CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Cette célèbre formule, attribuée au créateur de la psychanalyse, alors qu’il s’approchait du Nouveau Monde, au témoignage de Jung relayé par Lacan (au point qu’on l’ait soupçonné de l’avoir inventé !), présentant la révélation de la psychanalyse et sa transmission au moyen de cette métaphore violente de la contagion épidémique, nous place in medias res, au cœur de la question. Que voulait-il signifier ainsi ? Les Américains, au début du siècle dernier, accusaient réception du produit freudien avec l’espoir qu’il contribuât à dégager la part d’ombre, comme on dit, au cœur des individus et de la civilisation du self, alors que lui Freud savait ce que l’inconscient n’était pas, ni une planche de salut ni un condiment psychologique, mais un réel résistible, avec ce que cela comporte de violence, bref un fléau en son genre. Que devient la « psychologie du moi » une fois contaminée… par l’inconscient (freudien) ? De fait l’évangélisme psychothérapeutique, après un certain enthousiasme de conciliation, aura du mal somme toute à digérer cette pitance, cet os voué à rester au travers de la gorge – Freud ne l’aura jamais perdu de vue, au milieu d’un accueil des plus cordiaux à Manchester. Voilà du coup le geste surenchérissant du nommé Lacan, et on comprend qu’il ait apprécié la formule. Mais après tout, dans le récit mythique, Œdipe est accusé d’avoir répandu la peste à Thèbes et le complexe qui lui a donné son nom est un véritable explosif, à bien le considérer, qui vient « empoisonner » la psychologie…

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Dans quelle mesure la contagion, comme phénomène organique et processus social, ressortit-elle à la logique inconsciente ? Répondre à cette question passe par une exploration sémantique précise du signifiant « contagion » chez Freud, en tant que ce phénomène renvoie à la clinique du sujet. La « contagion psychique » mise au jour depuis l’hystérie renvoie à la dialectique de l’identification, entre symptôme et lien social – puis à l’obsession de la contamination, de la paranoïa au « délire à deux ». C’est la question du tabou qui en éclaire l’enjeu symbolique. On trouve à partir de là un point de bascule dans la question majeure de la réciprocité des sentiments, en opposition à la disparité subjective. Réaborder l’amour comme « maladie contagieuse » : ce chassé-croisé, pour être vertigineux, n’en éclaire que mieux la question du lien entre affection et infection et permet de revenir à la condition pandémique qui, gommant le sexuel, n’en est pas moins éclairé par la si bien dite « maladie d’amour ».

  • contagion
  • contamination
  • peste
  • hystérie
  • obsession
  • délire
  • amour
  • énamoration
  • liaison/ déliaison
  • empathie
  • réciprocité
Paul-Laurent Assoun
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/05/2022
https://doi.org/10.3917/cpc.058.0011
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