1On assiste dans les capitales ouest-africaines à une intensification de l’activité économique des citadines (Charmes 2005 ; Arbache et al. 2010 ; Adjamagbo et al. 2016 ; Jacquemin et al. 2018), concomitante à une augmentation de leurs responsabilités économiques au sein des foyers. Ces transformations sont susceptibles de déstabiliser les rapports de genre. Le travail professionnel, élément constitutif de la masculinité, n’est plus l’apanage des hommes. Ces changements bousculent le modèle du « male breadwinner » (Crompton 1999) qui demeure l’un des socles de la masculinité dans les sociétés ouest-africaines. Les hommes sont encouragés à subvenir aux besoins financiers, une obligation « corollaire direct de leur autorité sur le foyer » (Attané 2009). L’honneur masculin se construit autour de ce rôle différencié et supérieur à celui des femmes, car situé en dehors de l’espace domestique dévalorisé. Dans les sociétés africaines postcoloniales, l’héritage du discours colonial faisant du travail hors du foyer une spécificité masculine (Iman et al. 2004), il structure encore les représentations de la division sexuelle du travail. Toutefois, les transformations des itinéraires féminins pourraient renforcer le pouvoir des femmes au sein du couple et, peut-être, conduire les hommes à s’engager davantage dans le travail domestique. Cette hypothèse peut sembler naïve tant à l’échelle mondiale, les changements en la matière sont ténus, y compris dans des contextes où une grande majorité de femmes exerce une activité professionnelle (Pailhé 2015). Mais, à considérer que « les catégories de sexe ne sont pas des en-soi séparés, mais [qu’]elles se définissent dans et par leur relation » (Mathieu, 1971), nous avançons que si les femmes et les normes qui encadrent la féminité changent, alors nécessairement les hommes et les normes de masculinité sont amenés à se transformer.
2L’analyse des constructions des masculinités est restée jusque dans les années 1990 un angle mort de la recherche en sciences sociales en (et sur) l’Afrique. Depuis, les recherches se sont souvent focalisées sur des espaces majoritairement ou exclusivement masculins ou sur les « manifestations spectaculaires » de la masculinité (Broqua et Eboko 2009). Le numéro spécial des Cahiers d’études africaines consacré au masculin pluriel, paru en 2013, a mis au jour certaines « formes ordinaires de production et de reproduction du masculin » dans plusieurs sociétés africaines [1] (Broqua et Doquet 2013a). Nous prolongeons cette réflexion en appréhendant spécifiquement l’organisation domestique quotidienne des familles à Dakar et à Lomé. Nous nous focalisons sur le travail, en tant qu’instance fabriquant le genre (Delphy 1998 ; Clair 2012). Notre perspective repose sur une définition non limitée au travail salarié rémunéré, et prend comme points centraux le travail domestique et le care familial, domaines clés où se jouent les rapports de domination entre les sexes.
3L’intérêt de la comparaison de ces deux capitales tient à leur situation à la fois proche et contrastée. Des mutations sociales profondes, marquées par un allongement des scolarités féminines, une augmentation de l’âge du mariage et une baisse de la fécondité, traversent ces deux ensembles urbains. Se marier et avoir des enfants y demeurent des éléments structurants des identités féminines et masculines et constituent l’une des conditions d’accès à la majorité sociale (Gomez-Perez et Brossier 2016). Face à la crise économique et sociale des années 1980 qui a fragilisé l’emploi salarié des hommes, les femmes à Lomé, déjà très présentes dans le commerce [2], ont pris le relais tandis que les familles se sont progressivement nucléarisées. À Dakar, la crise a été « supportée par les aînés » (Antoine et al., 1995), avec pour conséquence l’augmentation de la taille moyenne des ménages qui atteint aujourd’hui 7,4 personnes (3,9 à Lomé). La crise économique au Togo s’est doublée d’une crise politique qui en a accentué les effets et ancré durablement le modèle du couple biactif.
4Au début des années 2000 déjà, les taux d’activité des femmes de 30 à 49 ans, en grande majorité mariées, étaient de 89,1 % contre 96 % pour les hommes (De Vreyer 2013). Dans la capitale sénégalaise, les taux d’activité féminins progressent lentement : estimés à 59,8 % en 2001, ils plafonnent à 62,6 % en 2015 [3]. À Dakar, le modèle du male breadwinner et de la dépendance économique des femmes vis-à-vis des hommes, également constitutif de la norme de l’Islam (Moya 2015) religion majoritaire au Sénégal, est érigé en valeur conjugale fondamentale (Nanitelamio, 1995), même si le mode de vie urbain et les aléas économiques le fragilisent. À Lomé, la « bonne mère » est capable de subvenir aux besoins de ses enfants aux côtés de son mari (Adjamagbo et al. 2006). L’indépendance financière des femmes est ancrée dans les normes sociales et la valeur accordée à leur travail rémunéré bien plus prononcée qu’au Sénégal. Cependant, cela n’implique pas une obligation pour elles de participer aux dépenses du foyer en principe, ni une gestion commune des revenus du ménage dans les couples.
