CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1À l’école des Tilleuls, sise dans la périphérie d’une grande ville de province, l’appel à la Journée de retrait de l’école (JRE) du 24 janvier 2014, dont Farida Belghoul est l’initiatrice dans sa campagne contre le dispositif des ABCD de l’égalité [1], a eu une forte répercussion, manifestée par l’absence d’un tiers des élèves ce jour-là. Face à la diffusion des propos mensongers concernant l’éducation à la sexualité dans les écoles, une réunion publique, à la demande des parents et organisée par la directrice, permet rapidement l’expression des questions et prises de position des un∙e∙s et des autres, initiant une série d’échanges qui font l’objet de la présente analyse, dans le cadre d’une enquête plus vaste sur la circulation du pouvoir à l’école, soit l’étude de ses manifestations dans les interactions et les dispositifs, en lien avec les systèmes qui les organisent : les rapports sociaux de sexe, de classe, de race et d’âge. Cette articulation entre les éléments et les systèmes qui les englobent compose ce que Michel Foucault nomme la « microphysique » d’un pouvoir conçu comme « non pas comme une propriété mais comme une stratégie » (Foucault 1975, p. 34) dont il importe de repérer et comprendre les mécanismes fins.

2Suite à mon implication dans l’école en tant qu’intervenante de l’organisme local sollicité pour accompagner l’équipe éducative dans la conception d’un projet sur l’égalité entre les filles et les garçons en 2012 et 2013, je suis contactée par sa directrice lors de l’événement des JRE afin de participer à une rencontre qu’elle organise avec les parents. L’école des Tilleuls devient un terrain d’enquête à la faveur de cet événement ; à côté d’une présence diffuse depuis 2012 (dans les classes, réunions, fêtes), l’opportunité d’échanges informels avec ses acteurs et actrices pendant et après l’épisode de la JRE m’amène à les poursuivre dans un cadre plus construit : sont ainsi concernés par des entretiens de recherche un enseignant et trois enseignantes, la directrice de l’école, deux mères d’élèves qui n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école le 24 janvier, les médiatrices d’une association partenaire de l’école, l’inspecteur de la circonscription. L’objet des entretiens, réalisés trois mois plus tard, concerne la relecture de ce moment de conflit par mes interlocuteurs et interlocutrices. Conformément à l’approche ethnométhodologique adoptée, la collecte des données et leur analyse sont réalisées simultanément dans un processus d’aller-retour itératif entre observation, description et interprétation des faits pour en dégager progressivement les significations avec les acteurs et les actrices (Garfinkel 2007 [1990]) ; des documents émanant de l’institution ainsi que les notes du journal de terrain complètent le matériau.

3Cette enquête documente la réception de l’appel à la JRE et ses effets à l’échelle locale. Elle se propose d’en développer quelques-uns des enjeux : le déficit démocratique de l’institution scolaire dans sa difficulté à ouvrir un espace de controverse avec les parents ; le renforcement de l’hétéronormativité de l’institution scolaire par l’ambivalence de son discours ; la nécessité de considérer l’imbrication du genre avec les rapports sociaux de classe et de race comme condition préalable à la mise en place d’actions transformatrices dans l’espace scolaire. Car si cet appel s’inscrit bien dans la polémique plus globale de contestation des ABCD de l’égalité à l’école, sa réception et ses effets sont le signe d’une ‘mésentente’, c’est-à-dire l’émergence d’un litige initié par ceux que Jacques Rancière nomme les « sans-part ». Selon Rancière, le litige est l’espace proprement démocratique qui permet la subjectivation, qui « fait entendre un discours là où seul le bruit avait son lieu » (Rancière 1995, p. 53).

Contexte de l’enquête

4En raison de son implantation dans un « quartier prioritaire » (selon la nomenclature de la politique de la ville) et de la racialisation de l’espace urbain qui prévaut en France (Clerval 2014), l’école élémentaire des Tilleuls accueille, pour partie des élèves dont les familles ont connu un parcours migratoire récent, et pour partie des élèves dont les parents, malgré leur naissance sur le sol français, sont assignés au statut d’étranger ou d’immigré. Les mères d’élèves avec lesquelles j’ai été en contact sont des femmes descendantes d’immigrant∙e∙s d’Afrique du Nord qui portent le hijab et qui, au sein de la société française, sont particulièrement altérisées et discriminées : altérisées parce que leurs actions sont perçues et interprétées à l’aune d’un agir religieux essentialisé, qui efface la pluralité et les complexités identitaires de la population qualifiée de musulmane (Hajjat, Mohammed 2013) ; discriminées par rapport à l’emploi (Adida et al. 2010), par rapport au logement [2] et soumises, de plus en plus, au bannissement des espaces publics par le rejet de toute expression visible de l’islam (Hancock 2015). Ainsi, pour certaines d’entre elles qui ont travaillé auparavant dans d’autres secteurs, l’alternative a consisté à devenir assistante maternelle à domicile. Soulignons cependant que la racialisation du travail de service n’est pas apparue avec la loi de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux à l’école et ses avatars (Amiraux 2008), mais est contingente des politiques coloniales puis migratoires (Moujoud 2012). L’équipe éducative de cette école de dix classes est composée majoritairement de femmes blanches qui résident plus ou moins à proximité du quartier ; les relations entretenues entre l’école et son milieu sont globalement positives, les projets portés par l’école appréciés par les parents. C’est ainsi qu’en 2012, en amont d’un concours littéraire axé sur la déconstruction des stéréotypes sexués présents dans la littérature jeunesse et en dehors du dispositif des ABCD de l’égalité, la directrice sollicite un temps de formation pour l’équipe éducative sur les questions de genre et d’égalité ; j’en assure la réalisation dans le cadre de mon activité professionnelle. En parallèle, les intervenantes du Centre d’information sur les droits des femmes proposent des ateliers sur le même thème dans chacune des classes au cours de l’année scolaire. Ces ateliers introduisent une dynamique qui se poursuit par des projets initiés par les personnels enseignants (mise en évidence et questionnement des représentations stéréotypées dans le champ des jeux, des activités sportives, des métiers…).

