1C’est en novembre 1895 que fut réalisée la première radiographie du corps humain, lorsqu’Anna Bertha Ludwig, épouse de Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923), l’inventeur des rayons X, plaça la paume de sa main entre un tube de Crookes [1] et une plaque photographique. L’image ainsi créée, la première d’une longue série, constituait une véritable révolution dans la manière de voir et de percevoir le corps. L’idée d’une corporéité transparente, dont l’intérieur pourrait se voir à l’extérieur, suscita l’intérêt de la communauté scientifique, fascinée par la capacité des rayons X de pénétrer la peau et de révéler la forme anatomique du vivant qui, pour la première fois, se trouvait représenté en image.
2L’histoire de la technologie radiographique se présente comme un parcours linéaire : d’abord objet d’expérimentations et d’opinions contradictoires, la radiographie a ensuite connu une phase d’évolution, qui s’est achevée par son approbation. Plus complexe, en revanche, est l’histoire de la pratique radiologique qui, dès le départ, se caractérise par de profondes inégalités entre les sexes, dues en partie à la domination des hommes — et à la marginalisation des femmes — dans le champ de la science et de la médecine. À cet égard, plusieurs auteures féministes, spécialistes du rapport entre le genre et la science, telles Harding (1991), Keller (1985), Donini (2000), ont montré comment la construction historique et culturelle de la domination des hommes est un processus qu’on peut aussi retracer dans l’histoire des technologies cliniques. C’est au sein même de l’histoire de ces techniques et de leurs images qu’on peut étudier le flux de sens et d’usages que fut ce processus de naturalisation d’une opposition de genre, entre la technologie et la construction du corps des femmes et de leur identité (Demaria, Violi 2008). Pour clarifier cette idée que le corps des femmes a été rendu visible, il nous faut recourir aux analyses de Duden (1991) et Cartwright (1995) en particulier. Ces deux auteures affirment que les outils médico-visuels appliqués au corps féminin construisent en fait, durablement et en profondeur, une certaine représentation du corps, à travers les actions de visualisation et de contrôle qu’ils impliquent. En partant de ces hypothèses théoriques, cet article cherche à montrer comment le processus de redéfinition des corps a été maximisé dans la pratique radiographique. La radiographie s’impose comme un domaine emblématique où la scientificité clinique a cherché à englober les mécaniques de production et de répartition des savoirs scientifiques et médicaux dans le but de contrôler le corps féminin, en établissant des couples oppositionnels tels que : masculin / féminin, observateur / observé, qui renforçaient l’idéologie de genre de cette époque. Pour étudier la relation entre les manières de rendre le corps visible et les technologies radiographiques, j’ai préféré adopter une perspective nourrie par une thématique précise, en prenant comme objet d’enquête les représentations du corps féminin à travers la vision spécifique — et toujours en vigueur — qu’en donne la radiographie. De fait, l’imaginaire associe systématiquement le féminin à la maternité, à la capacité de donner la vie, de mettre au monde ; la force de cette projection mentale peut concrètement se mesurer dans les potentialités offertes par les technologies de l’observation et la pulsion qui pousse à pénétrer du regard les structures du corps (Rothschild 1983). L’entrée de la pratique radiographique dans la réalité sociale d’abord, puis sur le territoire de la maternité, me permet non seulement d’identifier les liens entre les discours scientifiques et la dimension technologique, mais aussi d’étudier le champ de la reproduction comme un cas-limite où les méandres internes du corps féminin sont constamment surveillés et révélés par la technologie de la radiographie, c’est-à-dire qu’ils se trouvent totalement redessinés dans l’iconographie médicale et médiatique, renforçant ainsi l’idée dominante que la femme, comparée à son équivalent masculin, est un être biologique caractérisé par le manque.
Les débuts de la pratique radiographique
3Conformément à l’idée de « technologie du genre » (De Lauretis 1999, p. 99), on peut dire que la radiographie de la main de Mme Rӧntgen (Fig. 1), sur laquelle son alliance est clairement visible, joue un rôle central. Cette image aux rayons X a fait le tour du monde, illustrant trois dimensions en même temps : parce que l’alliance au doigt de Mme Rӧntgen apparaît sur l’image comme « un appendice spécifique de l’os », la radiographie montre en effet à la fois le corps rendu transparent, la dimension de genre du rôle social (incarnée dans cette bague à l’annulaire) et une représentation de la mort — ou plutôt d’un spectre à la fois mort et vivant (Cartwright 1995, p. 15). On a effectivement affaire, avec la radiographie, à une faille dans le continuum du temps. En mettant un squelette sous les yeux du spectateur, l’image produite est à la fois prophétique et prédictive : elle met au présent un avenir dont on ne sait exactement quand il se réalisera, mais qui n’en constitue pas moins un destin universellement partagé. Même perçue au seul prisme de son dispositif technoscientifique, l’image aux rayons X conserve un caractère imaginaire susceptible de lancer l’esprit sur de nouveaux chemins et de susciter de nouveaux horizons mentaux, liés à la connaissance de soi et de son corps, dont le but serait de percer les mystères de la vie et la mort [2]. L’instrument parvient ainsi à produire des figures squelettiques rappelant les memento mori : en cela, il étend les capacités psychiques et perceptives des spectateurs en provoquant des réactions de surprise, de peur et d’étonnement, en particulier chez (et pour) les sujets féminins.