5L’analyse prend appui sur le croisement d’enquêtes quantitatives et qualitatives menées dans les deux capitales (voir encadré). La première partie compare l’implication des hommes et des femmes dans les tâches domestiques et parentales et ce faisant, dégage les pratiques domestiques « normales » [4] des hommes. Apparaît alors la manière dont les hommes répondent aux « normes qui s’imposent à tous sous la forme d’injonctions comportementales et morales » (Rivoal 2017 : 154) soit au modèle dominant de masculinité, historiquement construit : celui du male breadwinner. La seconde partie focalise l’attention sur les hommes qui s’écartent des pratiques les plus courantes en étant investis dans les tâches les plus féminisées. L’analyse rompt ainsi avec la vision de la catégorie “hommes”, pensée de manière relativement homogène, comme une masse uniforme de dominants. La dernière partie met au jour les tensions entre ces pratiques du “privé” et leur visibilisation dans l’espace “public”. La mise en regard du qualitatif et du quantitatif donne à voir comment, s’opèrent et se révèlent les résistances masculines et les concessions féminines.
6Bien que limité dans cette perspective – nos objets et matériaux empiriques n’ayant pas été conçus spécifiquement pour étudier les masculinités – notre travail s’inscrit dans la démarche proposée par Connell (2014) : il rend compte d’un répertoire de masculinités disponibles (c’est-à-dire de masculinités qui, à un moment donné, dans un contexte donné sont incarnées par les individus [5]), mis au jour à travers d’une part, l’étude de « l’expression des masculinités en acte » (Vuattoux 2013) et d’autre part, la description des « routines de la vie quotidienne» [6] (le fonctionnement du domestique) qui découlent et produisent un ordre de genre spécifique [7].
L’enquête et le corpus de données
Ces données sont complétées par celles de récits de vie recueillis dans les deux capitales : une cinquantaine de femmes aux profils sociaux diversifiés (avec néanmoins de nombreuses cheffes d’entreprise, diplômées du supérieur) ainsi que dix de leurs maris à Lomé, et une trentaine de femmes ainsi que cinq de leurs maris à Dakar.
Des hommes mariés à distance du travail domestique
7Le travail domestique – pris ici au sens de travail ménager « destiné à la consommation immédiate du ménage, effectué gratuitement, dans le cadre social de la maison, pour quelqu’un d’autre, quand il pourrait être rémunéré ailleurs » (Delphy, 2003) – et le travail reproductif – désignant le travail domestique et le care familial, ici l’entretien des enfants – sont appréhendés à travers une liste de tâches auxquels les individus ont déclaré participer « régulièrement » [9] (encadré).
Qui partage et que partage-t-on ?
8En fonction des niveaux respectifs de participation des femmes et des hommes, trois types de tâches ont été distingués : les tâches “féminines”, prises en charge majoritairement par les femmes (repas, vaisselle, lessive, ménage dans les deux villes) ; les tâches “masculines”, davantage effectuées par les hommes que par les femmes (bricolage dans les deux capitales, repassage à Lomé, ravitaillement mensuel [10] à Dakar) ; les tâches “mixtes”, réalisées aussi bien par les hommes que les femmes (courses à Lomé).
9 Premier fait stylisé : le noyau dur du travail domestique, incluant des tâches chronophages, répétitives et fastidieuses (repas, vaisselle, lessive, ménage) apparaît, dans les deux capitales, à dominante féminine. Mais ce qui frappe surtout, c’est la très inégale prise en charge de ces tâches par les hommes dans les deux capitales. À Dakar, moins de 10 % des hommes s’y investissent. À Lomé, les taux sont plus élevés : ils vont de 20 % pour la vaisselle à 49 % pour le ménage. La nucléarisation des ménages préfigure les arrangements possibles entre les sexes : à Dakar, les hommes peuvent se tenir à l’écart du travail domestique parce que le ménage compte généralement plusieurs femmes – dont l’épouse, fréquemment au foyer – qui s’organisent entre elles ; une option moins accessible aux hommes à Lomé où les familles de taille réduite et les couples biactifs constituent la norme. La nucléarisation va de pair avec diverses formes de « privatisation de la vie conjugale » : à Lomé, les couples sont, par exemple, moins enclins à embaucher des domestiques à plein temps, car ils souhaitent, davantage qu’à Dakar (où la taille des ménages impose, avec ou sans service domestique, un fort contrôle social) se préserver du regard extérieur [11]. Ces stratégies de délégation différenciées dans les deux capitales se lisent aussi à travers la moindre implication des femmes dans le travail domestique à Dakar qu’à Lomé [12].