5Une analyse réflexive des pratiques, à l’échelle de l’école, est ainsi engagée et personne ne songe à remettre en question son bien-fondé. Les expositions et photographies affichées dans les couloirs sont occasionnellement l’opportunité d’échanges avec les parents, majoritairement sur un mode d’adhésion aux actions réalisées, mais quelquefois aussi, par l’expression d’inquiétudes quant au risque de stigmatisation des enfants adoptant des comportements non conformes aux normes de genre. C’est dans ce contexte qu’éclate la polémique déclenchée par l’appel aux Journées de retrait de l’école en janvier 2014 dont je retrace rapidement la genèse.

ABCD de l’égalité : une modeste ambition mais une forte contestation

6Le dispositif national des ABCD prend place à la rentrée scolaire 2013. Cette politique volontariste s’inscrit dans le cadre de la Convention interministérielle sur l’égalité entre les femmes et les hommes qu’un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale [3] estime insuffisamment mise en œuvre ; sous la pression conjointe de la ministre des Droits des femmes, de syndicats et d’associations féministes, une expérimentation est mise en place dans six cents écoles élémentaires. Elle consiste à mener en classe des séquences de sensibilisation aux stéréotypes sexués présents dans l’environnement des enfants pour développer leur esprit critique et questionner leurs représentations.

7Cependant, dans la foulée du vote de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe en mai 2013, les opposants de la ‘La manif pour tous’ annoncent leur intention de contrer « la diffusion subreptice de la fameuse théorie du genre à l’école » [4]. Depuis 1995, la rhétorique autour de la ‘théorie du genre’ s’est imposée comme référence dans le débat public et les médias (Fassin 2008). Dans la guerre des mots, car « la parole c’est la guerre » (Favret-Saada 1977, p. 25), cette manche a été gagnée par les conservateurs qui sont parvenus à imposer leur terminologie. À tel point qu’à l’automne 2013, le ministère de l’Éducation nationale expurge de ses documents officiels le mot ‘genre’ et censure des ouvrages et documents prêts à sortir [5]. C’est donc dans ce climat explosif (selon les dires du ministère) que l’appel aux Journées de retrait de l’école est lancé par un assemblage de groupes disparates [6] dont Farida Belghoul [7] est la représentante :

8

ATTENTION le 25 janvier 2014 Journée de retrait de nos enfants de l’École. Le choix est simple soit on accepte la « théorie du genre » (ils vont enseigner à nos enfants qu’ils ne naissent pas fille ou garçon, mais qu’ils choisissent de le devenir !!! Sans parler de l’éducation sexuelle prévue en maternelle à la rentrée 2014 avec démonstration, projet masturbation pour tous…), soit on défend l’avenir de nos enfants. Nos enfants n’iront pas à l’école ce vendredi ! Simplement marquer sur le carnet : « Mon fils / ma fille n’est pas venue à l’école pour participer à la campagne pour l’interdiction de la théorie du genre dans les établissements scolaires. »
(Le Monde, 29/01/2014)

9Les modalités de diffusion de ce message sont particulièrement percutantes : il circule sur les réseaux sociaux et des SMS sont envoyés, via des listes de parents d’élèves et des listes de membres de communautés religieuses, auxquelles ont eu accès les auteur∙e∙s des messages. Ces SMS laissent entendre que des activités inhabituelles vont se produire à l’école : on va obliger vos garçons à s’habiller en filles, des homosexuels viendront en classe montrer comment on fait l’amour, on montrera des sexes aux enfants de l’école maternelle… Ils renvoient par ailleurs vers des sites et documents divers pratiquant un amalgame entre le vrai et le faux, de nature à semer confusion et suspicion. Pour qui n’est pas au fait des menées du mouvement de la ‘manif pour tous’, il est alors difficile de comprendre ce qui se joue : « Ce qui a fait peur, c’est que ça avait l’air sérieux ; ces gens-là, ils ont trouvé des choses, ils ont travaillé sur le sujet, ils ont montré des documents de l’Organisation mondiale de la santé », dira une des mères rencontrée ultérieurement. Par ailleurs il y a eu, dans cet établissement, un malentendu concernant l’objet des échanges : le jour même de sa réception, les destinataires du message ont interrogé l’école au sujet d’une probable action à venir, mais les enseignant∙e∙s ont interprété ces questions comme étant reliées à l’action déjà en cours et se sont senti agressé∙e∙s. Ce phénomène de distorsion de la communication a contribué à générer un sentiment de suspicion :

10

L’Éducation nationale ne nous a prévenus de rien du tout… les maîtres et les maîtresses, c’est comme s’ils avaient quelque chose à cacher…
(Mère d’élève, journal de terrain)