Fig. 1. Radiographie de la main de Bertha Röntgen, 1896

Fig. 1. Radiographie de la main de Bertha Röntgen, 1896
5Impressionnées par la capacité des rayons X de rendre fluorescent l’intérieur du corps, de nombreuses femmes, de toutes les classes sociales, mirent alors leur main en contact avec les rayons cathodiques, pour obtenir une réplique de l’image-prototype de l’épouse de Rӧntgen. Significatif de cette mode, un article intitulé “Her Latest Photograph”, parut dans le New York Times en mai 1898. Le Dr Morton y rapporte le témoignage de plusieurs femmes américaines qui souhaitaient « notamment que [...] leur main soit passée aux rayons X, pour que tous leurs os soient clairement visibles [...] et pour que leurs bagues et leurs bracelets apparaissent bien en relief. Les rayons Rӧntgen n’ont pas la capacité d’effacer le métal : en conséquence, même les os disparaissent derrière celui-ci. Ainsi, les bagues et les bracelets semblent faire partie de la main et du poignet, les diamants sur les bagues laissant de petits vides lumineux là où la lumière les transperce. [...] Les épingles à cheveux sont aussi parfaitement visibles, suspendues à la tête d’une façon qui semble défier la gravitation. » (Morton 1898, p. 14)
6Il existe un lien clair, voire une sorte de relation proxémique, entre les bijoux et le corps féminin : cette association porte effectivement des valeurs affectives et émotionnelles que l’on retrouve partagées quasi universellement, sous la forme d’idées reçues, dans l’imaginaire collectif. Dématérialisée et détachée de toute référence individualisée à un examen médical, l’image diaphane du corps féminin radiographié symbolise un certain nombre de caractéristiques sociales et de genre, également incarnées par les bijoux : la frivolité, la beauté et la vanité (Jordanova 1989). Si d’un côté, la femme désincarnée est investie des qualités — sociales, bien plus qu’esthétiques — de ces accessoires, subissant ainsi une identification totale avec les valeurs incarnées par ces éléments décoratifs et inorganiques, on assiste, de manière symétrique, à un processus d’anthropomorphisation des bijoux ; ceux-ci (« un collier qu’on voit distinctement, un bracelet sur un bras et des bagues aux deux mains » [ibid.]), intégrés dans les plaques radiographiques, sont à ce point fusionnés avec la structure du squelette, que les structures osseuses des femmes radiographiées en apparaissent déformées.
7L’auteur de l’article souligne que l’intention de ces Américaines est bien d’exhiber, à travers les plaques passées aux rayons X, leur véritable beauté, c’est-à-dire de montrer « que la beauté est dans les os, et pas seulement dans la chair » (ibid.) ; il note, en outre, que ce sont surtout les femmes mariées qui font faire des images de leur main aux rayons X, en guise de témoignage de fidélité à leurs maris.
Il existe une radiographie sentimentale, celle des mains jointes de deux amoureux, qui est sans aucun doute un symbole très fort.
9Mais le corps féminin est à la fois représenté et effacé par les rayons X. Il faut noter en effet que le sujet féminin radiographié porte des bijoux et des accessoires pour leur fonction ‘altruiste’ : ces ornements sont ainsi à l’origine de ce que Simmel appelle « la radioactivité de la personne », à savoir l’« irradiation », l’« élargissement » de la sphère sociale de l’individu, qui existe seulement grâce à la reconnaissance des autres (Simmel 1908). La femme, par conséquent, douée pour mettre en lumière les marques de la séduction féminine, affiche une féminité « construite comme une couche décorative dissimulant une non-identité, [...] à la manière d’un masque », synthèse des éléments d’un système culturel et social dans lequel elle est subordonnée à l’homme ; la femme, en effet, soumise aux stéréotypes traditionnels de genre, est contrainte d’être soit objet du regard, soit sujet produisant ce même regard (Doane 1991, p. 42).
10Dans la société de 1895, le dispositif radiographique devint donc un medium pour mettre en scène un certain regard sur le corps féminin en tant qu’il se trouve fixé dans des positions et des rôles spécifiques, de la femme vouée au soin de son mari, à la séductrice rouée, ou immorale et malfaisante. Un article paru dans le supplément littéraire illustré du Petit Parisien en juillet 1897, intitulé « L’applications des rayons X à la douane. Vérifications des colis », présente ainsi le cas d’une « fraudeuse dénoncée par les rayons X ». Passant en revue les différents usages possibles de la radiographie, l’article documente l’étrange manière dont furent combinés la technologie des rayons X et les contrôles douaniers, grâce à l’utilisation d’une ‘lorgnette humaine’ sur une femme coupable [3] (Fig. 2) :
L’expérience [...] a été faite dans la gare de Lyon-Berey. On fit monter [la femme] sur une table qui [...] portait sous ses robes une bouteille d’alcool. L’appareil produisant les rayons X fut placé derrière elle ; de l’autre côté un employé des douanes tenait l’écran. Une, deux, – et ce fut fait ! Sur l’écran révélateur, les terribles rayons X, à qui rien n’échappe, avaient fait apparaître la bouteille habilement dissimulée.