10 Le domaine où les hommes prennent davantage part au travail domestique renvoie dans les deux capitales à l’encadrement éducatif. Leur participation est cependant variable selon les tâches considérées et dans les deux capitales : à Lomé 29 % des hommes conduisent les enfants à l’école (20 % des hommes à Dakar) et 40 % surveillent les devoirs (21 % à Dakar). Ces activités d’extérieur, valorisées socialement, prolongent l’autorité et le devoir de protection qu’engage le rôle de chef de famille. Les soins corporels quotidiens (donner le bain, la douche) sont en revanche des tâches très féminisées, délaissées par les hommes, particulièrement à Dakar (8 % des hommes les effectuent régulièrement) et dans une moindre mesure à Lomé (27 %). Cette situation est assez comparable avec ce que l’on constate dans d’autres contextes, par exemple en France (Brugeilles et Sebille 2011 ; Champagne et al. 2015).
11 Les hommes gagnent à dire (et à déclarer dans les questionnaires) qu’ils participent, pour les enfants, pour ne pas perdre la face vis à vis de leur entourage, mais aussi de la chercheuse ou du chercheur. Les discours et pratiques des pères sur la paternité s’apparentent à une stratégie de défense face aux nouvelles prérogatives des femmes plutôt qu’à l’expression d’un “devoir” pour eux de s’impliquer davantage du fait du travail des femmes. Autrement dit, ils relèvent surtout de reconfigurations forcées d’identités masculines privées de leur terrain d’expression et de structuration habituelle (la prise en charge matérielle du groupe familial).
Décalages entre époux autour des dépenses et du travail reproductif
12 La faible implication des maris, visible statistiquement, est inversement proportionnée au niveau des responsabilités financières (et domestiques) assumées par leurs épouses, et dont témoignent particulièrement les deux portraits qui suivent.
Portrait de Koffi (60 ans) par sa femme Belinda (49 ans), restauratrice à Lomé
Koffi et Belinda se sont rencontrés en 2011, après le retour au Togo de Belinda, décidée à se consacrer à sa passion pour la cuisine à Lomé [13]. Elle tient un restaurant, fait des extras de cuisine, donne des cours et anime des émissions de télévision. Son mari, mécanicien à la retraite, voyant que sa femme gagnait de l’argent, a repris une activité et ouvert un garage à son compte. Aucun ne sait combien l’autre gagne exactement, le couple ne communique pas sur le sujet.
Lorsque Koffi fait des courses de viande ou de poisson, il tient, selon sa femme, à les faire seul en supermarché « pour cacher combien il a ». En dehors de ces achats ponctuels (pour « ce qu’il veut manger lui [mais pas forcément] pour ce dont les enfants ont besoin ») et du paiement de la facture d’électricité, Koffi ne prend rien en charge dans le ménage (mais la maison lui appartient). Il est également très peu impliqué dans les tâches ménagères (en dehors du repassage de ses propres vêtements). Belinda a embauché, à ses frais, une nourrice, étudiante, et un homme de maison chargé du ménage (employé ponctuellement). Lorsqu’elle travaille le week-end, son fils, lycéen, né de son premier mariage, s’occupe de la petite.
Portrait de Bara par sa femme Athié (33 ans), chargée d’accueil dans une banque à Dakar
Athié a trois jeunes enfants (7, 4 et 2 ans) et vit avec sa belle-famille depuis son mariage. Son époux, militaire « affecté en région » ne réside pas dans la maison en permanence. Athié, diplômée bac + 2 travaille du lundi au samedi midi dans une banque et assume tout le travail domestique de la maisonnée. Elle emploie à ses frais, deux domestiques (l’une s’occupe des enfants ; l’autre des repas du midi dans la semaine) et une lingère. Athié dit que « quand [elle] n’est pas au bureau, [elle] est dans la cuisine ». Elle prépare le petit-déjeuner tous les matins, les repas tous les soirs et cuisine tous les week-ends. Quand son mari est là, elle rentre le midi pour le servir et passer du temps avec lui. Elle fait le ménage et les courses, et prend régulièrement sur son salaire pour compléter la somme d’argent donnée par son mari. Elle a également meublé l’appartement dans lequel vit son mari en Casamance et où il a récemment installé une seconde épouse.
14Sans revenir en détail sur ces cas qui parlent d’eux-mêmes – Belinda et Athié contribuent toutes deux significativement aux dépenses du ménage et assument, matériellement et mentalement, toute l’organisation du travail domestique – il apparaît que l’activité économique des femmes reconfigure les modalités de la domination masculine sans l’éliminer : le maintien symbolique du modèle du male breadwinner masque des économies domestiques très inégales et si ces deux femmes, comme bien d’autres, ne dépendent pas économiquement du conjoint, elles payent, au propre comme au figuré, les conséquences de leur investissement professionnel.
15 Les discours éclairent les statistiques et en montrent les limites d’interprétation possible : la mixité des tâches ne signifie pas l’engagement dans le care familial, ni qu’hommes et femmes fassent strictement la même chose. Koffi repasse ses affaires, mais pas celles des autres (effectuée pour soi cette tâche ne peut être assimilée à du travail domestique : trouvant une compensation immédiate, elle n’est nullement gratuite). Et s’il fait des courses, c’est avant tout pour satisfaire ses besoins personnels.