11Le vocabulaire mobilisé par les mères d’élèves pour restituer ces premiers temps d’échanges relève du champ sémantique de la peur : « affolant, peur, en doute, paniqué » ; de celui de la surprise pour les personnels enseignants : « coup de tonnerre, incroyable, rien compris, pris de court, hallucinant ». Cependant, pour comprendre pourquoi cet appel a produit des effets, il convient d’explorer d’autres pistes que celle du problème de communication même si, comme le formule une mère après coup : « C’était trop mal fait la communication avec l’école et trop bien fait les rumeurs. »

La mésentente

12Si le malentendu signe bien l’acte I de cette histoire, il y a ensuite, dans l’acte II, mésentente, soit la manifestation d’un litige qui s’est traduit tout d’abord par un sentiment de rupture du lien de confiance, pour toutes les parties en présence. Du côté des enseignant∙e∙s la tonalité majeure est celle de la déception :

13

Ça a été une véritable claque dans la figure des enseignants, magistrale… Mais comment des gens qu’on connaît et qui nous connaissent, qu’on voit tous les jours, peuvent imaginer qu’on va apprendre aux enfants à se masturber, qu’il va y avoir des homosexuels qui vont défiler à l’école toute la journée… ils ont été sacrément déçus, c’est le mot.
(Delphine, directrice)

14Du côté des mères, une fois reconnue l’opération de propagande, c’est plutôt l’amertume qui domine à la relecture de la situation :

15

Le pire c’est qu’on a demandé des explications avant, on a cherché des infos [à l’école] et on n’en a pas trouvées… Après ils ont réussi à nous mettre dans le même sac que ceux qui ont fait les rumeurs. On s’est senti mal jugées alors qu’on a agi au mieux de l’intérêt de nos enfants. Ça nous a blessées… En tant que maman, on s’est senti trahies.
(Samira, mère d’élève)

16On comprend comment chacune des protagonistes voit remise en cause sa capacité à agir dans l’intérêt des enfants, cependant s’il s’agit d’une remise en cause de leur professionnalité pour les enseignant∙e∙s, pour les mères d’autres enjeux se manifestent. L’écho médiatique de la JRE déplace rapidement le cadre d’analyse :

17

En gros, c’est plus la machine Éducation nationale qui les inquiétait que nous.
(Manon, enseignante)

18La dimension politique se dessine :

19

Il y a un truc qui m’est resté : à chaque fois qu’on a posé des questions, on nous a dit « arrêtez de suivre comme des moutons ! » Il y avait un cafouillage, un mélange. On n’est pas dupes, il y avait les élections municipales mais ce n’est pas cette affaire qui influence les gens, ils mélangent tout. Si on donne notre avis, on n’a pas l’impression qu’on l’écoute… c’est comme si, quand on est voilée, on ne peut pas parler. Ce n’est pas parce que je suis voilée que je ne peux pas être au courant.
(Zakia, mère d’élève)

20Suite à la diffusion des messages, Zakia relate comment elle a cherché à en savoir davantage en allant consulter des sites et des fils d’info. C’est sa capacité d’analyse critique, sa capacité à penser qu’elle voit mise en doute et elle en infère, comme facteur explicatif, la réaction que provoque son foulard. Son analyse est pertinente quand on la met en regard des propos des membres de l’institution scolaire qui évoquent un « choc des cultures » (journal de terrain) pour donner sens à la réaction des parents ; cette rhétorique du ‘choc’ renvoie à la théorie fortement décriée du « choc des civilisations » qui continue à fonctionner comme grille de lecture malgré son désaveu scientifique (Crépon 2002 ; Courbage, Todd 2007), ce qui a pour effet d’invisibiliser le litige en discréditant la parole de ces mères :

21

Vous avez des valeurs humanistes qui viennent impacter directement des valeurs culturelles, on peut dire culturelles entre guillemets… et ça, ça ne date pas d’aujourd’hui, ça se… comment dirais-je ? ça s’agrège plus aujourd’hui, ça s’enkyste plus mais bon, pour enseigner dans les quartiers depuis trente ans, il y a toujours eu un point de dissension là-dessus.
(Claude, inspecteur Éducation nationale)

22L’inspecteur, dans l’opposition qu’il crée entre les « valeurs humanistes » attribuées à l’école, et les valeurs « culturelles » des « quartiers », établit la frontière entre « eux » dont la culture est particulière, et « nous » dont l’humanisme est universel, à partir des rapports sociaux de sexe et de sexualité, objets de la dissension. C’est une opposition « enkystée » dans une différence naturalisée :

23

C’est aussi le choc des cultures, ils ont un rapport au corps qui est complètement différent du nôtre.
(Ariane, enseignante)

24Cette analyse empêche d’entendre la demande formulée par les mères à un double niveau, celle de l’inquiétude suscitée par les messages mensongers, mais aussi une question concernant la part respective de l’école et des parents dans l’éducation à la sexualité :

25

Ils éduquent nos enfants à apprendre à vivre ensemble, le respect entre les filles et les garçons, qu’on peut faire tous les métiers, ça, ça me convient ; pour ça on est pour, mais là où ça va plus loin, quand ça rentre dans l’intimité, est ce qu’ils doivent le faire ? Est-ce que ce n’est pas notre éducation qui doit le faire ?
(Samira)

26Pour entendre cette question et lui accorder une légitimité, encore faut-il écouter :

27

De toutes façons on est voilées, donc il n’y a personne pour nous écouter, donc c’est ça qui m’a mise en colère.
(Zakia)

28Dans cet enchaînement causal, l’enjeu est l’accès à la parole des minoritaires, ici celle des femmes musulmanes en France. La structure de la phrase montre comment l’origine de la colère se trouve dans une assignation à parler dans le vide, produite par le signe du foulard, dans la mesure où la possibilité de parole est grevée d’un déni d’appartenance à la communauté politique si, pour reprendre les termes de Rancière (1995, p. 53), elle est définie par « la supposition de l’égalité de n’importe quel être parlant avec n’importe quel autre être parlant ».