Fig. 2. « L’applications des rayons X à la douane. Vérifications des colis ». Le Petit Parisien, 11 juillet 1897, n° 440, p. 224

Fig. 2. « L’applications des rayons X à la douane. Vérifications des colis ». Le Petit Parisien, 11 juillet 1897, n° 440, p. 224
13La fraudeuse, immobile au centre de la scène, rappelle les poses des modèles dans l’atelier du peintre, mais ici, personne ne s’intéresse à elle : elle a le regard perdu dans le vide, comme si elle suivait le fil invisible de ses pensées, ce qui pourrait symboliser sa solitude. L’attention du spectateur et de chacun des personnages se porte sur la plaque radiographique ; c’est l’équipement visuel qui donne son sens à l’image, au point de générer — dans le sens d’engendrer mais aussi d’assigner un genre — l’identité de la femme [4]. La violation intentionnelle de la sphère privée du sujet féminin est donc claire ici : l’intention est bien d’examiner aux rayons X son comportement, sa vie mais aussi son corps mis à nu (Goffman 1977). Le potentiel invasif des rayons X est également souligné dans ces vers, parus dans Life sous le titre « Lines on a X-ray. Portrait of a Lady » :
Elle est si grande, si élancée et ses os / Ces frêles phosphates carbonates de calcium [...] / Sont si bien rendus par les rayons des cathodes, sublimés / Ses vertèbres dorsales ne sont pas dissimulées / Par l’épiderme, mais sont parfaitement révélées / Et je ne peux que murmurer ‘Ma chérie, Je t’adore’ / [...] Ah ! Charmant, cruel et doux cathodographe ! [5].
15On comprend clairement que l’expérience radiographique n’est pas neutre sexuellement. Ainsi que l’affirme Mulvey, la jouissance des images est réservée à l’homme qui les maîtrise et peut donc regarder la femme selon les modalités et les critères qu’il a lui-même fixés, en sorte qu’elle n’est qu’un objet du regard, et non un sujet autonome promoteur de sens et porteur d’identité [6]. En fait, la radiographie reconfigure le corps féminin comme un terrain de lutte et de pouvoir, et ne l’observe qu’à travers la logique de l’ordre patriarcal qui transforme la différence perçue entre le corps de la femme et celui de l’homme, en une insuffisance, une lacune qu’il convient de travailler et d’exploiter.
La radiographie et la mesure de la reproduction
16L’idéologie selon laquelle il existe une profonde différence entre les sexes est également corroborée par la médecine. Cette différence, c’est la ‘naturalité’ de la femme, c’est-à-dire, comme nous allons le voir, ses particularités liées à la reproduction, qui vont favoriser de nouveaux espaces pour les essais cliniques et, en particulier, pour la radiographie. En effet, comme l’affirme Jordanova, la pratique médicale du xixe siècle développe un modèle de connaissance fondé sur le regard, en tant qu’il est étroitement connecté à l’action de « révéler le corps des femmes pour rendre visible le centre emblématique de leur sexe dans les organes de la génération ». (Jordanova 1989, p. 58)
17Dans cette perspective, je me suis intéressée, dans le champ de la radiographie, à la relation entre le corps et la sexualité, et à la manière dont ces deux concepts sont continuellement soumis à des pratiques d’exploration, d’interprétation, de contrôle et d’observation. L’objectif est de mettre en évidence les dynamiques qui entrent en jeu dans la relation entre les instruments et les sujets féminins. Une telle enquête vise tout d’abord à mettre au jour les stéréotypes sur lesquels reposent les relations entre le genre et la technologie, et, par conséquent, de s’affranchir de l’idée d’une prétendue objectivité scientifique associée aux pratiques des dominants.
18La distinction binaire masculin / féminin fondée sur l’anatomie est mise en évidence, encore une fois, par le Dr Morton, qui observe la façon dont l’outil radiographique nécessite des caractéristiques physiques telles que la minceur et la légèreté, des qualités possédées par les jeunes femmes et les très jeunes filles, par opposition à celles des hommes :
Les bébés et les jeunes femmes sont les plus faciles à photographier. Il est plus difficile pour une personne qui a beaucoup de sang bien rouge, une personne robuste et forte comme un travailleur, d’être pénétrée par les rayons X.
20Pour Morton, la nature physique active le processus de construction de l’identité de genre, déterminée par des différences biologiques : celles-ci définissent soit ce que sont les individus, soit ce qu’ils devraient être lorsqu’ils sont confrontés à la technologie. En effet, ce que je veux souligner ici, c’est la manière dont, dans l’histoire de la relation femme-radiographie, la pratique radiographique apparaît comme un moyen de modeler les dynamiques comportementales des utilisateurs, tout en tirant profit du changement technologique. La femme, prise dans une relation iconique avec le dispositif, s’en trouve marquée, incorporant littéralement le nouveau médium radiographique : cette fusion génère un mécanisme mimétique récursif lorsque les individus produisent des représentations à travers des dispositifs médicaux et médiatiques, qui, à leur tour, créent de nouvelles images du corps.