16 Le travail des femmes n’a guère pour effet de créer une dynamique de solidarité de couple et contribue au contraire au repli des hommes sur leurs intérêts personnels. En ce sens l’individualisation des femmes à travers leur activité économique renforce l’individualisme masculin.
Des hommes alternatifs ?
17 L’absence de rééquilibrage du travail reproductif révèle le poids des assignations qui pèsent sur les femmes : elles ont la charge totale de la maisonnée sur le plan domestique et lorsqu’elles délèguent, elles doivent assumer le recrutement, la coordination et la prise en charge financière des personnels. Malgré tout, certains hommes s’investissent : qui sont-ils et quelles sont les situations favorisant ces pratiques “alternatives” ?
Profil des alternatifs
18 À Lomé, les hommes mariés les plus impliqués dans les tâches à dominante féminine (repas, vaisselle, lessive, ménage, soins quotidiens aux enfants) sont plutôt jeunes et de niveau secondaire ou supérieur ; ce qui pourrait laisser croire à la diffusion de modèles plus égalitaires dans certaines franges de la société. Cependant ces résultats sont à prendre avec distance : les écarts hommes/femmes se maintiennent tandis que la double journée des femmes est particulièrement conséquente (Herrera et Torelli 2013). À Dakar, il n’existe pas de profil type d’hommes investis. Le contexte, marqué par un fort contrôle social, renforcé par la vie en groupe élargi, serait moins propice à l’expression de masculinités alternatives. Par ailleurs, les milieux dans lesquels les hommes sont investis à Lomé sont, à Dakar précisément ceux dans lesquels on embauche du personnel domestique.
19Des changements s’opèrent néanmoins, à Dakar comme à Lomé, dans les couples présentant un faible écart d’âge entre conjoints, indicateur traduisant, dans les travaux démographiques, l’émergence de modèles conjugaux plus égalitaires (Hertrich 2017). Le travail rémunéré des femmes fait légèrement bouger les lignes. À Dakar, le fait que l’épouse travaille influence les pratiques des hommes alors un peu plus impliqués dans les tâches les plus féminisées. À Lomé, le poids de l’activité des femmes ne ressort pas clairement des analyses statistiques, son effet étant probablement masqué par le fait que près de 90 % des Loméennes mariées travaillent. Reste que, dans cette ville, où les femmes sont très présentes, et de longue date, sur le marché du travail, les hommes sont beaucoup plus enclins à s’investir qu’à Dakar. Les changements se seraient donc produits antérieurement à la période étudiée, avant la crise des années 1990 qui aurait fait naître « un modèle de couple plus solidaire » au Togo (Locoh 1996) ? Il nous semble que les écarts de participation entre anciennes et jeunes générations rendent davantage compte d’un effet de cycle de vie du couple – les “jeunes” couples sont relativement solidaires, mais à mesure que le “couple vieillit”, les enfants prennent le relais et les pères se désinvestissent du domestique (Kpadonou et al. 2016) – que d’un effet de génération.
Une participation qui reste de l’ordre de l’obligation
20 Un point important ressort des analyses dans les deux capitales : les hommes participent aux tâches domestiques quand ils y sont obligés. Les données sur les hommes seuls, divorcés, veufs ou célibataires, les montrent de fait plus impliqués. En couple marié, leur participation demeure très réduite ou ponctuelle. Comme l’illustrent les portraits de Massamba et d’Hervé à suivre, les hommes sont amenés à s’investir dans des configurations familiales spécifiques.
Hervé à Lomé : « Je peux aider si besoin »
Âgé de 40 ans, Hervé a épousé Kelly (34 ans) après 6 ans de relation commune, ils ont deux enfants de 5 et 4 ans. Électro-technicien, il est impliqué dans l’activité de son épouse productrice d’huile de ricin. Pour monter ce qu’il appelle « notre entreprise », il s’est endetté auprès de sa famille. Malgré tout, il déplore les absences trop nombreuses de sa femme à la maison : « Ce n’est pas parce que la femme travaille qu’elle doit trouver des échappatoires à ses devoirs ». Il lui est impensable de faire le marché ou la lessive et il considère que c’est à sa femme de cuisiner. Hervé se plaint que son épouse ne prenne pas le temps de le faire mieux dans la semaine, à la différence de sa mère, ménagère. Il est opposé à ce que « sa femme emploie quelqu’un », car il craint que la personne « envoûte ses enfants » (quoi qu’il en soit, les moyens financiers sont trop limités). Il voit son rôle domestique comme un appoint exceptionnel : « Je peux aider si besoin ».