29La prise de position de ces mères s’appuie sur la conviction que la sexualité est de l’ordre de l’intimité et, par conséquent, d’une prérogative éducative des parents dont elles n’entendent pas se démettre. À cela s’ajoute une autre dimension :

30

On nous a dit que si on n’est pas d’accord on n’a qu’à mettre nos enfants à l’école privée ; mais nous on ne veut pas ça, on ne veut pas fuir, on veut que ça change ici pour que nos enfants grandissent dans un monde égal, parce que ça devient un monde de plus en plus dur.
(Samira)

31C’est donc, pour ces mères, de la revendication d’une égale citoyenneté qu’il s’agit ; le geste posé par la décision de ne pas envoyer leurs enfants à l’école à l’occasion de la JRE se doit d’être perçu comme un geste politique. C’est un acte public qui exprime une prise de position à l’encontre de l’institution scolaire dépassant la dimension individuelle :

32

J’étais déçue des réactions des autres parents ; ils disaient que ce n’était pas la peine de réagir, que de toutes façons, on ne peut rien dire.

33Malgré le faible soutien collectif, la décision est prise :

34

C’était comme un déchirement, comme si nous, on prenait les enfants en otages… mais on se demandait, si on ne fait rien, est-ce que ça peut être grave pour nos enfants ? C’est quelque chose qu’on a fait à contrecœur. C’était très difficile de dire aux enfants pourquoi ils n’allaient pas à l’école ce jour-là, on a pleuré ce jour-là.
(Zakia)

35En relisant a posteriori leur geste, elles réfléchissent sur la distance qui existe entre elles et les générations précédentes au regard de leur positionnement face à l’école :

36

Pour nos parents, l’école c’était toujours la vérité, il ne fallait rien dire, c’était la génération des parents qui ne posaient pas de questions, donc ils n’auraient jamais fait ce qu’on a fait.

37En évoquant son lien de filiation, Zakia évoque deux aspects qui ont participé à sa prise de position, soit son statut de descendante d’immigrant∙e∙s qui considéraient l’institution scolaire avec révérence, mais aussi l’écart qui la sépare de cette génération. Ce serait donc à partir d’un sentiment de légitimité, et non pas par le désaveu de l’école républicaine, qu’elle s’autorise une posture critique, comme le soutiennent Marie Lejeune et Simona Tersigni (2005) dans leurs études sur l’école comme espace de revendications et d’agencements multiples entre le religieux et la laïcité. Zakia comme Samira et d’autres mères que j’ai rencontrées, assument leur décision tout en reconnaissant avoir été l’objet de désinformation ; d’avoir agi finalement « à tort mais avec raison », car ce litige a été pour elles l’occasion de manifester leur agentivité dans l’espace scolaire, de rejoindre l’association des parents d’élèves et d’exprimer leur volonté de voir les parents davantage associés aux projets et à la vie de l’école :

38

C’est vraiment important qu’on nous réponde, on veut une communication.
(Zakia)

Le recul et l’ambivalence du discours institutionnel

39Comment l’école a-t-elle entendu les questions qui lui sont adressées ? Sa réponse se doit d’être lue à deux niveaux d’analyse : le premier concerne l’établissement dans son inscription immédiate et locale, le deuxième concerne la position adoptée par l’institution en ses instances académiques et ministérielles.

