

El objetivo de este artículo es determinar cómo el desarrollo de Internet ha transformado el ámbito literario. Ante esta pregunta, el autor del artículo establece un paralelismo entre lo que denomina un “régimen editorial tradicional” y un “nuevo régimen editorial”. Para ilustrar esta distinción propone, a continuación, el estudio de tres escritores de blogs reconocidos. Esta práctica literaria parece dar cuenta, de forma particularmente sintomática, de un fenómeno que el autor denomina hibridación, término que surge de la tensión entre los dos regímenes editoriales coexistentes. Más allá de los blogs de escritores, el autor muestra que la hibridación literaria constituye la manifestación de un cambio más radical, mediante una reflexión sobre el poder de la literatura y la noción de autoridad.

  • Transformaciones mediáticas
  • hibridación
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  • libro
  • Internet
  • imaginario colectivo
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  • escritor de blogs
  • autoría
  • función autor
  • Amossy Ruth, « La double nature de l'image d'auteur », Argumentation et analyse du discours, n3, 2009, https://aad.revues.org/662.
  • Amossy Ruth, La Présentation de soi  : Ethos et identité verbale, Paris, Puf, 2010.
  • En ligne Bourdieu Pierre, « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 89, septembre 1991, p. 3-46.
  • En ligne Candel Étienne, « Penser la forme des blogs, entre générique et génétique », Itinéraires, no 2, 2010, p. 23-31.
  • Candel Étienne et Gomez-Mejia Gustavo, « Écrire l'auteur : la pratique éditoriale comme construction socioculturelle de la littérarité des textes sur le Web », in Oriane Deseilligny et Sylvie Ducas (dir.), L'Auteur en réseau, les réseaux de l'auteur  : du livre à Internet, Paris, Presses universitaires de Paris-Ouest, 2013, pp. 49-72.
  • Couleau Christèle et Hellégouarc'h Pascale (dir.), Les Blogs. Écriture d'un nouveau genre, Itinéraires, no 2, 2010, http://itineraires.revues.org/1921.
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  • Diaz José-Luis, « La notion d'“auteur” (1750-1850) », in Nicole Jacques-Lefèvre et Frédéric Regard (dir.), Une histoire de la fonction-auteur est‑elle possible ?, Saint-Etienne, PU Saint-Etienne, 2001, p. 169-190
  • Ducas Sylvie, « Faire écouter la littérature avec les yeux », Itinéraires, no 3, 2015, http://itineraires.revues.org/3031.
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  • Ruiz Ugo, « De la communication sur Internet : le format blog », in Johannes Angermuller et Gilles Philippe (dir.), Analyse du discours et dispositifs d'énonciation. Autour des travaux de Dominique Maingueneau, Limoges, Lambert-Lucas, 2015, pp. 281-291.
  • Ruiz Ugo, Le Blog d'écrivain  : La littérature à l'épreuve d'Internet, thèse de doctorat, université Paris-Sorbonne, Paris, 2015.
  • En ligne Souchier Emmanuël, « L'image du texte pour une théorie de l'énonciation éditoriale », Les Cahiers de médiologie, no 6, 1998/2, http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1998-2-page-137.htm.
  • Supiot Alain, La Gouvernance par les nombres, Paris, Fayard, 2015.
  • En ligne Tisseron Serge, « Intimité et extimité », Communications, no 88, 2011, p. 83-91.
  • En ligne Trédan Olivier, « Itinéraire d'un blogueur : entre quête de reconnaissance et visibilité limitée », Itinéraires, no 2, 2010, p. 83-93.
Ugo Ruiz
Docteur en linguistique de l'université Paris-Sorbonne et Maître de conférences à l'université de Göteborg, Suède, Ugo Ruiz est auteur de la thèse Le Blog d'écrivain : la littérature à l'épreuve d'Internet (2015). Ses recherches se concentrent sur des pratiques d'écriture apparues avec Internet, et plus spécifiquement sur les problèmes que celles‑ci posent en termes auctoriaux (« Ethos et blog d'écrivain : le cas de L'Autofictif d'Éric Chevillard », 2013) et génériques (« De la communication sur Internet : Le format blog », 2015).
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/04/2019
https://doi.org/10.3917/comla1.198.0102
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