Massamba à Dakar : « Je m’adapte à l’organisation de la famille »
Massamba, 52 ans, titulaire d’un master obtenu au Canada, est directeur technique d’une ONG. Il vit seul la semaine à Dakar et rentre chaque week-end « au village » où résident son épouse et ses enfants dans la maison familiale avec une sœur, une belle-sœur et leurs enfants. Massamba aurait « préféré vivre avec toute [sa] famille à Dakar, mais la vie est trop chère… [Il aurait] mis tout [son] salaire là-dedans ». En accord avec son épouse, ils ont décidé qu’elle resterait au village, afin d’économiser et de construire « une belle maison ». L’épouse gère un petit commerce de cosmétiques et c’est Massamba qui assume toutes les dépenses de la famille. À Dakar, il « gère les tâches domestiques » : « Si j’ai envie de manger, je cuisine ou bien j’achète au restaurant. Je lave les assiettes et les torchons, je fais le ménage… tout ça c’est moi qui le fais ». Au village en revanche : « il s’adapte à l’organisation de la famille » et « vaque à ses occupations ». Interrogé sur les rôles des femmes et des hommes, Massamba dit qu’il n’aurait vu aucun inconvénient à rester à la maison s’occuper des enfants et que sa femme soit l’unique pourvoyeuse de revenus. Son épouse n’ayant pas été scolarisée et étant donc privée des mêmes opportunités d’emploi, ces déclarations semblent purement rhétoriques.
22 La prise en charge du travail domestique par les hommes est sporadique, selon leurs goûts, leur bonne volonté, et très souvent liée à des circonstances exceptionnelles. Elle est pensée et actualisée dans une logique d’appoint.
Quid de la participation par conviction ?
23 Dans les enquêtes menées à Dakar et Lomé, les quelques hommes qui participent par conviction restent rares et se concentrent surtout à Lomé. Les profils des couples en question sont singuliers, marqués par une expérience à l’international de l’homme et de la femme [14], vécue séparément ou ensemble. Par ailleurs, ces hommes et femmes ont une carrière artistique ou intellectuelle. Hypergamie féminine et personnalités singulières constituent, dans le cas qui suit, les ingrédients de production d’un couple et d’un genre de masculinité particulièrement atypiques.
Yves, mari de Virginie, le cas le plus emblématique de la marge (Lomé)
Âgé de 45 ans, Yves, menuisier et peintre, se définit comme un « artiste ET un entrepreneur ». Son épouse de 43 ans est créatrice de bijoux. Chacun a son atelier, ils partagent une boutique d’exposition de leurs créations. Il est fréquent « qu’ils travaillent ensemble jusqu’à 3 h du matin lorsqu’il y a des commandes. » Yves se dit « compréhensif » par rapport aux exigences professionnelles de son épouse qui, de son côté, affirme qu’elle « aurait préféré être célibataire plutôt qu’avec un homme qui n’accepte pas son travail ». Virginie gagne plus d’argent et dépense davantage pour le foyer : elle paye l’école (privée internationale) de leur enfant ; l’alimentation quotidienne et est propriétaire de la maison. Yves n’a pas de problème à ce que sa femme gagne plus que lui.
Ils ont vécu 7 ans aux Pays-Bas après leur mariage, Virginie y était responsable marketing dans un grand groupe européen, après ses études en France. Ils ont aussi vécu en France plusieurs années avant de s’installer à Lomé. Pour Yves, réussir c’est « faire de sa passion une profession ». Il a arrêté ses études après le baccalauréat pour se consacrer à son art. Sa conception de la réussite centrée sur l’épanouissement personnel, fait écho à sa position vis-à-vis de la famille : elle n’a rien à dire sur sa manière de vivre. Son épouse, élancée et crâne rasé, a une allure très atypique et c’est son style « hors normes » (« elle parle franchement et dit ce qu’elle pense ») qui l’a particulièrement séduit.
Yves se sent « en décalage par rapport aux autres Togolais » sur le partage des tâches domestiques. Il fait régulièrement la cuisine, son épouse et lui font le ménage à tour de rôle et il prend sa part sans que sa femme n’ait à le lui demander. Il ne fait pas le marché (sa mère aime le faire et il serait gêné « au milieu de toutes ces femmes »), mais il range la chambre et fait le lit chaque matin. Le couple a une machine à laver et chacun repasse son linge. Virginie emmène leur fille à l’école juste à côté de son atelier, les devoirs sont assurés par l’un ou l’autre, sans distinction. Ils ont une employée de maison rémunérée qui fait le ménage (sol, poussière, vaisselle occasionnelle) et ne vit pas chez eux. Le recours ponctuel est moins ici une question de moyens qu’un choix visant à préserver l’intimité du couple. Le temps passé aux tâches domestiques est réparti équitablement.
Préserver l’honneur, éviter la honte et maintenir le secret
25L’implication des hommes dans les tâches domestiques, et celle des femmes dans les dépenses des ménages, sont des sujets sensibles qui touchent à des questions d’honneurs féminin et masculin. Et ce d’autant plus que la honte structure les interactions de la vie quotidienne dans les sociétés ouest-africaines (Ouattara 2018).