40La réponse institutionnelle a d’abord pris la forme d’un rappel à l’ordre concernant l’obligation de présence scolaire par l’injonction ministérielle faite aux directions d’école de « convoquer » les parents concernés, soit un évitement du dissensus par l’affirmation d’un pouvoir disciplinaire. Cependant localement, la directrice, à la demande des parents et de l’équipe enseignante, prend l’initiative d’organiser une réunion le 6 février pour permettre un échange sur l’événement. Elle y convie aussi l’adjointe au maire en charge des questions d’égalité et de genre ainsi que les intervenantes de deux associations partenaires : celle qui assure la médiation interculturelle et celle qui a animé le projet « égalité entre les filles et les garçons » lors des années précédentes. Ce mode d’organisation de la réunion bouleverse l’ordre statutaire habituel de l’école puisque ce sont les intervenantes associatives ainsi que l’élue municipale qui sont sollicitées pour l’animer, la directrice assurant l’accueil et intervenant pour rendre compte du projet de l’école. L’inspecteur, quant à lui, se présente sans s’annoncer. Si l’urgence permet d’expliquer en partie le recours à des partenaires extérieurs de l’école pour tenter de résoudre la situation de crise, j’émets cependant l’hypothèse que cela témoigne également des difficultés de l’institution à s’emparer des questions relatives à la sexualité. En cette occasion, les acteurs et actrices de l’école ont implicitement délégué aux partenaires la tâche d’aborder le thème de l’éducation à la sexualité, celui de l’homophobie ainsi que les enjeux de pouvoir autour de la JRE, thèmes qui constituent la trame de la réunion mais qui, par ce biais, se trouvent positionnés comme des objets extérieurs à l’institution scolaire. Le déroulement et le résultat de cette réunion le confirment. Les interventions des parents présents (41 mères et 2 pères) s’organisent autour d’une question centrale : est-ce que l’école va enseigner à nos enfants qu’il est normal d’être homosexuel ? Certains ouvrages de littérature jeunesse, dont les médias ont parlé depuis les débuts de la polémique sur les ABCD de l’égalité [8], sont perçus par les parents comme « anti-naturels », en particulier l’ouvrage Papa porte une robe (Barsony 2004) [9]. Face à cette question, les intervenantes et l’inspecteur apportent deux types de réponse bien différents. Loin de saisir la perche tendue pour remettre en question la naturalisation du genre (Guillaumin 2002 [1972]), l’inspecteur affirme qu’il n’est pas du rôle de l’école de parler d’homosexualité désavouant, ce faisant, le travail mené dans l’école depuis deux ans. Ce discours dissonant conduit les intervenantes des associations et l’élue municipale à faire valoir la démarche engagée à l’école des Tilleuls contre le sexisme et l’homophobie dans le cadre plus large de la lutte contre les discriminations. Le principe de l’égalité entre les filles et les garçons fait consensus parmi les personnes participant à la réunion dès lors qu’il s’agit d’orientation scolaire et de parcours professionnels. Les points majeurs du litige sont celui de l’éducation à la sexualité à l’école primaire et celui de la position de l’institution scolaire concernant le statut accordé à l’homosexualité. Sur le premier point, l’inspecteur rappelle que la reproduction humaine figure au programme du CM2 englobant par métonymie la sexualité dans l’hétérosexualité reproductive ; de son silence sur le deuxième point, il est possible a minima d’inférer l’attribution d’un statut illégitime à l’homosexualité. Alors que les possibilités d’une confrontation dialogique ont été élaborées conjointement par la directrice, les parents et les intervenantes extérieures, le poids de la parole institutionnelle portée par l’inspecteur, non seulement oblitère l’espace dans lequel le dissensus aurait pu se dire, mais encore délégitime, en raison de sa prééminence hiérarchique, la réplique en contrepoint des intervenantes ainsi que celle de la directrice :

41

Ce n’était pas clair cette réunion du côté de l’institution. Le discours de l’inspecteur c’était de l’ordre : « Ne vous inquiétez pas, rien ne va changer », alors que nous c’est ce qu’on essaie, de faire changer les choses. J’ai eu l’impression qu’on n’est pas soutenu par notre institution.
(Delphine)

42La dénégation apportée par les propos de l’inspecteur met un frein à ce qui aurait pu être l’occasion d’un dissensus, soit comme le définit Rancière, une expérience de la démocratie qui aurait (peut-être) provoqué une ouverture dialogique « en bouleversant la carte de ce qui est donné, de ce qui est pensable et donc de ce qui est imaginable » (2007, sp). Or, plutôt que de laisser se dire les interprétations et les questions, plutôt que de laisser apparaître une « faille » [10], la posture de l’inspecteur a eu pour résultat la clôture de l’espace de médiation que le litige avait ouvert :

43

Il fallait leur expliquer la seule chose avérée… c’est-à-dire que l’école applique des programmes et qu’en dehors de l’application des programmes, il n’y a rien d’autre. Et c’est donc en se référant aux programmes qu’on peut leur montrer quels sont les contenus enseignés à l’école et donc cette théorie, cette pseudo-théorie du genre, elle n’avait aucun droit de cité dans les programmes.
(Claude)

44Le rejet de ce qui est nommé ici « pseudo-théorie du genre » s’inscrit dans la lignée de nombreuses prises de position ministérielles auxquelles de multiples contrepoints ont été apportés par les chercheur∙e∙s au long des années 2013 et 2014 [11]. C’est bien du maintien du rapport social de sexe, fondé sur l’évidence d’une complémentarité naturalisée, dont il est question dans cette intervention du ministre de l’Éducation nationale :

45

Jamais aucun professeur n’a pu imaginer de nier les différences, alors qu’il enseigne précisément le respect des différences et de cette différence fondamentale filles-garçons […].
(Vincent Peillon, Le Monde, 31/01/2014)

46L’écho de la parole ministérielle lors de la réunion à l’école des Tilleuls aura permis de réaffirmer, du côté de l’institution de l’Éducation nationale, le primat de l’hétérosexualité comme point d’articulation de la différence des sexes. Cette position reflète, en miroir, les convictions de la majorité des parents présents pour qui le principe de l’égalité des sexes s’inscrit dans leur complémentarité. Tout comme elle est conforme à celle énoncée dans le rapport d’évaluation sur les ABCD de l’égalité publié par l’Inspection générale de l’Éducation nationale en juin 2014 [12] : le référentiel de l’égalité est celui des droits fondé sur le constat préalable d’une différence des sexes qui ne prête pas à discussion. Bien au contraire, le ton défensif adopté entend bien soutenir le rapport de sexe :

47

Il ne s’agit pas d’inverser les rôles filles - garçons, ni de gommer les différences garçons - filles.
(Rapport IGEN, 2014, p. 10)

