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I. : On peut constater que l’analyse du patriarcat, la lutte contre les rapports d’exploitation et d’oppression que les hommes imposent aux femmes ont uni les féministes, mais qu’en revanche la question des rapports que nous-mêmes entretenons aux hommes, collectivement et dans notre vie indiviuelle, nous a toujours divisées, et aujourd’hui encore nous divise. Tout se passe comme si le rapport des hommes aux femmes nous unissait et que le rapport des femmes aux hommes nous divisait. En particulier, on a souvent l’impression, dans le mouvement, d’être prises dans l’alternative soit d’être vraiment, radicalement, féministes, soit d’insister sur le rapport entre féminisme et lutte mixte, lutte des classes. Cette alternative, nous la refusons. Vous-même, vous avez toujours affirmé que le combat des femmes, tout en étant singulier, est lié à celui qu’elles doivent mener avec les hommes. Comment ce lien peut-il se traduire concrètement ? Est-ce chaque femme qui doit s’engager individuellement d’une part dans le mouvement féministe, d’autre part dans une lutte mixte, ou est-ce le mouvement lui-même qui doit prendre parti, lutter, sur des questions qui ne concernent pas uniquement et spécifiquement les rapports de sexes ?Simone de Beauvoir : Eh bien, je pense que c’est la seconde solution qui est la plus valable. Naturellement, chaque femme en particulier peut militer à la fois pour le féminisme et dans des luttes qui concernent également les hommes mais il peut se faire aussi que des groupes féministes dans leur ensemble se trouvent impliqués dans des mouvements mixtes, participent en groupe à des manifestations concernant à la fois les hommes et les femmes…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 14/10/2019
- https://doi.org/10.3917/csp.025.0011

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