21Quelques années plus tard, c’est le médecin français, et peintre fameux, Georges Chicotot (1868-1921), chef du département de radiologie de l’Hôpital Broca à Paris en 1908, qui montre comment le corps est le signe le plus éloquent de la différence entre les hommes et les femmes. Dans le tableau Premiers essais du traitements du cancer par les rayons X (Fig. 3), Chicotot représente l’une des premières applications radiothérapeutiques réalisées sur une jeune patiente ; la scène se déroule, non sans une certaine théâtralité, dans le laboratoire de radiothérapie, éclairée par la lumière jaune-vert de la lampe à rayons X. Le décor, sobre, ne montre que l’ameublement le plus essentiel — le tube de Crookes, monté sur un pied en bois ciré et séparé par des parois de verre, la bobine de Tesla [7] et une armoire, avec des boutons qui commandent l’appareil radiothérapeutique. Chicotot souligne ainsi son intention de réaliser une description réaliste de l’opération. La disposition géométrique du tableau est attestée par le positionnement des personnages sur deux axes distincts, l’un vertical et l’autre horizontal, évoquant un environnement et une situation où la division et la hiérarchie entre les sexes sont tout à fait nettes (Goffman 1977). La représentation de la femme n’inspire que la grâce : la couleur de sa peau lisse et translucide, presque marmoréenne, sur le lit d’hôpital, sa figure douce et inquiète, son torse légèrement arqué et penché en avant, donnent au personnage féminin une expression intense et mélancolique, mais sa semi-nudité crue rappelle son statut soumis à la figure du médecin. La posture verticale de celui-ci, accentuée par le fait qu’il ait gardé son chapeau haut de forme, et par son regard fixé vers la montre pour contrôler le temps de l’exposition aux rayons, est le signe de sa position dominante.
Fig. 3 Premiers essais du traitement du cancer par les rayons X

Fig. 3 Premiers essais du traitement du cancer par les rayons X
23Le pouvoir considérable de cette nouvelle technique radiographique met en évidence le contrôle hiérarchique dont le corps féminin est l’objet, comme en témoigne encore le Dr Léon Bouchacourt (1865-1949), chef du département de radiologie à l’Hôpital Dubois en 1911. Les expérimentations radiographiques, présentées dans sa thèse de doctorat, intitulée De l’exploration des organes internes à l’aide de la lumière éclairante et non éclairante. Endoscopies par les rayons de Röntgen (1898), sont effectuées grâce à l’aide d’une insolite table d’examen gynécologique, sur laquelle la patiente, totalement déshabillée, est assise en position de décubitus ventral, c’est-à-dire avec la tête posée sur le siège d’une chaise, le bassin appuyé sur le dossier et les jambes placées, à l’arrière, sur un tabouret (Fig. 4).
Fig. 4. Dispositif gynécologique pour la radiographie du bassin

Fig. 4. Dispositif gynécologique pour la radiographie du bassin
25Le dessinateur veut montrer ce que l’œil humain ne peut pas voir. En pénétrant, à l’instar de l’appareil radiographique, dans la profondeur du corps vivant, il montre concrètement l’intérêt de l’opération en rendant visibles les organes internes et la structure osseuse du bassin (Anceschi 1992). L’image met l’accent sur les aspects morphologiques féminins et renforce les stéréotypes de genre de l’époque : au nom de l’efficacité diagnostique, la patiente est obligée d’exhiber son corps nu sous le curieux appareil radiographique : la scène évoque quelques arrières-pensées érotiques et remet ainsi en question l’objectivité et la scientificité de la discipline médicale, prouvant qu’elles sont une construction sociale et le produit du regard masculin.
26Dans le traité De la Radiographie du bassin de la femme adulte, le Dr Bouchacourt, en outre, montre l’application de rayons X pour la pelvimétrie, déjà expérimentée par son collègue, Henri Varnier :
M. Varnier a exposé cette méthode, qui lui est personnelle [...]. Elle consiste à comparer la radiographie de femmes vivantes avec le bassin, de dimensions connues, d’un squelette, de manière à baser ainsi le pronostic d’un accouchement futur.
28Comme l’a indiqué Roberta McGrath, les relevés radiométriques effectués sur le corps de la femme et comparés au système squelettique de l’homme, prototype pris comme exemple, sont utilisés pour mettre en évidence des troubles pathologiques spécifiques (McGrath 2002, p. 123). Au contraire, lorsque le corps est en bonne santé, c’est la structure osseuse féminine que l’on montre, comme c’est le cas dans l’atlas de William Hunter, Anatomia uteri humani gravidi tabulis illustrata (1774), pour attester de ses capacités reproductives. Ainsi le Dr Bouchacourt utilise des schémas graphiques complexes constitués de points et de lignes dessinant la silhouette sinueuse de la femme enceinte (Fig. 5), pour présenter les mesures de diamètres extérieurs, transversaux et antéro-postérieurs du bassin, en se fondant sur l’idée commune qu’il existe une correspondance entre la forme du squelette pelvien et de possibles complications à prévoir pendant l’accouchement [9].