48Nous l’avons vu à l’école des Tilleuls, mais cela concerne aussi le champ médiatique et politique à l’échelle nationale, l’enjeu principal de la polémique sur les ABCD de l’égalité est la déstabilisation possible du genre et de l’hétéronormativité comme opérateur de la différence et de la division des sexes ; cependant, dans ce rapport, il n’est jamais fait mention du genre, sauf pour signaler que son emploi est une erreur en termes de stratégie de communication. De plus, il analyse la polémique qui a suivi l’expérimentation sans qu’on n’y trouve aucune occurrence concernant l’homosexualité ou l’homophobie. Cette extrême discrétion rend le silence assourdissant et relève vraisemblablement d’une dynamique préétablie :

49

Il n’y a pas un, mais des silences et ils font partie intégrante des stratégies qui sous-tendent et traversent les discours.
(Foucault 2005 [1976], p. 39)

50Parvenu sur le terrain, un tel message est clairement perçu par les enseignant∙e∙s qui le retraduisent ainsi :

51

Comment travailler sur l’égalité entre les filles et les garçons sans être obligé d’aborder l’homosexualité ?
(Journal de terrain 2014)

52Cette volonté de dissociation s’accompagne d’un second cloisonnement : « L’égalité entre les filles et les garçons, ça n’a rien à voir avec la sexualité » (journal de terrain 2014) affirme, lors d’une réunion institutionnelle, le responsable académique en charge de l’éducation à la sexualité. Par son ambivalence au plus haut niveau, l’institution a neutralisé les possibilités d’action transformatrice, comme le concluait Natacha Chetcuti dans son analyse de la polémique :

53

En effet, non seulement elles (les politiques) contournent la force de la théorisation des rapports sociaux de sexe, mais aussi elles adhèrent toujours au mythe de la différence des sexes comme fondement principal du contrat social républicain.
(Chetcuti 2014, p. 251)

54Quatre mois après, à l’échelle de l’école des Tilleuls, le résultat visible a été de clore toute possibilité de parole sur le sujet, que cela s’exprime sous la forme :

55

  • – du rejet : « On commence à en avoir assez de l’égalité garçons-filles » (Étienne, enseignant)
  • – de l’occultation : « On n’a pas l’habitude d’inviter les parents pour débattre de tel ou tel sujet, alors je préfère ne pas créer une occasion spéciale pour pas qu’on se dise ‘il y a anguille sous roche, on nous cache quelque chose, tout d’un coup ils nous proposent de venir…’ » (Delphine)
  • – du tabou : « On voit encore comment le sujet est sensible, par rapport à ce qu’on a vécu, on ne peut pas l’aborder, on ne peut même pas en parler. » (Samira)
  • – de la dénégation : « On a courbé l’échine et on a continué exactement comme on a toujours fait […] bon on continue de travailler là-dessus mais on n’en fait pas un épiphénomène, on en fait une valeur à enseigner, je ne crois pas que ce soit très utile d’en faire un objet spécifique de réflexion. » (Claude)

Contre-espace public et conflit dialogique

56Le litige ayant tout de même fait émerger une parole relative au traitement par l’école des questions d’égalité et de sexualité, en l’absence d’un espace formalisé, un autre canal s’entrouvre pour accueillir l’expression du dissensus. C’est en l’occurrence l’association de médiation interculturelle qui s’en préoccupe et tente, avec le soutien de la municipalité, d’alimenter le débat public plutôt que de l’esquiver. Il faut souligner ici le travail réalisé dès les premiers instants de cet événement par cette organisation œuvrant aux marges de l’école. Elle a immédiatement fait connaître publiquement et largement sa réaction [13] à l’appel à la JRE dont elle a exposé le caractère mensonger ; elle a répondu à de nombreuses sollicitations de familles dans le cadre de demandes de médiation avec les établissements scolaires ou dans le cadre plus général de permanences concernant l’accès aux droits, prenant en considération l’expression de leurs inquiétudes et positionnements pour rendre possible un conflit dialogique. Ce faisant, l’action de l’association acquiert au regard de la praxis de la citoyenneté et face à la légitimité institutionnelle, une légitimité processuelle : la reconnaissance de manières de faire qui rendent effectif l’exercice de la confrontation dialogique, condition première de la démocratie toujours en devenir (Mouffe 2003). Son analyse a posteriori de l’événement fait apparaître davantage sa complexité par le double front qui la mobilise :

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Maintenant il y a un positionnement qui a changé, les familles interrogent plus, elles essaient de participer davantage, mais il y a deux choses à voir, il y a celles qui sont plus actives, qui se sont dit il faut aussi que j’entre dans l’école, que j’apporte mon grain à moudre, mais d’autres familles tu te rends compte qu’elles sont instrumentalisées par d’autres groupes, qu’elles sont complétement manipulées, et là tu vois cette face cachée, l’ampleur que ça prend dans certains secteurs géographiques… du coup ça renforce le clivage entre la culture d’origine et la culture d’accueil autour des questions liées à la sexualité et à l’homosexualité.
(Nevin, médiatrice)

58Cependant, bien plus qu’être une simple interface de communication ou d’information, l’association s’inscrit pragmatiquement dans une perspective d’intervention intersectionnelle. Cela se traduit par le développement d’actions sur les axes de la citoyenneté et de la lutte contre le sexisme et le racisme, qui tiennent compte de la complexité des stratégies mises en œuvre par leur public, dans la dialectique des identifications et des assignations liées à la migration et à la racisation (Streiff-Fénart 2006). Ses intervenantes font valoir un effet paradoxal de la JRE :