Mener l’enquête sur le travail domestique, dont celui des hommes
26D’un point de vue pratique, une enquête sur le travail domestique des femmes et des hommes dans ce contexte pose plusieurs défis. D’abord, ce n’est pas un sujet dont les acteurs parlent au sein des ménages. Le partage des tâches domestiques en Afrique de l’Ouest est souvent un « impensé » (Jacquemin et al. 2018) dans les couples mariés. N’étant ni l’objet de discussions ni celui de négociations entre époux, il ne donne que rarement lieu à conflits – l’externalisation d’une partie des tâches fonctionne, en ce sens, comme un « mode de pacification conjugale » [15] (Molinier, 2011) – sauf quand les maris font des reproches incessants à leurs femmes sur leurs absences ; ce qui a pu être observé à Lomé au sujet des cheffes d’entreprise du secteur formel (Vampo, 2018). Dans cette logique, on ne s’étonne pas que la position revendicative de certaines femmes n’apparaisse qu’en situation d’entretien. C’est le cas par exemple pour Belinda qui confie souhaiter que son mari s’implique :
Divorcé au moment de leur rencontre, elle pensait qu’il aurait une vision du couple différente des autres hommes. Elle est déçue qu’il ne s’occupe jamais de leur fille de 4 ans, ni ne participe aux tâches domestiques. Au quotidien, elle prépare les repas, mais son mari « peut courir s’il veut [qu’elle se lève] pour préparer à manger lorsqu’il rentre en pleine nuit après des sorties avec des copains ». Ses griefs ne sont pas exprimés directement à son mari et sa douce rébellion est très temporaire : lorsqu’elle s’absente, elle laisse des repas qui seront réchauffés au micro-ondes.
28 Athié, pour sa part, ne fait aucunement mention de telles revendications et accepte, avec résignation, la surcharge de travail qu’impose la présence ponctuelle de son époux alors même qu’elle peut la vivre comme une contrainte. De ce fait, il est délicat de passer par les femmes pour atteindre leur mari pour évoquer le quotidien domestique, car elles ne souhaitent pas que les hommes puissent verbaliser ce qu’ils considèrent comme une défaillance dans leurs rôles de mère ou d’épouse. La chercheuse ou le chercheur, qui a d’abord recueilli la parole des femmes, se faisait donc le complice d’un non-dit remis en cause par la requête de rencontrer les maris.
29 Par ailleurs, à Dakar comme à Lomé, les hommes ont été peu enclins à discourir sur ces questions, sujets de discussion légitimes ou “naturels” avec les femmes aux prises avec leur double journée de travail. Ce constat informe sur la division sexuelle du travail et les enjeux qui la structurent au sein des couples. Afin de faciliter la discussion, les maris étaient sollicités pour parler de leur parcours professionnel personnel et de leur vision de la réussite sociale. Le guide d’entretien prévoyait de les inviter à s’exprimer sur l’activité professionnelle de leurs épouses et sur l’organisation domestique, mais dans un second temps. Devoir utiliser la fierté masculine comme une ressource pour négocier la recherche est aussi révélateur des rapports de genre dans ces contextes sociaux : les hommes doivent être mis en avant pour leur rôle productif.
Faire face à l’esthétique de la norme
30Une fois obtenus les entretiens avec les femmes et les hommes, l’un des défis de la recherche est de confronter les réponses faites aux normes et attentes sociales. Moya (2015), évoquant « l’esthétique de la norme », montre qu’au Sénégal, la conformité du discours aux valeurs qui ordonnent les relations, ainsi que le respect de l’esthétique qui préserve ces valeurs, priment sur la conformité du discours au réel. Lors de nos enquêtes à Dakar et Lomé, les discussions étaient marquées par la volonté des acteurs de coller aux représentations genrées et à l’idéal, pour les hommes, d’une masculinité fantasmée d’un homme fort psychologiquement, autoritaire dans la famille, pourvoyeur de fonds et protecteur du ménage. Les échanges ne reflètent pas toujours les pratiques réelles des couples, ni des masculinités en acte, rappelant les décalages possibles entre une masculinité hégémonique fonctionnant comme un référent idéalisé, et la réalité des pratiques au quotidien.
31 Par ailleurs, l’honneur de chacun dépend en partie de l’image extérieure véhiculée de soi et du couple, et repose sur un contrat tacite entre époux visant à montrer au reste de la société qu’ils tiennent leur rang social et de genre ; cela y compris vis-à-vis de la chercheuse ou du chercheur. Dans ce cadre, il n’est pas exclu que les hommes aient sous-estimé leur participation au travail domestique, en particulier à Dakar où la sauvegarde des apparences revêt une importance de taille dans un système moral valorisant la discrétion et l’harmonie des relations (Moya 2015). Dans les deux capitales, les couples où l’homme contribue au travail domestique ne sont pris pour modèle ni par les hommes (la défaillance du rôle domestique des femmes est un déshonneur pour eux), ni par les femmes (qui s’accrochent à des prérogatives associées au féminin allant parfois contre un partage égalitaire des tâches). Ainsi, ce qui est tenu secret pour la recherche est aussi dissimulé à l’entourage, pour préserver les apparences, comme nous l’indique Athié :
Je gère tout dans la maison parce que mon mari n’est pas là. S’il y a quelque chose qui manque, ils font appel à moi et j’achète. Je gère aussi les réparations de la maison […] la famille pense que c’est lui qui me donne de l’argent, alors que non, mais je leur dis que c’est lui, juste pour sauver les apparences.