Fig. 5. De la Radiographie du bassin de la femme adulte

Fig. 5. De la Radiographie du bassin de la femme adulte
30L’analyse mathématique de la morphologie du squelette, qui s’impose comme une obsession paradigmatique des médecins de cette époque, et l’utilisation conjointe de l’outil radiographique, censé fournir des données scientifiques incontestables sur la structure du pelvis, permettent alors de fixer des critères simples, fondés sur la proportion entre les longueurs, les diamètres et les angles, pour classifier selon leur capacité de reproduction, des femmes perçues comme un ensemble composite d’organes et de parties mesurables. Parmi toutes les manières cliniques réglementaires de concevoir le corps féminin, celle relative à la grossesse et à l’accouchement est alors, en effet, l’une des plus développées. Pour contrôler, et, en quelque sorte, exorciser le pouvoir exclusivement féminin de générer une nouvelle vie, les médecins pratiquent même bientôt la radiographie du fœtus en gestation.
31Dans le bulletin Lyon médical : gazette médicale et journal de médecine réunis (1910), les docteurs Trillat, Fabre et Barjon rapportent les expérimentations radiographiques effectuées dès 1896 par le Dr Varnier, qui montrent « le squelette du fœtus avec une grande netteté dans la plupart de ses détails » (Trillat et al. 1910, p. 38). En fait, les plaques sont difficiles à comprendre et ne peuvent capturer les détails des structures osseuses que sur des fœtus morts ou avortés, mais, malgré cela, l’appareil radiographique parvient à fournir des informations suffisantes sur l’état gestationnel et le développement embryonnaire : parce qu’il offre enfin au regard médical le ventre maternel, il finit par imposer sa supériorité sur les autres outils cliniques qui existaient alors. En 1907, différents perfectionnements techniques apportés au tube de Crookes associés aux progrès en matière d’intensité du rayonnement permettent de produire des images plus nettes et lisibles :
Comme on peut voir sur les clichés, le contour de la tête fœtale se détache avec une grande vigueur ; [...] Les vertèbres cervicales, les vertèbres dorsales, avec les côtes, les vertèbres lombaires pourraient être comptées facilement. Les os iliaques sont très visibles sous leur forme caractéristique [...] mais ce qui est plus remarquable, c’est la netteté des membres inférieurs, [...] qui se lisent avec facilité sur la plaque radiographique. En un mot, on voit le fœtus dans tout son ensemble, se détachant nettement de l’image du bassin..
33Les médecins commencent donc à focaliser leur intérêt sur le fœtus, tandis que le sujet féminin est perçu comme une partie d’un corps divisé et fragmenté, jusqu’à subir une réduction métonymique : on ne parle plus du corps de la femme enceinte, mais de « l’utérus et son contenu » (ibid.). Avec la radiographie pelvienne, la frontière entre l’intérieur et l’extérieur du ventre maternel disparaît. Le corps féminin commence, ainsi, à être déconnecté des processus de reproduction et de l’accouchement ; il apparaît démembré entre l’utérus, le contenu fœtal et les trompes de Fallope — autant de termes scientifiques qui, peu à peu, intègrent le langage quotidien, montrant comment la grossesse est devenue l’un des nombreux cas cliniques exigeant une enquête médicale. C’est aussi à travers l’utilisation de l’appareil radiographique qu’on assiste à ce que Barbara Duden a appelé le « passage de la perception synesthésique-tactile à la perception visuelle-conceptuelle » [10] ; en effet, si, dans le passé, le signe annonciateur de la gestation était une expérience kinesthésique, c’est-à-dire basée sur le constat, par une femme, d’un mouvement à l’intérieur d’elle-même qui la faisait passer au statut de femme enceinte, ce sont désormais des outils de visualisation cliniques du fœtus, tels que la radiographie fœtale, qui permettent le diagnostic de la grossesse.
34En août 1913, lors du dix-septième Congrès international de Médecine de Londres, le médecin Julien Potocki et les radiologues Luis Delherm et Albert Laquerrière présentent la première radiographie d’un fœtus de six mois in utero (Fig. 6).
On obtient une image du fœtus en totalité. On est renseigné sur sa situation et sur son développement. [...] Si par exemple on veut préciser les rapports du pôle inferieur avec le bassin on fera une nouvelle radiographie [...] Si l’on veut mieux étudier telle ou telle partie fœtale [...] il convient que son image ne soit pas masquée par une région du squelette maternel. Quand on cherchera à être renseigné sur la mobilité du fœtus, on inclinera la femme de différentes façons, on la fera mettre debout, etc.