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Cet événement, ça a été l’occasion de mettre en exergue plein de sujets très sensibles dont on ne parle pas la plupart du temps ou même qu’on nie, et du coup ça a obligé les familles aussi à se positionner, à regarder ce qu’on met sous le tapis d’habitude.
(Nevin et Sylvie, médiatrices)

60Sous-estimé par les politiques publiques, c’est néanmoins dans cet espace que s’ouvre la parole sur les sexualités et l’éducation, le constituant en contre-espace public ou y générant un « contre-public », selon la formulation de Nancy Fraser, soit « une zone, délimitée spatialement ou institutionnellement, où peut se produire la délibération. Il offre à ses membres des conditions d’énonciation spécifiques, c’est-à-dire une façon particulière de filtrer et modifier les énoncés qu’on y produit ». (Fraser 2005, p. 130)

61Dans ces espaces, ainsi qu’ultérieurement à l’école à l’occasion du cours sur l’(hétéro) sexualité en CM2, la controverse a lieu (Magar-Braeuner 2017). Elle porte sur un conflit de normes (l’âge adéquat, les supports adéquats pour le cours), un conflit de valeurs (le statut de la sexualité et ses significations), un conflit de rôles (les responsabilités éducatives respectives de l’école et des parents). Cette question du partage des rôles éducatifs (Delay 2011 ; Pasquier 2016) ne peut s’appréhender sans prendre en compte les enjeux spécifiques de transmission qui sont attachés à la position des femmes musulmanes racisées dans le contexte postcolonial français. Au-delà de la dynamique psychique des transmissions intergénérationnelles en constant réajustement dans les parcours migratoires (Moro 2003), les travaux de Nacira Guénif-Souilamas (2005a) montrent comment les descendantes d’immigrant∙e∙s d’Afrique du Nord se trouvent être au cœur du « combat douteux » que se livrent les « entrepreneurs de morale », tant minoritaires que majoritaires, pour la conformation aux normes de genre. La sexualité, au cœur de l’imbrication des rapports sociaux de sexe et de race (Dorlin 2006) est le site principal de l’injonction paradoxale à composer avec « l’émancipation, preuve de l’intégration sociale et la fidélité coutumière, preuve de l’intégration familiale » (Guénif-Souilamas 2005b, p. 151). L’école, par son initiative si modeste et peu consistante soit-elle, d’interrogation du rapport social de sexe, adopte le projet féministe de politisation du privé et suscite en cela la réaction des mères pour qui les questions de pudeur, d’intimité, d’expression et de contrôle de la sexualité, fortement chargées symboliquement et investies émotionnellement, sont l’objet de reconfigurations inédites. Par ailleurs dans un contexte minoritaire, le Black feminism l’a démontré comme les travaux de Christelle Hamel (2003), Salima Amari (2012) ou Urmila Goel (2015) dans l’espace européen plus récemment, les normes de genre et de sexualité peuvent être investies comme de puissants marqueurs de loyauté à l’égard du groupe familial et ses liens d’appartenance, sources de ressources aussi bien économiques qu’affectives et symboliques. Ainsi, derrière la controverse concernant l’enseignement sur la sexualité à l’école, c’est d’identités et de négociations de place dans un double système d’assignation dont il est question mais aussi de pratiques qui, loin d’être figées dans un immuable de la tradition, sont objets de constante recomposition et resignification.

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* *
*

63De cet épisode de la vie à l’école des Tilleuls, il y a lieu de retenir que les normes de genre et de sexualité, un instant questionnées par l’introduction d’une réflexion sur les pratiques des élèves mais aussi sur celles du corps enseignant, se sont vues réaffirmées par le recul et l’ambivalence du discours institutionnel en réponse au conflit déclenché lors de la Journée de retrait de l’école. La position institutionnelle, par la dissociation opérée entre l’hétéronormativité et l’égalité entre les filles et les garçons, ne permet pas de questionner la naturalité de la différence des sexes, pas plus que la dichotomie établie entre la sexualité et la division des sexes ne permet de promouvoir l’égalité. Elle entrave par ailleurs l’action des professionnel∙le∙s, qui néanmoins, trouve aujourd’hui le moyen de poursuivre la dynamique enclenchée sous d’autres formes (débat-philo par exemple).

64Ce conflit fait émerger une mésentente entre les parents et l’école qui trouve en partie son origine dans la reconnaissance ou le discrédit accordé à chacune des parties dans sa mission d’éducation. On ne peut comprendre comment ce conflit se polarise sur les questions relatives à la sexualité si on omet de considérer les enjeux de transmission et d’identité dont elle est chargée, dans un contexte de racialisation qui perpétue l’ordre colonial, dans lequel genre et race ne peuvent se penser l’un sans l’autre. Paradoxalement, la mésentente permet aux femmes qui ont fait valoir le litige d’adopter une position politique, elles rejoindront un collectif de parents d’élèves, mais l’important réside sans doute dans l’expérience du politique en cela que :

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Ceux qui n’ont pas droit à être comptés comme êtres parlants s’y font compter et instituent une communauté par le fait de mettre en commun le tort qui n’est rien d’autre que l’affrontement même (entre deux modes de l’être ensemble humain).
(Rancière 1995, p. 49)