33 Les couples s’accordent pour maintenir l’illusion d’une séparation claire des rôles dans le couple. Hervé rapporte « qu’il couvre sa femme », pour la protéger des critiques. À l’évidence, maintenir l’honneur de sa femme participe aussi du maintien de son honneur d’homme. L’anecdote qu’il mobilise sur le portail de la maison que les enfants ont l’interdiction d’ouvrir seuls, afin d’éviter les visites inopinées, est parlante quant à la centralité du secret au sujet de l’économie domestique. Ce portail fermé, c’est celui qui dissimule l’intérieur de la maison au regard extérieur, mais c’est aussi celui qui est érigé devant la chercheuse.
34 La participation des hommes se fait le plus souvent dans le “secret” et ne doit pas être visible à l’extérieur : ce n’est donc aucunement une pratique admise socialement. Ce résultat complète des travaux sur les masculinités comme ceux de Bondaz (2013) sur les grins de rue au Mali ou de Aterianus-Owanga (2013) sur les rappeurs de Libreville au Gabon, qui insistent sur la fabrique et la mise en scène des masculinités dans l’espace public (par les réunions masculines autour du thé dans le premier cas, et l’exposition de la force sur la scène musicale dans le second). Notre analyse, rappelant l’importance de la sphère intime dans la formulation des identités sexuelles, montre qu’il peut exister un décalage entre les reconfigurations « dissimulées » des masculinités dans l’espace domestique et son extériorisation, faisant ainsi écho à l’idée d’une « révolution silencieuse » (Locoh 1996) qui serait lente et active dans la plus grande intimité des couples.
35Les recherches ont bien montré comment l’appauvrissement des hommes pouvait réduire leur position dominante à l’égard des femmes et les obligeait parfois à endosser des rôles, notamment professionnels, traditionnellement dévolus à l’autre sexe (Broqua et Doquet 2013). Ici, l’élément déterminant semble être le rapprochement des positions et des statuts économiques des conjoints. À Lomé, cela est perceptible dans les taux de participation des hommes aux tâches domestiques bien supérieurs à ceux observés à Dakar. Mais la charge de travail des femmes n’en a pas été amoindrie. À Dakar, le processus de modification des attributions genrées paraît plus incertain : l’investissement domestique des hommes est très faible et la redistribution des rôles freinée par les diverses formes de délégation du travail domestique. Toutefois, dans les deux villes, si la masculinité hégémonique reste très fortement rattachée au rôle productif, les hommes reconnaissent que le travail professionnel est devenu un élément constitutif de la féminité. Ils recherchent des femmes « capables » de gagner de l’argent, car les familles ne peuvent difficilement compter sur un seul salaire. Le modèle du male breadwinner se présente dès lors comme un mirage, un modèle hors d’atteinte pour un grand nombre. Même s’ils rappellent que le travail domestique est un devoir des femmes, les hommes peuvent être amenés à s’impliquer en particulier quand la délégation du travail domestique n’est pas possible. Leur participation reste cependant faible, ponctuelle et centrée sur certaines tâches très spécifiques.
36À Lomé, les couples jeunes, avec un faible écart d’âge, biactifs, semblent adhérer à ces repères sociaux qui circulent ailleurs au sein des classes moyennes (et supérieures) éduquées. Mais les hommes qui participent et ont une autre vision de la division sexuelle du travail restent de l’ordre de l’exception et il n’y a pas nécessairement, même dans ces couples atypiques, de mise en commun des budgets et des « destins » qui attesterait de nouvelles manières de penser le couple. Dans les deux capitales, il y a peu de matière pour penser que les changements dans les pratiques féminines donnent lieu à une réelle transformation des masculinités. L’amorce de changement est nuancée par le fait que l’obligation de participation prend le dessus sur la conviction pour la plupart des hommes, sauf dans des situations très marginales que l’on peine à trouver sur le terrain. L’investissement des pères pour les enfants s’inscrit par ailleurs dans une stratégie de compensation « dans la crise » face à l’amenuisement de leur rôle de pourvoyeur de fonds. Par ailleurs, le transfert fréquent du travail domestique sur d’autres femmes (dont une partie est invisible, car familiale et non payée) montre que le modèle féminin du care se maintient, à Dakar surtout, et à Lomé aussi.
37 Les reconfigurations à l’œuvre à Dakar et à Lomé ne résident finalement pas tant dans les transformations de la masculinité que dans les nouvelles modalités de la domination masculine : celle-ci passe moins par la séparation stricte des rôles que par la surmultiplication des responsabilités des femmes.