36La radiographie s’inscrit alors dans un processus déjà en cours de médicalisation de la grossesse, contribuant à l’expropriation du corps féminin.
Fig. 6. « La radiographie du fœtus in utero »

Fig. 6. « La radiographie du fœtus in utero »
38Toutefois, les plaques fœtales réalisées par Potocki, Delherm et Laquerriere restent très imprécises et difficiles à interpréter, en raison non seulement des mouvements du fœtus dont le squelette est peu ossifié, mais aussi de la faible puissance du dispositif.
39En 1914, le médecin William Cary cherche à améliorer la technique, en utilisant des substances composées de sels d’argent et de collargol, capables de rendre radio-opaques la cavité utérine et les trompes (Pallardy, Wackenheim 1989). Cependant, ces injections ayant des effets secondaires susceptibles d’interférer avec les fonctions organiques du fœtus et de la mère, elles suscitent la crainte et l’inquiétude de bien des femmes (ibid.).
40La défiance envers les rayons X, en outre, se met également à augmenter en raison des graves brûlures causées par les longues heures d’exposition aux rayonnements, dont la durée est souvent supérieure à trois heures. Les médecins et les scientifiques cherchent alors à rassurer les futures mères, en expliquant que les lésions étaient causées par le fait que le tube cathodique était placé trop près de la peau. Toujours dans son article “Her Latest Photograph”, le Dr Morton recommande d’utiliser « un tube placé à 1 mètre, tandis que d’autres le placent à 60 cm, et là où j’expose aux rayons pendant cinq minutes, certains le font pendant une heure. C’est la proximité entre le tube et la peau, ainsi que l’exposition prolongée qui produisent des brûlures. Les femmes n’ont pas peur [...]. Non, à ma connaissance, elles n’ont jamais peur. Une fois qu’on les a assurées qu’il n’y a aucun danger, elles acceptent les rayons sans les redouter. » (Morton 1898, p. 14)
41Tout en insistant sur l’attitude téméraire des femmes vis-à-vis de la pratique radiographique, le Dr Morton montre comment l’impératif catégorique de la radiographie ne pourrait être plus évident dans sa capacité à construire et à cartographier le corps féminin, dans la mesure où elle en facilite à la fois la perception et le contrôle. Le corps n’est pas simplement vu, montré en image et décrit, mais véritablement construit au point d’influencer également la manière dont il est expérimenté. La pratique radiographique, de ce point de vue, circonscrit et définit la matière corporelle, tant dans les organes que dans les systèmes, en leur attribuant des fonctions et des significations qui, dans le cas des femmes, sont essentiellement vues sous l’angle de leurs capacités reproductives. En effet, dans les années 1920-1930, les expérimentations pionnières des Français et des Italiens dans le domaine gynécologique se focalisent sur la mise en œuvre et l’amélioration de l’hystérosalpingographie, qui est une méthode fondée sur l’effet de contraste, c’est-à-dire, plus précisément, sur l’injection de produits créant un contraste et permettant, lors de l’examen radioscopique, une meilleure visibilité de l’utérus, du canal cervical et de l’ostium abdominal (Cardinale 1995). Par conséquent, la radiographie, me semble-t-il, repose sur l’idée que voir est fondamental, que ce soit pour acquérir ou pour transmettre les connaissances sur les corps, devenus transparents et malléables. Ces constats sont encore plus évidents et significatifs dans l’iconographie gynécologique et dans les observations et les explorations dont les organes génitaux comme les ovaires, le col de l’utérus, les trompes de Fallope sont l’objet. Toutefois, le risque de complications liées aux modes d’exécution et au choix des produits de contraste, ainsi que le caractère décevant des images fœtales produites, entraînent, vers la fin des années 1950, le déclin progressif de la radiographie obstétricale, alors remplacée par de nouvelles techniques d’imagerie — en particulier l’échographie fœtale — qui, peu à peu, vont profondément changer non seulement le scénario de la reproduction, mais aussi le rapport des femmes avec leur propre corps et leur grossesse.
Le dépistage mammographique
42Après l’avènement de l’échographie, on assiste à une diminution de l’utilisation des diagnostics radiographiques dans le domaine obstétrique. Toutefois, dans ce contexte de changement permanent et de redéfinition des supports d’imagerie, l’application de la radiographie au corps féminin ne cesse pas. Avec le raffinement des appareils, qui démultiplient les possibilités offertes par l’étude radiographique et permettent une meilleure définition des images, l’intérêt médical quitte le domaine gynécologique pour aller vers le domaine sénologique.
43La naissance et l’évolution du dépistage du cancer du sein sont marquées par la contribution de différents personnages et par la succession de plusieurs inventions. En 1949, le médecin uruguayen Raul Leborgne (1907-1986) expérimente la technologie des rayons X pour étudier le tissu mammaire et identifie la nécessité de le compresser pour une sélection plus précise (Van Steen, Van Triggelen 2007).
