CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La parution en 2017 de l’ouvrage J’arrête la pilule, de la journaliste Sabine Debusquat, a fait l’objet d’une large couverture médiatique. Le livre, qui promeut l’arrêt de la pilule contraceptive, dresse en couverture la liste supposée des effets négatifs de celle-ci (AVC, migraines, prise de poids, fatigue, baisse de libido, dépression, cancers, infertilité), derrière un bandeau indiquant « Un scandale sanitaire qui touche 4,5 millions de femmes ». L’autrice encourage le « retour » à des « méthodes naturelles » présentées comme n’étant, elles, pas nocives pour les femmes. Elle oppose ainsi une méthode présentée comme artificielle, culturelle, construite, avec des méthodes venant directement d’une « nature » préexistante – ce qui justifierait leur utilisation, mais aussi leur supériorité (Bertron et Vitores 2019, p. 4‑5).
Les méthodes que l’on qualifie de « naturelles » sont généralement opposées aux « méthodes médicales » : méthodes hormonales (pilule, implant, anneau, patch, DIU hormonal, etc.) et DIU au cuivre. Mais elles excluent également les méthodes dites « barrières », qu’elles soient sur prescription médicale obligatoire comme le diaphragme, ou que ce ne soit pas le cas comme les préservatifs interne et externe. Il faut noter enfin que le recours aux termes de « méthodes naturelles », en particulier lorsqu’il est le fait d’associations les promouvant, ne s’applique pas non plus au retrait, qui n’est généralement pas théorisé comme une « méthode » à part entière, de la part des médecins comme des individus (Thomé à paraître), ni à la méthode MAM…

Français

Bien que très peu pratiquées, les méthodes de contraception dites « naturelles » suscitent aujourd’hui un intérêt encouragé par les associations les promouvant. Cet article examine le recours contemporain à ces méthodes à partir d’entretiens avec des utilisatrices et en s’appuyant sur l’ethnographie en ligne de sites et forums qui leur sont consacrés. L’examen de leur histoire et de leur implantation dans l’espace social montre que la « nature » qu’elles promettent est en fait réservée à certaines femmes. L’étude de leur place dans le paysage contraceptif français, où elles répondent à une volonté plus générale de certaines femmes de « se libérer des hormones » et de mieux se connaître, mais aussi d’améliorer la répartition de la charge contraceptive dans le couple hétérosexuel, témoigne que cette pratique est très axée sur l’essentialisation du corps féminin et de rôles de genre selon lesquels la femme reste assignée au travail procréatif.

Mots-clés

  • Contraception
  • Genre
  • Classe
  • Méthodes naturelles
  • Hormones
Español

Los “metodos naturales” de anticoncepción. La construcción de una práctica entre las normas de clase y la reproducción del género

Aunque muy poco practicados, los “métodos naturales” de anticoncepción despiertan ahora un interés alentado por las asociaciones que los promueven. Este artículo examina el uso contemporáneo de estos métodos a partir de entrevistas con las usuarias, así como en la etnografía en línea de sitios web y foros dedicados a ellos. Al examinar la historia de estos métodos y su ubicación en el espacio social, se demuestra que la “naturaleza” que prometen está de hecho reservada a ciertas mujeres. El estudio de su lugar en el paisaje anticonceptivo francés, donde responden a un deseo más general de ciertas mujeres de "liberarse de las hormonas" y de conocerse mejor, pero también de mejorar el reparto de la carga anticonceptiva en la pareja heterosexual, atestigua que esta práctica está muy centrada en la esencialización del cuerpo femenino y de los roles de género según los cuales la mujer sigue asignada al trabajo de procreación.

Palabras claves

  • Anticoncepción
  • Género
  • Clase
  • Métodos naturales
  • Hormonas
Cécile Thomé
Cécile Thomé est sociologue. Ses travaux portent sur la santé, le genre et la sexualité. Elle a soutenu en 2019 une thèse étudiant les recompositions de la sexualité hétérosexuelle et des rapports de genre en France depuis les années 1960 (Iris/EHESS). Elle est actuellement post-doctorante à l’Institut national d’études démographiques, où elle développe une recherche sur les choix contraceptifs des jeunes femmes en France. Dernières publications :
avec Maudet Marion (2021). « S’arranger avec l’Église ? Pluralités contraceptives chez les catholiques pratiquant⋅e⋅s en France ». Émulations. Revue de sciences sociales, 38, 2021 : 69-85.
avec Mozziconacci Vanina (2021). « Penser la sexualité pour penser l’éducation à la sexualité. Corps, utilisation du préservatif et conceptions du consentement ». In Fleuriel Sébastien, Goubet Jean-François, Mierzejewski Stéphan, Schotté Manuel (dir.), Ce qu’incorporer veut dire. Lille, Presses universitaires du Septentrion, p. 81-102.
thome.cecile@gmail.com
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/09/2022
https://doi.org/10.3917/cdge.072.0143
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