Notes
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[1]
Le numéro propose des articles sur la consommation du thé en groupe au Mali (Bondaz 2013), les pratiques ordinaires des hommes célibataires dans l’espace domestique en Tanzanie (de Blignières, 2013) ou encore les « batailles conjugales » au Mali (Broqua et Doquet 2013b).
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[2]
L’histoire sociale du Togo est marquée par une tradition commerciale féminine incarnée par les célèbres « Nana Benz » de Lomé, grandes revendeuses de pagnes dans toute l’Afrique de l’Ouest qui prospèrent dès le début du XXe siècle (Cordonnier 1982 ; Sylvanus 2006 ; Toulabor 2012).
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[3]
Selon les données de l’enquête Emploi pour les femmes de 30 à 49 ans. Les écarts avec les hommes sont aussi beaucoup plus marqués qu’à Lomé : à Dakar, les taux d’activité masculins étaient de 90,5 % en 2015.
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[4]
Normales au sens statistique du terme, c’est-à-dire conformes aux pratiques les plus courantes.
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[5]
Répertoire que nos analyses sont loin d’épuiser : les masculinités margi-nales, en particulier, s’incarneraient dans la situation des hommes adultes en situation de cadets sociaux, non prise en compte ici puisque l’on se focalise sur les hommes mariés.
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[6]
Pour Connell, la « prédominance [de la masculinité hégémonique peut être] moins imposée par la force qu’organiquement intégrée à la culture et aux routines de la vie quotidienne » (Gourarier, Rebucini et Vörös 2013 : 3).
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[7]
Bien que notre travail s’inscrive dans la démarche proposée par Connell – qui a armé une critique assez forte vis-à-vis de la théorie des rôles sociaux de Parsons, en raison de l’idée qu’elle sous-tend de complémentarité et d’égalité entre les rôles féminins et masculins, et de son corolaire, l’absence de prise en compte des rapports de pouvoir – nous employons, dans ce texte, le terme de « rôles ». Cela en considérant les rapports de pouvoir qui opèrent dans les contextes observés, c’est-à-dire avec l’idée que les rôles des femmes et les rôles des hommes sont différenciés mais aussi, et surtout, hiérarchisés. À l’image du contexte d'analyse de Connell, nous proposons alors une approche des masculinités qui combine étude des modèles normatifs (le modèle de masculinité valorisé, celui du male breadwinner) – ou dit autrement des rôles sociaux prescrits – et des pratiques (ce que les hommes font, les masculinités qu’ils incarnent effectivement).
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[8]
Programme FAGEAC (Familles, Genre et Activités) ANR-10-SUDS-005-01 mis en œuvre par l’IRD ; le Centre de Formation et de Recherche en matière de Population (CEFORP, Bénin), l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP, Burkina Faso) et l’Unité de Recherche en Démographie (URD, Togo) et coordonné par des chercheuses du LPED (IRD, Marseille).
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[9]
Notion dont l’entendement est laissé aux enquêté·es.
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[10]
Achat des produits de grande consommation (riz, huile, savon, sucre...) pour lesquels un stock est fait.
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[11]
À Dakar, le recours au service domestique est massif : 40 % des ménages enquêtés ont au moins un·e domestique (hébergé·e ou non et travaillant a minima 5 jours par semaine) et 85 % des ménages des catégories sociales supérieures. A Lomé, 26,4 % des ménages font appel à des services extérieurs pour les tâches ménagères. À Dakar, l’enquête révèle que 16 % de l’ensemble du personnel domestique sont des hommes. Mais ces derniers exercent des fonctions spécifiques comme celles de chauffeurs, de gardiens, de jardiniers et ont donc en charge des tâches différentes de celles confiées aux domestiques femmes. Cette répartition est un autre indicateur du fait que le travail domestique ne se masculinise pas. Si les entretiens montrent que ce sont les femmes qui organisent le travail des domestiques (comme en témoigne le portrait d’Athié plus loin), l’enquête quantitative ne permet pas de saisir la répartition de la charge mentale liée à l’emploi de domestiques au sein des couples.
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[12]
À Dakar 79 % des femmes mariées participent régulièrement à la préparation des repas (95 % à Lomé), 56 % à l’entretien du linge (89 % à Lomé) et 65 % au ménage (89 % à Lomé).
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[13]
Belinda a vécu et travaillé 20 ans en France pour des compagnies d’assurance, après l’obtention de son BTS en tourisme en Côte-d’Ivoire.
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[14]
Le passage par l’étranger ne donne pas toujours lieu à une répartition plus égalitaire. Toutefois l’expérience de la vie seul à l’étranger (ou éloigné des familles) pour l’homme et le contact possible de ce dernier, de la femme ou du couple, avec d’autres modèles de répartition du travail domestique a pu influencer leurs pratiques. Massamba sait faire à manger mais il ne le fait que lorsqu’il est seul.
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[15]
Ce mode de « pacification conjugale » s’inscrit dans un rapport inégalitaire.