Fig. 7. “Diagnosis of Tumors of the Breast by Simple Rontgenography”

Fig. 7. “Diagnosis of Tumors of the Breast by Simple Rontgenography”
45La photographie de couverture de l’essai “Diagnosis of Tumors of the Breast by Simple Rontgenography” est emblématique (Fig. 7). La patiente, passive et l’air absent, écrasée contre un mur blanc pour que soit mieux mis en valeur les contours sombres de l’instrument mammographique, se tient debout, dans une position fixe et contrainte, alors qu’elle tient les plaques dans sa main conformément au protocole standard de cette époque. L’environnement est stérile et anonyme : le visage censuré de la femme empêche toute individualisation, ce qui souligne, encore une fois, le fait que le regard médical ne s’est toujours pas affranchi de l’héritage d’une vision clinique qui fait du corps féminin un objet soumis à l’observation (Pizzini 1999).
46La technique mammographique s’affine en 1965, lorsque le radiologue français Charles Marie Gros (1910-1984) demande à la Compagnie générale de radiologie (CGR) de Paris de trouver un moyen de développer, pour le dépistage du cancer du sein aux rayons X, un appareil constitué d’un tube cristallographique à rayons infrarouges monté sur une caméra à trépied. En 1966, le premier ‘sénographe’, c’est-à-dire la première mammographie du sein, représente une véritable révolution, dans la mesure où la technique mammographique permet de visualiser de très petites lésions et la compression conique du carcinome multifocal, comme le montrent les images publiées dans le texte Sénographe (Fig. 8) (Van Steen, Van Triggelen 2007).
Fig. 8. Charles Marie Gros, Sénographe

Fig. 8. Charles Marie Gros, Sénographe
48Dans les analyses des radiographies du sein, il est essentiel que l’observateur non spécialiste examine bien la légende et l’image en lien l’une avec l’autre pour comprendre ce qui est montré : la légende est une explication auxiliaire, susceptible de permettre la lecture de l’image en donnant un sens aux plis et aux anfractuosités qu’on peut y voir. En cela, l’intention du Dr Gros n’est pas forcément de rendre l’image compréhensible aux personnes néophytes ou inexpérimentées en matière de morphologie anatomique interne, mais simplement de la rendre plus visible. Le corps féminin, en effet, n’existe dans ces images que comme entité fragmentée : il est vu à travers les tissus corporels, privé de peau et de muscles, aplati en une sorte de réduction métonymique (Fig. 8). Quand on montre le corps féminin, on ne voit généralement que la structure des muscles et des tissus fibreux qui recouvrent les glandes mammaires. On peut ici se référer aux questions posées par Anne Balsamo pour montrer la manière dont le genre s’incarne non pas dans les organes génitaux, mais dans les pratiques discursives, technologiques et figuratives qui mettent en œuvre une construction spécifique du corps féminin :
Quand le corps est fragmenté entre différents organes [...] qu’en est-il de l’identité de genre ? [...] Quel est le rapport entre les parties reconstituées du corps et l’identité de genre ?
50Le recours systématique et répété à cet examen pour repérer rapidement l’apparition de possibles pathologies devient dès la fin des années 1970 un passage obligé pour le dépistage de prévention et ce, en dépit des craintes liées à l’exposition aux rayonnements et de l’inconfort, dénoncé par les femmes, de cet examen qui implique de comprimer les seins entre les deux plaques de l’appareil. Pour toutes ces raisons, on peut assurément répondre par l’affirmative à l’une des questions qui se trouvent au fondement de ce travail — en l’occurrence : « La pratique radiographique et ses représentations sont-elles marquées par des stéréotypes de genre ? ». Les images cliniques qui sont analysées ici, sont produites par un outil créé pour rendre compte des méandres du corps féminin, mais elles sont en réalité le fruit d’une perspective fallacieuse, fondée sur l’idée qu’il existerait des constructions identitaires exclusives et stabilisées.