Notes

  • [1]
    Programme expérimental mis en place à la rentrée scolaire 2013 dans dix académies dont l’objectif est de favoriser la remise en question des stéréo­types sexués.
  • [2]
    Défenseur des droits, « Enquête sur l’accès aux droits. Les discriminations dans l’accès au logement », 2017.
  • [3]
    Rapport - n° 2013-041 - mai 2013. « L’égalité entre filles et garçons dans les écoles et les établissements », IGEN.
  • [4]
    Kovacs Stéphane, « La Manif pour tous décidée à contrer la théorie du genre », Le Figaro, 29/07/2013.
  • [5]
    Tel l’ouvrage « Déjouer le genre à l’école » de Hugues Desmoulin (2013), ou le glossaire accompagnant le colloque « Les violences et le genre à l’école » à Créteil en octobre 2013, au motif qu’il contient le mot tabou.
  • [6]
    Dont Égalité et réconciliation du polémiste d’extrême droite Alain Soral.
  • [7]
    Farida Belghoul, après avoir été une leader de la Marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983 (rebaptisée par les médias, « Marche des Beurs ») rejoint en 2013 le mouvement d’extrême-droite Égalité et réconciliation d’Alain Soral.
  • [8]
    Ainsi le chef du parti UMP (Union pour un mouvement populaire), lors d’une intervention télévisée, manifeste avec virulence son indignation au sujet d’un ouvrage qui représente la nudité : « Copé s’emporte contre le livre Tous à poil », Le Parisien, 9/02/2014.
  • [9]
    L’ouvrage relate l’histoire d’un père qui se travestit pour des raisons professionnelles.
  • [10]
    « Il y a eu une vraie incompréhension, et dès qu’il y a incompréhension, il y a faille. »
    (Claude, inspecteur Éducation nationale)
  • [11]
    Par exemple : « 12 000 signatures en faveur de l’égalité, du genre et de la liberté », Tribune, Libération, 16/02/2014.
  • [12]
    Rapport – n° 2014-047 – « Évaluation du dispositif expérimental ‘ABCD de l’égalité’ ». Paris, La Documentation française, juin 2014.
  • [13]
    En soulignant par ailleurs des éléments non mentionnés par l’institution scolaire : « C’est dans ce sens aussi que nous rappelons que l’homophobie est à combattre au même titre que toutes les discriminations. Nous craignons que ce genre d’actions (JRE 2014) renforce les stéréotypes, la stigmatisation ainsi que les clivages identitaires et communautaires. Nous appelons les parents et les jeunes à être vigilants et à ne pas donner suite à de tels appels qui pourraient porter préjudice à l’équilibre éducatif. » Communiqué de presse 28/01/2014.
Français

Cet article propose de documenter, au niveau local, les positions des acteurs et actrices de l’école lors de l’appel à la journée de retrait de l’école ; d’en identifier les enjeux car, si l’objet au cœur du rapport de force concerne l’éducation à la sexualité, avec en filigrane une possible déstabilisation de l’hétéronormativité, il s’y superpose la tension entre les rôles éducatifs respectifs de l’école et de la famille, greffée sur la question de la citoyenneté dans un contexte de racialisation. Cela donne lieu à la constitution d’un contre-espace public où se tient le débat démocratique, en marge de l’institution scolaire.

Mots-clés

  • Genre (controverse sur le)
  • École
  • Sexualité (éducation à la)
  • ABCD de l’égalité
  • Journée de retrait de l’école
  • Hétéronormativité
Español

El desacuerdo en la escuela de los Tilleuls

De los efectos y algunos desafíos del anuncio de la jornada de retiro escolar en una escuela primaria

Este artículo propone documentar, a nivel local, las posiciones de los actores y actrices de la escuela durante el anuncio del día del retiro escolar; identificar las metas ya que, si el objeto central de las luchas de poder concierne la educación a la sexualidad, con el sobreentendido de una posible desestabilización de la heteronormatividad, se agrega la tensión entre los respectivos roles educativos de la escuela y de la familia, implantada en la cuestión de la ciudadanía en un contexto de racialización. Esto da lugar a la constitución de un contra-espacio público donde se lleva a cabo el debate democrático, al margen de la institución escolar.

Palabras claves

  • Género (controversia sobre el)
  • Escuela
  • Sexualidad (educación a la)
  • ABCD de la igualdad
  • Jordana de retiro escolar
  • Heteronormatividad

Références

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Joëlle Magar-Braeuner
Joëlle Magar-Braeuner est docteure en sociologie et études de genre. Affiliée au LEGS à l’Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, elle a réalisé sa thèse en cotutelle avec l’Université du Québec à Montréal. Elle est membre associée du Réseau québécois en études féministes (RéQEF). Sociologue et formatrice indépendante, elle intervient en France et au Québec dans les milieux de l’éducation et de l’enseignement pour promouvoir les pratiques de la pédagogie critique dans la lutte contre les discriminations. Parmi ses publications :
— (2014). « Égalité, genre et différences sexuées ». In Hauwelle Francine, Rayna Sylvie, Rubio Marie-Nicole (eds). L’égalité des filles et des garçons dès la petite enfance. Toulouse, Érès.
— (2014). « Le concept d’intersectionnalité à l’épreuve de la pratique : l’exemple de la formation ‘Regards croisés sur l’égalité et les discriminations’ » (avec Jacqueline Girardat et Émilie Jung). Nouvelles pratiques sociales, vol. 26, n° 2.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/11/2018
https://doi.org/10.3917/cdge.065.0059
Pour citer cet article
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