52L’intérêt d’étudier la radiographie du point de vue de la théorie des médias et du genre réside dans sa transformation exceptionnelle : perçue comme un nouveau dispositif médical pour la production d’images, la radiographie reflète une volonté de dépasser l’invisible, de scruter et d’explorer les phénomènes corporels de l’intérieur. En particulier, mon intention, dans cet article, a été de retracer les parcours cognitifs initiés par la pratique radiographique. L’interaction dialectique entre la vie et la mort y rejoint celle qui existe entre le visible et l’invisible, la science et le surnaturel. À travers la radiographie, on peut comprendre comment chaque approfondissement de la connaissance, qu’elle soit scientifique ou intime, implique de dépasser les limites posées par le quotidien, où s’épanouissent la peur aussi bien que l’émerveillement et la curiosité pour la science et son répertoire technologique. Peu après, cependant, ce dispositif novateur, bien qu’à l’origine de représentations inédites de la corporéité, s’est avéré le lieu d’une reproduction des identités sexuelles structurées par les stéréotypes de genre, si bien que l’avènement de l’instrument radiographique apparaît comme l’histoire d’une prise de possession du corps féminin par des médecins presque exclusivement de sexe masculin. En effet, la relation entre la femme et la radiographie s’incarne dans un système, aussi matériel que symbolique, où le corps féminin est reconstruit dans le cadre de cette alliance entre l’homme et la technologie : ainsi, les rayons X préservent et produisent une image du corps sexué pris dans des processus contraignants, tels que ceux de la reproduction et de la fertilité. Cependant, la déconstruction — que je me suis efforcée de mener ici — de l’association simpliste et restrictive entre le corps féminin et ses capacités de reproduction, ne m’a pas conduite à introduire dans l’équation le troisième élément que serait le corps masculin. Dans cette perspective, il apparaît nécessaire de réfléchir, pour de futures recherches, aux changements induits par les techniques radiographiques dans la manière de penser et de représenter non seulement le corps féminin, mais aussi le corps masculin : cela permettrait de mieux saisir les dynamiques iconographiques à l’œuvre. Par ailleurs, le fait que je me sois attardée ici sur le corps féminin s’explique par le fait qu’il s’est imposé bien plus nettement que le corps masculin, comme le lieu par excellence de l’expérimentation radiographique. Plus précisément, le savoir pratique sur le corps féminin constitué par la radiographie a ainsi permis d’établir et de légitimer l’idée d’un rapport privilégié entre la nature biologique féminine et la définition de l’être-femme. Même si les différents systèmes technologiques réécrivent le corps, la corporéité des femmes est continuellement décodée au prisme du sexuel, et l’utérus comme le sein sont toujours le symbole d’un genre féminin qui serait, par excellence, le lieu de la reproduction.
Notes
-
[1]
Le tube de Crookes, inventé par William Crookes (1832-1919) en 1874, est un tube en verre sous vide partiel, contenant un gaz hautement raréfié, avec deux électrodes à chaque extrémité : sous l’effet d’un champ électrique, l’activité synchrone des électrons entre le pôle négatif (cathode) et le pôle positif (anode) génère des phénomènes de fluorescence lumineuse. Cf. Pallardy, Wackenheim (1989).
-
[2]
Sur le lien tissé entre les expériences rituelles, célébrées dans le cadre du culte des morts, et les actions symboliques entreprises par l’homme sur les images, voir Belting : « Le médium incarnait le corps du défunt, comparable aux corps des vivants qui substituaient symboliquement le mort à l’image. Ainsi, dans ce cas, le corps était un lien non entre l’image et le spectateur, mais entre la mort et la vie. » (Belting 2005, p. 41)
-
[3]
La ‘lorgnette humaine’, conçue par Gaston Séguy en 1896, l’un des premiers ingénieurs de l’École de Pharmacie de Paris, permet de faire des examens radiographiques n’importe où, sans qu’il y ait besoin d’une obscurité totale : il suffisait de protéger les yeux de l’opérateur lors de l’exposition aux rayons X. (Van Tiggelen, Pringot 1995)
-
[4]
De Lauretis utilise le néologisme engendrer (en-gender), pour faire référence à la fois au verbe générer et au terme genre, ce qui signifie que le sujet est « généré dans le genre », c’est-à-dire que ce dernier est une construction sociale qui définit l’identité. (De Lauretis 1999, p. 99)
-
[5]
« She is so tall, so slender, and her bones / Those frail phosphates carbonates of lime [...] / Are well produced by cathode rays sublime, / Her dorsal vertebrae are not concealed / By epidermis, but are well revealed / And I but whisper, “Sweetheart, Je t’adore” / [...] Ah! Lovely, cruel, sweet cathodagraph! »
-
[6]
Mulvey montre comment la société patriarcale structure, de manière inconsciente, les formes de jouissance des médias — en particulier du cinéma — et l’expérience du spectateur (Mulvey 1975).
-
[7]
La bobine de Tesla, un dispositif construit par Nikola Tesla (1856-1943), agit comme un transformateur de courant, remplaçant la bobine de Ruhmkorff qui était un transformateur de courant à induction, utilisé pour faire fonctionner le tube de Crookes. Cf. Van Tiggelen, Pringot (1995).
-
[8]
Sur la pelvimétrie, cf. Thoms (1956).
-
[9]
La nécessité de mesurer les proportions du corps n’est pas une nouveauté du xixe siècle. Dès la fin du xviie siècle, l’anthropométrie est considérée comme une science fiable, à la suite de l’introduction du système métrique décimal et des premières mesures, prises d’abord sur le crâne, par Camper (Demonstration um anatomico-patologicarum libri [1760-1762]), puis sur tout le corps humain, par Buffon (Histoire Naturelle [1749-1804]). Avec la découverte des rayons X, qui permet de classer le corps non seulement en fonction de ses caractères externes, mais aussi à partir des structures physiques invisibles à l’œil nu, les recherches sur les différentes morphologies corporelles se sont multipliées, en particulier dans le domaine de l’étude des organes reproducteurs, c’est-à-dire de la différence sexuelle, dans une logique de normalisation des mesures de la ‘femme moyenne’.
-
[10]
« Le stéthoscope, puis les rayons X et, aujourd’hui, l’appareil à échographie ont envahi, étape par étape, l’intégralité du corps féminin. [...] La grossesse est devenue techniquement vérifiable. »